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Quand Le Soleil Disparaît
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Quand Le Soleil Disparaît

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Quand le soleil disparait lhorizon, cest une issue fatale. Notre univers est ainsi de fatalits rassurantes : lherbe pousse, les feuilles tombent, la mer svapore et les nuages crvent. Nous ne pouvons imaginer quil en soit autrement. De l, une tentation vidente : tendre lhomme ce qui appartient lunivers. Comment pourrions-nous tre libres alors que nous ne sommes quune poussire fondue dans l'infini ? Dieu qui voit tout, avant, pendant et aprs, a forcment trac chacun de nos chemins. Il faut, cet endroit du raisonnement, savoir o se placer : sur Sirius ou dans notre tte. Vue de l'infini, notre vie ne reprsente qu'une microseconde. Il est donc impossible d'y introduire la moindre pense et la moindre libert, d'o la fatalit. Mais du point de vue de notre raison, la passion est la seule pouvoir annihiler notre libre arbitre. Seule la passion peut tre fatale et envahir un individu tel point qu'il sera possible de connaitre par avance l'issue de son parcours. Et ds l'instant o la fatalit guide la vie, elle devient funeste. La femme fatale perd les hommes, l'erreur fatale provoque la mort, l'heure fatale sonne la violence du dernier instant. La vie a pour moteur essentiel une passion. Celle-ci peut tre sordide, onirique, religieuse, secrte ou orgueilleuse. Elle est, par dfinition, toujours fatale. Il est trs angoissant d'assister l'inexorable mais, nous y sommes tous condamn.
LanguageFrançais
Release dateMar 14, 2013
ISBN9781481785105
Quand Le Soleil Disparaît
Author

Urbain Du Roure

U Du Roure de Beaujeu vit en Suisse avec sa compagne Christina Meirim. Il est l’auteur de nombreux romans, essais et articles. Il s’adonne à l’écriture d’histoires sombres, mystérieuses, et policières.

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    Quand Le Soleil Disparaît - Urbain Du Roure

    © 2013 by Urbain Du Roure. All rights reserved.

    No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted by any means without the written permission of the author.

    Published by AuthorHouse 02/22/2013

    ISBN: 978-1-4817-8509-9 (sc)

    ISBN: 978-1-4817-8508-2 (hc)

    ISBN: 978-1-4817-8510-5 (e)

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    Contents

    Préface

    Fortune de mer

    Les assassins

    Un crime, un canton (Ge)

    Le Pro

    L’apocalypse

    Rêve

    Moonstone

    Un crime, un canton (Ne)

    Un crime un canton (VS)

    Quand le soleil disparaît à l’horizon

    Lumière!

    Jason Becker

    Ces histoires courtes sont dédiées à ma femme, qui a rendu son dernier souffle le 4 février 2012 et qui, malgré les difficultés de nos maladies, a su garder intact son sens de l’humour et faire preuve jusqu’au bout d’une grâce extraordinaire. Qu’elle repose en paix.

    Melynda Du Roure, 1961-2012

    Je remercie aussi:

    Leslie et Rick Dean, Tania, Chad et Kristie. I love you all.

    Monica Meirim pour son amour inconditionnel et sa compassion envers moi.

    Oswald et son épouse pour leurs cours de français au 6 sens, Martigny-Bourg.

    L’équipe d’infirmières du centre de transplantations

    du HUG Genève.

    Les infirmières de l’hôpital de Martigny.

    Isa, Jean-Claude et Guillaume pour leur soutien.

    Philippe Carron pour son amitié.

