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Cycles économiques, analyse conjoncturelle et prévisions

NOTES DE COURS

Professeur Vincent Bodart


Département d’économie et IRES
Université catholique de Louvain

Année académique 2007-2008


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

PARTIE 1. L’ANALYSE CONJONCTURELLE......................................................... 7

INTRODUCTION.................................................................................................................. 7

CHAPITRE 1. LES OUTILS DE L’ANALYSE CONJONCTURELLE ............................. 8

1.1. Typologie des indicateurs conjoncturels ................................................................ 8


1.2. Les indicateurs d’activité ..................................................................................... 10
1.3. Les comptes nationaux trimestriels ...................................................................... 13
1.4. Les enquêtes de conjoncture ................................................................................ 15
1.5. Indicateurs conjoncturels internationaux ............................................................. 22
1.6. Illustration générale : la conjoncture économique en Belgique ........................... 25

ANNEXES AU CHAPITRE 1 ............................................................................................. 26

CHAPITRE 2. LA PREVISION ECONOMIQUE A COURT TERME ............................ 27

2.1. Généralités............................................................................................................ 27
2.2. Le diagnostic conjoncturel ................................................................................... 27
2.2. Les indicateurs avancés........................................................................................ 34
2.4. Les modèles statistiques de prévisions................................................................. 37
2.5. La cohérence comptable de la prévision .............................................................. 38

ANNEXE 2.1. EXPORTATIONS, DEMANDE MONDIALE ET COMPÉTITIVITÉ..... 40

PARTIE 2. LE CYCLE ECONOMIQUE : DÉFINITIONS, FAITS STYLISÉS ET


ANALYSE ............................................................................................. 45

CHAPITRE 3. DEFINIR LE CYCLE ECONOMIQUE..................................................... 45

3.1. Définitions............................................................................................................ 45
3.2. Cycles et tendances .............................................................................................. 46

ANNEXE. LA CONCEPTION DU CYCLE SELON LA THÉORIE


DES CYCLES ÉCONOMIQUES RÉELS........................................................ 49

CHAPITRE 4. LE CYCLE ECONOMIQUE : ELEMENTS DESCRIPTIFS.................... 52

4.1. Le cycle économique américain........................................................................... 52


4.1.2. La dynamique du cycle économique aux Etats-Unis : illustration rapide............ 53
4.2. Quelques faits stylisés à propos du cycle économiques des pays industrialisés .. 55

CHAPITRE 5. LA DYNAMIQUE DES CYCLES ECONOMIQUES .............................. 58


5.1. Cycles stochastiques et cycles déterministes ....................................................... 58
5.2. Le cycle des stocks............................................................................................... 59
5.3. Le rôle de l’investissement dans la dynamique du cycle économique................. 66
5.4. La théorie du cycle économique réel.................................................................... 71
5.5. Les enchaînements cycliques selon Adda et Sigogne (1994) ............................. 76
CHAPITRE 6. LA STABILISATION DU CYCLE ECONOMIQUE ............................... 79

6.1. Principaux faits..................................................................................................... 79


6.2. Facteurs explicatifs de la réduction de la volatilité cyclique depuis le début des
années 1980s ........................................................................................................ 83

CHAPITRE 7. LA SYNCHRONISATION INTERNATIONALE DES CYCLES


ECONOMIQUES...................................................................................... 89

7.1. La synchronisation internationale des cycles économiques : illustration rapide . 89


7.2. Facteurs explicatifs de la synchronisation internationale
des cycles économiques ........................................................................................ 91
7.3. Spécialisation verticale et synchronisation internationale
des cycles économiques ....................................................................................... 92

PARTIE 3. MATIERES SPECIALES........................................................................ 96

CHAPITRE 8. L’INFLUENCE DES MARCHES FINANCIERS SUR


LA CONJONCTURE ECONOMIQUE.................................................... 96

8.1. Conditions monétaires et politique monétaire...................................................... 96


8.2. Conditions sur les marchés obligataires ............................................................. 100
8.3. Conditions sur les marchés boursiers ................................................................. 101
8.4. Conditions sur les marchés des changes ............................................................ 107

CHAPITRE 9. L’IMPACT ECONOMIQUE DES VARIATIONS DU PETROLE ....... 108

BIBLIOGRAPHIQUE COMPLETE ................................................................................. 110

BIBLIOGRAPHIQUE COMPLETE ................................................................................. 110


INTRODUCTION

Objet du cours
Le cours «Cycles économiques, conjoncture et prévisions» a pour sujet général l’étude des
fluctuations conjoncturelles et cycliques. Le cours mettra l’accent sur deux points particuliers.
Le premier est la présentation des méthodes de l’analyse conjoncturelle, le but étant d’initier
les étudiants à l’élaboration d’un diagnostic conjoncturel utile pour la prévision économique.
Le second point sera une introduction à l’étude des déterminants du cycle économique.

Le cycle économique : aperçu rapide


Il suffit d’examiner quelques séries économiques historiques pour constater que le rythme de
l’activité économique n’est pas constant mais qu’il fluctue au fil du temps (cf. graphique 1) :
certaines années, l’activité économique est soutenue, les entreprises produisent à pleine
capacité, l’emploi augmente et le chômage diminue, les créations d’entreprises sont
nombreuses et les faillites sont peu nombreuses alors qu’à d’autres périodes, l’activité
économie progresse faiblement, les capacités de production sont sous-utilisées, les entreprises
accumulent des stocks superflus, le chômage augmente et les faillites sont nombreuses.

Graphique 1. Evolution du PIB belge : 1980-2004


(pourcentage de variation annuelle)
7

-1

-2

-3

-4
mars-80

mars-81

mars-82
mars-83

mars-84

mars-85

mars-86

mars-87

mars-88

mars-89

mars-90

mars-91

mars-92
mars-93

mars-94
mars-95

mars-96

mars-97

mars-98

mars-99
mars-00

mars-01

mars-02

mars-03
mars-04

PIB (yoy)

-1-
L’évolution de l’activité économique est en fait une succession de périodes d’expansion et de
périodes de ralentissement ou de récession. Ce que l’on appelle «cycle économique» désigne
cette succession répétée de périodes d’expansion et de récession.

Le graphique 2 donne une représentation schématique du cycle économique : à partir d’un


creux, l’économie entame une phase d’expansion qui l’amène à un sommet (c’est-à-dire au
point le plus élevé du cycle) pour ensuite entrer dans une phase de récession qui l’amène à un
nouveau creux, à partir duquel une nouvelle phase d’expansion commence. Un cycle complet
est mesuré entre deux creux (sommets) et passe par un sommet (creux).

Graphique 2. Représentation schématique du cycle économique


Y PIC

TREND

PIC

EXPANSION
RECESSION
EXPANSION

CREUX

CREUX

t1 t2 t3 t4 TEMPS

CYCLE

L’étude des cycles économiques a pour objet : (i) de déterminer les caractéristiques
principales du comportement des cycliques économiques, et (ii) d’identifier les mécanismes
économiques qui sont à l’origine des fluctuations cycliques.

L’analyse conjoncturelle
Le fait que les cycles économiques se répètent à un rythme irrégulier est une source
d’incertitude importante : les individus sont exposés au risque de chômage, les entreprises au
risque de faillite. Ce risque influence leurs décisions économiques : quel est le moment le plus
opportun pour construire une maison ou acheter une nouvelle voiture, la période actuelle est-
elle propice pour développer de nouvelles unités de production, … ?

Le but de l’analyse conjoncturelle est de réduire le risque de la décision économique en


apportant aux décideurs une évaluation de l’état de la situation économique à un moment
donné et en déterminant son évolution probable à court et moyen termes. En d’autres termes,
l’analyse conjoncturelle s’attache à déterminer, à une période donnée, à quel stade du cycle
économique l’économie se situe-t-elle et dans quelle direction la situation économique va-t-
elle évoluer le plus probablement à court terme ?

L’analyse conjoncturelle procure une information primordiale pour les décideurs


économiques. De nombreuses décisions et politiques économiques sont en effet influencées

-2-
par l’état actuel et anticipé de la situation économique : politiques de stabilisation au niveau
macroéconomique, politiques d’investissement, d’embauche et de stockage au niveau de la
firme, décisions de dépenses et d’épargne des ménages, …

Exemples de décisions pouvant être influencées par le cycle économique :

• Une entreprise exportatrice ne sera encline à accroître ses capacités de production et à


augmenter ses effectifs que si elle juge le climat économique favorable et qu’elle anticipe
une amélioration durable de la demande étrangère. Sa décision d’investir ou d’embaucher
dépendra donc de la perception qu’elle a de la conjoncture économique internationale et
de l’évolution attendue de ses marchés étrangers. Sa décision pourra également être
influencée par l’évolution des taux de change, si elle considère que la rentabilité de ses
nouveaux investissements pourrait être menacée par une appréciation soudaine de la
monnaie nationale.

• Pour élaborer son budget, un gouvernement a besoin de savoir si la croissance


économique va se raffermir ou va s’affaiblir. Du niveau de la croissance économique
dépendra en effet le montant des recettes et donc le montant des dépenses qu’il pourra
financer.

• Une banque centrale déterminera l’orientation (durcissement, assouplissement) de sa


politique en fonction de sa perception de l’évolution de la croissance économique et de
l’inflation.

• Un ménage qui souhaite acheter une maison décidera du moment opportun pour le faire en
fonction de plusieurs facteurs économiques : l’évolution probable de sa situation
professionnelle et financière, le niveau des taux d’intérêt hypothécaires, le niveau des prix
immobiliers, … Or, ces variables dépendent en partie du cycle conjoncturel : le risque de
perdre son emploi est faible en période de bonne conjoncture (cf. graphique 3), les taux
d’intérêt ont généralement tendance à augmenter lorsque la croissance économique se
renforce (cf. graphique 4), les prix immobiliers ont plutôt tendance à grimper durant les
périodes de boom économique (cf. graphique 5), …

• Investir ou ne pas investir en bourse est une décision qui dépend en partie de la perception
qu’a l’investisseur de l’évolution de la situation économique : les cours boursiers ont en
effet plutôt tendance à augmenter durant les périodes d’expansion économique et à chuter
durant les périodes de récession économique (cf. graphique 6).

-3-
Graphique 3. Etats-Unis : PIB (yoy) et emploi (yoy)
10

correlation= 0,75
6

-2

-4
Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1
1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

PIB Emploi

Graphique 4. Etats-Unis : PIB (yoy) et taux d'intérêt réel à long terme (en %)
10 9

8
8
corrélation = 0,62
7
6
6

4 5

2 4

3
0
2

-2
1

-4 0
Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2 Q2
1980198119821983198419851986198719881989199019911992199319941995199619971998199920002001200220032004

PIB Taux d'intérêt à long terme (éch. Dr.)

-4-
Graphique 5. Etats-Unis : PIB (yoy) et prix immobiliers réels (yoy)
10 10

8
8
corrélation = 0,33
6
6
4

4 2

2 0

-2
0
-4

-2
-6

-4 -8
Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1
1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

PIB Prix immobiliers (éch. Dr.)

Graphique 6. Etats-Unis : PIB (yoy) et S&P500 (yoy)


10 80

8 corrélation = 0,38 60

6 40

4 20

2 0

0 -20

-2 -40

-4 -60
Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1 Q1
1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

PIB SP500 (éch. Dr.)

-5-
Etant donné qu’il existe en fait un grand nombre de décisions économiques qui sont
influencées par le cycle économique, le champ d’investigation de l’analyse conjoncturelle
s’avère relativement vaste. Il se confond en fait avec le cadre macroéconomique général.
L’analyse conjoncturelle abordera donc des aspects aussi divers que : la croissance, les prix,
l’emploi et le chômage, les taux d’intérêt et les taux de change, …..

Dans ce cours, les aspects de l’analyse conjoncturelle qui seront abordés sont les suivants :

Quels sont les outils dont dispose le praticien pour construire un diagnostic conjoncturel ?
Comment établir un diagnostic conjoncturel rigoureux ?
Comment prévoir de manière simple l’évolution à court terme de l’activité économique ?

-6-
PARTIE 1. L’ANALYSE CONJONCTURELLE

INTRODUCTION

L’analyse conjoncturelle étudie les développements à court terme de l’activité économique


(PIB, production industrielle, emploi, prix, rentabilité, …). L’analyse conjoncturelle
comprend deux aspects importants et étroitement liés : d’une part, le diagnostic conjoncturel,
et d’autre part la prévision économique à court terme. Elle vise en effet à mettre en évidence
l’état sous-jacent de la situation économique (le diagnostic conjoncturel), dans le but de
déterminer son évolution probable à court et moyen termes (la prévision).

L’analyse conjoncturelle procure une information primordiale pour les décideurs


économiques. De nombreuses décisions et politiques économiques sont en effet influencées
par l’état actuel et anticipé de la situation économique : politiques de stabilisation au niveau
macroéconomique, politiques d’investissement, d’embauche et de stockage au niveau d’une
firme individuelle, décisions des dépenses et d’épargne des ménages, …
Le champ d’investigation de l’analyse conjoncturelle est le cadre macroéconomique général.
Une étude de conjoncture complète et approfondie abordera généralement les aspects
suivants :

• Environnement économique international :


√ Demande étrangère (croissance de l’économie mondiale et du commerce international
de marchandises, croissance économique dans les principaux marchés d’exportations,

√ Prix des matières premières importées (prix du pétrole, …)
√ Prix des produits finis des principaux concurrents étrangers

• Environnement monétaire financier


√ Taux de change (euro/$, …)
√ Politique monétaire et taux d’intérêt à court terme
√ Marchés obligataires (public, privé) et taux d’intérêt à long terme
√ Cours boursiers

• Economie nationale
√ Demande agrégée (consommation privée, investissement des entreprises, variations
des stocks, dépenses publiques, exportations, …)
√ Offre agrégée (importations, production, emploi et chômage, …)
√ Prix et salaires
√ Revenus des ménages et rentabilité des entreprises
√ Politiques macroéconomiques (politique monétaire et de change, fiscalité, dépenses
publiques.

-7-
CHAPITRE 1. LES OUTILS DE L’ANALYSE CONJONCTURELLE

L’analyse conjoncturelle implique de passer en revue un grand nombre d’indicateurs de


l’activité économique. Dans ce chapitre, nous nous intéressons uniquement aux indicateurs
relatifs à l’activité économique réelle. Les indicateurs de type monétaire et financiers seront
étudiés dans le chapitre 8. Nous décrirons les indicateurs couramment utilisés dans le cadre de
l’analyse conjoncturelle en mettant l’accent sur les traitements statistiques qui sont
nécessaires d'appliquer dans le but de rendre ces indicateurs utilisables pour l'analyse
conjoncturelle. Nous passerons successivement en revue les indicateurs d’activité, les
indicateurs des comptes nationaux, les indicateurs d’opinion, ainsi que certains indicateurs
conjoncturels internationaux.

1.1. Typologie des indicateurs conjoncturels

Dans cette section, nous présentons plusieurs caractéristiques importantes des indicateurs
conjoncturels.

1.1.1. Indicateurs coïncidents, retardés ou avancés

Pour l’analyse conjoncturelle et la prévision, il est important de pouvoir déterminer le


caractère coïncident, retardé ou avancé des indicateurs économiques, c’est-à-dire de pouvoir
déterminer précisément comment le cyclique de l’indicateur est positionné par rapport au
cycle de l’activité économique générale (cycle du PIB). On distingue ainsi les indicateurs dont
le cycle est coïncident avec celui du PIB, ceux dont le cycle est avancé par rapport à celui du
PIB et ceux dont le cycle est retardé par rapport à celui du PIB. L’utilité pour le
conjoncturiste des indicateurs coïncidents est de l’aider à déterminer la position cyclique de
l’économie à un moment donné alors que les données de PIB ne sont pas encore disponibles.
Cela suppose bien sûr que ces indicateurs soient disponibles de façon précoce, avant la
publication des données des comptes nationaux. Les indicateurs avancés apportent quant à
eux une information précieuse pour la prévision.

Indicateur coïncident

Cycle du PIB

Cycle de l'indicateur X

Exemples : production industrielle, heures supplémentaires, immatriculations,


emploi intérimaire

-8-
Indicateur avancé

Cycle du PIB

Cycle de l'indicateur X

Exemples : permis de bâtir, production de biens intermédiaires

Indicateur retardé

Cycle du PIB

Cycle de l'indicateur X

Exemples : emploi (en effectifs), chômage

1.1.2. Indicateurs simples et indicateurs composites

Un indicateur composite (ou synthétique) du cycle économique est un indicateur conjoncturel


qui résume en une seule valeur l’information conjoncturelle contenue dans plusieurs séries
économiques individuelles. Un indicateur composite peut combiner des séries hétérogènes,
par exemple des résultats d’enquête de conjoncture avec des séries quantitatives, des variables
financières avec des variables réelles. L’agrégation de plusieurs séries en un seul indicateur
composite se fait souvent par simple moyenne arithmétique. Des techniques plus élaborées
existent cependant, comme par exemple la méthode de décomposition en composante
principale. Etant construits comme une moyenne de plusieurs indicateurs individuels, ils
lissent les évolutions parfois erratiques de ces indicateurs et permettent ainsi au conjoncturiste
de mieux cerner les mouvements sous-jacents de l’économie.

Exemples d’indicateurs composites : indicateur du climat des affaires dans l’industrie, indice
de confiance des ménages, baromètre BNB de conjoncture, indice Ifo, indicateur PMI de
l’industrie américaine, indicateur composite avancé de l’OCDE.

-9-
1.1.3. Indicateurs quantitatifs et indicateurs qualitatifs

Un indicateur quantitatif est un indicateur dont la valeur provient d’une mesure (ou d’une
estimation) quantitative (ex. PIB, emploi, nombre de chômeurs). Un indicateur qualitatif est
un indicateur qui est obtenu à partir d’enquêtes d’opinion. Dans l’analyse conjoncturelle, les
indicateurs issus des enquêtes mensuelles de conjoncture (cf. section 1.4) prennent une place
importante.

1.2. Les indicateurs d’activité

Les indicateurs d’activité donnent une information quantitative sur les développements
économiques récents. Parmi les nombreux indicateurs disponibles, on privilégiera les
indicateurs mensuels, de manière à pouvoir établir le diagnostic conjoncturel à partir des
données les plus récentes.

On peut regrouper les indicateurs d’activité en deux grandes catégories :


• les indicateurs d’offre
• les indicateurs de demande

1.2.1. Les indicateurs d’offre

Production industrielle
Séries exprimées en indices
Séries souvent disponibles pour :
• l’ensemble de l’industrie
• l’industrie manufacturière
• l’industrie de la construction
• les principales branches d’activité (biens intermédiaires, biens d’équipement, biens de
consommation)

Remarque : L’activité de production des entreprises peut également être mesurée de façon
quantitative à partir des données de chiffres d’affaires issues des déclarations à la TVA.

Stocks
Séries souvent exprimées en valeur (prix courants ou prix constants)
Séries disponibles :
• par secteur d’activité (industrie, commerce, …)
• par type de biens (produits finis, produits semi-finis, matières premières, …)

Emploi et chômage
Plusieurs variables sont souvent disponibles pour rendre compte de la situation du marché du
travail (emploi et chômage) :
• emploi total et par secteurs d’activité (industrie, services, construction, …)
• nombre d’heures travaillées
• heures supplémentaires
• emploi intérimaire
• nombre de postes vacants
• demandeurs d’emplois inoccupés
• nombre de chômeurs temporaires

Autres indicateurs
• degré d’utilisation des capacités de production dans l’industrie (en fréquence trimestrielle,
voir enquêtes de conjoncture)
• ratio stocks/ventes
• prix à la production

- 10 -
1.2.2. Les indicateurs de demande

Indicateurs de la consommation des ménages

Chiffre d’affaires dans le commerce de détail


o établi selon les données des déclarations à la TVA
o à déflater par l’indice des prix à la consommation
Immatriculations de voitures (neuves, d’occasion)
Chiffre d’affaires dans les services aux ménages (horeca, loisirs, culture,.. )

Indicateurs de l’investissement en logements

Nombre de logements commencés


Nombre de permis de bâtir octroyés pour la construction et la rénovation d’habitations

Indicateurs de l’investissement des entreprises

Nombre de bâtiments non résidentiels commencés


Nombre de permis de bâtir pour la construction de bâtiments non résidentiels
Dépenses d’investissements selon les déclarations à la TVA
Commandes de biens d’équipements (total, total hors défense, …)

Indicateurs du commerce extérieur (exportations, importations)

Exportations de marchandises
o à prix courants (en valeur, en indice), à prix constants (en indice)
o par type de biens (biens intermédiaires, biens d’investissement, biens de consommation)
o par destination géographique

Importations de marchandises
o à prix courants (en valeur, en indice), à prix constants (en indice)
o par type de biens (biens intermédiaires, biens d’investissement, biens de consommation)
o par destination géographique

1.2.3. Traitement statistique

De manière à rendre compte au mieux de l’évolution de la situation économique, c’est-à-dire


identifier au mieux l’évolution sous-jacente de la croissance économique, il est souvent
nécessaire d’apporter un traitement statistique aux indicateurs économiques. Ce traitement
statistique peut comporter les opérations suivantes:

Correction pour variations saisonnières : cette correction est nécessaire et indispensable


lorsque l’indicateur économique est soumis à des fluctuations saisonnières importantes : la
production industrielle est faible durant les congés d’été, les ventes au détail sont élevées
durant les périodes de solde, les récoltes agricoles sont très faibles en hiver, les
immatriculations de voitures sont importantes lors de la tenue d’un salon de l’auto, …;
pour de nombreux indicateurs économiques, les variations infra-annuelles (entre deux
mois adjacents, entre deux trimestres adjacents) n’ont dès lors de sens que si l’indicateur a
préalablement été corrigé pour tenir compte des effets saisonniers.

De nombreuses séries statistiques qui sont publiées sont corrigées des variations
saisonnières. Si ce n’est pas le cas, on peut éliminer l’influence saisonnière de la façon
suivante :
o en cumulant les données sur une période plus large que la période correspondant à la
fréquence d’observation
o en calculant les variations pour une même période (mois, trimestre) entre deux années

- 11 -
o en appliquant un algorithme de désaisonnalisation (Tramos, Census X-12); ces
algorithmes reposent sur l’idée qu’une série X(t) est en fait le produit de plusieurs
composantes, par exemple :
Xt = It * St * Tt,
où I = composante irrégulière, S = composante saisonnière, T = tendance.
La série corrigée des variations saisonnières (cvs) est alors :

cvs (Xt) = Xt/St = It * Tt

Attention : les deux premières méthodes ont pour inconvénient important de faire
apparaître les inflexions de tendance avec beaucoup de retard (voir N. Carnot et B. Tissot,
La Prévision Economique, Economica, 2002, graphique 5, p. 105 + illustrations :
production industrielle américaine (voir annexe 1.1)).

Correction pour nombre de jours ouvrables : cette correction se justifie lorsque


l’indicateur mesure une activité dont l’ampleur au cours d’un mois donné est influencée
par le nombre de jours ouvrables : la présence d’un jour de travail supplémentaire dans le
mois implique une hausse mécanique de 5 % sur la production industrielle1, le volume
des ventes au détail au cours d’un mois donné est influencé par le nombre de jours
ouvrables au cours de ce mois, … Cette correction est une opération relativement difficile
à opérer si on ne dispose pas d’une information fine sur l’évolution au jour le jour de
l’activité économique qui est mesurée. Une manière simple de procéder, mais imparfaite,
consistera à calculer, pour chaque mois, la différence entre le nombre de jours ouvrables
et la moyenne historique pour ce mois et à utiliser le coefficient obtenu comme facteur
d’ajustement.

Lissage : cet ajustement est requis lorsque l’indicateur présente des variations erratiques
ou aberrantes à certaines périodes données, en raison de circonstances exceptionnelles
(grèves, mauvaises conditions climatiques, …). C’est par exemple le cas de l’activité de la
construction, en raison de sa sensibilité aux intempéries. Certaines évolutions erratiques
sont également dues au fait que les données économiques sont issues de procédures de
collecte statistique qui sont par nature entachées d’une marge d’incertitude. Notons
cependant que les irrégularités statistiques sont parfois l’image de la réalité économique,
laquelle présente elle-même une volatilité propre. Dans certains cas, des données
particulièrement aberrantes seront supprimées. Souvent, les évolutions erratiques seront
adoucies en opérant un lissage des données, en appliquant par exemple une moyenne
mobile. Cette technique consiste à remplacer une donnée par la moyenne des données
voisines.

Exemple : moyenne mobile centrée sur 3 mois (mm3C)


Si Xt représente la valeur de la série X à la période t, alors Xt est remplacée par une valeur
moyenne qui est calculée en prenant les valeurs de la série X aux périodes t, t-1, et t+1 :
mm3c (Xt) = 1/3 (Xt+Xt-1+Xt+1)

Attention : le lissage a comme conséquence de faire apparaître les inflexions d’une série
(points de retournement) avec un retard par rapport au moment où l’inflexion a réellement
eu lieu (voir annexe 1.1).

Calcul du taux de croissance : dans la mesure où l’analyse conjoncturelle vise surtout à


rendre compte des tendances sous-jacentes de la croissance économique, on va souvent
s’intéresser aux variations des indicateurs entre deux périodes, plutôt qu’à leur niveau
absolu. La croissance d’une variable sera généralement calculée, pour une période donnée
(m) : par rapport à la période précédente (m-1) ou par rapport au même mois de l’année
précédente (m-12). Attention aux effets saisonniers lorsque la croissance est calculée entre
deux périodes adjacentes (voir annexe 1.1) !!!

1 En supposant qu’un mois comprend en moyenne 20 jours ouvrables travaillés.

- 12 -
Références :

Carnot, N. et B. Tissot, La Prévision Economique, Economica, 2002

1.3. Les comptes nationaux trimestriels

Les comptes nationaux trimestriels donnent une mesure trimestrielle de l’activité économique
générale d’un pays, assimilée au Produit Intérieur Brut (PIB). La comptabilité nationale
mesure la production de biens et services faisant l’objet d’une vente (production marchande),
de même que certaines activités qui ne font pas l’objet d’une vente (production non
marchande).

Pour rappel, le PIB peut être calculé de trois manières différentes :


• approche «production» : PIB = somme des valeurs ajoutées brutes + impôts indirects sur
les produits nets des subventions indirectes sur les produits
• approche «dépenses» : PIB = Dépenses de consommation finale des ménages + Dépenses
de consommation finale des administrations publiques + Investissements des ménages +
Investissements des entreprises + Investissements des administrations publiques +
Exportations de biens et services – Importations de biens et services
• approche «revenu» : PIB = rémunérations des salariés + excédent brut d’exploitation +
Impôts nets de subventions sur la production et les importations

Les comptes nationaux sont habituellement présentés selon l’un ou plusieurs des formats
suivants :
• en valeur (= à prix courants)
• en volume (= à prix constants d’une année de référence)
• en données brutes
• en données corrigées des variations saisonnières

Les mesures statistiques qui sont utiles pour l’analyse conjoncturelle sont les suivantes :

Pourcentage de variation (sur un trimestre, sur un an) des principaux agrégats de


comptabilité nationale

Contribution des principaux agrégats de demande à la croissance du PIB :

Si X = Y + Z
alors :
(X(t) – X(t-1))/X(t-1) = (Y(t-1)/X(t-1))*( (Y(t) – Y(t-1))/Y(t-1))

+ (Z(t-1)/X(t-1))*( (Z(t) – Z(t-1))/Z(t-1))

Le terme du membre de gauche est le taux de croissance de la variable X entre la


période t-1 et la période t;
le premier terme du membre de droite donne la contribution de Y à la croissance de X,
et le second terme donne la contribution de Z à la croissance de X;
la contribution des variables Y et Z à la croissance du PIB est égale au pourcentage de
variation de chaque variable multiplié par le ratio entre la variable et la variable X; si
X est le PIB, que l’on a décomposé en deux parties, représentées respectivement par la
variable Y et la variable Z, alors la contribution de chaque variable à la croissance du
PIB est égale au taux de croissance de chaque variable pondéré par le poids de chaque
variable dans le PIB.

Acquis de croissance : l’acquis de croissance du PIB pour une année donnée au sortir
d’un trimestre particulier correspond au taux de croissance annuel moyen qui serait obtenu
si l’activité se stabilisait après ce trimestre.

- 13 -
Exemple : si X(q1,t) désigne le niveau du PIB au premier trimestre de l’année t, alors
l’acquis de croissance pour l’année t au sortir du premier trimestre est donné par
l’expression2 :

Acquis (q1,t) = ( (X(q1,t)*4)/X(t-1))-1)*100;

où X(t-1) est le niveau annuel du PIB de l’année t-1,


et X(t-1)=X(q1,t-1)+ X(q2,t-1)+X(q3,t-1)+X(q4,t-1)

Effet de seuil : l’effet de seuil pour l’année (t+1) au sortir du dernier trimestre de l’année t
est la croissance en moyenne annuelle qui serait observée entre l’année (t+1) et l’année t
si l’activité durant l’année t+1 se stabilisait au niveau du dernier trimestre de l’année t;
concrètement, l’effet de seuil est calculé comme suit3 :

Seuil(t+1) = ((X(q4,t)*4/X(t))-1)*100

où X(q4,t) est la valeur du PIB au 4ème trimestre de l’année t


et X(t) est le niveau annuel du PIB de l’année t,
soit X(t)=X(q1,t)+ X(q2,t)+X(q3,t)+X(q4,t)

La croissance en moyenne annuelle d’une année t par rapport à l’année (t-1) peut être
calculée comme la somme pondérée des taux de croissance trimestriels; les pondérations
sont les suivantes (voir N. Carnot et B. Tissot, p. 75-76) :
o 1 pour le premier trimestre de l’année t
o ¾ pour le deuxième trimestre de l’année t et le quatrième trimestre de l’année (t-1)
o ½ pour le troisième trimestre de l’année t et le troisième trimestre de l’année (t-1)
o ¼ pour le quatrième trimestre de l’année t et le deuxième trimestre de l’année (t-1)

Ce résultat a les implications suivantes :


o une très forte hausse de l’activité au début de l’année t va jouer favorablement sur la
croissance moyenne de l’ensemble de l’année t, mais assez peu sur celle de l’activité
de l’année suivante; à l’inverse, une forte hausse de l’activité à la fin de l’année t aura
peu d’impact sur la croissance moyenne de l’année t, mais elle aura un large effet
positif sur la croissance moyenne de l’année (t+1). Une forte hausse de l’activité en fin
d’année donne un effet de seuil important pour l’année suivante; à l’inverse, en cas de
faible activité en fin d’année, l’effet de seuil pour l’année suivante serait petit;
o la croissance moyenne d’une année est quasiment connue lorsqu’on dispose des
données du troisième trimestre.

Illustration : PIB de la Belgique en 2004 (tableau 1.1)

A partir des données du PIB pour les trois premiers trimestres de 2004, ce tableau estime
la croissance annuelle moyenne pour 2004 et l’effet de seuil pour 2005 pour les
différentes valeurs de la croissance du PIB au dernier trimestre 2004.

2 Noter que pour certains pays (par exemple les Etats-Unis), les comptes nationaux trimestriels sont
présentés de façon telle que les données trimestrielles du PIB sont annualisées, ce qui implique que :
X(t-1)=(X(q1,t-1)+ X(q2,t-1)+X(q3,t-1)+X(q4,t-1))/4.
Dans ce cas, l’acquis de croissance devient :
Acquis(q1,t)= ((X(q1,t)/X(t-1))-1)x100.
3 Si les données trimestrielles sont annualisées, le calcul de l’effet de seuil est à modifier de la même
manière que dans la note 2.

- 14 -
Tableau 1.1. PIB belge en 2004

2004 2004 2004 2004 Effet de seuil


q1 q2 q3 2005
T/T-1 0,73 0,75 0,66
T/T-4 2,23 2,90 0,87
Acquis de croissance 1,63 2,20 2,54
Scénario pour 2004 q4
(T/T-1)
1,0 2,80 1,27
0,8 2,75 1,12
0,6 2,70 0,97
0,4 2,65 0,82
0,2 2,59 0,67
0,0 2,54 0,52
- 0,2 2,49 0,37
- 0,4 2,44 0,22

Références :

Carnot, N. et B. Tissot, La Prévision Economique, Economica, 2002

1.4. Les enquêtes de conjoncture

1.4.1. Aperçu général

Enquêtes de conjoncture: de quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’enquêtes menées sur la base d’un questionnaire auprès des agents économiques,
ménages et chefs d’entreprises, dans le but de recueillir leur opinion sur l’état de la
conjoncture économique et sur ses développements prévisibles à court terme
l’information recueillie est essentiellement qualitative, vu qu’il n’y a pas de relevé
statistique objectif
l’information est très utile pour le diagnostic conjoncturel vu qu’elle est recueillie auprès
d’entités microéconomiques
Types d’enquêtes ?

En Belgique, de même que dans d’autres pays européens, on dispose des enquêtes suivantes :
enquêtes mensuelles auprès des chefs d’entreprises dans les principaux secteurs
d’activité : industrie manufacturière, construction, commerce, services;
enquêtes semestrielles auprès des industriels sur l’évolution et les perspectives de
l’investissement
enquêtes mensuelles auprès des ménages
enquêtes trimestrielles auprès des architectes

Utilisation des enquêtes ?

