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La pierre rejetée par les bâtisseurs: L’«intrication prophétique» des Écritures
La pierre rejetée par les bâtisseurs: L’«intrication prophétique» des Écritures
La pierre rejetée par les bâtisseurs: L’«intrication prophétique» des Écritures
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La pierre rejetée par les bâtisseurs: L’«intrication prophétique» des Écritures

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L’auteur a remarqué une particularité du texte biblique qui présente une analogie avec un phénomène mis en évidence par la mécanique quantique. Il semble en effet que, pour paraphraser une définition de ce phénomène, dans certaines conditions, deux passages bibliques se retrouvent dans un état d’intrication, tel qu’ils ne forment plus qu’un seul système dans un sens subtil. Dès lors, toute observation effectuée sur l’un des passages affecte l’autre, et ce quelles que soient leurs différences littéraires et la distance chronologique qui les sépare.
C’est le cas du Psaume 69, 6, qui, parmi plusieurs oracles prophétisant les souffrances du Christ, émet ces mots qui semblent s’appliquer au peuple juif par intrication prophétique : «Ô Dieu, tu sais ma folie, mes offenses sont à nu devant toi». Or le Christ des chrétiens n’a pas péché. Autre cas : la prescription du livre de l’Exode concernant l’agneau pascal : «Vous ne briserez aucun de ses os» (Ex 12, 46 ; Nb 9, 12), que l’Évangile de Jean considère comme une prophétie dont l’accomplissement a lieu quand le centurion, constatant que Jésus est déjà mort, s’abstient de lui briser les jambes (Jn 19, 36).
Le titre du livre illustre le changement radical de perspective qu’induit cette découverte. Pour les chrétiens, Jésus est «la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs», dont le Psaume 118 (v. 22), suivi par le Nouveau Testament (Mt 21, 42 ; Ac 4, 11, etc.), affirme qu’elle «est devenue la pierre d’angle». Pourtant, il se peut que ce verset ait aussi, une autre portée, eschatologique, en la personne collective du peuple juif qui, au temps connu de Dieu, constituera, à son tour, cette pierre, rejetée par les nations, dans l’indifférence complice d’une partie de la chrétienté (cf. Mt 5, 13 et Rm 11, 20), persuadée que c’est elle qui porte la racine et non l’inverse (Rm 11, 18). Il est écrit en effet : «en ce jour-là je ferai de Jérusalem une pierre pesante pour tous les peuples, et tous ceux qui la soulèveront se blesseront grièvement. Et contre elle se rassembleront toutes les nations de la terre.» (Za 12, 3).
Si cette particularité est bien inhérente à la portée prophétique dont Dieu a «équipé» sa Parole, il se peut qu’elle aide les chrétiens à entrer dans ce «mystère [...] porté à la connaissance de toutes les nations afin qu’elles obéissent à la foi.» (Rm 16, 25-26). C’est peut-être, suggère l’auteur de cette obéissance-là que parle Pierre, en ces termes : «À vous donc, qui croyez, l’honneur, mais pour les incrédules, la pierre qu’ont rejetée les constructeurs, celle-là est devenue la tête de l’angle, pierre d’achoppement et roc qui fait tomber» (1 P 2, 7-8). Or, les chrétiens croient que seul le judaïsme incrédule est visé par cet oracle, alors qu’il a aussi pour but de les mettre en garde de ne pas rejeter le dessein de Dieu, sous peine d’être «retranchés, eux aussi» (cf. Rm 11, 22), comme il est écrit : «Avec colère, avec fureur, je tirerai vengeance des nations qui n’ont pas obéi». (Mi 5, 14).

LanguageFrançais
Release dateJun 6, 2013
ISBN9781301762491
La pierre rejetée par les bâtisseurs: L’«intrication prophétique» des Écritures
Author

Menahem R. Macina

Naissance: 1936 (France) Etudes supérieures: Université Hébraïque de Jerusalem (1977-1982). Licence d'Histoire de la Pensée juive (1980) + cycle complementaire de Patristique et de littérature chrétienne syriaque (1980-1982). Domaines de recherche: schisme Eglise-Synagogue; messianisme juif et chrétien; eschatologie; millénarisme. Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Menahem_Macina ------- Born: 1936 (France) High School: Hebrew University, Jerusalem (1977-1982) BA History Jewish Thought (1980) + Complementary studies in Patristics and Syriac literature (1980-1982). Research Fields: Doctrinal polemics between Church and Synagogue; Jewish and Christian messianism; eschatology; millenarism. Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Menahem_Macina

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    La pierre rejetée par les bâtisseurs, qui porte pour sous-titre : «L’intrication prophétique des Écritures», est, nous dit l’auteur, plus un témoignage spirituel engagé [qu’un] essai théologique, ce qu’il est pourtant à sa manière. Il part de l’Écriture et, adoptant une ligne d’interprétation taxée de «littéraliste» par bien des spécialistes, cherche à montrer que les événements contemporains sont les prodromes d’une réalisation de l’Écriture. Il résume ainsi son propos :

    «La thèse centrale de l’ouvrage est que Dieu a rétabli le peuple juif, et qu’il est temps pour la chrétienté de prendre au sérieux le fait que le dessein de salut de Dieu, s’il englobe l’humanité entière, concerne a fortiori son peuple, trop longtemps considéré comme n’ayant plus aucun rôle à jouer. Cette conviction forte, il la tire d’une certitude : la puissance de la Parole de Dieu, transmise par les Traditions juive et chrétienne.»