    Préface

    Quand le soleil disparait à l’horizon, c’est une issue fatale. Notre univers est ainsi de fatalités rassurantes: l’herbe pousse, les feuilles tombent, la mer s’évapore et les nuages crèvent. Nous ne pouvons imaginer qu’il en soit autrement. De là, une tentation évidente: étendre à l’homme ce qui appartient à l’univers. Comment pourrions-nous être libres alors que nous ne sommes qu’une poussière fondue dans l’infini? Dieu qui voit tout, avant, pendant et après, a forcément tracé chacun de nos chemins. Il faut, à cet endroit du raisonnement, savoir où se placer: sur Sirius ou dans notre tête. Vue de l’infini, notre vie ne représente qu’une microseconde. Il est donc impossible d’y introduire la moindre pensée et la moindre liberté, d’où la fatalité. Mais du point de vue de notre raison, la passion est la seule à pouvoir annihiler notre libre arbitre. Seule la passion peut être fatale et envahir un individu à tel point qu’il sera possible de connaitre par avance l’issue de son parcours. Et dès l’instant où la fatalité guide la vie, elle devient funeste. La femme fatale perd les hommes, l’erreur fatale provoque la mort, l’heure fatale sonne la violence du dernier instant. La vie a pour moteur essentiel une passion. Celle-ci peut être sordide, onirique, religieuse, secrète ou orgueilleuse. Elle est, par définition, toujours fatale. Il est très angoissant d’assister à l’inexorable mais, nous y sommes tous condamné.

    Une veille légende conte l’histoire de sept aveugles qui agrippent différentes parties d’un éléphant. Le premier pense tenir un serpent, le second une gigantesque feuille de palme, le troisième une colonne de pierre. Enfin quand ils se sont tous consultés, ils décident qu’il s’agit d’un éléphant.

    La peur est une émotion qui nous rend aveugles. De quoi avons-nous peur? Nous avons peur d’éteindre la lumière quand nos mains sont mouillées. Nous avons peur de plonger un couteau dans le grille-pain pour aller repêcher la tranche de pain qui s’y est coincée tant que l’appareil n’a pas été débranché. Nous avons peur de ce que le médecin va nous dire quand il aura fini de nous examiner, quand un brusque trou d’air secoue l’avion dans lequel nous avons pris place. Et si l’essence venait à manquer, et l’air pur, et l’eau pure… et la bonne santé, la bonne vie?

    Et quand la petite a promis d’être revenue pour 11 heures et qu’il est maintenant minuit et demi.

    La peur nous rend totalement aveugles et nous examinons chaque expérience qu’elle nous fait vivre avec une intense curiosité, tentant d’en tirer une leçon commune qui nous soit profitable, comme ces malheureux qui, sans le voir, reconstituent l’image de l’éléphant. La peur, elle est là tôt ou tard, pour la plupart, nous l’identifions: elle a l’apparence d’un corps humain sous un drap. Toutes nos peurs s’additionnent pour n’en faire plus qu’une, une grande peur qu’on pourrait détailler ainsi: un bras, une jambe, un doigt, une oreille. Ce corps sous les draps, nous effraie: c’est le nôtre. Ce qui donne sa puissance d’horreur, à travers les siècles, elle qui nous fait répéter en vue du jour de notre mort. La peur ne nous a jamais lâchés. La mort non plus. Ce sont deux constantes dans l’histoire de l’humanité.

    Dans la psyché humaine, l’horreur est comme une grande station de métro ou parvient la ligne bleue de ce que l’on peut intégrer sans douleur et la ligne rouge de ce dont nous avons besoin de nous rendre quittes.

    La haine, la folie, la misère affective de la vieillesse, les premiers pas de l’adolescent confronté à un monde hostile. Tout comme les masques de la tragédie et de la comédie, nous avons souvent deux visages: l’un, visible, qui sourit, et l’autre, plus secret, qui grimace. Il y a quelque part en nous, une sorte de commutateur auquel ces deux masques sont reliés et c’est en cet endroit précis que si souvent, le récit de terreur nous pique au vif.

    Le hasard est roi. Pour être juste, personne n’a vu le hasard. Chacun a imaginé une cause correspondant à sa philosophie de l’existence; Dieu bien sûr, qui voit tout, prévoit tout, de toute éternité; la fatalité qui rejoint le destin pour basculer plus aisément dans l’horreur, la vie, le milieu, l’éducation, l’enfance meurtrie qui inconsciemment nous guident vers cette confrontation fatale. Pourtant, ces instants cruciaux ne sont dus qu’à cette malchance ou chance que nous avons tous d’être confrontés au meilleur comme au pire. La réussite triomphante et la mort sordide, le sourire de l’innocence et les larmes du dépit. Chaque instant crucial marque le tournant de la vie.

