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La Grande Flourenn
La Grande Flourenn
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Ebook245 pages3 hours

La Grande Flourenn

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About this ebook

Dans la banlieue parisienne, une famille d’artistes vit difficilement la fin de la guerre et la perte de leur premier enfant. Le frère et la sœur nés ensuite sont élevés par leur père, la mère partant travailler à l’extérieur. Les deux petits reçoivent donc les soins de leur père artiste-peintre au foyer, mais aussi une initiation à l’art, et peut-être aussi de quelque chose de plus trouble...
Possédant la porosité de l’enfance, rien ne leur échappe, ils ressentent tout, et l’expression de leur vécu se révèle poétique et même parfois philosophique. La « traduction » littéraire de ce vécu enfantin nécessite bien entendu les outils conceptuels de l’auteure, dont ils seraient naturellement incapables.
Mais à l’adolescence, le grand frère Ismaël, dans sa tentative désespérée de surmonter les traumas qu’il a subis, et ses efforts pour y parvenir, est amené à commettre sur ses jeunes sœurs l’irréparable. Et il en sera durement puni. Son suicide à la maturité va bouleverser la vie de sa sœur, sa complice, sa jumelle.
Cependant, grâce à l’élaboration d’un film au sein d’une troupe de cinéma, elle sera à même d’explorer toutes les facettes de diamant noir de la vie de son frère et de trouver ainsi l’apaisement.
Tout au long de ce récit familial, l’évocation empathique des communautés environnantes enracine puissamment ce roman en Bretagne.

LanguageEnglish
PublisherLise Audoin
Release dateOct 3, 2018
ISBN9782956417330
La Grande Flourenn
Author

Lise Audoin

Lise Audoin vit en Bretagne.

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    La Grande Flourenn - Lise Audoin

    LA GRANDE FLOURENN

    roman

    Lise Audoin

    Couverture : © Adam Molariss for Indiegraphics

    All Rights Reserved

    Tous droits réservés

    Copyright © 2018 Lise Audoin

    ISBN 978-2-9564173-3-0

    EAN 9782956417330

    Distributed by Smashwords

    Smashwords Edition, License Note

    This ebook is licensed for your personal enjoyment only. This ebook may not be re-sold or given away to other people. If you would like to share this book with another person, please purchase an additional copy for each recipient. If you’re reading this book and did not purchase it, or it was not purchased for your use only, then please return to your favorite ebook retailer and purchase your own copy. Thank you for respecting the hard work of this author.

    Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite.

    « Ar gwir eneb ar bed dindan eol lagad »

    « La vérité à la face du monde sous l’œil du soleil »

    Devise druidique

    I – LE TEMPS DU BONHEUR

    RÊVE DE MER

    LE CHANT D'ISMAËL

    II – LE TEMPS DE LA COLÈRE

    III – LE TEMPS DES ADIEUX

    IV – L'ÉTERNITÉ À TRAVERS LE TEMPS

    I – LE TEMPS DU BONHEUR

    RÊVE DE MER

    Naissance

    Je ne me souviens plus de la naissance d’Ismaël. Maman cousait un berceau — mais je vois toujours maman cousant des dentelles et rassemblant des layettes, papa en a d’ailleurs fait un tableau, une jeune femme, les cheveux libres sur son épaule, a un regard souriant au milieu d’un fouillis de dentelles étalées sur ses genoux et débordant du moïse — on sent l’émotion du grand événement qui se prépare. Habitiez-vous l’appartement de Gennevilliers ou chez grand-mère qui était receveuse des Postes à La Celle-Saint-Cloud ? Je ne sais plus. On était au printemps 1945, c’était la Libération et j’avais deux ans. Je faisais la découverte du jardin de grand-mère, des fleurs, des oiseaux et du soleil. Le visage des grandes personnes était encore crispé de l’épreuve de quatre années de guerre. Avec une excessive avidité d’un monde neuf et heureux.