    «L’intrication prophétique », concept qu’il forge par analogie avec l’intrication quantique en physique, traduit l’une des caractéristiques de l’Écriture d’être, comme le dit Irénée de Lyon à propos de Gn 2, 1 : «à la fois un récit de ce qui s’est produit dans le passé, tel qu’il s’est déroulé, et une prophétie de ce qui sera» (Adversus Haereses, V, 28, 3).

    L'ouvrage est une longue méditation en cinq parties sur les conséquences à tirer du fait que «Dieu a rétabli son peuple» et qu’il est nécessaire, pour les Chrétiens, de prendre conscience de l’insuffisance de [leur] connaissance du dessein mystérieux de Dieu sur les «deux» [peuples] dont le Christ «a fait un» (Ep 2, 14). En effet, si, pour les Chrétiens, Jésus, « la pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs », dont le Psaume 118 (v. 22), suivi en cela par le Nouveau Testament (Mt, 21, 42 ; Ac 4, 11 ; etc.), affirme qu’elle «est devenue la pierre d’angle» […], il se peut que ce verset aussi, précisément par la médiation unique du Christ, ait une autre portée, eschatologique celle-là, en la personne collective du peuple juif qui, au temps connu de Dieu seul, constituera, à son tour, cette pierre, rejetée par les nations, dans l’indifférence complice d’une partie affadie et enorgueillie de la Chrétienté […].

    Dans la première partie, l’auteur étudie le sens (duel) de l’élection dans la Bible et met le doigt sur la longue ignorance théologique qui a permis à l’Église d’élaborer sa “théologie de la substitution”.
    Dans la seconde partie, il revient sur l’hostilité des Nations à l’égard d’Israël telle qu’elle peut être analysée à travers la Bible.
    Dans la troisième partie, il médite sur la genèse scripturaire, l’annonce eschatologique et le sens de la «restitution à Israël du royaume de David».
    Dans la quatrième partie, il s’interroge sur le sens de l’aliénation d’Israël par la Chrétienté et de la contestation, par certains Chrétiens, de la légitimité de l’État d’Israël contemporain.
    Il conclut enfin, dans la cinquième partie, sur la nécessité d’une véritable repentance, Israël étant, en quelque sorte, une «épreuve» pour les Nations et pour la Chrétienté.

    Selon l’auteur, l’Écriture enseigne que les deux, Israël et l’Église, ont été voulus par Dieu et qu'il convient de comprendre quel rôle l’un et l’autre sont appelés à jouer ensemble, et en particulier, pour les Églises, d’apprécier à sa juste valeur le rôle que le peuple juif est appelé à jouer dans la phase finale du dessein de salut de Dieu.

    Prof. Yves Chevalier
    Directeur de la revue Sens, de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, Paris.

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La pierre rejetée par les bâtisseurs - Menahem R. Macina

L’ «intrication prophétique» des Écritures

La thèse centrale de cet ouvrage est que «Dieu a rétabli le peuple juif», et qu’il est temps pour la chrétienté de prendre en compte le fait que le dessein de salut de Dieu, s’il englobe bien l’humanité entière, concerne, a fortiori, son peuple, que les Églises ont trop longtemps considéré comme n’ayant plus aucun rôle à y jouer. Conscient de ce que cette perspective a de révolutionnaire – puisque l’opinion reçue en chrétienté est que les Juifs ne seront intégrés que s’ils ne demeurent pas dans l’incrédulité –, l’auteur estime qu’il y a présomption à préjuger du dessein de Dieu, dont l’accomplissement ultime reste encore mystérieux. Il expose une conception – audacieuse en apparence, mais pourtant solidement fondée sur les Écritures et la tradition patristique – du dessein de salut de Dieu sur les «deux peuples dont le Christ a fait un», qui, si elle a peu de chances d’être «reçue» dans le contexte théologique actuel, devrait au moins inciter les chrétiens à «ne pas s’enorgueillir», mais à «prendre garde que Dieu, qui n’a pas épargné les branches naturelles, ne les épargne pas davantage».

Du même auteur

Chrétiens et juifs depuis Vatican II. État des lieux historique et théologique. Prospective eschatologique, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2009.