Les enquêtes de conjoncture constituent un outil précieux pour :


l’évaluation du climat conjoncturel et de la position cyclique de l’économie
la prévision

- 15 -
1.4.2. Enquêtes auprès des entreprises

But : évaluer le climat des affaires dans les principaux secteurs d’activité économique

Types de questions : les questionnaires envoyés aux chefs d’entreprises comprennent


généralement quatre types de questions :

1. Questions sur l’évolution observée et attendue de certaines variables microéconomiques


dont l’entreprise a le contrôle.

Exemples :
• Au cours du mois, la production a-t-elle augmenté, diminué, ou est-elle restée
constante ?
• Pour les trois prochains mois, anticipez-vous une augmentation, une diminution, ou un
statu-quo de la production ?

A noter :
• L’information recueillie est de nature qualitative; aucune information quantitative n’est
transmise.
• L’information est recueillie plus rapidement que la donnée quantitative relative à la
variable qui fait l’objet de la question.

2. Questions demandant aux chefs d’entreprises de juger le niveau de certaines variables


endogènes (stocks, commandes, …) par rapport à un niveau considéré comme normal pour
la période

Exemple : Considérez-vous que le niveau actuel des stocks de produits finis est normal,
supérieur à la normale, ou inférieur à la normale

A noter : le niveau normal est celui qui est considéré par le chef d’entreprise, selon son
appréciation subjective

3. Questions concernant l’évolution observée et attendue, de même que l’estimation du


niveau, de certaines variables exogènes à l’entreprise et susceptibles d’influencer son
activité
Exemples :
• Au cours des mois récents, estimez-vous que votre position compétitive sur le marché
intérieur s’est améliorée, s’est détériorée, ou est restée inchangée ?
• Pour les mois à venir, vous attendez-vous à ce que les perspectives générales d’activité
s’améliorent, se détériorent, ou restent inchangées ?

4. Questions de nature quantitative

Exemples :
• A combien s’élève le pourcentage d’utilisation des capacités de production ?
• A combien estimez-vous le nombre de mois de production assurés ?

A noter : bien qu’il s’agisse de questions de nature quantitative, il existe une certaine
flexibilité dans l’interprétation de la question.

En résumé : certaines questions permettent donc d’obtenir de l’information sur l’évolution de


variables directement liées à l’activité de l’entreprise. D’autres questions s’intéressent
davantage aux conditions sous-jacentes qui déterminent le comportement de l’entreprise.

Illustration (voir annexe 1.2).

- 16 -
1.4.3. Enquêtes auprès des ménages

But = évaluer la confiance –le moral- des ménages

Types de questions : les questionnaires envoyés aux ménages comprennent généralement deux
groupes de questions :

1. Questions portant sur l’évolution observée et attendue de certaines variables susceptibles


d’influencer directement le comportement de consommation. Généralement, chaque
question comporte cinq réponses possibles.

Exemple : Pour les 12 prochains mois, vous attendez-vous à ce que votre situation
financière s’améliore fortement, s’améliore légèrement, reste inchangée, se détériore
légèrement, se détériore fortement ?

2. Questions destinées à recueillir le sentiment des ménages sur l’état du climat économique
général.

Exemple : Au cours des 12 prochains mois, le chômage augmentera-t-il beaucoup,


augmentera-t-il peu, restera-t-il inchangé, diminuera-t-il peu, diminuera-t-il beaucoup ?

A noter : Ces questions sont motivées par l’idée que la façon dont les ménages perçoivent
la situation économique et son évolution a une influence sur leur comportement de
consommation et d’épargne.

Illustration (voir annexe 1.3).

1.4.4. Traitement statistique des résultats d’enquête

Agrégation

Les résultats d’enquête collectés auprès de chaque unité interrogée (chef d’entreprise,
ménage) peuvent être agrégés, au niveau d’un pays par exemple, de deux manières
différentes :
soit par simple comptage : on compte simplement les résultats obtenus pour chaque
réponse possible à une question particulière, et on exprime le total obtenu pour chaque
réponse en pourcentage du nombre total de réponses.
soit par comptage pondéré : on attribue à chaque unité interrogée un coefficient de
pondération, représentatif de sa taille (en matière de chiffre d’affaire, d’emploi, …) et on
somme le coefficient de pondération des firmes qui ont donné la même réponse parmi les
réponses possibles à chaque question.

La deuxième méthode implique que l’on attribue un poids plus important à l’opinion des
entreprises de grande taille, en partant de l’hypothèse que ces entreprises ont une influence
prépondérante sur l’évolution de l’activité économique.

Présentation sous forme de solde

Les résultats des enquêtes de conjoncture sont habituellement présentés sous forme de solde,
c’est-à-dire comme la différence entre le pourcentage de réponses positives et le pourcentage
de réponses négatives :
si P = pourcentage de réponses positives, E = pourcentage de réponses neutres,
N = pourcentage de réponses négatives,
alors B = P – N = solde.
Le solde varie entre –100 et +100.

- 17 -
Remarques :

• La présentation sous forme de solde se justifie par le fait que les variations d’une variable
(ex. la production) sont reliées positivement à P et négativement à M. Le solde est donc
comparable à la différence première (=variation) de la série quantitative de la variable
qui fait l’objet de la question.
• La présentation sous forme de solde implique qu’une partie de l’information, notamment
celle concernant le pourcentage de réponses neutres (E), est perdue. Dans certains cas,
l’information sur E est présentée en complément.
• Lorsqu’une question comprend 5 réponses possibles, le solde peut être calculé de la façon
suivante :
B = ( PP + P ) – ( NN + N )
où PP = très fortement positif, P = positif, N = négatif, NN = très fortement négatif.
On peut également calculer le solde en pondérant les réponses :
B = ( PP + ½ P ) – ( NN + ½ N )

Ajustement saisonnier et lissage

Les résultats des enquêtes de conjoncture sont habituellement :


ajustés pour tenir compte des effets saisonniers,
et lissés pour éliminer certaines évolutions aberrantes.

C’est ainsi qu’en Belgique, la plupart des séries d’enquêtes publiées par la Banque Nationale
de Belgique sont présentées de la façon suivante :
• brutes et désaisonnalisées
• lissées et désaisonnalisées
Les séries sont désaisonnalisées à l’aide du programme Census X-11.
Elles sont lissées avec :
• médiane mobile centrée sur 5 mois
• moyenne mobile pondérée centrée sur 5 mois (pondération = 1/8, ¼, ¼, ¼, 1/8)

Illustration (annexe 1.4) : indicateur synthétique de conjoncture de la BNB

Présentation en moyenne centrée réduite

On s’attendrait naturellement à ce que, sur longue période, les soldes moyens d’opinion soient
nuls. Dans les faits, il n’en est rien. Bien souvent, on constate en effet que les soldes
d’opinion évoluent autour d’une moyenne de long terme qui est négative, ce qui indique que
les réponses des entreprises et des ménages ont tendance à être biaisées à la baisse : en
moyenne, les agents économiques sont plus pessimistes qu’ils ne sont optimistes. De manière
à pouvoir déterminer, pour une période donnée, où se situe l’opinion des agents par rapport à
sa moyenne historique, il est habituel d’exprimer les soldes de réponses en moyenne centrée
réduite, c’est-à-dire qu’on calcule la différence entre le solde d’un mois et le niveau moyen
des soldes sur une longue période (10 ans par exemple) et on divise le résultat obtenu par
l’écart-type des soldes sur la période qui a été choisie comme référence historique.

Illustration : voir annexe 1.5

1.4.5. Utilisation et interprétation des enquêtes

Principes

Les soldes de réponses, de même que les indicateurs composites construits en regroupant
différentes questions, peuvent être utilisés pour estimer et prévoir l’évolution de la
conjoncture économique, d’une façon générale, et de certaines variables macroéconomiques,
en particulier. Les enquêtes de conjoncture rendent compte, en effet, à la fois de la façon dont

- 18 -
les entreprises et les ménages estiment l’évolution de la conjoncture économique, et la façon
dont ils entrevoient son évolution à très court terme.

Les soldes d’opinion n’ont d’intérêt pour l’analyse conjoncturelle que dans la mesure où on
dispose d’une série historique qui permet d’évaluer leur évolution dans le temps. A travers
une série historique de soldes, on pourra en effet déterminer les changements dans l’opinion
des chefs d’entreprises et des ménages. Ainsi, on considère généralement :
qu’un solde qui augmente dans le temps traduit une amélioration du climat conjoncturel :
l’optimisme des ménages et des chefs d’entreprises est croissant;
qu’un solde qui diminue dans le temps traduit une détérioration du climat conjoncturel : le
pessimisme des chefs d’entreprises et des ménages est croissant.

Deux éléments importants sont à prendre en considération lorsqu’on souhaite utiliser les
données d’enquête pour estimer et prévoir l’évolution d’une variable macroéconomique, en
particulier les variables (production, consommation, …) qui sont directement ciblées dans
certaines questions posées :
la variable doit être exprimée en différence première (=taux de croissance entre deux
périodes adjacentes); l’évolution d’une variable en différence première étant cependant
généralement très volatile, plutôt que de prendre le taux de croissance entre deux périodes
adjacentes, on prendra souvent le taux de croissance entre la période considérée et la
même période un an plus tôt;
un solde d’opinion positif correspond à une différence première positive.

Les enquêtes de conjoncture sont très utiles pour l’analyse conjoncturelle :


elles sont disponibles très rapidement;
elles sont peu révisées;
elles ont un pouvoir prédictif important (ce qui n’est pas étonnant si l’on tient compte du
fait que les anticipations des agents économiques exercent une influence déterminante
dans le développement de l’activité économique).

Les résultats des enquêtes doivent cependant être interprétés avec beaucoup de prudence :
les enquêtes de conjoncture accordent une place importante à la subjectivité des agents
interrogés, lesquels ont parfois tendance à réagir de façon excessive à des événements
défavorables (ex. chute de la confiance des ménages après les attentats du 11 septembre
aux Etats-Unis);
les questions ayant trait à la situation personnelle des agents offrent généralement une
information plus pertinente que les questions générales portant sur l’environnement
économique. Ainsi, les réponses fournies par les ménages sur l’évolution de la situation
économique peuvent refléter l’impact de bien d’autres facteurs (contexte politique,
tensions géopolitiques internationales, …) que ceux qui ont une influence véritable sur
leur comportement de consommation et d’épargne.

Les résultats d’enquêtes relatives à plusieurs variables macroéconomiques (production,


stocks, commandes, …) peuvent être combinés pour construire un indicateur composite (ou
indicateur synthétique). Ces indicateurs sont utiles, dans la mesure où ils résument en un seul
indice l’information fournie par plusieurs questions. Les indicateurs individuels peuvent être
combinés entre eux de différentes manières. Très souvent, on se contente de les agréger en
utilisant une moyenne arithmétique simple.

Voici deux exemples d’indicateurs composites :

Indicateur du climat des affaires dans l’industrie de la Commission européenne

L’indicateur du climat des affaires dans l’industrie, tel qu’il est construit par la
Commission européenne, agrège à l’aide d’une moyenne arithmétique simple les réponses
aux questions concernant : les perspectives de production à 3 mois, l’estimation du niveau
des carnets de commandes, et l’estimation du niveau des stocks de produits finis (avec un
signe négatif). La combinaison de ces trois questions repose sur l’idée qu’une
augmentation (diminution) du solde d’opinion sur les perspectives de production à 3 mois

- 19 -
et sur le niveau des carnets de commandes, et qu’une diminution (augmentation) du solde
d’opinion sur le niveau des stocks de produits finis traduisent une amélioration
(détérioration) de la conjoncture industrielle.

Indicateur synthétique de conjoncture de la Banque Nationale de Belgique

L’indicateur synthétique de conjoncture de la BNB est obtenu en agrégeant les indicateurs


composites du climat des affaires dans l’industrie, la construction, et le commerce.
L’agrégation utilise les pondérations suivantes : industrie (70 %), construction (15 %),
commerce (15 %). Chacun des trois indicateurs composites est construit en reprenant la
plupart des questions posées aux chefs d’entreprise de chaque secteur (voir BNB, annexe
2, p.62).

Illustrations

L'utilité des données d'enquête pour le diagnostic conjoncturel tient au fait que ces données
sont disponibles rapidement, c'est-à-dire bien avant la publication des données quantitatives
(ex. la production industrielle) auxquelles certaines questions de l'enquête font référence, et
qu'il existe une corrélation élevée entre certaines variables quantitatives et certains indicateurs
d'enquête. Par exemple, plusieurs études font état d'une forte corrélation positive entre le
pourcentage de variation annuelle de la production industrielle européenne et l'indicateur du
climat des affaires dans l'industrie européenne de la Commission européenne (cf. tableau 1.2).

Tableau 1.2. Corrélations entre l'indicateur européen de confiance dans l'industrie et le


taux de croissance de la production industrielle dans la zone euro

Retard (en mois)


-3 -2 -1 0 1 2 3
Corrélation 0,78 0,84 0,87 0,90 0,90 0,89 0,86
Période : 1981 – 2003
Source : P. Bengoechea and J.C. Perez Quina, "A useful tool to identify recessions in the
Euro-area", European Economy Economic Paper, nr 215, October 2004

Pour plus de détails sur le lien entre la production industrielle européenne et les enquêtes
européennes dans l'industrie, voir annexe 1.6.

Les données d'enquêtes peuvent également être utilisées pour tenter de déterminer la position
de l'économie dans le cycle économique. Une manière simple de le faire consiste à confronter
l'indicateur d'enquête sur les perspectives de la demande dans l'industrie et l'indicateur
d'enquête sur l'appréciation du carnet de commande dans l'industrie, comme cela est fait sur le
graphique 1.1.

- 20 -
Graphique 1.1. Situation conjoncturelle dans l'industrie

Perspective de la demande à 3 mois


(en moyenne centrée réduite)

Reprise
conjoncturelle Haute conjoncture

Appréciation du carnet de
commande total
(en moyenne centrée réduite)
Basse conjoncture Ralentissement
conjoncturel

Le déroulement du cycle économique suit habituellement le schéma suivant :


reprise → haute conjoncture → ralentissement → basse conjoncture → reprise

Pour une illustration au cas belge, voir annexe 1.7.

Les indicateurs d’enquête peuvent également être utilisés dans des modèles économétriques
de prévision conjoncturelle. Ce point est discuté en détail dans la Partie 2.

1.3.6. Les enquêtes de conjoncture belge

En Belgique, les enquêtes de conjoncture auprès des ménages et des entreprises sont
effectuées par la Banque nationale de Belgique (BNB). Les principales enquêtes sont les
suivantes (les questionnaires sont présentés à l’annexe 1.8) :

Enquêtes mensuelles :
sur l’état de la conjoncture dans les principales branches d’activité
sur la confiance des ménages

Enquêtes trimestrielles :
sur l’estimation du degré d’utilisation des capacités de production
sur les facteurs restrictifs de la production, du côté de l’offre et de la demande

Enquête semestrielle sur les investissements dans l’industrie, la construction, et le secteur des
institutions financières.

Remarque : certaines études suggèrent que l’indicateur synthétique de conjoncture industrielle


de la Banque Nationale de Belgique est un indicateur avancé de la conjoncture économique
européenne (voir lectures complémentaires).

Références :

Banque nationale de Belgique, «Révisions de la courbe synthétique de conjoncture», Bulletin


de la Banque Nationale de Belgique, août-septembre 1990, pp. 53-64.

- 21 -
Banque nationale de Belgique, Enquêtes de conjoncture, note méthodologique

European Commission, «The joint harmonized EU program of business and consumer


surveys», European Economy : Reports and studies, n°6, 1997.

Lectures complémentaires :

J-J. Vanhaelen, J. Dresse and J. De Mulder, « The Belgian industrial confidence indicator:
leading indicator of economic activity in the euro area ? », Working Paper n°12, Banque
Nationale de Belgique, Novembre 2000.

1.5. Indicateurs conjoncturels internationaux

Dans cette section, nous examinerons quelques indicateurs conjoncturels importants au niveau
international. Les indicateurs auxquels nous nous intéresserons sont pour la plupart des
indicateurs composites (ou synthétiques).

1.5.1. Les indicateurs du Conference Board (Etats-Unis)

Le Conference Board, qui est un institut de recherche privé américain, publie chaque mois les
valeurs de trois indicateurs synthétiques du cycle économique américain :
un indicateur coïncident, qui donne une évaluation de l’état présent du cycle économique;
un indicateur avancé, qui sert à anticiper l’évolution du cycle économique et/ou ses points
de retournement;
un indicateur retardé, dont l’évolution est retardée par rapport à celle de l’indicateur
coïncident.

La liste des variables qui composent chaque indicateur synthétique est présentée à l’annexe
1.9. Par exemple, l’indicateur coïncident est composé de quatre variables : l’emploi privé non
agricole, le revenu des ménages hors transferts, la production industrielle, et les ventes dans
l’industrie et le commerce.

La procédure d’élaboration de chaque indicateur comporte cinq étapes :


calcul, pour chaque variable, de son pourcentage de croissance symétrique – qui a
l’avantage de traiter de la même manière les changements positifs et les changements
négatifs - de mois à mois :
x(t) = 200 (X(t)-X(t-1))/(X(t)+X(t-1))
(Si la variable X est déjà exprimée en pourcentage ou s’il s’agit d’un taux d’intérêt, on se
contente de calculer sa variation : x(t) = X(t) – X(t-1))
pondération du pourcentage de variation de chaque variable en fonction de sa variance :
m(t) = r(t)*x(t) où r(t) est le facteur de standardisation (voir annexe technique)
calcul de la somme pondérée du pourcentage de variation des différentes variables qui
composent l’indicateur : i(t) = Σm(t)
le niveau de l’indicateur est calculé de façon récursive à partir du premier mois de la
période d’observation en prenant la formule du taux de croissance symétrique :
I1 = (200 + i1) / (200 – i1)
I2 = I1 * (200 + i2)/(200 – i2)
présentation de l’indice calculé en base 1992=100

Pour détecter d’éventuels points de retournement du cycle économique, le Conference Board


combine l’indicateur avancé avec un indicateur de diffusion calculé à partir des dix variables
qui composent l’indicateur avancé. L’indicateur de diffusion mesure le pourcentage de
variables qui augmentent sur un horizon de temps donné. Concrètement, on détermine
d’abord quelles sont les variables qui augmentent, qui diminuent ou demeurent constantes sur

- 22 -
l’horizon qui a été choisi. On attribue ensuite la valeur 1 aux variables qui augmentent de plus
de 0,05 %, la valeur 0,5 aux variables qui varient de moins de 0,05 %, et la valeur 0 aux
variables qui diminuent de plus de 0,05 %. On somme ensuite les valeurs attribuées à chaque
variable, on divise ensuite le résultat obtenu par le nombre de variables et, enfin, on multiplie
par 100. Le seuil critique entre une récession et une expansion est 50.

Le Conference Board calcule deux indicateurs de diffusion : le premier est établi pour des
variations sur 1 mois des différentes variables, tandis que le second est établi en prenant les
variations des variables sur un horizon de 6 mois.

Au cours d’un mois donné, le Conference Board considère que la probabilité d’avoir une
récession est élevée lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
L’indicateur composite avancé affiche une baisse sur les 6 mois qui précédent de 3,5 %
(en rythme annuel) ou plus;
La valeur de l’indicateur de diffusion à 6 mois est inférieure à 50 au cours du mois
considéré.

Illustration (annexe 1.9) : indicateurs du Conference Board et récessions aux Etats-Unis


(source : Business cycle indicators, The Conference Board).

1.5.2. Les indicateurs de l’Institute of Supply Management (ISM) (Etats-Unis)

Les indicateurs ISM sont établis à partir d’enquêtes menées auprès de chefs d’entreprises
américaines dans différents secteurs d’activité : industrie manufacturière, services.

L’indicateur le plus connu, et le plus utilisé, est celui de l’industrie manufacturière. Cet
indicateur est construit à partir des résultats d’une enquête menée chaque mois auprès des
directeurs d’achats dans plus de 400 entreprises industrielles. Le questionnaire recueille
l’appréciation des directeurs d’achats quant à l’évolution, entre le mois courant et le mois
précédent, de plusieurs indicateurs sur l’activité de leur entreprise : nouvelles commandes,
nouvelles commandes étrangères, importations, production, stocks, retard dans les
commandes, retard dans les livraisons des fournisseurs. Pour chaque indicateur, on calcule la
différence entre le pourcentage de réponses favorables et le pourcentage de réponses
défavorables. Pour chaque indicateur, on calcule également un indice de diffusion qui est la
somme du pourcentage de réponses favorables et de la moitié du pourcentage de réponses
neutres (en supposant que celles-ci correspondent à une appréciation positive). Ces indices de
diffusion sont désaisonnalisés.

L’indicateur composite pour l’industrie publié chaque mois par l’ISM, que l’on dénomme
l’indicateur PMI, est construit comme la moyenne pondérée des indices de diffusion des
cinq indicateurs suivants : nouvelles commandes (30 %), production (25 %), emploi (20 %),
retard de livraison (15 %) et niveau des stocks (10 %).

Selon l’ISM, l’utilité de l’indicateur PMI pour le diagnostic conjoncturel est la suivante:
La production manufacturière est considérée en hausse lorsque la valeur de l’indicateur
PMI est supérieure à 50 % et en diminution lorsque la valeur de l’indicateur PMI est
inférieure à 50 %.
Une valeur de l’indicateur PMI qui est supérieure, pendant plusieurs mois, à 42,7 % tend à
indiquer que le PIB américain est en hausse, et tandis qu’une valeur du PMI inférieure à
42,7 % augure plutôt d’une contraction du PIB.
L’écart de l’indicateur par rapport aux seuils de 50 % et de 42,7 % indique l’importance
de l’expansion ou de la contraction de la production industrielle et du PIB, respectivement.

Illustrations (annexe 1.10) : Rapport ISM pour l’industrie, lien entre indicateur PMI et la
croissance de la production industrielle

- 23 -
Remarques :
• Forte similitude entre les enquêtes ISM et les enquêtes de conjoncture européenne pour
l’industrie;
• Relation entre solde de réponse et indice de diffusion :
Si P=pourcentage de réponses favorables, N=pourcentage de réponses défavorables et E=
pourcentage de réponses neutres, alors :
o Solde de réponse = B = 100x(P-N)
o Indice de diffusion = DI = 100x(P+E/2)
Le solde de réponse varie entre –100 et +100, avec une valeur centrale de 0 tandis que
l’indice de diffusion varie entre 0 et 100 avec une valeur centrale de 50.
Etant donné que E = 1-P-N, on peut réécrire le solde de réponse et l’indice de diffusion de
la façon suivante :
o B = 2x( DI – 50)
o DI = (100 + B)/2
Ces deux expressions montrent clairement que le solde de réponse et l’indice de diffusion
sont deux manières différentes de présenter la même information.

1.5.3. Indicateurs synthétiques de l’OCDE

Les indicateurs synthétiques du cycle économique construits par l’OCDE (Organisation de


Coopération et de Développement Economique) sont des indicateurs avancés du cycle de la
production industrielle, en partant de l’idée que le cycle de la production industrielle et le
cycle du PIB sont étroitement corrélés. Le cycle d’une série est défini comme le rapport entre
la série observée et sa tendance, la tendance étant isolée à l’aide de méthodes de filtrage. Les
indicateurs sont construits pour chaque pays membre de l’OCDE.

Les indicateurs composites de l’OCDE sont construits en agrégeant la composante cyclique


de plusieurs indicateurs économiques qui sont considérés comme avancés. Les indicateurs
sont lissés et normalisés pour harmoniser l’amplitude des variations cycliques. L’indicateur
composite est ensuite construit comme une moyenne arithmétique des indicateurs individuels,
an accordant généralement un poids identique à chaque indicateur individuel. Les principaux
indicateurs sont : les résultats des enquêtes de conjoncture, les cours boursiers, les taux
d’intérêt, les permis de bâtir, les termes de l’échange). La composition exacte de l’indicateur
varie selon les pays.

Les indicateurs composites OCDE sont conçus pour détecter les points de retournement entre
les phases d’expansion et de ralentissement de l’activité économique. En pratique, la
prévision des points de retournement s’effectue de la façon suivante :

Calculer le taux de variation à 6 mois annualisé de l’indicateur composite, le taux de


variation à 6 mois étant défini comme le rapport entre la valeur de l’indicateur pour un
mois m donné et la moyenne des valeurs de l’indicateur sur la période allant du mois m-12
au mois m-1 :

 C(m)x12 12/6,5
R(m) = {  -----------------  -1}x100
 ∑(i=1, 12) C(m-i) 

où R(m) est le taux de croissance à 6 mois et C(m) est la valeur de l’indicateur


composite pour le mois m

En moyenne, les retournements du taux de croissance à 6 mois de l’indicateur composite


anticipent les retournements du PIB d’environ 9 mois.

Illustration (annexe 1.11) : Indicateur composite avancé OCDE pour la Belgique

- 24 -
1.5.4. Autres indicateurs synthétiques importants

Indicateur Ifo : indicateur composite établi pour l’Allemagne à partir d’enquêtes menées
auprès des industriels. Même méthodologie de construction que les indicateurs d’enquête
établis par la Commission européenne. Indicateur très suivi vu l’importance de l’économie
allemande.

Indicateurs Tankan : séries d’indicateurs de l’économie japonaise établis à partir d’enquêtes


trimestrielles menées auprès des entreprises. Eventail de questions beaucoup plus large que
celui des enquêtes de conjoncture européenne. Différents types de données sont collectés dans
le cadre des questionnaires : opinions, données quantitatives, prévisions. Pour les questions
d’opinion, les résultats sont présentés sous forme de solde (indice de diffusion).

Indicateurs PMI pour la zone euro : indicateurs similaires à l'indicateur PMI de l'ISM pour
les Etats-Unis. L'indicateur européen PMI est construit par un consortium d'instituts de
conjoncture européens.

Références :

Arnaud, B., "The OECD System of Leading Indicators : Recent Efforts to Meet Users’
Needs », Paper presented at the CIRET Conference in Paris, October 2000

Institute of Supply Management, Overview of the Manufacturing ISM Report on Business.

OECD, « OECD Composite Leading Indicators : a tool for short-term analysis », 1999

The Conference Board, Business Cycle Indicators Handbook, 2000

Lectures complémentaires :

BCE, « Les informations fournies par les indicateurs composites du cycle conjoncturel de la
zone euro », Bulletin mensuel, Novembre 2001, pp.39-50.

1.6. Illustration générale : la conjoncture économique en Belgique

Exposé au cours.

- 25 -
ANNEXES AU CHAPITRE 1

1.1. 1. Signaux conjoncturels divergents selon le type de représentation statistique


2. Représentation statistique et décalage du cycle : illustration
(Production industrielle : glissements trimestriel et annuel)
3. Représentation statistique et décalage du cycle : illustration
(Production industrielle : variation sur différents horizons)

1.2. 1. Enquêtes sur la conjoncture : industrie


2. Enquêtes sur la conjoncture : enquête sur les capacités de production
3. Enquêtes sur la conjoncture : enquête sur l'évolution des investissements
4. Enquêtes sur la conjoncture : enquête sur le financement des
investissements prévus

1.3 (1-3) Enquête auprès des consommateurs

1.4. Courbe synthétique globale de conjoncture de la BNB

1.5. Indicateur de conjoncture dans l'industrie

1.6 (1-4) Evaluation des enquêtes européennes dans l'industrie

1.7 Utilisation des enquêtes de conjoncture dans l'industrie pour établir


la situation conjoncturelle dans l'industrie

1.8 (1-3) Présentation des enquêtes de conjoncture menées en Belgique

1.9. 1. US Composite Indexes : Components and Standardization Factors


2. Indicateurs du Conference Board
3. Leading Indicators – Composite Index, Diffusion and Recession Signals
4. Indicateurs avancé et de diffusion du Conference Board
5. Indicateurs du Conference Board

1.10. Etats-Unis : indicateur PMI (ISM) et production industrielle

1.11. Indicateur composite avancé OCDE pour la Belgique

- 26 -
CHAPITRE 2. LA PREVISION ECONOMIQUE A COURT TERME
"...You can see that I followed the first rule of forecasting: give them a forecast or a date, but
never both." (Eichengreen, 2004)4

2.1. Généralités

Dans le cadre d’une étude de conjoncture, la prévision économique consistera essentiellement


à déterminer les perspectives d’évolution de l’activité économique à court terme, c’est-à-dire
sur un horizon allant de 3 mois à maximum 2 ans.

L’exercice de prévision économique comprend deux éléments :

D’une part, des prévisions chiffrées pour les principales variables macroéconomiques
(croissance du PIB et de ses principaux composants, production industrielle, emploi et
chômage, inflation, …);
D’autre part, un scénario conjoncturel, qui explique les évolutions anticipées et les
hypothèses sur lesquelles repose la prévision chiffrée, et qui évalue les risques que les
évolutions projetées ne se réalisent pas.
Pour effectuer une prévision économique, il est habituel de recourir à l’une des trois
approches suivantes :

Le conjoncturiste établit sa prévision à partir de son propre jugement : il établit sa


prévision en combinant l’information collectée dans le cadre du diagnostic conjoncturel
avec son appréciation de la façon dont l’économie fonctionne; le conjoncturiste n’utilise
donc pas de modèles complexes pour réaliser son exercice de prévision; il s’aidera
néanmoins d’un modèle élémentaire pour donner à sa prévision la cohérence comptable
nécessaire;

Le conjoncturiste établit sa prévision à partir d’un modèle économique complexe qui


décrit le fonctionnement de l’économie; si l’objet modélisé est l’activité d’une entreprise,
le modèle comprend par exemple un certain nombre d’équations reliant l’activité de
l’entreprise à l’environnement économique général;
Le conjoncturiste établit sa prévision à partir d’un modèle statistique simple qui
comprend un petit nombre de variables; par exemple, dans certains modèles statistiques, la
prévision repose uniquement sur les valeurs passées des variables à prévoir.

Bien souvent, la prévision conjoncturelle s’effectue en combinant la première approche avec


l’une des deux autres approches.

2.2. Le diagnostic conjoncturel

L’étape préalable à l’exercice de prévision proprement dit est l’élaboration du diagnostic


conjoncturel. Etabli à partir de l’examen des nombreux indicateurs présentés dans le chapitre
1, le diagnostic visera avant tout :

à mettre clairement en évidence les facteurs à l’origine des fluctuations récentes de


l’activité économique;

à dégager un certain nombre de signaux clairs concernant l’évolution future de l’activité


économique.

4 B. Eichengreen (2004), "The Dollar and the New Bretton Woods System", Text of the Thornton Lecture
delivered at the Class School of Business, 15 December, p.1.

- 27 -
L’élaboration d’un diagnostic conjoncturel valable ne sera possible que si le conjoncturiste a
une bonne connaissance théorique et empirique des interactions qui peuvent exister entre les
principales variables macroéconomiques, comme celles présentées dans les schémas 2.1 et
2.2.

- 28 -
Schéma 2.1 : Relations macroéconomiques importantes
Environnement économique international Environnement monétaire et financier

Demande Prix des Prix des


Taux de Taux Cours
étrangère matières concurrents
change d'intérêt boursiers
premières étrangers

Importations Exportations Consommation Investissements Variations Dépenses


privée entreprises des stocks publiques

Production
Coûts de
production

Emploi

SALAIRES PROFITS

Chômage Prix

Population Démographie
active

Revenus des Fiscalité Impôts


Taux d'activité ménages

- 29 -
Schéma 2.2. Lien emploi, chômage et activité économique

Activité économique
(PNB réel)

Progrès technique

Productivité
horaire

Degré d'utilisation
des capacités de
Nombre d'heures de production
travail

Durée hebdomadaire du
travail
- effective
- conventionnelle

Emploi

Chômage

Population active

Population en âge Taux d'activité


de travailler

Facteurs Préférences
démographiques Salaire

Voici quelques précisions par rapport à quelques une des relations macroéconomiques mises
en évidence dans les schémas 2.1 et 2.2,5:

Relation entre la variation du taux de chômage et la croissance de la production (loi


d’Okun) :
Ut – Ut-1 = -α (gyt - g*)
où U = taux de chômage, gy = taux de croissance du PIB (Yt-Yt-1/Yt-1) et g*= taux de
croissance potentiel – ou de long-terme- du PIB
La relation d’Okun indique que le chômage diminue (augmente) lorsque la croissance
du PIB est supérieure (inférieure) à son rythme potentiel.
Valeur de α : entre 0,3 et 0,5
Valeur de g* : entre 2% (Europe) et 3% (Etats-Unis)

Emploi et croissance : l’emploi dépend du rythme de la croissance mais l’influence


également : l’évolution de l’emploi est susceptible d’exercer une influence importante
sur la consommation privée, dans la mesure où l’emploi est un déterminant possible de

5 Pour plus de détails sur ces relations, voir par exemple Blanchard et Cohen, «Macroéconomie», Pearson
Education France, 2002.

- 30 -
la progression des revenus salariaux, d’une part, et de la confiance des ménages,
d’autre part.

