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IN MEMORIAM Frangois-Joseph Thonnard 1896 - 1974 Nous avons le pénible devoir de faire part & nos amis du décés du Pive Thonnard, survenu le 1t mai 1974 en Belgique, son pays natal. Ii était entré dans la Congrégation des Augustins de VAssomption en 1918. Id enseigna longtemps la philosophic et Uhistoire de la philosophic et fit binéficier quantité @étudiants de son savoir, en publiant le Précis @his- toire de la philosophic (1937), Jes Extraits des grands philosophes (1946), et le Précis de philosophie (1950), plusieurs fois édités et traduits, Membre de l’ Institut des Etudes Augustiniennes, il a publié les volumes 6 (De magistro, De libero arbitrio, 1941) et 7 (De musica, 1947) de la Biblio- théque Augustinienne, ed collaboré & plusieurs autres ouvrages de cette col- lection, notamment Dédition de la Cité de Dieu et des traités antipélagiens. Ik a écrit de nombreux articles sur la philosophie augustinienne et sa poslé- rité, ainsi que sur la théologie augustinienne de la grace. Il est aussi Pauteur d'un Traité de vie spirituelle 4 Pécole de saint Augustin (1959). Il avait deux matives, saint Augustin et saint Thomas d' Aquin, et com- muniait au « sens du mystire qu'ils possedent un et Vautre éminemment », comme il Pécrivait a la fin de son dernier article (1a notion de liberté en philosophie augustinienne — Revue des études augustiniennes, 16, 1970, Pp. 270). Raison et mystique chez Plotin C'est fe probléme fondamental du plotinisme. Je lui avais consacré une brave étude dans la Revue philosophique de Louvain WAodt 1961, sous le titre « Valeur critique de la mystique plotinienne », Une conférence faite 1 P'U.E.R. de philosophie de Université de Lille IIT, le 5 décembre 1973, a été l'occasion de remettre ouvrage sur le métier. On trouvera ici une rédaction abrégée de cette causerie. Ia pire solution serait d’établir um savant dosage qui donnerait & Plotin, par exemple, 49 % de raison et 51 %, de mystique, ou inversement. Je voudrais montrer, au contraire, que ces deux fonctions ne sont pas inversement, mais directement proportionnelles, parce qurelles ne se tiennent pas sur Je méme plan et donc ne «s'entrempéchent » d’aucune fagon. En sorte que Pauteur des Ennéades peut etre intégralement mystique et intégralement critique a la fois. Cest méme sans doute parce qu'il est intégralement mystique qu'il conduit si loin le dialectique dans cette interprétation du Parménide qui est le coeur de sa pensée comme du néoplatonisme tout entier. Je suivrai Pédition Henry-Schwyzer des Ennéades, maintenant achevée, qui s’écarte parfois de P’édition Bréhier. En quel sens Plotin est-il mystique ? Ce terme a recu, en effet, les interprétations les plus diverses. Décrié au x1x® siécle, ott il stigmatisait le fanatisme irrationnel, exalté au xx* pour signifier tout engagement fervent (on a parlé de « mystique de la production » et de « mystique de la terre »), employé dans le grec moderne pour qualifier tout ce qui est secret (comme tn vote ou une pochette-surprise). Dans la perspective plotinienne, nous emploierons pour signifier qite ni l'intelligible ni Ja plus pure contemplation ne sont le Bien souverain et 4 JEAN TROUILLARD ne doivent arréter l’essor de l’esprit, mais quwils sont suspendus a une présence supérieure a Pordre noétique et génératrice de cet ordre. C'est Vaffirmation non seulement d’un au-dela de la conscience, mais aussi d'un au-dela de l’intuition et de l’étre. Cette interprétation audacieuse de Platon distingue nettement le néoplatonisme du moyen platonisme qui le précédait. Elle ne sera pas comprise par saint Augustin ni par ses disciples, mais elle sera retenue par Erigéne. Dans les Ennéades elle se présente souvent a travers un refus de la Pensée de la pensée d’Aristote comme terme supréme. Des Péripa- téticiens Plotin écrit : «Ceux-la, n’ayant rien trouvé qui ait plus de valeur (que la pensée) ont donné au Bien la pensée de lui-méme, comme s°il devait devenir plus vénérable par la pensée, comme si l'acte de penser était supérieur 4 ce qu'il est par Ini-méme, comme si ce n’était pas lui qui rend vénérable Ja pensée » (VI. 7. 37, 3-7). La Ve et la VIe Ennéade reprennent maintes fois ce probléme qui semble étre le centre générateur du plotinisme (par exemple V. 3. 10 et 16 ; V. 5. 133 VI. 7. 20, 37, 38, 39, 41 ; VI. 8. 12). «Car la pensée est peut-étre un secours accordé A des étres qui certes sont divins, mais de rang iniérieur, et pour ainsi dire un ceil donné a des aveugles » (VI. 7. 41, 1-3). Un traité entier, V. 6., est consacré ce probléme. Porphyre 1’a intitulé : «Ce qui est au-dela de Pétre ne pense pas ». Ce qui fait pour Plotin Vimperfection congénitale de la pensée et de Lintelligible (qui sont strictement homogénes et corrélatifs), c'est qu’ils s’écartent nécessairement de l’absolue simplicité. Dés qu’on cherche & agir sur soi-méme ou A se penser soi-méme, on se divise d’avec soi-méme ct on fait surgir une altérité ou ume distance entre ce qui est vu et ce qui voit. «Hi faut que Pétre pensant, das qu'il pense, consiste en deux termes. Que Pun de ces termes soit extérieur 4 lui ou qu’ils soient tous les deux dans le méme étre, la pensée se tiendra toujours nécessairement dans une altérité et une identité » (V. 3. 10, 23-25). «Le pensant ne peut rester simple, d’autant moins qu’il se pense Jui-méme, car c’est 1a se scinder (81yéce1 yap adtd Eavtd), méme s'il se recueille dans le silence » (V. 3. 10, 44-45). Jillustrerais volontiers ces affirmations de Plotin par quelques lignes de Michel Henry, tirées de L'essence de la manifestation, I, p. 87. « Tessence de la présence est Valiénation. La présence a soi de l’étre est une avec sa s¢éparation dans le devenir autre ; elle se constitue dans Je dédoublement de 1’étre, dédoublement dans lequel celui-ci s’apparait & lui-méme et entre ainsi dans la condition phénoménale de la présence. « Toute présence a, dit Sartre, implique dualité, donc séparation ». Et plus loin : «La présence de l’étre A soi implique un décollement de RAISON ET MYSTIQUE CHEZ PLOTIN Yétre par rapport & soi». Enfin : «La présence est une dégradation immédiate de 1a coincidence, car elle suppose 1a séparation ». Comme le remarque plus loin Michel Henry, tout cela signifie qu’on ne pense que la relation ct dans la relation. La clarté de lesprit s’achéte par une certaine absence, D’oit cette oscillation que décrit Plotin dans V. 8. 11, de la coincidence obscure a la distance consciente. On voudrait cumuler les avantages de l’immédiation et de la lucidité, et on ne peut. Alors on va sans cesse de l'une & l'autre Cette coincidence que Plotin déclare impossible & la pensée et place au-dela de la contemplation, il ne la congoit nullement comme te pure transcendance. Le transcendant, dit trés bien René Arnou, cest «le dedans du dedans » : (V. 3. 14, 15). 1?Un désigne assurément un principe ineffable identique au Bien, mais en méme temps un état permanent de Pesprit et de Ame qui Penracine immédiatement dans son origine et que Plotin nomme « la source de Vesprit », «la racine de Ame (VI. 9. 9.2), «le centre de ame » (VI. 9. 8, 10), La transcendance néoplatonicienne nest jamais extériorité, mais antériorité génératrice, point de départ inépuisable. Si nous aspirons vers Vextase, si c'est «1a fin du voyage », cest parce que nous tendons a refermer le cycle psychique. Il est normal qu’aprés P’écart dela procession la conversion nous raméne & la « manence » initiale (ov) de notre propre centre dans le centre universel. «Tl faut qu'un étre qui pense saisisse une chose et puis une autre et que ce qui est pensé, puisqu’on le congoit distinctement, offre de la diversité. Sinon, il n’y a pas pensée, mais un toucher (Oiéts) et une sorte de contact ineffable et inintelligible (grap 6vov dpprtoc Kal @vdnt05) antérieur 4 la pensée (rpovootoa), quand la pensée n'est pas encore née (otx@ vod yeyovétos) et qu'il y a toucher sans pensée » (V. 3. 10, 40-44). Remarquons ces métaphores du toucher que Plotin préfére souvent A celles de la lumiére, quand il décrit Punité prénoétique, et que nous retrouvons dans ’extase finale (VI. 9. 11, 24; V. 3, 17, 34). Celle-ci est donc 4 la fois principe et fin. «/ame.., engendre des dieux dans Ie silence par son contact (éragf}) avec l’Un, elle engendre la beauté, elle engendre la justice, elle engendre la vertu, Voila tout ce que congoit Pame fécondée par la divinité (xAnpwdetca S200) et tel est son principe et sa fin (apy Kat téA0¢) » (VI. 9. 9., 18-27). Si Pextase est un point de départ, on a grand tort d’employer ce mot. Tl faudrait dire « enstase », puisqu’il s’agit non d’une sortie de soi, mais dune réflexion intégrale sur soi, comme l’affirme VI. 9. 11, 38-41. Mais Plotin n'est pas responsable de cette appellation, puisqu’il n’emploie ce terme qu’une seule fois (VI. 9. 12, 23) au milieu de plusieurs autres imétaphores, dont Groots qu’on pourrait traduire en commentant un peu : retour & 1a simplicité originelle. « L'ame redevient ce qu’elle était » (VI. 9. 9, 22). Nous venons de rencontrer (VI. 9. 9, 20) le terme de « fécondation » de Lame par la divinité. Il se trouve également dans V, 2. 1, 10 et 19. Cest 6 JEAN TROUILLARD une allusion A une these essentielle de Plotin. Le monde intelligible n'est pas hors de nos Ames : gopév Exaotog KOcHog vontés (ILL. 4. 3, 23). Nous savons que Porphyre, arrivant 4 l’école de Plotin, achoppa sur cette position, la discuta avec Amélios et finit par l’admettre (Vie de Plotin, 18). Mais le Maitre va plus loin, puisqu’il admet que c’est esprit on Lame fécondée par 1’'Un qui engendre son propre monde intelligible et ainsi se fait pensée. L,intelligible n’est done pas un tableau inerte qui nous serait livré tout fait, mais le déploiement d’une simplicité primitive a l'intérieur de chacun. Bien plus, cette procession interne de la pensée ne se présente pas seulement comme une dérivation, mais comme une sorte de déchéance, Sans doute, la chute proprement dite est le fait de Ame et méme de la seule puissance médiane de l’ame (quand la raison se laisse confisquer par Tégocentrisme biologique), tandis que la puissance supérieure demeure infaillible et impeccable dans la contemplation. Mais cette contemplation elle-méme n'est pas exempte d’impureté et prépare la chute parce qttelle regarde [’'Un dans le miroir du multiple, c’est-a-dire parce qu'elle s’efforce de le penser. Plotin emploie le méme terme téApa (témérité) pour qualifier 1a dispo- sition de ’Ame qui tombe (V. 1. 1, 4) et celle de Pesprit qui se fait tel en se détachant partiellement de Un : « Il a eu la témérité de se détourner en quelque fagon de l’'Un (dxootfivat 5& mag tod &vdg toApioac) » (VI. 9. 5, 29)! Ce détachement de I'Un est plus largement décrit dans III. 8, 8, 31-38 comune une descente dans la multiplicité. «Quand Vesprit contemple I'Un, ce n'est pas comme Un (dg gv) qu'il Je contemple, sinon l’esprit ne naitrait pas. Mais partant de I’unité, Vesprit n'est pas demeuré 4 son point de départ (ody dc fipEato Xpewev), mais il est devenu multiple 4 son insu comme accablé par une charge trop lourde (ofov BeBapnpévoc), et il s’est déployé en voulant contenir la totalité des étres (combien il efit été meilleur pour Ini de ne pas le vouloir, car il s’est donné ainsi le second rang |). Sétant déployé comme un cercle, il est devenu figure, surface, circonférence, centre et rayons... » En somme, la pensée de I’Un n’est pas une. Et la naissance de la pensée, Clest ce passage de la simplicité pure A la totalité, celui de la 17° A la 2¢ hypothése du Parménide (selon l’exégése néoplatonicienne), quand les négations engendrent les affirmations et quand la théologie négative se reverse dans une ontologie et dans un univers, Or toute totalité est unité dune pluralité, et méme si cette pluralité est surmontée il reste un abtme entre le tout (obtenu par synthése) ef Pun (dégagé par négation). Quel que soit enchantement du monde intelligible ott tout est intérieur 4 tout et que Plotin célébre souvent avec lyrisme, I’unique nécessaire, 1. Sur cette notion pythagoricienne de toda voir Naguib BATADI, La pensée de Plotin, P.U.P. 1979, RAISON ET MYSTIQUE CHEZ PLOTIN 7 Vinconditionné s'y dérobe. L’Un west pas saisi comme un, mais a travers les médiations qui le font absent, La conversion n’est pas parfaite, Pour illustrer cette manitre de caractériser la connaissance, évoquons Papologue que Jacques Paliard a plac¢ la 1° page de son petit ouvrage Le monde des idoles®. ‘Trois personnages regardent a leurs pieds les débris d’un objet brisé. «En tombant, dit Philonous, notre pensée s'est cassée. Restent ces fragments, File était donc bien haut, demande Simmias ? Elle est donc bien maladroite, interroge Criton ? Je ne sais, réplique Philonous,.. Peut-étre n’existe-t-clle qu’en tombant. Ir Ce caractére originel de l'union mystique pose quelques problémes. On s'est demandé s’il ne cachait pas une forme de panthéisme. Car cette coincidence pourrait @tre comprise ou comme une communication ou comme une identité fondamentale. Il ne suffit pas de répondre ici avec Gilson? que ce danger s’évanouit dés qwon cesse Winterpréter I'Aénologie plotinienne selon les principes @une ontologie. Dans une ontologie ou dans une philosophic de !’Btre, le principe donne ce qu'il est, Bere fait des étres : c'est 1a création. Dans une hénologie ou dans une philosophie de I'un, le principe donne ce qu’il west pas, IUn ou le Non-ftre fait des étres : c'est la procession-conversion. «Nous sommes donc, écrit Gilson, 4 exact opposé des ontologies chrétiennes de ’étre. Quid enim est nisi quia tu es, demandera bientét Saint Augustin ? S'il se fit adressé non au Dieu chrétien de ’'Exode, mais 4 I'Un de Plotin, Augustin eft sans doute formulé sa question d’une autre maniére ; non plus « Qu’y a-t-il qui soit, sinon parce que tu es ? », mais au contraire « Qu’y a-t-il qui soit, sinon parce que tu n’es pas ?» (p. 42). Il est vrai, comme Plotin le répéte, que I'Un west rien de ce qu'il produit tant que ses dérivés sont considérés comme des étres. Mais si ces étres sont un avec I'Un par leur racine ou leur centre (émis xa6’ Evootv, dira Proclos)*, la difficulté renait. Tous les dérivés ne vont-ils pas se fondre dans une unité indiff¢renciée ? La réponse est symbolisée par un schéma géométrique qui revient plusieurs fois dans les Ennéades (par exemple VI. 5. 5 ; VI. 9. 8.). Considé- 2, Volume I, Fragments $Atcan}ro34. 3. Litre of Vessence, Vein 1948, p. 41-45. 4. In Platonis Theologiam, Portus III t, p. 121, 8 JEAN TROUILLARD rons le centre d’une circonférence comme 1a puissance génératrice des rayons et de la circonférence elle-méme. Tous ces rayons ont le méme centre, et pourtant chaque rayon a son centre singulier en tant qu'il se référe & un point s‘irradiant selon une orientation déterminée. « Is'agit, écrit Emile Bréhier, d’extraire d’une image spatiale ce qu'elle ade dynamique, de considérer les directions sans les grandeurs, les forces sans leurs sujets étendusS ». Les rayons représentent les essences des dérivés, les centres la coinci- dence dont ils jaillissent, ces essences distinguent et singularisent P'unité qui est Porigine de leur déploiement. Pourtant elles n’enferment pas les esprits dans leurs limites, puisque celles-ci restent portées par Pindivi- sion de leurs foyers. Ny a-t-il pas chez Plotin un panthéisme plus subtil qui se manifeste dans la nécessité de 1a procession ? Cette thése souvent proclamée ne menace-t-elle pas la transcendance du principe et I’ autonomie des dérivés ? De quelle nécessité s’agit-il ? Certainement pas @’tme nécessité pouvant s'exprimer par quelque dialectique descendante. Bréhier remarquait, a propos de la thése du P. Festugigre, que chez Platon lui-méme aucune dialectique ne part du Bien, mais des genres du Sophiste ou des éléments du Philébe qui sont déja multiples et dérivés®, A plus forte raison, chez Jes néoplatoniciens pour qui le Bien n’est plus ’idée du Bien, mais [Inef- fable, il ne peut y avoir entre celui-ci et les intelligibles aucune dialectique, mais seulement procession. Et si toute dialectique synthétique peut étre regardée comme une procession, il n'est pas vrai que toute procession soit dialectique, surtotit quand il s’agit de fa genése méme de intelligible, Procéder n’est pas nécessairement résulter. Tlest évident que jamais la procession n’est congue comme une dégra- dation ou une altération du principe. Cette interprétation consisterait a prendre a la lettre les figures de l’émanation, telles que nous les voyons aujourWhui, Noublions pas que pour les néoplatoniciens 1a diffusion de la lumiére ne diminuait en rien la source solaire qui était en quelque sorte immatérielle. De toutes fagons Pémanation n’est qu'une image, tout comme 1a fabrication artisanale qui sert souvent a représenter la création, Et ici toute image est fonciérement inadéquate. Cest une loi néoplatonicienne qu'un producteur est @autant plus efficace qu'il demeure indépendant et pur de toute relation daus son activité productive. L’action véritable nait de Ia plénitude de la contem- plation. Bien plus, elle est la contemplation méme dans son effusion spontanée, Ce qui aboutit A ce paradoxe qu'on agit d’autant plus qu’on se soucie moins d’agir. Plotin nous le dit dans une formule bien frappée. « A ces étres bienheureux il suffit de demeurer en eux-mémes et détre ce qu'ils sont... Telle est leur félicité que sans agir (évt Wi} mo1etv) 5. Ennéades VI, Ife partie, Les Belles Lettres, notice p. 172. 6. Platonisme et néoplatonisme, dans Etudes de philosophic antique, P.U.P. 1955, Pp. 56-64. RAISON ET MYSTIQUE CHEZ PLOTIN Cl ils font de grandes choses et qu’en demeurant en eux-mémes (év 16 89” Zavtob yévew) ils accomplissent des ceuvres non négligeables » (III, 2. 1, 41-45). Bien entendu, une telle fécondité exclut toute nécessité d’indigence. Le Bien ne produit pas pour se compléter. «... Celui qui est principe de lessence n’a pas fait I’essence pour Iui- méme, mais l’ayant faite il l’a laissée hors de Jui, parce qu'il n’a nullement besoin de l’étre qu'il a fait » (VI. 8. 19, 16-19 — Cf. V. 5. 12, 47). La nécessité de la procession est donc de pure surabondance, celle qu’on exprimera at Moyen Age par l’adage ; « Bonum diffusivam sui », «Btant parfait en ce qu’il ne cherche rien, ne posséde rien et n’a besoin de rien, 1’Un est pour ainsi dire en acte de sureffluence (brepeppbn) et sa surabondance (10 OepmA‘jpec) produit un autre que lui» (V. 2. 1, 7-9)". Déja Platon répétait, contre une des tendances de la religion grecque, que la divinité nest pas jalouse, mais agit par générosité®. Et la générosité est une manifestation de spontanéité et de liberté. Cest ce que Plotin, pressé d’objections, finira par dire, en prévenant qu'il parle par figures. Le Bien est pour ainsi dire « cause de soi » (VI. 8, 14, 42) et « pure liberté » (VI. 8. 20, 18). Proclos insistera sur ce point : Le Bien est générosité effective, car la perfection du bien n’est pas de le posséder, mais de le prodwire (cd dya8oupyév)*. Ce qui fait surgir une nouvelle objection. Le Bien ne serait pas tel s'il ne se communiquait. Des lors il dépend de ses dérivés, Il ne serait pas principe s’il n’engendrait, il ne serait pas un s°il n’unifiait. Cela est exact. Mais les néoplatoniciens répondent par leur théologic négative, Ni le Bien, ni PUn, ni le caractére de principe ne sont des attributs, ce sont des fonctions qui définissent la dépendance des dérivés (Cf. V. 5. 6.). L’Ineffable n’a tien a y gagner ni rien a y perdre. Toutefois un certain malaise subsiste chez ceux qui sont habitués au langage créationniste, qui est plus artisanal et psychologique. Pourquoi les néoplatoniciens sont-ils si sévares 4 Pégard de ce langage, comme le sera tn jour Spinoza, et rapprochent-ils avec complaisance la procession de ces émanations de nature (diffusion de lumiére, chaleur, odeur, courants,..) qui semblent inférieures aux productions libres ? Pourquoi surtout préférent-ils des schémes géométriques ou arithmeétiques ? La raison de cette préférence est a la fois historique et doctrinale. Tandis que 1a pensée judéo-chrétienne s’efforgait de penser la création en sublimant et en purifiant le modale artisanal, la tradition pythagori- cienne et platonicienne développait de son cOté une théorie de la procession 7. Cf. Procros, Eléments de Théologte 26 et 27. 8. Phédve 247 a, Timée, 29° 9. Bl, Th, 122. CE, In Timacum, Diehl I, 372, 31-373, 3. 10 JEAN TROUILLARD illustrée par un modéle mathématique, On sait importance que 1a théorie des nombres avait pris dans le dernier platonisme. Il semble que les réopythagoriciens aient congu un peu avant Lére chrétienne une génération intégrale des nombres, donc de toutes choses, a partir de la monade. Nous en avons un témoignage tardif chez Diogéne Laérce dans sa Vie de Pythagore (VIII, 1). Les néoplatoniciens ont adopté cette tradition en T’assouplissant, comme on Ie voit dans le traité plotinien des Nombres (VI. 6). Us ont préféré le schéme mathématique a Pimage artisanale sans doute parce que ce schéme suggérait une intériorité plus stricte entre les dérivés et le principe; comme entre le nombre et Iunité. Ensuite il éliminait 1a distinction du possible et du réel, de la finalité et de ’efficience. Enfin ils y voyaient le déroulement d’une intuition qui, partant du plus simple, progresse du tout aux parties, du centre a la périphérie, alors que la démarche artisanale semblait ceuvrer par analyse et synthése discursives. C’est cet écoulement rythmé qu’ils croyaient retrouver dans les éma- nations de nature. Les processus naturels qui n’assemblent pas des élé- ments, mais déploient des germes contenant d’embléc Porganisme tout entier, leur paraissaient plus évocateurs que les réalisations techniques. Il ne faut donc pas voir dans cette préférence une volonté de ramener Vesprit aux automatismes de la nature, mais au contraire un essai de se servir de la natute comme image des meilleures démarches de esprit. Le début du traité ITI. 8, montre que toute vie est une forme de pensée et que toute efficacité, méme minérale (car tout est vivant, méme la terre, pour Plotin), est une contemplation obscure qui se cherche et s'épanche. En somme, esprit n’est référé A la nature que dans la mesure ott la nature a été assimilée a esprit. Elle devient un miroir dans lequel nous entrevoyons une initiative supérieure au libre arbitre et aux combi- naisons du discours. Soyons maintenant pour un instant plus plotiniens que Plotin. Deman- dons-nous si, tout compte fait, dans la perspective néoplatonicienne, la nécessité de 1a procession est plus qu'une métaphore, En réalité, il n'y a pas de nécessité sans normes, I'Un n’en est pas une et les normes dérivent de la procession, La genése de la nécessité n'est pas nécessaire. La proces- sion serait-elle donc contingente ? Pas davantage, puisque la contingence implique un jew de possibles dont un seul est réalisé, et qu'il s’agit ici précisément de susciter la possibilité. Cette conclusion ne doit pas nous surprendre. Nécessité et contingence sont des catégories du constitué et ne peuvent caractériser une constitu- tion aussi radicale, Le schéme mathématique a donc une valeur polémique et corrective contre Panthropomorphisme technique. Mais Iui-méme doit étre dépass¢, comme Spinoza I'a fait dans un autre contexte, RAISON ET MYSTIQUE CHEZ PLOTIN i I Si tele est la mystique plotinienne, fondamentale avant d’étre finale, mais principe de distinction et d’autonomie chez les esprite, quelle est exactement la fonction de 1a raison et de la philosophic ? D'abord elle est délestée de la tache impossible de produire l’extase. Plotin ne dit jamais que la contemplation ni la dialectique produiront en nous Punion mystique. Elles nous conduiront sans doute a Vaffirma- tion de !’Un, mais de ’Un saisi 4 travers la multiplicité intelligible (et donc nig), comme dans la 2° hypothése du Parménide. Si de 14 nous passons ala véritable unité, c'est que déja elle nous portait et se donnait la pensée a titre de médiation. Ainsi tombent quelques faux problémes, et la mystique plotinienne est délivrée des restrictions que 1a pensée lui imposerait si elle ’'engendrait. On a parlé de « mystique philosophique », de « mystique naturelle », de « mystique mineure », parce qu’on y voyait une conquéte de 1a raison et méme de Ia raison spéculative. Mais on se donne une peine bien inutile pout forger ces notions hybrides, parce qu'on se place dans une perspective inverse de celle de Plotin et on ne rejoint pas les caractéres que celui-ci reconnait 4 l’'umion mystique. «.,, Telle est la fin véritable de l’Ame, étre en contact avec cette lumiére (&payacdar patds xeivov), 1a voir elle-méme par elle-méme, non par une autre lumiére, mais par cette lumitre méme par laquelle elle voit. Car c'est cette lumigre méme par laquelle l’ame est illuminée qu’il Ini faut voir. Le soleil non plus n’est pas vu dans une autre lumigre. Commeut y arriver ? Retranche tout (pede ndvta) » (V. 3. 