    Mais les lapins m’intriguaient aussi. Surtout les tout blancs avec les yeux rouges. Ils appartenaient à une amie de grand-mère qu’on était venus visiter. Quand elle ouvrit son four, il s’en dégagea une si délicieuse odeur de petits gâteaux que j’en salive encore de plaisir. J’aimais aussi le bureau de poste de grand-mère qui avait de curieuses odeurs mêlées, de plancher poussiéreux, d’encre et de public. Les employées étaient des jeunes filles qui s’amusaient de moi, me prenant sur leurs genoux pour m’apprendre à écrire, à tamponner, à tricoter et me couvraient de baisers.

    Le bureau de poste dont grand-mère s’enorgueillissait d’être la receveuse se trouvait à deux pas du quartier général d’Hitler. Mais les gens de la petite ville ignoraient que l’une des villas dans les bois abritait le cerveau central du monstre.

    Maman, en socquettes blanches et cape bleu-marine, allait souvent promener la petite Angèle dans les allées majestueuses où elle ramassait des châtaignes.

    – Verboten ! cria un jour un soldat allemand.

    Alors, maman lui jeta les châtaignes à la figure. Elle aurait pu se faire ramasser et la petite Angèle aussi, mais maman n’avait peur de rien.

    Ce monde était celui de la plus hideuse des guerres. À moi, il m’apparaissait si étincelant et gai qu’à neuf mois une envie irrésistible me prit de m’élancer sur mes deux petites pattes tremblantes à sa conquête enthousiasmante. Le bonheur indicible de sentir mon corps danser librement dans l’air léger, danser encore, danser toujours, joie à chaque instant redoublée de la marche. Je m’en saoulais tout le jour, je m’en grisais le lendemain encore jusqu’à épuisement. Il n’y avait rien de plus beau au monde que le monde.

    Alors Ismaël, tu es né. Il était une heure du matin, ce 9 août 1945, un avion gros de ses flancs se dirigeait sur Nagasaki. Mère grosse de ses flancs s’apprêtait à t’expulser. Une ouverture se fit sous le ventre de l’avion. Mère fit un dernier effort et la lumière fut ! La lumière fut sur Nagasaki, ô Katchina, requiem sur Nagasaki, requiem sur le Japon, requiem sur l’humanité !

    Tu étais plein de sang et tu criais, ô mon frère. Le monde entier se demandait pourquoi tu hurlais ainsi.

    Pas une goutte de sang sur Nagasaki, pas un cri : le silence…

    La loi du silence pour les mafieux, la loi du silence pour le Japon, la loi du silence pour l’humanité…

    Mais il est des crimes qui parlent. La mort de Socrate dit : « Connais-toi toi-même ». Celle du Christ : la bonté. Que dit le martyre de Nagasaki ? Assurément pas la bonté des hommes. Et quel sera ton destin, petit d’homme, né à cet instant historique où l’humanité vient d’entrer dans la dimension des Titans ? Que dira ton suicide, Ismaël ?

    On me demanda mon avis : « Veux-tu un petit frère, Judith ? Attention, réfléchis bien, car tu devras partager tes affaires avec lui, et tes jouets… »

    Après mûre réflexion, j’avais dit oui. Une précieuse petite chose au milieu des dentelles et des frous-frous arriva en même temps que ma première poupée. À vrai dire, je trouvais peu d’intérêt pour cet objet sans vie. Alors papa se mit à faire tant et si bien le clown avec la poupée que pour lui faire plaisir je pris la chose dans les bras. Et même, je m’y attachai. À tel point que je connus un vrai chagrin quand je l’oubliai dans le train qui nous menait à Douarnenez. Au terminus de la petite gare du bout du monde, nous descendîmes. Le train repartait déjà quand j’éclatai en sanglots en répétant : « Ma poupée ! »

    Papa eut une inspiration : « Ne pleure pas, elle en a de la chance ta poupée ! Elle va voyager toute sa vie, le nez à la vitre en regardant le paysage. »

    Cela m’étonna un peu, puis voyant le sérieux de papa, je me laissai aller à l’enchantement.