Relation entre population active, emploi et chômage :


L = N + UN
(L = population active, N = nombre de personnes en emploi, UN = nombre de
personnes au chômage)
Le taux de chômage est quant à lui défini de la façon suivante :
U = 100(UN/L)
Le taux de chômage est une fonction négative du niveau de l’emploi et une fonction
positive de la population active. Il importe de souligner que le niveau de la population
active peut varier en fonction des conditions de la croissance économique et de la
situation de l’emploi, ce qui influence le niveau du chômage, indépendamment des
variations de l’emploi : la population active tend en effet à augmenter en cas
d’amélioration de la situation de l’emploi et à diminuer en cas de détérioration de
l’emploi.

Relation entre chômage et variation de l’inflation (courbe de Phillips) :


πt = πet – β (Ut- Un)
où π = taux d’inflation (taux de variation de prix entre deux périodes), πe = taux
d’inflation anticipé, U = taux de chômage et Un = taux de chômage naturel.
Si πet = πt-1, alors la relation de Phillips devient :
πt = πt-1 – β (Ut- Un)
Cette relation indique que l’inflation baisse (augmente) lorsque le chômage est au-
dessus (au-dessous) de son niveau naturel.
Valeur de Un : entre 6% (Etats-Unis) et 8% (Europe)
Valeur de β : entre 0,75 et 1

Les perspectives d’activité perçues par les chefs d’entreprises (cf. enquêtes de
conjoncture) sont susceptibles d’influencer leurs projets d’embauches et leurs projets
d’investissement. Les besoins d’investissement seront également dictés par le degré
d’utilisation des capacités de production. La décision d’investir est par ailleurs
conditionnée par le coût et la disponibilité des financements interne (profits) et
externes (cf. Chapitre 8.).

2.2.1. Discerner les facteurs à l’origine des fluctuations récentes de l’activité


économique

Bien que les comportements économiques susceptibles d’influencer l’activité économique


soient nombreux et varient entre pays, on peut toutefois mentionner certains mécanismes
généraux :

A court terme, les fluctuations de l’activité sont largement déterminées par les variations
de la demande globale. L’investissement des entreprises, les variations de stocks, de
même que la demande étrangère, jouent un rôle prépondérant dans la dynamique
conjoncturelle (voir le chapitre 5 pour plus de détails). Certaines dépenses des ménages,
en particulier les achats de biens durables, peuvent également avoir une influence
importante sur les fluctuations de l’activité économique à court terme;

Pour une économie fortement ouverte, les échanges extérieurs contribuent de façon
importante aux fluctuations conjoncturelles. Les exportations varient essentiellement en
fonction de la demande mondiale et de la position compétitive de l’économie (voir annexe
2.1. pour plus de détail).

A certains moments, la demande peut cependant être contrainte par l’offre. C’est par
exemple le cas lorsque le degré d’utilisation des capacités de production est élevé, ou que
la rentabilité des entreprises est trop faible pour motiver des nouveaux investissements.

- 31 -
L’existence d’une telle contrainte implique souvent des augmentations de prix et/ou une
hausse des importations;

Une augmentation (contraction) de la demande ne donne pas nécessairement lieu à une


accélération (décélération) immédiate de la production dans la mesure où les entreprises
peuvent dans un premier temps réduire des stocks qu’elles jugent superflus, notamment si
elles ont un doute sur le caractère durable (ou temporaire) de la modification de l’état de
la demande.

L’investissement ne s’adapte généralement pas immédiatement à une amélioration des


perspectives de la demande. La vitesse d’ajustement dépendra par exemple du degré
d’utilisation des capacités de production : une entreprise avec des excédents de capacités
de production importants attendra d’avoir résorbé ces excédents avant d’investir. La
vitesse d’ajustement peut également dépendre de la perception qu’ont les entreprises du
caractère durable ou temporaire de la reprise.

Les indicateurs du degré d’utilisation des capacités de production (taux d’utilisation des
capacités, recours aux heures supplémentaires) sont plutôt coïncidents avec l’évolution de
l’activité économique générale;

Les politiques économiques influencent le niveau de la demande globale. La politique


budgétaire agit soit directement par les dépenses publiques, soit indirectement par la
fiscalité. La politique monétaire agit quant à elle en affectant l’évolution de diverses
variables monétaires et financières (taux d’intérêt à court et à long terme, taux de change,
cours boursiers, …);

L’emploi suit généralement les fluctuations de l’activité avec un décalage de quelques


mois et une moindre ampleur. L’évolution de l’emploi intérimaire tend cependant à être
coïncidente, voire très légèrement avancée, par rapport à l’évolution de l’activité
économique générale. Le taux de chômage réagit également avec un certain retard aux
inflexions de l’activité économique. Certains types de chômage, notamment le chômage
temporaire, peuvent néanmoins réagir plus rapidement. L’évolution du chômage doit être
analysée en prenant en considération la réaction de la population active à l’évolution de la
situation sur le marché du travail : la population active tend en effet à augmenter en cas
d’amélioration de la situation de l’emploi et à diminuer en cas de détérioration de
l’emploi;

Les prix et les salaires s’avèrent relativement peu sensibles aux déséquilibres réels à court
terme, mais y réagissent avec retard à mesure que l’horizon s’allonge. Pour l’étude de
l’évolution des salaires, il est important de prendre en considération les mécanismes
institutionnels de formation des salaires.

• Des facteurs exogènes peuvent être à l’origine des développements économiques récents.
Identifier précisément ces facteurs est crucial pour déceler la tendance sous-jacente
(«mouvement de fond») dans l’évolution de l’activité économique. Il s’agira notamment
de déterminer si certains développements récents sont dus à des changements dans le
contexte économique international et dans le contexte monétaire et financier. Il s’agira
également d’identifier les mesures budgétaires et fiscales qui auraient été prises dans les
mois précédents ou qui sont projetées pour les mois à venir, et d’évaluer leur impact
possible sur les développements récents. Par exemple, une forte accélération des achats de
voitures peut s’expliquer par le fait que le gouvernement envisage d’augmenter la TVA
sur les véhicules. De même, les entreprises pourraient être tentées de retarder leurs
investissements si elles anticipent l’entrée en vigueur à plus ou moins brève échéance
d’une loi prévoyant l’exonération partielle ou complète des bénéfices réinvestis.

- 32 -
2.2.2. Dégager des signaux concernant l’évolution future de l’activité économique

L’examen des indicateurs conjoncturels doit permettre au conjoncturiste de dégager des


«signaux» concernant l’évolution future de l’activité. On distinguera d’une part les signaux
positifs, qui annoncent un renforcement de la croissance économique pour l’avenir, et les
signaux négatifs, qui annoncent à l’inverse un ralentissement économique dans le futur.

Dans ce qui suit, nous donnons des exemples de signaux positifs, en mentionnant à chaque
fois la raison de l’effet positif attendu sur la croissance économique.

Hausse de la confiance des ménages : des ménages plus confiants par rapport à l’avenir
seront plus enclins à réduire leur taux d’épargne; pour une croissance donnée du pouvoir
d’achat, on aura alors une hausse du taux de croissance de la consommation privée.

Augmentation des créations d’emplois : l’impact positif attendu sur la croissance provient
d’une part d’une amélioration de la confiance des ménages, le moral des ménages étant
généralement sensible à l’évolution des conditions sur le marché du travail; d’autre part,
des créations d’emplois plus nombreuses impliquent, au niveau macroéconomique, une
croissance plus forte de la masse salariale et donc, toutes autres choses égales par ailleurs,
du revenu disponible des ménages. Voir également lectures complémentaires.

Amélioration des intentions d’embauches des entreprises : dans le futur, la croissance


devrait être soutenue par des créations d’emplois plus nombreuses.

Réduction du taux d’inflation : pour un taux de croissance donné du revenu disponible


nominal, une diminution de l’inflation se traduira par une augmentation du pouvoir
d’achat des ménages.

Amélioration du climat des affaires : lorsque le moral des entrepreneurs s’améliore, on


peut en attendre une augmentation des embauches et/ou une hausse des dépenses
d’investissement, surtout si cette amélioration du climat des affaires correspond à des
meilleures anticipations pour l’avenir.

Amélioration des prévisions de la demande : une entreprise qui anticipe une hausse de ses
ventes sera tentée d’investir et/ou d’accroître ses stocks pour pourvoir servir la demande
prévue.

Hausse du carnet de commande : au plus le carnet de commande d’une entreprise est


important, au plus son activité sera soutenue; l’effet sera renforcé si le niveau des stocks
de produits finis est bas, l’entreprise n’ayant alors pas la possibilité de puiser dans ses
stocks pour servir la demande.

Hausse du carnet des commandes à l’exportation : ceci traduit une augmentation de la


demande étrangère; l’effet attendu est dès lors une croissance plus forte des exportations à
l’avenir.

Amélioration des indicateurs prévisionnels de la demande mondiale (ex. indicateur


avancé de l’OCDE) : un renforcement de la demande mondiale devrait conduire à une
plus forte croissance des exportations nationales, surtout si ce renforcement s’observe
dans les pays étrangers qui sont les principaux marchés d’exportation du pays étudié.

Hausse du taux d’utilisation des capacités de production : si les tensions sur les capacités
de production sont dues à une hausse permanente de la demande, les entreprises seront
incitées à investir dans le but d’accroître leurs capacités de production.

Augmentation du nombre de permis de bâtir : l’activité dans la construction devrait


s’accélérer à l’avenir; la contrepartie du côté de la demande devrait être une croissance
plus forte de l’investissement en logement et/ou de l’investissement en bâtiment productif.

- 33 -
Hausse des profits : les entreprises disposent de plus de ressources pour financer leurs
investissements.

Baisse des taux d’intérêt : une réduction du coût du crédit augmente la rentabilité des
investissements, ce qui peut inciter les entreprises à investir davantage.

Les résultats qui précèdent sont à compléter par l’analyse des Parties 2 et 3. Voir également
les lectures complémentaires.

Lectures complémentaires :
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)

N. Carnot et B. Tissot, La Prévision Economique, Chapitre 5 «La modélisation des


comportements», Economica, 2002, pp.161-206.

European Commission, «The EU Economic 2006 Review. Adjustment Dynamics in the Euro
Area : Experiences and Challenges», European Economy, n°6, 2006, pp. xxx

European Commission, «The cyclical behaviour of unemployment», dans Economic


Forecasts, Spring 2002, Chapter 5 (Special Topics), pp.97-101.

(*) European Commission, «The respective roles of employment and wages in supporting
household consumption», dans Quarterly Report on the Euro Area, Volume 5, n°1 (2006),
pp.15-20.

Groshen, Erica and Simon Potter (2003), «Has Structural Change Contributed to a Jobless
Recovery», Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York,
vol.9 (August).

2.2. Les indicateurs avancés

Le conjoncturiste qui utilise son propre jugement pour établir sa prévision accordera souvent
une grande importance aux indicateurs économiques avancés, dans la mesure où ils donnent
des signaux plus ou moins fiables quant à l’évolution à court terme de certaines variables
macroéconomiques. Parmi les indicateurs économiques décrits dans le chapitre précédent,
ceux qui ont un caractère avancé sont : la composante prévisionnelle des indicateurs
d’opinions, l’indicateur avancé du Conference Board, de même que les indicateurs OCDE.
Ces indicateurs avancés seront utiles pour prévoir une accélération (ou décélération) de la
croissance économique ou pour détecter de façon anticipée un retournement du cycle
conjoncturel (passage d’une phase d’expansion à une phase de récession, ou inversement).
Nous avons par exemple vu dans le chapitre précédent comment on pouvait utiliser
l’indicateur avancé du Conference Board américain pour prévoir le risque de récession aux
Etats-Unis.

Plusieurs études ont montré que certaines variables financières, comme par exemple les cours
boursiers, disposaient d’un pouvoir prédictif important, bien souvent meilleur que celui de la
plupart des indicateurs avancés réels vus dans le chapitre précédent (voir par exemple l’article
de Stock et Watson (2003) dans les lectures complémentaires). Parmi ces variables, la pente
de la courbe des rendements est certainement l’indicateur qui retient le plus l’attention des
analystes conjoncturels.

La courbe de rendement désigne la relation qui existe entre des taux d’intérêt de maturités
différentes (taux à 3, 6, 12 mois, 1, 5, 10 ans par exemple). Sa pente correspond à l’écart
observé entre les taux d’intérêt de différentes maturités, comme par exemple l’écart entre les

- 34 -
taux à long terme et les taux à court terme6. Selon la théorie dominante, la pente de la courbe
de rendement est déterminée par les attentes que forment les agents économiques par rapport
à l’évolution future des taux d’intérêt. C’est la théorie des attentes de la structure des taux
d’intérêt. Une manière simple de présenter cette théorie est la suivante. Soit deux obligations
à zéro coupon, l’une dont la maturité est de 1 an et l’autre dont la maturité est 2 ans. Chaque
obligation donne droit à un paiement de 100 à l’échéance. Soit p1, le prix de l’obligation de
maturité 1 an et p2, le prix de l’obligation de maturité 2 ans. Pour chaque obligation, son
rendement à l’échéance est déterminé par l’expression suivante7 :

Obligation à maturité 1 an : p1 = 100 / (1+y1)

Obligation à maturité 2 ans : p2 = 100 / (1+y2)2

Soit un investisseur qui a un horizon de placement de 2 ans. Il a le choix entre deux stratégies
de placement :

• soit il achète une obligation de maturité 2 ans, qu’il paie aujourd’hui p2; dans ce cas, son
rendement sur l’horizon de placement est :

(100-p2)/p2 = (1+y2)2 - 1

• soit il achète une obligation de maturité 1 an, payée aujourd’hui p1, qu’il revend après 1
an pour racheter une obligation de maturité 1 an, à un prix anticipé de p1e; dans ce cas-ci,
son rendement sur l’horizon de placement est :

(100x(100/p1e)-p1)/p1 = (1+y1)(1+y1e) -1

étant donne que p1e = 100 / (1+y1e) où y1e est le rendement anticipé pour dans 1 an.

En raison des mécanismes d’arbitrage, le rendement des deux stratégies doit être identique,
soit :

(1+y2)2 = (1+y1)(1+y1e)

Par une approximation simple, on obtient :

y2 = ½(y1 + y1e),
qui dit que le taux à 2 ans est approximativement égal à la moyenne des taux à 1 an courant et
anticipé.

Par une manipulation algébrique simple, on obtient :

y2 – y1 = ½(y1e – y1),
qui indique que la pente de la courbe de rendement est déterminée par l’écart entre le taux à 1
an anticipé pour la prochaine période et le taux à 1 an courant. La pente sera positive si les
agents économiques s’attendent à une hausse des taux à 1 an et elle sera négative s’ils
s’attendent à une baisse des taux à 1 an.

6 La pente de la courbe des rendement peut par exemple être calculée comme l’écart entre le rendement sur
un bon d’Etat à 10 ans et le taux d’intérêt sur un bon du Trésor à 3 mois.
7 Le rendement à maturité d’une obligation de maturité n années, ou le taux d’intérêt à n années, est «le taux
annuel constant qui rend le prix de l’obligation égale à la valeur actuelle des revenus futurs auxquels
l’obligation donne droit» (Blanchard et Cohen, Macroéconomie, 2002, p.254). Dans le cas d’une obligation
à zéro coupon, le seul revenu est le paiement à l’échéance.

- 35 -
De façon générale, la théorie des attentes indique que l’écart entre les taux à long terme (à 10
ans par exemple) et les taux à court terme (à 3 mois par exemple) est déterminée par
l’évolution attendue des taux à court terme.

De nombreuses études ont montré que la pente de la courbe des rendements constituait un
indicateur relativement fiable pour prédire l’évolution de l’activité économique à court terme
(horizon de 1 à 4 trimestres)8. C’est ainsi qu’en règle générale, une récession est anticipée
avec une probabilité élevée lorsque la courbe des rendements est dite «inversée», soit le cas
où les taux longs sont inférieurs aux taux courts. Par exemple, le modèle estimé par Estrella et
Mishkin (1996) indique que la probabilité que les Etats-Unis soient en récession à un horizon
d’un an est de 50 % lorsque l’écart entre le taux d’intérêt sur les bons d’Etat à 10 ans et le
taux d’intérêt sur les bons du Trésor à 3 mois est négatif de 80 points de base. Le lien qui
existe entre la pente de la courbe des rendements et la probabilité d’entrer en récession peut
s’expliquer de la façon suivante9. D’une part, la politique monétaire influence à la fois la
croissance économique et la pente de la courbe des rendements : une hausse des taux d’intérêt
à court terme donne lieu simultanément à un aplatissement de la courbe des rendements et à
un ralentissement de l’activité économique10. D’autre part, dans la mesure où la pente de la
courbe des rendements est déterminée, au moins partiellement, par les attentes des marchés
financiers sur l’évolution future des taux d’intérêt à court terme, la courbe de rendement aura
tendance à s’aplatir lorsque les marchés financiers anticipent une récession, les taux d’intérêt
à court terme étant généralement au plus bas durant les périodes de récession.
Comme on le verra dans la section suivante, les indicateurs avancés peuvent être utilisés
comme variables explicatives dans des modèles économétriques de prévision.

Références :
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)

(*) Estrella, A. and F. Mishkin (1996), «The Yield Curve as a Predictor of U.S. Recessions»,
Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, June 1996.

Lectures complémentaires :
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)

Estrella, Arturo (2005), «The Yield Curve as a Leading Indicator : Frequently Asked
Questions», Federal Reserve Bank of New York

European Commission, “Is the yield curve still predicting recession?”, dans Quarterly Report
on the Euro Area, Volume 6, n°1 (2007), pp. 14-19.

8 Voir par exemple Estrella, A. and F. Mishkin, «The Yield Curve as a Predictor of U.S. Recessions»,
Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, June 1996, J. Haubrich and
A. Dombrovsky, Predicting Real Growth Using the Yield Curve, Federal Reserve Bank of Cleveland
Economic Review, 1996, ou A. Estrella and F. Mishkin, “The predictive power of the term structure of
interest rates in Europe and the United States: Implications for the European Central Bank”, European
Economic Review, 1997. Les études examinent la capacité de la courbe des rendements à prévoir soit la
croissance économique, soit les points de retournement de l’activité économique.
9 Dans l’article «Why Does the Yield Curve Predict Output and Inflation ?», Estrella (2005) démontre de
façon formelle, dans une version élargie du modèle IS-LM, le lien qui existe entre la pente de la courbe de
rendement et l’évolution future de l’activité économique.
10 Selon l’étude de Estrella et Mishkin (1997), en cas de politique monétaire restrictive, les taux d’intérêt à
long terme augmentent, mais leur augmentation est moindre que celle des taux à court terme.

- 36 -
(*) Haubrich, J. and A. Dombrovsky (1996), Predicting Real Growth Using the Yield Curve,
Federal Reserve Bank of Cleveland Economic Review.

Mehra, Yash and Elliott Martin (2003), “Why Does Consumer Sentiment Predict Household
Spending”, Federal Reserve Bank of Richmond Economic Quarterly, Volume 89/4, Fall
2003.

Stock, James, and Mark Watson (2003), “How Did Leading Indicator Forecasts Perform
During the 2001 Recession”, Federal Reserve Bank of Richmond Economic Quarterly,
Volume 89/3.

Trehan, Bharat (2006), “Is a Recession Imminent”, Federal Reserve Bank of San Francisco
Economic Letter, Number 2006-32, November 24, 2006.

(*) Wright, Jonathan (2006), “The Yield Curve and Predicting Recessions”, Finance and
Economics Discussion Series paper 2006-07, Board of Governors of the Federal Reserve
System, Washington, D.C.

2.4. Les modèles statistiques de prévisions

Cette section est consacrée à l’élaboration de modèles économétriques de prévision à court


terme. Elle s’intéresse à leur construction, à leur utilisation pour la prévision, et aux tests
statistiques à appliquer pour évaluer leur pouvoir prédictif sur un horizon de prévision donné.
Nous verrons notamment comment prendre en considération les indicateurs conjoncturels
dans les modèles de prévision. A titre d’illustration, deux exemples de modèle de prévision
simple sont présentés ci-après.

Exemple 2.1. Modèles de prévision de la croissance du PIB belge


Dans les modèles présentés ci-dessous, la variable dépendante est le taux de croissance
annuelle du PIB réel de la Belgique. La période d'estimation est 1982q2 – 2006q2.

Modèle 1 :
Variables explicatives : rgdp(-4), constante, dummy
R2 = 0,71520

Modèle 2 :
Variables explicatives : BNBm1, BNBm3(-3), constante, dummy
R2 = 0,75069

Modèle 3 :
Variables explicatives : rgdp(-1), rgdp(-4), OCDEm1, OCDEm2(-4), OCDEm3(-2),
OCDEm3(-4), constante, dummy
R2 = 0,82192

Les variables explicatives sont définies comme suit :

rgdp (-i) = taux de croissance annuel du PIB réel, retardé de i trimestres

BNBm1 = valeur contemporaine de l'indicateur synthétique de conjoncture BNB pour


le 1er mois du trimestre

- 37 -
BNBm3(-i) = valeur, retardée de i trimestres, de l'indicateur synthétique de conjoncture
BNB pour le 3ème mois du trimestre

OCDEm1 = valeur contemporaine de l'indicateur avancé OCDE pour le 1er mois du


trimestre

OCDEm2(-i) = valeur, retardée de i trimestres, de l'indicateur avancé de l'OCDE pour le


2ème mois du trimestre

OCDEm3(-i) = valeur, retardée de i trimestres, de l'indicateur avancé OCDE pour


le 3ème mois du trimestre

De nombreux travaux ont montré que les données d’enquête de conjoncture apportaient bien
souvent un surcroît d’information signification sur l’évolution courante ou future de
différentes variables économiques, en particulier le PIB et la production industrielle. Une
manière simple d’évaluer l’apport des enquêtes de conjoncture à la prévision à court terme
consiste à introduire les variables d’enquêtes comme variables explicatives dans une équation
économétrique destinée à prévoir une variable donnée (PIB, production). Voici deux
illustrations de travaux de ce type :

Exemple 2.2. Modèle de prévision de la croissance du PIB français


(référence : Revue de l’OFCE, octobre 2002, p.185)

La variable modélisée est le taux de croissance trimestrielle du PIB réel français.


L’équation économétrique retenue par l’OFCE pour prévoir la croissance du PIB français
à court terme comprend les résultats des enquêtes de conjoncture dans l’industrie et dans
les services. Pour chaque secteur, l’information contenue dans les différents soldes
d’opinion est résumée en un facteur qui est déterminé à partir d’une analyse en
composantes principales.

Coef. T-stud
Facteur industrie (en différence première) 3,917 5,6
Facteur services (en niveau) 0,995 5,6
Taux de change euro/$ (en taux de croissance) 0,026 2,8
Ecart taux court-taux long - 0,085 - 2,7
Constante 0,492 11,3
Dummy 1996q4 - 0,996 - 3,3
Dummy 2001q4 - 0,927 - 3,0
Période d’estimation : 1988q3-2002q2, R2=0,7

Dans la suite de cette section, nous abordons successivement les points suivants :
√ Les modèles dynamiques de prévision : modèle univarié à une variable, modèle univarié à
plusieurs variables, modèles "probit".
√ L'évaluation de la prévision : tests statistiques, prévision dans l'échantillon et en dehors de
l'échantillon.

Les notes pour cette partie seront distribuées au cours.

2.5. La cohérence comptable de la prévision

Dans bien des cas, l’exercice de prévision impliquera l’élaboration d’un profil d’évolution
trimestrielle du PIB, des principales composantes de la demande (consommation,

- 38 -
investissement, exportations, …), et de certaines variables macroéconomiques importantes
(emploi, prix, …) : ce profil est la transposition chiffrée du scénario conjoncturel qui aura été
élaboré (voir tableau 4.1).

Tableau 2.1. Scénario conjoncturel et profil d’évolution du PIB


(variation de trimestre à trimestre, en %)

PIB Année T+1 PIB Année T+2 PIB


(T) (T+1) (T+2)
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
Scénario 1 100 0,2 0,2 0,5 0,7 101,6 0,8 0,9 0,8 0,8 105,0
(+ 1,6) (+ 3,3)
Scénario 2 100 0,2 -0,2 -0,4 0,1 99,7 0,2 0,4 0,5 0,7 101,5
(- 0,3) (+ 1,8)
Scénario 3 100 1,1 1,3 0,4 0,7 103,5 0,7 0,5 0,7 0,6 106,2
(+ 3,5) (+ 2,5)
Scénario 4 100 1,0 0,3 1,0 0,3 102,6 0,1 -0,4 0,3 0,9 103,5
(+ 2,6) (+ 0,9)
Scénario 1 : croissance très modérée durant la première partie de l’année T+1,
accélération graduelle à partir du second semestre, et croissance soutenue en T+2
Scénario 2 : récession en première partie de T+1 et sortie progressive de crise ensuite
Scénario 3 : croissance très soutenue au premier semestre T+1 et retour ensuite à un
rythme de croissance plus «normal»
Scénario 4 : croissance «hésitante» en T+1, fléchissement marqué au premier semestre
T+2, et reprise ensuite

Lorsque la prévision porte sur plusieurs variables qui sont liées entre elle, comme par
exemple la croissance de l’emploi et celle des revenus salariaux, il sera nécessaire d’effecteur
un cadrage macroéconomique à l’aide d’un modèle macroéconomique ou, à défaut, d’une
maquette comptable. C’est par le biais de ce cadrage macroéconomique que le prévisionniste
pourra tenir compte d’une façon rigoureuse et systématique des interactions qui existent entre
les différentes variables macroéconomiques. Au minimum, une simple maquette comptable
sera utile pour assurer la cohérence comptable des prévisions effectuées sur le PIB et sur ses
différentes composantes.

- 39 -
ANNEXE 2.1. EXPORTATIONS, DEMANDE MONDIALE ET
COMPÉTITIVITÉ
Du fait de l’intégration croissante des économies au niveau international, le commerce
extérieur contribue pour une part de plus en plus importante aux fluctuations conjoncturelles
de nombreux pays. C’est tout particulièrement le cas pour les petits pays ouverts comme la
Belgique. Ainsi, en Belgique, les exportations, de même que les importations, représentent
environ 70 % du PIB. Pour un grand pays comme les Etats-Unis, la part des exportations et
des importations est nettement plus faible. Elle a néanmoins augmenté de façon significative
au cours des dernières décennies : de l’ordre de 6 % en 1980, la part des exportations dans le
PIB était de 11 % en 2000; quant aux importations américaines de biens et services, leur part
dans le PIB a augmenté de 6 % en 1980 à 15 % en 2000. Dans la zone euro, la part respective
des exportations et des importations dans le PIB était de 37,1 % et 36,2 % en 2000, contre
25,4 % et 25,2 % en 1991.

On reconnaît habituellement deux déterminants importants aux exportations d’un pays : la


demande mondiale, d’une part, et la compétitivité des produits nationaux, d’autre part.

Dans la pratique, la manière la plus simple de mesurer la demande mondiale est d’utiliser le
PIB mondial ou un indicateur du commerce international. Cette manière de procéder a
néanmoins comme défaut de ne pas tenir compte de la structure géographique des
exportations du pays étudié. L’activité économique d’un pays sera en effet davantage plus
sensible aux variations de l’activité dans les pays qui sont ses principaux marchés
d’exportation que dans les pays avec lesquels il a peu d’échanges commerciaux. A cet égard,
il est important de souligner que l’impact potentiel d’un pays étranger dans les échanges
extérieurs d’une économie est déterminé non seulement par son influence directe sur les
échanges extérieurs, telle qu’elle est donnée par exemple par la part des exportations
nationales vers ce pays, mais également par son influence indirecte, compte tenu de
l’influence que ce pays peut avoir sur l’activité économique de pays tiers avec lesquelles
l’économie nationale a des échanges commerciaux. Par exemple, si on souhaite évaluer
l’impact d’un ralentissement économique aux Etats-Unis sur la croissance belge, on risque de
sous-estimer l’impact si on ne le mesure qu’en considérant l’intensité des relations
commerciales entre les Etats-Unis et la Belgique (cf. tableaux 3.1 et 3.2) et en négligeant
l’effet potentiel du ralentissement américain sur la croissance dans les pays européens qui
constituent les principaux marchés d’exportation des entreprises belges.

- 40 -
Tableau 2.2. Répartition géographique des échanges internationaux

Pays expor- JAP ASIE Amér Euro


tateurs11 Union européenne USA ON . pe
UEB F D NL Total Latin de
à destination e l'Est
de : L
Pays 82,0 77,0 73,4 83,6 76, 55,4 48,2 49,8 68,5 51,9
industrialisés 3
dont: USA 4,8 6,4 8,6 4,5 7,7 - 28,1 19,8 48,8 4,3
Canada 0,4 0,8 0,8 0,5 0,8 21,8 1,5 1,2 1,7 0,3
Australie 0,3 0,5 0,7 0,4 0,7 1,8 1,9 1,7 0,2 0,1
Japon 1,1 1,7 2,3 1,1 2 9,6 - 12,2 3,3 1,5
UE / 10 57,3 48,4 42,3 57,4 - 14,3 11,6 11,0 11,5 37,6
U.K. 9,6 9,9 8,5 10,3 8,0 5,3 3,3 3,2 1,8 3,4
Pays en 17,8 22,6 26,3 16,0 23, 44,6 51,7 48,9 29,5 46,7
dévelop. 3
dont Afrique 1,8 4,6 1,5 1,7 2,3 1,1 1,0 1,3 1,0 0,8
Asie 5,3 7,6 7,5 6,0 6,9 18,6 42,2 41,0 5,1 5,2
Europe de l'Est 6,3 5,0 12,1 4,6 8,2 1,8 1,1 1,7 1,4 36,2
Moyen Orient 3,4 3,1 2,5 2,2 3,3 3,6 2,7 2,5 1,3 3,5
Amér. centr. & 1,0 2,3 2,7 1,5 2,6 19,5 4,7 2,4 20,8 0,9
Lat.
Source: International Monetary Fund, Direction of Trade Statistics, Quarterly (June 1998)

11 En % des exportations totales.

- 41 -
Tableau 2.3. Répartition géographique et sectorielle des exportations belges de
marchandises
(% des exportations totales en valeur de chaque secteur)1

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Europe 89,7 83,9 78,9 81,1 85,3 82,7 70,8 83,3 90,1 68,9
UE-15 85,8 74,5 76,8 70,2 74,4 73,3 63,8 74,7 82,2 61,2
F 26,6 18,4 25,6 16,5 36,0 16,8 17,4 16,6 26,3 21,5
D 20,6 8,5 15,1 21,7 8,5 20,7 18,6 25,2 21,8 14,9
NL 20,9 37,4 18,8 18,4 14,7 11,7 11,6 10,2 18,8 8,7
I 6,1 1,6 5,9 5,3 3,1 8,0 4,5 4,4 3,4 6,0
E 2,4 1,2 3,0 1,0 1,4 3,8 1,7 4,7 2,3 2,1
UK 6,2 6,1 6,6 4,9 8,3 8,2 7,9 11,0 6,9 5,6
Amériqu 2,1 2,2 4,4 5,9 1,1 5,9 8,2 7,7 4,4 8,9
e
Asie 4,2 4,0 7,6 2,7 6,6 9,3 19,2 6,8 4,1 18,3
Afrique 3,9 1,5 2,5 0,8 6,7 2,1 1,8 1,9 1,5 2,8
% total2 9,2% 0,9% 2,3% 3,0% 0,4% 17,0 27,3 28,2 8,4% 3,3%
% % %
Source : Organisation de Coopération et de Développement Economique (Statistiques du Commerce Extérieur
de l’UEBL en 1994-Série C)
1 Nomenclature CTCI du Commerce Extérieur (révision 3)
Secteurs :
0 : Produits alimentaires et animaux vivants 1 : Boissons et tabacs
2 : Matières brutes non comestibles à l’exception des carburants (caoutchouc, bois et liège, fibres textiles,
engrais bruts, etc.)
3 : Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes
4 : Huiles, graisses et cires d’origine animale ou végétale
5 : Produits chimiques et produits connexes
6 : Articles manufacturés classés principalement d’après la matière première (cuirs, peaux, caoutchouc, papiers,
cartons, etc.)
7 : Machines et matériel de transport
8 : Articles manufacturés divers (constructions préfabriquées, appareils sanitaires, appareillage de plomberie,
meubles et leurs parties, etc.)
9 : Articles et transactions non classés ailleurs.
2 Il s’agit du poids de chaque secteur dans les exportations totales de l’UEBL.

La compétitivité d’une économie détermine ses parts de marché à l’importation et à


l’exportation. Elle est influencée par des nombreux facteurs, dont les prix des biens produits
par les entreprises domestiques et par leurs concurrentes sur le marché domestique et sur les
marchés à l’exportation, l’évolution du coût salarial dans les secteurs exposés à la
concurrence étrangère par rapport à celui de leurs concurrents étrangers, la qualité des biens
produits localement par rapport à celle de biens similaires produits à l’étranger.

Dans la pratique, la compétitivité d’une économie est mesurée par des indices comparant
l’évolution, dans une même monnaie, des prix ou des coûts entre un pays donné et ses
principaux concurrents étrangers. En voici deux exemples :

Compétitivité-prix à l’importation

La compétitivité à l’importation est mesurée par l’écart entre le taux de croissance du prix des
producteurs nationaux et celui des concurrents sur le marché national. Il est donc défini par la
formule suivante :
(1+ Pb)/ (1+ PCMb)

où Pb est le taux de croissance du prix à la production sur le marché belge

- 42 -
PCMb est le taux de croissance du prix des concurrents sur le marché belge.