17, 33-38. CE V. 5. 7). Notons ce «retranche tout» qui pourrait bien définir le réle de la raison. Il ne conseille pas du tout I’évasion vers une sorte de nirvana ot Yon abandonnerait toute pense distincte. Plotin a enseigné et discuté toute sa vie. Faire le vide dans sa téte, A supposer que ce soit possible, c'est encore rester prisonnier de ses évidences. Retrancher tout, c'est plutét entreprendre une critique radicale. Le méme théme est évoqué par plusieurs autres figures cathartiques, et particuliérement par l'image du dépouillement que Proclos reprendra dans son Commentaive de lV’ Alcibiade!. I/initié qui monte de degré en degré vers le dieu doit abandonner un a un ses vétements pour se présenter nu devant tui. «... Jusqu’A ce que, ayant abandonné dans cette ascension tout ce qui est étranger au dieu, il le voie lui seul par lui seul (adt@ pov adtd povov Sn), isolé, simple et pur... » (I. 6. 7. 8-10). Et voici une nouvelle précision ; 10, Westerink, 179, 11-180, 3. 12 JEAN TROUILLARD Le sage... saura qu’on ne voit Je principe que par le principe (apf dpyfiv 6p%)... L’ame n’entrera pas dans un autre, mais en elle-méme, et n’étant pas dans un autre, elle n’est pas dans le néant, mais en elle-méme. Et du fait qu'elle est on elle seule et non dans Péire ; elle est en lui (PUn) (10 68 év abti] Udvy Kal odK évtH Svu &v exelve) » (VI. g. II, 31-47). Etre en 1'Un et étre en soi, c'est méme chose. Mais étre en 1’Un, c'est beaucoup plus que le « contact tangentiel » dont parlait Jacques Paliard. Nous avons trois formules convergentes : voir la lumiére par la Iumiére —e dieu seul par fui seul — le principe par le principe. Ce qui signifie une métamorphose non seulement de Pobjet vu, mais aussi du regard, «une autre maniére de voir (GAhog tpdxog tod iSeiv) » (VI. 9. x, 21). «... Fermant les yeux, il faut échanger cette forme de vision (yw) contre une autre, et éveiller celle-ci que tous possédent, mais dont peu font usage » (I. 6. 8, 25-27). Bien entendu, ce langage est métaphorique, puisqu’il ny a dans ce retour a 1’Un ni sujet ni objet ni vision. Mais il est difficile de trouver des expressions plus fortes. Et la théologie chrétienne a souvent emprunté str ce point la problématique néoplatonicienne. Dés lors il ne faut pas lire trop vite la célébre formule qui termine Védition porphyricnne des Enndéades : « fuir seul vers le seul », Ces mots ne recommandent pas une fuite au désert ou une vie érémitique que Plotin n'a pas pratiquée, sauf pent-@tre quand la maladie I'a contraint dese retirer 4 Minturno. Ils signifient une simplification, ane concentration de vie qui référe purement 1’Un tous les niveaux de notre étre. Car al faut que tous les ordres de notre moi fonctionnent. Malgré une austérité qui semble plus caractérielle que doctrinale, Plotin ne conseille nullement un suicide psychologique, D’abord parce qu’il croit que tous les degrés de la procession, méme la nature qu'il défend contre les gnos- tiques, ont quelque chose de divin et d’éterel, en tant que chacun est une manifestation irréductible de !’'Un, Ensuite parce qu'il sait que nous ne pouvons nous fixer dans le meilleur de nous-mémes sans médiations. Nous ne rejoignons pas ce que nous sommes sans déployer le circuit expressif intégral. Notre Ame est toutes choses, elle récapitule tous les degrés de la procession. Et ceux-ci ne sont pas en elle des étapes passagéres, mais des étages permanents qui contribuent a former sa structure, méme quand ils sont inconscients. ‘Tous sont donc nécessaires, puisque chacun a son mode original d’expres- sion, La pensée se donne des normes et des intuitions, 1a raison des notions et des discours, Pimagination des figures et des mythes. Les sens externes eux-mémes ont besoin de stimulants. Et c'est 14 peut-étre un point que Je pessimisme de Plotin sur la matiare n'a pas suffisamment reconnu. Ce qui provoquera par réaction 4 partir de Jamblique Pintégration de Ja théurgie & 1a doctrine néoplatonicienne. Mais chaque fonction peut confisquer a son profit 'énergie du moi et refouler les autres ordres dans Pinconscience, RAISON ET MYSTIQUE CHEZ PLOTIN 13 «Chacun est Phomme selon lequel il agit (Sottv éxaotos Kad? dv avepyet) » (VI. 7. 6, £7). I faut donc qu’il y ait un organe de jugement et de régulation qui redresse les expressions et les empéche de devenir écrans. Tout comme les séduc- tions du sensible peuvent masquer lintelligible au lieu de le révéler, la clarté de Vintelligible peut détourner de ce que 1'Un offre de nocturne a la conscience et A la pensée. (CE. V. 3, 6, 15-21). Il faut évidemment que cette fonction qui juge les autres Se juge et se critique elle-méme, sinon nous serions renvoyés A T'infini. Telle est la raison, terme qui enveloppe a la fois la vénotg intuitive et la Sidvoiw raisonnante. Ht Pexercice intégral de 1a raison, selon Plotin, c'est 1a philosophie. Dans ces conditions, le xéle principal de la philosophie ne sera pas de nous donner une vision du monde ni de construire un systéme savamment articulé. Cela, c’est 1a pensée spontanée qui accomplit, puisque nots centre engendre spontanément sa sphére intelligible par un acte qui est Lautoconstitution de Vesprit. La philosophie s’efforcera plutét de retrouver, par dessous les déformations discursives et passionnelles, Ia genése de la pensée dans sa transparence et sa naiveté originelle. D’ailleurs, comme le soulignait Bréhier, tandis que Platon découvre les idées 4 l'état isolé, puis les articule comme des relations et les suspend 4 un inconditionné comme ses conditions, Plotin qui part de P'état final du platonisme se donne !’intelligible comme un acte total qui développe 4 Pintérieur de Iui-méme ses différences. C’est ainsi que les catégories du Sophiste (mouvement, repos, étre, méme et autre) apparaissent comme les conditions de la pensée, Il faut, en effet, que esprit procéde en demeu- rant en lui-méme, qu'il s‘identifie 4 son objet et sen distingue, qu’il le diversifie et le raméne a I’unité d’un systéme de relations (V. I. 4). Plotin nest pas avant tout un dialecticien i un architecte, quelle que soit sa puissance d’invention, qu'il ne mattrise pas toujours parfaitement, IL préfére analyser des actes et des totalités. La fonction primordiale de 1a philosophie sera done moins constructive que critique, en termes néoplatoniciens plus conversive que processive. On discute de nos jours pour savoir si la philosophie a un objet et on croit la dissoudre en lui déniant tout objet propre. Plotin répondrait sans doute que la chose importe peu, car si la philosophie a un objet, sa tache consiste a le dépasser. La philosophie doit détacher l’esprit de son paysage, l’amener a traverser tout contenu, mettre 4 distance nos meilleures évidences. Puisque l’acte principal de 1a raison est de se juger soi-méme, il appro- fondira Técart entre ordre noétique comme tel et l'inconditionné. IL fera ressortir la relativité de toute intelligibilité. Chez Plotin, il n'y a pas de vérité absolue, car l’absolu n'est pas vérité, mais ce par quoi il y a vérité. Plus précisément, s’il y a un entendement divin qui est le vot¢ total, ce n’est qu'un absolu ordinal, puisque Pordre de Pesprit n'est pas Pabsolu pur et simple. A Pinverse de la démarche spinoziste, la liberté u’est pas fondée dans les Ennéades sur la vérité de Vessence, mais la 14 JEAN TROUILLARD vérité dérive de la liberté de ’'Un, a laquelle les esprits sont associés par leurs centres. «Nous étant dlevé vers lui, devenus lui seul et ayant retranché tout le reste, que dirons-nous de cet état sinon que nous sommes plus aue libres et plus qwindépendants (nAgov 1] &heb0epor Kai xAgov ¥ abteEobator) ? » (VI. 8. 15, 21-23). Il n’est pas étonnant, dans un tel contexte, que la philosophie soit présentée comme une purification ou une libération, Sa fonction est de nous délivrer des formes mentales dans lesquelles nous risquons toujours de nous emprisonner, et de rendre possible une réflexion intégrale. De ce point de vue apparait l'inanité dune conversion vers le passé ou vers Pavenir qui nous projetterait dans nos propres créations, La véritable conversion est verticale. Et son meilleur exercice est cette dialectique du Parménide selon laquelle Pantinomie du principe devient celle de ame elle-méme et découvre dans 'Eaivng son point neutre et originel. En un mot, Vantériorité de la mystique chez Plotin se manifeste par la primauté de 1a liberté, qui s'exprime elle-méme par ce qu’Alain nom- mait «le doute qui est au-dessus de l’entendement. » Jean ‘TRovILLARD Notes sur des manuscrits patristiques latins II. Un « Cyprien » de Cluny et la lettre apocryphe du pape Corneille (Clauis, n° 63) a Réserve de la Bibliotheque Nationale conserve, sous la cote C. 314, une édition ancienne de Cyprien portant des annotations marginales et enrichie d’un cahier ott sont copiés des inédits « tirés @’ un vieux manuscrit de Cluny», Ce document n’avait échappé ni & Léopold Delisle! ni a Henri Omont®, et il est dament signalé dans le Catalogue général des imprimés*, En revanche, les spécialistes de saint Cyprien ne semblent pas s'y étre intéressés*, peut-étre parce que tous les textes autrefois inédits sont publiés depuis longtemps. Or il est possible, croyous-nous, de découvrir le wetus Cluniacensis. Nous voudrions essayet de justifier notre identification, puis de décrire le manuscrit retrouvé, et enfin @étudier un texte apocryphe dont il est le témoin le plus ancien et le plus intéressant. I. UNE Gprrion ANNOTEE PAR GUILLAUME PELLICIER L’édition des Opera Diui Caccilii Cypriani parue A Paris en 1541 est partagée entre plusieurs libraires. I’exemplaire qui nous occupe porte la marque d’Ambroise Girault. Il s’agit d'une simple réimpression, a Lusage du public frangais, de la vulgate érasmienne. On sait que, 1. Inventaive des manuscrits de la Bibliothéque Nationale. Fonds de Cluni, Paris, 1884, p. XVIII. 2. « Catalogue des manuscrits grecs de Guillaume Pelicier », Bibliothéque de VEcole des Charles, 46, 1885, p. 51-52. 3. Tome 34, Paris, 1908, c. 1077. 4. Il est simplement signalé par H. von Soden, Die Cyprianische Briefsammlung. Geschichte ihrer Enistehung und Usberlicferung, Leipzig, 1904, p. 239. 16 PIERRE PETITMENGIN de 1520 aux années 1560, le texte établi par le grand humaniste s'est imposé a l'Europe savante. Puis, en six ans, il a été complétement détrOné : les éditions de Paul Manuce (Rome, 1563) et de Guillaume Morel (Paris, 1564) ont fait connattre les textes encore inédits, cependant que celle de Jacques de Paméle (Anvers, 1568) substituait a la division de la correspondance en plusieurs livres un classement chronologique, conservé encore dans la Patrologie latine®. Jusqu’d cette décennie, il y avait beau- coup de découvertes a faire dans les biblioth€ques monastiques, et notre édition annotée est le témoignage des recherches entreprises par un ou plutdt trois érudits. Il faut en effet distinguer trois strates dans le travail philologique. Une premiére main (a) a couvert d’annotations et de collations les marges et les interlignes de l’édition (cf. Prancue I B). La comparaison avec autres collations qui sont, elles, signées®, permet de l'attribuer A ua humaniste célébre, Guillaume Pellicier, évéque de Montpellier (env. 1490-1568)". Sans doute ce livre s'identifie-t-il aux Cipriani opera relevés dans linventaire de sa bibliothéque’. A la suite de I’édition, on a relié un cahier de 38 folios manuscrits. Il agit de r9 feuilles @un format 297 X 404 mm, pliées en deux ; leur filigrane (lettres P et M assemblées dans un écu) est trés proche du numéro 9639 de Briquet, attesté en 1356 et 15589. Une deuxiéme main (5), qui wapparait qu’au £. r r°v0, a dressé une liste des inédits : Libelli qui edito in Cypriano desunt, in veteri manu scripto Cluniacensi codice reperti, et L'a fait suivre de quatre distiques élégiaques en lhonneur de Pellicier : Dii faciant terris multumque dinque beatum, Vivere, quem peperit Pelliciera domus. Mompelii primum, Gulicimum nomtine dictum, Pontificent clarum musula nostra refert, Atque refert illum, quo non praestantior alter, Noete dieqne simul volvere sponte libros. Tie operis, Cyptiane, tui possessor, ut oli, Fuigeat in caclo post pia fata, precor 5. Pour connaftre le contenn des éditions anciennes, le meilleur guide reste von Soden, Briefsammlung, p. 184-190. 6. Bibliothéque Nationale, Réserve X. 113 (Nonius Marcellus, De compendiosa doctrina, Paris, 1519) ; cf. W. M. Lindsay, » Sur la provenance de quelques manus- crits de Nonius Marcellus », Revue de philologie, 26, 1902, p. 211-212. 7. Bonne présentation du personnage par P. S. Allen, Opus Epistolarum Des, Evasmi Roterodami, t. 7, Oxford, 1928, p. 498, 2. (1. 57). 8. H. Omont, « Inventaire de la bibliothéque de Guillaume Pelicier, évéque de Montpellier... », Revue des bibliothéques, t. 1, 1891, p. 163 (11? 8), 0. C. M. Briquet, Les filigranes, Amsterdam, 1968", t. 2, p. 506 : Tournai, 1556 ; variante identique, Douai, 1558. On aurait ainsi une fourchette 1556-1564 (il est peu probable qu’on ait pris la peine de transerire tous ces textes aprés leur publi- cation par Guillaume Morel) ro. Potme déja publié par H. Omout, art, cite, B.E.C., 46, 1885, p. 52. UN «CYPRIEN » DE CLUNY 17 L/indication en marge Ci{audius) Nawotus Vallen(sis) Hacduus nous permet didentifier leur auteur, auquel on attribuera aussi la liste précé- dente. I/écriture trés caractéristique de ce bibliophile avallonais apparatt souvent dans les manuscrits grecs de Pellicier, dont il avait héritéll, On ne s'étounera pas que notre édition soit, comme ceux-ci, passée pat le Collége de Clermont dont elle porte l’ex-libris a la page de titre: Collegii Parisiensis Societatis Tesu.; nous ne savons pas la date exacte de son entrée dans les collections royales!2, La transcription des textes inédits, qui occupe les f. 2-38, débute ainsi : Sequuntur libri ac epistolae aliquot D. Caecilii Cypriani quae extant in veteri codice Cluniacensi, desunt autem impressis. Hille est due a une main différente (o), qu'on attribuera volontiers a un secrétaire. Par la suite, on a inscrit & cdté de Vincipit de chaque texte la page ot il débute dans Pédition de Nicolas Rigault (Paris, 1648). Pour identifier le « Cyprien » de Cluny, deux pistes s’offrent A nous : Pordre des pigces permettra de trouver un candidat parmi les quelque 10 manuscrits conservés, et il faudra ensuite comparer son texte avec celui qwon peut reconstituer a partir des collations ct des transcriptions. Comme on le voit sur la Pyancnn I B, Pellicier indique en téte de chaque ceuvre son numéro @ordre dans le manuscrit, Tl signale aussi certains des textes qui ne figuraient pas dans D’édition de rg4z, mais il se contente alors dindiquer leur incipit et parfois leur folio. Naulot est encore plus précis. Les 24 notices! que comprend sa liste sont toutes baties sur le méme modéle : numéro d’ordre! dans le manuserit, titre, incipit, folio et page (pag. T = recto ; pag, 2 = verso) ; a titre d’exemple : 14 ++ Aduersum Iudaeos, cuius initium est : Adtendite seusum et intelligentiam vestram., fol. 71, pag. 1. Le secrétaire (c) ne donne, lui, aucune précision sur la composition de 31, Par exemple, Oxford, Bodleian Library, Auet. ‘I. 1. 21, £ 1, — L’histoire spectacnlaire de cette collection a servi d’exemple & A. Dain dans Les manusorits, Paris, 1964%, p. 88-89. Pour les détails, on pourra consulter outre les articles d'Omiont, R. Forster, ¢ Die griechischen Handschriften von Guillaume Pellicier », Rheinisches Museum, 40, 1885, p. 453-461. 32, Le libre porte les estampilles n° 16 (1782-1792 ; Restauration) et 24 (Louis- Philippe) du répertoire de P. Josserand et J. Bruno, # Les estampilles du départe- ment des imprimés de la Biblioth&que Nationale », Mélanges... Fr. Calot, Paris, 1960, p. 261-298. La zeliure est signée Carroll (relieur attesté entre 1822 ct 1840; cf. Ch. Ramsden, French bookbinders 1789-1848, Londres, 1950, p. 48). 13, LAd Vigilium qui parait deux fois (n° 12 et 100) n'a droit qu’ une seule notice. Je n'ai pas compté celles que Naulot consacre & deux lettres déja publiées (epist, 48 et 68), mais absentes du manuscrit, 14. Le folio n’est pas donné pour la Vita, ui le numéro d’ordre pour I’epist. 13, sais dans ce cas I'indieation du folio (132 v*) permet d’établir qu'il s’agit du n° 35. Ce texte était d’ailleurs déja publié (= "TI, 5 Krasme). Pourquoi Naulot I'a-t-l men- tionné ? Sans donte parce que 'incipit daus le manuserit, liam pridem, était legire- ment différent de celui imprimé, ef tam pridem, Pellicier I'a Ini-méme tajonté dans Vindex des incipit placé en téte de V’édition (f. Bb : v?) yp st sf 6x 6x ss 2 Le 89 gt gu 8 oz of gf ee dt 69 +S ze se a5 er or or “say eg es +e +E 1s a & #9 ee se be +r tr us “pny 1s 29 ze €r er er oS 6b gk 469 e69 bs rE of Gz re of Ge 4b gS 6S IIE Or «tI It Or “Bea ‘Mog ‘mag sz 4s “paz oF OL S 8 3 “wd choot Shot TL &L gz Se gz fe Bs 6e ZL 9 4 9 ‘ado “you & Serre 94 BS te fe te ee se oT g + eee 40 "yun Sd AM SISNSOVINA'T) SALHA AG NostvUvaNOD xb iF 99 wz Le € “sduy ob of oF OE oe 19 iz oe wz ot 8 OF 2 2 z 1 gy wom > JA sexaney SaIATIED ra sOzATED BE SE +6 £6 os £6 oF +L es ee €L ay 16 +06 9E ze 06 N 268 Baa 6g Ww +88 ob 9s 69 * gor Sor “wpw [p40 4g 98 x t 498 48S Tz be so 49 9 +9 89 er s tor zor & 99 99 for ron zor a 66 “pin re ror 001 Sta quow “ep zy £9 oe oor 66 1g 18 z9 Bi 66 #86 08 og 6L 6r 99 +09 aus 6 46 496 a gh gl Sr os 6S BL ve loeia orto s:9ifo 5:7 *Qaouepnrg ap 32 suz0;F 2p vosNpse,[ g) saubprersdso soyx0} sot onb spyoxpUMU yUOS aN 96 a LL LL an gf ss oF SHLON, a ev 3A soransp sezaney ‘SOIAnD 20 PIERRE PETITMENGIN son modéle'S, mais les renseignements fournis par a et } suffisent pour tenter une reconstitution, que traduit le Tableau des pages 18-19. On y a fait figurer, sur une cinquiéme ligne, l’ordre des traités et des lettres dans le manuscrit Iaudianus Miscellaneus 451 de la Bibliotheque Bodléienne (sigle : D), et Y'on est frappé par la coincidence entre les deux séries, parfeite jusqw’au n° 83, Le décalage dune unité qui apparait ensuite est trés compréhensible si Pon songe que la numérotation ne figure pas dans le manuscrit Ini-méme : c'est le genre @erreurs dans lesquelles nous tombons aussi facilement que nos collégues du xvi® siécie ! La correspondance des folios est encore plus démonstrative, Chaque fois que nous avons mis un astérisque, a!® ou 6 précise le folio de leur modéle, et sauf dans un cas il correspond toujours exactement a celui de D. Tes derniers doutes nous semblent levés par la comparaison des textes (cf. Puancux 1), Pellicier fait une collation méticuleuse, la plume a la main ; elle court le long des lignes, dessinant parfois des volutes, et s'arréte en cas de variante : les lettres A supprimer sont exponctuées, les adjonctions introduites par une broche verticale, Porigine toujours garantie par le sigle # c (en ligature)}", Parfois le passage devient illisible & force de corrections : Pellicier le souligne alors et transcrit dans la marge le texte méme du manuscrit. Si l'on rapproche maintenant la collation et le Laudianus, on voit qwil y a concordance dans les adjonctions (incipit de Pepist. 29) et, ce qui est plus probant, dans les erreurs : Pellicer a transcrit puis barré deux legons manifestement absurdes, et donc caractéristiques de D : clausa pour causa et meminisse pour me misisse (epist. 29, 1; p. 547, 16 Hartel). Les divergences peuvent facilement s'expliquer soit par une faute d'inattention, ainsi Satwrum lectores au lieu de lectorem, soit par la normalisation, plus ou moins consciente, de lorthographe : Cypriani, urguente. Des sondages plus étendus effectués sur !Ad Donatum et le De habitu uirginum confirment cette impression. La coincidence est le plus souvent parfaite — Pellicier signale jusqu’A des gloses interlinéairés de D, par exemple en Don. 3 (p.5,8 H.) qui id est quo modo —, et les quelques diver- gences ne portent guére que sur des questions d’orthographe, ainsi Pp. 187, Io adsumis u.c. : assumis D ; p. 5, 9 exsuatur uc, : exuatur D ; P. 190, 3 exspectant u.c. : expectant D. La graphie xs au lieu de x, qui revient réquemment, ne peut s’expliquer par une faute d’inattention ; s'agirait-il dum parti de grammairien" ? En tout cas, cette petite difficulté 15. Les textes qu'il transcrit se suivent dans lordre indiqué par a et b ; dans le tabieau nous les avons désignés arbitrairement par des lettres majuscules. 16. a n'indique pas s'il s‘agit d’un recto ou d'un verso. 17. Ilfaut linterpréter comme u(etus) c(odex) ; cf. PLANCHE IB : 1. ¢. Cluniacensis. De toute fagon i! apparait dans les collations de Nonius Marcellus (ef. p. 16, 2. 6), qui ne portent pas sur des manuscrits de Cluny. 