    Dans le jardin de madame Paul à Tréboul, on me donna à porter Ismaël dans mes petits bras et j’étais fière de tenir ce gros paquet de langes. Tout le monde s’extasiait devant cette chose boudinée de blanc et qui semblait prendre plaisir à être adulée ainsi : il riait de bon cœur en découvrant de façon indécente des gencives sans dent.

    Je préférais aller faire la conversation à madame Paul qui s’affairait dans sa cuisine autour d’un évier extraordinaire. Cet évier était l’œuvre de son fils parti en Australie pour y chercher fortune. Pour cet ouvrage, il avait récolté plein de morceaux de porcelaine en fouillant dans les dépotoirs et les décharges. Rien que des morceaux bleus. Même papa sur sa palette n’a jamais su créer une telle variété de bleus. Ces bouts de vaisselle, de vases et de tasses, le fils de la vieille dame les avait enchâssés dans du ciment et avait fait à sa mère le plus bel évier du monde. Il y avait des morceaux de porcelaine à fleurs, des morceaux à pois, du gros bleu comme les vitres de la défense passive, des bleus vifs de myosotis, des bleus de porcelaine de Chine, des bleus aussi pâles que les yeux de grand-mère, les violines des iris du jardin, d’autres, aussi légers qu’un vol de papillon, aussi translucides qu’un azur d’avril…

    Longtemps, je restais admirer cette merveille. Cela faisait venir les larmes aux yeux de madame Paul. Elle essuyait ses pleurs à un pan de son tablier en se lamentant : « Mon fils, il est parti si loin. Quand le reverrai-je maintenant ? » Alors, je lui racontais des tas de choses, elle y prenait plaisir et même parfois riait de bon cœur. Surtout si je lui racontais ce que papa et maman faisaient dans leur lit. Il arrivait que maman entrât à l’improviste et je ne comprenais pas pourquoi elle me faisait ces gros yeux furibonds. On s’amusait bien ensemble, madame Paul et moi.

    Le séjour à Douarnenez se prolonge. Maman se met en tête de m’apprendre des poésies, si longues et si difficiles qu’il lui échappe que je n’ai que trois ans. Alors, je sue sang et eau pour lui réciter le poème sans rien oublier. Je veux tellement qu’elle m’aime… Si maman avait la moindre idée de l’héroïsme qu’il faut à sa petite fille pour lui réciter cette poésie sans en omettre le moindre vers, la moindre syllabe, elle aurait honte de son exigence exorbitante. Elle est simplement contente, elle dit : « C’est bien, ma chérie ! »

    Cependant, la musique des mots fait irruption jusqu’au fond de mon âme, et la poésie… La mer est toujours au bout de nos promenades, La biche brame au fond des bois, la mer grise tel son regard, Elle brame à fendre l’âme, des yeux tristes d’avoir perdu sa petite Angèle, Qui jamais lui rendra son petit faon délicieux ? L’océan seul peut calmer l’immensité de sa peine…

    Je sens bien que moi, je ne peux pas tellement, Ismaël non plus. D’abord, on n’a pas les yeux bleus. Ce bleu de la mosaïque de Madame Paul qui me fascinait tant ! C’est justement cette couleur qui me manque pour gagner le cœur de maman. Alors je rassemble tout mon courage pour lui réciter La biche brame de manière à voir quand même sur son pauvre visage un pâle sourire. Je me sens vaguement coupable d’être venue au monde noire comme un pruneau et louchant pour achever le tableau. Alors qu’il aurait fallu naître claire, une vraie beauté blonde.

    « Qu’elle est laide ! » fut le commentaire impitoyable de papa devant son petit pruneau qui braillait en louchant.