    Fortune de mer

    Quand on quitte sa mère pour aller naviguer et qu’on la laisse quinze ans sans nouvelles, Dieu peut choisir de vous rappeler à l’ordre d’une manière surprenante.

    - Qu’est devenu Arnold? Où est mon Arnold? Reverrai-je jamais mon pauvre Arnold?

    Inlassablement depuis des années, c’est ce que se répétait Mme Kreuzer, une veuve de bien de chez nous les cheveux grisonnants.

    La mer cruelle lui a pris depuis des années, son mari un brave capitaine qui était né en Angleterre, comme de bien entendu.

    Puis un triste jour, c’est Arnold, son grand garçon, son fils unique, un brun aux yeux bleus, qui à son tour est parti, quittant le continent et cherchant fortune sur les flots. Voilà bientôt quinze ans que Mme Kreuz-Brownfield est sans nouvelle de lui. Bien sûr, il n’était pas doué pour écrire, mais quand même, depuis le temps…

    Madame Kreuz-Brownfield sent qu’elle vieillit et tous les jours elle prie le bon Dieu pour qu’il lui fasse la grâce de lui faire revoir Arnold avant de mourir.

    A quelques mois de là, à l’autre bout du monde, vingt-deux marins quittent le port de Sidney, pour s’embarquer sur un schooner nommé l’Edelweiss.On est au mois d’octobre, le vent souffle par rafales mais il ne s’agit que de rejoindre la baie de Collier. C’est le capitaine Slip qui commande et tout le monde connaît son expérience de la mer. Tout le monde connaît aussi son goût prononcé pour le whisky. Mais plus d’un capitaine, trompe son ennui en lampant du tafia.

    Le début du voyage s’effectue sans encombre et le capitaine se sent si bien, au bout de trois jours, qu’il descend dans sa cabine pour y retrouver sa bouteille et son verre, laissant la direction du schooner à son second. Le ciel est bleu, la mer est belle. Pourtant l’Edelweiss file vers son destin. Le vent cesse, l’horizon se charge de nuages menaçants. Les vingt-deux marins scrutent l’horizon. Que va-t-il se passer?

    Le navire est en panne et, du fond de son ivresse, le capitaine sent la catastrophe approcher. Il apparaît sur le pont et chacun peut voir qu’il a sa ration. La nuit tombe, le navire avance avec une lenteur désespérante. Il parvient, peu avant minuit, à rejoindre le détroit. C’est un passage redoutable et plus d’un navire, frappé par la malchance, gît au fond pour n’avoir su le négocier convenablement. C’est dans cette passe périlleuse que la tempête frappe d’un seul coup. La voilure est soudain arrachée des mâts et d’énormes vagues s’abattent par-dessus le bastingage, s’engouffrent dans les écoutilles et inondent la cale.

    Le navire est irrésistiblement poussé vers les récifs de coraux qui affleurent dangereusement la crête des vagues. Le capitaine, à présent complètement dessoûlé, sent que l’heure est grave. Malgré tous les efforts des marins, l’Edelweiss vient, au bout de trois heures, se fracasser sur les coraux.

    Sauve qui peut, hurle le capitaine, les canots à la mer! Des canots, il n’en reste plus guère… les 22 marins les prennent d’assaut en se disant que les requins ne doivent pas être très loin. A quelques encablures de là on distingue des récifs inhospitaliers. Chacun essaie de sauver sa peau.

    Quand le capitaine, qui a quitté le dernier son malheureux navire, parvient à s’agripper aux rochers, il se met à faire le compte des survivants. Ceux qui ont réussi à s’arracher aux flots déchaînés ont de la peine à reprendre leur souffle.