18. ILy aurait sans doute quelque chose & tirer des nombrenses remarques ottho- gtaphiques dont Pellicier a enrichi sa collation, anafifwrecognofeneecnobif quit z fe firrnueroreferibue: ao f@pbeneualereualece; apamadclerai vofincantgd ucpoing lemceyal mrecerefece. f dutconok fatariiledbore. Ped Cc + prian! pp. X88.rome confifbennb; fil, faluot, Fenfaduer lacert Sarit. db, aadn7expelitechfaplinras read latacel 7 wofdebure, er teoged 5 ‘Ppriar’.pp-calacomb; frtb,falu ——_deefefforshy lufecissprm Ste a iupimlaceper pou fe On fFPK qitimbsferpeiticgdarege funda qupliconste impertce 5 reeripferBurrwafq; ectpli — Naprdéfeaucroyef fresenf-uema udtirmfi.excrede ub sdadtreferiphi Het ferrpalibell'gregeetin ubafinom mibefplceret: cealustaductpferre ne path dagen dar ap palabut mer * tevonf med deburonsence claufa. aaa lf loge acdefeaple _ atloposnupbe: ‘mem ne-memornullaf i leege- ) niffej0%g 8 oporcuremepelencoffer raf fecerse:feduanni [po bere Scien npef plupmefabfere ze met! marr ecforonfapquplap F opancap qurslecfinycadmmfers fe furriinandauers:pactidary; Sax A— Oxford, Land. Mise. 451, f..178 99, 1. 7-20 tepolsimus , & forifftitan febteriptioneh an velteg.fit recopholete, & nobis quid in verd telcribice . Opto vos fratces cfacillimt temper bee © Adclerumepitola, XXII. BESSA Wink phere miter fit opis suare satay as, | CYPRIANYs B— Paris, BN, Rese: i ney PRESBYTERIS BT DIACONIS RATRIBVS SALVTEM. (cictta¥e eC. at, fe 4g ve Fin de Vepisé. 9 et début de l'epis!, 29 PLU ) of FE TSH “OSTTE “pue’y ‘pIOPLC) UN «CYPRIEN » DE CLUNY an ne me semble pas remettre en cause Pidentification proposée, et je crois méme reconnaitre la main de Pellicier au f. 170 v° de D, ob fon a porté la mention deest & cété de lincipit de la lettre 5. Une étude plus poussée permettrait peut-étre de retrouver le ou les autres témoins qu'il a consultés sporadiquement™, mais pour notre propos il suffit de pouvoir conclare que le Laud, Misc. 451 se trouvait 4 Cluny au miliea du xvi? sidcle?, IL. ne «Cyprien» DE Cluny Ce manuserit est bien connu des cyprianistes depuis que John Fell a utilisé dans son édition de 1682 (sous le sigle Bodl. 1) ; cependant il n'a jamais fait objet de 1a description codicologique que nous voudrions tenter ici. Notices : — H.O. Coxe, Catalogi codicum manuscriptorum Bibliothecae Bodleianae. Pars secunda codices Latinos et Miscellaneos Laudianos complectens, Oxford, 1858, ¢. 323-3252, — W. Sanday, « The Oxford MSS of Cyprian », dans Old Latin Biblical Texts, t. 2, Oxford, 1886, p. 124-125 (sigle : Ox). — F. Madan (et alii), A summary catalogue of western manuscripts in the Bodleian Library, t. 1, Oxford, 1922, p. 6r (n® 1420). — O. Pacht, J. J. A. Alexander, [dluminated manuscripts in the Bodleian Library, t. 1, Oxford, 1966, p. 33 (n° 429). Présentation : Un seul élément ; 200 f, de parchemin (numérotés de A 199, avec omission du f. 87a; 330 X 225/230 mm), auxquels ont été ajoutés a. un bifolium de papier (f. A —B; 220 x 85 mm), dont une note au crayon précise qwil a été «found between ff, 6r and 62». b, un bifolium de parchemin (f. I-IT), dont le deuxi&me feuillet a ét¢ trés mutilé. Mise en page : Deux colonnes de 34 (£ 1-8), 37 (£ 9-98) ow 38 lignes (£. 99 A la fin). Réglure a la pointe séche, Dimension du schéma : 240/245 X 160/165 Tlles désigne tantét comme noster (début de hab. wirg.), tantot comme alter ; ainsi en fest. III, 62 (p. 153, 13 Weber) : conglutinantur fornicariae (édition de 1541) : adhaerent mevetrici wu. ¢. (=D), iunguntur fornicariae alter. On notera que pour certaines lettres répétées dans D (12, 13, 70), alley désigne seulement Ia deuxitme version du texte, 20, La comparaison de ¢ et de D confirmerait cette conclusion, malgré un assez grand nombre de divergences dues & Vinattention du secrétaire. a1, Une réimpression corrigée et augmentée d'une importente préface par R. W. Hunt doit paraitre dans le courant de 1974. 22 PIERRE PETITMENGIN (73177. 13/13. 73/77) mm. Ne subsistent que les pigtires ayant servi a tracer les lignes verticales ; elles se trouvent en général 4 20 mm au-dessus et 50 mm au-dessous du cadre. Disposition des folios : )<>¢. Cahiers : Vingt-cing cahiers, le plus souvent des quaternions, qui peuvent se grouper en trois parties inégales (voir plus bas p. 24). Le manuscrit était en tout cas senti comme une unité au moment, trés peu postérieur a la copie, of l'on a inscrit les signatures. Elles sont placées au bas et au milieu de la dernitre page de chaque cahier, sauf le premier, et forment une série continue de IT a XXV. Ecritures : ‘Textes ajoutés : £. A-B, époque modeme (xvr® siécle sans doute) ; £, Ivo - Ilr : ae sidcle ; £. x x0: xm siécle (voir Prancam II et la discussion p. 27). Le corps du manuserit a été écrit par deux mains (a: £. 1 v-196 1° a2 ; B: £, 196 r°b-z99 ve) dans une minuscule caroline qu’on peut attribuer au x® sidcle (cf. Prancue I A }?8, M, Bischoff la localiserait plutét dans PEst de la France", Picht et Alexander proposent : x?, North (France| La décoration se limite & quelques initiales ornées, dont Ja plus signi cative est le B sur lequel s’ouvre PAd Donatum (£. 4 1°), Sont aussi tracés & Pencre rouge sombre, puis orangée, les titres qui précédent la table des capitula (f. 3 v°) et les différentes ceuvres ; les capitales (od l'on rencontre aussi le d oncial) y laissent la place aux minuscules a partir du f. 168 1°, Annotations : Plusieurs mains contemporaines ont annoté l'ensemble du manuscrit et — complété des lacunes ; A cOté des signes de renvoi Ad hp (£. 40 1°), on trouve le plus souvent deux demi-cercles avec un point au milieu (£. 42 1°, 47 5 9, 49 r°, 71 1°, etc.) — signalé des passages obscurs par um R barré (require; cf. PLANCHEI A) et dautres, de contenu intéressant, par un Nota, voire un Nota bene multum (£. 156 v°), ou par une bréve « summula » comme de 22, Il m’a semblé qu’en dépit des variations d’encre, d'espacement et de tracé des lettres (voir en particulier le f. 72 1°), on pouvait attribuer toute cette partie a une seule main ; peut-étre un examen plus approfondi aménerait-il a revoir cette affirmation, 23. Von Soden Ia plagait plutt au x1® siécle (Brie/sammlung, p. 100 et 257-8 ; no 141) ; M. Bévenot, The tradition of manuscripts. A study in the transmission of St. Cyprian's treatises, Oxford, 1961, p. x0 (n° 66) avait fait remonter jusqu’au Ix°, 24. Lettre du 12 mars 1968. M. Bischoff, & qui j'exprime ma vive reconnaissance, veut bien me préciser le 6 avril 1974 qu'il sitnerait volontiers V'écriture dans le deuxitme tiers du X®, 1a fin du sidcle étant de toute fagon a exclure, UN «CYPRIEN » DE CLUNY 23 diuersis coronis Chvistianorum (f. 52 1°) ow de excommunicatis (£. 138 v2)25. — essayé d’améliorer le texte, soit par des gloses comme + £. 49 vo penttus id est interius (zel. 3; p. 420, 23 HL.) £. 79 v° martyrii id est testamenti (test. I, 20 ; p. 20, 30 W.) soit par des corrections, fondées sur d'autres témoins ou sur le seul génie de l'annotateur £. 63 1 molilayum : alias mutum (Fort. 10 ; p. 200, 37 W.) £ 128 10 dilectum (recte) : intellectum (epist. 59, 13; p. 681, 17 H.) Ces corrections sont particuligrement nombreuses pour le De montibus Sina et Sion (f. 186 v0-189 1°) et 1a Vila Cypriani (£. 190 v°-195 v0) : elles &quivalent presque a la collation d’un autre témoin. Le manuscrit a été lu aussi au xv® sidcle ; de cette époque datent Ia table inscrite sur le £. I r°, des annotations a l’encre noire (£. 35 v°, 36 1, I10 1°, 125 v°) et au crayon (f. 67 v9, 127 v°), et sans doute la pagination. Reliure: Le manuscrit a gardé sa reliure médiévale, avec des ais de bois recou- verts de cuir blanc. On peut encore déchiffrer le titre inscrit & Tencre noire sur le dos du volume : 1,08RI SIVE EPLE SCI CIPRIAINI CARTAGINNSIS (?) HPI, mais non une inscription, de deux lignes semble-t-il, en haut du plat inférieur. Histoire du manuscrit < Lexdlibris qui devait se trouver auf. 199 v9, colonne b, a été trop bien gratté, Le nombre LXXVIL inscrit au contre-plat supérieur renvoie A une biblioth&que francaise de la fin du xvi° siécle, non identifiée pour le moment, dont une partie considérable est passée chez le Cardinal de Richelieu et une atttre, moins importante, chez l'archevéque de Cantorbéry William Laud2*, Notre manuscrit porte le monogramme de celui-ci W. L. (f. 19) et son ex-libris, daté de 1633 (£. 1 1°). Les cotes anciennes correspondent au classement de la Bodléienne au xvrre siécle ( I. 80) et & la fin du xvit® (I. 67). Contenu: Une fois mises & part les adjonctions du début’, le contenu du manus- crit se laisse facilement diviser en trois parties : 25. Noter aussi la présence de neumes aux f, 93 v° et 133 V°. 26. Voit le Summary catalogue, t. 1, p. 16, et le catalogue de I'Eshibition of manuscripts to commemorate ihe 400th anniversary of the birth of Archbishop Laud, 7, X. 1673 — 10, [, 1645, Oxford, 1973, p. 12. Je reviendrai sur cette question lorsque je publierai le catalogue des mannscrits latins de Richelien. 27. Les f, A-B contiennent des notes Ad epistolam quae incipit : Adtendite (= Vig.) et les f. I vo-IT 1° le po&me Ad quendam senatorem (Clawis, n° 1432) ; par suite de 24 PIERRE PETITMENGIN A. — £, 1-58; cabiers I-VII (1-5. 62°, 78) £. x v°-3 ve: poémes en I’honneur de S. Cyprien Florus de Lyon, Translatio reliquiarum (B.H.L. 2045) Prudence, Perisiephanon, 3 (B.H.L. 2044) £. 3 v°: table (zo trait £. 3 v0.58 vo: les ro traités correspondants, de Dou. & Dem. B. — f. 59-103 ; cahiers VILI-XIIT (88, 9®, 10-128, 13°) f£. 59-66 (cahier VIII) : Fort. £. 67-75 (cahier IX) : Vig., epist. 13, Iud., Cena £, 76-103 (cahiers X-XIII) : test. Ala fin de chacun de ces sous-groupes, comme ailleurs a celle de la premiére partie, I’écriture passe par des phases d’espacement ou au con- traire de tassement* : le scribe tenait a faire coincider la fin de l’euvre et celle du cahier. On notera que dans deux cas le titre « déborde » sur le cahier précédent (Vig., f, 66 v°/67 x9 ; test., £. 75 v°]76 19) ; cela rend peu vraisemblable l'hypothése d'un travail par pices, comme on en connait des exemples l’époque carolingienne®’, ©. — £. 104-109 : cahiers XIV-XXV (14-258) £, 104 rev? : table (9x items)? £. Tog v°-199 vo : go lettres ou spuria La différence d'une unité s’explique par Pomission d’nn doublet : Wapres la table, Pepist. 76 devait figure: deux fois dans le modale de D, entre 54 et 73 puis entre 79 et 77; D ne l’a recopi¢e qu'une fois, En re- vanche l’ordre du modéle se retrouve dans le Reginensis latinus 18 (T), du 1x° sidcle*!, avec qui D présente, dans cette partie, de grandes affinités textuelles®, L’accord de ces deux témoins nous permet d’affirmer que 1a Ja mutilation du £, II, il ne reste plus que le début des vers 67-85. Sur Ia lettre apoeryphe du pape Corneille (f. 1 °), voir plus bas, p. 27 ss. 28. Le phénoméne avait été relevé par A. C. Clark, The descent of manuscripts, Oxford, x978, p. 42. 29. Cf. M. Bévenot, St. Cyprian's De wnttate chap. 4 in the light of the manuscripts, Rome, 1938, p. xvi-xvmt (a propos du Regin, lat. 118 = 7), et J. Vezin, « La répar- tition du ‘travail dans tes ¢ scriptotia o carolingiens », Journal des Savants, 1973, p. 212-227. 30. A cOté des titres apparait une numérotation de I 2 LXXX qui ne correspond A tien : elle saute plusieurs lettres ou au contraire donne deux numéros A un titre un pen long. De toute fagon les lettres elles-mémes ne sont pas numérotées dans le manuscrit, 31. Voir von Soden, Brie/sammlung, p. 95-100 ; Bévenot, St. Cyprian’s De uni- fate, p. XVI-RIX ; A. Wilmart, Codices Reginenses latini, t. 1, Cité du Vatican, 1937, P. 255-260. T comporte deux spuria, Zud. (£. 167 9-169 v°) et cena (f. 184-185 v9), qui n’apparaissent ni dans la partie 0 ni dans sa table ; j'y vertais volontiers des adjonetions propres & T. 32. CE. G. F. Diercks, Nouatiani opera, Turnhont, 1972, p. 188 (epist. 30), 219 (epist, 31) et 242 (epist. 36) ; J. H. Waszink, Carmen ad Flauium Felice de resurrece UN «CYPRIEN » DE CLUNY 25 partie C transmet une ancienne collection de lettres cyprianiques®. La situation est différente pour les traités, Sans doute ordre des dix premiers est-il bien attesté et sirement ancien*!, méme si le modéle immé- diat de DA, qui contenait déja le potme de Florus, ne remonte pas plus haut que l’époque carolingienne®S. Toutefois l’ancienneté de A est une chose, celle du groupe A + B une autre. I! y avait plusieurs solutions pour compléter Ja collection des dix traités, Les manuscrits « cisterciens » en représentent une (A + Fort., de laude mariyrii, test.), et D une autre, irréductible 4 la premire®®, L’intérét de examen codicologique, c'est de nous montrer que la fusion a été réalisée par D, ou tout au plus pat son modéle si ’on suppose que le scribe de D s'est astreint 4 reproduire scrapu- leusement Ia division en quaternions de celui-ci. Peut-étre l’ensemble A + O représente-t-il une trés ancienne collection cyprianique ; le regrou- pement A ++ B + s'est, lui, effectué aprés la Renaissance carolingienne. Iest plus facile de descendre que de remonter Phistoire des textes, On ne peut guére préciser la ou les sources ot D) a trouvé Fort., Vig., epist. 13, Iud., cena et test, Hin revanche il apparatt comme le chef de file de plusieurs manuscrits ott figurent certaines de ces ceuvres, en particulier LAduersus Tudacos™, La séquence porte uniquement sur epist. 13 + Iud. pour Bamberg, Patr. 64 (x1° siécle)®* et Admont 136 (xt sidcle), mais ta série devient déja plus parlante pour Leyde, Voss. Lat. F. 108 (xre-x11® sié- cles ; Berry ? — sigie : 0): tione mortuorum, Bonn, 1937, p. 19, 2. 1 et 27-28, 7, D et ¢ (Paris. lat. 1648, x11 5,) omettent les v. 98-19 et placent les v. 259-274 emtre les vers 219 et 220 ; Tf répétent ensuite les vers & leur place normale. Je mai pas su tirer de ces faits des conclusions sur la disposition du modéle. 33. Cela ne garantit pas Ja valenr du texte de D, bien évidemment. Von Soden, Briejsammlung, p. x01, y soupgonne l'intervention d'un puriste ; pour ma part, comme les éditeurs cités A la note précédente, je suis frappé par Je nombre de fautes et en particulier de non-sens. 34. Type C de Bévenot, attesté dans 25 manuscrits, dont le groupe + cistercien » ; cf. The tradition of manuscripts, p. 8 et 14. 35. On pontrait, il est vrai, imaginer un manuscrit plus ancien complété au 1x? sidcle. De toute fagon, la fréquence de certaines confusions graphique ameéne & penser que les modéles des trois parties de D étaient écrits en minuscule ; ef. pour DA, dilim (f. 26 vo, 27 19, 36 1°) & cOté de dilmi (é. 44 v®) ; pour DB, securi (au lieu de secum) au f. 67 v° ; pour DO, uidetus (-fur) auf. 108 x, initus (initiis) auf. 170 v9, 36. Je m'oppose ici & J. Chapman, ¢ The order of the treatises and letters in the MSS of St. Cyprian », Jowrnal of Theological Studies, 4, 1903, p. 122 (que sult Bévenot, Tradition, p. 23) 37. Voir l'édition de D. Van Damme, Pseudo-Cyprian Aduersus Iudacos, Pribourg en Suisse, 1969, p. 100-101, et surtout celle de G. F. Diercks, Nowatiani opera, P. 259-260. 38. Cf. Ty. Leitschuh, H. Fischer, Katalog der Handschrifien dev hin. Bibliothek su Bamberg, Bamberg, 1906, p. 433 (pout le contenu) et Bévenot, St. Cyprian’s De unitate, p, 25, n. 6 (malgré un ordre trés différent, serait une copie de D ou d'un tras proche parent). 39. Cf. von Soden, Brie/sammlung, p. 220 ; K. A, De Meyier, Codices Vossiant 26 PIERRE PL TMENGIN [Cassiodore, de anima] cena Vig. epist. 13 Iud. Tertullien, 4 pol. Maxime de Turin, om. 79 + 80° cena tid, test. [B.H.L. 827, ete.] Tous ces manuscrits pourraient & la rigueur remonter A un lointain ancétre de D ; une filiation plus directe se laisse entrevoir dans le cas du Paris. lat. 1656 A (xtr® siécle ; écrit 2 Moissac ; sigle : m)*, Prudence, Peristephanon 13 — les 10 traités de DA — Fort. Vig. epist. 13 ud. test. cena ‘Yertullien, Apol. Maxime de Turin, hom. 79 + 80 [Macer Floridus) On notera la présence de ‘Tertullien et de Maxime de Turin, comme dans le Vossianus"., et surtout la correspondance évidente avec notre manuscrit et aussi avec deux entrées dans le catalogue de Cluny des années 1158-61 : 67 Volumen in quo continentur passio metrice [= Prudence], libri et epistole beati Cipriani et apologeticum Tertulliani, 68 Volumen in quo continentur passio et libri eiusdem, et apologeticum Tertulliani, cum aliis adjectionibus, et Pastoralis liber Gregorii"*. La séquence « Prudence + Cyprien + Apologetioum » est si rare qu’on est tenté de faire d’um de ces manuscrits 'ancétre de m : les rapports étroits entre Cluny et Moissac aux x1® et xu® siécles rendent cette hypo- thése plausible, D’autre part, méme s'il n'a pas été copié directement sur D4, m présente avec lui de grandes affinités, comme le montrent les fautes suivantes, ott ils sopposent parfois a v : test. I, 3 (p. 8, 19 W.) ruris passeres ; ruris pestes passeres Dw Vig. 1 (p. 120, 3 H.) succidaneam DG: succedam. neam DBm succiduam nev Vig. 3 (p. 23, 1-2 HL) cum in templum omni populo presente infantem secum mater inferret in spiritu Christum matum esse sensit DC : cum in templum ommi populo presente infantem secum magister inferre in spiritum Christum [haec uerba del, DB re} cum in tem latini, t. 1, Leyde, 1973, p. 230-232. Sa parenté avec D a été prouvée pout la cena ; ef, K. Strecker, M.G.H., P.L.AB.C., t. IV, 2, Berlin, 1923, p. 366, 40. Catalogue des manuserits latins (de la B. NJ, t. 2, Paris, 1940, p. 112-113 5 description codicologique chez J. Dufour, La bibliothaque et le scriptorium de Moissac, Genave-Paris, 1972, p. 111-112. 41. Ces deux manuscrits offrent des textes assez voisins pour I'Apologeticum (cf. H. Hoppe, C.S.E.L., t. 69, 1939, p. Xxvi-xxvitt) ; le troisiéme témoin de leur groupe, Paris. lat. 1689, du xine sitcle, contient également les zest. et semble prove- nir Ini aussi du centre de la France (Tulle ?). En revanche il n'y a sans doute rien a tirer de le présence d’Apol. et d'epist. 13 + Iud : dans Admont 136 (au début et Ala fin du manuscrit ; ef. von Soden, Brie/sammlung, p. 250). 42. Ts, Delisle, Tnventaire... (du) fonds de Cluni, Paris, 1884, p. 341. Le mérite du rapprochement revient au P. Bévenot, Tradition, p. 50, n, tt ; voir aussi son article «St. Cyprian and Moissae : a thirteenth-century sequence », Traditio, 19, 1963, p. 148. 43. En effet, dans eleem. et pat., il présente, incorporées au texte, des gloses qui ne figurent pas dans D. On notera aussi que dans le passage cité de Vig. 3, m s'ac- corde avee DB anie corvectionem, UN «CYPRIEN » DE CLUNY 27 plum omni populo presente infantem seeuri [secum DB v*] mater inferre [inferret DB ve] in spiritu Christum natum esse sensisset DB cum in templum omni populo presente infantem natum se cum maitre inferre in spiritu Christum esse sensisset # Peut-on faire un pas de plus et assimiler les deux ancétres de m, autre- ment dit placer D & Cluny dés le x1® sitcle" ? La difficwlté vient du fait quwil ne correspond qu’a Ia premidre moitié de la notice 67. Ne peut-on pas la tourner en supposant soit qu'il ne figurait pas dans Pinventaire, soit qwil a été relié aprés la perte des cahiers contenant l’Apologétique ? Méme si l'on recule devant ces hypothéses, on conclura qu'il existait, bien avant le xvi® sigcle, un lien entre D et Pabbaye bourguignonne®®. JIT, LA LiTRE APOCRYPHE DU PAPE CORNEILIE Sur la premitre page du manuscrit, blanche & Vorigine, une main de la premitre moitié du xm sitcle a transcrit une lettre de Corneille & Cyprien sur le baptéme des hérétiques*®, que tout le monde s’accorde A considérer comme un «faux grossier »7. Cette opinion était déja partagée par un savant anonyme qui, sans doute dans le troisiéme quart du x11? siécle, a barré 1a lettre apocryphe A grands traits de plume et I’a entourée un commentaire érudit (Prancnm II), Nous voudrions publier les dewx textes, puis émettre quelques hypotheses sur leurs auteurs. La lettre apocryphe est transmise par six témoins, dont D est le plus ancien’, Viennent ensuite : G Grenoble, Bibliothéque municipale, 473. — Deuxigme moitié du xit® sigcle ; écrit sans doute A la Grande-Chartreuse, dont il provient. — Fausse décrétales"®, 44. D’aprés M. J. Vezin, l’écriture des f. I-II ne s'opposerait pas & cette hypothése, On lisait en tout cas Cyprien & Cluny au xI® s.; cf, A. Wilmart, « Le Convent et la biblicthéque de Cluny vers le miliew du x1° sidcle, Revue Mabilion, 11, 1922, p. 92 et 106, 45. Je l'ajouterais donc, avec un point d’interrogation, a la liste des anciens manuserits de Cluny dressée par J. Vezin, Scriptorium, 21, 1967, p. 312-320 (et complétée par P. Gasnault, Bibliothéque de I Ecole des Chartes, 131, 1973, p. 200-210). 46. Clauis, n° 63 ; Jatfé-Wattenbach, Regesta pontificum Romanorum (= J. W.), no r17, 47. L'expression est d'A. Harnack, Geschichte dey alichvistlichen Literatur, t. 1, 2, Leipzig, 1893, p. 720. 47. Il s’agit sans ancun doute d’un autographe, comme te montrent la disposition du texte, les renvois et les repentirs. Ia lettre est écrite par un scribe de meétier (qui a soignensement rubriqué le titre), le commentaire par un savant. 48. CE von Soden, Brisfsammlung, p. 226; j'ai ajouté le manuscrit de Kues. 49. P. Yournier, Catalogue général des manuscrits... (série in-8°), t, 7, Paris, 1880, P. 164-167 ; Sch, Williams, Codices Pseudo-Isidoriani, A palacographical-historical study, New York, 1971, p. 23-24. 28 PIERRE PETITMENGIN La lettre a été ajoutée au xin sidcle au bas du f. 40 v®, aprés les fausses décrétales attribuées Corneille (J. W., n° 154-115). B Troyes, Bibliotheque municipale, 442. — xmé siécle ; provient de Saint-Denis de Reims (puis Bibliothéque Bouhier). — Cuvres de Cyprien5?, La lettre est insérée dans le corpus cyprianique entre les lettres de Cyprien a Corneille et le Quod idola dii non sint £. 120 1°), — Apres la fin des ceuvres de Cyprien (£. 126 1°) ont été copids un distique en son honneur (Walther, n° 2838 b : Clarior eloguiis cunctis Cypriane refulges. |Tu modo doctor eras, tu modo martyr ades) et une lettre d’Alexandre IIT sur la canonisation de Thomas Becket (P. L., t. 200, c. gor D-go2 B ; J. W., n° 12218 ; 2 avril 1173). C Carpentras, Bibliotheque Inguimbertine, 31. — x1v® siécle ; France. — Divers textes patristiques®!. La lettre vient a 1a fin de la partie cyprianique (f. 311 1°), aprés Jud, et avant un recueil Wextraits (de gratia dei et malicia seculi actor Cyprianus ; de laude uirginitatis et sanctimonie auctor Cypria- nus, etc). K Bernkastel-Kues, St. Nikolaus-Hospital, 53. — xve siécle ; Allemagne. —Recueil (Augustin, Jean Chrysostome, Jéréme, Pétrarque, etc.)®. La lettre apparatt auf, 48 v°, entre un texte de Chrysostome et une lettre d’ Augustin. R Biblioth&que Vaticane, Reginensis latinus, 32458. — Premiére moitié du xvue sidcle ; copie exécutée sur un manuscrit de Saint-Remi de Reims (r ; 1x? sigcle 2), dont on a relevé toutes les raretés®®, 50. Catalogue général des manuscrits... (série in-4°), t. 2, Paris, 1855, p. 196-198 ; von Soden, Briefsammlung, p. 114-116 ; Bévenot, St. Cyprian’s De unitate, p. uwiI- wnt, 51. Catalogue général des manuscrits... (série in-8°), t. 34, Paris, ror, p. 14-20; yon Soden, op. cit., p. T49. 52. J. Marx, Verzeichnis der Handschriften-Sammlung des Hospitals zu Kues, ‘Préves, 1995, p. 51-54 ; A. Sottili, « I codici del Petrarca nella Germania occidentale », Halia medicevale ¢ umanistica, t0, 1967, p. 453-454. 53. A. Wilmart, Codices Reginenses latini, t. 2, Cité du Vatican, 1945, p. 224-225. 