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Witz le Foudre: roman d'après-guerres
Witz le Foudre: roman d'après-guerres
Witz le Foudre: roman d'après-guerres
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Witz le Foudre: roman d'après-guerres

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Witz le Foudre
roman d'après-guerres

Les crimes de guerres hantent les vies des Witz, tant dans leur histoire se mêlent victimes et bourreaux. Il faudra tout l'art de Philomène et l'amour de Ricardo pour que de Bruxelles à Degrad Maraudeur en Amazonie, en passant par la Martinique et l'Afrique, Else, puisse enfin en savoir assez pour oublier et enfanter.
LanguageFrançais
Release dateDec 5, 2017
ISBN9782322124145
Witz le Foudre: roman d'après-guerres
Author

Marc Charles Sommereisen

Autres ouvrages de Marc Charles Sommereisen, architecte Une poignée d'éternité 11-2016 edt Jérôme Do Bentzinger p 83 Trois contes poétiques illustrés sur la peinture rhénane du XVIème siècle et la tradition romantique. Witz le Foudre 11-2017 edt BOD p 276 Roman d'après guerres et de catharsis. Naviguer à l'estime 11- 2017 BOD p 178 Trois fantaisies maritimes tragi-comiques, philosophiques, poétiques, exotiques, érotiques

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    Witz le Foudre - Marc Charles Sommereisen

    Marc Charles Sommereisen fait don des droits d’auteur 2017-2018 de Witz le Foudre à la Fondation Architectes de l'Urgence pour contribuer à l’aide qu’elle apporte aux sinistrés de l'Ouragan Irma et des autres catastrophes dans le monde.

    www.archi-urgent.com

    Sommaire

    Bruxelles Berlaymont

    White Spirit

    Le drapeau de l’Apocalypse

    Else d'Ellesmere

    les tigres birmans

    Le self- service

    La reine des Papous

    La descente de l'Escaut

    Le rubis maudit

    L'enfant

    Même si amour est roseau

    Noire Etoile

    L'Amiral Bleu

    L’amoureuse désamarrée

    La belle Europe

    L’île du Diable

    Degrad Maraudeur

    Le rubis de la vie

    Bruxelles Berlaymont

    Frau Benedikt Motus, Commissaire européenne à l’Education, à la Culture, à la Jeunesse et aux Sports se regarda pour la troisième fois dans son miroir.

    En maudissant les affaissements de ses joues, elle rentra le ventre pour boutonner la veste de son tailleur, se rassit en soupirant à son bureau et consulta pour la troisième fois son agenda électronique en maugréant: - Il devrait pourtant être là. Scheisse! On n’y arrivera jamais avec le Sud! D’un doigt nerveux sur le commutateur, elle demanda: - Hidalgo est-il enfin arrivé?

    - Pas encore, Frau Motus, répondit son assistante bulgare.

    - Ach! Juste bon à faire le latin lover quelque part...

    La jeune et jolie Bulgare émit un petit gloussement taille 36, qui agaça la commissaire.

    -Le voici qui arrive. Monsieur le Conseiller! Madame la Commissaire s'impatiente.

    -Toc, toc, toc.

    Herein!

    La porte s’ouvrit sur un homme encore jeune en costume noir qui s’avança et salua dignement de la tête. Son teint blafard et ses traits émaciés, sa barbiche fine et l’exaltation dans l’œil, évoquaient, jusque dans l'étirement, ces inspirés que peignit jadis El Greco. Tout juste a-t-il renoncé à arborer une fraise au cou, s'était dit Frau Motus à leur première rencontre.

    Et le conseiller en était justement à frotter nerveusement la modernité de son col blanc humide, semblant affligé à cet endroit d’une atteinte à sa sombre élégance.

    - Hidalgo vous êtes en retard! Asséna la commissaire. Asseyez-vous!

    - C’est la faute aux oiseaux, répondit l’homme d’un air évaporé à peine altéré par le regard d’acier de Frau Motus. Après quoi, il plia précautionneusement sa longueur d’homme bien vêtu pour prendre place dans un siège visiteur, comme ferait tout élégant au retour d’un long voyage.

    - Des oiseaux!? S’agaça la maîtresse des lieux avec un bref haussement des yeux tout en suivant le précautionneux pliage d’homme.

    Cela prit un certain temps, après quoi le conseiller s'expliqua :- C’est que, tandis que je franchissais le parc du Cinquantenaire, je fus pris dans un vol de perruches...

    - Les perruches vertes! On en voit de plus en plus. Etrange, cette colonisation au cœur de la belgitude.