Les frères retrouvés. De l’hostilité chrétienne à l’égard des Juifs à la reconnaissance de la vocation d’Israël, éditions L’Œuvre, Paris, 2011.

L’apologie qui nuit à l’Église. Révisions hagiographiques de l’attitude de Pie XII envers les Juifs. Suivi de contributions des professeurs Michael Marrus et Martin Rhonheimer, éditions du Cerf, Paris, 2012.

Confession d’un fol en Dieu, éditions Docteur angélique, Collection Témoignage mystique, Avignon, 2012.

Un voile sur leur coeur. Le «non» catholique au royaume millénaire du Christ sur la terre, Éditions Tsofim, Limoges, 2013.

Les Églises face à la déréliction des juifs (1933-1945). Impuissance ou indifférence chrétiennes ? Éditions Tsofim, Limoges, 2013.

Présentation de l’ouvrage

Bien qu’il ne manque pas d’analyses et d’excursus sérieux, voire techniques, cet ouvrage affecte davantage la forme d’un témoignage spirituel engagé que celle d’un essai théologique, ce qu’il est pourtant, à sa manière. Au fait des travaux des biblistes et exégètes, l’auteur s’inscrit néanmoins dans une ligne d’interprétation – taxée de «littéraliste» par bien des spécialistes – qui voit, dans des événements contemporains, les prodromes d’une réalisation des Écritures. Il privilégie la conception d’Irénée, pour qui tel passage de la Bible (ici Gn 2,1) est «à la fois un récit de ce qui s’est produit dans le passé, tel qu’il s’est déroulé, et une prophétie de ce qui sera». En fait, son exégèse s’inscrit dans le droit fil de celle des Pères de l’Église d’Asie mineure des second et troisième siècles – dont l’un des plus illustres représentants fut Irénée de Lyon (IIe s.), qui croyaient en un Royaume eschatologique millénaire du Christ sur la terre.

La thèse centrale de l’ouvrage est que Dieu a rétabli le peuple juif, et qu’il est temps pour la chrétienté de prendre au sérieux le fait que le dessein de salut de Dieu, s’il englobe l’humanité entière, concerne a fortiori son peuple, trop longtemps considéré comme n’ayant plus aucun rôle à y jouer. Conscient de la marginalité de sa perception – l’opinion reçue en chrétienté étant que les juifs ne seront pas intégrés tant qu’ils ne croiront pas au Christ –, il estime qu’il y a présomption à préjuger du dessein de Dieu, dont l’accomplissement ultime reste encore caché. Sachant que sa conception – audacieuse quoique solidement fondée sur les Écritures et la Tradition – du dessein de salut de Dieu pour les «deux [peuples] dont le Christ a fait un» (Ép 2, 14), a peu de chances d’être reçue par les théologiens, il l’expose aux chrétiens qui ne se sont pas «enorgueillis» et prévient les autres que «Dieu, qui n’a pas épargné les branches naturelles, ne les épargnera pas davantage» s’ils deviennent «incrédules» (cf. Rm 11, 20-21.32).

Licencié en Pensée juive de l’Université hébraïque de Jérusalem, M. Macina a été chercheur et maître de conférences invité dans deux universités catholiques. Il est l’auteur de quelques ouvrages et monographies, ainsi que de nombreux articles, qui traitent du dessein de Dieu sur le peuple juif et les nations chrétiennes.

Notes et liens : mode d’emploi

Cette notice s’adresse en particulier aux internautes peu familiarisés avec les sites, les blogs et leurs fonctions. Les plus expérimentés peuvent se passer de la lire. Je leur conseille malgré tout d’y jeter un coup d’oeil et surtout de bien examiner le point 2, intitulé «Les références bibliques».

1. Les liens à des sites, blogues et autres pages Web

Même débutants, les internautes connaissent ou apprendront vite à connaître l’usage des liens (en fait hyperliens). Leur importance est particulièrement grande dans des ouvrages tels que celui-ci. J’y ai eu massivement recours pour fournir à celles et ceux qui le consulteront des informations et des pistes de recherche concernant des notions, des faits historiques et des problématiques dont l’interprétation est controversée, voire qui prêtent le flanc à la polémique. On remarquera que je renvoie fréquemment à l’encyclopédie populaire en ligne Wikipedia, ce qui aura probablement pour effet de susciter l’ire de ses nombreux détracteurs qui considèrent ses contenus comme amateurs, orientés, voire ignares, et, en tout état de cause, majoritairement insuffisants. Étant moi-même contributeur occasionnel de cette base participative de savoir, j’en connais les limites et les inconvénients, mais, quoi qu’en disent des snobs et des fâcheux, je considère que certains de ses articles sont d’excellente qualité, et que même ceux qui sont de moindre valeur suffisent souvent au moins à dégrossir les problématiques qui ne sont pas familières aux internautes peu instruits ou insuffisamment documentés. Autre avantage, outre la gratuité d’accès : la stabilité de Wikipedia. Même s’il est indéniable que d’autres sources fournissent une information de qualité souvent supérieure, elles ont cependant le grave inconvénient de ne pas être pérennes, et il n’est pas rare que des liens qui y renvoyaient disparaissent ou n’aboutissent plus, ce qui n’est jamais le cas des pages de Wikipedia.