5d._ Cf, les notes contenues dans le Paris. lat. 12699, f. 96 v9 (xvmt° sigcle) : « Cod. 151, I. 34. annorum ferme Soo in quo S. Cypriani quaedam opera; ad marginem inferiorem habetur ‘ Gislold. ded. Gonbert.’» (indication que je dois & lamabilité de M. Fr. Dolbeau). L'epistula a trés bien pu étre rajoutée, comme la bulle Alexandre III ; on ne prendra done pas le rx¢ sidele comme terminus ante quem. 55. Ce manuscrit exceptionnel, malheureusement disparu dans I'incendie de 1774, a servi a trois éditions princeps (a, c-d, e) et pour denx de ces textes (a, c), il consti- tue notre unique source. UN « CYPRIEN » DE CLUNY 29 a. £, 1-9 : de rebaptismate (Clawis, u® 59). — Yidition princeps daprés par Nicolas Rigault (1648). b. £. 9-13 : carmen de resurrectione mortuorum (Clawis, n° 1463)5%, c. £, 13 v0-18 ve: de pascha computus (Clawis n° 2276), suivi aux folios 19-20 (d) par une tabella paschalis (ibidem, adn.), — Edition princeps Waprés 7 et un autre manuscrit®? par J. Wallis (1682), e. f, 20 vo: lettre de Corneille précédée de la mention, par unedeuxiéme main (R®, celle que Wilmart rappelle aequalis lector seu potius peritus vevisor) : « Sequens Epistola desumpta est ex maiore Cod, Biblioth, D. Remigii Rhemen. ». R® a inscrit ensuite le distique Walther no 2838b, puis la lettre d’Alexandre IIT, Iédition princeps avait été préparée par Iitienne Baluze, daprés B et 7, Aprés sa mort (1778), la publication de ses Opera Cypriani tarda beaucoup, pour diverses raisons", et finalement le texte fut divulgué par Dom Pierre Coustant en 1721", I édition de Baluze, mise au point par Dom Prudent Marant, ne parut que cinq aus plus tard! Par la suite, on s’est contenté de reproduire le texte de Baluze ou de Coustant® ; seul Hartel a consulté de nouveau le manuserit BS, Hpistola Coruelii Papae ad Sanctum Cyprianum Dilectionis tuae on delectabilia et contra fidei regulam seripta suscepi, i quibus nauseas recognoscens et wenena setmonum aduersus catholicam per totum orbem diffusam ecclesiam horribilibus a te superseti zizaniis non landani. Quae peto uelociter tolles ac praedaumes. Quod quidem te prins facere oportebat quam in mundo letale uirus aspersum simplicium ct innocentium inficeret mentes. Non ergo dignum est rebaptizare. Ergo eradica et extrica, ut diximus, florulentis sermonibus atque dignis per posteriorem, epistolam priora scripta, quae contra catholicam fidem servare 10 Censuerunt genimina wiperarnm, Non enim decet tantae urbis antistitem ao 56, Témoin non utilisé dans I’édition Waszink (citée p. 10, n. 32), 57. British Musenm, Cotton, Caligula A. 15, f. 97 v°-r05 v° ; ne contient pas la tabella. 58. On notera que ces deux textes apparaissent dans Vautre manuscrit rémois (Troyes 442). Le distique (= Isidore, Versus in bibliotheca, 9) est aussi attesté dans des manuscrits du nord-ouest de 1a France, par exemple Douai, 749, f. 99 (Mar- chiennes) ou Londres, British Museum, Add. 35112, £, 117 v® (St. Martin de Tournai), avee la faute mater pour martyr. Les manuscrits d’Isidore ont en général eloguio au lien d’eloguiis ; of. C. H. Beeson, Isidor-Studien, Munich, 1913, p. 162, 59. CE. Ib W. Benson, Cyprian, His life, his times, his works, Londres, 1897, p. 212-216 et 546. 60. Epistolas Romanorum pontificum et quae ad eos scriplae sunt, t. 1, Paris, 1721, Appendix, c, 25-26, 61, Texte, p. 167 ; notes, p. 496 et 523 ; P. Marant, Vita S. Cypriani, c. CKXV. G2, Ainsi font J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum noua et amplissima collectio, £, 1, Florenee, 1759, ¢. 832 et la P.L., t. 3, ¢. B40 et 4, ¢. 432-3. 63. C.S.EL., t. ILL, 3, p, 272 (€dition) et LXV (commentaire). 30 PIERRE PETITMENGIN sc eae le doctorem, ut dum putas haeresis baptisma praedam- nandum, uerum baptisma sermonibus maculare audeas, + quae doles f contra apostolum scilicet repugnare dicentem : wnus Deus, una fides, unum baptisma. 1 epistole DBR : item ep. G incipitep.C ep. beati K ad sanctum {Cecilinm C) Cyprianum (ut non rebabtizetur add. D)D G BCR: in qua corripit de errore sanctum cyprianum cecilium K 2eDGBCR : sed K 3 tecognoscens D : recognoui G BC K R 5 quidem te prius D GC prius quidem te BR prius te K 7 interficeret Baluse rebabtizare D 9 seruare cod. : serere susp. Mansi (Hartel) x0 consuenerunt RY rz ut om. D G fortasse recte haereses praedammandas C babtisma D uf solet 12 quae DGC K(?) + uel qua que B uel quam quae R doles DG BK KY doces R* (?) ...e8 C uides Coustant dubitanter 14 expliciunt decreta Cornelii papae G explicit epistola Cornelii pape ad Cecilium Cyprianum C 13° Eph. 4, 5. Ce texte ne brille ni par son élégance, ni par sa limpidité!, Pourtant Je sens général est clair, et le caractére apocryphe évident, comme le dit déja le commentateur du xtr* sidcle, & qui nous laissons la parole. Hane epistolam ab ydiotis et imperitis fictam et omnimodo apochrifan nouerint omnes, Non énim a papa Cornelio reprehensus est unquam beatus Cyptianus de rebaptizatione, quam necdum inceperat niente Cornelio aod clarissimum est omnibus studiosis qui gesta tempornm illorum 5 diligenter innestigare nouerunt. Sciendum est tamen quia beatissimus Stephanus papa et martyr, tercius scilicet a sancto Cornelio, cuius iam tempore beats Ciprianus pro rebaptizatione coucilium in Affrica Kartagint cum collegis suis habuerat, eidem Cipriano de eadem cansa scribenti seque de sententia ipsius concilii cum multa reuerentia consulenti hoc rescripsit, 10 wt uidelicet nichil alind erga teuertentes ab heresibus ageretur nisi sola mamus impositio et ita reconciliarentur sicut ecclesia Rotana semper tenuit ab inicio et nullatenus aliquis rebaptizaretur, cum esset tam apud nos quam apud ommes hereticos unum semper atque idem baptismum nulliusque hominis nequicia uel immundicia sacramenta dei rite adminis- 15 trata contaminari possent Hoc ueto beatus Cypranus licet grauiter acceperit sicut uerba eius testantur in epistola ad Pompeimn nutmquam tamen propter hoc a sancte Romang ecelesig pace uel concordia desciuit, diceris unumquemque in so sensu abundare nec pro diuersitate cousuetudinis ab unitate uel 20 catitate ecclesig ullum segregari debere. Hius enim uerba sunt hec in epistola ad supradictum beatissimum Stephanum papam : Nos nec wim alicui facimus nec legem damus. Habeat in ecclesia arbitrium liberum uunusghisque prepositis rationem actus, sui domino redditurus, Astipulatur huic rei chronica de greco in latinum ab Anastasio translata, 25 ubi inter cetera de Stephano successore Lacii, successoris Cornelii Romang ecclesie mattyris et episcopi gloriosi, — cui etiam Lacio beatus Ciprianns 64. M. J. Routh, Reliquiae sacrae, t. 3, Oxford, 1846, p. 88, le déclarait écrit sermone uix latino. J'ai supposé A la ligne 4 l'ellipse, assez courante, du sujet de la proposition infinitive (cf. J. B. Hofmann, A. Szantyr, Lateinische Syntax und Stilistik, Munich, 1963, p. 362). A la ligne 10, le double régime de decot (accusatif et subjonctif seul) est assez rude, mais le subjonctif seul est possible, A la limite (ef. TH. L. L., t. V, 1, ¢. 135, 6 et 12). C’était sans doute la legon de l’archétype : D constitue une classe a lui set! face A tous les autres manuscrits, et l'accord D G doit donner le texte de celui- UN «CYPRIEN» DE CLUNY Bt uenerabiliter scribit quando de exilio reuersus est —, sic narratur : Primus Cypriano Kartaginensi dogmatizanti per lauacrum quosdam qui ex here- sibus conuertuntur purificandos, Stephanus qui post Tacium Romanorum 30 moderatus est sedem restitit utpote nouum quiddam preter ecclesig consuetudinem introducenti. Epistola uero beati Cypriani, quam ad Stephanum Romanum episcopum misit consulens enum super huiusmodi questione et sentenciam contcilii a se nuper celebrati tanto pontifici quasi limandam et inspiciendam 35 transmittens, ita incipit : Cyprianus et ceteri Stephano fratti salutem. Ad quedam disponenda et ex consilii communis examinatione limanda uecesse habuimus, frater karissime. Titulus eius est inter capitula quadra- gesimum septimum aoe : ad Stephanum de concilio, In hoe libro cuncta hec inuenies si diligenter quesieris. 40 Hee uero epistola neque Cornelii neque cuiusquam illus temporis stilum probatur habere. Unde sicut superius dictum est apochrifa ommino ct ab aliquo imperitissimo ficta fuisse dinoscitur. Beadam ms 17 sanete add. s.1. 20 wllum ex uullum 22 arbitrhum liberum ex lib, arb. 26-27 cni.., est add. in marg, 32 quam add. s. | 34 muper add. s. t. 39 hee add. ». 40-42 huec uerba infra epistulasn addita sunt 16-17 cf. epist. 74, £ (p. 799, 10-14 TL.) 21-23 upist. 72, 4 (p. 778, 4-8 HL) 26-27 cf. opist. Ot (p. 605-8 HL.) 27-31 An tripertita, p. 75, 37-70, 2 De Boor 35-37 epi asins Iblioth ecarins, Chronicw 72, T (D. 775, 3-4 HL) Ie commentateur a une bonne connaissance de Cyprien, Bien qwil fasse référence 4 notre manuscrit, et plus précisément A la table du f. 104 vo ot fa lettre 72 porte en effet le n° XLVI, il a sdrement eu accts a une autre source cat le texte qu'il cite est bien meilleur que celui de D%, et ne peut se reconstituer a partir de celui-ci. Cela n’a rien d'étonnant si, comme nous le pensons, il a écrit ce texte 4 Cluny, oi il pouvait trouver aussi Poouvre assez rare qu’était la Chronographia tripertita d' Anastase le Bibliothécaire®’. Peut-on préciser davantage ? Pierre le Vénérable, qui a fréquenté les Peres”, qui cite la Chronographia®™ et qui connait bien les rapports de Corneille et de Cyprien®, ferait un candidat trés tentant. II faut malhenreusement ajouter qu’on ne posséde par ailleurs 65. D offre un texte tres corrompu pour epist. 72, 3: quam in regno sui cuiguams facimus (manvaise coupe de qua in re nos [nec] wim eniquam) 66. No 18 dans le catalogue du xn siécle (Delisle, éd. citée, p. 338). Sur la diffu- sion de ce texte, voir M. Mauitius, « Geschichtliches aus mittelaiterlichen Biblio- thekskatalogen », Newes Archiv, 32, 1907, p. 684, et Geschichte der lateinischen Literatur des Mittelalters, t. 1, Munich, to11, p. 686. 67. Il y aurait lien de compléter l'article méritoire de M. Manitius, «Zu Petrus’ von Chuni patristischen Kenntnissen », Speculum, 3, 1928, p. 582-587. 68. Epistola de translatione sua, P.L., t, 189, c. 653 (ou G. Constable, The lettors of Peter the Venerable, Cambridge, Mass., 1967, t. 2, p, 283). 60. CE. Adversus Culumntatores, (P.L., t, 189, ¢. 1010 A) : Hunc (= Cyprianum) tua, Corneli, praeconia, papa beate, | Non piguit soriplis nobilitare suis, 32 PIERRE PETITMENGIN aucun manuscrit de sa main, et que nous n’avons pas découvert de paral- léles frappants entre ses écrits et le texte publié ci-dessus”? Quelle que soit P'identité critique, on Iui reconnaitra une grande clair- voyance. Sans doute, en présentant la lettre 72 comme une sorte de supplique au pape Etienne, il minimise le conflit entre Rome et les églises @ Afrique’! ; en revanche, il a bien su dégager un trait caractéristique de Cyprien, son libéralisme envers ses conféres’. De plus, il a exposé deux arguments toujours valables contre Pauthenticité de notre lettre : elle fait éclater sous Corneille une querelle qui, en réalité, a opposé Cyprien et Ktienne’® ; elle n'est pas écrite dans le langage du temps. L?étude du vocabulaire et du style” nous permettra-t-elle de réduire ime fourchette de dix sigcles’S ? Les faits remarquables peuvent se classer sous trois rubriques : 1, les expressions bibliques Genimina wiperarum (Mat. 23, 33 ; Luc 3, 7) est trop courant, la modi- fication de wnus dominus en unus deus (Eph. 4, 5) trop banale”® pour qu'on puisse en tirer des conclusions. Le recours a la parabole de Vivraie (Mat. 13, 24-30) pour désigner l'action des hérétiques est un liew commun et il ne serait pas difficile de trouver, a toutes les époques, des textes qui aient un air de famille avec le nétre, comme cette lettre du pape Gélase a Honorius : 7o. Ce qui dailleurs peut s'expliquer par la différence des genres. Comme le constate H, Hoffmann, «Zu den Briefen des Petrus Venerabilis », Quellen und Forschungen aus italienischen Avchiven und Bibliotheken, 49, 1969, D. 415, om aurait grand besoin d’études sur le style et le vocabulaire de cet autenr, 71. Sur lequel la bibliographie est immense, et hors de notre propos. On trouvera Vessentiel dans H. Kizchner, « Der Ketzertaufstreit zwischen Karthago und Rom ind seine Konsequenzen fiir die Frage nach den Grenzen der Kirche », Zeitschrift fir Kirchengeschichte, 81, 1970, p. 290-307. 72. CE. epist. 73, 26 (p. 798, 10-12 H.) et Sent., praef. (p. 436, 1-7 H.), Ces passages sont tras souvent cités, avec éloge, dans le De baptismo de $. Augustin (références indiquées dans la Bibliothéque Augustinienno, t. 20, Paris, 1964, p. 638). 73. Senl Rufin affirme, & tort, que : Cornelius et ceteri omnes per Italiam sacerdotes huiusmodi decretum manente sacerdotali concordia refutarunt (Hist. eccl. VIL, 2 } G.C.S., t. IX, 2, p. 639, 1-2). 74. J'ai ew Ia chance de pouvoir consulter & Paris les fichiers du « Nouvean Du Cange’» et & Munich cenx du ¢ Thesaurus Lingnae Latinae » et du « Mitellateinisches Worterbuch », Je prie les responsables d’accepter ici expression de ma gratitude. 75. Les patrologues sont trés prudents : 1. Dekkers, Clauis, n° 63, ¢ opusculum incertae aetatis et originis » ; P.L.S.,t. 1, ¢. 35 : # unde orta sit nescimus » ; B. Fischer, Vetus Latina. Verseichnis der Sigel fir Kirchenschriftsteller, Vribourg en Brisgau, 1963%, p. 235 ; «Zeit und Ort unbekanut ». L'epistula n'est méme pas mentionnée dans W. Speyer, Die literarische Falschung im Altertum, Ein Versuch ihrer Deutung, Munich, 1977, qui est loin d’offrir les relevés exhoustifs qu’on attendrait d’un tome du Handbuch der Alteriumswissenscha/t (voir le compte rendu de I’. Lasserre dans Liantiquité classique, 41, 1972, p. 287-289). Notre hypothése, si hasardeuse qu'elle soit, aura du moins le métite d'exister et de susciter pent-étre des réfutations... 76. Voir la Velus Latina ad locum, UN «CYPRIEN » DE CLUNY 33 nuntiatum nobis est enim in regionibus Dalmatiarum quosdam recidiua Pelagianae pestis zizania seminasse tantumque illic eorum praeualere Dlasphemiam ut simplices quosque mortiferi furoris insinuatione deci- piant?? Les seuls termes intéressants sont extricare au sens de eradicare, pour lequel il n’y a pas de parallétes’’ et superseri, non attesté avant le wv? sitcle (la traduction normale de émione(petv est superseminare™) et semble-t-il jamais au passif®* ; en tout cas on attendrait comme sujet non pas PFiglise, mais Pivraie®' : auteur ne maitrise plus bien Je latin patristique. 2. iuneturae uerborum Letale virus apparait @abord chez Silius Italieus (XII, 123-4 : letale uomebat /suffuso wirus caelo). L,expression est attestée a la période patris- tique® et semble devenir un cliché au Moyen Age®. Il n’y a pas de con- clusions chronologiques & en tirer, mais on notera, & Phonneur du faussaire, que son vocabulaire est presque cyprianique®*, Florulenti sermones. Cest an ve sitcle qu’on commence d’appliquer cet adjectif aux couvres littéraires. Cf, Hilaire d'Arles, lettre a Eucher (CS.E.L., t. 31, p. 198, 1-2) : emisi itague florulenta beatitudinis tua opera non payum anxius ; ensuite, Ennode, dict. 1,6 (M.G.H., A.A., t. 7, D2, 2-3) : Libel... com animi renascentis infantia florulenta, si ualeo, dictione uernare® ; Fortunat, praef. 3 (M.G.H., A.A. t. 4, p. 5 15): pomposae facundias florulenta germina. 77. Collectio Avelluna, 98, 2 (CS.E.L., t. 35) 1, Ps 437, 40-43) j date: 490 7 J. W. n° 625, 78. Dans ce sens figui seus propre), 79. CL HL. Ronsch, Ifala und Vulgata, Marbury, 1875%, p. 202. 80, Hilaire, in Psalm, 127, 11 (C.S.E.L., t. 22, p. 636, 22) : im quo (ntundo) et zizaniam diabolus superserit; Jérome, trad. d’Origene, In Ieremsiam, x (P.G., t. 13, c. 271 D) ; Rufin, trad. d’Origdue, in Genesim 10, 4 (P.G., t. £2, c, 219 A) et de Basile, hom. 4, 5 (P.G., t. 31, c. 1758 B) ; « Pélage », epist, de malis doctoribus, P.LS., t. 1, ¢. 1435; Pierre Chrysologue, sermo 96 (P.L., t. 52, ¢. 470 C). 8r. Cf. Tertullien, Adu. Pravean, 1, 6 (C.S.E.L., t. 47, p. 228, 14) : fruticauerant auenae Praxeanae hic quoque superseminatae dormientibus multis... 82, Rufin, Hist. eccl., 2, 1, 12 (G.C.S., t. IX, 1, p. 109, 7; BuaanSi} Kal yod|endv iv) ; Marius Mercator, Commonitorium adu. haeresim Pelagtt (E. Schwartz, 4.C.0., t. I, 5, p. 8, 22) ; Sulpice Sévare, Dial., [, 16, x (C.S.E.L., t. 1, p. 168, 28) ; Isidore, ecel. off., IL, 16, 6 (P.L., t. 83, c. 796 A). 83. Vila Amantit Engolismensis, 16, dans Analecta Bollandiana, 8, 1889, p. 349, 20 ; manifeste de l’empereur Henti V, daté de 1112 (Mainzer Urkundonbuch, t. 1, Darmstadt, 1932, p. 358, 3x) ; Gautier de ChAtillon, Alexandvéide, X, 158 (P.L., t. 209, €. 566 C). S4. CE. unit., 9 (p. 256, 1, 227 Bévenot) : uenonum letale ; 10 (p. 257, 1. 256 B.) + wenena letalia ; et aussi aleat., 5 (p. 97, 8 HL) : uenenune ...Jetalem. 85. Le Th. L. L., t. VI, 1, ¢. 926, 84 joint & tort florulonta A infantia, ref. Th LL, & Vy 2.6 2082, Go-7t (et L -30 pour le NGIN 34 PIERRE PETITM Virus aspersum a un paralléle chez Béde, Hist. eccl. 1, 8 (éd. Mynors, p. 36) : Arriana heresis... perfidiae suae uirus... insularum ecclesiis aspersit. 3. termes honorifiques Excellentissimus est trés fréquent, et correspond d’ailleurs 4 un titre officiel®® ; nous ne avons jamais rencontré en liaison avec doctor. Tantae urbis antistes apparait au ve siécle dans une lettre de Léon le Grand et une de Simplicius, Enfin dilectio tua : grace au répertoire d'incipits de Vattasso, il est facile de relever les lettres qui commencent par la formule : « j'ai bien regu (ayant regu) les lettres (écrits) de ta (votre) charité ». On en trouve 4auxV-vi° siécles®, 5 aux vimr®-1x®, 7 aux x1®-xr®; il est amusant de découvrir une imitation de Grégoire le Grand par Geoffroy de Breteuil®, mais plus important de constater que le tour est vite devenu stéréotypé. Cette étude linguistique nous a fait gagner deux siécles —la phraséolo- gie de epistwla interdit de la placer avant le ve siécle avancé —; un argument de vraisemblance va nous conduire jusqu’aux «siécles obscurs». En Afrique, saint Augustin et des esprits moins distingués, comme Facundus d’Hermiane”, ont critiqué 1a position prise par Cyprien dans sa querelle avec Etienne, mais ils ont toujours témoigné le plus grand. respect pour le martyr gloriosus. Plus généralement, on ne voit pas qui, dans Tantiquité, aurait pu écrire un tel factum contre celui que 1’ Afrique vénérait et que la piété romaine mettait sur le méme plan que Corneifle™, Et pourtant, c'est sans doute cette association, qui a duré tout au long du Moyen Age®, qui explique pourquoi on a placé Depistula sous le 86. CE A. Hirschfeld, Kleine Schriften, Berlin, 1913, p. 673 ; La Jorg, Vir tenera~ Dilis, Untersuchungen 2ur Titulatur der Bischdje in den ausserkirchlichen Texten der Spitantihe..., Vienne, 1970, index, s. w. 87. Collectio Avellana, 51, 7 (C.S.E.L., t. 35, 1, p. 118, 27) : in tantae urbis antistite (J. W., n° 546 ; date : 460). 88. Collectio Avellana, 6g, 1 (ibidem, p. 155, 3) 3 tantae urbis antistitem (J. W., n 586 ; date ; 482). 8g. Si l'on compte la lettre de Léon le Grand & Gennade : dilectionis Iuae litteris et fratrum coepiscoporumque nostrorum... agnoui (P.L,, t. 54, 0.4214 A; J.W., 2547; date : 460). Le modile exact est attesté pour la premiére fois en 500 ; Symmaque & Aconius (P.L., t, 62, ¢. 50D; J. W., n° 754), dilectionis tuae litleras mandataque... suscepimus. 90. Cf. Grégoire le Grand, Registrum, IX, 147 (M.G.H., Bpist..t. 2, p. 142, 24-25) : dilectionis tuae seripta suscepi quae in meo sensu amoris inelle condita sapuorunt, et Geoffroy de Breteuil, epist. 7 (a Jean de Bangerais ; P.L., t. 205, ¢. 835 D) : dilectio- nis uestrae scripta suscepi, quae cordi meo amoris melle condita sapuerunt, Paralléle & joindre & ceux relevés par I. Silvestre, « Notes sur le recueil épistolaire de Geoffroy de Breteuil ({ 1194) », Revue bénddictine, 74, 1964, p. 169-170. 91. Liber contra Mocianum, P.L., t. 67, c. 864-5. 92. Cf. J. Ruysschaert, « La commémoration de Cyprien et de Corneille in Callisti », Revue d'Histoire Esclésiastique, 6, 1966, p. 455-484. 93. Voir I'intéressant appendice ¢ Cyprian’s Days in Kalendars » dans Ii. W. Ben- son, Cyprian. His life, kis times, his works, Londres, 1897, p. 610-620. UN «CYPRIEN» DE CLUNY 35 patronage de Corneille. Somme toute, le faussaire a inventé une des lettres virulentes qu’ Btienne avait envoyées A Cyprien4, mais il lui fallait un auteur plus connu, capable de rivaliser avec Pévéque de Carthage : Corneille s'imposait. A quel moment eut-on besoin d'affaiblir ainsi Pautorité de Cyprien ? Manifestement A une époque oit on se réclamait de lui pour niet la vali- dité des sacrements conférés par les hérétiques. La querelle baptismale cesse aprés la crise donatiste, mais une autre va se déchainer au xI® siacle, celle des ordinations simoniaques”. On utilise abondamment les ceuvres @Augustin®, mais Pautre pole est constitué par la doctrine de Cyprien, dont se réclament a des titres divers L¢on IX, Humbert et méme Grégoire VII. Dans cette période ot les libelles se multiplient, quelque part dans le nord-est de la France ou la région rhénane, un adversaire des réordina- tions aura ertt de son devoir de rétablir « la vérité »®”, en rappelant & sa manigre que, au moins sur le point du rebaptéme™, Cyprien s*était gravement trompé ; mais, comme il avait dexcellentes intentions mais peu de talent, son faux n’a pas di convainere grand monde et n’a connu, en tout cas, qwune diffusion limitée™. Pierre Purrimencin 94. CE, epist. 74, ¢ (p. 799, £2-14 HL.) ; ily a sans doute en d'autres lettres d'Iitienne, qui ne reculait ‘pas devant uit langage vigoureux : cf. epist. 75, 25 (p. 827, 3-6) ! non pudet Stephanum... tsuper et Cyprianum pseudochristum et ‘pseudoapostolum et dolosum aperarinene dicere. 5. Les ouvrages classiques sont ceux de C. Mirbt, Die Publisisti im Zeitalter Grogors VIL., Leipaig, 1804 ; Le. Saltet, Les réordinations. Etude sur le sacrement de Pordre, Paris, 1907, p. 173 $v. ; A. Schebler, Die Reurdinationen in dev « alt- hatholischen » Kirche..., Bont, 1936, p. 215-208. Ce dernier travail ininimise V'in- fluence de Cyprien ; cf. A. Nitschike, « Die Wirksankeit Gottes in der Welt Gre- gots VIL. 0, Studia Gregoriana, 5, 1956, P. 154-155. 90. Les citations sont commodément rassemblées dans la thise de C. Mirbt, Die Stelling Augustins in der Publizistth der gregorianischon Kirche, Leipzig, 1888. 1 amanqite un travail similaire pour Cyprien, dont le ¢ Nachleben » au Moyen Age na pas encore rec le traitement qu'il mériterait (cf. Von Soden, Brie/sanntung, P. 172-173 ; on notera tout de méme, sur le De unitate et les canonistes, Bévenot, St, Cyprian's De unitate, p. UXVI-LXSV). 97. Sur les motifs des faussaires médiévaux, on lira avec profit H. Fuhrmana, Einfluss und Verbreitsung der psoudotsidorischen Falschungen..., t. 1, Stuttgart, 1972, chapitre 1 (spécialement les p. 86-101 : «Der Falscher in der Gesellschaft und Rechtswelt des Mittelalters »). 