LE GRAND ENTRETIEN de Claire Chazal Amélie Nothomb
“Avec Soif, l’auteure est peut-être entrée dans le dur de sa personnalité”
LE LIVRE. Amélie Nothomb a déjà écrit une centaine de livres. Ils sont, pour la plupart, toujours rangés dans ses tiroirs, puisque ce dernier ouvrage, Soif, est seulement le vingt-huitième à paraître. Car depuis l’âge de 17 ans, elle n’a jamais cessé d’écrire, ce qui la sauve alors d’une adolescence « saccagée » – des années marquées par un viol, l’anorexie, le silence. L’auteure de Métaphysique des tubes a certes adoré une enfance nomade passée au Japon, ou ailleurs en Asie, au gré des postes de son père ambassadeur, mais le retour en Belgique est douloureux. Grâce aux Lettres à un jeune poète, de Rainer Maria Rilke, sorte de viatique pour tout créateur, elle trouve le chemin des mots. À partir de là, les histoires qu’elle s’est toujours racontées durant ses nuits d’insomnie, elle les couche sur le papier. Et chaque année, sans exception, le nouveau Amélie Nothomb nous arrive, séduit des cohortes de lecteurs et installe son auteure en majesté dans le petit monde littéraire. Le charme nothombien opère; sa maestria verbale, son sourire un peu extatique sous un grand chapeau de fée Carabosse font le reste. Il faut dire que, depuis Hygiène de l’assassin, son premier roman sorti en 1992, manifeste sur l’art d’écrire, elle développe un univers original, revisitant les contes et les mythes, ou se livrant dans des autobiographies romancées. Ses histoires sont romantiques (Ni d’Ève ni d’Adam) ou pleines d’autodérision (brillante description du monde de l’entreprise japonaise dans Stupeur et Tremblements). Il y a toujours de l’humour, voire de la loufoquerie ou de l’excentricité. Et de la cruauté parfois : « Ce sont mes origines belges »,explique-t-elle. Avec , l’auteure est peut-être entrée dans le dur de sa personnalité. Elle creuse plus profond. Et ose parler de Jésus à la première personne. Le Christ lui est familier depuis la toute petite enfance. Elle l’aime et ne supporte pas qu’il ait pu souffrir sur la croix. Et voilà qu’elle raconte comment cet être de chair, capable d’aimer, de boire, va être condamné au calvaire. C’est poignant, dérangeant et stimulant.
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