Le prix des concurrents sur le marché belge est défini comme la moyenne pondérée des prix à
l’importation des différents pays exportateurs sur le marché belge, le poids de chaque
concurrent étant défini par sa part de marché dans le total des importations belges. Il
s’exprime donc comme :

PCMb = ∑i mi,b * PMi,b

où PMi,b est le taux de croissance du prix des importations belges en provenance du pays
i
mi,b est la part des importations en provenance du pays i dans les importations totales
belges.

Compétitivité-prix à l’exportation

La compétitivité à l’exportation est mesurée par l’écart entre le taux de croissance du prix à
l’exportation de la Belgique et du prix de la concurrence sur les marchés d’exportation
communs. Il s’exprime donc comme :

(1+ PXb)/ (1+ PCXb)

où PXb est le taux de croissance du prix à l’exportation de la Belgique


PCXb est le taux de croissance du prix de la concurrence à l’exportation.
Le taux de croissance du prix de la concurrence à l’exportation ne se détermine pas de façon
aussi directe que le prix de la concurrence à l’importation. En effet, si nous faisons
l’hypothèse que les prix à l’exportation de chaque pays ne dépendent pas du pays de
destination, la détermination du prix de la concurrence étrangère à l’exportation résulte d’un
système de double pondération. Il peut être exprimé comme la moyenne pondérée des taux de
croissance des prix à l’exportation des différents concurrents k, avec un coefficient de double
pondération λk :

PCXb = ∑k λk * PXk

où PXk est le taux de croissance du prix à l’exportation du pays k


λk est le coefficient de double pondération du concurrent k.

Ce coefficient de double pondération tient compte de l’importance de ce concurrent k sur


chaque marché j ainsi que de l’importance que représente chaque marché j en tant que marché
d’exportation de la Belgique. Il est donc fonction non seulement de la structure d’importation
des marchés j sur lesquels la Belgique exporte mais aussi de la structure des exportations
belges. Il est construit comme suit :

λk = ∑j xj * mk,j

où xj est la part des exportations belges en direction du marché j dans le total des
exportations belges
mk,j est la part des importations en provenance du pays k dans le total des importations
du marché j, non compris les importations venant de la Belgique. Cette limitation se
justifie par le fait que l’on cherche à mesurer l’importance des concurrents de la
Belgique, qui doit donc être exclue puisqu’elle ne rentre pas en concurrence avec elle-
même.

- 43 -
Ce coefficient de pondération d’un concurrent k mesure donc la part de la concurrence qui
vient du pays k dans le total de la concurrence exercée par les différents pays avec lesquels la
Belgique commerce.

Remarques :

• Si on s’intéresse à la compétitivité-coût plutôt qu’à la compétitivité-prix, il suffit de


remplacer dans les indicateurs présentés ci-dessus le taux de croissance des prix par le
taux de croissance du coût salarial par unité produite. Plus simplement, on peut comparer
l’évolution du coût salarial dans un pays donné par rapport à l’évolution moyenne du coût
salarial dans un certain nombre de pays qui sont les principaux concurrents étrangers du
pays considéré. C’est par exemple ce que fait en Belgique le Conseil central de
l’économie dans le rapport qu’il publie tous les deux ans sur la compétitivité de
l’économie belge.

• Afin que la comparaison entre les prix (coûts) du pays considéré et ceux de ses principaux
concurrents soit correcte, il est nécessaire d’exprimer ceux-ci dans une monnaie
commune. Le taux de change a donc une influence directe sur la position compétitive
d’une économie.

• Les taux de change effectifs réels construits par exemple par le Fonds Monétaire
International donnent une mesure directe de l'évolution de la position compétitive d'un
pays par rapport au reste du monde. Une augmentation (diminution) de la valeur du taux
de change effectif réel indique une détérioration (amélioration) de la compétitivité du pays
considéré.

- 44 -
PARTIE 2. LE CYCLE ECONOMIQUE :
Définitions, faits stylisés et analyse

«Depuis bien plus d’un siècle, les cycles économiques se succèdent dans une ronde
incessante. Ils ont persisté à travers les vastes changements économiques et sociaux; ils ont
surmonté une multitude d’expériences tentées dans les domaines de l’industrie, de
l’agriculture, du secteur bancaire, des relations industrielles et de la politique économique;
ils ont confondu d’innombrables prévisionnistes, démenti l’arrivée maintes fois prophétisée
d’une nouvelle ère de prospérité et survécu aux présages récurrents d’une dépression
chronique» (Burns, 1947).

CHAPITRE 3. DEFINIR LE CYCLE ECONOMIQUE

3.1. Définitions

La définition classique du cycle économique est assez ancienne. Elle est en effet attribuée à
deux économistes américains, Arthur Burns et Wesley Mitchell, qui ont ouvert les travaux
théoriques et méthodologiques consacrés au cycle économique. Selon Burns et Mitchell
(1946, p.3)12 :
«Les cycles des affaires sont une sorte de fluctuation que l’on rencontre dans l’activité
économique agrégée des pays où la production est essentiellement le fait des entreprises. Un
cycle économique se compose d’expansions qui interviennent à peu près simultanément dans
de nombreuses activités économiques, suivies de manière tout aussi répandue par des
récessions, des contractions qui se fondent dans la phase d’expansion du prochain cycle;
cette suite de changement est récurrente, mais non périodique; la durée des cycles varie de
plus d’un an à dix ans ou douze ans; on ne peut les décomposer en cycles plus courts de
même allure et d’amplitudes similaires»
Deux éléments de la définition de Burns et Mitchell sont particulièrement importants :

• Pour que l’économie soit déclarée en expansion ou en récession, il faut que plusieurs
activités (production, emploi, …) soient simultanément en expansion ou en récession;
• La succession des phases d’expansion et de récession est récurrente mais non
périodique : les cycles économiques se répètent, mais à une fréquence irrégulière, ce qui
signifie que la longueur des phases du cycle n’est pas constante dans le temps. De façon
générale, le comportement des cycles économiques est variable : variation de la longueur
des phases du cycle économique, variation de l’amplitude des fluctuations cycliques, …

Bien que très précise, la définition de Burns et Mitchell ne donne aucune indication de ce
qu’est une "expansion" ou une "récession" économique. Le NBER américain (National
Bureau of Economic Research) propose la définition suivante d’une récession économique :
«Une récession est une diminution significative durant plusieurs mois de l’activité
économique qui se marque au niveau de la production, de l’emploi, et d’autres variables
économiques importantes. (…) Les périodes de récession sont souvent courtes et elles sont
rares historiquement».

La définition de la récession que propose le NBER implique que l’économie n’est en


récession que pour autant que le niveau de l’activité économique diminue. Une interprétation

12 Burns, A. et W. Mitchell, 1946, Measuring Business Cycles, NBER, New York.

- 45 -
simpliste – et abusive - de cette définition consiste souvent à déclarer que l’économie est en
récession lorsque le niveau du PIB baisse pendant deux trimestres consécutifs

Selon les définitions qui précèdent, le cycle économique désigne donc la succession répétée
dans le temps de phases de hausses (expansion) et de baisses (récession) du niveau de
l’activité économique. Le cycle ainsi défini est appelé «cycle classique».

Les périodes durant lesquelles le niveau de l’activité économique se contracte étant plutôt
rares13, une définition de la récession alternative à celle du NBER considère que l’économie
est en récession lorsque le rythme de l’activité est inférieur pendant plusieurs mois à son
rythme potentiel. Selon cette autre définition, le cycle économique désigne alors les
fluctuations cycliques de l’activité économique (le PIB) autour d’une tendance de longue
période. On parle dans ce cas de «cycle de croissance». Cette autre définition est plus utile si
le taux de croissance de longue période est élevé et qu’il en résulte que les périodes de baisse
du niveau du PIB sont très peu fréquentes. Selon cette définition, l’économie est en récession
lorsque le rythme de l’activité est inférieur pendant plusieurs mois à son rythme potentiel. En
pratique, la définition du cycle de croissance pose le problème de pouvoir faire clairement la
distinction entre la tendance de longue période et le cycle14. Ce problème implique que
lorsqu’on s’intéresse aux cycles de croissance, les principales caractéristiques du cycle
dépendront de façon décisive de la méthode qui aura été utilisée pour identifier la tendance.

Quelle que soit la définition retenue, les points de retournement du cycle économique
définissent les deux phases du cycle : la récession est la période comprise entre un pic et un
creux de l’activité, et l’expansion est la période comprise entre un creux et un pic. La durée du
cycle est le nombre de périodes (mois, trimestres, années selon la fréquence des données
utilisées) entre deux pics (ou deux creux).

3.2. Cycles et tendances

Comme cela a été souligné dans la section qui précède, le repérage des cycles de croissance
implique de pouvoir identifier la tendance de la série (par exemple le PIB) dont on veut
déterminer le cycle. Deux problèmes surgissent alors. D’une part, la théorie économique ne
fournit pas d’indications sur la nature de la tendance qu’il s’agit d’extraire : s’agit-il d’une
tendance linéaire, d’une tendance exponentielle, .., s’agit-il d’une tendance déterministe ou
d’une tendance stochastique ? D’autre part, il existe une multitude de méthodes statistiques
permettant de séparer le cycle de la tendance; ces méthodes donnent des résultats contrastés,
si bien que le choix de la méthode repose en partie sur un «a priori théorique» concernant la
réalité du cycle économique.

Formellement, le fait de décomposer une série statistique y en une composante tendancielle et


une composante cyclique revient à considérer que cette série peut être représentée de la façon
suivante :

yt = ypt + yct
où yp désigne la tendance et yc désigne le cycle.

Une technique simple pour estimer la tendance est le lissage par moyenne mobile. Selon cette
technique, la tendance est obtenue en remplaçant chaque observation de la série brute y par
une moyenne de m valeurs de cette série encadrant cette observation :

ypt = (1/2m+1) (yt-m +…+ yt-1+yt+yt+1+….+ yt+m-1+yt+m)

13 Par exemple, en Belgique, on relève entre1980q1 et 2006q3 16 trimestres (sur un total de 106) durant
lesquels le niveau du PIB a diminué.
14 La tendance de longue période du PIB correspond au niveau potentiel du PIB.

- 46 -
La tendance ainsi définie est parfaitement linéaire. L’application de cette technique n’est dès
lors valable que si la tendance est effectivement linéaire et que si le cycle est régulier et a une
durée de (2m+1) périodes15.

Une autre technique simple consiste à estimer un modèle économétrique de type :

yt = ypt + εt

où ypt sera spécifié comme une fonction du temps et ε est un terme d’erreur. Le résidu
calculé de l’équation estimée constitue alors la composante cyclique de la variable y.

Le type de fonction retenue pour ypt dépendra de l’hypothèse faite sur la nature de la
tendance. On aura par exemple :

ypt = α + βt si l’on suppose que la tendance est linéaire

ypt = α + βt + γt2 si l’on suppose que la tendance est non linéaire

log(ypt) = α + βt si l’on suppose que la tendance est exponentielle.

Une caractéristique importante des deux techniques simples qui viennent d’être présentées est
que la tendance est purement déterministe. Il en résulte que le cycle est un écart transitoire
entre la série brute et la tendance : les chocs n’ayant pas d’effets persistants dans le temps,
l’économie revient inévitablement au bout d’un certain temps sur sa trajectoire initiale16.

Cette conception du cycle économique a été remise sévèrement en question au début des
années 80 par la théorie des cycles réels (cf. chapitre 5, section 5.5), partant du constat
empirique que de nombreuses séries macroéconomiques obéissent à une évolution du type :

yt = yt-1 + a + εt ,

où εt est un terme purement aléatoire.

La relation qui précède implique que les chocs reçus par le système ont des effets qui
persistent dans le temps (voir annexe) :
yt = yo + at + ∑εt-n

Le dernier terme de cette expression, appelé «tendance stochastique», indique que l’économie
s’écarte à jamais de sa trajectoire initiale (qui est donnée par les deux premiers termes, appelé
«tendance déterministe») après une perturbation17. Dans ce cas-ci, la décomposition
«tendance-cycle» n’est plus possible, les fluctuations observées de la série brute provenant
uniquement des mouvements de la tendance.

Supposons à présent que le comportement de la variable y est décrit par la relation suivante :

yt = ε t + η t

avec εt = εt-1 + a + µt ,

15 Notez que le lissage par moyenne mobile pose le problème du traitement des points situés aux extrémités
de la série qui ne peuvent être traités de la même manière que les autres points de la série. Le lissage par
moyenne mobile pose également le problème de l’introduction d’autocorrélation dans la tendance, qui
résulte mécaniquement du processus de lissage et non pas de la structure de la série brute.
16 La valeur prise par y au cours d’une période donnée est en effet indépendante des chocs reçus par le
système au cours des périodes passées.
17 Dans le jargon statistique, on dit que la série est non stationnaire.

- 47 -
ηt et µt étant des termes purement aléatoires.

Dans ce cas-ci, on obtient :

yt = εo + at + ∑µt-n + ηt

En imposant la condition initiale y0 = ε0 + η0, on obtient comme solution pour yt :

yt = yo - η0 + at + ∑µt-n + ηt

Selon cette expression, yt comprend une tendance déterministe et une tendance stochastique.
Il comprend également un terme purement aléatoire (ηt), que l’on peut interpréter comme la
composante cyclique de la série. Extraire une composante cyclique est à nouveau possible;
cela impliquera de soustraire de la série yt les deux termes de tendance.

Depuis les enseignements de la théorie du cycle économique réel, une technique d’extraction
de la tendance qui est devenue très utilisée est le « filtre Hodrick-Prescott ». Cette technique
repose sur l’idée qu’une tendance doit être suffisamment lisse pour ne pas suivre toutes les
inflexions de la série brute sans pour autant s’écarter trop des mouvements de la série brute.
Selon le « filtre Hodrick-Prescott », la tendance ypt de la série yt est obtenue en minimisant la
somme des carrés des écarts entre la tendance et la série brute sous la contrainte que la
composante tendancielle soit la plus lisse possible :

Min ∑(yt – ypt)2 + λ[∑[(ypt+1-ypt) – (ypt-ypt-1)]2

λ détermine le poids accordé à l’objectif de lissage (2ème terme) par rapport à l’objectif
d’adéquation de la tendance à la série brute (1er terme). Plus λ est élevé, plus l’objectif de
lissage est privilégié au détriment de l’objectif d’adéquation à la série brute et donc au plus la
partie cyclique est importante. Dans le cas limite où λ=0, la tendance se confond avec la série
brute; dans le cas limite où λ=∝, la tendance est linéaire.

Les valeurs de λ qui sont habituellement prises sont : λ = 1600 pour des données
trimestrielles, λ = 400 pour des données semestrielles, et λ = 100 pour des données annuelles.

Par rapport aux méthodes statistiques qui viennent d’être présentées, une autre manière de
mesurer le cycle de croissance du PIB consiste à faire coïncider la tendance avec le PIB
potentiel. Dans ce cas, si le cycle de la production industrielle et le cycle du PIB sont
étroitement liés, comme c’est le cas dans les pays industrialisés, le degré d’utilisation des
capacités de production dans l’industrie peut servir comme mesure du cycle du croissance du
PIB. Bien souvent, cependant, le cycle de croissance du PIB sera obtenu en estimant le niveau
du PIB potentiel à l’aide d’une fonction de production. C’est l’approche qui est notamment
pratiquée pour le FMI et l’OCDE pour les pays grands pays industrialisés18.

Références :

Burns, Arthur (1947), Stepping Stones Towards the Future, NBER Annual Report N°27.

Burns, A. and W. Mitchell (1946), Measuring Business Cycles, NBER.

18 Pour une présentation détaillée de cette approche, voir par exemple Kieran McMorrow and Werner Roeger,
«Potential Output : Measurement Methods, «New» Economy Influences and Scenarios for 2001-2010»,
Economic Papers N°150, European Commission, 2001 ou Economie Internationale n°69, La Revue du
CEPII, 1er trimestre 1997.

- 48 -
ANNEXE. LA CONCEPTION DU CYCLE SELON LA THÉORIE DES
CYCLES ÉCONOMIQUES RÉELS
Selon la conception la plus répandue du cycle économique, le cycle correspond à une
déviation temporaire du PIB par rapport à sa tendance. Selon cette conception, les fluctuations
cycliques sont des fluctuations de court terme, le PIB retournant à terme vers sa tendance

Selon l’approche des cycles économiques réels, les fluctuations observées du PIB ne sont pas
des mouvements de court terme autour d'une tendance, mais correspondent aux mouvements
de la tendance elle-même, qui sont induits par des chocs de productivité fréquents (cf.
chapitre 5). Cette conception implique une remise en question radicale de la décomposition
traditionnelle des mouvements du PIB.

Supposons que le comportement du PIB est représenté par un modèle autorégressif du


premier ordre, c'est-à-dire que les mouvements du PIB sont donnés par l'équation suivante :

y t = a + by t −1 + Z t ;0<b<1

composante terme choc aléatoire


déterministe autorégressif

Supposons l'apparition d'un choc quelconque qui modifie Z de façon temporaire, et entraîne
une augmentation du PIB au-delà de sa tendance. Bien que le choc est temporaire, celui-ci a
des effets qui persistent au-delà de la période courante dans la mesure où yt dépend de yt-1.
Toutefois, étant donné que b < 1, l'impact du choc diminue avec le temps, et Y revient
progressivement à non niveau tendanciel, comme le montre le graphique 3.1.

Graphique 3.1. Cycle traditionnel

Yt

t
t0

Supposons maintenant que les mouvements du PIB sont décrits par l'équation suivante :

y t = a + y t −1 + Z t (b = 1)

(= cheminement aléatoire)

Dans ce cas-ci, on peut montrer (cf. infra) qu'un choc aléatoire temporaire persiste dans le
temps de façon permanente : l'augmentation initiale de la production se perpétue au cours de

- 49 -
toutes les périodes futures. Comme on peut le voir sur le graphique 3.2, le choc temporaire
entraîne dans ce cas-ci une modification de la tendance.

Graphique 3.2. Cycle économique réel

Yt

t
t0

Selon l'approche du cycle économique réel, les fluctuations du PIB reflètent des mouvements
de la tendance.

Remarque : Tendance stochastique et tendance déterministe

Supposons que le comportement dynamique de y est décrit par le modèle suivant :

y t = a + y t −1 + Z t

composante terme choc aléatoire


déterministe autorégressif

Du modèle décrit ci-dessus, on déduit :

y t −1 = a + y t − 2 + Z t −1

y t − 2 = a + y t −3 + Z t − 2

⇒ y t = a + [a + y t − 2 + Z t −1 ] + Z t

y t = a (1 + 1) + y t − 2 + [Z t + Z t −1 ]

y t = a (1 + 1) + [a + y t −3 + Z t − 2 ] + [Z t + Z t −1 ]

y t = a (1 + 1 + 1) + y t −3 + [Z t + Z t −1 + Z t − 2 ]

y t = a ( t ) + y 0 + [Z t + Z t −1 + ... + Z1 ]

- 50 -
t
⇒ yt = a . t + y0 + ∑Z
i =1
t −i

trend trend
déterministe stochastique

- 51 -
CHAPITRE 4. LE CYCLE ECONOMIQUE : ELEMENTS DESCRIPTIFS
Dans ce chapitre, nous présentons un certain nombre de faits empiriques concernant le cycle
économique des pays industrialisés. Nous nous intéresserons tout d’abord au cycle
économique des Etats-Unis pour ensuite présenter divers faits stylisés pour un ensemble de
pays industrialisés.

4.1. Le cycle économique américain

4.1.1. La chronologie des cycles américains par le NBER

Le tableau 4.1 donne la chronologie des cycles économiques américains telle qu’elle a été
établie par le Comité de datation du cycle économique du NBER (National Bureau of
Economic Research).
Tableau 4.1. La chronologie du cycle économique américain selon le NBER

Cycle conjoncturel
Durée (en mois)
Dates de référence
Pic Creux Contraction Expansion Cycle
Trough from Peak from
Quarterly dates Peak Previous trough
Previous Previous
are in parentheses to Trough to this peak
Trough Peak
December 1854 (IV) -- -- -- --
June 1857(II) December 1858 (IV) 18 30 48 --
October 1860(III) June 1861 (III) 8 22 30 40
April 1865(I) December 1867 (I) 32 46 78 54
June 1869(II) December 1870 (IV) 18 18 36 50
October 1873(III) March 1879 (I) 65 34 99 52

March 1882(I) May 1885 (II) 38 36 74 101


March 1887(II) April 1888 (I) 13 22 35 60
July 1890(III) May 1891 (II) 10 27 37 40
January 1893(I) June 1894 (II) 17 20 37 30
December 1895(IV) June 1897 (II) 18 18 36 35

June 1899(III) December 1900 (IV) 18 24 42 42


September 1902(IV) August 1904 (III) 23 21 44 39
May 1907(II) June 1908 (II) 13 33 46 56
January 1910(I) January 1912 (IV) 24 19 43 32
January 1913(I) December 1914 (IV) 23 12 35 36

August 1918(III) March 1919 (I) 7 44 51 67


January 1920(I) July 1921 (III) 18 10 28 17
May 1923(II) July 1924 (III) 14 22 36 40
October 1926(III) November 1927 (IV) 13 27 40 41
August 1929(III) March 1933 (I) 43 21 64 34

May 1937(II) June 1938 (II) 13 50 63 93


February 1945(I) October 1945 (IV) 8 80 88 93
November 1948(IV) October 1949 (IV) 11 37 48 45
July 1953(II) May 1954 (II) 10 45 55 56
August 1957(III) April 1958 (II) 8 39 47 49

April 1960(II) February 1961 (I) 10 24 34 32

- 52 -
December 1969(IV) November 1970 (IV) 11 106 117 116
November 1973(IV) March 1975 (I) 16 36 52 47
January 1980(I) July 1980 (III) 6 58 64 74
July 1981(III) November 1982 (IV) 16 12 28 18

July 1990(III) March 1991(I) 8 92 100 108


March 2001(I) November 2001 (IV) 8 120 128 128
Average, all cycles:
1854-2001 (32 cycles) 17 38 55 56*
1854-1919 (16 cycles) 22 27 48 49**
1919-1945 (6 cycles) 18 35 53 53
1945-2001 (10 cycles) 10 57 67 67
Source : Business cycle expansions and contractions in the US, NBER * 31 cycles ** 15 cycles

Le tableau qui précède révèle certains faits intéressants concernant le cycle économique
américain :

• La durée des cycles, de même que celle des phases d’expansion et de récession, n’est pas
constante dans le temps :
• La durée des cycles, un cycle étant mesuré comme le nombre de mois qui séparent deux
sommets, varie d’un minimum de 17 mois (en 1920-1921) à un maximum de 128 mois
(1990-2000);
• Depuis la seconde guerre mondiale, les phases de contraction ont eu tendance à se
raccourcir, tandis que les phases d’expansion ont eu tendance à s’allonger; voir
notamment la longue phase d’expansion entre mars 1991 et mars 2001.
• Les périodes d’expansion sont généralement plus longues que les périodes de récession;
cette différence a eu tendance à s’accentuer depuis la seconde guerre mondiale.

4.1.2. La dynamique du cycle économique aux Etats-Unis : illustration rapide

Graphique 4.1. Récessions économiques aux Etats-Unis :


Evolution du PIB et de ses composantes

3
0
-3
-6
-9
-12
-15
-18
-21
-24
1981q3 -1982q4 1990 q3 - 1991q1 2001q1 - 2001q4

PIB Consommation privée


Investissement total (y.c. variations de stocks) Exportations totales
Importations totales

Source : Datastream Calculs : auteur

- 53 -
Graphique 4.2. Activité économique aux Etats-Unis durant la dernière récession (mars 2001-novembre 2001)
(pourcentage de variation trimestrielle)
(a) PIB et consommation privée (c) PIB et investissement total des entreprises
2,0 2,0 8 2,0
6
1,5 1,5 1,5
4

1,0 1,0 2 1,0


0
0,5 0,5 -2 0,5

-4
0,0 0,0 0,0
-6
-0,5 -0,5 -8 -0,5
Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4
2000 2000 2000 2000 2001 2001 2001 2001 2002 2002 2002 2002 2000 2000 2000 2000 2001 2001 2001 2001 2002 2002 2002 2002

Cons. PIB Inv. (y.c. stocks) PIB

(b) PIB et investissement fixe des entreprises (d) PIB et investissement dans les nouvelles technologies de
l'information
4 2,0
3 15 2,0
1,5
2
10 1,5
1 1,0
0 5 1,0
-1 0,5
0 0,5
-2
0,0
-3 -5 0,0
-4 -0,5
Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 -10 -0,5
2000 2000 2000 2000 2001 2001 2001 2001 2002 2002 2002 2002 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4
2000 2000 2000 2000 2001 2001 2001 2001 2002 2002 2002 2002
Inv. Prod. PIB
Inv. TIC PIB

Source : Datastream Calculs : auteur

- 54 -
4.2. Quelques faits stylisés à propos du cycle économiques des pays
industrialisés

Les résultats qui suivent sont repris d’une étude du FMI (2002) qui porte sur 21 pays
industrialisés pendant la période 1973-200019.
Selon l’analyse du FMI (2002), dont les résultats confirment ceux d’études antérieures, les
principaux éléments qui caractérisent le comportement du cycle économique dans les pays
industrialisés durant les récentes décennies sont les suivants :
• En moyenne, la durée d’un cycle économique est d’environ 6 années. Le cycle débute par
une période de récession d’environ un an au cours de laquelle le PIB diminue d’un peu
moins de 3 %. L'expansion qui suit dure environ 5 ans, période pendant laquelle le PIB
augmente en volume d’un peu plus de 3 % par an. On voit donc que, malgré la récession,
le PIB est, en fin de cycle, environ 14 % plus élevé qu’il ne l’était en début de cycle.
Moins de 10 % de récession sont longues (2 ans et plus) et profondes (contraction du PIB
de plus de 5 % durant la récession).
• Les cycles économiques sont devenus plus longs durant les décennies récentes,
principalement parce que les expansions sont devenues plus longues. On observe
également dans certains pays, par exemple les Etats-Unis, que les récessions ont eu
tendance à se raccourcir et à être moins fréquentes. La durée moyenne des cycles est
passée d’environ 4 ans pendant les années 70 à environ 6 ans durant les années 80 et 90.
• La durée de la reprise, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que le PIB retrouve son niveau
d’avant la récession, n’est pas liée de façon significative à la profondeur et à la durée de la
récession. La reprise dure en moyenne 30 % plus longtemps environ que la récession, ce
qui signifie que le PIB diminue plus durant la récession qu’il n’augmente durant la phase
de reprise (phase initiale de l’expansion).
• Les récessions tendent à être synchronisées entre pays, comme le montre leur
concentration sur 4 périodes entre 1973 et 2000. La première vague de récessions date du
milieu des années 70, peu après le premier choc pétrolier; les deux vagues suivantes ont eu
lieu au début des années 80, au moment du second choc pétrolier et du durcissement de la
politique monétaire dans la plupart des pays; la dernière vague intervient au début des
années 90.
• Les récessions synchronisées ont été plus profondes (plus forte contraction du PIB), mais
pas plus longues que les autres.
• Pratiquement toutes les récessions qui ont eu lieu au cours des décennies récentes ont été
marquées par une forte contraction de l’investissement fixe privé. L’investissement a son
pic conjoncturel en moyenne 2 trimestres avant le PIB et il entame son expansion en
moyenne un trimestre après le PIB. En moyenne, la contraction de l’investissement fixe
privé durant la récession est environ 6 fois plus élevée que celle du PIB. La profondeur de
la récession est étroitement liée à l’importance du recul de l’investissement.
• Les fléchissements de l’investissement privé durant les récessions sont fortement
synchronisés entre pays.
• Le cycle de la consommation privée est proche du cycle du PIB. Cependant, seulement la
moitié des récessions ont enregistré une contraction de la consommation. Les variations de
la consommation durant les récessions sont nettement moins synchronisées entre pays que
celles de l’investissement fixe privé.

19 FMI, «Recessions and recoveries», World Economic Outlook, Chapter 3, Avril 2002.

- 55 -
• La contraction de l’activité (PIB) durant les récessions est, pour la plus grande partie,
déterminée par une diminution de la variation des stocks et par le fléchissement de
l’investissement fixe privé (cf. tableau 4.2). La consommation privée se contracte
légèrement, tandis que les dépenses publiques et les exportations nettes (c’est-à-dire la
différence entre les exportations et les importations) évoluent de façon contra-cyclique.
Concernant les exportations nettes, il apparaît toutefois que lorsque la récession est non
synchronisée et qu’elle concerne une petite économie ouverte (comme l’est la Belgique),
leur évolution tend plutôt à être pro-cyclique, ce qui est dû à la plus grande vulnérabilité
de ces pays à des chocs extérieurs défavorables.
• La contribution de la formation des stocks aux récessions a eu tendance à diminuer avec le
temps, l’introduction de nouvelles méthodes de gestion des stocks (le «just-in-time» par
exemple) et l’utilisation plus intensive des nouvelles technologies de l’information ayant
semble-t-il eu pour effet d’améliorer la gestion des stocks et de rendre les stocks moins
volatiles. En revanche, la contribution de l’investissement aux récessions a augmenté avec
le temps (cf. tableau 4.2).
• Pendant une reprise type, la consommation privée est le principal élément qui contribue à
la croissance du PIB. C’est le cas même si la consommation privée ne s’est pas contractée
durant la période de récession qui a précédé la reprise (cf. tableau 4.3).
• Dans pratiquement tous les cas de récession recensés entre 1973 et 2000, une forte baisse
des cours boursiers est intervenue avant la récession. En moyenne, entre 1973 et 2000,
cette baisse des cours boursiers a atteint environ 40 % et a duré environ 9 trimestres, soit
bien plus longtemps que la durée moyenne d’une récession typique. Durant les années 90,
la baisse moyenne des cours boursiers durant les récessions fut néanmoins moins
importante. Entre 1973 et 2000, les baisses des cours boursiers ont été fortement
synchronisées.

Tableau 4.2. Contribution relative des composantes de la demande à la variation du PIB


durant les récessions

Echantil- Décennie Type de récession Pays du


lon total 70 80 90 Faible Grave Courte G-7
Rapport de la variation de la composante entre le pic et le creux conjoncturels
à la variation du PIB dans la même période, pourcentage
Variation des stocks 66 78 77 36 122 56 107 52
Investissement privé 50 47 36 72 41 47 -4 67
Consommation 12 2 14 24 - 14 16 8 22
privée
Exportations nettes - 21 - 16 - 21 - 30 - 29 -5 -4 - 27
Dépenses publiques 1 - 10 - 13 -9 -6 - 22 - 17 - 12 -5
Variation entre le pic et le creux conjoncturels; pourcentage de la valeur enregistrée au pic
Pour mémoire PIB - 2,7 - 3,8 - 2,1 - 2,2 - 1,0 - 7,1 - 1,8 - 2,4
1 Consommation finale et investissement fixe des administrations publiques
Source : FMI (2002), tableau 3.2., p. 135

- 56 -
Tableau 4.3. Contribution relative des composantes de la demande à la variation du PIB
durant les reprises

Echantil- Décennie Type de récession Pays du


lon total 70 80 90 Faible Grave Courte G-7
Rapport de la variation de la composante à la variation du PIB dans les quatre trimestres
consécutifs au creux conjoncturel
Variation des stocks 25 38 25 -6 20 50 30 21
Investissement privé 5 6 9 - - - 10 18
Consommation 45 44 38 63 50 30 40 52
privée
Exportations nettes 6 -2 11 18 30 10 10 -1
Dépenses publiques 1 19 14 17 32 10 10 10 10
Variation dans les quatre trimestres consécutifs au creux conjoncturel;
pourcentage de la valeur enregistrée au creux
Pour mémoire PIB 3,5 5,6 3,0 2,2 2,7 6,2 4,0 3,4
1 Consommation finale et investissement fixe des administrations publiques
Source : FMI (2002), tableau 3.3., p. 135

L’analyse théorique des cycles économiques a comme principal objectif d’expliquer les
régularités empiriques concernant le comportement des cycles économiques qui viennent
d’être présentées. Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à trois aspects importants du
comportement du cycle économique durant les dernières décennies :
1. Le rôle important exercé par les variations de stocks et l’investissement fixe privé dans la
détermination des fluctuations cycliques (cf. chapitre 5)
2. L’allongement des périodes d’expansion économique et la réduction de l’amplitude des
fluctuations cycliques (cf. chapitre 6)
3. La forte synchronisation des cycles économiques entre les pays industrialisés (cf. chapitre
7)

Lectures complémentaires :
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
(*) Council of Economic Advisers (2005), «Expansions Past and Present», dans Economic
Report of the President, Chapter 2, Washington, 2005, pp.49-70.
International Monetary Fund (2002), «Recessions and recoveries», World Economic Outlook,
Chapter 3, Avril 2002
Moure, Gilles (2004), «Did the Pattern of Aggregate Employment Growth Change in the Euro
Area in the Late 1990s ?», Working paper n°358, European Central Bank, May 2004.
(*) Stock, James and Mark Watson, «Business cycle fluctuations in U.S. Macroeconomic
Time Series», NBER WP 6528, 1998

- 57 -
CHAPITRE 5. LA DYNAMIQUE DES CYCLES ECONOMIQUES
Dans ce chapitre, nous allons mettre en évidence un certain nombre d’éléments théoriques qui
permettent de rendre compte du comportement cyclique de l’activité économique.