08. Personne ue le défend au x1° siécle. Les partisaus des révrdinations recon- naissent quela position de Cyprien a été dépassée : of. Humbert, adwersus symoniacos, 1,9 (M.G.H., Libelli de life, t. 1, p. 114, 21-25) ; Deusdedit, Libellus contra inuasores el symontacos, 7 (ibidem, t. 2, p, 325, 22-27) et le commentaire de ce passage par Ch. Munier, Les sources patristiques du dvolt de I'Bglise du VIII au XIIT® sidcle, Mulhouse, 1957, p. 110. 99. En deux endroits, j'ai relevé une allusion & Ja condamnation de Cyprien par tiene et Corneille : Deusiedit, Joc. laud, (date : vers 1097) et Urbain IT, lettre a Tncius (P.L., t. 151, &. 532 Ds J. W., 09 5743 ; date : entre 1088 et to99). Fautel voir 1A une influetice de Fepistula ? Ce serait Ini reconnaitre une diffusion beaucoup plus grande que celle attestée aujourd'hui dans les manuserits. Je me demande s'il n'y a pas 1, plus simplement, un souvenir de Rufin (cf. p. 32, m. 73). Jérdme auditeur d’Apollinaire de Laodicée a Antioche Jéréme a-t-il été Vauditeur d’Apollinaire & Antioche avant ou aprés sa tentative érémitique au désert de Chalcis ? Il est assez malaisé de Pétablir, Les précisions manquent de sa part et les arguments externes sont, en Poceurrence, d’un maniement fort délicat, Contrairement Griitzmacher! qui représente Ia position traditionnelle, Cavallera croit pouvoir placer leurs relations lors du second séjour’. Le premier, en effet, Jui parait trop bref et Jérdme fut presque constamment malade ; surtout il wavait pas encore de la langue grecque un maniement suffisant pour écouter avec profit les conférences d’Apollinaire ; que celui-ci ait vu alors ses positions théologiques condamnées — argument traditionnel en faveur du premier séjour — n’est pas, pour Cavalera, une difficulté. Nous tenons ld les trois points autour desquels tourne le débat. Qu’en est-il tout d'abord du dernier repére, c’est-d-dire la situation ecclésiale de Pévaque hérétique de Laodicée® ? C'est en 362, au concile 1. ¢In dieser Zeit des Schwankens hat er wahrscheinlich den berithmten Theo- logen, Apollinatis von Laodicea, in Antiochia gehért. Als Hieronymus 373 nach Antiochia kam, war Apollinaris noch nicht als Hiretiker aus der Kirche ausge- stossen» (GRiTzmacueR, Hieronymus, t. I, Sein Leben und seine Schriften bis zum Sabre 385, p. 150). Méme position chez Courcelle (Les leiives grecques en Occident de ‘Macrobe & Cassiodore, Paris, 1948, p. 38, n. 4) et Altaner, Sur la date du premier séjour & Antioche, voir ci-dessous la note 22. 2. CE, Cavantera (F), Saint Jéréme, sa vie et son auvre, Louvain-Patis, 1922, t. II, p. 19, Cette opinion est reprise par Puna, Principt e carattere dell’ esegesi di S. Gerolamo, Rome, 1950, p. 10 et pat ANIN, Essai sur Saint Jéréme, Paris, 1051, P.7. 3. Sur les conceptions christologiques d’Apollinaire et ses démélés avec Vortho- doxie, voir CavarnEra, Le schisme d’Antioche (IV*-V° sidcte), Paris, t905 ; TIXHRONY (J), Histoire des dogmes, t. Il, de saint Athanase & saint Augustin (318-430), 2° éd., Paris, T909 ; AIGRAIN (R.)}, Article Apollinaire dans le Dictionnaire d'Histoire ct de Géographie eccldsiastiques, t. III (1924), col. 964-965. JERGME AUDITEUR D’APOLLINAIRE DE LAODICE 37 d’Alexandrie, qu’on saisit pour la premiére fois une manifestation des conceptions d’Apollinaire sur le Christ. Une discussion y oppose ses représentants aux Antiochiens, mais l'accord se fait sur une formule qui pourtant condamne ses idées. D’Apollinaire Iui-méme il n’est pas question. Méme silence sur sa personne dans une lettre d’Athanase & E:pictéte vers 371. Son grand crédit détourne encore de lui Jes accusations, mais sans doute ne tarde-t-il pas 4 devenir suspect 4 certains. En 375 il attire sur lui Pattention en sacrant évéque d'Antioche — compliquant un peu plus une situation passablement embrouillée — un de ses partisans, Vital, qui vient de refuser de souscrire a la formule du pape Damase sur le corps, Pame et Pesprit du Christ, formule incompatible avec !’apollina- risme. Quels échos l’événement éveille-t-il chez Jéréme, et A quel moment précis ? Nous lignorons. Mais hétérodoxie d’Apollinaire est de plus en plus patente. Epiphane de Salamine, qui pourtant le ménage, le fait figurer dans son catalogue des hérésies*, Basile prend nettement parti contre {ui5 et obtient de Rome en 377 une formule excluant les idées @Apollinaire, qui sont clairement condamnées au concile de Rome a la fin de 1a méme année, Tes retombées de ces controverses alimentant Jes dissensions entre les moines du désert que divise de surcroft le schisme @Antioche, Jéréme en a certainement connaissance. Apollinaire fait-il excommunié nommément dés 377, ou seulement plus tard en 380, comme le pense Cavallera® ? Tl est difficile d’en décider. Qu’en conclure pour la date ot Jéréme fe fréquente ? Il est certain qu’a l'arrivée de Jéréme & Antioche, Apollinaire n’avait encore été lobjet @aucune sanction formelle. En revanche, A son retour du désert, la condamnation était imminente, ou peut-€tre méme acquise, Faut-il done conclure en faveur du premier séjour ? ‘Toute la question est de savoir si la fréquentation d’un évéque hérétique était alors assez scanda- leuse pour faire reculer Jéréme. Or, comme le fait remarquer Cavalera, il prévient fui-méme Pobjection quand il déclare dans sa lettre 84 qu’en écoutant Pexégate, il n’acceptait pas Popinion litigieuse du théologien’. Crest done qu'il savait & quoi s’en tenir, et les vicissitudes des relations d’Apollinaire avec Torthodoxie cessent dés lors de fournir un repére utilisable, On peut ajouter que Jérdme, qui s’entend pourtant 4 pour- fendre Phérésie, ne parait pas avoir prété grande attention a Perreur d'Apollinaire. Sa notice du De wiris illusiribus n’en souffle mot’. Le terme méme de contentiosus qui la qualifie dans sa lettre est bénin sous sa plume et évoque plutét des subtilités chicaniares. Latin égaré au milieu des finesses théologiques qui aéchiraient les églises d’Orient, 4. GpIPHANE, Hasreses 77, GCS 37, £4, Holl, 1933, L’ouvrage, qui traite de quatre- vingts hérésies, a été achevé en 37. 5. CE£. notamment Bastiat, Epist. 263 aux Occidentaux, PG 32, 980. 6. CAvaruuRa, Le schisme d’Antioche, p. 214. Cf. ATGRAIN, I, c., col, 970. 7. Epist. 84, 3: ... cum me in sanctis soripturis erudivet, numguam illius contention sum super sensu dogma suscepi. 8, De wir, illusty, 104, PL, 23, 701-703. 38 PIERRE JAY Jéréme n’en a jamais bien pénétré les méandzes ni toujours saisi Venjeu®. La solide orthodoxie trinitaire de Pami d’Athanase a pu estomper & ses yeux ses idées sur le Christ, qui inanguraient pourtant Pare des contro- verses christologiques. Plus importante était pour lui la perspective de siinitier A la science des Ticritures auprés d'un des exépates les plus marquants de son temps. Le «dossier Apollinaire » peut done étre retiré du débat puisqu’en définitive il infirme ni ne confirme aucune des deux datations. Restent les deux arguments invoqués par Cavalera, Le second, engage toute la question de la formation grecque de Jéréme", ‘Terrain mouvant of manquent les repéres sfirs. Un fait est certain, cest qu en arrivant en Orient, Jéréme connaissait mal le grec, Le témoignage de Rufin tendrait méme a faire croire qu’avant sa conversion a la vie ascétique il Pignorait totalement, tout comme Rufin Iui-méme!!, Sans doute celui-ci veut-il un peu trop prouver, mais le fait qu'il se donne lui-méme comme référence et que Jérdme souligne, 2 propos de son ancien condisciple, qu'il a appris le grec tout seul” confirme bien ce que nous savons d’autre part : le grec n’occupait plus dans l’enseignement occidental qu’tme place minime, présentant pour L’écolier latin toutes les difficultés rébarbatives dune langue étrangére!®. Jérdme avait da y étre initiél, puisque son dernier Commentaire nous renvoie curieusement Pécho des méthodes utilisées pour lacquisition de alphabet, méthodes qu'il avait eu Poccasion de retrouver lors du combien pénible apprentissage de 'hébreu*®, Cette initiation allait-elle jusqu’ une teinture de textes littéraires ? Peut-ére, si 'on en croit Pexpérience d’Augustin qui, la quarantaine passée, se souvenait encore « qu’Homére était amer son 9. CE BaRDy (G), St Jerome and the Grech Thought, dans A monument to St Jerome, . X. Murphy ed, New-York, 1952, p. 83-112. to. Voir sur cette question, outre une note de Cavalera (op. cit, t. I, p. 7, tt. 4), Pétude de P. Courctne sur la culture grecque de Jéréme (Les letives grecques on Occident..., p. 37-38 notamment). ar. Cf Ruri, Apol. IL, 7: Ante enim quam conuerterctur, mocum pariter et litteras graecas ot linguam Penitus tgnorabal (PL, 21, 590-592). C’est la conversion & la vie ascétique qui est ici visée, Rufin veut prouver que Jérdme s'est mis & la lecture des Grecs aprés ses promesses du Songe. 12. Cf. Hime. Apol. adu. Rufinum I, 30 : Mivaris si ego litteras latinas non sum oblitus, cum te gragcas sine magistvo didiceris (PI, 23, 422 B). 13. Cf. AuGustmy : diffioultas omnino ediscendae linguae peregrinae quasi felle aspergebat omnes suauitates graccas fabulosarum navrationum (Confessions, I, 14, 23, éd. Labriolie, t. I, p. 20). 14. Selon toute vraisemblance par un grammaticus grec, comme c’était l'usage, suppose Courcelle (of. cif, p. 36) qui renvoie A MARROU, Saint Augustin ot la fin de la culture antique (p. 27) 15. CE. In Hieremiam 25, 26 : Sicut apud nos Graecum alphabetum usque ad noui: simam litteram per ordinem legitur, hoc est, Alpha, Betha et cetera usque, ad @, rur- sumgue propter memoriam paruulorum solemus lectionis ordinem inuerlere et primis extrema miscere ut dicamus Alpha w, Betha Psi, sic apud Hebraeos.,. (PI, 24, 838 D.) JEROME AUDITEUR D'APOLLINAIRE DE LAODICEE 39 esprit d’enfant!® », On peut encore supposer qu'il recut du rhéteur quelques notions de littérature grecque utiles Part oratoire, comme ces préceptes issus @Aristote ou de Gorgias qu’il évoque A Poccasion*?, mais cela impliquait-il des lectures dans le texte original ? P. Courcelle a bien montré que Jéréme nomme plus aisément qu'il ne les cite poétes et orateurs grecs, faute sans doute de les avoir lus dans sa jetnesse™*, Cest done bien en Orient qu'il apprit vraiment le grec. Griitzmacher estime qu'il suivit pour cela un enseignement scolaire, lors de son premier séjour & Antioche, acquérant ainsi rapidement une solide connaissance de la langue, qui tui permit d’écouter Apollinaire!?, Peut-tre, mais ce n'est qu’une hypothése, et Yon est tout aussi fondé & supposer, avec Cavalera, que c'est au désert qu'il poussa cette étude, ce qui recouperait Paffirmation, tendancieuse il est vrai, de Rufin. Peut-on tirer, en la circonstance, une indication décisive du propre témoignage de Jéréme ? Vers la fin de son séjour au désert qu’assom- brissent des controverses doctrinales auxquelles il se trouve mélé malgré Ini, dans une lettre wm prétre de Chalcis, il interpelle en ces termes un adversaire fictif : «Tu crains sans doute que, tel un homme éloquent en langue syrienne ou grecque, je ne fasse le tour des églises, séduisant les peuples, créant un schisme®® », C’est une fagon de rappeler que, ledit-il voulu, it en était bien incapable. Mais peut-on le croire sur parole quand on le voit assimiler sa connaissance du grec A celle, fort médiocre, qu'il avait di acquérir du syriaque parlé autour de lui, ce « parler barbare qui n'est qua peine une langue» ? Jérome, alors, souhaite avant tout qu'on fe laisse en paix et qu'on cesse de le harcelet en Iui demandant compte de sa foi, Dans cette perspective, l'image du moine latin, médiocre helléniste, est rassurante et commode. Mais pouvons-nous faire fond sur elle ? Jérdme en savait probablement plus, surtout A cette date, qu'il ne souhaitait le laisser paraitre. On voit la difficulté de conclure avec assurance & partir d’indices aussi fragiles. 16, AUGUSTIN, Confessions I, 14, 23 : Homerus... miki tamen amarus evat puero (éd. Labriolie, t. L, p. 20). 17. Cf. Apol. adu, Rufinum I, 30 PI, 23, 422 B. 18, « Jérdme nomme fréquemment, mais cite rarement les podtes grecs » (0p. cif., p. 49). # Rien ne permet d’affirmer que Jéréme ait eu un contact direct et personnel avee les poates grees » (ibid., p. 52). 19. «So diirfen wir es als gewiss annehmen, dass er est im Orient, als er nach Antiochia kam, Griechisch erlernte. Er gab sich hier einem Lehrer in die Schule, und erwarb sich rasch eine tiichtige Kenntnis der Sprache » (Hieronymus, t. I, p. 125-126), Le fait que Jér6me ait fait appel A un professeur lui parait découler du passage de l'Aduersus Rujfinum I, 30 (texte ci-dessus n, 12) qui souligne que Rufin a appris le gree sans maitre. 20, Plane times ne eloquentissimus homo in Syro sermone uel graeco ecclesias civcu- meam, populos seducam, scisma conjiciam (Epist. 17, 2, trad. Laboutt, t. T, p.52). 21. Epist. 7,2: ... barbarus semisermo... (A la conjecture d’Hilberg : barbarus seni sermo, je préfére la legon semisermo donnée par les manuserits, création verbale qui va bien avec le contexte et qui n’est pas sans homologue dans la Correspondance. CE. semibarbarus, Epist. 3, 5 et 50, 2), 40 PIERRE JAY L’autre argument qu’avance Cavallera n’est pas sans solidité. Le premier séjour de Jéréme & Antioche, en effet, fut assez bref, probable- ment moins d’un an®, Les lettres de Jéréme qui Vévoquent font état de maladies fréquentes qui V’ont brisé et laissé sans forces, Il a méme failli mourir, sans doute pendant le Caréme 375, date assez vraisemblable de son célébre songe*4, Tl est encore malade en été, ou du moins dans un état de faiblesse qui s’oppose 4 un voyage en egypte®> ou méme a Jérusalem®, Etait-ce au point qu'il n’ait pu, de toute cette période, avoir l'activité intellectuelle suivie que suppose la fréquentation assidue d’Apollinaire ? On serait tenter de le penser. Pourtant, c’est de ce séjour que date, selon son propre témoignage, un premier commentaire sur Abdias dont il se repentira plus tard mais dont l’existence atteste au moins un certain travail scripturaire*’. Sans étre méprisable, argument de Cavallera n’est done pas absolument décisif. Mais, d’un autre point de vue, la composition, lors du premier séjour, de ce Commentaive sur Abdias fournit, 4 mon sens, pour les relations avec Apollinaire, une forte présomption en faveur du second. En effet, daprés ce qu’en a dit Jéréme plus tard, cet essai malheureux trahissait Penthousiasme mais aussi l’incompétence du néophyte qui avait tout & apprendre, et ses excés allégorisants se situaient aux antipodes de ce qu’efit pu étre une influence de Pexégtte de Laodicée, qui se serait immanquablement fait sentir si Jéréme avait été son auditeur an méme 22. Arrivé & Antioche & I'automne 374, selon Cavallera, Jérduie a dii en repartir vers la fin de l'été suivant, car il y est encore en été (cf. Epist. 3, 2 ad Rufinum) mais est déja installé au désert quand il regoit la réponse de Florentinus & qui il avait adressé & Jérusalem sa lettre A Rufin (Zpisl. 5, 1). 23. CE. Epist. 3, 1: inualidum etiam cum sanum est corpusculum crebri jregere morbi... cf, 3, 3: (en Syrie) ego quidquid morborum esse polerat experius... La lettre est de été 375. Ch Epist. 6, 5: ... me iugis tam corports aegrotatio quam animas asgritudo con- sumpsit, 24. Ch. Epist. 6, 1... ui morte imminonte nec mei paone memor Juerim, Cette descrip- tion parait reconper celle qu'il fait & Eustochium de la maladie qui l’abattit au Caréme 375, a I’époque du Songe : ...in media ferme quadvagesima medullis infusa febris corpus inuasit ewhaustum et (...) sic infelicia membra depasta est ut ossibus wie hacrerem. Interim parabantur oxsegitiae et uitalis animae calor toto frigente 1am corpove ‘in solo tantum tepente pectusculo palpitabat... (Epist. 22, 30). 25, Cf. Epist. 3, 2: ...tunc weve aegrotum esse me dolui. Et nisi me adtenuatae corporis wives quadam conpede pracpedissent, nec medic feruor asstatis nec nauigan- tibus semper incertum mare pia jestinatione gradienti ualuisset obsistere, 26. Cf. Epist. 4, 2 of il prie Florentinus, moine installé A Jérusalem, de saluer un frére qui s’y trouve, quem ego uidere destderans catena languoris innector. Cette lettre accompagne la lettre & Rufin mais Jui est un pen postérieure puisque, entre temps, Jéréme a appris que Rufin était venn d’Egypte A Jérusalem, nouvelle d'aillenrs inexacte (cf. Epist, 5, 2). 27. Sur la date de ce premier commentaire d’Abdias, perdu, voit CAVAILERA, of. cil,, t. I, p. 17-18. Le prologue du second commentaire sut ce prophéte fixe en effet clairement la composition du premier & I’époque ot, avec Héliodore, Jérome se préparait & se retirer an désert de Chalcis, c’est-A-dire A son premier séjour A Autioche (PL 25, £098 B). Héliodore, pour sa part, ne donna pas suite a ce projet. JEROME AUDITEUR D'APOLLINAIR. DE LAODICEE 41 moment”, II y a 1A un motif raisonnable pour dissocier dans le temps le Commentaire @Abdias et les lecons d’Apollinaire et pour reporter par conséquent celles-ci aux années quti stivent le retour de Chalcis. Pris isolément chacun de ces indices peut paraitre fragile. Leur conver- gence autorise malgré tout, me semble-t-il, a placer plutét aprés son retour 4 Antioche les relations de Jéréme avec Apollinaire. Mari par ses lectures et ses travaux du désert, il était sans doute plus 4 méme, a cette date, de comprendre qu'il avait besoin, pour avancer dans I'intelligence des Kicritures, de Pexpérience d’un maitre compétent, Pierre Jay 28. Ci, Hier, In Abddiam prol, : ...in adulescontia mea prowocalus ardore el studio soripturarum allegorice inlerpretatus sum Abdéam prophelam cuius historiam nescie- ham. (...) Litteras sacculi noweram of ob id putabam me librum legere posse signatunt. Stultus ogo... (PL 25, 1097 AB). Jérome n’avait donc pas eucore suivi l’enseignement d'Apollinaire quand il se livrait & cette premiére tentative exégétique, Jéréme “ informateur ” d’Augustin au sujet d’Origéne De précieux travaux contemporains ont tent¢ de faire le point des connaissances qu’Augustin avait pu acquérir au sujet de la personnalité @ Origéne, de ses travaux et de ses opinions}, S*il nous est permis, grace & Courcelle, Chevalier, Altaner, Theiler, pour ne citer qu’eux, de mesurer quelque peu I’étendue de Pinformation (d’ailleurs limitée) d’ Augustin, nous entrevoyons mal encore les moyens et surtout les intermédiaires de cette information. Sans doute le nom de Jéréme est-il le plus fréquemment invoqué, de préférence a celui de Rufin d’Aquilée ; mais les conditions de influence directe ou indirecte de Jéréme demanderaient 4 étre précisées. Nous voudrions essayer d’apporter ici quelques éléments A cette recherche. Nous venons de suggérer que le réle d'information joué par Jérdme vis-a-vis d’Augustin au sujet d’Origéne a pu étre direct ou indirect. Selon cette distinction, cette communication comportera deux parties. I, — INFORMATIONS DIRRCTHS Il est hors de nos possibilités d’apporter ici un bilan exhaustif, Déli- miter le domaine des informations « directes » exigerait le dépouillement de toutes les lectures higronymiennes d’Augustin et le discernement minutieux, & travers ces lectures, des passages relatifs & Origéne. Sans doute pareil travail est-il entrepris, mais non achevé. Cependant, il nous a paru utile de rassembler déja les éléments de la recherche qui semblent acquis. 1, Voir particuliérement : P. Courcutts, Les lettres grecques en Occidont, Paris 1948, p. 185-187 ; ALTANER, Augustinus und Origenes, Elne quellenhvitische Unter- suchung dans Historisches Jahrbuch, t. LXX, 1951, p. 15-47 article reproduit dans B. AWTANER, Kleine Patrislische Schriften, Berlin 1967, p. 224-252. ; Willy THEILER, Augustin und Origenes, dans Augustinus, Strenas Augustinianas P. Victorino Capa- naga, Madrid 1968, p. 423-432; 1. Cuuvaniin, Saint Augustin ef la pensde grecqua, Fribourg en Suisse, 1940, p. 104-105. JEROME «INFORMA EUR » D*AUGUSTIN 43 x Augustin a eu connaissance de la premiére admiration incondition- née que Jéréme avait vouée a Origane: ii a Iu (tout le monde s’accorde sur ce point) la longue et élogieuse notice de Jéréme dans le De uiris inlus- iribust ; 4 plusieurs reprises, il reconnatt ct il partage Vestime de Jérdme pour la prodigieuse érudition d’Origtne®. 2° La correspondance Augustin et de Jéréme d’une part, la Cité de Diew Wautre part, nous renseignent sur ies informations fournies par Jérdéme sur certains thémes et certaines méthodes exégétiques d’Origgne. Ces informations, occasionnelles, sont évidemment hétérogénes les unes par rapport aux autres : a) La discussion bien connue entre Augustin et Jéréme au sujet de Pincident d’Antioche (Gal, 2, 14-20) conduit Jéréme a instruire son correspondant des différents travaux consacrés par Origtne a l’ipitre de Paul aux Galatest, La prise de position d’Origéne at sujet de l'ineident @Antioche a été motivée par la nécessité de réfuter les attaques de Porphyre®, Ijui-méme Jérdme est trés favorable A cette interprétation que Jean de Constantinople n’a pas contredite®, Dans sa réponse, Augustin reconnait qu'il n’a pas lu les commentaires d’Origéne”. b) Origéne a commenté le Psautier et, en Occident, des hommes comme Hilaire de Poitiers, Eusébe de Verceil et Ambroise, ont puisé abondam- ment dans ces commentaires, ce qu’Augustin ne fait pas®, c) A Augustin qui admirait sans réserve une traduction du Livre de Job réalisée A partir de la version de 1a Septante et comportant obéles et astériques®, Jérdme répond, non sans condescendance, en. dénongant Paudace d’Origéne qui a consisté a insérer P’édition de ‘Théodotion dans celle des Septante ; il engage vivement Augustin a supprimer les passages sous astériques, 2, AuG., Epist. 40/67, 2 et 9. — Nous indiquerous daus toutes les notes la munéro- tation de chaque Epistula au moyen de deux nombres dont le premier correspond & Vordre de la lettre dans la correspondance d’Augustin et le second a lordre de la mémte lettre dans la correspondance de Jérdme ; les chiffres suivants indiquent les paragraphes de la lettre, 3. AUG,, Epist. 28 /56, 2 ; 40/67, 9 ; 82/116, 23 ; De Ciwitate Dei XI, 23, 1 (,.. homi- nem in ecclesiasticis litteris tam doctum et exercitatum... 4, Hime, Epist. 75/112, 4: Jérome ne fait ici quereprendre un passage de sa propre préface & son Commentaire del’ Epttre aux Galates, et il fait remarquer troniquement & Augustin qu'il devrait déja l'avoir lu | 5. Himr., Bpist. 75/112, 6 et 11. 6. Humm., Epist, 75/112, 6. 7. AuG., Epist. 82/116, 23-24. 8, Himr., Epist. 75 /112, 20, Augustin ne relave nulle part cette critique de Jérome. 9. AUG, Epist. 71/104, 3. ro. Hier, Epist. 75/112, 1 Vis amator esse verus septuaginta interpretum ? Non legas ea quae sub asteriscis sunt, immo rade de voluminibus... ». On salt que Jéréme a mis de multiples fois en garde ses correspondauits contre cette « addition » @Origene ; Epist. 106, 7; Préface a la version du Pentateuque (P.L.. XXVIII, 148 A) ; Commentaire sur Daniel (P.L. XXV, 493 A) ete. Augustin prit la remarque an sérieux comme on le voit en De Civitate Dei XVIII, 43. 