    - Dans cet éblouissement d’un vert inattendu, les marronniers se firent orangers et les tilleuls, palmiers…

    - Ach so… Ainsi erriez-vous dans quelque improbable paradis, tandis que moi, je vous attendais! Nous avions rendez-vous, l’interrompit la commissaire, cinglante.

    - Pas encore. J’étais en avance.

    - Hé bien?

    - La fiente, là, sur mon col, la fiente, voilà pourquoi, expliqua avec une moue le conseiller encore affligé de l’affront.

    - C’est le risque avec les oiseaux, répondit la commissaire, amusée.

    - Le temps de frotter aux commodités et l’heure s’est avancée.

    - Je crois qu’en fait, il n’était déjà plus l’heure de confondre les marrons et les oranges, monsieur le conseiller spécial à la culture et à l’identité.

    Vous avez des obligations. Et moi aussi, j’en ai. Ce matin même, il me faudra me prononcer sur tout un florilège de projets sportifs et culturels afin de conforter le jumelage entre Timisoara et Riga.

    Le conseiller regarda distraitement la brillance de ses souliers vernis et commenta avec une moue: -Pour sûr, la course des sardines baltes et des carpes des Carpates doivent bien valoir la course à l’échalote et l’urgence que l’on y porte…

    - Quand on est en retard pour quelques emplumés exotiques on garde ses impertinence, l’interrompit la commissaire, échauffée.

    A la voir ainsi empourprer sa chair mûre et abondante, corsetée dans son tailleur couleur de pluie, le conseiller se dit qu’il vaudrait mieux se prémunir du mauvais temps par un argument rétablissant l’équilibre des torts: - Cette vision édénique m’était pourtant un réconfort que vous ne sauriez me contester, madame, après ce qu’il me fallut endurer à la performance Van Gelt à la présence de laquelle vous avez cru m’honorer de vous représenter.

    - Et alors cette performance?

    - Sommé d’y aller, voici, ce que j’en vis: Nu et gras, doré comme la fille de J’adore de Dior, devant l’Enfer du Musicien de Jérôme Bosch ramené de Madrid aux Musées Royaux de Bruxelles à prix d’or, Van Gelt prit la pose de l’homme de Bosch déféquant des pièces d’or.

    Il accoucha avec la souffrance constipée qu’il se doit dans l’accomplissement d’une œuvre d'art, d’un étron pailleté d’or, qui fut pieusement recueilli tout auréolé de ses vapeurs, par une pince à spaghetti, tenue par une assistante à la beauté frigide des cliniques, qui le coula dans un moule parallélépipédique.

    L’œuvre fut alignée à la suite des productions des jours précédents et datée comme un œuf.

    L’heureux acheteur, un banquier luthérien, dû s’engager à garder l’étron dans son coffre souterrain.

    Le critique Guingois de la Guigne cautionna l’événement comme un témoin majeur de l’immémorialité de l’Art, initié par les traces des doigts glaiseux des premiers hominidés cavernicoles.

    Ayant achevé son rapport, le conseiller tint ses minces lèvres d'esthète fermement soudées pour contenir l'émétique remontée de sa mémoire.

    - La mission demande de l’abnégation, répondit la commissaire avec une impitoyable autorité. Le conseiller européen à la culture se devait d’aller au vernissage Van Gelt et de considérer sa performance comme part de la culture européenne.

    -Un tel micro événement justifiait-il la mobilisation de l’échelon européen?

    - Oui. La subsidiarité s’entend ici dans la transnationalité entre les Flandres et l’Espagne, par l'art et l’histoire retrouvée. Mais aussi par les prestigieuses institutions associées et la qualité des donateurs.

    Je vous rappelle qu’Elvire Aime H est avec nous, le premier financeur.

    -Toc, toc, toc.

    Herein!

    Entra un homme dont le conseiller Hidalgo détesta tout de suite le front graisseux, l'haleine de cave et le maniérisme gluant avec lequel il lui tendit une main de poulpe.

    La Commissaire fit les présentations :

    - Voici l’excellent Mr Jack Gin, notre conseiller maltais à la communication. Et voici Mr Ricardo Hidalgo notre nouveau conseiller spécial à la culture et à l’identité. Mr Hidalgo me rendait compte à l’instant de sa première mission de représentation à la performance Van Gelt que vous nous avez tant recommandée.

    Dardant ses longues incisives jaunes, pour marquer le coup, Jack Gin s’exclama avec un délicieux humour: -Shit and money, the highest conjonction! Great Van Gelt ! The place to be!

    - Complètement Has been, rétorqua sèchement Ricardo Hidalgo.

    - Has been ? fit Jack Gin, décontenancé.