5.1. Cycles stochastiques et cycles déterministes

Les interprétations relatives au comportement du cycle économique peuvent être regroupées


en deux grandes catégories : d’une part, les interprétations déterministes, et d’autre part, les
interprétations stochastiques.

5.1.1. Cycles déterministes

L’interprétation déterministe des cycles économiques considère que les cycles économiques
se reproduisent et se perpétuent d’eux même. Selon cette interprétation, il existerait donc des
mécanismes économiques qui génèrent des phases d’expansion et de récession économiques
qui se répètent à l’infini. Selon cette interprétation, les cycles économiques sont donc
endogènes.
L’analyse de Adda et Sigogne (1994), détaillée plus loin (cf. section 5.6), offre une
illustration de cette approche.

5.1.2. Cycles stochastiques

L’interprétation stochastique des cycles économiques repose sur l’idée que les cycles
économiques sont déterminés de façon exogène à travers des mécanismes d’impulsion-
propagation. Selon cette approche, l’économie serait régulièrement soumise à des chocs
aléatoires qui donneraient lieu à des fluctuations économiques. Schématiquement, on peut
illustrer cette approche comme suit :
Schéma 5.1. Approche stochastique des cycles économiques

Système économique
Impulsions = mécanismes de Oscillations
(chocs aléatoires) propagation

Dans le schéma 5.1., les impulsions sont des chocs aléatoires qui modifient les conditions de
l’offre et de la demande. Le mécanisme de propagation représente les forces économiques qui
vont transformer les impulsions en fluctuations (oscillations) économiques.
Selon l’approche stochastique, le comportement cyclique de l’économie a deux origines
possibles :
• Les chocs aléatoires qui perturbent l’économie ont un profil dynamique de type cyclique
ou oscillatoire;
• Le système économique comprend des mécanismes qui transforment les chocs aléatoires
en des fluctuations oscillatoires.
On distingue habituellement trois types de chocs :
• Les chocs d’offre, qui touchent directement l’offre et la production de biens et services :
progrès technologique, changements climatiques, catastrophes naturelles, variations du
prix des matières premières et énergétiques, …

- 58 -
• Les chocs de demande, qui affectent le niveau et la composition de la demande agrégée :
modification des préférences des consommateurs, modifications des conditions monétaires
et de crédit, …
• Les chocs de politique économique, qui sont liés à des décisions de politiques
économiques prises par les autorités macroéconomiques (gouvernement, banque centrale)
et qui affectent essentiellement la demande agrégée : choc monétaire, choc budgétaire,
dévaluation du taux de change, …
Illustration : Politique monétaire et cycles économiques

Le durcissement délibéré des conditions monétaires dans les principaux pays industrialisés est
souvent mis en évidence comme l’un des facteurs à l’origine des récessions, ce qui a conduit
un économiste célèbre à affirmer que : «Aucune des expansions qu’ont connues les Etats-Unis
au cours des quarante dernières années n’est morte de vieillesse; la Réserve fédérale les a
toutes assassinées» (Dornbusch, 1987). On constate en effet souvent un durcissement de la
politique monétaire dans la dernière phase d’une expansion, le but de celui-ci étant de
contraindre le rythme de la croissance et d’éviter l’émergence de tensions inflationnistes
excessives. La profondeur de la récession étant liée à l’ampleur de la hausse des taux d’intérêt
qui précède la récession, il y a une forte présomption que le degré de durcissement des
conditions monétaires soit un des facteurs déterminants de l’ampleur de la contraction du PIB
pendant la récession. Durant la récession, la politique monétaire tend à s’assouplir et
l’importance de la baisse des taux d’intérêt semble influencer la vigueur de la croissance
économique pendant la reprise.

5.2. Le cycle des stocks

On a vu plus haut (cf. chapitre 4) que les stocks contribuaient de façon importante aux
fluctuations de l’activité économique. A quoi cela est-il dû ? Nous allons montrer comment
différents modèles de stockage répondent à cette question.
Pendant longtemps, les économistes ont eu tendance à considérer que les stocks servaient à
amortir l’impact des chocs de demande sur la production. Selon cette approche, la réaction
première d’une entreprise à un choc de demande serait d’ajuster ses stocks plutôt que le
niveau de production, les stocks augmentant en cas de diminution (inattendue) de la demande
et diminuant en cas de hausse (inattendue) de la demande. Cette théorie part de l’hypothèse
que les entreprises ont des coûts marginaux de production croissants. Dans ce cas, on peut en
effet montrer qu’il est efficient pour une firme de répondre à une hausse non prévue de la
demande en réduisant ses stocks plutôt qu’en augmentant sa production, pour autant que les
coûts de stockage soient moindres que les gains de ne pas produire.

- 59 -
Graphique 5.1. Stockage et lissage de la production
Coûts

Quantités
q1 q1 + q 2 q2
2

Commentaires :

q1 = demande à la période t1
q2 = demande à la période t2
A = coût moyen de production si q1 est produit en t1 et q2 est produit en t2
B = coût moyen de production si (q1+q2)/2 est produit à chaque période

si (q1+q2)/2 est produit à chaque période,


alors (q2-q1)/2 est stocké en t1 (=investissement en stockage)
et (q2-q1)/2 est retiré des stocks en t2 (=déstockage).
Cette théorie a deux implications empiriques importantes. S’il s’avère effectivement que les
firmes utilisent le stockage afin de lisser leur production, il en résulte :
1. que le production devrait être moins volatile que les ventes (la demande);
2. que l’investissement en stockage ( les variations de stocks) et les ventes devraient être
corrélés négativement.
En pratique, on constate cependant que les stocks ont tendance à évoluer dans le même sens
que les ventes. Plusieurs études ont également montré que la production (le PIB) fluctuait
davantage que les ventes (la demande finale). Par exemple, A. Blinder et D. Holtz-Eakin
(1986) montrent, sur différentes sous-périodes, que la variance du PIB américain est
systématiquement supérieure à celle de la demande finale20. Ils montrent également que les
variations de stocks et la demande finale sont corrélés négativement. L’évidence empirique
tend donc à montrer que, au lieu de stabiliser le cycle économique, le comportement de
stockage aurait plutôt pour effet d’accentuer ses fluctuations.
Selon une approche alternative à celle présentée ci-dessus, l’impact déstabilisateur des stocks
découlerait du fait que les entreprises désirent maintenir leurs stocks à un certain niveau par
rapport à leurs ventes (elles ont un objectif en matière de ratio stocks/ventes), ce qui implique
qu’elles augmenteraient leurs stocks en cas de hausse de leurs ventes et qu’elles les
réduiraient en cas de diminution des ventes. Comme le montrent les exemples 1 et 2, il
découle de cette approche que la formation des stocks aura pour effet d’amplifier les
fluctuations du cycle économique en cas de variations de la demande, les entreprises ajustant
le niveau de leur production dans le but de ramener le ratio stock/vente à son niveau objectif.

20 A. Blinder and D. Holtz-Eakin (1986), «Inventory Fluctuation in the United States since 1929», dans R.
Gordon (ed.), The American Business Cycle : Continuity and Change, NBER.

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Exemple 1. Prenons le cas d’un constructeur automobile qui produit 20.000 véhicules par
mois. Ses ventes mensuelles sont également de 20.000 unités par mois. Il souhaite avoir en
stocks l’équivalent de 2 mois de ventes, soit 40.000 véhicules. Son ratio stock/ventes est donc
égal à 2.
Si on introduit les notations suivantes : Y = production, S = ventes, I = stock actuel, I* = stock
désiré, alors on peut exprimer la situation de production de cette entreprise de la façon
suivante :
Y = 20.000
S = 20.000
I = 40.000
I* = 40.000
I*/S = 2
Supposons maintenant que ce constructeur enregistre une diminution (permanente) de ses
ventes de 2.000 unités : ∆S = -2.000. Puisque le niveau de ses ventes a diminué, le
constructeur va vouloir réduire ses stocks, dont le niveau désiré est à présent de 36.000.
De combien la production va-t-elle varier ? Sachant que la production (ou le PIB, si on
raisonne au niveau de l’ensemble d’une économie) est égale aux ventes plus les variations de
stocks :
Y = S + ∆I,
on a que la production tombe à 14.000 véhicules ( = S (= 18.000) + ∆I (=36.000-40.000)).
En réponse à la diminution de la demande, la production diminue donc de 6.000 unités. On
voit donc bien que le comportement pro-cyclique des stocks amplifie l’impact des variations
exogènes de la demande sur le cycle économique.
Exemple 2. Supposons maintenant que le constructeur automobile n’ajuste pas
immédiatement le niveau de sa production à la baisse de ses ventes, soit parce que ses plans
de production ont été déterminés avant qu’il n’observe la baisse de ses ventes (en langage
économique, on dira que le choc de demande est non anticipé) et qu’il lui faut un certain
temps pour les modifier, soit parce que l’information concernant la baisse des ventes lui a été
transmise avec retard par les concessionnaires. Concrètement, supposons que le constructeur
automobile ajuste sa production un mois après la survenance du choc de demande. On a alors
la situation suivante :
Mois 1
Y = 20.000
S* = 20.000 (S* = ventes prévues)
S = 18.000
∆I = +2.000 (=Y-S)
I = 42.000 (= stocks en début de mois + variations des stocks durant le mois)
I* = 36.000
Mois 2
S = S* = 18.000
Y = 12.000 ( = S (= 18.000) + ∆I (= 36.000 - 44.000))
∆I = -6.000
I = I* = 36.000
On voit que dans ce cas-ci, on a au cours d’un mois donné un ajustement de la production qui
est plus important ( ∆Y = -8.000) que dans le cas précédent ( ∆Y = -6.000). Ceci est dû au fait
que l’entreprise ayant adapté avec retard sa production, elle a accumulé des stocks de façon
involontaire, ce qui l’oblige à réduire sa production de façon importante pour ramener les
stocks au niveau souhaité. Dans ce cas-ci, l’importance de l’influence des stocks sur le cycle

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économique découle d’un ajustement des stocks dont la nature est à la fois volontaire et
involontaire.

Les deux approches qui viennent d’être successivement présentées ne sont pas nécessairement
exclusives. On peut les rendre complémentaires, en faisant la distinction entre les variations
anticipées et les variations non anticipées de la demande. Ainsi, comme le suggère la première
approche, une hausse inattendue de la demande peut, dans un premier temps, être satisfaite
par une diminution des stocks si la firme a des coûts marginaux de production croissants ou si
elle estime que la hausse de la demande est seulement temporaire. Dans un second temps, si la
hausse de la demande se confirme et que, de ce fait, la firme revoit à la hausse ses prévisions
de ventes, la firme peut décider de reconstituer ses stocks afin de pouvoir servir la demande
prévue. Meltzer (1941) développe un modèle macroéconomique simple qui tient compte de
ces deux types de comportement en matière de stockage : les entreprises utilisent les stocks
pour amortir les chocs de la demande sur la production, mais elles souhaitent également
maintenir un rapport constant entre le niveau des stocks et celui des ventes. Dans ce contexte,
il montre qu’une variation endogène de la demande donne lieu à des fluctuations cycliques
(oscillatoires) de la production (ou du PIB).
Dans le modèle de Meltzer (1941), la stratégie de production et de vente d’une entreprise est
décrite de la façon suivante21 :
Une augmentation (inattendue) de la demande est servie par une augmentation (non
planifiée) de la production et une réduction (non planifiée) des stocks; inversement, une
diminution non prévue de la demande donne lieu à une contraction de la production et une
hausse des stocks;
Les entreprises désirent maintenir un ratio fixe entre le niveau des stocks et le niveau de
production. Pour cette raison, suite à une contraction de la demande, les firmes seront
amenées à réduire le niveau de la production afin de compenser l’accumulation
involontaire des stocks au début de la récession.
Les principaux éléments qui composent le modèle de Meltzer sont les suivants :
(a) On suppose que l’économie produit un seul bien. La production de ce bien a trois
affectations : la vente aux consommateurs, l’investissement productif, et la constitution de
stocks :
Q = Qu + Qs + I0 (1)
où Q = production totale, Qu = production vendue aux consommateurs, Qs = production
stockée et I0 = investissement (supposé exogène).
(b) La production destinée à la consommation est établie en fonction des ventes attendues
pour la période courante :
Qu = Ve
Les ventes attendues sont fixées égales aux ventes de la période précédente qui, elles-même,
sont égales à la consommation :
Ve = V-1
V-1 = C-1
On suppose par ailleurs que la consommation est proportionnelle au revenu :
C-1 = βQ-1 ; 0<β<1

21 La présentation du modèle de Meltzer est tirée de Sachs et Larrain (1993), Macroeconomics in the Global
Economy.

- 62 -
On en déduit :
Qu = βQ-1 (2)
(c) Les firmes désirent conserver une certaine quantité de biens en stocks. En particulier, on
suppose que le niveau de production destiné à être stocké durant la période courante est fixé
de manière à compenser la variation inattendue des stocks enregistrée au cours de la période
précédente. En définissant la variation inattendue des stocks comme l’écart entre le niveau
effectif des ventes et le niveau attendu des ventes, on a :
Qs = V-1 – Ve-1
Sur base des définitions précédentes, on a :
V-1 = C-1 = βQ-1
Ve-1 = V-2 = C-2 = βQ-2,
dont on déduit :
Qs = βQ-1 –βQ-2 (3)
En insérant (3) et (2) dans (1), on obtient la relation suivante :
Q = 2βQ-1 – βQ-2 + I0
ou,
Q - 2βQ-1 + βQ-2 = I0
A partir de cette dernière équation, on peut tirer les résultats suivants :
1. Le niveau de production lorsque l’économie est à l’équilibre stationnaire est égale à (en
posant Q=Q-1=Q-2=Q*) :
Q* = I0/(1-β)

2. Les fluctuations de Q autour de Q* seront de type oscillatoires si :


4β (β-1) <0,
ce qui est vérifié étant donné que 0<β<1.
Une illustration de la dynamique de Q est donnée sur le graphique 5.2 pour β=0,8. A
l’équilibre initial, Q = 1000, Qu = 800, Qs = 0, I0 = 200. Le choc simulé est une hausse
exogène de l’investissement de 100.

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Graphique 5.2. Cycle des stocks et cycle économique

Inventory cycle (b=0,8)


1800 60

1700
40
1600
20
1500
0
1400

1300 -20

1200
-40
1100
-60
1000
-80
900

800 -100
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19

Output Inventory investment (échelle de droite)

Une autre analyse du comportement de stockage est donnée par le modèle de stockage (S,s).
Ce modèle a été établi en partant des constats suivants :
L’approche qui considère que les stocks servent à amortir l’impact des chocs de demande
sur la production est une approche qui a été développée initialement pour le secteur
industriel manufacturier et ensuite utilisée pour décrire le comportement global des stocks,
et qui suppose que le coût marginal de production est croissant;
L’essentiel des stocks sont détenus dans les secteurs du commerce et de la distribution.
Hors, pour ces secteurs d’activité, il est difficile de retenir l’hypothèse d’un coût marginal
croissant; l’hypothèse d’un coût marginal constant apparaît plus réaliste. Dans ces
secteurs, le coût total de production est en effet constitué d’un coût fixe élevé (coût de
transport, loyer, coût de gestion comptable, …) et d’un coût d’achat des biens qu’il est
raisonnable de considérer constant. La fonction de coût dans ces secteurs pourrait ainsi
être modélisée de la manière suivante :
C(Y) = A + cY si Y>0
= 0 si Y =0
(Y = ventes, c = coût marginal de la commande)
Dans la mesure où les coûts de transports sont élevés et le «coût à la pièce» est constant,
les détaillants ont intérêt à grouper au maximum leurs commandes, de la même manière
qu’une firme déciderait de produire en grande quantité si son coût marginal de production
était décroissant.
La prise en compte d’une structure de coût composée d’un coût fixe élevé et d’un coût
marginal constant a amené au développement du modèle (S,s) où S désigne le niveau
maximum de stocks qu’une firme désire détenir et s le niveau minimum de stocks.
Dans le contexte qui vient d’être défini, le comportement de stockage de la firme est décrit par
le graphique suivant :

- 64 -
Graphique 5.3. Le modèle (S,s) de stockage
Niveau des stocks
N1 N3
S

N0

Y1 N2 Y3

q0 q2

t
t1 t2 t3

Commentaires :
N0 = niveau de départ des stocks
X0 = ventes à la période t0
Si, à la période t1, les stocks tombent en-deçà de leur niveau minimum (s), le commerçant
place une commande égale à S-q0 auprès de ses fournisseurs de manière à pouvoir servir
suffisamment la demande à la période t1 et à exploiter les avantages d’une grosse commande
(en répartissant le coût fixe de la commande sur un gros volume).
Exemple :
S=10 ; s=2 ; x=5
Si N0=7, la demande fait chuter les stocks à leur niveau minimal, ce qui conduit le
commerçant à passer une commande égale à S-(N0-x)=8.
Si N0=8, le niveau des stocks tombe à N0-x=3 (>s), et aucune commande n’est passée.
Dans le cadre du modèle (S,s), le comportement de stockage peut être formalisé de la façon
suivante :
y=S–q si N-x ≤ s ; q=N-x
y=0 si N-x >s
où N = stock de départ, x = ventes et y = commande (investissement en stockage).
Le modèle (S,s) a les implications empiriques suivantes :
si N-x >s, alors ρ(∆N,x) <0
si N-x ≤ s, alors ρ(∆N,x) >0
où ρ(∆N,x) est le coefficient de corrélation entre les variations des stocks et les ventes.
Dans la mesure où, à chaque instant, il est réaliste de considérer qu’il existe à la fois des
firmes dont les stocks tombent à leur niveau minimum et d’autres dont les stocks restent
compris dans l’intervalle défini par la firme, on devrait observer au niveau agrégé
(macroéconomique) que :
ρ(∆N,x) ≅ 0

- 65 -
Dans ce cas, on a : var (Y) > var (x)22.
Le modèle (S,s) offre donc une explication théorique au fait d’observer, au niveau
macroéconomique, que la volatilité de la production est plus grande que celle des ventes.

5.3. Le rôle de l’investissement dans la dynamique du cycle économique

Dans cette section, nous allons mettre en évidence différents mécanismes par lesquels
l’investissement joue un rôle capital dans la dynamique du cycle économique.
Avant d’aborder ces mécanismes, on rappellera que l’investissement correspond aux flux de
dépenses réalisées par une entreprise dans le but d’accroître son stock de capital (bâtiments,
machines et autres équipements) et de remplacer la partie du stock de capital qui est devenue
obsolète. Formellement, on a :
It = λ (K*t – Kt-1) + δ Kt-1
où It = dépenses investies durant la période t, K*t = stock de capital désiré pour la fin de la
période t, Kt-1 = stock de capital disponible au début de la période t, λ = vitesse à laquelle le
stock de capital s’ajuste au niveau désiré et δ = taux de dépréciation du capital.
La théorie économique nous donne plusieurs indications sur ce qui détermine le niveau de
capital désiré ( K*) par une entreprise. Elle dégage comme principaux déterminants23 :
• La demande attendue par l’entreprise pour le futur (cf. infra);
• Le coût d’usage du capital. Le coût d’usage du capital (rc) est défini, en faisant abstraction
des taxes, comme la somme du taux d’intérêt réel (r) et du taux de dépréciation du
capital 24: rc = r + δ
• Les profits, dans la mesure où ils représentent la capacité qu’a l’entreprise de financer son
investissement avec ses ressources propres.
Un déterminant important de l’investissement qui n’est pas mis en évidence par l’expression
ci-dessus est le taux d’utilisation des capacités de production. Ainsi, une entreprise qui
enregistre ou anticipe une hausse de ses ventes peut ne pas investir (ou attendre d’investir) si
elle est dans une situation où ses capacités de production sont faiblement utilisées. Ce sera par
exemple le cas si elle sort d’une période de faible demande et que durant cette période elle n’a
pas réduit ses capacités de production. En cas de hausse (attendue) de la demande,
l’investissement peut également être retardé si l’entreprise dispose d’importants stocks de
produits finis.
La valeur boursière de l’entreprise peut également influencer la décision d’investir. Pour plus
de détails sur cet aspect, voir section 5.4 et Chapitre 8.

5.3.1. L’accélérateur de l’investissement

«La dynamique de l’investissement est souvent considérée comme le cœur du cycle


économique. Dans la vision traditionnelle, l’investissement accélère en phase de reprise,
lorsque les capacités de production sont jugées insuffisantes au regard des évolutions prévues
de la demande. Il se replie à l’amorce d’un ralentissement ou d’une récession, quand les

22 Etant donné que Y = x + ∆N, on a : var(Y)=var(x)+var(∆N)+2cov(x, ∆N).


23 Voir par exemple O. Blanchard et D. Cohen, Macroéconomie, pp.281-288.
24 Le taux de dépréciation du capital intervient dans le calcul du coût d’usage du capital car il représente des
dépenses que l’entreprise doit supporter pour maintenir ses équipements productifs en dépit de leur
détérioration.

- 66 -
besoins en capital apparaissent saturés. L’investissement est donc tout à la fois le reflet et
l’un des principaux moteurs du cycle économique : il dépend des fluctuations de la demande
tout en contribuant significativement à celles-ci.» (N. Carnot et B. Tissot, La prévisions
économique, Economica, 2002, p.164.)
Le lien entre l’investissement et la demande anticipée est au cœur du mécanisme appelé
«accélérateur de l’investissement». L’intérêt de ce mécanisme du point de vue de l’analyse
cyclique est de mettre en évidence que l’investissement peut connaître de fortes variations
dans le temps et ainsi entraîner des fluctuations importantes du cycle économique. De
surcroît, Samuelson (1939) a montré que, sous certaines conditions, l’accélérateur était
capable d’engendrer des fluctuations de type oscillatoire.
Le modèle de l’accélérateur établit un lien entre le niveau de l’investissement et la variation
attendue de la production. La formulation traditionnelle du mécanisme de l’accélérateur
repose sur les deux éléments suivants :
• D’une part, il est supposé qu’il existe une relation stable entre le stock de capital dont une
firme souhaite disposer (K*) et le niveau de la production (Y). En particulier, il est
supposé que le stock de capital désiré pour une période donnée est proportionnel au niveau
de la demande (ou production) anticipée pour cette période :
(1) K*t = αY*t
• D’autre part, il est supposé que les firmes peuvent ajuster rapidement leurs dépenses
d’investissement (I), de sorte que le stock de capital existant est amené à son niveau désiré
durant la période considérée; en supposant qu’il n’y a pas de dépréciation du capital, on a
donc :
(2) It = K*t+1 – Kt
En substituant (1) dans (2), on obtient :
It = α[Y*t+1-Yt]
Cette relation implique que le niveau de l’investissement est proportionnel aux variations
attendues de la demande. Il en résulte que l’investissement sera positif durant les périodes
d’expansion, durant lesquelles le PIB a tendance à augmenter, et négatif durant les périodes
de récession, durant lesquelles le PIB a tendance à diminuer. Il en résulte également que
l’investissement augmentera lorsque la croissance s’accélère, ce qui aura pour effet de
renforcer l’expansion économique, et à diminuer lorsque la croissance décélère, ce qui aura
pour effet d’amplifier la récession économique. Le mécanisme de l’accélérateur prédit donc
de fortes fluctuations de l’investissement. Il constitue donc une explication potentielle du rôle
important joué par l’investissement dans la dynamique du cycle économique.
Comme l’a montré Samuelson (1939), l’accélérateur est un mécanisme qui peut être à
l’origine des fluctuations cycliques (oscillatoires) de l’activité économique. Ce résultat a été
démontré à l’aide d’un modèle macroéconomique simple dont les propriétés sont les
suivantes :
La demande agrégée, qui est égale au revenu national, est définie comme la somme de
trois composantes : la consommation privée (C), l’investissement (I) et les dépenses
publiques (G) :
Yt = Ct + It + Gt
Les dépenses des ménages sont supposées être proportionnelles au revenu, mais elles
s’ajstent au revenu avec un retard d’une période :
Ct = γ Yt-1 ; 0<γ<1

- 67 -
L’investissement est proportionnel aux variations de la demande agrégée, mais
l’ajustement se fait avec un retard d’une période :
It = α(Yt-1 – Yt-2)
Les dépenses publiques sont exogènes :
Gt = G*
Après plusieurs substitutions élémentaires, on obtient que le PIB est déterminé par l’équation
suivante :
Yt = (γ+α) Yt-1 - αYt-2 + G*
ou :
Yt+2 - (γ+α) Yt+1 + αYt = G*
On observe donc que l’évolution du PIB est déterminée par une équation autorégressive du
second ordre. On en déduit les résultats suivants :
L’équilibre stationnaire (obtenu en posant Yt+2=Yt+1=Yt) a pour valeur :
Y* = (1/1-γ)G*
On peut montrer que si (γ+α)2 -4α <0, alors la dynamique de Y sera décrite par des
mouvements oscillatoires. Par ailleurs, si α<1, les fluctuations oscillatoires sont amorties
de sorte que, au fil du temps, Y converge vers son niveau d’équilibre stationnaire.

Ces résultats sont illustrés sur le graphique 5.4, en posant α = 0,95 et γ = 0 (par simplicité).
On suppose qu’au départ (période t=0), Y= I = C = G = 0. Un choc exogène permanent
intervient à la période 1, et G prend la valeur 100. Par un calcul simple, on montre que Y et I
évoluent dans le temps selon une dynamique de type oscillatoire.

- 68 -
Graphique 5.4. Accélération de l’investissement et fluctuations cycliques

Y(t) = I(t) + E(t) I(t) = ax(Y(t-1)-Y(t-2))

200

150

100
Y(t), I(t)

50

-50

-100
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50
Périodes

Intuitivement, on peut expliquer la dynamique oscillatoire que l’on obtient de la façon


suivante. L’augmentation exogène de la demande donne lieu, avec un certain retard, à une
augmentation de l’investissement, qui vient renforcer l’augmentation initiale de la demande.
L’investissement effectué va progressivement amener les capacités de production à leur
niveau désiré, suite à quoi la hausse de l’investissement commence à ralentir. Lorsque la
capacité de production atteint son niveau désiré, l’investissement s’arrête. On a alors une
chute de la production (le cycle se retourne), et l’investissement devient négatif. La réduction
des capacités se poursuit jusqu’à ce que les capacités de production deviennent insuffisantes
par rapport à la demande, l’investissement alors redémarre et la production entame une
nouvelle phase d’expansion.

5.3.2. Le phénomène de surinvestissement

Il peut arriver que, durant une phase d’expansion du cycle économique, les entreprises
investissent à des rythmes qui soient beaucoup trop élevés par rapport à l’évolution observée
et attendue de la demande. On est alors en présence d’un phénomène de surinvestissement. A
terme, le surinvestissement conduit à l’apparition de surcapacités de production. Pour les
entreprises dont une partie importante de la capacité de production installée est inutilisée, leur
situation financière se dégrade. La restauration de leur profitabilité passe inévitablement par
une élimination des capacités excédentaires, ce qui entraîne un arrêt ou une baisse de
l’investissement. Si ce phénomène touche un pourcentage important des firmes, il donne alors
lieu à un retournement à la baisse du cycle économique. C’est à ce phénomène que certains
économistes attribuent, au moins en partie, l’entrée en récession du Japon au début des années
1990 et la récession américaine de 200125.
Une explication possible au phénomène de surinvestissement est la difficulté que peuvent
avoir les entreprises à prévoir de façon précise l’évolution future de la demande pour leurs
produits. Le surinvestissement provient alors d’une surestimation de la demande à venir. Ce
problème risque notamment de surgir dans des secteurs innovants, par manque de repères
historiques suffisants. Ce fut par exemple le cas pour le secteur des télécommunications à la
fin des années 1990.

25 Voir par exemple The Economist, March 2001.

- 69 -
Le surinvestissement peut également s’expliquer par l’abondance d’un financement peu
coûteux. Ainsi, des périodes marquées par une forte appréciation des cours boursiers ou un
niveau bas des taux d’intérêt, comme cela fut le cas durant la seconde partie des années 1990,
seront notamment propices au surinvestissement26. Le surinvestissement peut donc trouver
son origine dans un excès de confiance des agents économiques concernant l’avenir, ce qui
provoque une hausse des cours boursiers nettement plus importante que celle qui découle des
«fondamentaux. Il peut également être la conséquence d’une politique monétaire trop
expansionniste (ou pas suffisamment restrictive). A titre exemple, certains économistes
estiment que le fait que la Réserve fédérale américaine ait maintenu ses taux d’intérêt à un bas
niveau à la fin des années 1990 a alimenté le cycle de surinvestissement durant cette période.
Une autre explication au phénomène de surinvestissement est l’existence d’un écart positif
important entre le taux d’intérêt réel d’équilibre et le taux d’intérêt réel observé, le taux réel
d’équilibre étant le taux qui assure l’égalité entre l’offre de fonds prêtables (l’épargne) et la
demande de fonds prêtables (l’investissement). Si le taux d’équilibre excède le taux effectif,
cela encourage l’investissement au détriment de l’épargne. Cette situation persiste jusqu’à ce
qu’intervienne une remontée des taux d’intérêt qui aura pour effet de freiner l’investissement
et la consommation des ménages. Selon certains, cette situation a prévalu durant la seconde
partie des années 1990. Ceux-ci argumentent que, durant cette période, la perspective de gains
de productivité importants grâce aux nouvelles technologies de l’information a incité les
firmes américaines à développer fortement leurs investissements et que cette augmentation de
la demande de capital a entraîné une hausse du taux d’intérêt réel d’équilibre. En l’absence de
resserrement monétaire, le taux réel effectif ne s’est en revanche pas relevé, créant un écart
par rapport au taux d’équilibre qui a renforcé le développement de l’investissement.

5.3.3. L’accélérateur financier

La théorie de «l’accélérateur financier» suggère que l’impact des variations de


l’investissement sur le cycle économique, initiées par exemple par les effets d’accélération
discutés dans la section 5.3.1, peut être amplifié par des facteurs d’ordre financier lorsqu’il
existe une asymétrie d’information sur le marché du crédit entre les prêteurs (les banques, par
exemple) et les emprunteurs (les entreprises, notamment).
L’asymétrie d’information sur laquelle repose l’accélérateur financier porte sur deux aspects.
D’une part, le prêteur est moins bien informé que l’emprunteur sur la situation réelle de ce
dernier et sur la qualité (rentabilité, faible risque, …) des projets pour lesquels l’investisseur
souhaite obtenir un financement. D’autre part, le prêteur ne peut avoir un contrôle total sur
l’action de l’emprunteur, une fois le financement emprunté; le risque pour le prêteur est que
l’emprunteur adopte un comportement imprudent, en se laçant par exemple dans des projets
plus risqués que prévu, qui altère sa capacité de remboursement ultérieure.
Pour couvrir le risque lié à l’incertitude sur la capacité de remboursement de l’emprunteur, le
prêteur va exiger une prime de risque. Le montant de la prime de risque dépendra de plusieurs
éléments. Il sera en partie déterminé par certaines caractéristiques observables de
l’investisseur, grâce auxquelles le prêteur pourra avoir une indication sur le risque de
défaillance : taille de l’entreprise, taux d’endettement, type de marché, sensibilité de l’activité
au cycle conjoncturel, … Le montant de la prime de risque dépendra également de la richesse
nette de l’entreprise, qui est égale à la différence entre la valeur totale des actifs (fixes,
immobiliers, financiers) de l’emprunteur et la valeur totale de ses dettes. Cette richesse nette
représente la capacité de l’investisseur à apporter des garanties.
La prime de risque, et donc le coût du crédit bancaire, est sensible aux fluctuations de
l’environnement économique. D’une part, les fluctuations conjoncturelles peuvent affecter,
positivement ou négativement, la rentabilité des projets pour lesquels l’emprunteur a obtenu
un financement. Ce sera notamment le cas si l’activité de l’investisseur est fortement sensible
aux variations du cycle économique. D’autre part, la richesse nette de l’investisseur peut être

26 Pour une explication du ien entre investissement et cours boursiers, voir Chapitre 8.

- 70 -
modifiée par les fluctuations de l’environnement environnement. Par exemple, la richesse
nette d’un investisseur qui dispose d’un patrimoine immobilier sera réduite en cas de chute
des prix sur le marché immobilier. A l’inverse, dans la mesure où le prix des actifs financiers
est une fonction inverse du niveau des taux d’intérêt, la richesse nette des investisseurs aura
tendance à augmenter en cas d’assouplissement de la politique monétaire.
La niveau de l’investissement étant en partie déterminé par le coût du crédit bancaire, la
sensibilité de la prime de risque au cycle économique aura comme conséquence d’amplifier
les mouvements du cycle. C’est «l’accélérateur financier». Prenons le cas d’un ralentissement
conjoncturel. En raison de la dégradation de la situation économique et financière des
entreprises, et donc d’un risque accru de défaillance, les banques exigeront une prime de
risque plus élevée. Si le ralentissement conjoncturel s’accompagne d’une diminution des
valeurs boursières, comme cela est souvent observé, la prime de risque sera également relevée
pour tenir compte de la diminution de la richesse nette des entreprises. Etant confrontées à un
coût du crédit bancaire plus élevé, les entreprises seront contraintes de réduire ou de
supprimer leurs projets d’investissements, ce qui amplifiera le retournement conjoncturel à la
baisse. L’impact sera aggravé par le fait que, leur situation financière étant affectée
négativement par le ralentissement conjoncturel, les entreprises ont moins de ressources
internes pour financer l’investissement, ce qui augmente leur demande de crédit bancaire.
L’accélérateur financier agit essentiellement par l’intermédiaire des petites et des moyennes
entreprises. Ces entreprises se financement en effet exclusivement par crédit bancaire. De
plus, par manque d’information, il est bien souvent plus difficile pour les banques d’évaluer la
situation financière d’une petite entreprise que celle d’une grande entreprise.