44 A-M. LA BONNARDIERE d) Cest Vintroduction de Jéréme a son commentaire du prophéte Malachie quia instruit Augustin de opinion d'Origéne faisant de Malachie un angel, 3° Les informations directes émanant de Jérdme concernent aussi un certain nombre d’e erreurs » d’Orig’ne. Le premier élément du dialogue semble bien avoir été une lettre, aujourd’hui perdue, dont font état a la fois Augustin™ et Jérdme®, lettre que ce dernier adressait A Augustin et dans laquelle il lui conseillait @user de discernement dans l'appréciation des doctrines d’Origénel4, Cette mise en garde suscita de la part d’Augustin une demande de renseignements plus précis; c’est alors qu’Augustin suggére & Jérdme de compléter son De wiris inlustribus en accompagnant la notice de chaque « hérétique » d’une bréve mention de ses erreurs'5, On voit qu’en posant cette question en 398-399, Augustin ignorait tout des débuts de la crise origéniste. La réponse de Jérome consista dans Penvoi A Augustin, en 402, par l'intermédiaire du sous-diacre Astérius, du troisiéme livre de lA pologia aduersus libros Rufini§, De cette lecture, Augustin a noté plusieurs fois les thémes qui Pavaient frappé : il déplore la profonde et irrémédiable discorde qui sépare, aprés tant d’années d’amitié, Jéréme et Rufin!” ; il constate le changement d’appréciation de Jérome vis-a-vis d’Origéne et de Didyme : « Pour Origéne et Didyme, je lis que tu les as repris dans tes plus récents ouvrages, et non pas médiocrement ni sur de médiocres questions, bien qu’auparavant tn aies loué Origéne de fagon surprenante!8, « Cette phrase, extraite de 1Epistula 82/116, qui date de 405, fait allusion A un chapitre de l'Apologia adversus libros Rufini, qui traite du probléme de lorigine de Pame, Jéréme y exprime, on quelques mots, comment Origéne enseigne la préexistence des Ames par rapport 11. HIER. Comment. de Malachie, P. l,, XXV, 1541B ; 1543-1544 A; Ava., Do Civitaie Dei XX, 25, 1. 12, AuG., Epist, 40/67, 1 et 9. 13. Hrer., Epist. 39/103, 1. 14. F, Cavallera rapproche cette lettre de Jéréme — qui daterait de 306 — des lettres 6r, 62 et 85 respectivement envoyées A Vigilance, ‘Tranquillinus, Paulin de Nole et qui donnent le méme conseil de prudence : il faut distinguer le théologien et Vexégtte. Voir F. Cavarrmna, Saint JérOme... Paris 1922, Notes complémentaires, Note Q, p. 121. 15. AuG., Epist. 40/67, 9. 16. Nous avons de la réception de ce document par Augustin et de la lecture qu'il en fit des preuves trés précises : Himr., Epist. 68/102, 3 (V'envoi par Jéréme) ; Avc., Epist. 73/10, 6 (accusé de réception) ; Epist. 82/716, 1 (rappel de 1a pre- migre émotion d’Augustin) ; Epist. 82/116, 23 (mention de la sévérité de Jéréme vis-a-vis d’Origéne et de Didyme) ; Epist. 166/131, (citation littérale d’un passage de Jéréme). 17, AUG., Epist. 73 /t10, 6 ; 82/116, 1. 18, AvG., Epist. 82/116, 23 : « Origenem vero ac Didymum reprehensos abs te, lego in recentioribus opuseulis tuis, et non mediocriter, nec de mediocribus quaestio. nibus, quamvis Origenem snirabiliter ante landaveris », JEROME «INFORMATEUR» D’AUGUSTIN 45 aux corps auxquels elles ont été liées A la suite d’une faute!”. Nous n’avons pas assurance donnée par Augustin qu'il ait lu ces lignes elles- mémes, mais nous savons par une lettre plus tardive adressée & Jérome qwil connaissait bien ce chapitre de Apologia dont il lui rappelle un passage*”. Un autre document, émanant de Jérome et certainement lu par Augustin devait, quelques années plus tard, lui apporter une information analogue : il s’agit de la lettre adressée par Jéréme au comte Marcellinus au plus tard en 412 et dans laquelle se trouve I’énumération des cing théses que connaissait Jéréme au sujet de l’origine de l’4me; Pune d’elles est ainsi formulée : « Utrum lapsa de coelo sit, wt Pythagoras philosophus omnesque Platonici et Origenes putant™ ?» La lecture de ce texte par Augustin est attestée par sa lettre & Jérome de 415 dans laquelle il Pinter- roge sur Vorigine de Ame. iy. Hur, Apol. adversus libros Ru/ini U1, 28 et 30. Jérome s'adresse & Rufin WAquilée :'¢‘Transis ad animarum statum ‘et prolixius fnmos meos iitcrepas... Quaeris a me quid ipse de animabus sentiam, ut cum professus fuero, statin invadus, Et si dixero illud Ecclesiasticum, Quotidie Deus operatur animas, et in corpore eas mittit nascentium, illico magistri tendiculas proferas : et wbi est iustitia Dei, ut de adulterio incestuque nascentibus animas largiatur ? Ergo cooperator est malorum hominum, et adulteris seminantibus corpora, ipse fabricatur animas ? quast vitium sementis in tritico sit quod furto dicitur esse sublatum, et non in eo qui frumenta furatus est ; ideircoque terra non debeat gremio suo semina confovere, quia sator immunda ea proiecerit manu. Hine est et illa tua arcana interrogatio quare morian- tur infantes, cum propter peceata, corpora acceperint. Exstat liber Didymi ad te, quo sciscitanti tibi respondit, non eos muita peccasse, et ideo corpornm carceres tantumt cis tetigisse sufficere. Magister meus et tuus eo tempore, quo tu ab eo ista quaerebas, tres explanationui in Osee prophetam libros ad me, me rogante, dictavit. EX quo apparet, quid me, quid te docuerit. + III, 30: « Seribis apud ecclesiasticos tractatores, tres de animabus esse sententias Vnam, quam sequitur Origenes ; alteram quam ‘ertullianus et Tvactantius... ; tertiam, quam nos simplices et fatui homines, qui non intelligimus, quod si ita sit, iniustus a nobis arguutur Deus. Et post haec juras te neseire quid sit verum. Dic, oro te : putasne, extra haec tria esse aliquid in quo verites sit ? et in tribus istis mendacium ? An de tribus unum esse quod verum sit ? Siest aliquid, cur disputan- tium libertatem angusto fine coucludis ; et cum mendacia protuleris, de veritate taces ? Sin autem ¢ tribus unum verum est, et reliqua duo falsa sunt : cur simili ignorantia ignoras falsa cum veris ? An ideirco verum dissimulas, ut tibi tutum sit, cum voluetis, falsa defendere «Hit iterum clamitas, et Aquilelae atque Alexandriae te didicisse iactas, quod sit Deus et animarum et corporum creator. De hoc scilicet quaestio ventilatur, utrum Deus an diabolus animas fecerit ; et non utrum animae ante corpora fuerint, quod vult Origenes et egerint aliquid, propter quod sint crassis corporibus alligatae ; an in morem glirium torpentes consopitaeque dormierint. Haec taces, quae omnes flagitant ; et ad illa respondes, quae nullus inquirit » (P,L. XXIII, 477-480), 20, AUG., Epist. 166 /r31, 5 (15): Augustin résume le passage daus lequel Jérdme traite des enfants nés d’unions adultéres. Déja, dans De Gen. ad litt. X, 13 (23), Augustin, sans nommer JérOme, fait allusion & une comparaison dont il avait fait usage dans le chapitre en question de l'Apologia (... aut propterea non debuerunt germinare frumenta, quod ea sevit furantis manus.) 21, Hun, Epist. 165/126, x (1). Voir Madeleine Mornay, Le Dossier Marcellinus dans la Correspondance de saint Augustin, Paris 1973, p. 81-82. 22. AUG., Epist. 166/131, 3 (7). 46 A-M, LA BONNARDIERE I serait inexact de penser que Jérdme, sur ce point précis de 1a doctrine origénienne de l’origine des dames, ait été le seul informateur d’Augustin. Le recueil des réfutations augustiniennes de cette opinion, tel qu’on peut Je rassembler, laisse deviner d’autree sources que les deux textes de Jéréme rappelés ci-dessus : on peut trés bien supposer des textes en provenance d’auteurs tels que Rufin le Syrien dont le bells De fide est en partie dirigé contre les erreurs d’Origéne!, Augustin a et ce traité entre les mains en 411-412. Dés avant d’avoir entre les mains Apologia de Jérome, Augustin avait Iu le Commeniaire sur le prophite Jonas, qui fut un objet de discus- sion entre les deux correspondants. Or, c'est sfirement par cette ceuvre de Jéréme qu’Augustin fat mis au courant de Popinion d’Origéne sur le salut du diable, telle qu’elle était transmise par ses adversaires®5, I, — INFORMATIONS INDIRECTES Jéréme aurait-il é€é indirectement responsable de la transmission @’une influence d’Origéne sur Augustin ? On peut se poser Ia question en ayant toutefois une vive conscience des difficultés d’une telle recherche. Aussi voudrions-nous seulement signaler deux chantiers d'études qui nous ont semblé intéressants. 19 Le premier chantier est celui de l'exégése biblique. Il est certain que Vusage fréquent par Augustin du Liber interpretationis hebraicorum nonti- num de Jérdme a fait passer par osmose daus les Enarrationes in Psalmos nombre d’interprétations philoniennes et origéniennes des noms propres hébreux. Le fait est si habituel qu'il faudrait citer la majorité des commen- taires des titres de Psaumes. Augustin fait allusion aux docti viri qui se sont attachés au travail de traduction de Phébreu en grec et en latin. Il s'agit pour lui de Jéréme ; dans quelle mesure a-t-il conscience qua travers Jérdme il remonte 4 Orig&ne® ? Il va sans dire qute ce domaine de recherches exégétiques ne peut étre ici qu’évoqué. Il demanderait A lui seul une longue étude. 2° En revanche, nous voudrions nous arréter 4 Pexamen dun texte qui nous semble avoir passé jusqwici quelque peu inapergu. Je veux 23. Voir AuG., De poccat. mer. et. ven. 1, 22 (31), en 4rr-4r2 ; Epistula 164, 20 & Livodius en 414 ; Epistula 160, 15 et 27, A Jérdme, en 425 ; Ad Ovosium 7, 9 et ro & Orose en 415 j De Civitate Dei XI, 23, 1 en 417 ; Epistula 190, 1 (4) a Optatus en Maurétanie, en 419, etc, 24. RUFIN L SYRIEN, De fide 27. 25. Himr., In Ionam II, 6-0, 26, Donnons un seul exemple : AUG., En. in Ps. 33, $. 1, 4: ¢ Nominum hebraco- yum habemus interpretationem ; nou defuerunt docti viri, qui nobis nomina ex hebraeo in graecam linguam, et inde in Iatinam transferrent, Consulentes ergo 10- mina ista, invenimus interpretari dimelech : Patris mei vegnum ; et interpretari Achis : Quomodo est... JEROME «INFORMATEUR » D'AUGUSTIN 47 parler de la Consultatio Orosit. Le prétre Orose, obligé, sans doute en 414, de quitter 1’Espagne sous la pression de Vinvasion vandale, passa par T’Afrique avant de se rendre, sur Je conseil d’Augustin, auprés de Jéréme en Palestine en 415. Or — est-ce avant son arrivée en Afrique ou au moment méme ? — Orose fit parvenir A Augustin une Consultatio dans laquelle il lui exposait les doctrines priscillianistes et origéniennes qui avaient jeté le trouble en Espagne depuis quelques années, Cette Consul- tatio est un document trés court (trois colonnes de Migne) dont nous négligeons ici la partie qui traite des erreurs priscillianistes, Le troisiéme paragraphe du texte informe Augustin que deux concitoyens d’Orose, portant Pun et l'autre le nom d’Avitus, ont fait Pun le voyage de Rome et l'autre celui de Jérusalem et ont recueilli le premier des écrits de Victo- tinus et le second des écrits d’Origéne, en vue d’apporter reméde aux erreurs qui circulaient en Espagne. Finalement tous deux s’adonnérent a la lecture des livres d’Origéne. A la satisfaction de tous, ils découvrirent une doctrine tout a fait satisfaisante au plan trinitaire ; mais cependant Orose pergut que certaines propositions tirées des livres @’Origéne n'étaient pas orthodoxes et il en envoie la liste & Augustin®’. I est vraisemblable qu’Avitus, palerin de Jérusalem, soit le correspon- dant de Jérdme qui, en 409 lui envoya ou lui remit d'une part Pexemplaire correctement édité de sa traduction du De principiis et dautre part PEpistula 124 qui représentait le guide de «bonne lecture » de cette traduction®®, $'il en est bien ainsi, il faut avouer que la lettre de Jérome wa pas suffi pour apaiser les inquiétudes des deux Avitus, d’Orose et de leurs compagnons. Orose résume les erreurs d’Origéne en ces termes : « Premiére opinion : avant qu'apparussent toutes les réalités créées, elles reposaient existant de toute éternité dans la sagesse de Dieu, en vertu de cette parole : « Tout ce que Dien a fait, il n’a pas commence & le faire ». Ensuite, ils ont affirmé qu'anges, princtpantés, puissances, esprits et démous avaient un seul et méme principe, une seule et méme substance. A Varchange, & 1'me (ou & Vesprit), an démon est assigné un rang (un lieu) qui est fonction de leurs mérites, cotime en témoigne la formule ; « Moindre culpabilité a valu rang plus élevé » Fn, dernier lien fut eréé Je monde pout étre le lien de purification des ames (esprits) qui avaient auparavant péché. Us ont enseigné que le feu éternel qui doit chatier les pécheurs n’est pas un feu véritable ni éternel ; c'est ainsi, disent-ils, qu’on désigne le chatiment de la 27. Onosn, Consultatio de orrore Priscillianistarum et Origenistarum 3 (CSEL 18, P. 156-157). Augustin, daus les Refractationes II, 43, use du mot consullatio : ¢ Inter haec Orosi cuiusdam Hispani presbyteri consultationi de Priscillianistis et de quibus- dam Origenis seusibus, quos catholica fides inprobat, quanta potui brevitate ac perspicuitate respondi... Et ipse enim consultatio responsioni meae a capite adinne- ta est ». Voir aussi AUG., Epistula 169, 4 (13) a Eivodius, 28. Huin., Epistle 124 & Avitus (Nous ne donnons qu’un seul chiffre aux lettres de Jéréme qui n'ont pas pris place dans Ia correspondance d’ Augustin), 48 A.-M. LA BONNARDIERE conscience personnelle, le mot « éternel » ne traduisant pas I’éternité de la durée suivant l’étymologie grecque. Ils y ajoutent le témoignage de l’expression Jatine qui, aprés avoir écrit « dans Véternité », a ajouté : «la durée des siécles ». Ainsi toutes les ames des pécheurs, aprés la putification de la conscience, tetour- neront A I'unité du corps du Christ. Us ont vouln méme joindre A ce salut le diable, mais leur opinion n'a pas fait autorité : elle était que, puisque la substance créée bone ent lui ne pouvait périr, une fois brfilée au feu et anéantie la malice du diable, cette substance devait finalement étre sanvée. Yoici Yopinion qu’ils ont transmise sur le corps véritable du Seigneur : puisque le Fils de Dien vetmm & nous aprés tant de milliers d’années n’était pas jusquela resté inactif, mais qu'il proclamait la rémission aux anges, aux puissauces, 4 toutes les créatures supérieutes et assumait la forme de ceux qu'il visitait, il en vint & prendre l’apparence de Ja chair : il en a assumé la consistance, sa assion et sa résurrection ont mis fin & cette assomption de la chair. Cette Eorme de chair s'est évanonle quand, dans son ascension, il est revents & sou Pére. Ainsi le corps du Seigneur n’: été déposé nulle part et le Dieu qui rdgne nest renfermé dans les limites d’aucun corps. Us ont ajouté que la créature assujettie A la corruption malgré elle devait s'entendte du soleil, de la Inne et des étoiles qui ne sont pas des éléments umi- neux, mais des puissances rationnelles, offertes a la seruttude de Ia corruption a cause de Celui qui les y a soumises dans Vespdrance®, » Il est certain que pareille liste de propositions hétérodoxes ne se fait pas l’écho immédiat des diatribes classiques d’Bpiphane et de Jérome premigre manitre (avant 403) : il n’est question ni des tuniques de pean, ni des arbres du Paradis, ni des ames liges aux corps, ni du Psaume 141, 8, 29. « Primum omnia antequam facta apparerent semper in dei sapientia facta mausisse, dicentes hoc uerbo : + deus enim quaecumque fecit, faciendo non coepit deinde dixerunt angelorum principatuum potestatum animarum ac daemonum unum principium et unam esse substantiam et ucl archangelo wel animae uel daemoni locum pro meritorum qualitate datum esse, utentes hoc uerbo ; « maiorem locum minor eulpa promeruit », Mundum nouissinie ideo esse factum, ut in eo animae purgarentur quae ante pecearunt ; ignem sane aeternum quo peccatores puniantur neque esse iguem nerum neque acternum praedicauerunt, dicentes dictum esse ignem propriae conscientiae puni- tionem, aeternum autem iuxte etymologiam graecam non esse perpetuum, etiam latino testimonio adiecto, quia dictum sit « in aeternum » et « in saeculum saeculi » postposuerit aeterno’ ; ac sic omnes peccatorum animas post purgationem cons- cientiae in unitate corporis Christi esse redituras. Voluerunt etiam de diabolo adserere, sed non praeualuerunt : eo quod, cum substantia in eo bona facta perire non posssit, exusta in totum malitia diaboli aliquando saluandamt esse substantiam. De corpore uero domini sic tradiderunt quia, cum usque ad nos ueniens filius dei post tot milia aunorum otiosus eo usque non fuerit, sed praedicans remissionem angelis potestatibus atque uninertis superioribus, cum qualitatem formae eorum quos uisitarct adsumeret, usque ad palpabilitatem carnis adsumptionis specie crassuisse : hoc passione et resurrectione determinans, rutsus donec usque ad patrem ueniret ascendendo tenuasse ; ita neque depositum usquam fuisse corpus nec in corpore ullo regnantem cireumscribi denm., Creaturam quoque subiectam corruption: non uolentem intellegendam esse dicebant solem et Iunam et stellas ; et haec non elementarios esse fulgores, sed rationales potestates, praebere autem seruitium corruptions propler oum qui subiecit in spe. » JEROME «INFORMATEUR » D'AUGUSTIN 49 ni des eaux supérieures au firmament. Le texte d’Orose se rattache & un autre courant d’anti-origénisme et Pon pourrait inscrire en face de chaque objection des textes paralléles de ‘théophile d’Alexandrie, de Rufin le Syrien et surtout de Jérdme dons la lettre & Avitus. Le tableau qui accom- pagne cette communication tente d'indiquer les rapprochements qui s’imposent entre chaque proposition d’Orose et les textes correspondants soit de Jéréme, soit d’Orig&ne lui-méme dans la version latine de Rufin @Aquilée??, Indiquons ici les correspondances les plus caractéristiques, On retrouve partout — explicitement cités ou évoqués en filigrane — certains textes scripturaires qui remontent Origéne Iui-méme : Mat. 25, 41 (a propos de Pinterprétation du feu éternel) ; I Cor. 15, 24 et 28 (en vue dexpliciter la condition eschatologique du corpus et du regnum du Christ) ; Rom. 8, 20-22 (a propos de l’assujettissement A ta vanité des puissances rationnelles que sont les astres) ; Col, 1, x6b (dans la recherche des différenciations des hiérarchies angéliques) De méme, il est facile de reconnaitre que les documents que nous confrontons présentent des opinions semblables, relatives soit A Pidentité substantielle des créatures rationnelles, soit A Vorigine du monde, créé pour étre le lieu de purification des Ames, soit 4 Pextinction finale du corps du Seigneur, soit 4 Pinterprétation du feu éternel comme étant la conscience torturée du pécheur. Quant aux réactions d’Augustin, nous ne les étudierons pas pour connaitre ses prises de position personnelles en face des difficultés qui lui étaient proposées, mais pour chercher & apprécier 'étendue de Pinfor- mation qui lui était offerte par la Consuliatio @Orose. Sa réaction immédiate, fut une réponse & Orose, l’Ad Orosium, écrite en 415 et qu’ Augustin recense comme un des travaux de cette année 1a, dans une lettre adressée justement A Evodius en 415!. Le plan de la réponse @ Augustin ne respecte en rien celui qwavait suivi Orose, Concentrant sa réflexion sur un point qui lui semblait dangereusement menacé — la notion d’éternité — Augustin présente ses critiques sous trois chefs : eschatologie (problémes du démon, du feu éternel, du régne du Christ), création (origine du monde, création et Sagesse de Dieu)®*, cosmologie (puissances astrales et puissances angéliques)*4. Te ton des réponses 30. Qu'il me soit permis de remercier ici Marguerite Harl et les membres de son équipe de m’avoir permis d’avoir accés a leurs travaux sur le De Principiis et de profiter de leurs précieuses traductions. 3t. AvG., Epist. 169, 4 (13). 32. AUG., Ad Orosium 5 (5-6), 6 (7) 3 7 (8) — Voir Do gestis Pelagii 3, 9-10 (prise de position anti-origénienne de Pélage en 415 & Diospolis). 33. AuG., Ad Orositi 8 (9-t0). Le sujet sera ensuite plus amplement traité en De Civitate Det XI, 23, 2 (reprise de la curieuse hypothése de plusieurs soleils) 34. AUG., Ad Ovosium 9 (11-12-13) ; 10; 11 (14) — Augustin reprendra cette question en 422-423, dans l’Enchividion 15, 58. 5° A-M. LA BONNARDIERE d’Augustin manifeste le plus souvent la surprise d’un homme informé pour la premigre fois (que les astres puissent étre considérés comme animés ; que l’on puisse avoir l’audace de chercher a discerner les unes des autres les puissances angéliques...). Augustin ne reléve pas les renseigne- ments qu’Orose a donnés sur sa propre information par Avitus ; rien ne laisse soupgonner qu’Augustin ait eu connaissance Iui-méme de la lettre de Jéréme a Avitus ; d’autre part, il ne fait aucune allusion 4 une lecture personnelle du De principiis, dans quelque traduction que ce soit ; il ne cherche pas & savoir de quelle ceuvre d’Origéne sont tirées les opinions controversées. Augustin ne développe longuement dans sa réponse que des points qui lui sont familiers (explication de aelernum et de in saeculum saeculi selon ce qu'il estime étre la meilleure tradition de la grammaire latine ; exposé théologique relatif A la perpétuité du regnum Christi qui n’est qu'une reprise d’en enseignement donné quelque dix ans plus té6t dans le premier livre du De Trinitate). Cependant Augustin laisse entendre & Orose qu'il posséde sur les erreurs en cause des renseignements qui proviennent d’autre source : il @agit particulitrement de la question des astres : Augustin connait Pusage que fait Origéne du texte de Job 25, 5-6 pour affirmer ’impureté du soleil, de la lune et des étoiles ; or ce texte n'apparait pas dans la lettre de Jéréme a Avitus. Il se peut qu’Augustin lait trouvé dans le libellus de Rufin le Syrien qu'il avait en mains depuis 41155, Bref, Augustin lui-méme, conscient de ses limites, envoie Orose en Palestine, afin qu’il pfit s'instruire au pays méme ott sont nées les erreurs qwil déplore®*, En s'exprimant ainsi, Augustin désigne Jéréme comme le maitre & interroger ; mais il ne laisse pas percevoir qu'il saurait que Jéréme était déja au point de départ de la Consultatio Ovosii. Crest pow quoi nous parlons d’une information indirecte fournie par ce canal A Augustin en provenance de Jéréme. Mais il y a plus encore: 1’Ad Orosium nous permet de tester l'ignorance d’Augustin. En effet, il faut mainte- nant considérer une énigme que pose la Consullatio Orosii. Orose affirme que les documents origéniens en sa possession sont d’une orthodoxie parfaite au point de vue de lenseignement trinitaire®”, Augustin s’en réjouit sans réticence et se félicite qu’Orose et ses amis aient trouvé en Origéne un reméde contre Priscillien. Ce texte d’Augustin®® est 1a meil- leure preuve de son ignorance des accusations portées contre Origéne considéré par certains comme le « pére » de Parianisme. Ce méme texte 35. RUFIN Lu SYRIEN, Libellus de Fide, 21. 36. AUG., Ad Orosium tr (14). Voir Epist. 169, 4 (13). 