    - Absolument. Dès 1961, Piero Manzoni, a vendu sa Merda d’artista en boîte et plus récemment Kiki Smith a exposé ses bocaux contenants toutes les humeurs du corps. Tous ces avatars de l’urinoir de Duchamp, toute cette transgression académisée non seulement me révulse, mais m’ennuie. J’en viens à désespérer de cet art de notre Vieux Continent, cet art qui sut hisser l’homme plus haut que sa destinée…

    - Vous me semblez avoir autant de compréhension pour les performances de nos artistes contemporains qu'un membre de l'Opus Dei ! S’énerva Jack Gin en toisant le franco-espagnol raidi dans sa tenue de clergyman.

    - Des performances, ça, dites-vous? Juste des petites irrévérences… Encartées, subventionnées, répondit Ricardo Hidalgo avec mépris.

    Les djihadistes, eux, font des performances. Dans le genre, la destruction du World Trade Center est restée indépassable. Ils l'ont fait en martyrs au nom de leur folle croyance.

    Que s'est dit Van Gelt, votre prétendu artiste performeur? Il s'est dit qu'après la mort présumée de notre dieu et des rêves communautaires, après toutes nos guerres, il ne lui restait plus que la surenchère du faire, l’obscénité publicitaire - cet art le plus vil !

    Et quoi de mieux pour consumer les dernières aspirations du peuple dans le consumérisme, que la marchandisation la plus régressive, celle de nos excréments ?

    Il n'a même pas su que cela avait déjà été fait.

    Ou il l'a fait croire et il s'est trouvé un critique corrompu et un Eurocrate aviné pour l'encenser et enfumer à son profit nos institutions en fourguant sa saleté à un ploutocrate naïf!

    - You’re such a bag of bones from old stock rotten! Vous n'êtes rien qu'un tas d’os de vieille souche pourrie, postillonna Jack Gin de ses longues incisives jaunes tandis que ses joues de buveur s’empourpraient et que ses yeux se striaient de sang.

    - Peut-être est-ce, ce que ma maigreur guindée mérite, après tout… Mais désormais monsieur «El Vividor que apesta» le viveur puant de la Valette, vous éviterez de me postillonner au visage avec vos longues dents jaunes ou nous réglerons cela au petit jour, répliqua Hidalgo avec une calme froideur et une cambrure de toréador.

    - Je vous en prie, messieurs ! S’offusqua Frau Motus.

    Mr Gin, j'ai à m'entretenir avec Mr Hidalgo. Je vous attends au point debout du plan media à seize heures, conclut-elle sèchement, en se demandant bien comment elle parviendrait à faire cohabiter ce paon et ce dindon, volatiles cousins, dont Konrad Lorenz avait déjà souligné l'incompatibilité éthologique.

    - Hidalgo, revenons-en à l’objet premier de notre entretien. Voici votre lettre de mission: Je vous charge de rédiger un livre vert, un livre du beau vert de l’espoir, un livre qui saura secouer les prostrations et les procrastinations… Parce que, après la crise de la chaise vide gaullienne, après le poudroiement doré de l’Euro de Delors, après la démocratie noyée à Lisbonne…

    - Terne otage en désamour du fado! Composa le conseiller avec amertume.

    - Epargnez-moi vos jeux de mots et écrivez ce qu’il nous faut ! S'agaça la commissaire.

    Faites-nous l’ébauche d’un livre vert pour dire comment dépasser la crise.

    Cette cruelle crise de la vacuité du sens de notre vieille Europe…

    - La refondation d'une économie commune au sortir de la dernière hécatombe devait pourtant garantir la paix, et ce fut fait, au prix de l'impasse sur l'essentiel, le politique, c'est à dire au prix du vide de ce vers quoi l'on tend.

    En conséquence, après un demi-siècle, il ne nous reste en commun que l'argent et la détestation des étrangers… Et reviennent les barbelés…Tout ou presque est à recommencer.

    - En effet…murmura la commissaire.

    Avec une raideur prussienne, elle pivota sur son fauteuil pour distraire son regard dans le panorama du quartier européen étalé derrière la fenêtre de son bureau de cheffe haut perchée sur le Berlaymont. Lui, derrière elle, partagea ce regard égaré sur la ville.

    C’est alors que, rompant cet arrêt sur image, passa derrière les lamelles pare-soleil, une silhouette fugace, quelque chose d’intangible, comme un esprit blanc.

    L’être diaphane reparut, dégaina un outil, régla certaines occultations orientables puis, avec un décapent puissant, du White Spirit, s’attaqua méticuleusement à de vieilles traces en bordure de profil.