    Souvent, maman me raconte combien sa petite était ravissante, un ange descendu sur terre et qui aurait perdu ses ailes. Elle avait tout juste quatorze mois lorsqu’ils débarquèrent sur le port de Bougie pour la présenter à ses grands-parents pieds-noirs. À la sortie du bateau, les Algériennes joignirent les mains de ravissement en s’écriant : « C’est un ange ! » Effectivement, elle le devint en moins de huit jours. Le lait algérien était contaminé par le virus du choléra et, pour comble de malheur, la guerre priva cruellement l’enfant de médicaments. On n’avait que de l’eau de mer à lui injecter dans les veines.

    Il ne fallut plus parler à maman de Dieu ! Il devint son exécration, son ennemi mortel. Elle lui réserva le pire sort qu’on puisse faire à Dieu : elle déclara qu’il n’existait pas ! Et même qu’il n’était pas infiniment bon ni infiniment puissant ainsi qu’on le prétendait. La preuve, disait-elle, si l’on entendait en ce moment tous les cris atroces des enfants qui souffrent dans le monde, eh bien, on se boucherait les oreilles et on insulterait Dieu ! En ce moment où je vous parle, où une multitude d’enfants juifs connaissent l’haleine brûlante et atroce de la mort nazie, qui pourrait donner tort à maman ?

    En ce mois d’août 1945 où des petits Nippons ont la peau brûlée par la radioactivité, qui pourrait dire que maman se trompe ? Leur regard agrandi d’horreur dit qu’ils ne comprennent pas et maman non plus. Je peux même ajouter qu’elle se refusa toute sa vie à comprendre. Ils étaient partis heureux avec la petite Angèle. Ils rentrèrent seuls avec le poids d’une culpabilité colossale.

    Quand la grand-mère Mathilde apprit qu’ils ne ramenaient pas le petit ange, elle jugea qu’elle-même n’avait plus droit à la vie. Elle avait un grand sens de la justice, cette femme. Alors, elle cessa de s’alimenter. Maman lui prit la main tendrement avec de douces paroles, lui disant que j’étais en remplacement dans son ventre. Mais rien n’y fit. Mon arrière-grand-mère ne désirait pas me connaître. Peut-être voulait-elle aussi mettre le Bon Dieu devant ses responsabilités ? Elle se laissa mourir tout doucement, malgré les soins affectueux de sa fille Marie et ses verres de champagne pour la requinquer.

    Plus tard, Ismaël et moi sentons confusément que nous avons pris la place de quelqu’un. Alors, nous marchons sur des œufs, nous nous faisons tout petits.

    Il faut dire qu’en ces années quarante, l’humanité a un tantinet manqué de sens de l’hospitalité pour les nouveaux venus. Encore heureux que nous n’étions pas sous le champignon atomique, ni dans un campement tzigane, ni dans une famille juive… Et puis, venir au monde au sein d’une famille au sens de la justice aussi développé ne nous présageait rien de bon. On sentait vaguement qu’on allait le payer très cher.

    Mathilde avait sans doute raison de ne pas vouloir me connaître, de toute façon je n’avais pas les yeux bleus. Longtemps, je contemplais l’évier de madame Paul, la mosaïque des bleus merveilleux.

    Gennevilliers

    À Paris, dans mon petit lit, j’avais souvent envie de vomir ce que je ne digérais pas. J’avais beau m’accrocher fermement aux meneaux du lit de bois dessiné par papa, la fenêtre et la chambre ne cessaient de tourner comme une toupie et je vomissais.

    Toi, Ismaël, tu allais te cacher dans un coin et tu rongeais une bougie. Tu rongeais ton frein, tu rongeais cet os qui restait en travers de la gorge de maman, Bougie, cette ville algérienne maudite où Dieu la frappa. Ismaël, tout petit déjà, tu rongeais ce que les parents avaient de dur en eux, ce nœud d’émotions trop serré, ce nœud de dragons refoulés, prêts à surgir sans crier gare au travers d’actes qui les étonnaient eux-mêmes.