2. Les références bibliques

J’ai beaucoup hésité avant de décider vers quels sites faire pointer les liens des très nombreuses références bibliques que contient mon livre. Je voulais en effet tenir compte à la fois des internautes ayant un minimum de familiarité avec les langues originales des Écritures (hébreu pour la bible juive, et grec pour le Nouveau Testament), et des internautes qui ne peuvent les lire qu’en langues modernes. J’ai finalement opté pour deux sites, d’accès gratuit, qui affichent une version bilingue des textes bibliques, et dont la pérennité s’est avérée jusqu’à ce jour :

• Site de l’Institut Mambré pour la bible en hébreu (texte massorétique) et en français (texte de la Bible du Rabbinat).

• Site Soleil d’Orient pour le Nouveau Testament en grec (Texte de l’époque byzantine) et en français (version Louis Second 1910).

Pour être honnête, je ne cacherai pas que ces choix comportent bien des inconvénients, et le principal (sans entrer dans les détails techniques) : les différences, souvent significatives, entre la version française (tant de la bible hébraïque que du Nouveau Testament) et celles qu’utilisent habituellement les passionnés de Bible, moi compris. La traduction protestante (Segond) du Nouveau Testament est largement répandue et ne diffère pas considérablement de celles des bibles catholiques. Il en va tout autrement de la traduction française de la Bible juive (Rabbinat), qui est assez déconcertante pour qui n’en est pas familier. Son principal défaut, à mes yeux, est de recourir presque systématiquement à la périphrase là où la littéralité du texte est de nature à choquer le fidèle juif, ou peut donner lieu à des interprétations hétérodoxes.

Seul avantage de ces inconvénients : le dépaysement par rapport à une lecture routinière des versions auxquelles les passionnés de la Parole de Dieu recourent habituellement. Le seul fait d’être confronté à un texte qui n’est pas familier oblige les lecteurs à approfondir le sens de versets bibliques qui ne leur avaient guère fait problème jusque-là tant ils y étaient habitués. Mon espoir est que ce choc, en quelque sorte linguistique, stimulera l’attention des internautes et les incitera à approfondir ce qui n’allait de soi qu’en apparence.

Il y avait là quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer pendant la fête. Ils s’avancèrent vers Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et ils lui firent cette demande : «Seigneur, nous voulons voir Jésus.» Philippe vient le dire à André ; André et Philippe viennent le dire à Jésus. Jésus leur répond : «Voici venue l’heure où doit être glorifié le Fils de l’homme. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.» […] Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure. Père, glorifie ton nom ! Du ciel vint alors une voix : «Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai.»

(Jésus, dans l’Évangile selon S. Jean 12, 20-28.)

«Dieu a aussi un dessein secret nous concernant, pareil au dessein qu’il nourrit pour le grain. Celui-ci tombe à terre et se transforme ; en apparence, il se change en terre, en eau, en fumier ; l’observateur s’imagine qu’il n’en reste plus aucune trace visible. Or, en réalité, c’est lui qui transforme la terre et l’eau en leur donnant sa propre nature : graduellement, il métamorphose les éléments qu’il rend subtils et semblables à lui en quelque sorte [...] Il en est ainsi de la religion de Moïse. La forme du premier grain fait pousser sur l’arbre des fruits semblables à celui dont le grain a été extrait. Bien qu’extérieurement elles la repoussent, toutes les religions apparues après elle sont en réalité des transformations de cette religion. Elles ne font que frayer la voie et préparer le terrain pour le Messie, objet de nos espérances, qui est le fruit […] et dont elles toutes deviendront le fruit. Alors, elles le reconnaîtront et l’arbre deviendra un. À ce moment-là, elles exalteront la racine qu’elles vilipendaient, comme nous l’avons dit en expliquant le texte : Voici, mon serviteur prospérera… [cf. Is 52, 13 s.]»

(Juda Halévy (1085-1141), rabbin et philosophe juif. Cité d’après Juda Hallevi, Le Kuzari, apologie de la religion méprisée, trad. Charles Touati, Bibliothèque de l’École des Hautes Études en Sciences Religieuses, Volume C, Peeters, Louvain-Paris, 1994, p. 173.)

Si vous êtes incapables de scruter les profondeurs du cœur de l’homme et de démêler les raisonnements de son esprit, comment donc pourrez-vous pénétrer le Dieu qui a fait toutes ces choses, scruter sa pensée et comprendre ses desseins ?

(Livre de Judith 8, 14).