    Le violoncelle que dessinait la combinaison blanche suspendue à un fil, leur appris qu'il s'agissait d'une Madame Propre.

    Quelles inacceptables souillures se devait-elle d'effacer ici? se demandèrent les deux spectateurs.

    Mais la dame frottait voilà tout. Elle frottait avec une grâce angélique et une absence totale de toute préoccupation de la mortelle aspiration du vide.

    Un instant, ses yeux croisèrent ceux du conseiller mais sans le voir, comme s’il était devenu étrangement spectral.

    Après quoi le regard de cette Madame Propre plongea pour se consacrer à l’action de ses mains, vérifiant méthodiquement les coins, s’assurant ainsi de la perfection du résultat. Après un dernier frottement, dans un basculement du corps, aussi soudainement qu’elle était apparue, elle disparue.

    Suspendus dans un vague malaise, les regards de la commissaire et de son conseiller restèrent un instant accrochés à l’emplacement de cette apparition déjà évanouie.

    Se ressaisissant, la commissaire pivota et fit face à son conseiller: - Je viens de me souvenir que la logistique nous a informés de cette expertise des pare-soleil déréglés par la tempête de la semaine passée.

    Elle a du cran, cette funambule.

    Cette distraction me porte à penser, mon cher, que pour trouver le vert printanier du livre dont je rêve, il vous faudra chercher loin, peut être du côté de l’inattendu, de l’inaperçu ou du moins de l’entre aperçu.

    - Comme un ange à la fenêtre … dit doucement Hidalgo.

    La Commissaire acquiesça en gratifiant son conseiller d’un sourire aimable et conclusif. Elle lui rappela qu’elle attendait le premier jet de son livre vert, dans un mois, même lieu et…Avec un sourire devenu glacial, même heure, à l’heure.

    Hidalgo sortit pantelant d’une aussi brutale injonction, après quoi il se décida à s’agiter et franchit l’antichambre par grandes enjambées espérant esquiver au mieux le sourire délicieux de la Bulgare embusquée.

    Comme il s’éloignait dans les couloirs, porte après porte, il sentit monter en lui le vertige de la vacuité.

    Vacuité de la question.

    Vacuité de ses mots en réponse.

    Il n'avait pas su dire. Il se détestait.

    Il se détestait surtout d'avoir accosté à ce Rivage des Syrtes.

    White Spirit

    Ricardo Hidalgo se replia dans son bureau où, à son tour, il chercha à la fenêtre, une échappée. Le gris du ciel, les formes droites et dures des immeubles, le rassurèrent dans leur inamovible immobilité.

    Rompant cette bienvenue certitude, d'en bas, un arbre lui tendait ses tentacules branchus.

    -Les repères indiscutables de l’architecture s'altèrent dans ses avatars plantés, se dit le conseiller avec une moue malsaine.

    Il aurait bien prescrit l'abattage de cet étendard de l'incertitude oscillante, mais dans l’arbre, il y avait trois oiseaux noirs dont deux prirent leur envol.

    Le conseiller Hidalgo se mit à regarder voler, la beauté, dans ces oiseaux, incarnée. -Un peu de blanc sur leurs rémiges, voilà qui serait plus seyant dans le gris de ce temps, se dit-il.

    Ah! Mais cela existe déjà, chez les pies. Le conseiller européen à la culture conseille les oiseaux du ciel sur leur plumage.

    Conseiller vestimentaire aviaire, oui, cela me va bien. se dit-il, sarcastique.

    Une voix inconnue s’en vint l’apostropher du côté de sa porte restée entre ouverte: - Ah? Vous regardez les oiseaux…Est-ce un corbeau?

    Ricardo Hidalgo sursauta et se retourna. C’était l’Esprit Blanc qui avait dit cela. A sa façon de le regarder, debout dans son costume noir cintré, il se senti comme un de ces pitoyables épouvantails plantés dans les labours harassés d’oiseaux.

    Aussi lui rétorqua-t-il, agacé: - Une corneille. C’est tragique, Madame Propre. Un jour, elle nous cavera les yeux.

    La femme ne répondit rien. Elle semblait l’avoir oublié. Elle regardait au loin, au-delà des oiseaux. Il la détailla. Elle était fine et sa pâleur la rendait diaphane dans sa combinaison blanche de technicienne de surface. Avec un ton d’une indéfinissable tristesse, elle murmura:

    - Il faudrait mieux nettoyer ces carreaux.

    -Il faudrait mieux nettoyer ces carreaux…répéta Ricardo Hidalgo, perplexe de cette affirmation que ne justifiait nulle trace

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