    Combien de ses pauvres gars seront restés au fond? Quinze,

    seize, dix-sept… Il compte ses marins trempés. Tremblants et muets de fatigue. Vingt, vingt et un, vingt-deux. Ce n’est pas possible. Tout le monde est là, épuisé mais vivant.

    Pas un seul ne s’est noyé. Le capitaine et les marins, devant ce miracle, se joignent en une fervente action de grâce, bien que beaucoup d’entre eux soient plus mécréants que bons chrétiens. S’ils savaient ce qui les attend, ils doubleraient sans doute la dose. Pour l’instant, le capitaine et ses vingt-deux hommes, transis et sans nourriture, attendent que la tempête se calme, puis ils se mettent à scruter l’horizon dans l’espoir de voir un navire susceptible de les récupérer. Trois jours passent. Trois jours sans manger ni boire, à cuire au soleil. Au bout du troisième jour quelqu’un s’écrie: Un navire à l’horizon! Et tous se mettent à sauter, malgré leur épuisement, en agitant leurs vêtements. Après quelques minutes angoissantes ils constatent, fous de joie, que le navire se détourne de sa route. On les a vus. Ils sont sauvés.

    Le navire qui les recueille est l’Esméralda qui fait route vers l’ouest. Le sauvetage se déroule sans incident. On se rapproche de la destination finale et là malgré la précision des cartes en usage à cette époque, l’Esméralda un vigoureux trois-mâts, se trouve pris dans un courant d’une violence inouïe contre lequel il est inutile de résister. Et l’inévitable survient: l’Esméralda vient se fracasser sur des rochers pointus qui brisent sa coque en quelques secondes.

    Les vingt-deux hommes et tout l’équipage de l’Esméralda se retrouvent en train de nager vers la côte. Quand ils parviennent à sortir de l’eau et à se compter, nouveau miracle: tout le monde est sain et sauf. Pas une seule perte en vies humaines. Mais il faut à nouveau scruter l’horizon pour y attendre une voile amie.

    Cette voile amie c’est le Doolittle, un navire australien à voiles, comme de bien entendu. Trente-deux hommes sont à son bord. Et l’on recueille les vingt-deux hommes de l’Edelweiss, ainsi que les vingt-quatre marins de l’Esméralda. Tout le monde, une fois de plus, se retrouve au sec mais à vrai dire un peu à l’étroit. Les conversations vont bon train et les marins croisent les doigts en se disant, malgré eux: jamais deux sans trois. Ils ne croient pas si bien dire car, au bout de quelques heures de route, un nouveau malheur s’abat sur le navire sauveur. Un incendie se déclare à bord du Doolittle. La violence des flammes, alimentées par une cargaison hautement

    inflammable –des ballots de tissu- provoque l’irréparable.

    Les canots à la mer! hurle le commandant du Doolittle. Tout le monde comprend que c’est la seule chose à faire. Mais ces canots ne sont pas faits pour contenir autant d’hommes et les malheureux qui n’ont pas pu y retrouver de la place se jettent directement dans la mer infestée de requins, après un rapide signe de croix. Le Doolittle, dans un craquement sinistre, s’enfonce, lui aussi, dans les flots. Heureusement un navire australien, le Wolf, apparaît presque immédiatement à l’horizon. Détourné de sa route par une tempête, il se trouve là par hasard et, à son tour récupère tous les naufragés des trois navires.

    Tous ceux de l’Edelweiss, tous ceux de l’Esméralda, tous ceux du Doolite. Personne ne manque à l’appel, ce qui est absolument incroyable.

    A bord du Wolf, les équipages se regroupent chacun dans son coin, et les conversations vont bon train: je suis certain, dit un grand écossais, qu’il y a quelqu’un à bord qui nous porte la poisse.

    - Pas de doute là-dessus, il y en a un qui a le mauvais œil.

    - Et forcément, ce doit être un gars de l’Edelweiss puisque c’est à son bord que la guigne a commencé.

    - Si on lui met le grappin dessus, on le flanque par-dessus bord, sinon la série de catastrophes va continuer.

    Les esprits s’échauffent et les officiers, conscients du malaise, se tiennent prêts à réagir en cas de grabuge.