C’est qu’elles ne connaissent pas les plans de L’Éternel et qu’elles n’ont pas compris son dessein : il les a rassemblées comme les gerbes sur l’aire…

(Michée 4, 12).

L’Éternel déjoue les desseins des nations, il empêche les pensées des peuples ; mais le dessein de l’Éternel subsiste à jamais, les pensées de son cœur, de génération en génération.

(Psaume 33, 10-11).

Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.

(Évangile selon S. Matthieu 15, 24).

Il ne s’agit donc pas de qui veut ou de qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde.

(Épitre aux Romains 9, 16).

À qui dois-je parler, devant qui témoigner pour qu’ils écoutent ? Mais leur oreille est incirconcise, ils sont incapables d’écouter. La Parole de l’Éternel est devenue pour eux un opprobre : ils ne l’aiment pas.

(Jérémie 6, 10).

Et comme l’Apostasie [du diable] avait été mise au jour par le moyen de l’homme et que l’homme avait été la pierre de touche de ses dispositions intimes, il se dressa de plus en plus violemment contre l’homme, envieux qu’il était de la vie de celui-ci et résolu à l’enfermer sous sa puissance apostate.

(Irénée de Lyon, Contre les Hérésies V, 24, 4.)

Prologue : La lettre et l’esprit - Une clé de lecture pour les simples

L’explication de tes paroles illumine et donne aux simples de comprendre. (Ps 119, 130).

Vouloir saisir la compréhension juive de l’Écriture d’après les subtiles manipulations techniques de citations scripturaires effectuées par des rabbins soucieux avant tout de fixer, pour les fidèles, les lois et les coutumes religieuses, ou d’après les variations exégétiques, des plus savantes aux plus populaires, sur des thèmes aggadiques, équivaudrait à prétendre rendre un compte exact de la religion chrétienne en étudiant les homélies et les commentaires scripturaires des Pères de l’Église, ou les aphorismes des Pères du désert.

Certes, la Mishna, le Talmud, le Midrash et leurs commentaires traditionnels doivent être étudiés soigneusement par les spécialistes, avec toutes les ressources d’une herméneutique doublée d’une longue pratique de la casuistique rabbinique. Mais se limiter à cela, ou pis, faire de ce travail de classification, d’analyse littéraire et d’exégèse un but en soi serait non seulement vain et inefficace, mais risquerait, au terme d’un labeur gigantesque, de n’apporter que dispersion, incertitude et confusion.

De même qu’on ne saurait saisir l’essence d’un phénomène en le décomposant en ses éléments, ni même en faisant la nomenclature et l’étiologie des événements qui les affectent, mais qu’il importe de garder fidèlement la dimension dialectique d’une recherche qui doit sans cesse lutter contre le morcellement du multiple et s’efforcer de saisir l’unité qui le sous-tend, ainsi convient-il de rechercher résolument l’esprit qui préside aux étranges comportements de ces myriades de mini-exégèses, dont foisonne une littérature juive à allure de forêt vierge. Faute de pouvoir cerner avec certitude le sens, la position de toutes ces particules intellectuelles, dont l’agitation moléculaire hallucinante nous est totalement incompréhensible, force nous est d’en contempler, avec émerveillement, les formes, les figures et les signes qu’elles dessinent, dans leurs mouvements d’ensemble qui paraissent obéir à des lois mystérieuses. Car ce n’est qu’à notre rassurant niveau macroscopique que l’image en est lisible, à défaut d’être compréhensible…

Et plaise à Dieu que nous ne renouvelions pas l’erreur grossière du scientiste rationaliste que fut Auguste Comte, dont la simpliste "loi des trois états" de l’humanité fait bien sourire aujourd’hui ! À l’instar de l’Iliade et de l’Odyssée, la Bible n’appartient pas à l’âge de pierre de l’intelligence. Malgré les formes mythiques, qui se révèlent à notre lecture humaine, de ce vaste fleuve énigmatique de mots, comme surgi d’un mystérieux jaillissement primordial, malgré «l’arbre de la connaissance du bien et du mal», les «Séraphins de feu», ou les «collines qui bondissent comme des béliers», l’Écriture sainte n’est pas une lecture pour hommes de Cro-Magnon, ni une vilaine version confessionnelle des Mille et une Nuits, ou des Contes d’Andersen, pas même une saga chauvine ou fétichiste…

Soyons plutôt reconnaissants à Dieu de s’être adapté à notre monde lilliputien. D’avoir volontairement oublié les bottes de sept lieues herméneutiques avec lesquelles il arpente l’Histoire, pour que le Petit Poucet croyant, perdu dans la forêt des interprétations, en rattrape miraculeusement le sens, par delà les milliards d’années-lumière séparant de la nôtre la nature divine ineffable de cet Époux divin de l’homme, qui fait semblant de «fuir comme un faon, sur les montagnes embaumées», pour que nous ayons la nostalgie de sa présence adorable…