37. A cette affirmation d’Orose, il faut ajouter qu'il indique comme un de ses aaitres & penser un certain Basilius graecus. Aurait-il eu entre les mains la 8° lettre attribuée a Basile de Césarée et que les érudits modernes (voir la these de A, Guillau- mont) rendent & Evagre le Pontique? Or cette lettre est d'une parfaite orthodoxie trinitaire. Mais comment serait-elle parvenue en Espagne ? La mention de Busilius graccus par Orose (Consultatio Orosti 8) pose une question aux chercheurs 38. AUG., Ad Orosium 4. JEROME « INFORMATEUR » D'AUGUSTIN 5r Prouve aussi qu’Augustin n’a pas lu la lettre de Jérome A Avitus. La Consultatio Orosii est donc bien pour Augustin en 415 une sorte de révéla- tion sur des aspects de V'enseignement d'Origéne qu’il iguorait, mais elle ne contribuait guére a Iui donner ni une vue d’ensemble, ni une vue exacte de cet enseiguement. Il resterait encore 4 chercher si les écrits d’Augustin postérieurs & 415 révéleraient une information relative a Origéne, en provenance de Jéréme ? Les années de la rédaction de la Cité de Diew et de la crise pélagienne furent des années de nombreuses lectures de la part d’ Augustin et l'on a quelques raisons de penser que les travaux de Jérdme sur les Prophétes furent au moins partiellement connus d’Augustin, Mine de renseigne- ments, ambigus d’ailleurs, puisque Jéréme, tout en s’inspirant des com- mentaires d’Origéne, ne cessait, surtout au moment du pélagianisme, de Pattaquer ouvertement. Il est évident que la Cité de Diew d’ Augustin, dans la mesure ot elle renferme au sujet @’Origéne des jugements cons- cients de la part de son auteur, recueille presque exclusivement des critiques comme le montre l'article documenté de Theiler®®, Particuliére- ment Augustin refuse la théorie du monde comme lieu de ch&timent pour les esprits déchus ; il est scandalisé par le concept d'une alternative cyclique de béatitude et de misére. Ce sont exactement ces deux points de doctrine qu’Augustin fustigera encore dans le De haeresibus (chapitre 43) en 427-428, Au sujet du problame du retour des mondes successifs, il nous semble découvrir au livre XII de la Cité de Diew une influence de Jérome*, Augustin fait état de usage, par ceux qui soutiennent cette théorie, du passage de I’Ecclésiaste 1, 9-10. Altaner avec raison voit ici une allusion A Origéne!, Le lien de transmission me parait @tre le Com- montaive de l'Ecclésiaste de Jérdme qui justement réfute la prise de posi- tion d’Origgne#, Si Lon compare Vinterprétation personnelle que 39. Article cité note 1, 40. AUG, De civitate Dei XII, 14. 2: ¢ Nam quidam et illud, quod legitar in libro Salomonis, qui vocatur Ecclesiastes : Quid est quod juit? Ipsum quod evit. E¥ quid est quod factum est ? Ipsum quod fist ; ct non est omne recons sub sole, Qui loquetur ot divet + Ecce hoc novwm est : iam fuit saeculis quae fuerwnt ante nos (Ezclo, 1, 9. 10), propter hos circuitus in cadem redeuntes et in eadem cuncta revocantes dictum intellegi volunt ; quod ille aut de his rebus dixit, de quibus superins loquebatur, hoc est de generationibus aliis euntibus, aliis venientibus, de solis anfractibus, de torren- tium lapsibus ; aut certe de omuium rerum generibus, quae oriuntur atque occidunt. Fuerunt enim homines ante nos, sunt et nobiscum, erunt et post nos ; ita quacque auimantia vel arbusta. Moustra quoque ipsa, quae inusitata uascuntur, quamvis inter se diversa sint et quaedam eorum semel facta narrentur, tamen sectndum id, quod generaliter miracula et monstra sunt, utique et fuerunt et erunt, nec recens et novum est, ut monstrum sub sole nascatur. Quamvis haec verba quidam sic intellexerint, tamquam in praedestinatione Dei iam facta fuisse omnia sapiens ille voluisset intellegi, et ideo nihil recens esse sub sole. » 41. ORIGENE-RusIN, De principtis, I, 4, (4-5); Himr., Epistula a4, 9. Voir ALTANER Augustinus und Origenes, dans Kleine Pairistische Schriften, p. 23%. 42. Hmir, Comment. in Eccle. I, 9. 10 : « Quid est quod fuit ? ipsum quod erit, It quid est quod factum est ? ipsum quod fiet. Et non est omne vecens sub sole, Videtur 52 A-M, LA BONNARDIERE Jéréme donne du verset avec celle d’Augustin, on s'apergoit que celti-ci répéte une argumentation de Jéréme*, Notre conviction s’appuie aussi sur le fait qu’ Augustin dans son commentaire fait cette remarque : « Quam- vis haec verba guidam sic intellexerint, tamquam in praedestinatione Dei iam facta fuisse omnia sapiens ille voluisset intellegi, et ideo nihil recens esse sub sole, » Or il rappelie la phrase de Jéréme : « Sed dicendwm quod ex praescientia ct praedestinatione Dei iam ea facta sini, quae fulura sunt. » Le guidam qui fait appel a la praedestinatio Dei est évidemment Jéréme. En conclusion, Jéréme a été vraiment auprés d’Augustin un informa- teur au sujet de lexégase et de la doctrine d’Origtne. Mais cette informa- tion a été occasionnelle, fragmentaire, souvent rendue défectueuse par son excessive concision ou par sa critique tendancieuse, elle n’a jamais mis Augustin en face de l’ensemble du systéme origénien, de maniére & lui en révéler Parchitecture ; Augustin connaissait ainsi quelques piéces détachées de Porigénisme, il n’atteignait pas la « substantifique moélle » d@Origéne. Cependant d’ultérieures recherches permettront sans doute de découvrir, au plan de l'exégése une influence origénienne inconsciente, mais positive, Jéréme se manifestant alors comme le lien ¢ntre le « spi- rituel » Origéne et le « spirituel » Augustin, A-M. LA Bonnarviire mihi de his quae supra enumeravit, generatione et generatione, mole terrarum, ortu solis et occasu, cursu fluminum, magnitudine oceani, omnibusque quae aut cogita- tione aut visu vel auribus discimus, nunc communiter loqui, quod nihil sit in natura rerum, quod non ante iam fuerit. Ab initio enim mundi et homines nati et mortui sunt, et terra super aquas librata constitit et sol ortus occubuit.. Legi in quodam libro : « Si omne, quod sub sole factum ost fuit in prasteritis sacculis antequam fieret, et homo iam sole condito facius est : fuit ergo homo, anteguam sub sole fieret (ORIGHNT, De princ. IIL, 5. 3...) Nec putemus signa atque ptodigia et multa quae ex arbitrio Dei nova in mundo fiunt, in prioribus saeculis esse iam facta ; et locum invenire Epicurum, qui asserit per innumerabiles periodos eadem, et hisdem in locis, et per eosdem fieri. Alioquin et Iudas crebro prodidit et Christus passus est saepe pro nobis et cetera quae facta sunt et futura in easdem similiter periodos revolventur. Sed dicendum quod ex praescientia et praedestinatione Dei iam ea facta sint, quae futura sunt, Qui enim electi sunt in Christo ante constituionem mundi, in prioribus saeculis iam fuerunt 4, 43. Voir notes 39 et 4r. 53 « epmapey somy ~ey 3850" woryeoTTEMC anbeqyt BL ep UH a wa €o TX sup» ang mod 391 wa 19 og 6rerdg |: 6 ‘g ‘red apuom af (? queurgut aqney sou gou0T «coapra om | « -ymromord | vs ap gqfa0r3 “2p amar “-pmorp we} | edjna some | ey sed 9quput er ‘fe ‘Tx -we pong» | “opBwey | ney ap adno vq “mg aq 2(S)1 | 6ter-dg | : 06 ‘g “red | -r pea qo» | -00 mowyy (E agr'd * stomp 7 EY (sayy) | some meee agu'r “Joy | sep comezsqns tar | br ‘ber dy c «cureyue, | ep op 97mm sort oy | egr't foo | agt't foo | ort joy | ort top. | vite pag» | -sqns ass | 39 adrontrd movpuanyouzy gr deyo oft | € ter ‘dg |: br ‘xt-med |) ~opmeq» | mp syug (@ “(yd202_ wow opuspey ‘IP uonued (maz -3y anbumo | -de nos qreae -vpx9 of mm. «peng | aenb ume | 9910 9] m0} 9) ang & pomeHT amenbsyne" | snag) « nd | tar ap oak -109 sed v,r poy pug 2 -2g B[ Step 20 nay) ($) #*r 26 ‘g red ~uayspeoprg (I Sib ysmot fepif ap snyegsT| sudwusad agg junpap po -da| sonvamadyas | -9ys0d syuqq | WoELsg oy NWOw SOWAN | wnisosg py ssp, | niisnday | NIow angorio | -owsTH | nrisaony SHO S4 oF Sz got fz ze ‘gmOYy, ‘say _9a8pem «jp worzdnx109 SSz qof unm = ey ere sestar (2) LT -pdde -ver | oz'g-moy | -nos sayeu oz'g-moy | -nt 39 90s «ads | -noner souvs 6 ‘ber “da | ap ouog» | m ypaqns | -stnd sop S-¥ ‘Sz qof z‘€e'tx | € Se gor 9 ther “dx | cr ‘6 $11 'g | mb-onbonb | wos sopoy9 Ez-oz 'g-moy | rq a9 3G 12 dey # berg. tawmngvax) » | ‘omy ‘qapog (8 bz ‘wolsmaose, | ‘Sr-sop rT £€ | (g Te) gz | sqade jynem -ossmomea: twos 49 mous zroré ‘ber | my =Pg Tp sdroo (sue) | st r TY mp © amu0y > gz ‘fr x0) T | oufar oq» | ores ood | ap spround ge-bz ‘Cr -109 1 #9) a] Sere igtl-red | -roo aq» | -weyp soy (é Ib Seyeyy eb « snye spare men snqzsacevy a7 tamissod =ueysqus Lr psx | rh Se yey ugg » | asso “-urer9 araerp xb fe yey | og m5 ag oz ‘dey E(o)'a] € Ferd |: oS 'S -zed | gmmonjoa » | np mes oy (9 sunngedusd. % unesopn ( moqp; np somata -suoo eB (@ 9 6 sq ob | o1-6 € xe | oF Se -zeyK pu stk Cz apg | -ag seased ocr Sede | (SH)orm | 4 ‘bendy =p WIT (F Srbesmor opal ap snpoqr7| sudiomsad oq |unpay po -dq| serremduns | -9y80d seq | wend 9 NIAOW SOWAN tumsosg py | € “red ‘sos sesea | nirsnonv | Niane | angorao | -owarm | xrzsnoav | oumynsueg | satpa Terminologia esegetica . . . a . . - # nei sermoni di san Cromazio di Aquileia INTRODUZIONE La lettura attenta dei 42 sermoni che lindagine paziente di padre Lemarié! ci ha restituito del vescovo di Aquileia san Cromazio (335-40 circa ; morto nel 407-8) permette di cogliere fortemente evidenziato un filo conduttore che potremmo definire, con terminologia oggi corrente, « historia salutis ». Potrebbe essere cost sintetizzata : 1) IL Vl (Legge e Profeti) quale prefigurazione ; 2) Il Nf (Vangelo cd Apostoli) Ia realizzazione ed il compimento ; 3) Iltempo della Chiesa come prolungamento, attraverso i sacramenti, fino alla sua totale consumazione (fino all’escatologia). Pitt analiticamente : 1) La Parola come primo segno ; — i termini ricorrenti dell’ Autore (imago, figura, typus, mysterium, sacramentum, signee) ; * Presentazione dettata dal’ l'Autore della ‘Tesi di laurea presso I’Universita degli Studi di Padova. Abbreviazions : tr, vale ¢tractatus» di san Cromazio al Vangelo di Matteo ; parte sono reperibili in Corpus Christianorum, series latina, vol. IX; parte in Revue bénédictine 70, 1960, p. 469 ss, ; parte in un ciclostilato di R. Btaix, Lyon, 1960 (tesi di laurea) ; ma la maggior parte sono ancora inediti, Numerazione di Ttaix-Lemarié in Saoris erudiri, 17, 1966, pp. 302-354. Quando tra parentesi si danno delle cifre divise da virgola, si intende trattarsi dei sermoni : CHROMACE, Sermons, t. I (sermons 1-17 A), t. IE (sermous 18-41), ed. Lemarié, Sourees chré- tiennes, n. 154 ¢ 164, Patis, 1969 e 1971 ; la prima cifra da il numero del sermone, la seconda di la linea del testo. x, CHROMACE D’AQUILEE, Sermons, 2 vol., Paris, 1969-1971. 56 GIULIO TRE: — il rapporto tra il VT e it NT @ quello di figura a veritas, ) La Scrittura sacra, ove sono narrati i mirabilia Dei. ) Dio che opera prima del tempo e nel tempo. 4) ‘Tra Peternita ¢ il tempo : angeli e diavolo, ) Tl paradiso terrestre ¢ la figuratio primi hominis ; — Adamo e Cristo (in rapporto di figura a verilas) ; — la pracvaricatio primi hominis. 6) Dall’Antico al Nuovo Testamento : pracparatio adventus Christi. ex virgine (Maria) ; incarnatio ; adventus. ) Cristo Dio ed uomo ; i misteri della vita di Cristo ; — il mistero centrale : il mysterium paschale ; — ascendit ad caelum, sedet ad dexteram Pairis. Dal mistero pasquale nasce 1a Chiesa ; — la risposta : la fides ; il rifiuto : Pinfidelitas; il dramma d’Isracle e i Giudei. 23 9 Io) La vita ¢ il respiro della Chiesa : Phodie di Cristo nella Chiesa : la celebrazione ¢ i sacramenti ; — la risposta dei chiamati : virti e vita cristiana come vita pasquale ; — il tifinto dei chiamati : il peccato ; rt) La attesa della consumazione di tutte le cose : Mescatologia. Questa — a grandi linee — ci pare possa essere il risultato della lettura che abbiamo condotto su san Cromazio, pur nella disperata frammen- tarietA dell’opera a noi pervenuta, Ci pare poi che egli tornasse volentieri su alcune idee-madri, su alcuni grandi temi, come il mistero di Cristo e della Chiesa®, La nostra ricerca non si @ limitata alla lettura della terminologia esegetica, come potrebbe apparire dal titolo ; lo schema della « historia salutis » che abbiamo appena dato, assicura che siamo andati molto al di la di una questione di pura terminologia esegetica, I. — La Sacra Serrrrura Le opere di Dio sono raccolte e narrate nelle pagine della Scrittura ; come avvenimenti ed accadimenti, esse perd precedono Ja scrittura : il messaggio, @ un messaggio prima di tutto orale ; questo anche per san Cromazio. Resta tuttavia il valore della parola scritta’, E la parola resta anche il primo fondamentale segno di comunicazione 2. CHROMACE, Sermons, t. I, p. 57-; 3. Cf ades., tr. 14, 3, 22 ¢ 44; bi TERMINOLOGIA E. EGETICA IN CROMAZIO 57 ¢ di comunione ; anche la Parola (Dabar, Logos, Verbum) non si é sottrat- ta al gioco delle nostre leggi psicologiche ed oggettive ; fa parte della « katabasis » o della « synkatabasis » di cui tanto parlano i Padti greci. Per Cromazio @ la « Parola » che si fa « sacramentum », Ci si potrebbe interrogate se Cromazio sia per un annuncio orale 0 per uo scritto. Egli non si pone tanto problemi di autenticita scritta (anche questa magari) quanto di antenticita del messaggio evangelico. La predi- cazione — anche la sua® — @ nient’altro che Ia continuazione della predicazione apostolica ; ’annuncio, non lo scritto, E la Rivelazione non @ chiusa con la morte dell’ultimo apostolo ; il messaggio di Dio al- Pumanita continua; & come un libro aperto e non del tutto compiuto, sul quale una pagina deve essere ancora scritta, scritta da noi. Il messaggio — ci assicura Cromazio — anche quando usi i termini « Scriptura, Scriptura sancta », resta sempre I’eco viva della predicazione di Cristo e degli apostoli (kerygma e catechesis). Tesegesi di san Cromazio si muove nell’alveo della tradizione occidentale e dei suoi maestri : sant’Ambrogio, sant’Ilario di Poitiers, san Cipriano sopratutto, nonché ‘Tertulliano, Melitone di Sardi. Conosce poi Origene attraverso le traduzioni che gli passava Rufino di Concordia. Se la lettura di autori preferiti si avverte senza fatica, Cromazio prima di tutto & assiduo lettore della Scrittura. Tanto nella parte omiletica quanto in quella esegetica, 1a pagina santa ha sempre di gran lunga la preferenza, Vi sono poi dei testi sui quali torna con frequenza‘. Sarebbe interessante appurare quale testo della Bibbia ebbe tra mano san Cromazio. Si sa della sua intimité con Girolamo e delle esortazioni che gli rivolse perché fosse dato di fruire di un testo sicuro del libro sacro. Il discorso non & perd semplice, anche perché pud essere stato complicato dalla trasmissione dei testi attraverso V’opera (talora concordistica) dei copisti. Ia questione non ha ragione di essere qui affrontata, La conclusione cui siamo giunti per conto nostro, & che Cromazio abbia, di solito, usato testi precedenti la vulgata di san Girolamo. Ia lettura del sermone sesto confrontato con il trattato 19, e allinterno del sermone stesso potrebbero confermare la nostra ipotesi, tanto per fare un esempio. ‘Una questione che poco si discosta dalla precedente potrebbe essere quella della cronologia dell’opera cromaziana. Se qualche approssimazione si pud raggiungere per i trattati, nulla si pud dire per i sermoni?. Aggiungiamo invece che sia dalla lettura dei sermoni come dei trattati, in qualsiasi ordine si vogliano leggere, & dato di riscontrare una mirabile 4. CE. tr. 5 (5) 10; questo (5) dovrebbe essere il 19 paragrafo del tr. 5. 5. CE. CHRomacn, Sermons, t. I, p. 70 77 ; e sermone 4T, 5, 15 e 23. 6, Peres. le beatitudint ; sermoni 39 ¢ 41 ; la vita della Chiesa primitiva ; sermoni 1, 118 e 31, Tor. 7. Cf, CHRoMACH, Sormons, t. II, p. 207. 58 GIULIO TRETTEL coerenza di pensiero. Cid & dovuto — pensiamo — al fatto che Cromazio, prima di mettersi a predicare o a scrivere, ha lungamente meditato ¢ fata sua la Parola di Dio’. Non possiamo addentrarci nell’analisi del linguaggio del santo vescovo ; altri lo hanno gia fatto con maggiore competenza®, ‘Un’altra brevissima osservazione : Cromazio @ uomo che non ha locchio per gli aspetti negativi (pur dovendo parlare anche del mate) : preferisce di gran lunga vedere le realta positive, il bene, le virtt. Il suo stile & poi inconfondibile. Ed @ in base allo stile anche, oltre che ai contenuti, che & stato consentito di rivendicare a lui gran parte della sua opera che andava sott’altro nome!, Oltre quelle forme segnalate dal Lemarié, ci @ parso doveroso evidenziarne altri due esempi : il modo con. cui cita Ia Scrittura servendosi di avverbi o frasi equivalenti!! ¢ Yespressione « dignatus est » che corre innumerevoli volte nel suo dire € nello scrivere, ¢ che sta ad indicare quell’ abbassamento (synkatabasis) del Verbo di Dio! E, per concludere, va segnalata nel suo metodo la molta sobrietd di esortazioni morali ; queste devono sgorgare spontanee dalla riflessione © dall’ascolto della Parola; al vescovo solo accennarle brevemente, quasi ad avviare al frutto che si deve logicamente ricavare dalla Parola di Dio. 8, Cf CHromace, Sermons, t. I, p. 57-58 ¢ 62. 9. Ibidem, p. 59-60. x0, Per l'autenticita dei sermoni, ved. CHRomace, Sermons, t. I, 113-1143 € Revue Bénédictine ai seguenti numeri e pagine : 72 (1962), p. 201-21 ; 73 (1963), P. 181-88 ; 196-98 ; 205-6 ; 208-9 ; 214-15 ; 216-17 ; 222-23 ; 228-29 ; 235 ; 236-37; 239-40 } 241-42 ; 74 (1964), Pp. 147 88 j 75 (1965), P. 136-7 ; 138-39 ; 141-42 ; 76 (1966), PB. 7 SS; T7-18 ; 20-22 ; 24-25 ; 29-31 ; 32-33; 37-40; 76 (1966), p. 314-21. Per i primi otto trattati rinvenuti da R. Etaix, cfr. Revue Bénédictine, 70 (1960), p. 469-74 € 487-503. Etaix ne aveva trattato ampiamente nella sua tesi di lanrea, Lyon 1959, diifusa in policopia. — Per il resto delie fortunate scoperte dei trattati di san Cro- mazio, ef. Sacris Erudiri, 17 (1966), p. 302-54. tr. Per esempio : « manifeste » : sermoni 9, 115; 14, 25; 18, 40; 20, 25 jm « manifesta ratione : serm. 9, 134 j... « evidemter 9: serm. 16, 20; 17 A, 15; 18, 45 3 3%, 3£; 39, 153 da cf. eevidens » 18, 65 ;... O frasi equivelenti, come : « bene ct vere » (25, 21) ; « bene ait » (25, 49) ; 0 ancora espressioni quali « Unde non immerito dicitur a Domino »; ¢ Unde illud dictum est » ; 0 anche modi di dire quali : ¢ Audi hoc ipsum prophetam dicentem » (31, 51) ; « Audi (0 : Vide) » denique hoc ipsum prophetam demonstrantem » (31, 42) ; éce. 12, ¢ Dignatus est » : incarnazione (11, 80) ; « ex virgine nascl » : (9, 97} 9, 120; 25, 118 ; 30, 35 ; poi? 32, 443 32, 138...) ; battesimo : 34, 5; maestro : 41, 28; lava i piedi : 15, 4, 5, 72, 75; la Passione : 20, 3 ; 6, 95 ; cf. 37, 12 ; 16, 523 19, 173; il prezzo pagato : 12, 42 ; Ibera dalla morte eterna : 37, 14 ; decora la Chiesa : 26, 3. Da vedere pure : 25, 20; 10, 90 ; 16, 80 ; 0 ancora cf. 32, 129 ; 3, 82 ; interessante tr 14, 6, 7 | ¢ altre meno numerose nei trattati : tr. 7,2, 51112, 1, 4; 43, 60; 44, 66 ;... « Dignatio » pol in sermone 33, 20; tr. 5, §, 13; tt. 45, 2 LERMINOLOGIA ESEGETICA IN CROMAZIO 59 Il senso letterale Nell’esegesi Cromazio procede versetto dopo versetto, esaminando dapprima il testo «secundum litteram »'8, Solo dopo il senso letterale egli passa all'intelligenza spirituale!4. Cid @ della massima importanza per una lettura che voglia essere attuale del testo sacto. Ul primo senso che balza evidente per che legga o ascolti, & il valore letterale, la verita storica di cid che si vede, si sente, silegge. Cromazio non lo dimentica, Apre il suo dire con il commento « secundum litteram », Si serve anche di alcune formule stereotipe o di aggancio che tendono il suo stile inconfondibile!®, Anche nel fatto che Cromazio premetta alla spiegazione pil profonda il senso letterale, @ da riconoscere per figlio dell’Occidente, Via san Cipriano, @ da collegare, per quest’aspetto, a ertulliano™, Gli avvenimenti, i fatti, i personaggi di cui la Scrittura parla, conservano 1a loro concretezza e la loro verita effettuale, cioé la loro riconoscinta storicita, Nell’episodio letto o ascoltato & da intendere e vedere anzitutto che & accaduto proprio cosi come 1A se ne parla. Cromazio doveva conoscere assai bene Origene, tramite Rufino ; ma non @ che esageri calcando la mano sull’allegorismo, del quale il maestro di Alessandria parla con tanta dovizia, con il pericolo di svuotare del loro valore storico gli avvenimenti dell’ Antico Testamento!’, Lallego- ria di Cromazio non & mai eccessiva. La lettera, dunque, conserva la sua importanza, Cromazio lo ribadisce a pitt riprese, Il valore letterale del testo conserva il suo senso « ovvio ». Questa premessa @ rilevante ; non vi possono essere, al suo riguardo, dubbt di sortal’, Cid nonostante, il nostro Autore tende fatalmente a «scivolar via», cing a passare a coftiere il «mysterium »chela lettera nascon- 13, «Secundum litteram », anziché «iuxta litteram »s ; questa seconda espres- sione solo in sermone 25, 41 et 42; altro caso (per noi @ I’unica eccezione) serm. 1, x2. Crediamo che Cromazio non a caso usi ciuxta» in Inogo di ¢ secundum + al sermone 25, 41 © 42. 14. « Intellegentia (0 ratio, o intellectus) spiritalis »; «mens spiritalis ». Anche « mens » meriterebbe qualche considerazione al pari di« intellegentia » e cintellectus ». 15. « Audi hoc ipsum prophetam dicentem » (31, 51); cf. 31, 42; ¢ Ut audivit iu praesenti (lectione) dilectio vestra » (la pit consueta) ; « Ait in praesenti lectione, ut audivit dilectio vestra » (6, 4). Rientra un po’ nelle sue abitudini nel rivolgersi all’nditore addirittura anche quando scrive (trattati) ; a tal punto che il lettore se lo vede li avanti : per es. tr. 43, 111 (da cf. serm. 2, 91...) ; poi il « sed » di ripresa (cf. ad es., 3, 23, 87, 143), il « denique » (per es., 1, 76 ; 2, 104, 127...) ; la presenza dell’ aggettivo possessivo o del pronome all'inizio del petiodo : ef. 1, 30; 2, 19, 36, 79, 143 ; © di complemento di stato in Inogo : cf, t, 15, 52 ;... 0 di un aggettivo di quantita :es., 1, 118; 2, 3; 6, 3 3 16. Ved, AUERBACH, Studi su Dante, Milano, 1966, p. 192. 17, AUERBACH, Studi su Dante, p. 19% ; lo stesso autore rileva perd che Girolamo parla polemicamente di Origene. 18, Cir, ad es, serm. 1, 18; 15, 255 15, 75} 29, 34 3 peri trattati : tr. 7, 1, 18; tr. 42; tr. 55, e infinite altre volte. 60 GIULIO TRETTEL de®, Tid & per questo che di tanto in tanto richiama se stesso alla Iettera®®, Nessuna profusione di allegorie, si diceva. Il termine stesso di « allego- ta » Jo accetta con parsimonia, e lo osserva con sospetto quasi ; sente il bisogno di attenuarlo. Ricorre pochissimo nei sermoni e raramente nei trattati. Fa eccezione Paggettivo « allegoricus » in una espressione ben precisa®, In quaiche caso « allegoricus » divien sinonimo di « mysticus »°2, Il senso o Vintelligenza spirituale. Dopo Vesposizione del « secundum litteram » é la volta della intelligenza spirituale®? o del senso spirituale™4, E’ questo un passaggio immediato e necessitante. Si diceva che Cromazio vi arriva molto presto e volentieri?® Il fatto che Cromazio non si addentri mai nella spiegazione del « sensus spiritalis » di un episodio senza avervi premesso il « secundum litteram » permette di identificare i sermoni acefali2®, Allo stesso modo si pud dire che il sermone & anche incompleto quando alla spiegazione letterale non segua quella dello spirito?”