5.4. La théorie du cycle économique réel

Depuis les années 1980, l'explication dominante de l'instabilité macroéconomique s'est


concentrée sur les chocs d'offre. Plusieurs éléments ont en effet rendu les macroéconomistes
davantage sensibles aux rôles des facteurs d'offre dans l'explication des fluctuations
économiques. Il s'agit notamment :
• des chocs d'offre associés aux deux fortes augmentations du prix du pétrole au cours
des années 1970;
• du retentissement de certaines études empiriques qui ont suggéré que les chocs réels
pouvaient être beaucoup plus importants que les chocs monétaires dans l'évolution de
la production au cours du temps.

5.4.1. Introduction générale à la théorie du cycle économique réel

La théorie des cycles économiques réels a renouvelé de façon majeure l'analyse des cycles
économiques. Ses principaux points de rupture par rapport aux approches antérieures
(keynésienne et monétariste) se situent essentiellement à deux niveaux :
a) Il s'agit de modèles d'équilibre général qui supposent que les agents économiques ont un
comportement optimisant, à savoir qu’ils maximisent une fonction objectif (profit, utilité)
en tenant compte de leurs contraintes de ressources. Dès lors, selon la théorie du cycle
économique réel, les fluctuations économiques apparaissent comme des réponses
optimales et rationnelles des agents économiques aux chocs économiques qui perturbent
leur environnement.
b) Cette approche met l'accent sur les chocs d'offre, et plus particulièrement sur les chocs de
productivité.
Types de chocs d'offre :
√ évolutions défavorables de l'environnement physique (ex. catastrophe naturelle,
sécheresse, inondation, …);

- 71 -
√ modifications importantes du prix de l'énergie et des matières premières (ex. chocs
pétroliers de 1973 et 1979);
√ les guerres, l'agitation politique, les grèves ou autres actions/événements qui
désorganisent les performances et la structure existante d'une économie (ex. grève des
transporteurs routiers);
√ les chocs de productivité engendrés par des modifications de la qualité des facteurs
(travail, capital) ainsi que l'introduction de nouvelles techniques de production (ex.
révolution informatique, technologies de l'internet, …).
Ce dernier facteur correspond à ce que l'on appelle habituellement le "progrès technique"
et constitue le facteur essentiel auquel les théories du cycle économique réel attribuent
l'instabilité macroéconomique et les fluctuations de l'activité économique. Les théories du
cycle économique réel reposent en effet sur le postulat que le taux de croissance du
progrès technique connaît des fluctuations amples et aléatoires qui se propagent. Ces
chocs sur l'offre affectent directement la fonction de production et génèrent ainsi des
fluctuations de la production et de l'emploi, celles-ci étant la réponse optimale d'individus
rationnels. Un élément crucial de la théorie des cycles économiques réels est que l'ampleur
des fluctuations de la production et de l'emploi est conditionnée par l'élasticité de l'offre de
travail au salaire réel.

5.4.2. Chocs de productivité et cycles économiques

Modèle IS-LM avec prix flexibles

Y = C(Y − T ) + I(r ) + G

M
= L(r, Y )
P

(
Y = Y = F K, L )
Les symboles utilisés désignent les variables suivantes : Y = niveau de la production, C =
consommation privée, I = investissement privé, G = dépenses publiques, T = taxes sur le
revenu, r = taux d’intérêt réel, M = masse monétaire, P = niveau général des prix, Y = PIB de
plein emploi, K = stock de capital et L = nombre d’heures travaillées.
Dans le cas où les prix sont parfaitement flexibles, les prix s'ajustent à tout moment de sorte
que le niveau de la production soit en permanence à son niveau naturel.
Ce modèle détermine trois variables endogènes : Y, r, et P.

r
LM

IS

Y
Y

- 72 -
r
REAL AGGREGATE
SUPPLY

REAL
AGGREGATE
DEMAND

La quantité disponible des facteurs de production et la technologie déterminent l'offre de


biens et services, et le taux d'intérêt réel s'ajuste de manière à ce que la demande agrégée
égale l'offre.

Substitution intertemporelle et offre de travail

Au lieu de supposer que l'offre de travail est fixe, comme c'est le cas dans le modèle ci-
dessus, la théorie du cycle économique réel suppose que la quantité de travail offerte est
déterminée par les incitants qu'ont les individus à travailler : les individus souhaiteront
travailler davantage lorsque leur rémunération est bonne, et travailleront par contre moins
lorsqu'ils sont mal rémunérés. Le concept de «substitution intertemporelle du travail» désigne
la façon dont les individus réallouent le temps de travail au fil du temps.
Afin d’illustrer ce concept, prenons l’exemple suivant :
Soit un individu qui doit décider de la manière dont il va répartir son offre de travail entre
deux périodes27. Le salaire qui lui est proposé à chaque période est : W1 à la période 1, W2 à
la période 2.
En fin de période 2, le revenu de l’individu sera :
W1(1+r) s'il travaille à la période 1
W2 s'il travaille à la période 2
⇒ Le choix de travailler en période 1 ou en période 2 dépend du «salaire relatif
intertemporel» :

(1+ r)W 1
W2

Plus le salaire en période 1 est élevé par rapport au salaire en période 2, et plus le taux
d'intérêt réel est élevé, plus la quantité de travail offerte en période 1 sera élevée.

27 Il peut par exemple s’agir d’un étudiant qui a le choix de travailler soit en juillet soit en août.

- 73 -
La théorie du cycle économique réel incorpore la substitution intertemporelle du travail, ce
qui implique que le taux d'intérêt influence l'offre de travail et la quantité de biens produite :
plus le taux d'intérêt est élevé, plus l'offre de travail sera abondante, et plus le niveau de
production sera élevé; il existe donc une relation positive entre le niveau de la production et le
niveau du taux d'intérêt.

r
REAL
AGGREGATE
SUPPLY

REAL AGGREGATE
DEMAND
(≡ IS-CURVE)

Chocs technologiques

Soit un choix positif de productivité (c'est-à-dire un choc qui entraîne une amélioration de la
technologie existante). Un tel choc a deux effets :
• un déplacement de la courbe d'offre agrégée vers la droite, étant donné que davantage de
biens peuvent être produits avec la même quantité de facteurs de production;
• un déplacement de la courbe de demande agrégée vers la droite, étant donné que la
richesse des individus augmente, d'où une augmentation des dépenses de consommation
(N.B. La richesse des individus à la période 1 est égale à la valeur actualisée de leur revenu
courant et futur, soit :

Y2
Wealth = Y1 + )
1+ r

Cas 1. Le choc de productivité est temporaire


Dans ce cas, la richesse et la consommation des individus augmentent peu : le déplacement de
la courbe de demande est moins prononcé que celui de la courbe d'offre
Graphique 5.5. Choc de productivité temporaire
r
Ys
Ys′

A Y ′d
A'
Yd

Y
- 74 -
Principaux résultats :
• Y augmente
• r diminue
• C augmente (mais faiblement)
• I augmente (en fonction de l'élasticité de l'investissement au taux d'intérêt)
• L diminue (en raison de l'impact de la baisse de r sur la substitution intertemporelle du
travail).

Commentaires :
• La consommation et l'investissement ont un comportement procyclique, tandis que
l'emploi et le taux d'intérêt évoluent de façon contracyclique.
• Le comportement cyclique de l'emploi (= nombre d'heures travaillées) est contraire à ce
que l'on observe empiriquement, à savoir que l'emploi tend à augmenter en période
d'expansion et à diminuer en période de récession. Ce résultat s'explique par le fait que
l'on a négligé l'impact favorable du choc technologique sur la productivité du travail.
• Si la consommation dépend du niveau du taux d'intérêt, la baisse du taux d'intérêt amplifie
la hausse initiale de la consommation. Dans la mesure cependant où l'élasticité de la
demande d'investissement au taux d'intérêt est élevée, le taux d'intérêt diminue peu et
l'augmentation de la consommation reste faible, de sorte que l'essentiel de la variation de
la production s'explique par la variation de l'investissement. Ceci met en évidence que les
fluctuations de l'investissement isolent la consommation des perturbations
économiques.
• Le comportement du taux d'intérêt n'est pas conforme aux observations empiriques.

Cas 2. Le choc de productivité est permanent


Dans ce cas, l'effet sur la richesse des individus est plus fort, et la consommation augmente
plus fortement : le déplacement de la courbe de demande agrégée est plus prononcé que celui
de la courbe d'offre.

Graphique 5.6. Choc de productivité permanent


r
Ys
Ys′

A'
Y ′d
A

Yd

Principaux résultats :
• Y augmente (plus fortement que dans le cas où le choc technologique est temporaire)

- 75 -
• C augmente (plus fortement que dans le cas où le choc technologique est temporaire)
• r augmente
• I diminue (étant donné la hausse du coût du capital)
• L augmente (en raison des effets de substitution intertemporelle du travail induits par la
hausse du taux d'intérêt).

Commentaires :
• Le comportement de la consommation, du taux d'intérêt et de l'emploi est procyclique, et il
est conforme aux observations empiriques.
• Le comportement de l'investissement apparaît en revanche contracyclique, ce qui n'est pas
conforme à l'évidence empirique. Si on considère, par contre, que le choc technologique
s'accompagne d'une augmentation de la productivité marginale du capital, la demande
d'investissement augmente de façon exogène, et l'investissement retrouve un
comportement procyclique.
• Etant donné que l'investissement diminue, les fluctuations de la production sont
entièrement dues aux variations de la consommation. La consommation affiche ainsi un
comportement procyclique très prononcé, ce qui est également contraire à l'évidence
empirique.

5.5. Les enchaînements cycliques selon Adda et Sigogne (1994)


L’analyse de Adda et Sigogne (1994) vise à montrer que «les cycles économiques sont avant
tout le produit de l’instabilité naturelle des économies de marché et qu’ils résultent
fondamentalement des processus endogènes et non des chocs exogènes qui se propagent dans
le système économique. N’étant pas à l’origine des fluctuations cycliques, les chocs exogènes
auraient plutôt tendance à altérer leur régularité» (p. 55). Partant de cette conception des
fluctuations cycliques, l’analyse de Adda et Sigogne va s’attacher à mettre en évidence les
éléments essentiels qui sont à l’origine des retournements cycliques. Nous les présenterons ici
brièvement (voir l’article pour plus de détails), pour le cas d’un retournement cyclique à la
baisse (passage d’une phase d’expansion à une phase de récession).
Le mécanisme endogène de retournement conjoncturel présenté par Adda et Sigogne
comporte 4 éléments :
1. La saturation des capacités d’offre
A un moment de la phase d’expansion, les entreprises vont rencontrer un problème de pénurie
d’un ou de plusieurs facteurs de production (équipement, matières premières, travail). A court
terme, les différents facteurs de production sont peu substituables et leur offre est faiblement
élastique, ce qui conduit inévitablement à un blocage physique de la croissance. Pour
remédier à ce problème de capacité, les entreprises vont décider d’investir, mais en agissant
toutes ainsi, elles ne vont qu’accentuer le problème de saturation de l’offre : compte tenu du
délai nécessaire pour que l’investissement vienne effectivement renforcer les capacités de
production, l’augmentation de l’investissement ne va en fait qu’exacerber les tensions
présentes au niveau de la demande.
2. Les tensions sur le partage de la valeur ajoutée
Du fait de leur pénurie, les facteurs de production vont voir leurs prix augmenter
(augmentation du coût des matières premières, hausse du coût salarial, …). Simultanément,
l’efficacité marginale des différents facteurs de production va avoir tendance à diminuer.
Alors qu’au début de la phase expansion, les entreprises utilisent les travailleurs les plus
qualifiés et les équipements les plus performants, au fur et à mesure que l’expansion se
prolonge, les entreprises vont, pour pouvoir continuer à produire, faire appel à des travailleurs
avec une moins bonne qualification et utiliser des équipements moins performants.

- 76 -
Compte tenu de la hausse des salaires et de la baisse de la productivité marginale du travail,
ces deux effets étant la conséquence des tensions apparues sur le marché du travail, il s’ensuit
une augmentation des coûts salariaux par unité produite et, corollairement, une diminution du
taux de profit des entreprises.
Sous l’hypothèse que le taux de profit constitue un déterminant important de l’investissement,
le redressement des coûts unitaires de main-d’œuvre entraîne une contraction de
l’investissement, et avec elle, de la production et de l’emploi. Ce processus va se prolonger
jusqu’à ce que le partage de la valeur ajoutée se réinfléchisse en faveur des profits.
3. Le relèvement du taux d’épargne
On assiste au milieu de la phase d’expansion à une hausse du taux d’épargne des ménages
(pour les raisons de cette hausse, voir l’article), qui a pour effet de ralentir la progression des
dépenses de consommation. Cette inflexion dans le taux de croissance de la consommation
n’est pas perçue immédiatement par les entreprises, qui continuent à poursuivre leurs efforts
d’investissement sur la base du taux de croissance passé de la demande. Compte tenu de ce
processus, les entreprises vont à un moment donné se retrouver avec des capacités de
production excédentaires, qui va également encourager la baisse de l’investissement.
4. Les tensions financières et le durcissement de la politique monétaire
Le dernier élément qui contribue au retournement conjoncturel est un renchérissement du
crédit. Celui-ci a deux origines. D’une part, il est la conséquence d’une augmentation des
besoins de financement externe des entreprises, dont les profits ne sont plus suffisants pour
leur permettre de financer en interne l’extension de leurs capacités de production. La demande
de crédit des ménages est également en hausse, la période d’expansion étant propice à une
reprise des achats de biens durables et des investissements immobiliers. D’autre part, la
saturation des capacités d’offre implique un risque inflationniste accru, ce qui pousse les
autorités monétaires à relever leurs taux directeurs.
La remontée des taux d’intérêt a pour conséquence une éviction de la demande de crédit des
ménages et une chute de l’investissement immobilier, d’une part, et une réduction des plans
d’investissement des entreprises, d’autre part.
L’impact conjoncturel de la remontée des taux d’intérêt est accentué par un niveau
d’endettement qui s’est accru durant la phase de croissance. Le retournement conjoncturel
s’explique donc également par la nécessité d’assainir les bilans.
En résumé, pour Adda et Sigogne, le retournement conjoncturel est avant tout précipité par
une contraction de l’investissement productif, laquelle est due à l’émergence de capacités de
production excédentaires (en raison d’une surestimation de la demande), à une diminution des
capacités de financement interne des entreprises et au renchérissement du crédit.

Références
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)

(*) Adda, Jacques, et Philippe Sigogne, «Eléments pour une approche endogène des
retournements conjoncturels», Chapitre 2, Les cycles économiques (eds. J.-P. Fitoussi et P.
Sigogne), Volume 1, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1994.

Dornbusch, R. (1987), «How Real is U.S. Prosperity».


Meltzer, Lloyd, «The Nature and Stability of Inventory Cycles», Review of Economic
Statistics, February1941, pp.113-129.

- 77 -
Samuelson, Paul, «Interactions Between the Multiplier Analysis and the Principal of
Acceleration», Review of Economic Statistics, May 1939, Vol.21, pp.75-78.

Lectures complémentaires
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
Blanchard, Olivier, «Consumption and the Recession of 1990-1991», American Economic
Review Papers and Proceedings, May 1993, vol. 83, n°2, pp. 270-274.
(*) Hall, Robert, «Macro Theory and the Recession of 1990-1991», American Economic
Review Papers and Proceedings, May 1993, Vol. 83, n°2, pp. 275-279.
Hansen, Gary, and Edward Prescott, «Did Technology Shocks Caused the 1990-1991
Recession ?», American Economic Review Papers and Proceedings, May 1993, Vol. 83, n°2,
pp. 280-286.
Krugman, Paul, «The Hangover Theory : Are recessions the inevitable payback for good
times»
(*) The Economist, «America’s Economy. What a peculiar cycle», March 10th 2001.
(*) The Economist, «A global game of dominoes», August 25th 2001.
Romer, Christina, and David Romer, «What Ends Recession», NBER Macroeconomic
Annual, 1994, n°9, pp. 13-57.
Romer, Christina, and David Romer, «Monetary Policy Matters», Journal of Monetary
Economics, August 1994, 33, pp. 75-88.
Walsh, Carl, «What Caused the 1990-91 Recession ?», Federal Reserve Bank of Saint Louis
Economic Review, 1993, Number 2, pp. 33-48.

- 78 -
CHAPITRE 6. LA STABILISATION DU CYCLE ECONOMIQUE

Aux Etats-Unis, on observe que les fluctuations du cycle économique ont sensiblement perdu
de leur amplitude à partir du début des années 1980. C’est aussi le cas dans les autres pays
industrialisés, même si la réduction de la volatilité cyclique ne s’est pas observée au même
moment qu’aux Etats-Unis.
Une réduction de l’amplitude du cycle économique a plusieurs implications importantes. En
supposant que le rythme potentiel de croissance est constant, il en résulte que l’on devrait
connaître moins souvent des périodes de récession, durant lesquelles la croissance est
négative28. Autrement dit, les périodes d’expansion devraient s’allonger, ce que l’expérience
des dernières décennies semble confirmer (cf. chapitre 4). A cet égard, aux Etats-Unis, le
rythme de la croissance n’a plus été négatif à partir de 1984, sauf durant la courte récession de
1990-91 et au troisième trimestre 2001. Si les fluctuations de la croissance sont plus stables,
l’évolution de la croissance devrait pouvoir être prévue plus facilement. Une diminution de la
volatilité cyclique implique également moins d’incertitude, ce qui devrait permettre aux
entreprises de mieux planifier leur production et leurs projets d’investissements. D’un point
de vue financier, moins d’incertitude implique des primes de risques moins élevées, et donc
des taux d’intérêt plus bas.
Compte tenu de ces implications, il est crucial de pouvoir déterminer si la réduction de la
volatilité cyclique que l’on observe depuis environ 20 ans est un phénomène temporaire ou
s’il s’agit plutôt d’une situation qui devrait se prolonger à l’avenir. C’est la raison pour
laquelle de nombreux travaux ont tenté de mettre en évidence les facteurs qui sont à l’origine
de cette réduction de l’amplitude du cycle économique.

6.1. Principaux faits

Aux Etats-Unis, la volatilité du cycle économique a diminué environ de moitié au début des
années 1980 : comparaison entre la période avant 1984q1 et après 1984q1 (cf. tableau 6.1 et
graphiques 6.1)29. Dans les autres principaux pays industrialisés, on constate également une
baisse significative de la volatilité du cycle économique (cf. Stock et Watson, 2003, tableau 1
et graphique 2 ), mais la rupture n’a pas eu lieu nécessairement au même moment qu’aux
Etats-Unis (cf. Summers, 2005, tableau 1).
La diminution de la volatilité cyclique se marque également au niveau d’autres mesures de
l’activité économique : emploi, production de biens durables, investissement, formation des
stocks, consommation, … Par exemple, aux Etats-Unis, entre la période 1960-83 et 1984-
2002, la volatilité du taux de croissance annuelle de l’emploi non agricole a diminué
d’environ 30 %, celui des prix d’environ 50 %, et la volatilité des taux d’intérêt à court terme
s’est réduite d’environ 25 % (cf. Stock et Watson, 2003, tableau 3)

Du point de vue de la demande, la réduction de l’amplitude du cycle économique est due


avant tout à une plus grande stabilité des dépenses de consommation des ménages, d’une part,
et de la formation des stocks, d’autre part. (cf. tableau 6.2; voir également McConnell, Mosser
and Perez Quiros (1999, tableau 3)).

28 Dans le cas de certains pays, notamment les Etats-Unis, il semble par ailleurs que le niveau de la croissance
potentielle s’est relevé de façon importante à partir du milieu des années 1990s.
29 La volatilité du cycle économique est mesurée par la variance (ou l’écart-type) du taux de croissance
(annuel ou trimestriel) du PIB réel. Dans certaines études (par exemple Gordon, 2005), la volatilité du
cycle économique est également mesurée par la variance (ou l’écart-type) de l’écart de production, ceci
pour tenir compte du fait que les variations de la croissance peuvent être en partie due à des variations dans
le rythme potentiel de croissance de l’activité économique. L’écart de production («output gap») est défini
comme le logarithme du ratio entre le niveau effectif du PIB et le niveau potentiel du PIB.

- 79 -
Du point de vue de l’offre, le secteur de production qui a enregistré la plus forte baisse de
volatilité est le secteur comprenant l’industrie et le commerce (cf. Irwine and Schuh, 2002,
tableau 1), en particulier le secteur de production des biens durables. Ainsi, entre les périodes
1953-83 et 1984-2001, la variance du taux de croissance trimestrielle de la production a été
réduite d’environ 50 % dans le secteur de biens durables, mais de seulement 25 % dans le
secteur des biens non durables (cf. Kahn, McConnell, et Perez-Quiros, tableau 4).

Tableau 6.1. Volatilité de la croissance du PIB réel américain et de ses composantes


Ratio of 1984 – 2005
1950 – 1983 1984 – 2005 to 1950 – 1983
(%)
PIB réel 3,0 1,6 51
Consommation de biens durables 9,4 4,9 52
Consommation de biens non- 1,9 1,2 62
durables
Consommation de services 1,2 0,9 74
Investissement fixe en 9,1 6,7 74
équipement
Investissement fixe en bâtiment 7,0 8,4 119
Investissement résidentiel 16,7 7,5 45
Formation des stocks* 1,5 1,3 86
Dépenses publiques (Gouv. Féd.) 11,6 3,8 33
Dépenses publiques (State and 2,9 1,7 57
Local Government)
Exportations 9,7 5,3 55
Importations 8,9 5,6 63
Consommation totale 2,3 1,2 52
Investissement total 13,4 8,6 64
Dépenses publiques totales 6,9 2,0 29
Part moyenne dans le PIB nominal
1950 – 1983 1984 – 2005 Ratio
to
of 1984 – 2005
1950 – 1983
(%) (%) (%)
Consommation de biens durables 8,5 8,5 100
Consommation de biens non 27,3 20,6 76
durables
Consommation de services 26,7 38,1 143
Investissement fixe en 6,5 7,9 121
équipement
Investissement fixe en bâtiment 3,9 3,2 81
Investissement résidentiel 4,9 4,5 91
Formation des stocks 0,8 0,5 59
Dépenses publiques (Gouv. Féd.) 11,4 7,7 68
Dépenses publiques (State and 10,0 11,5 115
Local Government)
Exportations 6,1 9,7 159
Importations - 6,0 - 12,1 202
Note : la volatilité est mesurée par l’ écart-type des taux de croissance annuelle sur chaque période
Rappel statistique utile : si y = x + z, alors var (y) = var(x) + var(z) + 2cov(x, z), où var(.) = variance et cov(.) =
covariance.
Source : Gordon (2005, tableau 1)

- 80 -
Tableau 6.2. Contributions à la volatilité du taux de croissance annuel du PIB américain

Différence Pourcentage de
1950 – 1983 1984 – 2005 1950 – 1983 contribution à
vs. 1984 – 2005 la somme des
composantes
PIB réel 3,14 1,61 - 1,53
Somme des composantes 7,48 4,57 - 2,91 100,0
Consommation de biens durables 0,83 0,42 - 0,41 14,2
Consommation de biens non 0,55 0,25 - 0,30 10,2
durables
Consommation de services 0,35 0,33 - 0,02 0,7
Investissement fixe en 0,59 0,55 - 0,05 1,6
équipement
Investissement fixe en bâtiments 0,30 0,29 0,00 0,0
Investissement résidentiel 0,83 0,32 - 0,51 17,4
Formation des stocks 1,25 0,73 - 0,51 17,6
Dépenses publiques (Gouv. féd.) 1,44 0,31 - 1,13 38,9
Dépenses publiques (State and 0,26 0,19 - 0,08 2,7
local government)
Exportations 0,53 0,52 - 0,01 0,5
Importations 0,55 0,66 0,11 - 3,8
Note : la volatilité du taux de croissance du PIB américain est décomposée en fonction de la volatilité de la contribution des
différentes composantes de la demande à la croissance du PIB
Source : Gordon (2005, tableau 3)

- 81 -
Pourcentage de variation annuelle Pourcentage de variation trimestrielle

-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5

-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
janv-47 janv-47
janv-50 janv-50
janv-53 janv-53
janv-56 janv-56
janv-59 janv-59
janv-62 janv-62
janv-65 janv-65
janv-68 janv-68
janv-71 janv-71
janv-74 janv-74
janv-77 janv-77

Trimestres

Trimestres
janv-80 janv-80
janv-83 janv-83
janv-86 janv-86
janv-89 janv-89
janv-92 janv-92
janv-95 janv-95
janv-98 janv-98
janv-01 janv-01
(b) Pourcentage de variation annuelle du PIB américain

janv-04 janv-04
(a) Pourcentage de variation trimestrielle du PIB américain

Source : Datastream
- 82 -
% %

0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8

janv-47 janv-47
janv-50 janv-50
janv-53 janv-53
janv-56

Calculs : auteur
janv-56
janv-59 janv-59
janv-62 janv-62
janv-65 janv-65
janv-68 janv-68
Graphique 6.1. La volatilité du cycle économique aux Etats-Unis

janv-71 janv-71
janv-74 janv-74
janv-77 janv-77
Trimestres
Trimestres

janv-80 janv-80
janv-83 janv-83
du PIB réel américain

janv-86 janv-86
janv-89 janv-89
trimestrielle du PIB réel américain

janv-92 janv-92
janv-95 janv-95
janv-98 janv-98
janv-01 janv-01
(c) Ecart-type sur 20 trimestres du taux de croissance

janv-04 janv-04
(d) Ecart-type sur 20 trimestres du taux de croissance annuelle
6.2. Facteurs explicatifs de la réduction de la volatilité cyclique
depuis le début des années 1980s

Si on se réfère au schéma 5.1, un changement dans l’amplitude du cycle économique peut


provenir, soit d’une modification au niveau des chocs qui perturbent l’activité économique,
soit d’une modification au niveau des mécanismes qui déterminent la transmission de ces
chocs à l’ensemble de l’économie. D’un côté, la stabilisation du cycle économique depuis 20
ans découlerait en partie du fait que les chocs ont été moins abrupts et moins fréquents au
cours de cette période. D’un autre côté, la stabilisation du cycle économique serait en partie
de nature structurelle. Les principaux facteurs évoqués à ce niveau sont une plus grande
efficacité de la politique monétaire, la tertiarisation de l’économie, la libéralisation des
marchés financiers et surtout, une diminution de l’instabilité due aux stocks.

6.2.1. «Good luck»

L’idée est que, depuis le début des années 1980, l’économie mondiale a dû faire face moins
fréquemment que durant la période précédente à des chocs déstabilisateurs et/ou les chocs qui
sont néanmoins survenus ont été moins importants que par le passé.
Par exemple, depuis les années 80, malgré de fortes hausses des prix pétroliers à plusieurs
reprises (1979-1980, 1990-91, 2000-2001, 2004-2005), l’économie mondiale n’a pas eu à
subir un choc pétrolier aussi fort que celui des années 1974-75.
A cela vient s’ajouter le fait que la politique monétaire a disposé de davantage de marge de
manœuvre pour contrer ces chocs.

6.2.2. Plus grande efficacité de la politique monétaire

La politique monétaire n’influence pas les fluctuations de la croissance de façon directe, mais
de façon indirecte par son impact sur la volatilité de l’inflation. On estime qu’au cours des 20
dernières années, la politique monétaire est devenue nettement plus efficace pour assurer la
stabilité des prix.
Explications du lien entre volatilité de l’inflation et volatilité cyclique :
i. une plus grande stabilité de l’inflation implique moins d’incertitude;
ii. si l’inflation devient plus stable, on peut s’attendre à ce que les anticipations d’inflation
le deviennent également, ce qui donne davantage de marges de manœuvre aux autorités
monétaires pour faire face à des chocs déstabilisateurs (chocs pétroliers, catastrophes
naturelles, ….).
Ainsi, le fait que le choc pétrolier de 2004-2005 n’ait eu qu’un impact limité sur l’économie
mondiale est dû en partie à la crédibilité acquise par de nombreuses banques centrales (Fed,
BCE, BoE, …) en matière de lutte contre l’inflation. De même, l’assouplissement monétaire
important opéré la Fed après les attentats de 11 septembre a probablement permis de limiter
leur impact économique.

6.2.3. Tertiarisation de l’économie

Un autre facteur souvent évoqué pour expliquer la plus grande stabilité des fluctuations
cycliques depuis le milieu des années 80 est l’importance croissance du secteur des services
dans l’activité économique globale, phénomène que l’on désigne généralement sous le terme
de «tertiarisation»30. On constate en effet que l’activité des services est nettement moins

30 Les principales activités qui composent le secteur des services sont : banques, assurances, transport et
communication, services aux entreprises (comptabilité, gestion de personnel, …), services publics
(administration, éducation, santé, …).

- 83 -
volatile que l’activité d’autres secteurs, en particulier celui de l’industrie et du commerce31.
Selon plusieurs études, l’impact de ce facteur sur la volatilité du cycle semble toutefois être
assez minime (cf. Blanchard and Simon (2001), Stock and Watson (2002, 2004)).

6.2.4. Déréglementation et libéralisation des marchés financiers

Les efforts de déréglementation et de libéralisation des marchés financiers sont également


susceptibles d’avoir contribué à stabiliser les fluctuations des cycles économiques. Bien que
certaines études, par exemple Dynan et allii (2005) suggèrent qu’il en fut effectivement ainsi,
l’impact exercé par la libéralisation financière sur l’amplitude des cycles économiques est de
façon générale ambigu. D’un côté, si l’on considère que la libéralisation financière implique
un accès plus facile et moins cher au crédit pour les ménages et les entreprises, les dépenses
de ceux-ci devraient être moins sensibles à des évolutions défavorables de leurs revenus et de
leur liquidité, ce qui devrait avoir une influence stabilisatrice sur la consommation et
l’investissement. Par exemple, aux Etats-Unis, profitant de la forte hausse des prix
immobiliers au cours des dernières années, de nombreux ménages américains ont refinancé
leur emprunt hypothécaire pour un montant plus élevé, ce qui a soutenu le rythme de la
consommation et a par ce biais atténué la récession de 200132. D’un autre côté, si la
libéralisation financière s’accompagne d’une hausse des taux d’endettement, la sensibilité des
dépenses de consommation et d’investissement à des variations des taux d’intérêt pourrait
s’en trouver accrue. De même, un accroissement de la détention par les ménages d’actifs
financiers (actions, obligations, sicav, …) rend l’évolution de la consommation
vraisemblablement plus sensible à des variations du prix des actifs financiers. Pour les
entreprises, dans la mesure où la «qualité» de leur bilan dépend en partie de la valeur des
actifs qu’elles détiennent, leur capacité à emprunter va également varier davantage en
fonction de l’évolution du prix des actifs financiers. Elle aura désormais tendance à se
détériorer lorsque les prix des actifs financiers chutent, ce qui est souvent le cas en période de
récession, ce qui aura pour effet d’amplifier la récession (= phénomène de l’accélérateur
financier, cf. chapitre 5).

6.2.5. Diminution de la contribution des stocks à la variabilité de la croissance


économique

Le rôle que certains auteurs attribuent à la formation des stocks dans la modération du cycle
économique découle de plusieurs constats :
i. Dans le secteur de l’industrie et du commerce, qui est le principal secteur où l’on
enregistre une activité de stockage importante, la volatilité de la production a diminué
nettement plus que dans le secteur des services : selon Irwine et Schuh (2002, cf. tableau
1), entre 1959-83 et 1984-2002, la volatilité de la production a diminué de 75 % dans le
secteur de l’industrie et du commerce, alors qu’elle est restée inchangée dans les services.
ii. Aux Etats-Unis, à partir du milieu des années 80, la volatilité de la production a diminué
d’environ 70 % dans le secteur automobile, qui fait partie des secteurs d’activité qui ont
mis en place à une large échelle les nouvelles méthodes de gestion des stocks («just-in-
time»).
iii. Dans le secteur des biens durables, la volatilité des ventes n’a pas diminué aussi fortement
que celle de la production. Ainsi, Kahn et alii (2002, tableau 4) montrent que la variance
du taux de croissance trimestrielle de la production a diminué nettement plus que celui des

31 Une explication de la moindre volatilité de l’activité des services par rapport à celle de l’industrie est que
l’activité de stockage est très peu présente dans les services.
32 Par exemple, il est aujourd’hui plus facile pour un ménage américain d’obtenir un crédit automobile qu’il
ne l’était il y a 30 ans. Il y a trois décennies, pour obtenir un crédit automobile, un ménage américain devait
en moyenne donner un acompte de 13 % sur l’achat du véhicule et la période de remboursement du prêt
était d’environ 40 mois. Aujourd’hui, l’acompte n’est plus en moyenne que de 8 % et la période de
remboursement est de 54 mois.