Ne jouons pas les élèves trop pressés de connaître, sans en avoir même abordé les prolégomènes, la formule de la théorie de la relativité, et qui presseraient insolemment le savant de la leur révéler. Ne mériteraient-ils pas, ces vilains petits drôles, de se voir pris au mot et de lire au tableau noir la sibylline réponse tant convoitée, mais pour eux ironiquement inutile : E = mc2 ?… Nous, de même, malheureux ignorants que nous sommes des «voies de Dieu, qui ne sont pas nos voies», comme de «ses pensées, qui ne sont pas nos pensées», que ferions-nous, à supposer qu’elle existât, de cette formule merveilleuse, puisque nous ne saurions même pas la déchiffrer ?…

Et si certains d’entre nous ont succombé, en secret, à cette démesure, en sommant Dieu qu’Il se révèle, tel qu’en Lui-même – Lui, dont «on ne peut voir la Face sans mourir» !… –, qu’ils s’humilient bien vite ! Qu’ils Lui soient reconnaissants d’avoir, par pure miséricorde, interposé entre Sa splendeur brûlante et notre insignifiance inflammable l’immense souffle azur de Sa Parole, qui «soutient toutes choses» ! Sans cette atmosphère tutélaire, pourrions-nous supporter le «Soleil de Justice» ? Oserions-nous seulement jeter vers Ses formes fulgurantes nos coups d’œil furtifs d’apprentis-sorciers de l’exégèse, abrités derrière les lunettes noires de notre science à demi aveugle ?

Allons, courage ! Le «Livre est ouvert» : «Les cieux racontent la gloire de Dieu». Certes, ce que nous percevons, ce que nous lisons, en caractères braille, ce qui nous est signifié là, ce n’est pas Lui. Ce n’est qu’une trace de Lui, un écho de Son essence et de Ses œuvres, qu’il nous faut interpréter, décoder, actualiser… Mais il n’y a pas lieu de nous attrister de l’infirmité congénitale de notre herméneutique, et encore moins de désespérer de jamais rien comprendre à ce langage. Il faut le croire fermement, Dieu a choisi, pour communiquer avec nous, le code le plus adéquat, celui-là même qu’il a conçu pour que les petits d’homme apprennent à dialoguer, au lieu de s’entretuer : la Parole. «L’Écriture s’exprime dans la langue des hommes», ont sagement averti les rabbins et, à leur suite, les Pères de l’Église… Et si nous ne saisissons pas immédiatement le sens de ses mots, écoutons au moins leur son, la mélodie qu’ils composent. Ressassons-les, essayons-nous à les prononcer, comme ces tout-petits qui ânonnent et bafouillent affreusement, aux premiers pas hésitants du langage articulé. Comme l’enfant, ayons confiance. Notre Père nous parle. Et même si nous ne comprenons pas ce qu’Il nous dit, nous savons que ce sont des mots d’amour…

Le temps n’est pas loin où elles deviendront signifiantes, ces phrases encore incompréhensibles à notre «oreille incirconcise». Jusqu’à maintenant, elles ne sont encore, pour beaucoup d’entre nous, que des agrégats de lettres, des éléments indistincts, impersonnels, énigmatiques, incohérents, obéissant à des lois statistiques ou au flux du hasard…

Dans un jadis qui a des dimensions d’éternité, ces photons intellectuels de l’onde omniprésente de la Parole préexistante ont été pris dans le champ d’une formidable tornade d’énergie spirituelle. On les a malaxés, croisés, combinés entre eux, des myriades et des myriades de fois. Leurs évolutions infinies et vertigineuses ont épuisé toutes les gammes du calcul des probabilités, épousé toutes les formes de géométries théoriques, dont les formulations mathématiques n’ont jamais été inventées, jusqu’à ce qu’ils fussent enfin agencés comme il fallait qu’ils s’agencent, écrivant éternellement une Histoire qui n’existait pas encore, et qui ne prendrait sens qu’infiniment plus tard, quand existeraient des hommes et des femmes capables de la lire…

Alors, la Création s’est accomplie et les événements sont advenus comme ils étaient écrits depuis toujours. Puis les êtres sont venus à l’existence, comme ils devaient être, tels que leur Créateur les avait «connus», aux siècles des siècles… Comme il s’en est donné du mal, le grand Livre de l’univers, pour attirer l’attention des petits d’homme, et pour qu’ils aient envie de le déchiffrer !…

Puis, Moïse est survenu, et un peuple est devenu : un peuple à qui Son Dieu apprend à lire. Sur la pierre d’abord… Mais les pierres, ça se brise, surtout quand elles tombent de haut, des mains d’un prophète en colère. Préférer un veau – fût-il en or – aux théophanies divines, cela donne à réfléchir, même à un Dieu ! Alors, sachant bien qu’il faudrait à Son peuple beaucoup de temps pour apprendre à lire, Il leur a écrit ce qu’Il avait à leur dire. Dans la tête d’abord, à coups d’invectives et d’objurgations de prophètes. Dans la peau, ensuite, à coups d’exils et de souffrances. Dans le cœur, enfin, à coup de remords d’amours infidèles… Et les Juifs ont appris à se souvenir. Alors, leur est venue l’idée d’écrire… Imaginez un peuple qui ne sait même pas lire son destin, et qui prétend mettre par écrit ce qui lui arrive !… Si cela a réussi, c’est que Dieu était de la partie.