    Mais ils n’ont guère le temps de chercher à en savoir plus. La tempête, une de plus, se lève.

    Pendant des heures le Wolf doit lutter contre les éléments en furie. Les équipages recueillis aident de leur mieux à résister aux éléments en furie, mais, quand la tempête se calme, l’ampleur des dégâts est telle qu’il n’y a plus qu’une solution: il faut abandonner le navire avant qu’il ne coule. Les marins de l’Edelweiss, sont plus que les autres, particulièrement abattus. Les vagues sont encore plus hautes et plusieurs matelots abandonnent le navire avec pour tout secours une planche ou un baril en piteux état qui les maintient à la surface des vagues. L’eau est glacée est c’est ce qui retient un peu les requins dont on voit les ailerons se profiler parfois à la surface de l’eau. Ballotés par les vagues, les marins qui n’ont pu trouver place sur les canots luttent comme ils peuvent pour les éloigner. Ils s’épuisent pendant dix-huit heures d’affilée, jusqu’au moment où, nouveau miracle, un navire pointe à l’horizon. C’est le Neptune. Tous les rescapés se retrouvent à son bord. Les officiers procèdent alors à l’appel: Mulligan?

    - Présent!

    - Flaherty?

    - Présent!

    - O’Burn

    - Présent!

    Et, une fois de plus, l’invraisemblable se produit. Personne ne manque à l’appel. Pas un des marins ne manque à l’appel. Pas un des marins des quatre navires n’a disparu dans les naufrages successif. Personne ne s’est noyé, personne n’a été dévoré par les requins. La situation devient étrange, incroyable, surnaturelle. Les marins s’attendent à voir des anges dorés leur apparaitre dans le ciel chargé de pluie. Mais ils ne sont pas au bout de leurs peines.

    Deux jours se passent. Alors que personne ne s’attend à rien, par un ciel sans nuages, le Neptune heurte un récif et coule en l’espace de quelques minutes. Tout le monde se retrouve une fois de plus à la mer.

    Mais dans ce nouveau coup du sort, l’attente n’est que de quelques minutes. Quand le Neptune heurte ce récif ignoré des cartes, un autre navire, le Liberté, est à portée de voix. Il lui suffit de s’approcher pour recueillir tout le monde et, une fois de plus, à l’appel on constate que les équipages de l’Edelweiss, de l’Esméralda, du Wolf, du Neptune et du Doolittle sont tous là, au grand complet.

    Cette fois-ci, le pasteur du Liberté, un navire de ligne en provenance de l’Angleterre, décide d’organiser un service d’action de grâces auquel tous les marins se joignent avec ferveur. Pourtant, après cette série interminable qui semble marquée par le doigt de Dieu, les naufragés perpétuels et les marins du Liberté se demandent quelle nouvelle catastrophe va leur tomber sur le dos. L’ambiance est plutôt morose.

    Soudain, une mauvaise nouvelle court à bord: une passagère, une dame anglaise, est au plus mal. Le médecin se rend à son chevet mais, en ce temps de la marine à voile, sans radio ni antibiotiques, il fait les plus sombres pronostics quant à ses chances de survie.

    On ignore les causes de sa maladie et chacun se demande, si au bout du compte, cette vieille dame distinguée ne serait pas porteuse d’une maladie contagieuse. Mais le médecin rassure les marins: c’est une femme épuisée par le chagrin qui se laisse glisser. Elle n’a plus le goût à rien.

    - Arnold! Où est mon Arnold? répète la malade. Amenez-moi mon Arnold….

    Elle sombre peu à peu dans le délire, se retournant sans cesse sur sa couchette, refusant d’avaler quoi que soit, fiévreuse, agitée et obsédée par son idée fixe. Vous l’avez reconnue, cette passagère qui veut revoir son Arnold, c’est la veuve anglaise dont nous avons parlé au début.

    Désespérant de revoir son fils, cette dame, jouissant d’une certaine fortune, s’est finalement embarquée pour l’Océanie, dans l’espoir d’y revoir, avant de mourir le seul enfant qui lui reste.