    Dans les recoins tristes, un petit garçon rongeait des bougies sans comprendre ce qu’il faisait. Moi, je vomissais.

    « Cette petite a le foie fragile », constatait maman qui ajoutait, un brin perfide, « forcément, fille de Pied-noir ! »

    Voilà, c’était lâché, désormais tout le mal viendrait de papa et de son monde, car c’était à cause de lui qu’avait surgi la tragédie, à Bougie, en Algérie, dans ce monde pied-noir ! La fillette que j’étais, grâce à la porosité de l’enfance, sentait ce qu’elle ne pouvait comprendre.

    Un orvet venait de naître dans le cœur douloureux de sa mère, sans qu’elle s’en rendît compte. Un orvet qui allait grandir jusqu’à devenir le démon d’une haine secrète pour son mari pied-noir. Elle savait, par ailleurs, qu’elle ne le garderait pas, il était trop séduisant, trop séducteur… Alors, elle mit au monde Ismaël. Ainsi Isis enfanta Horus qui la vengerait de la mort d’Osiris. Le serpent qui grandissait dans le cœur de maman fit inconsciemment d’Ismaël son complice, son justicier, son phallus. Elle pouvait compter sur son fils, c’était sa chose à elle, son petit mâle, son bras vengeur, son Horus.

    Au matin ensoleillé, une adorable animation agitait le lit des parents. « Va chercher Ismaël ! » disait papa. Je crapahutais jusqu’au bout du grand lit et faisais basculer le bébé qui roulait, étonné, au milieu des rires. Sa petite bouche cherchait avec avidité le sein laiteux de maman jusqu’à ce qu’il fasse entendre le ronronnement rythmé de la tétée. Alors, je m’amusais à retirer le sein gonflé de la petite bouche qui se tordait à la recherche du lait qui pissait dans le vide et je hurlais de plaisir en essayant d’avaler moi aussi ce jet fade et sucré. J’adorais aussi tirer le long nez de mes parents, c’était la seule chose qui les faisait se rembrunir et me taper sur les doigts. Je les trouvais sans humour…

    À la rentrée 1945, j’avais deux ans et il fut question d’école. On me parla avec une insistance douteuse d’un tablier neuf et d’un cartable de toile que maman cousait à la machine. Me souvenant de la poupée, cette importance soudaine et excessive donnée à ces objets me parut suspecte. Arriva enfin le grand jour et maman me conduisit tôt le matin à travers la ville jusqu’à deux petites portes dans un grand mur. C’est ainsi que je fis connaissance avec l’école publique le matin, religieuse l’après-midi, car dans sa précipitation, maman s’était trompée de porte. Je refusais en bloc les deux à cause d’une claque donnée par la bonne sœur de l’après-midi. La maîtresse publique du matin me plaisait davantage, sans le dégoût que j’éprouvais pour les effluves des cabinets en continuels battements sur le va-et-vient des petits dont on baissait la culotte. Pour comble, sur le chemin du retour, les grands me firent peur devant un béret posé sur le chemin qu’ils s’amusèrent à me faire prendre pour un monstre. Je hurlais de terreur ! Alors, je refusai catégoriquement d’aller à l’école. Mon cartable y est encore.

    Avec Ismaël et papa, nous restâmes tranquillement à la maison. Chaque matin, maman partait gagner notre vie, sur un vélo sans pneu. À l’institut, l’attendaient de jeunes sourds-muets, ensemble ils parlaient avec les mains.

    Pendant ce temps, nous peignions à longueur de journée. L’appartement débordait de toiles, de gobelets, de pinceaux, d’odeurs de peinture et d’essence térébenthine. Pas un instant, nous ne fûmes étonnés que papa restât ainsi jouer avec les formes et les couleurs. Sa quête fiévreuse de teintes subtiles sur sa palette, de lignes justes sur sa toile nous paraissait naturelle et même impérieuse. Les émotions que son travail faisait naître en nos cœurs étaient

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