Pensez donc : Il n’attendait que cela depuis une éternité…

Les Juifs ont conscience de leur destin exceptionnel, dans la gloire comme dans la déréliction, mais jamais, pour autant, ils n’auraient eu l’orgueil de croire qu’en écrivant leur histoire, ils scellaient le destin du monde entier. Comme la main parentale tient ferme celle de l’enfant, dans son ébauche des premiers signes d’écriture, l’Esprit de Dieu guidait la plume hésitante des scribes et des prophètes, qui scellaient, sans le savoir, le destin des nations, au travers des récits des malheurs qu’elles infligeaient à leur peuple. C’est ainsi qu’au fil des siècles, Israël avait composé un document dont il ne comprenait que le sens le plus évident, le plus trivial aussi : celui de l’antique appel de Dieu sur lui et de sa lutte pour vivre sa foi dans un environnement hostile, celui de ses extases et de ses reniements, de ses obéissances et de ses révoltes, de ses gloires et de ses humiliations, de ses fautes et de ses remords, de ses cris de joie et de douleur, de ses chants de triomphe et de ses appels à l’aide…

Les scribes écrivaient leurs annales, les prophètes admonestaient leurs contemporains, les lettres de l’alphabet hébraïque dansaient follement, selon des lois résolument étrangères à celles du hasard et au déterminisme de la nécessité.

Mais – ô merveille ! – le programme divin n’avait pas failli. Ce qui s’inscrivait sur les parchemins avait été lu dans le silence éternel de Dieu, avant que fût le temps…

Et quand tout fut écrit, il ne se trouva personne «pour interpréter les paroles du Livre. Et je pleurais beaucoup de ce que nul ne se trouvait digne d’ouvrir le livre et de le lire».

Jusqu’à ce qu’enfin, j’entrai dans le mystère. Ces mots, ces lettres, ces textes ne reprendraient vie, que lorsqu’ils s’imprimeraient dans un esprit, flamboieraient dans une âme, parleraient à un cœur… Il fallait seulement qu’un être les lise et les relise sans cesse, jusqu’à ce qu’ils deviennent signifiants, au point d’avoir pour lui un autre goût, un autre son, un autre sens même que celui de leur syntaxe, de leur morphologie et de l’histoire de leur rédaction, qui ne concernent que les spécialistes…

Nous le savons : la lumière ne jaillit que lorsque le contact s’établit. Quand les mots éternels auront enfin rejoint l’événement, quand, d’Incarnation en incarnations, d’Histoire en histoires, l’intention originelle du discours divin frappera dans le mille de la «fin des temps», tout prendra son sens définitif. Alors, la limaille de fer informe des myriades de milliards d’événements de nos existences individuelles, puissamment, irrésistiblement aspirée dans le fabuleux champ d’énergie spirituelle d’un Dieu d’Amour, focalisateur de l’Histoire et Sauveur de l’humanité, s’organisera pour composer l’histoire éblouissante de la volonté divine, inscrite, au ciel, dans «les livres qui contiennent les œuvres des hommes». Alors, chacun pourra lire le sens, jusque-là «scellé», de cette Histoire sainte, pour l’exultation des élus et la rage des ennemis de Dieu et de Son peuple.

Alors, comprenant définitivement ce que n’a jamais cessé de nous dire notre Père des cieux, «nous connaîtrons comme nous sommes connus.» La foi cédera la place à la «vision».

Là, plus besoin de la lettre.

Car – dit notre Dieu -

«Je répandrai mon Esprit sur ta race…» Et

«la terre sera remplie de la connaissance de

la gloire de L’Éternel,

comme les eaux couvrent la mer !»

(Is 11, 9 ; Ha 2, 14)

Avant-propos : L’ «intrication prophétique»

Je te l’ai dit depuis longtemps, avant que cela n’arrive je te l’ai fait savoir […] Je t’ai appris dès maintenant des choses nouvelles, secrètes et que tu ne connaissais pas. C’est maintenant qu’elles sont créées, et non depuis longtemps, et jusqu’à ce jour tu n’en avais pas entendu parler, pour que tu ne dises pas : «Mais je le savais». (Is 48, 5-7).

Ce qui a été écrit dans le passé l’a été pour notre enseignement, afin que, par la constance et la consolation des Écritures, nous ayons l’espérance. (Rm 15, 4).