- 84 -
ventes entre la période 1953-83 et la période 1984-2001. Sachant que Y = S + ∆I (Y=
production, S=ventes, ∆I = variations des stocks), ce résultat suggère un changement dans
le comportement de stockage à partir des années 80.
iv. Dans le secteur de l’industrie et du commerce, le ratio stocks/ventes a fortement diminué à
partir du milieu des années 1980s.
L’effet modérateur exercé par les stocks s’explique de diverses manières.
1. Un premier argument met l’accent sur le fait que, grâce aux nouvelles technologies de
l’information, les entreprises ont la capacité de mieux prévoir la demande pour leurs
produits (voir l’exemple de Kahn, McConnell, et Perez-Quiros, 2002). Par exemple, la
firme JCPenney a mis au point un système qui lui permet de relever le niveau de ventes de
ses produits directement auprès des caisses enregistreuses. De cette manière, la firme peut
évaluer en temps réel ses ventes et ajuster sa production en conséquence plutôt que de
déterminer le niveau de sa production en fonction de prévisions de ventes qui lui sont
fournies par les gérants de ses différents points de vente. (cf. Siems, 2005). Autre
exemple : lorsque vous commandez on-line un ordinateur Dell, les caractéristiques de
votre commande sont directement transmises aux différents fournisseurs de Dell. Les
nouvelles technologies de l’information ont donc permis aux entreprises de saisir plus
rapidement et avec plus de fiabilité l’information dont elles ont besoin pour produire. Cela
est crucial surtout lorsque les intermédiaires entre le client et le producteur sont nombreux
car, au plus il y a d’intermédiaires, au plus l’erreur d’information tend à s’amplifier (voir
l’exemple de Procter & Gamble dans Siems, 2005).
Pour illustrer cet argument, repartons à nouveau de l’exemple 1 du chapitre 5. Pour rappel,
on a, dans la situation de départ (mois 0), les paramètres de production suivants : Y =
20.000, S = 20.000, I*/S = 2, I = 40.000 et I* = 40.000. Supposons maintenant que la
demande de véhicules augmente soudainement de 5.000 unités. Nous allons considérer
successivement le cas où l’entreprise prévoit de façon imparfaite l’évolution des ventes et
celui où elle a une prévision parfaite.
Cas 1. Information imparfaite
Dans ce cas-ci, on suppose que le constructeur automobile ne connaît que de façon
imparfaite l’état de la demande, ce qui se traduit concrètement par le fait que le nombre de
véhicules qu’il décide de produire au cours d’un mois donné est égal au nombre de
véhicules vendus au cours du mois qui précède. On obtient alors les résultats suivants :
Mois 1
Y = 20.000
S = 25.000
S* = 20.000 (les prévisions de ventes sont égales aux ventes de la période qui
précède)
I = 35.000 (le niveau des stocks à la fin du mois est de 35.000 véhicules)
I* = 50.000 (le niveau désiré des stocks à la fin du mois est de 50.000 véhicules)
∆I = -5.000 (les ventes étant supérieures à la production, les stocks diminuent au
cours du mois)
Mois 2
Y = 40.000 (= 25.000 + (50.000 – 35.000))
S = S* = 25.000
I = I* = 50.000
∆I = +15.000 (les entreprises ajustent leurs stocks au niveau désiré I*)
Mois 3

- 85 -
Y = 25.000
S = S* = 25.000
I = I* = 50.000
∆I = 0 (les stocks ayant atteint leur niveau objectif à la fin du mois 2 et la production
étant égale aux ventes, les stocks ne varient plus)
Cas 2. Information parfaite
On considère à présent que l’entreprise perçoit immédiatement la hausse de ses ventes et
qu’elle ajuste en conséquence le niveau de sa production.
Mois 1
Y = 35.000 ( = 25.000 + (50.000 – 40.000)
S = 25.000
S* = 25.000
I = 50.000 (le niveau des stocks à la fin du mois est de 50.000 véhicules)
I* = 50.000 (le niveau désiré des stocks à la fin du mois est de 50.000 véhicules)
∆I = +10.000 (en début de mois, le constructeur ne détient que 40.000 véhicules en
stocks; il va donc accroître ses stocks de 10.000 pour les amener au niveau désiré)
Mois 2
Y = 25.000
S = S* = 25.000
I = I* = 50.000
∆I = 0 (les stocks ayant atteint leur niveau objectif à la fin du mois précédent et la
production étant égale aux ventes, les stocks ne varient plus)
Mois 3
Y = 25.000
S = S* = 25.000
I = I* = 50.000
∆I = 0
Si on calcule la moyenne et l’écart-type de la production sur les mois 0 à 4 dans les deux
cas envisagés, on obtient les résultats suivants :
Information imparfaite Information parfaite
Moyenne 26.250 26.250
Ecart-type 9.465 6.292
Dans les deux cas, la moyenne de la production est identique, mais la volatilité de la
production est nettement supérieure dans le cas où l’entreprise n’a qu’une information
imparfaite sur l’état de la demande. Ce résultat conduit à la conclusion que plus les
entreprises prévoient rapidement et de façon fiable l’évolution de leurs ventes, au moins
la volatilité du cycle des stocks et donc celle du cycle économique général est élevée.
2. Selon de nombreuses études, l’atténuation des fluctuations cycliques provoquées par les
variations de stocks résulte également de l’application des nouvelles technologies de
gestion des stocks («just-in-time»), dans la mesure où ces techniques ont eu pour effet de
diminuer parfois très fortement le niveau des stocks qui sont détenus par les entreprises.
D’une part, en ce qui concerne leurs achats de matériel et de biens intermédiaires, les
entreprises se font livrer plus souvent, en fonction des besoins de la production, et d’autre
part, le rythme de la production suit de façon étroite l’évolution des ventes. L’application
des méthodes «just-in-time» a donc eu pour effet de réduire assez fortement le ratio I*/S.
Dans certaines entreprises, le niveau des stocks a ainsi été ramené au minimum nécessaire.

- 86 -
Par exemple, en 1996, Dell détenait des stocks pour environ 31 jours de ventes ;
aujourd’hui, le nombre de jours de stocks est tombé à 4.
On peut illustrer l’impact de ces nouvelles méthodes de gestion sur la volatilité du cycle
économique assez simplement. Reprenons à nouveau les données de l’exemple 1 ci-
dessus. On part donc d’une situation où Y = 20.000 et S = 20.000, et on suppose que
l’entreprise enregistre une diminution de 2.000 unités de ses ventes. Comme on l’a vu ci-
dessus, si I*/S = 2, la production se contracte de 6.000 unités suite à la baisse de la
demande. Si on fixe maintenant I*/S = 1, de combien diminue à présent le volume de la
production ? On calculera facilement que, dans ce cas, la production se contracte de
seulement 4.000 unités33.
A partir de l’exemple 2 ci-dessus, on peut également montrer que l’application du «just-
in-time» a contribué à stabiliser le cycle économique en permettant à la production de
s’ajuster plus rapidement aux variations de la demande. Pour vous en rendre compte, il
vous suffit d’adapter l’exemple 2 en considérant que le constructeur automobile ajuste sa
production 2 mois (et non pas 1 mois) après la survenance du choc. Dans ce cas-ci, on a
une chute de la production de 10.000 unités au cours du 3ème mois, alors dans l’exemple
initial, la production se contracte de 8.000 unités au 2ème mois !
Par ailleurs, grâce aux nouvelles méthodes de gestion des stocks, la production et les
ventes sont moins liées entre différents secteurs d’activité. Par exemple, si un secteur est
en rupture de stocks (par un secteur produisant des pièces détachées pour le secteur
automobile), cela risque moins de déstabiliser la production et les ventes dans d’autres
industries (par exemple, dans le secteur automobile dans la mesure où ce secteur a
diversifié ses fournisseurs).
3. Certaines études mettent en évidence que la corrélation entre les ventes et la formation des
stocks est négative sur la période débutant à partir du milieu des années 1980, alors qu’elle
était positive auparavant. De procyclique, la formation des stocks est donc devenue
contra-cyclique, ce qui induit indubitablement une plus grande stabilité dans les
fluctuations de la croissance économique. Par exemple, Kahn, McConnell et Perez-Quiros
(2002, tableau 5) obtiennent, pour la période 1959-83, une corrélation égale à 2.7 entre les
ventes et les stocks et une corrélation de – 4.1 pour la période 1984-200134.

Références
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
Blanchard, 0. and J. Simon (2001), «The Long and Large Decline in U.S. Output Volatility»,
Brookings Papers on Economic Activity, vol.32 (n°1), pp. 135-164.
Dynan, K. , D. Elmendorf, and D. Sichel (2005), «Can Financial Innovation Explain the
Reduced Volatility of Economic Activity», Finance and Economics Discussion Series
n°2005-54, Federal Reserve Board, Wahington, D.C.
Filardo, A. (1995), «Recent Evidence on the Muted Inventory Cycle», Federal Reserve Bank
of Kansas City Economic Review, Second Quarter, pp. 27-43.
Gordon, R. (2005), «What Caused the Decline in U.S. Business Cycle Volatility», CEPR
Discussion Paper n°5413.

33 Suite à la diminution de la demande, le niveau de la production est en effet fixé à 16. 000. Le calcul est : Y
= S (= 18.000) + ∆I = (18.000 – 20.000) !
34 Précisément, la corrélation qui est calculée fait intervenir la contribution des ventes et la contribution des
variations de stocks à la croissance trimestrielle de la production de biens durables.

- 87 -
Irvine, O. and S. Schuh (2002), «Inventory Investment and Output Volatility», Federal
Reserve Bank of Boston, Working Paper.
Irvine, O. and S. Schuh (2004), «The Roles of Comovement and Inventory Investment in the
Reduction of Output Volatility», Federal Reserve Bank of Boston, Working Paper.
Kahn, J., and M. McConnell (2002), «Has Inventory Returned ? A Look at the Current
Cycle», Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, Vol.
8, n°5.
(*) Kahn, J., M. McConnell, and G. Perez Quiros (2002), «On the Causes of the Increased
Stability of the U.S. Economy», Economic Policy Review, Federal Reserve Bank of New
York, vol. 8, Number 1, pp. 183-206.
(*) McConnell, M., P. Mosser, and G. Perez Quiros (1999), «A Decomposition of the
Increased Stability of GDP Growth», Current Issues in Economics and Finance, Federal
Reserve Bank of New York, Vol. 5, n°13.
McConnell, M. and G. Perez Quiros (2000), «Output Fluctuations in the United States : What
Has Changed Since the Early 1980’s», American Economic Review, vol.90, n°5, pp.1464-
1476.
Stock, J. and M. Watson (2002), «Has the Business Cycle Changed and Why», NBER
Macroeconomics Annual 2002, pp. 159-218.
Stock, J. and M. Watson (2003), «Has the Business Cycle Changed ? Evidence and
Explanations», in Monetary Policy and Uncertainty : Adapting to a Changing Economy,
Federal Reserve Bank of Kansas City, pp. 9-56.
(*) Summers, P. (2005), «What Caused The Great Moderation ? Some Cross-Country
Evidence», Reserve Bank of Kansas City Economic Review, Third Quarter 2005, pp. 5-32.

Lectures complémentaires
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
(*) Morgan, D. (1991), «Will Just-In-Time Inventory Techniques Dampen Recessions»,
Federal Reserve Bank of Kansas City Economic Review, pp. 21-33.
(*) Karras, Georgios, Jin Man Lee, and Houston Stokes, «Why are postwar cycles smoother ?
Impulses or propagation ?», Journal of Economics and Business, 2006, 58, pp. 392-406.
Romer, Christina, and David Romer, «Changes in Business Cycles : Evidence and
Explanations», Journal of Economic Perspectives, Spring 1999, Volume 13, Number 2, pp.
23-44.
Siems, Th. (2005), «Supply Chain Management : The Science of Better, Faster, and
Cheaper», Federal Reserve Bank of Dallas Southwest Economy, Issue 2, pp. 1, 7-12.

- 88 -
CHAPITRE 7. LA SYNCHRONISATION INTERNATIONALE DES CYCLES
ECONOMIQUES

L’intégration croissance des économies au niveau international se reflète dans une


synchronisation relativement forte entre les cycles économiques nationaux, du moins en ce
qui concerne les pays industrialisés. Par exemple, la récession qu’ont connu les Etats-Unis en
2001 s’est accompagnée d’un ralentissement de l’activité économique dans un grand nombre
de pays, dont les pays européens, ce qui s’est traduit par un ralentissement général de
l’activité économique mondiale.

7.1. La synchronisation internationale des cycles économiques :


illustration rapide

Le tableau 7.1 donne une illustration du degré de synchronisation internationale des cycles
économiques. La synchronisation des cycles économiques est mesurée par la corrélation des
taux de croissance du PIB entre un pays de référence (l’Allemagne ou les Etats-Unis) et
plusieurs pays industrialisés (France, Italie, Espagne, Belgique, Canada, Royaume-Uni,
Japon). La croissance du PIB est mesurée de deux manières différentes : d’une part sur un
horizon de 1 an, d’autre part, sur un horizon de 1 trimestre. Pour rappel, la corrélation entre
deux variables A et B est égale à la covariance entre les deux variables divisée par le produit
des écarts-type des deux variables :
Corrélation (A,B) = covariance (A,B)/(écart-type (A) x écart-type (B))
Différentes corrélations sont présentées dans le tableau 7.1. Il s’agit d’une part de la
corrélation entre les valeurs contemporaines du taux de croissance du PIB de chaque pays
considéré avec le pays de référence (corr. contemp.). Il s’agit d’autre part de la corrélation
maximale obtenue en mettant en relation le taux de croissance du PIB du pays de référence
avec les valeurs retardées et avancées du taux de croissance du pays considéré (corr.max). Le
nombre de trimestres de décalage qui correspond à la corrélation maximale est ensuite indiqué
(lead/lag). Par exemple, si «lead/lag» = -2, cela signifie que la corrélation maximale entre le
pays de référence et le pays considéré est maximale lorsque la valeur du taux de croissance du
PIB du pays considéré est retardée d’une période, ce qui suggère que le cycle économique du
pays considéré est avancé de deux trimestres par rapport au cycle du pays de référence.

- 89 -
Tableau 7.1. La synchronisation internationale des cycles économiques : 1993-2002

Taux de croissance annuel Taux de croissance


trimestriel
Réf = All. Réf. = E.U. Réf = All. Réf. = E.U.
Corr. contemp. 1,00 0,55 1,00 0,43
Allemagne Corr. max. 1,00 0,61 1,00 0,43
Lead/lag 0 1 0 0
Corr. contemp. 0,80 0,47 0,33 0,30
France Corr. max. 0,80 0,72 0,47 0,47
Lead/lag 0 2 -1 2
Corr. contemp. 0,78 0,23 0,07 0,12
Italie Corr. max. 0,81 0,43 0,46 0,32
Lead/lag 1 2 -1 4
Corr. contemp. 0,74 0,42 0,36 0,17
Espagne Corr. max. 0,74 0,62 0,36 0,39
Lead/lag 0 3 0 5
Corr. contemp. 0,91 0,6 0,47 0,55
Belgique Corr. max. 0,91 0,67 0,47 0,55
Lead/lag 0 1 0 0
Corr. contemp. 0,55 1,00 0,43 1,00
Etats-Unis Corr. max. 0,55 1,00 0,43 1,00
Lead/lag 0 0 0 0
Corr. contemp. 0,65 0,76 0,36 0,54
Canada Corr. max. 0,77 0,77 0,40 0,54
Lead/lag -1 1 -2 0
Corr. contemp. 0,60 0,59 0,14 0,32
Royaume-
Uni Corr. max. 0,69 0,59 0,34 0,33
Lead/lag -1 0 -1 -1
Corr. contemp. 0,24 0,28 -0,08 -0,07
Japon Corr. max. 0,35 0,31 0,27 0,29
Lead/lag -1 -1 5 -1
Source : P. Pérez, D. Osborn, and M. Sensier, «Business Cycle Affiliations in the Context of European
Integration», Discussion Paper n°29, Centre for Growth and Business Cycle Research, the University of
Manchester, December 2003.

Les principaux résultats qui se dégagent du tableau sont les suivants :


• Il existe une forte synchronisation entre le cycle allemand et le cycle des autres pays
européens (à noter cependant l’avance de 1 trimestre du cycle de la France et de l’Italie
lorsqu’on prend les taux de croissance trimestriels);
• Le cycle américain est avancé de 1 à 3 trimestres (voir les taux de croissance annuels) et
de 1 à 5 trimestres (voir les taux de croissance trimestriels) par rapport au cycle des
principaux pays européens;
• Le cycle des pays européens est autant corrélé avec le cycle américain qu’il l’est avec le
cycle allemand (voir les taux de croissance trimestriels);
• Le degré de corrélation du cycle belge par rapport au cycle allemand et au cycle américain
est parmi les plus élevés de l’échantillon (= conséquence du degré d’ouverture très élevé
de l’économie belge);
• Le cycle japonais est très peu lié au cycle économique international.

- 90 -
7.2. Facteurs explicatifs de la synchronisation internationale des cycles
économiques35

Deux facteurs sont souvent mis en évidence pour expliquer la synchronisation internationale
des cycles économiques :
• les pays sont soumis aux mêmes chocs (ex. choc pétrolier);
• les chocs d’un pays sont transmis aux autres pays en raison de l’existence de liens
commerciaux et de liens financiers entre ces pays; l’expérience économique depuis le
début des années 90 suggère notamment que les chocs en provenance des Etats-Unis ont
une plus forte diffusion internationale que les chocs en provenance des autres zones
économiques importantes.
Le degré de synchronisation internationale des cycles a augmenté de façon significative au
cours des 20 à 30 dernières années. Certaines études suggèrent qu’il s’est également renforcé
à partir du milieu des années 90. Les principaux éléments qui sont considérés comme
responsables de cette augmentation de l’interdépendance internationale des cycles
économiques sont les suivants :
• Les relations commerciales se sont accrues au niveau international: La part des échanges
extérieurs (exportations et importations) dans l’activité des pays industrialisés, à
l’exception notable du Japon, n’a en effet cessé d’augmenter au cours des 30 dernières
années. Par exemple, en 30 ans (entre 1970 et 2000), la part dans le PIB des échanges
extérieurs du Canada avec les autres pays du G-7 a augmenté de 30 % à 60 %3637. En
France et en Allemagne, la part dans le PIB des échanges extérieurs avec les pays du G-7
est passée d’un peu plus de 10 % à un peu plus de 20 %. Aux Etats-Unis, l’importance des
échanges extérieurs avec les autres pays du G-7 a également doublé en 30 ans, de 5 % du
PIB en 1970 à un peu moins de 10 % en 2000.

L’augmentation de l’intégration commerciale au commerce international est en partie la


conséquence d’un accroissement de la spécialisation verticale des activités de production
au niveau international (cf. infra).
• L’intégration financière internationale a augmenté : La part des actifs financiers (actions,
obligations, …) étrangers détenus dans les portefeuilles domestiques a en effet augmenté
de façon sensible au cours des 20 dernières années. Par exemple, aux Etats-Unis, la part de
la richesse financière des ménages détenue en actifs étrangers a augmenté de 1 % sur la
période 1981-1985 à près de 7 % sur la période 1996-199938. La part des actions
étrangères dans les portefeuilles boursiers américains a quant à elle augmenté de 2 % au
début des années 80 à environ 12 % en 2001. En Allemagne et en France, la part de la
richesse financière des ménages détenue en actifs étrangers est passée de respectivement
9,6 % et 5,6 % sur la période 1991-1995 à respectivement 15 % et 10,9 % sur la période
1996) 1999.
Les opérations d’arbitrage entre les différents marchés financiers internationaux se sont
par ailleurs fortement accrues, ce qui s’est traduit par un renforcement tendanciel depuis

35 La discussion dans cette section s’inspire de Boyle and Faust (2002) et de IMF (2001, 2007).
36 Le G-7 regroupe les 7 pays industrialisés les plus importants, à savoir le Canada, la France, L’Allemagne,
l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
37 L’importance des échanges extérieurs du Canada s’est fortement relevée après la signature en 1989 de
l’accord de libre échange («US-Canada Free Trade Agreement») avec les Etats-Unis.
38 Voir FMI, International Linkages : Three Perspectives, WEO, October 2001, Table 2.3, p. 75.

- 91 -
le milieu des années 70 de la relation internationale entre les rendements boursiers et les
taux d’intérêt
• Les entreprises ont eu tendance à diversifier davantage leurs opérations internationales,
notamment en ouvrant des succursales à l’étranger ou par le biais d’investissements
directs à l’étranger. Par exemple, si on examine pour un ensemble d’entreprises cotées en
bourse la part de leurs revenus provenant des ventes de leurs succursales étrangères par
rapport aux revenus dus aux ventes sur les marchés domestiques, on constate que celle-ci a
augmenté durant les années 1990 : entre la période 1990-94 et la période 1995-2000, le
pourcentage est passé de 74,8 % à 96,9 % en Allemagne et de 42,6 % à 46,3 % aux Etats-
Unis39.
D’autres explications potentielles de l’accroissement de la synchronisation des internationale
des cycles économiques nationaux sont :
• Un resserrement des liens entre la confiance des ménages et des entreprise dans les pays
industrialisés.
• Une augmentation de la fréquence des chocs communs (ex. choc pétrolier, désastres
naturels, …).
• Une plus grande sensibilité des économies nationales aux chocs internationaux, en raison
notamment de leur implication plus grande dans le commerce international des
marchandises et des produits financiers; si l’importance des actifs et des engagements
étrangers dans la richesse des ménages continue à s’accroître et si les entreprises
continuent à diversifier leurs opérations au niveau international, les chocs de nature
étrangère devraient avoir une influence croissante sur les décisions de consommation et
d’investissement dans les économies domestiques.
• Une diminution de l’importance des chocs domestiques dans la détermination des cycles
économiques nationaux, les chocs domestiques étant moins fréquents et/ou les économies
nationales étant moins sensibles aux chocs domestiques.
Les explications potentielles du degré de synchronisation accru entre les cycles économiques
nationaux sont donc nombreuses. Signalons toutefois que si le renforcement de la
synchronisation résulte avant tout d’une augmentation de l’intégration commerciale et
financière au niveau international, cela devrait se traduire par une augmentation permanente
de la corrélation internationale des cycles économiques nationaux; s’il s’avère cependant que
celui-ci résulte davantage d’une influence plus grande des chocs internationaux dans la
dynamique des cycles économiques nationaux, l’augmentation de la corrélation internationale
des cycles devrait être temporaire.
Remarque importante : étant donné que la corrélation est définie comme le ratio entre la
covariance et le produit des écart-types, une augmentation de la synchronisation peut résulter,
à covariance inchangée, d’une diminution de la variabilité des cycles économiques nationaux.
En d’autres termes, la stabilisation des cycles économiques nationaux constitue un élément
important qui peut conduire à une plus grande synchronisation des cycles économiques au
niveau international

7.3. Spécialisation verticale et synchronisation internationale des cycles


économiques40

Le fait que les économies sont de plus en plus intégrées au niveau international est en partie la
conséquence d’une internationalisation des opérations de production dans le cadre d’un

39 Voir FMI, International Linkages : Three perspectives, WEO, October 2001, Table 2.4, p. 75.
40 La discussion dans cette section s’inspire de Hummels (1998, 2001).

- 92 -
processus de spécialisation verticale. Le concept de «spécialisation verticale internationale»
fait référence à un éclatement du processus de production en plusieurs étapes, et à une
spécialisation des pays dans une ou plusieurs étapes du processus de production. Dans ce
contexte, l’accomplissement complet du processus de production donnera nécessairement lieu
à des opérations d’importations et d’exportations entre les différents pays impliqués dans le
processus de production.
De façon précise, trois conditions doivent être réunies pour qu’il y ait spécialisation verticale :
• le bien doit être produit en plusieurs étapes séquentielles;
• Deux pays, ou plus, doivent être spécialisés dans une ou plusieurs étapes du processus de
production, mais pas dans toutes;
• au moins une étape du processus de production doit impliquer une transaction
commerciale au niveau international.
En bref, il y a spécialisation verticale internationale lorsqu’un pays utilise des biens
intermédiaires importés pour produire un bien qu’il exporte. Exemple : VW Belgique importe
d’Allemagne les tôles d’acier pour assembler en Belgique des voitures qui sont ensuite
exportées sur le marché européen.
Schéma 7.1. Spécialisation verticale

Pays 1 Biens
intermédiaires

Biens intermédiaires Capital et


d’origine domestique B C travail

Pays 2 Biens finaux

Ventes sur le marché


domestique
E

Pays 3
Exportations

Source : D. Hummels et al. / Journal of International Economics 54 (2001), p.78


Les trois exemples suivants illustrent l’impact de la spécialisation verticale internationale sur
l’intégration commerciale internationale41 :

41 Ces exemples sont repris de D. Hummels, D. Rappaport and K.-M. Yi (1988).

- 93 -
Exemple 1. L’accord automobile de 1965 entre les Etats-Unis et le Canada

Avant 1965 :
• commerce de produits automobiles (voitures, camions, pièces, …) quasiment nul entre les
Etats-Unis et le Canada;
• tarif de 17,5 % sur les importations canadiennes de produits automobiles fabriqués aux
Etats-Unis et tarif de 6,5 % à 8,5 % sur les importations américaines de produits
automobiles fabriqués au Canada;
• la production de véhicules au Canada était essentiellement destinée au marché canadien, et
les véhicules vendus au Canada étaient presque tous produits localement, par des filiales
d’entreprises américaines (GM, Ford, Chrysler).

1965 : l’accord automobile conclu entre les Etats-Unis et le Canada prévoit l’élimination
complète des tarifs douaniers sur les importations de produits automobiles
Après 1965 :
• La production de véhicules au Canada est réduite à un nombre limité de modèles, qui sont
destinés à l’ensemble du marché nord-américain;
• En 4 ans, la part de production canadienne de véhicules qui est exportée vers les Etats-
Unis est passée de 7 % à 60 %, et la part des importations dans les ventes canadiennes de
voitures a augmenté de 3 % à 40 %.
Rôle de la spécialisation verticale : en 1994, 60 % des exportations automobiles des Etats-
Unis vers le Canada était constituée de moteurs et de pièces, tandis que 75 % des importations
automobiles américaines en provenance du Canada était constituée de véhicules finis
(voitures, camions).
Exemple 2. Les «Maquiladora mexicains»

Initiés en 1965, les «maquiladoras» sont des industries implantées au Mexique mais dont les
propriétaires sont étrangers. Ces entreprises sont spécialisées dans l’assemblage des pièces
importées, les biens assemblés étant ensuite exportés. Au Mexique, les pièces importées
destinées aux «maquiladoras» sont exemptées de tarifs douaniers. De même, les biens
assemblés dans les «maquiladoras» et exportés vers les Etats-Unis sont exemptés des tarifs
douaniers américains pour la partie correspondant à la valeur des pièces importées des Etats-
Unis qui interviennent dans la composition du bien assemblé.
L’effet de ces mesures douanières favorables liées à l’activité des «maquiladoras» a peu pour
conséquence une délocalisation des activités d’assemblage de produits manufacturiers
américains des Etats-Unis vers les «maquiladoras» mexicains. Les principaux secteurs
d’activité dans lesquels sont présents les «maquiladoras» sont l’électronique, le matériel de
transport et le textile.
Après un début timide, les «maquiladoras» ont connu un développement important à partir de
1985. Entre 1985 et 1997, l’emploi dans les «maquiladoras» a ainsi augmenté à un taux
annuel moyen de près de 13 %. Leur production a par ailleurs augmenté à un taux annuel
moyen de près de 20 %.
Rôle de la spécialisation verticale :
• Suite au développement des «maquiladoras», le commerce de marchandises entre les
Etats-Unis et le Mexique a connu un important essor : depuis la fin des années 80, les
importations américaines en provenance des «maquiladoras» mexicains représentent
45 % des importations américaines totales (60 % des importations non pétrolières) en
provenance du Mexique;

- 94 -
• Environ la totalité des biens intermédiaires importés par les «maquiladoras» proviennent
des Etats-Unis et près de la totalité de la production des «maquiladoras» est exportée vers
les Etats-Unis.
Exemple 3. Délocalisation de la production japonaise de biens électroniques

Dans le but de réduire leurs coûts de production, un nombre important d’entreprises


manufacturières japonaises ont délocalisé vers les pays d’Asie du sud-est plusieurs stades de
production, notamment au niveau de l’assemblage de produits finis. Ainsi, entre 1989 et 1995,
le nombre de travailleurs employés dans les filiales asiatiques des entreprises électroniques
japonaises est passé de 25 % de l’emploi total de ces entreprises à 45 %. Depuis de
nombreuses années, le nombre de télévisions couleur et de magnétoscopes fabriqués dans les
filiales asiatiques des entreprises japonaises dépasse le niveau de production des ces biens au
Japon.
Rôle de la spécialisation verticale : le Japon exporte des pièces détachées vers différents pays
d’Asie où ils sont ensuite assemblés, les produits finis étant ensuite exportés vers le Japon et
vers d’autres pays. Ainsi, depuis 1995, les exportations japonaises de pièces détachées vers
l’Asie représente 3/4 des exportations japonaises totales vers l’Asie et plus de la moitié des
exportations totales de pièces détachées par le Japon.

Références :
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
Doyle, B. and J. Faust, «An Investigation of Co-movements among the Growth Rates of the
G-7 Countries», Federal Reserve Bulletin, October 2002, pp. 427-437
International Monetary Fund, «International Linkages : Three Perspectives», World
Economic Outlook, October 2001, chapter 2, pp. 65-104.
Hummels, D., D. Rappaport, and K.-M. Yi, «Vertical Specialization and the Changing Nature
of World Trade», Federal Reserve Bank of New York Economic Policy Review, June 1988,
pp. 79-99.
Hummels, D., J. Ishii and K.-M. Yi, «The nature and growth of vertical specialization in
world trade», Journal of International Economics, 54, 2001, pp. 75-96)

Lectures complémentaires :

Fonds Monétaire International, «Possibiltés de découplage ? Effets de contagion et cycles


économiques nationaux», Perspectives de l’économie mondiale, Avril 2007, chapitre 4, pp.
133-176.

- 95 -
PARTIE 3. MATIERES SPECIALES

CHAPITRE 8. L’INFLUENCE DES MARCHES FINANCIERS SUR LA


CONJONCTURE ECONOMIQUE

L’étude des aspects monétaires et financiers de la conjoncture économique est importante à un


double titre. D’une part, les variables monétaires et financières (taux d’intérêt, rendements
obligataires, cours boursiers, taux de change) ont une influence non négligeable sur le
développement de l’activité économique (cf. graphique 8.1). D’autre part, certaines variables
financières, par exemple la courbe des rendements, s’avèrent avoir un contenu prédictif
relativement bon de l’évolution de l’activité économique.
Dans ce chapitre, nous décrivons plusieurs variables monétaires et financières qui sont
pertinentes pour l’analyse conjoncturelle. Nous discutons également de quelle manière ces
variables sont susceptibles d’influencer l’activité économique.
Graphique 8.1. Principaux canaux de transmission entre la sphère financière et la
sphère réelle de l’économie

Prix des actions Prix du PIB Taux d'intérêt de Taux d'intérêt de


court terme long terme

Taux de change

Profits
Richesse financière

Consommation Investissement

PIB Output gap

Source : COE, "Bourses et effet de richesse : quelles peuvent être les conséquences réelles des mouvements
boursiers récents ? ", Modèles et diagnostics, numéro 6-7, 4ème trimestre 1998

8.1. Conditions monétaires et politique monétaire

En intervenant dans la détermination du coût du crédit, Par le biais notamment du coût du


crédit, la politique monétaire influence le cycle économique. Il est ainsi habituel de voir les
autorités monétaires durcir les conditions monétaires durant les périodes d’expansion, au
point que certains économistes considèrent que la politique monétaire a une part de
responsabilité importante dans le déclenchement des récessions. En revanche, la politique
monétaire sera généralement assouplie durant les périodes de faible croissance économique.

- 96 -
Dans cette section, nous présentons différents indicateurs permettant de déterminer
l’orientation (expansionniste, restrictive, neutre) de la politique monétaire à une période
donnée et de prévoir son évolution dans le futur.

8.1.1. Taux d’intérêt réel

Un premier indicateur, simple à calculer, est le niveau du taux d’intérêt réel à court terme,
qui est approximativement égal au taux d’intérêt nominal diminué du taux d’inflation
anticipé :

rt ≅ it - Πet

où rt = taux d’intérêt réel, it = taux d’intérêt nominal, Πet = taux de variation des prix anticipé
sur la période qui correspond à la maturité du placement (dépôts).
En pratique, on calculera le taux d’intérêt réel en utilisant si possible les taux d’intérêt qui
sont le plus directement influencés par la politique monétaire (FedFunds aux Etats-Unis,
Euribor dans la zone euro). Mesurer le taux d’inflation anticipé est plus délicat. En l’absence
de mesures directes des anticipations d’inflation ou de modèles permettant de les estimer, on
se contentera de prendre le taux d’inflation de la période au cours de laquelle le taux d’intérêt
nominal est mesuré.
Pour déterminer l’orientation de la politique monétaire, on comparera le taux d’intérêt réel à
son niveau d’équilibre, aussi appelé «taux d’intérêt naturel». On considérera que la politique
monétaire est expansionniste si le niveau observé du taux d’intérêt réel est inférieur à son
niveau naturel, et restrictive dans le cas inverse. Si les deux taux ne diffèrent pas
significativement, on considérera que la politique monétaire est neutre. Si cette approche est
simple conceptuellement, elle l’est nettement moins dans la pratique. Le niveau d’équilibre du
taux d’intérêt n’est en effet pas directement observable, il doit donc être estimé, et de surcroît,
il est susceptible de varier dans le temps. En référence à différentes estimations, un taux de
2 % est souvent considéré comme une valeur plausible pour le niveau d’équilibre des taux
réels à court terme. En cas de doute important sur la valeur du taux d’intérêt d’équilibre, on se
contentera d’inférer à partir de l’évolution du niveau observé des taux d’intérêt si la politique
monétaire s’est assouplie, s’est durcie ou est restée inchangée sur le passé récent.