    Et c’est pourquoi la voilà, à deux doigts de la mort, en train de délirer sur le Liberté, priant le ciel de revoir une dernière fois son Arnold.

    Pour la calmer un peu, le médecin et le capitaine du navire décident alors, afin de lui assurer une fin paisible, de lui jouer une comédie pleine de bonnes intentions. Madame Kreuz-Brownfield dans ses quelques moments de lucidité, donne une description assez précise de son cher Arnold: il mesure près de sept pieds, c’est un beau gars de trente-cinq ans aujourd’hui, et ses yeux sont bleu-vert comme la mer d’Irlande. Qu’il vienne me voir afin que je puisse mourir en paix. Comment accéder à ce désir, sans doute le dernier? Comment lui amener son fils disparu Dieu sait où depuis quinze ans?

    Aussitôt on réunit tous les équipages qui se trouvent à bord et on sélectionne les grands bruns aux yeux clairs. Un des marins de l’Edelweiss correspond à peu près à la description du cher Arnold et le commandant du Liberté lui explique en deux mots la situation: ce n’est pas compliqué, cette dame anglaise n’en a plus pour très longtemps à vivre. Sa dernière joie serait de revoir une dernière fois son fils qui est parti naviguer il y a plus de quinze ans. Comme nous ne pouvons lui donner cette ultime consolation, ce serait bien de votre part de jouer le rôle du fils. Vous n’aurez qu’à entrer dans sa cabine et à lui dire: Bonjour mère, je suis votre fils, et à l’embrasser. Si elle vous pose des questions, vous répondrez ce qui vous passe par la tête. Ça n’a plus beaucoup d’importance. Il s’agit de lui assurer une fin paisible. Le marin opine du bonnet. Ah, dit le commandant, j’allais oublier: vous vous appelez, pour elle Arnold Kreuz-Brownfield, vous êtes le fils de Mme Melynda Kreuz-Brownfield.

    A ses mots, le marin pâlit et se mît à trembler.

    Que se passe-t-il? se demande le commandant.

    - Mon commandant, c’est que… Arnold Kreuz-Brownfield, c’est mon vrai nom. Ça fait quinze ans que j’ai quitté ma mère et, comme je ne sais pas bien écrire, je n’ai jamais donné signe de vie.

    L’émotion de Madame Brownfield en retrouvant son fils plusieurs fois sauvé des eaux, à l’autre bout du monde, si loin de chez eux, est cependant trop forte pour son pauvre cœur et, deux jours plus tard, elle rend l’âme après avoir eu la joie de revoir son cher Arnold.

    Un Arnold qui ne peut maîtriser ses larmes lorsque, selon la coutume, il voit le corps de sa pauvre maman glisser dans les flots avec une dernière bénédiction du pasteur.

    Les assassins

    Parmi les assassins, les empoisonneurs, sans doute en perte de vitesse, ont bien tenu leur rang depuis l’Antiquité. Et même l’épouvantable «Chambre ardente» qui sous Louis XIV, réglait le sort de ces amateurs de chimie n’aura découragé que peu de monde.

    Il était prudent, jusque dans l’entourage du Roi Soleil, de se méfier des empoisonneurs. La Brinvilliers avait bien fini sous la hache du bourreau en juillet 1676 mais, loin d’effrayer, l’affaire avait semble-t-il éveiller des vocations. Marie-Madeleine d’Aubray, marquise de Brinvilliers, avait empoisonné pour l’argent son père et ses deux frères, avec l’aide de son amant, le capitaine Gaudin de Sainte-Croix, initié à cette science par un compagnon de la Bastille, lorsque le père de la marquise l’y avait fait enfermer afin d’écarter ce prétendant.

    Apres l’infortunée marquise, les empoisonneurs connurent des années fastes, ce qui obligea le roi à sévir en créant la « Chambre ardente » qui, siégeant à l’Arsenal, devait envoyer trente-six personnes sur le bûcher dans les années 1679-1680.

    Malgré cela, un an après

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