À la fois obscures et lumineuses, passionnantes et décourageantes, épanouissantes et frustrantes, simples et complexes, admirables et scandaleuses, les Écritures ont résisté au temps et aux interprètes. Malgré tout le mal qu’en disent des esprits forts, et les myriades d’interprétations dont on les submerge – au point de faire parfois obstacle à ce que Dieu veut nous signifier par leur intermédiaire –, elles ne cessent d’interpeller les cœurs et les esprits au fil des siècles.

Ce livre est le fruit d’un questionnement intérieur lancinant à leur propos, qui remonte à mes premières incursions balbutiantes, il y a quelque soixante-cinq ans, dans le livre de la Parole. En voici un résumé sommaire.

J’ai toujours cru sans défaillance à la puissance qu’a la Parole de Dieu, transmise par les Traditions juive et chrétienne, d’être, comme dit Irénée à propos de Gn 2, 1, «à la fois un récit de ce qui s’est produit dans le passé, tel qu’il s’est déroulé, et une prophétie de ce qui sera» (1). Même si je ne suis qu’un «avorton» (cf. 1 Co 15, 8), comparé aux «témoins et serviteurs de la parole» (Lc 1, 2), ma quête incessante d’intelligibilité humaine (2) de l’expression du dessein divin de salut universel, au travers d’un peuple et d’un corpus d’écrits spécifiques, m’a amené, après des décennies d’obscur labeur et de tâtonnements intellectuels douloureux, à une découverte inattendue, que je soumets au discernement du peuple de Dieu.

Au risque de me voir reprocher d’éclairer l’obscur par plus obscur encore, j’ai dû, pour la décrire, recourir à une analogie avec un phénomène étranger à notre perception intuitive, mis en évidence par Einstein et Schrödinger dans les années 30 : «l’intrication quantique». Il semble, en effet, pour paraphraser une définition de ce phénomène (3), que, dans certaines conditions, deux passages bibliques se retrouvent dans un état d’intrication, tel qu’ils ne forment plus qu’un seul système dans un sens subtil. Dès lors, toute observation effectuée sur l’un des passages affecte l’autre, et ce quelles que soient leurs différences littéraires et la distance chronologique qui les sépare. Avant «l’intrication prophétique», ces deux systèmes sans interactions décelables sont dans des états indépendants, mais après l’intrication, ces deux états sont en quelque sorte «enchevêtrés», et il n’est plus possible de décrire ces deux systèmes de façon indépendante.

À ce stade, je souligne que cette analogie n’a rien d’une fiction poétique ni d’une vue de l’esprit. Elle ne ressortit pas non plus à l’arsenal pseudo-scientifique du jargon ésotérique qu’utilisent certains conférenciers pour stupéfier leur auditoire, dans le but de dissimuler leur ignorance du sujet qu’ils exposent et lui donner l’allure d’un savoir réservé à une élite. Elle résulte de l’observation et me paraît relativement adéquate pour donner forme langagière à une particularité de l’Écriture que, sauf erreur, aucun auteur n’a documentée jusqu’ici. Je veux parler des relations atemporelles et non locales qu’ont des événements et situations bibliques sans lien démontrable entre eux, mais qui ont en commun le fait d’être mis en relation ( «intriqués») par des oracles prophétiques scripturaires.

Un exemple remarquable de ce phénomène est la présence, dans le Psaume 69, parmi plusieurs phrases prophétisant les souffrances du Christ, de celle du verset 6, qui, à l’évidence ne le concerne pas(4), mais semble s’appliquer au peuple juif par intrication prophétique :

«Ô Dieu, tu sais ma folie, mes offenses sont à nu devant toi».

Il existe maints autres textes qui constituent de véritables apories, et dont l’interrelation ne devient manifeste que si l’on admet leur «intrication prophétique». C’est le cas, par exemple, de la prescription du livre de l’Exode à propos de l’agneau pascal : «Vous ne briserez aucun de ses os» (Ex 12, 46 ; Nb 9, 12). L’Évangile de Jean considère ce verset comme une prophétie dont l’accomplissement a lieu quand le centurion, constatant que Jésus est déjà mort, s’abstient de lui briser les jambes (Jn 19, 36).

Le titre de cet ouvrage indique le changement radical de perspective qu’induit la découverte du phénomène de «l’intrication prophétique» des Écritures. Pour les chrétiens, en effet, nul doute que Jésus soit «la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs», dont le Psaume 118 (v. 22), suivi en cela par le Nouveau Testament (Mt 21, 42 ; Ac 4, 11, etc.), affirme qu’elle «est devenue la pierre d’angle». Pourtant, il se peut que ce verset ait aussi, précisément par la médiation unique du Christ, une autre portée, eschatologique celle-là, en la personne collective du peuple juif qui, au temps connu de Dieu seul, constituera, à son tour, cette pierre, rejetée par les nations, dans l’indifférence

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