8.1.2. Indicateur des conditions monétaires

On peut également tenter d’identifier le caractère expansionniste, restrictif, ou neutre de la


politique monétaire en construisant un indicateur des conditions monétaires. L’idée sur
laquelle repose la construction d’un indicateur des conditions monétaires est que la politique
monétaire influence l’activité économique et l’inflation de diverses manières (il n’existe pas
un seul canal de transmission de la politique monétaire) et que, de ce fait, le taux d’intérêt réel
à court terme ne donne qu’une évaluation partielle de l’orientation de la politique monétaire à
un moment donné. Ainsi, pour une économie ouverte en régime de change flottant, le taux de
change constitue un canal de transmission important de la politique monétaire : étant donné
que l’activité tend à ralentir (accélérer) lorsque le taux de change s’apprécie (se déprécie), une
appréciation (dépréciation) du taux de change peut être assimilée à un durcissement
(assouplissement) de la politique monétaire. Dans cette économie, une évaluation plus
complète de l’orientation de la politique monétaire tiendra compte à la fois de l’évolution du
taux d’intérêt à court terme et du taux de change. Comme le soulignent Batini et Turnbull
(2000)42, "the logic (…) is that a high level of the exchange rate can reinforce the

42 N. Batini and K. Turnbull, “Monetary Condition Indices for the UK: A Survey”,External MPC Unit
Discussion Paper n°1, Bank of England, September 2000.

- 97 -
contractionary effects of the central bank-controlled interest rate, leading to a tighter policy
stance than would otherwise have been, were the exchange rate lower, and vice versa”43.
Formellement, l’indicateur des conditions monétaires est une moyenne pondérée de la
variation du taux d’intérêt à court terme et du taux de change par rapport à une période de
référence. Il peut être calculé avec des variables exprimées soit en terme nominal, soit en
terme réel :
MCIt = AR (rt – rb) + Aq (qt – qb)
où : rt est le taux d’intérêt réel à la période t, rb est le taux d’intérêt réel à la période de
référence, qt est le logarithme du taux de change réel (effectif) et qb est le taux de change réel
(en logarithme) de la période de référence.
Les pondérations (AR, Aq ) reflètent l’impact relatif d’une variation du taux d’intérêt et des
taux de change sur l’activité économique et l’inflation. Pour les économies européennes, on
utilisera par exemple une pondération 4 :1 (AR = 4, Aq = 1), ce qui indique que l’on suppose
qu’une variation de 1 point de pourcentage du taux d’intérêt a le même impact sur la
croissance (ou l’inflation) qu’une appréciation du taux de change de 4 %.
Le niveau de l’indicateur n’est pas interprétable. L’indicateur des conditions monétaires
permet seulement de comparer l’orientation de la politique monétaire à un moment donné par
rapport à la période de référence ou par rapport à toute autre période (ex. un an plus tôt,
période avec des conditions d’inflation ou de croissance similaires, …). Un indicateur des
conditions monétaires a donc comme désavantage qu’il ne permet pas de juger facilement du
caractère restrictif ou expansionniste de la politique monétaire compte tenu de l’état de la
situation conjoncturelle.
Graphique 8.1. Etats-Unis : Indicateur des conditions monétaires et taux d'intérêt réel à
court terme

104

103

102

101

100

99

98

97

96

95

Taux d'intérêt réel à 3 mois (1990q1=100) Indicateur des conditions monétaires (1990q1 =100)

43 A noter également la remarque suivante : "By one rule of thumb, a 5 % rise in the trade-weighted euro has
roughly the same impact on inflation, after a year, as a one percentage-point rise in interest rates. The rise
in the euro has thus more than offset the half-point cut in interest rates made in December" (The
Economist, February 1st 2003).

- 98 -
Graphique 8.2. Taux d'intérêt et taux de change réels

140 5

135
4
130

125 3

120
2
115

110 1

105
0
100

95 -1

90
-2
85

80 -3

Taux de change effectif réel Taux d'intérêt réel (éch. Droite)

8.1.3. Règle de Taylor

Une autre manière d’évaluer le caractère expansionniste, restrictif, ou neutre de la politique


monétaire consiste à calculer le niveau des taux de politique monétaire induit par une «règle
de Taylor». La règle de Taylor est un modèle simple qui détermine le niveau «optimal» des
taux d’intérêt en fonction des conditions d’inflation et de croissance. Censée répliquer le
comportement des autorités monétaires en matière de fixation des taux d’intérêt, elle repose
sur l’idée que la politique monétaire a comme double objectif de maintenir le niveau de
l’inflation à un niveau prédéterminé et de maintenir le niveau de l’activité économique à son
niveau potentiel.
Une spécification simple de la règle de Taylor est la suivante44 :
it = Πt + R* + 0,5 (Πt - Π*) + 0,5 (ygapt)
où :
it = taux d’intérêt de politique monétaire (ex. taux d’intérêt sur les fonds fédéraux aux Etats-
Unis)
R* = niveau d’équilibre du taux d’intérêt réel (ex. r* = 0,02)
Πt = taux d’inflation observé
Π* = taux d’inflation objectif (ex. Π* = 0,02)
ygapt = «output gap» (pourcentage de déviation du PIB réel par rapport au PIB réel potentiel :
(PIB réel - PIB potentiel)/PIB potentiel, le PIB potentiel étant à estimer
A partir des estimations de la règle de Taylor, on considérera que la politique monétaire est
expansionniste (restrictive) si le taux d’intérêt induit par la règle de Taylor est supérieur

44 Voir J. Taylor (1993), «Discretion Versus Policy Rules in Practice», Carnegie-Rochester Conference Series
on Public Policy, Vol. 39, pp. 195-214.

- 99 -
(inférieur) au taux d’intérêt observé. La politique monétaire sera considérée comme neutre si
les taux d’intérêt observés sont proches des taux de la règle de Taylor.
Remarque : l’estimation de la règle de Taylor implique certains problèmes pratiques qui
concernent notamment le choix de l’indice de prix pour calculer l’inflation et le choix de la
méthode d’estimation du PIB potentiel. Pour une illustration de ces problèmes et de leur
impact sur les résultats, voir D. Gerdesmeier et B. Roffia, «Empirical estimates of reaction
functions for the euro area», ECB Working paper n°206, January 2003.

8.1.4. Taux «futures»

Enfin, on peut calculer les attentes de taux d’intérêt qui sont implicites dans les contrats
«futures», ce qui permet de savoir quel est le sentiment général des marchés financiers quant à
l’évolution à court terme de la politique monétaire.

8.2. Conditions sur les marchés obligataires

Les rendements obligataires – taux d’intérêt à long terme - constituent un élément important
du coût du capital pour les entreprises. Du point de vue des finances publiques, ils influencent
également le montant des charges d’intérêt sur la dette publique.
En plus de l’évolution du niveau des taux d’intérêt à long terme, deux variables méritent une
attention particulière :
L’écart («spread») entre le rendement des obligations publiques et le rendement des
obligations privées : bien que les rendements sur les obligataires publiques et sur les
obligations privées suivent généralement une même tendance, des différences de niveau
relativement importantes peuvent apparaître à certaines périodes, en raison notamment
d’une augmentation de l’incertitude et de l’aversion des investisseurs pour le risque ou
d’un phénomène «d’accélérateur financier» (cf. Chapitre 5). Au cours de l’histoire
récente, on a par exemple observé une augmentation importante de l’écart entre le
rendement des obligations des sociétés américaines cotées BAA et le rendement des bons
du Trésor américain à 10 ans au moment de la crise asiatique en 1997-98 et en 2002
(graphique 8.3). A certaines périodes, le coût du crédit supporté par les firmes privées
peut donc différer significativement du taux auquel l’état emprunte sur le marché
obligataire.
La pente de la courbe des rendements45 : comme on l’a montré au Chapitre 2, l’écart entre
les taux d’intérêt à long terme et les taux d’intérêt à court terme constitue un indicateur
relativement fiable pour prédire l’évolution de l’activité économique à court terme
(horizon de 1 à 4 trimestres.
Remarque : dans la mesure où les taux d’intérêt à long terme sont influencés par le niveau
contemporain et anticipé des taux d’intérêt à court terme, la pente de la courbe de rendement
constitue également un indicateur de l’orientation présente et future de la politique monétaire.

45 La pente de la courbe des rendement peut par exemple être calculée comme l’écart entre le rendement sur
un bon d’Etat à 10 ans et le taux d’intérêt sur un bon du Trésor à 3 mois.

- 100 -
Graphique 8.3. Prime de risque sur les obligations privées américaines

0
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Notation AAA Notation BBA

8.3. Conditions sur les marchés boursiers

Tout en étant fortement influencés par les perspectives de l’activité économique, les marchés
boursiers exercent une influence importante sur l’activité économique. Leur influence se
marque en particulier au niveau de l’investissement des entreprises et de la consommation des
ménages.

8.3.1. Marché boursier et investissement

Une influence possible du marché boursier sur l’investissement est mise en évidence par la
théorie de l’investissement dite du «q de Tobin». Le «q de Tobin» désigne le ratio entre,
d’une part, la valeur de marché totale d’une entreprise, qui est égale à la somme de sa valeur
boursière (prix d’une action multiplié par le nombre d’actions) et du capital emprunté (valeur
totale des obligations émises) et, d’autre part, le coût de remplacement du stock de capital
physique (équipements, matériel de transport, structures, …). Le ratio ainsi calculé désigne
«le rapport entre la valeur du capital investi qui est faite par le marché et le prix d’achat du
capital». Le lien entre le «q de Tobin» et l’investissement est le suivant. Si la valeur du «q»
est supérieure à 1, la valeur de marché du capital investi est supérieure à son prix d’achat, ce
qui incite les entreprises à investir : l’investissement est positif. Par exemple, si «q» est égal à
1,2, une entreprise qui investit 100 voit sa valeur de marché augmenter de 120. A l’inverse, si
la valeur du «q de Tobin» est inférieure à 1, l’investissement est négatif car l’entreprise fait un
profit en vendant son capital, dont la valeur de marché est inférieure à son coût de
remplacement. A travers le numérateur du «q de Tobin», les marchés boursiers ont donc une
influence directe sur l’investissement.
Remarque : dans la mesure où les cours boursiers escomptent, en utilisant le taux d’intérêt, la
valeur courante et la valeur future des profits des entreprises, la théorie du «q de Tobin»
intègre, de façon indirecte, l’influence du taux d’intérêt sur l’investissement.
Un autre canal important par lequel le marché boursier exerce une influence sur
l’investissement est celui du crédit, dans la mesure où le coût du capital supporté par une

- 101 -
entreprise est en partie déterminé par la «qualité» de sa situation bilantaire. C’est le
mécanisme de « l’accélérateur financier » vu au chapitre 5. Ainsi, en cas de hausse des cours
boursiers, la valeur nette (mesurée par la différence entre la valeur de son actif et celle de son
passif) d’une entreprise augmente, ce qui pousse les banques à réduire la prime de risque
qu’elles demandent sur les prêts qu’elles octroient. Le coût de financement des entreprises
s’en trouve réduit. A l’inverse, en cas de chute des cours boursiers, la situation bilantaire des
entreprises se détériore, ce qui incite les banques à demander une prime de risque plus
importante pour compenser la perte de valeur sur le patrimoine qui sert de garantie. En cas de
chute des cours boursiers et de détérioration de la valeur nette des entreprises,
l’investissement peut également être réduit par un rationnement du crédit, les banques n’étant
plus enclines à accorder de nouveaux prêts en raison d’un risque qu’elles jugent trop élevé.

8.3.2. Marché boursier, richesse des ménages et consommation

L’influence que le marché boursier peut exercer sur la consommation des ménages est due au
fait que la richesse des ménages constitue un déterminant important de leur niveau de
consommation. Il est en effet traditionnel de considérer que le niveau de la consommation
privée est déterminé selon un modèle du type suivant :
Ct = α + β*YPt + δ*Wt + εt
où : Ct représente la valeur réelle de la consommation des ménages, Yt désigne la valeur réelle
de leur revenu disponible, Wt est la valeur réelle de leur richesse, et εt est un terme d’erreur.
La richesse des ménages comprend plusieurs éléments, les plus importants étant d’une part le
patrimoine boursier et d’autre part le patrimoine immobilier (voir tableaux 8.1 et 8.2).

- 102 -
Tableau 8.1. Composition de la richesse des ménages
(en pourcentage du revenu disponible des ménages)

Allemagn
Canada France Italie Japon UK USA
e1
Actif net2
1981-85 393 405 - 324 560 499 456
1986-90 419 433 - 373 823 636 485
1991-95 457 455 533 467 780 569 485
1996-2000 505 560 584 525 749 678 576

Actifs non
financiers
1981-85 222 315 - 207 409 324 209
1986-90 234 298 - 201 592 413 222
1991-95 248 283 404 249 516 312 202
1996-2000 263 307 427 269 440 320 205

Actifs
financiers
1981-85 242 153 - 124 238 256 317
1986-90 271 216 - 189 342 333 347
1991-95 307 248 221 248 395 365 373
1996-2000 351 321 267 299 449 458 472

Actions
1981-85 49 28 - 8 25 27 37
1986-90 55 84 - 29 63 50 52
1991-95 64 102 36 49 40 68 81
1996-2000 91 134 63 104 38 99 146

Passifs
1981-85 72 63 - 8 86 80 71
1986-90 86 81 - 17 111 109 84
1991-95 98 76 91 30 131 109 90
1996-2000 109 67 110 37 133 111 100
Source : FMI (2002, tableau 2.6)
1 Les données de richesse pour l’Allemagne ne débute qu’en 1990, en raison des ruptures des séries dues à la
réunification.
2 L’actif net est égal aux actifs financiers et non financiers diminués des passifs.

- 103 -
Tableau 8.2. Détention directe et indirecte de titres boursiers par les ménages
américains

1992 1995 1998 2001


Pourcentage de familles qui détiennent des
36,7 40,4 48,9 51,9
titres boursiers
Valeur médiane des titres boursiers (en
13,0 16,9 27,2 34,3
milliers de $)
Valeur des titres boursiers, en pourcentage de
33,7 39,9 53,9 56,0
la richesse financière
Source : Recent Changes in U.S. Family Finances : Evidence from the 1998 and 2001 Survey of Consumer
Finance, Federal Reserve Bulletin, January 2003.

Le lien entre richesse et consommation s’explique de plusieurs manières. Primo, les ménages
peuvent vendre les actifs (financiers ou réels) qu’ils détiennent pour financer leurs dépenses
de consommation. Secundo, la propension marginale à consommer des ménages à partir de
leur revenu disponible peut varier en fonction du niveau de richesse. Par exemple, en cas de
perte de richesse provoquée par une chute des cours boursiers, les ménages peuvent décider
d’augmenter leur taux d’épargne dans le but de reconstituer leur patrimoine. Tertio, dans la
mesure où le patrimoine des ménages peut servir de garantie en cas d’emprunt, la valeur de ce
patrimoine aura une influence sur l’accès des ménages au crédit bancaire et sur le coût du
financement octroyé par les banques. Plus la valeur du patrimoine est élevée, plus l’accès au
crédit sera grand, et plus le coût du financement sera faible.
L’effet «richesse» dans la consommation est généralement plus élevé pour le patrimoine
immobilier que pour le patrimoine boursier. Il y a plusieurs explications possibles à cela.
Primo, les cours boursiers étant plus volatils que les prix immobiliers, il est plus difficile pour
les ménages de déterminer si une modification dans le niveau des cours boursiers est
permanente ou temporaire. Secundo, étant donné la plus grande stabilité des prix immobiliers,
le patrimoine immobilier sert plus facilement de garantie pour un emprunt que le patrimoine
boursier. Tertio, dans la mesure où l’achat d’une habituation est souvent financé par
emprunts, une augmentation des prix immobiliers engendra un rendement plus élevé qu’une
augmentation équivalente des cours boursiers. A titre d’exemple, prenons le cas d’un ménage
qui investit 10.000 euros dans l’achat d’une maison qui vaut 100.000 euros, la différence étant
financée par emprunt. Si les prix immobiliers augmentent de 10 %, le ménage voit sa richesse
augmenter de 10,000 euros, soit un rendement de 100 % sur son investissement. Si le ménage
avait investi 10,000 euros en actions et que les prix boursiers avaient également augmenté de
10 %, son gain aurait été de seulement 1.000 euros. Quarto, le patrimoine boursier est souvent
concentré de façon plus importante que le patrimoine immobilier auprès des ménages les plus
riches, dont la propension marginale à consommer est plus faible que celle des ménages qui
ont des revenus moins importants.
Quelques résultats empiriques sur l’importance de l’effet «richesse» dans la consommation
(voir IMF, «Is Wealth Increasingly Driving Consumption», World Economic Outlook, May
2002, pp.74-85) :
Pour les Etats-Unis, l’étude du FMI estime que pour une variation de la richesse des
ménages de 100$, la consommation varie de 4,5$ lorsque c’est la richesse boursière qui
varie et de 7$ lorsque c’est la richesse immobilière qui varie46. L’effet «richesse» se
développe sur une période de 1 à 3 ans.
Dans les autres pays industrialisés, l’effet d’une variation de la richesse boursière sur la
consommation est souvent moindre qu’aux Etats-Unis : il est estimé entre 1$ et 3,5$ pour

46 A partir de ces estimations, le FMI estime que la chute des cours boursiers américains entre mars 2002 et
septembre 2000, d’environ 20 %, a réduit la consommation privée d’environ 1 point de pourcentage du PIB
(voir IMF, WEO, October 2002, Box 1.1, p. 6).

- 104 -
une variation de la richesse boursière de 100$. Cet effet moindre s’explique par le fait que
dans beaucoup de pays industrialisés, les actifs boursiers représentent une part
relativement moins importante de la richesse des ménages par rapport à ce qu’on observe
aux Etats-Unis. L’impact sur la consommation d’une variation de la richesse immobilière
de 100$ est quant à lui estimé à 4$47. L’étude du FMI montre cependant que dans le cas
du Royaume-Uni, l’ampleur des effets «richesse» est du même ordre de grandeur que
celui estimé pour les Etats-Unis.
Dans les deux groupes de pays, l’effet «richesse» dans la consommation a augmenté au
cours du temps.

8.3.3. Outils simples pour tenter de déterminer l’orientation des cours boursiers

Les cours boursiers étant souvent très volatils, il est particulièrement difficile de prévoir leur
évolution, que ce soit à court ou à plus long terme. Un grand nombre d’approches ont été
développées, notamment en économie de la finance, pour modéliser le comportement des
cours boursiers et prévoir leur évolution. Nous nous intéressons ici à quelques approches
simples, essentiellement macroéconomiques.
Partant de l’idée que le prix d’une action à une période donnée t est déterminé par la valeur
actualisée des dividendes futurs, le prix de l’action peut s’exprimer de la façon suivante
(formulation de Gordon, 1962)48 :
Pt = Dt*( 1 + g )/( i + ρ - g )
où : Pt est le prix de l’action à la période t, Dt est le dividende versé par l’action à la période t,
g est le taux de croissance des dividendes, i est le taux d’intérêt sur un actif sans risque (ex.
obligation d’Etat) et ρ est la prime de risque («equity risk premium»).
Si l’on suppose que les dividendes versés constituent en général une proportion fixe des
profits (D=δE, avec E qui désigne les profits), l’expression ci-dessus peut être réécrite de la
façon suivante :
Pt/Et = δ ( 1 + g )/( i + ρ - g )
Le terme à gauche du signe d’égalité, P/E, représente le rapport cours-bénéfice («price-
earning ratio»).
Selon cette relation simple, le prix de l’actif devrait augmenter (diminuer) lorsque le
rendement de l’actif sans risque ou la prime de risque diminue (augmente) et lorsque le taux
de croissance des bénéfices augmente (diminue). En pratique, cette relation implique que les
prix boursiers dépendent des anticipations que forment les marchés financiers sur l’évolution
des bénéfices et des taux d’intérêt. Dans la mesure où ces anticipations reflètent en partie
l’évaluation qui est faite par les investisseurs de la situation économique et financière, les prix
bousiers peuvent dévier très fortement à certaines périodes de leur valeur fondamentale. Si les
investisseurs sont exagérément optimistes sur les perspectives bénéficiaires, les cours
boursiers auront tendance à être supérieurs à la valeur fondamentale, et l’inverse si les
investisseurs sont exagérément pessimistes.

47 A partir de ces estimations, le FMI estime que la chute des cours boursiers dans la zone euro entre mars
2002 et septembre 2000, d’environ 27 %, a réduit la consommation privée d’environ ¼ de point de
pourcentage du PIB (voir IMF, WEO, October 2002, Box 1.1, p. 6).
48 Il s’agit en effet d’une relation d’arbitrage qui suppose que «le rendement anticipé de la détention d’une
action pendant un an doit être égal au rendement d’une obligation détenue pendant la même période»
(O. Blanchard et D. Cohen, Macroéconomie, Pearson Education, 2002). L’expression est obtenue en
émettant l’hypothèse que le taux de croissance des dividendes et le taux d’intérêt sans risque sont
considérés comme constants dans le temps au moment où le prix de l’action est calculé.

- 105 -
Une manière simple d’évaluer si les cours boursiers dévient de leur valeur fondamentale
consiste à comparer le rapport cours-bénéfice (P/E) des actions observé à une période donnée
à sa moyenne historique. L’inverse du rapport cours-bénéfice («earnings yields») calculé pour
des indices boursiers relativement larges suit en effet une évolution proche de celle du
rendement réel moyen des actions. Par exemple, sur la période 1950-1999, la valeur moyenne
du P/E de l’indice S&P500 a été de 15, ce qui implique un rendement sur bénéfice de l’ordre
de 7 %, ce qui s’avère être le rendement réel annuel moyen des actions américaines depuis la
fin de la seconde guerre mondiale. Si, à un moment donné, la valeur du P/E est très supérieure
(inférieure) à sa valeur historique, on conclura qu’il y a une présomption forte que les cours
boursiers sont surévalués (sous-évalués) et qu’ils devraient par conséquent diminuer
(augmenter). Ainsi, un P/E de 30 implique un rendement réel sur action de l’ordre de 3,5 %,
soit la moitié du rendement calculé sur longue période.
Lorsque l’on compare le niveau du P/E observé à une période donnée à sa moyenne
historique, il est important d’avoir à l’esprit que le niveau du P/E peut se modifier de façon
structurelle. Ainsi, durant une période de plus grande stabilité des fluctuations cycliques, on
pourrait avoir une augmentation du P/E parce que les investisseurs exigent une prime de
risque plus faible. De même, on pourrait avoir une augmentation structurelle de la valeur du
P/E dans une économie qui passe d’un régime de haute inflation à un régime de basse
inflation, si ce changement de régime d’inflation implique une diminution du niveau moyen
des taux d’intérêt. Une augmentation structurelle de la valeur du P/E pourrait également
survenir en cas de choc technologique, si ce choc induit un relèvement structurel du niveau de
la croissance économique.
Pour mieux déterminer la possibilité d’une surévaluation ou d’une sous-évaluation des actifs
boursiers, il est instructif de calculer (voir tableau 8.3):
(i) le niveau de la prime de risque implicite dans le niveau du P/E, en supposant la
croissance des profits égale à la croissance potentielle du PIB réel, et de comparer la
valeur obtenue au niveau historique de la prime de risque; ou
(ii) de calculer la croissance des profits qui est implicite dans le niveau observé du P/E, en
fixant la prime de risque à sa valeur historique, et de comparer le résultat obtenu au taux
de croissance potentiel du PIB réel de l’économie.
Une fois effectués les calculs présentés ci-dessus, se pose ensuite la question de savoir si les
résultats obtenus sont plausibles ou non. Par exemple, existe-t-il une explication plausible à la
réduction de la prime de risque qu’implique un P/E supérieur à sa valeur historique ? Si aucun
élément ne permet de penser que la diminution de la prime de risque est structurelle, alors la
possibilité d’une chute des cours boursiers est à envisager sérieusement. De même, est-il
plausible d’avoir durablement une croissance des dividendes supérieure à la croissance
potentielle de l’économie, sachant que cela implique sur le long terme une augmentation de la
part des profits dans le PIB et que, historiquement, la part des profits dans le PIB est stable ?
Si un relèvement de la croissance du PIB potentiel semble peu probable, il faut alors conclure
que la croissance attendue des profits est surestimée, ce qui augure très fortement d’une
diminution des cours boursiers.
Une autre manière d’évaluer le degré de surévaluation ou de sous-évaluation des cours
boursiers à un moment donné consiste à régresser la valeur du P/E sur un ensemble de
variables macroéconomiques et financières qui sont considérées intervenir dans la
détermination de la valeur «fondamentale» des cours boursiers, et à comparer la valeur
observée du P/E à la valeur qui est induite par le modèle. Comme variables candidates, il y a
par exemple la croissance potentielle de l’économie, le niveau des taux d’intérêt, la différence
entre les taux d’intérêt à long terme et les taux d’intérêt à court terme (comme «proxy» du
cycle conjoncturel).

- 106 -
Tableau 8.3. Estimation du degré de surévaluation possible des cours boursiers
(en pourcentage, sauf P/E)

Historique P/E Rendement Taux de Taux Taux Prime de


(1980-1999) -dividende croissance d’intérêt d’inflation risque
du PIB réel implicite
réel
France 12,5 3,1 2,5 4,9 4,3 0,8
UK 13,7 4,4 2,1 3,6 5,6 3,2
USA 15,6 3,4 3,0 3,9 4,2 2,8
Valeur P/E Rendement Taux de Taux Taux Prime de
récente -dividende croissance d’intérêt d’inflation risque
(1999) du PIB réel implicite
réel
potentiel
France 20,6 2,2 2,5 3,6 1,0 1,1
UK 23,7 2,6 2,4 3,3 1,2 1,7
USA 29,5 1,2 3,2 3,4 2,6 1,0
Degré de Prime de risque historique moins Croissance des dividendes moins
surévaluatio prime de risque actuelle croissance du PIB potentiel
n
France 0,6 0,6
UK 1,5 1,4
USA 1,8 1,8
Note: la prime de risque implicite est calculée de la façon suivante :
ρ=(1+g)(1+π)D/P-(r+π)+(g+π) où D/P = rendement-dividende, g = taux de croissance du PIB réel, r = taux d’intérêt sans
risque ajusté du taux d’inflation π.
Source : FMI, Asset Prices and the Business Cycle, WEO (chapter III), October 2002, Table 3.1.

8.4. Conditions sur les marchés des changes

L’impact du marché des changes sur le cycle économique, bien que non négligeable, ne sera
pas abordé ici. Signalons tout de même que deux canaux importants via lesquels les
mouvements de change influencent l’activité économique sont, d’une part, la compétitivité de
l’économie, et d’autre part le coût des biens importés.

Références
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
International Monetary Fund, «Is Wealth Increasingly Driving Consumption», in Chapter II,
World Economic Outlook, May 2002, pp.74-85.
International Monetary Fund, Asset Prices and the Business Cycle, Chapter III, World
Economic Outlook, October 2002.

Lectures complémentaires
Catte, Pietro, Nathalie Girourad, Robert Price, and Christophe André, « Housing Markets,
Wealth, and the Business Cycle », OECD Economics Department Working Paper n°394,
2004.

- 107 -
CHAPITRE 9. L’IMPACT ECONOMIQUE DES VARIATIONS DU PETROLE

L’histoire économique a montré que de fortes hausses soudaines des cours du pétrole
pouvaient provoquer un ralentissement important de la croissance économique, voire une
récession économique. Dans ce chapitre, nous examinons de plus près les effets d’une hausse
des cours du pétrole sur la croissance économique.
Au plan macroéconomique, une hausse des prix du pétrole a théoriquement les effets
suivants :
détérioration de la rentabilité des entreprises et, de ce fait, contraction de l’offre agrégée.
impact ambigu sur la demande : le relèvement des prix pétroliers peut amener les
entreprises à annuler certains plans d’investissement, mais il peut aussi les inciter à
acquérir de nouveaux équipements qui utilisent moins d’énergie; des prix pétroliers plus
élevés impliquent une perte de pouvoir d’achat pour les ménages dans les pays
consommateurs, mais en revanche, ils impliquent une augmentation du pouvoir d’achat
des pays producteurs.
effet direct net : diminution de l’offre agrégée et hausse du niveau général des prix.
effets indirects : détérioration de la confiance des ménages, chute des cours boursiers,
durcissement de la politique monétaire et hausse des taux d’intérêt, …
L’impact macroéconomique d’une augmentation des prix pétroliers dépend :
de l’ampleur du choc (voir Hamilton, 2000),
du degré de dépendance énergétique : selon l’OCDE (2000), les importations pétrolières
par unité produite des pays de l’OCDE ont été divisées par deux depuis le début des
années 70 et la consommation de pétrole par unité produite a baissé d’environ 40 %.
Illustration quantitative de l’impact macroéconomique d’une hausse des prix pétroliers :
(source :FMI, “The Impact of Higher Oil Prices on the Global Economy”, December 2002)
Cas envisagé: hausse permanente des cours du pétrole de 5$ (soit 20 %) par rapport au
scénario de base
Résultats (voir tableau 9.1):
après un an, la croissance du PIB est réduite de 0,3 point de pourcentage aux Etats-Unis et
de 0,2 point en Europe, par rapport au scénario de référence; l’inflation est quant à elle
supérieure de 0,8 point de pourcentage aux Etats-Unis et de 0,7 point en Europe;
l’effet sur la croissance est plus élevé aux Etats-Unis qu’en Europe car la consommation
énergétique par unité produite est plus élevée aux Etats-Unis qu’en Europe;
l’effet sur l’inflation est plus élevé aux Etats-Unis car les taxes prélevées sur les produits
pétroliers sont moins importantes qu’en Europe.

Tableau 9.1. Impact macroéconomique d’une augmentation de 20 % des cours


mondiaux du pétrole
(pourcentage de déviation par rapport au scénario de base)

2000 2001 2002 2003 2004


Etats-Unis
PIB réel - 0,3 - 0,4 - 0,4 - 0,2 - 0,1
Inflation sous-jacente 0,3 0,3 0,2 0,1 0,1
Inflation 0,8 0,5 0,3 0,2 0,1
Zone euro
PIB réel - 0,2 - 0,4 - 0,4 - 0,2 - 0,1
Inflation sous-jacente 0,1 0,3 0,3 0,2 0,1
Inflation 0,7 0,5 0,4 0,3 0,1
Source : FMI, «The Impact of Higher Oil Prices on the Global Economy», Table 2, p. 16.

- 108 -
Remarque concernant l’impact macroéconomique d’une variation des cours pétroliers :
plusieurs études (voir par exemple Hamilton (2000)) suggèrent que les variations des prix
pétroliers ont des effets asymétriques sur la croissance économique : d’une part, ce n’est
qu’en cas de hausse des cours pétroliers, mais pas en cas de baisse, que la croissance
économique est affectée de façon significative; d’autre part, les hausses des prix pétroliers qui
interviennent après une longue période de stabilité ont un impact plus important sur la
croissance économique que les hausses qui font suite à une période de baisse.
L’évolution des prix internationaux du pétrole dépend de nombreux éléments, à la fois
économiques, financiers et géopolitiques. Pour la prévision à court terme, on prendra
notamment en considération les éléments suivants :
La consommation mondiale de pétrole est fortement sensible aux variations de la
croissance économique mondiale;
La production mondiale de pétrole est en grande partie déterminée par la stratégie de
l’OPEP : les pays membres du cartel de l’OPEP représentent en effet environ 40 % de la
production mondiale de pétrole et 60 % du pétrole échangé sur les marchés
internationaux;
Les prix sont influencés par le niveau des stocks : étant donné que l’offre de pétrole est
faiblement élastique à court terme, l’adéquation entre la demande et l’offre de pétrole se
fait essentiellement par le biais des stocks;
La production et la consommation de pétrole ont un comportement saisonnier important,
avec un pic au dernier trimestre de l’année et un creux au deuxième trimestre de l’année ;
Le marché du pétrole étant à un véritable marché « financier », le prix du pétrole est
influencé par les comportements spéculatifs des investisseurs.

Références :
(les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire)
Hamilton, James, «What is an oil shoch ?», NBER Working Paper n°7755, juin 2000
OCDE, Perspectives économiques n°67, Mai 2000, p.15.

Lectures complémentaires :

(*) Banque centrale européenne, « L’incidence des cours du pétrole sur l’économie de la zone
euro », Bulletin mensuel de la BCE, Novembre 2004, pp. 51-64

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