. Si diceva che al senso letterale incalza Vintelligenza dello spirito (intellectus spiritalis). Questa della lettura spirituale della & Scrittura un fatto della massima importanza — giova ripeterlo —; cosi @ a dire del rapporto che corre tra il VI e il NT, in quanto si completano, si chiariscono, si illuminano reciprocamente ; 2 — in fondo — T'autentica ed unica lettura del Libro sacro. Antico Testamento e Nuovo Testamento. Per Cromazio tutto cid che @ nella Scrittura va certamente al di la di un moralismo puramente esemplare ; c'@ senza dubbio anche questo, 19, Caratteristico per quest’aspetto il serm. 15. 20. Per es., serm. 15, lines 23, 71, 75. ar. Le espressioni sono : « Secundum mysticam vero vel allegoricam rationem » (es : 24, 48) ; oppure: « Secundum allegoricam vel mysticam rationem » (es. Tt, 2) ; anche : ¢ allegorice » (caso forse unico : serm. 30, 45). Ved. tr. 42; tr. 43, 48; tr. 45, 86 3... 22, Ades, nei serm, citati prima, e cioé : x1, 52; 24, 48. 23. « Spiritalis » non ha presso Cromazio quel valore quasi ¢ diluito » che pid avere in italiano il cotrispondente « spiritual » ; nella nostra lingua rischia di avere una accezione di carattere morale o, peggio, moralistico ; non ci pare di condividere, a questo proposito, quanto serive il Lemarié in Revue Dénddicl., 72 (1962), p. 213: 24. 4 Intellegentia o intellects spiritalis, ratio spiritalis, mens spiritalis, sensus spiritalis, sensus (usato assolutamente)... »; anche : ¢ mystica ratio, ratio veritatis ; sensus mentis ». 25. Caso tipico il sermone r5, linee 22, 66, 69, 75, soprattutto linea 96 (era tempo | dice san Cromazio). Ci, anche tr. 6, 2, 1 26. Ved. Lemarié, in Revue Béndd. 76 (1966), p. 30; CHROMACE, Sermons, t.I, p. 86, nota 1; t. IT, p. 159, nota r ; p. 203 per il erm. 37. E il caso, ad es., del serm. 32 e del 37. 27. CE. serm. 35. ‘RMINOLOGIA ESEGETICA IN CROMAZIO or ma lo si ritrova molto sobriamente*. Cromazio non fa che ampliare alcune affermazioni fondamentalissime ed aleuni principi gia accennati da san Paolo in particolare (cf. I Cor. 10, 6 e 12; Gal. 4, 2158 ; Rom. 5, rass ; I Cor. 15, 21; Col. 2, 16; If Cor. 3, 14; Ebr. 9, rss.) x. In vapporto tra di loro di « figura» a «veritas », — Nella Scrittura tutto @ correlazionato : TAT sia al NT come « figura » a « veritas », Gia gli Apostoli, anzi Gesit stesso hanno interpretato TAT (cf. Le. 24, 25-27, 44-45 ; Gv. 2, 17-22 3 3, T4 5 5, 39-46 j cap. 6 5 7, 37-38, 42 € 52, ec.) I Padri si collocano su questo basilare filone di interpretazione, auche se non accetteremo ad occhi chiusi la loro esegesi in tutte le sue parti. Comunque la interpretazione figurale & lelemento base della « lettura » scritturistica, Cid si deve dire anche per Cromazio. La prima alleanza (lex-prophetae) hanno per scopo di preparare la seconda (evangelium- apostolus), Interessante i termini che usa : « figuram ostendere, monstrare, significare, manifestare, implere, complere, consummate ; typus, figura, mysterium, sacramentum, signum...? », Non solo chiarezza riceve il VT dal NT, ma anche perfezionamento : « Per gratiam doctrinae evan- gelicae lex per Moysen data perfectum accepit » (tr. 24, 2, 1) ; parecchi anche gli esempi al tr, 12, al sermone, 12, ece.®, F’ cosi che l'antica economia (e il VI é un’ unica grande figura del N’t) fa appelio alla sua « veritas » : «Et prophetico et evangelico testimonio declaratur » (tr. 2, 52). L due ‘Lestamenti sono Puno e¢ Valtro necessart (cf. tr. 19, 4, 3). Cromazio conferma ; « Huiusmodi ergo lucerna, id est incarnatio Christi ostensa a lege ac prophetis iam non obscura praedica- tione legis tamquam modio tegitur (...), sed in cruce, velut in candelabro, constituta, omnem ecclesiae domum illuminat » (tr. 19, 5, 4). Dunque A'L-NT in perfetta continuita, 28. Cf. il tr, 14, ove c'é gid pit che un esemplarismo di ordine morale ; Se ne trova anche uno di ordine formale, che potrebbe diventare oggetto di interessanti riflessioni (cir. serm. 12, 30) 29. ¢ Quod ergo in figura praecessit, in veritate complevit » (17 A, 12); « Illi (magi) intellexerunt per adventum Christi magicam artem cessaturam, isti (udaei) Givinae Jegis mysteria intellegere noluerunt » (tr. 4, 2, 8; ef, ibid., anche t4; si osservi il plurale « mysteria ») ; ¢ Multae — inquit — portae in lege et prophetis, etc. » (1, 83) ; «Et bene lex nova in monte praedicatut, quia lex Moysi in monte data est. Tia (lex) in decem verbis (...), ista (la legge di Cristo) in octo beatitudinibus » (39, 8) ; «Bt prophetic et evangelico testimonio declaratur e (tr. 2, 152 ; cfr. poi ibid., «Quod possemus innumeris testimoniis approbare 1); cf. tt. 19, 4, 33 « Huiusmodi ergo Incerna, id est incarnatio Christi, ostensa a lege ac prophetis iam non obscura praedicatione legis tamquam modio tegitur (..), sed in eruce, velut in candelabro, constituta, omnem Ecclesiae domum illuminat » (tr. 19, 5, 4): 30. Nei trattati vi sono parecchii esempi, specialmente nel commentare il discorso della montagna : ¢ si spiega : Gest si presenta come legislatore che porta a compimen- to VAT (tr, 17 e 88). Ci si pud riferire a questi testi : tr. 12, 1, 1-3; serm. 17 A, 20, 1, 1} te. 20, 2, 5; serm. 6, 3; serm. 18, 28; serm. 4x, 152; tr. 24, 1, 1 ss; tr. 25, 1, ©; tr. 27, 1, 1. eee. 62 GIULIO TRETTEL 2, L« Historia salutis ». — 1 due ‘estamenti formano poi come unica grande pagina, un’ unica grande promessa, che si inserisce nel vivo del tessuto dell’ esperienza della fede ¢ nel corso della storia che divien percid sacra, cioé di salvezza. Tutto questo ci pare di trovarlo in Cromazio ; ci proviamo a vedere, tenendo presente la traccia della c historia salutis » che sopra abbiamo abbozzato. Questa traccia &, tra i moltissimi luoghi in cui é reperibile, gia nel primo sermone : « Adventum humilitatis Domini et Salvatoris nostri lex et prophetae non solum vocibus praedicaverunt, sed exemplis mysticis demonstraverunt... » (7, 3). 3. Termini necessari alla comprensione, — I termini sono stati richia- mati pit sopra ; si tratta di ratio spiritalis, ratio mystica, ratio veritatis, intellegentia spiritalis, intellectus, sensus spiritalis, sensus mentis. Il termine «ratio» vale «senso, senso scritturale™», Né si pud dire — ci permettiamo di dissentire dall’taix — sia tanto raro. La « ratio » e sinonimi, @ la chiave di volta per intendere i due Testamenti, che sono le due economie, le due dispensazioni, due alleanze, non tanto due libri. Il primo doveva preparare il secondo, il quale @ il « novum et aeternum testamentum », il « novissimum » anzi®, 4. Allegoria ed allegorico. — Un altro termine ci interessa : allegoria ed allegoricus ; Cromazio non lo usa molto ; preferisce mysterium, mysti- cus ; typus, typicus, typice,... Lrespressione caratteristica del nostro autore @ : secundum allegoricam vel mysticam rationem ; oppure : Secundum mysticam vero vel allegoricam rationem ; in qualche modo, quando precede Paggettivo allegoricus, il mysticus serve quasi da correttivo, 1on avendo Cromazio troppa simpatia per [uso di « allegoria » e «allegoricus », sic et simpliciter : egli sente il bisogno di giustificarne l'uso. Ma qualsiasi termine usi, la realtA @ pur sempre la stessa : bisogna passare dalla lettera al suo valore imtimo e profondo. In questa operazione Cromazio si trova in buona compagnia®, 5. Dallz lettera al senso spirituale. — F? il passaggio necessitante, di cui andiamo discorrendo, se si vuole rimanere nell’ambito di una esegesi cristiana, e fare una esegesi che sia cristiana ; per dirla con sant’Agostino : « Opera loquuntur... Facta, si intellegas, verba sunt.» Ancora : « O res gestas, sed prophetice | gestas in terra sed caelitus, per homines sed divinitus | »94, 31. Cf. Etaix, in Revue Béndd., 70 (1960), p. 494. 32. CE. De Lupac, Exégese Méditvale, I, x, p. 309. 33. CE. De Lupac, Exégése Médi¢eale, I, IL, p. 489. 34. Sermo 95, 3, PL 38, 582 ; In Genesim, liber 2, PL. 50, 989 C (8 anche in Civ. Déi, liber 16, 37, PL 41, 516). TERMINOLOGIA ESEGETICA IN CROMAZIO 63 6. San Cromasio ¢ Vintelligenza spirituale. — Per Ini « ratio » vale il senso vero, Pultimo, il pit profondo, il valore, la « veritas v9, I testi che lo provano sono moltissimi; ne facciamo un esempio e, per necessita, li altri li ricordiamo solamente : occorreré verificarli : «Haec itaque primum secundum simplicitatem historiae, per Domini virtutem ista gesta cognoscimus, Secundum allegoricam vero rationem, quae in his omnibus figura monstrata sit, sollicite debemus intellegere » (tr. 42). « Haee primum secundum litteram intellegenda sunt. Secundum allegoricam vero rationem, duo isti daemoniaci... habent figuram duorum populorum, sive... » (tr. 43, 48). Pid che nei trattati, frequenti gli esempi dei sermoni : « Secundum allegoricam vero vel mysticam rationem, mulier ista (Maria) figuram Ecclesiae praeferebat » (11, 52)®%, 7. « Ratio », —~ Pur non dicendolo espressamente ha spiegato Atti ro (Pepisodio di Cornelio) « secundum litteram », Quindi passa ad affermare : «Sed iam revelationis ipsius et tempus et inysterium consideremus » (3, 87). « Et mysticus et spiritalis in gestis huiusmodi sensus est » (ibid., 92). Altri esempi possono essere sermone 5, 18 ; 12, 50 ; 12, 53; Insieme ad“ intellegentia”, intellectus”,... va aggiunto anche il relativo verbo « intellego », che @ ancora Ia ricerca della ¢ ratio », del « sensus », della « veritas » che sta al di 14 della lettera. I casi sono numerosissimi. «Lucerna corporis sensus mentis et fides cordis intellegitur» (6, 3). Qui « mentis » vale « spiritus », come si ha dal sermone g, 142. « Sed sola Ecclesia fidelium spiritaliter intellegit » (18, 59)3”. 35. Il termine « ratio » pud anche valere I'italiano ¢ ragione », civ€ spieyazione suificiente,... Un es. di Cromazio : + Sed assertio ista (quella di cui Mtt. 5, 25-26) non plenam videtur habere rationem. Quid enim ?» (tr. 22, 1, 2). Perd questo caso non ci interessa ; stiamo invece cercando ¢ ratio », in quanto vale « il senso vero, ultimo, il signifieato pit profondo », la «veritas» che sta al di 1 della «figura ». In questo caso ratio & quasi intraducibile ; il francese dA ¢ ordine » (ordre) ; cfr. CHROMACE, Sermons, t. II, p. 21. 36. Qualche altro esempio ; « In illis (Indaels) iniquitas operabatur ; in gentibus mysterium fidei et ratio veritatis » (to, 24 ; per e ratio » qui, cfr. fine nota prece- dente). + Secundum mystieam vero vel allegoricam rationem, (..) in se (Ioseph) typum Domini praefiguravit » (24, 48). Morse un po’ diverso — aun dipresso come in serm, 35, 25 ¢ figuratio »— ¢ ratio » in 27, 49 : # Sed advertamus rationem gaudii et lacrimarum », Cf, nota (35). 37. « Adbue carnalis erat Nicodemus, idcirco carnaliter loquebatur. Sed Dominus ut carnalem sensum eis ad intellegentiam spiritalem adduceret, ait» (9, 65). + Possnmus et aliter de arundine intellegere, quia multiplex sensus spiritalis est... » (z9, 87) ; commenta Mtt. 27, 27-8, Analogamente : « Quae ei tamen gesta Heliae (I Re, cap. 17-19) spiritali seusu et oculis fidei consideremus, iuvenimus mystica et magua mysteria # (25, 69). A commento di Mtt. 2, 19-20 : « Fides ergo et veritas gestorum secundum Htteram in aperto est Sed in ipsis gestis etiam spiritali: intellectus est... » (tr. 7, 1, 21) (Policopia dell’ Ltaix, pag. 193). — « Iam etiam salis ipsius naturam usumque tractare debemus, ut, his cognitis, dominict dicti virtatem spiritali intellegentia facilius assequamur » (tr, 18, 1, 1-2), — ¢ In his Domini dictis 64 GIULIO TRETYEL 8. Spiritalis. — Questo termine é affiorato pitt volte ; qual @ il suo preciso valore ? ‘Termine utile di confronto potra tornare il sermone r9 ; la ove l'aggettivo (e lavverbio) & opposto a « canalis », a « carnaliter », Bisogna evitare di dare alla parola il valore evanescente che pud avere in italiano, 9. La « multiplex intellegentia », — Questa parola @ stata incontrata pitt volte ; si pud trovare anche « multiplex intellectus », 0 modi equiva- lenti per esprimere lo stesso peusiero (per es. al tr. 37, 6) ; oppure per escludere una interpretazione errata : « Non corporali sensu, sed ratione spiritali intellegendum est » (tr. 19, 4, 6). Non @ da credere, per il fatto che Cromazio ammette la possibilita di molteplici interpretazioni, che ognuna sia buona ; tutt'altro | La «multiplex intellegentia » si ha solo nel campo della fede. Pet esempio non valgono assolutamente quelle date dagli eretici ; il loro @ pit tosto un non-senso, per il fatto stesso che é errato (cfr. 21, 54). Né tra i molte- plici sensi ya collocato il letterale : questo é um senso a sé, ed & fuori discussione ; gli altri vanno aldila della lettera. I testi che provano questa niolteplice presenza — inutile dirlo — sono molti, $i tratta di un modo di concepire che @ commune e pacifico tra i Padri La buona ermeneutica ci insegna che Ja Scrittura ha e non pud che avere un unico e solo senso®, Il nostro autore sara dunque in contrad- dizione ? Si potrebbe pensarlo dal momento che parla di una « multiplex intellegentia », Ma non si tratta di possibili diverse interpretazioni ; & invece saper cogliere sempre piit in profondita 'unico mistero di Cristo ¢ della Chiesa, E” una specie di fascio raggiante che emana da quest*unico mistero ; 1 i diversi molteplici sensi sono condotti all'unita di quello della fede. 10. Sensus plenior. —- E percid che si pud e si deve parlare di una comprensione (iiellegentia, intellectus) che allagiografo poteva anche risultare non comprensibile ; solo il mistero che si dipana la rende chiara ¢ intellegibile, Ma & proprio questo valore allora implicito ed ora eeplicito che @ immensamente superiore alla lettera e che sotto questa si cela ; la lettura e la vita cristiana devono saperlo intuire. Questo anche se, onestamente, non possiamo seguire i Padti in tutte le loro interpretazioni : aleune le dovremo tifiutare perché troppo lambiccate, (ef. Mt. 5, 33-35) (...) duplex intellegentia est. Primum... Deinde... » (tr. 24, 3, 1-3). «Duplici modo hoc dominicum, dictum intellegimas... » (tr. 28, 5, 1), ¢ Hoc autem spiritaliter nobis pracceptum esse debemus advertere » ({bid., 3). — «Sed quia id secundum litteram diximus, quid etiam secundum spiritalem intellegentiam sen- Hendum sit debemus animadvertere » (tr. 29, 3, 1). 38. Cir. AA. VV., J? messageto della salvezca. Introduzione generale, Torino 1968, p. 245-73. PrRxiaa, Inirodusione generale alla sacra Bibbia, Roma, 1958, nut. 257 ; vi si fa questione se anche sant’Agostino e san Tommaso ritencssero che la Scrittura possa avere piti sensi (ivi, num, 260-276), TERMINOLOGIA ESEGETII SA IN CROMAZIO 65 Ma il principio di fondo resta pur sempre legittimo. Del resto cid corri- sponde a quella che abbiamo detto «lettura aperta » della Bibbia. Di questo Cromazio & cosciente ; & persuaso di esseze legittimo ed autorevole continuatore della « praedicatio apostolica » (cfr. sermone 41, § e 15). Quanto ai testi che documentino Ja molteplice intelligenza nel suo pen- siero, si veda in nota®®, Lettura della Sacra Sevittura La lettura di san Cromazio @ lettura « cattolica », ed & lettura della fede, Non ci sentiremmo perd di seguirlo in tutte le sue affermazioni, che sono — di solito — energiche, perentorie, sicure ; lo si pud gia inten dere dall’uso degli avverbi che adopera!”, Appare immediato il rapporto tra Antico e il Nuovo ‘testamento. Cid che non era possibile intendere in tutte le sue implicanze, diviene chiaro nella realizzazione della economia salvitica del Ni’, Per giustificare questo sara pit che sufficiente por mente al modo con cui egli cita la Scrittura in genere e PA'l in specie. Un esempio : « Quod idipsum David in psalmo evidenter ostendit cum dicit... Audi denique hoc ipsum prophe- tam demonstrantem cum dicit... » (31, 31 ¢ 42). In qualunque caso il NT completa ¢ porta a termine, perlezionandolo, il VT, il quale & figura ed ombra che attende la sua realta (la veritas). E questa Cromazio afferma insistentemente realizzata o mentre va realizzandosi. Ricorrono con impressionante frequenza i verbi «impleo, adimpleo, compleo, consum- mo... » 1, « Implevit », — Ul verbo va letto con attenzione per ogni variazione possibile, per cogliere il pensiero del nostro autore. Indica cid che riempie, completa, colma, che porta a termine, a perfezione, Considerazione a parte meriterebbe Vespressione impletum ex parle (es. tr. 44, 46). A noi pare possa e debba intendersi cost : non tutto & compiuto ; manca ancora qualcosa di nostro (cf, Coloss. 1, 24). Altrove la stessa espressione vuol dire semplicemente che all’autore non riesce possibile dire tutto quello che vi sarebbe da dire (per es. 24, 49). I testi 39. S’é gia visto in nota (37) ; qui qualche altro esempio : « Potest autem et aliter intellegi, quia multiplex intellectus spiritalis est, ut, » (tr. 43, 91). Quast identica frase : ¢ Potest autem et aliter intellegi, quia multiplex intellegentia spirita- Us est » (tr. 19, 5, 2). # Potest autem et aliter intellegi quod Librum evaugelii quem accepit edendum » (21, 50). Cfr. anche « Qui fideli sensu (eguale, forse, a «sensu spiritali ») dicta Tohannis intellegunt » (21, 52). 40. Si veda, a questo proposito, 'interpretazione che dA di Esodo 23, 19, al tr. 6, 2, 30; ma tutto il paragrafo & volto a spiegare come Cristo non poteva morire per mano di Erode, 41, Si possono vedere : sermoni : 1, linee 23, 34, 49, 80, 86, 90 ; 31, linee 31, 42, 51, 53, 54, 69 (sine dubio). Pit irequente nei trattati ; cost : tr. 5 (6) 23; tr. 45, 5 86 e 92; tr. 43, 4, 48; tr. 6, 1, 34 (Btaix, p. 187) ; ecc, 66 GIULIO TRETTEL sono assai numerosi. Per conto nostro i casi pit interessanti si trovano al sermone 25 ¢ al sermone 17 A, dai quali togliamo due esempi. «Et meditata quidem dudum in lege fuerat festivitas paschae huius, sed in figura, Quod ergo lex in figura meditata est, Christus Dominus in veritate complevit » (17 A, 10). « Et tamen praeceptum evangelicum, antequam audiret, implevit » (25, 112). Non ci & consentito di portare qualche altro esempio®, 2. Tre leiture nella celebrazione. — Potrebbe essere interessante, nella ricerca dello svolgersi del mistero di salvezza, avvertire il numero e la successione delle letture in una celebrazione eucaristica. C’@ chi Pha fatto per esempio per sant’ Agostino, per sant’ Ambrogio®. Anche Cromazio conserva chiara la presenza di una trilogia di letture nella celebrazione ordinaria, « Hoc et lex futurum praedixerat, hoc et prophetae praenuntiaverant » (12, 6). Il terzo momento : «Sed quia oblatum sibi munus tantae gratiae respuerunt, etc. » (ibid., 12), Anche —é evidente — se non si parla di celebrazione, ma di tappe della salvezza. Da fonte diversa apprendiamo perd che questi momenti venivano eviden- ziati nelle varie assemble, con intento pedagogico. Ma vi sono esempi precisi : «Multae quidem nobis lectiones insinuatae sunt, etc. » (19, 6). Oppure — caso tipico, si diceva —al sermone 25, § 6° ;il testo é lampante : ve la lex », i « prophetae », 1'« apostolus », ¢ Ix evangelium », preceduti addirittura dalle loro figurazioni, Altri esempi al sermone 2, §§ 1-3; 1, 38€ 119 ; 4, 5 € 54 5 25, 4, 73, € 1X5 ; 0 ai sermoni 15-17 A, Cid permette anche di ricostruire testi incompleti#4, 3. Legge — Profeti — NT. — Non ci addentriamo a leggere i testi dove questi valori compaiano‘’, Per conto nostro troviamo espressivo 42, «Ad cottsummanda legis omnia sacramenta » (tr. 12, 1, 1). Detto con altre parole : « Et futurae veritatis sacramenta praevidit » (15, 53). « Vidit enim tune Abraham futurum praefigurari mysterium > (15, 32; ef. tr. 19, 4, 5). Lasciamo altri casi, parlandone altrove. 43. AMBROGIO : In ps. 118, 17, 10; PL, 15, 1443. AGOSTINO : Sermo 45, Pl. 38, 247; Sermo 341; PL 39, 1493; cf. I. BORELLO, Il nuovo xordo missaes e l'azione pastorale, Verona 1969. 44. Per es. al sermone 12, 6 : «Hoe et (testo mancante) futurum praedixerat, hoc et prophetae praenuntiaverant »; il testo mancante non pud che intendersi la Legge ; per cui si ristabilisce cosi’: « Hoc ct lex futurum praedixerat, hoc et prophetae praenuntiayerant », Tl terzo posto & quello occupato dall’apostolo : di fatti : « Beatus apostolus Paulus, in epistola... » (ibid. linea 2). Caso analogo al serm, ro, 34 : il testo mancante allude senz'altro al NT (apostolo o vangelo) : cf, CHROMACE, Sermons, t. I, pag. 207, Ia traduzione francese. 45. Per la legge : serm, 2, 100 ; 1, 15 ; 28, 3; 28, 13 ; 28, 22; 22, 15 ; ece. Per i profeti : tutto il sermone 25, ad es, — Interessante la bella espressione, che ci riporta fino a san Irenco, del serm. 3, 126 : ¢ quadripertita praedicatio evangeli », Poi i serm, 21 e 22 ove ripetutamente si parla di testi scritti. Ma cosi in tantissimi altri sermon e trattati, TERMINOLOGIA ESEGETICA IN CROMAZIO 67 il testo ove @ parola del NT (apostolus ed evangelium) del sermone r2, paragrafo 6. Si osservino ie espressioni « manducat de... », « manducat avide de... » ; avverbio @ riservato al NT. E giocoforza che ci acconten- tiamo di fare delle affermazioni documentabili con j riferimenti della nota che precede. Il. — Ta Parora pt Dro La Parola come primo segno e veicolo. 1, « Verbum Domini; Dominus loculus est», — Occorre, prima di addentrarci, saper cogliere tutto il valore pregnate di cid che si intende per « Parola di Dio», che ha il significato di «dabar» dei profeti. (Per noi, il pit delle volte la «parola» rischia di rimanere un puro « flatus vocis»), Su una simile premessa san Cromazio pud fondare tutta la sua esegesi. Pensare diversamente vorrebbe dire giocare con la Parola. 2. Unespressione caraiteristica di san Cromacio : « ex persona »*5, — Sta ad indicare una «parola » che viene da molto alto : dai cittadini del cielo, dagli angeli, dal Figlio di Dio ; viene da Dio stesso anche se media- ta. Cosi: « Sic ipse per Salomonem ostendit dicendo » (8, 14)”. sempre il Signore a parlare, pur in modo umano, pur servendosi di tramiti. Per eliminare dubbi che potrebbero forse sorgere, Cromazio rafforza Vespressione con un avverbio 0 con un pronome : « Ipse Dominus in evangelio manifestat cum dicit... » (14, 41) ;« Audi hoc ipsam Dominam in evangelio declarantem » (23, 75). Cos! : « manifeste » (9, 115 ; 14, 25 ; 18, 40...) ; «manifesta ratione » (9, 134 ;...); eevidenter » (16, 20; 17 A, 15 ; 18, 45 ;...) ; ecc. Questo avviene specialmente (ci pare d’averlo gid affermato) quando cita la Scrittura ; ma anche in altri momenti**, Dai casi addotti si pud vedere come sia sempre « parola del Signore», Una formula pitt energica ancora é « Etiam ipse Dominus per eundem Salomonem ita de se testatus fuerat, dicens : » (tr. 6, 2, 21). A questo proposito potrebbe andare una osservazione, ed & che Cromazio predilige Ie forme singolari anziché plurali, quando pud. Ma anche le forme plurali discendono dall’unica Parola sostanziale di Dio (Verbum)*®. 46. Cir. CHROMACH, Seymons, t. I, p. 185, nota 2. — La abbiamo trovata ai seguenti passi : serm, 8, lines 26, 78, rox, ro9 (ben quattro volte in questo sermone ) ; serm. 9, 19 ; serm. 11, 72; tr. 5 (5) 45; tr. 6, 12, 16 (6 ex persona accclesiae » : sie |) ; tr. 42; ece. 47. 4Ipse Dominus in evangelio manifestat cum dicit » (r4, 41); ¢Ipse enim ait per prophetam » (x6, 92); « Ipse in evangelio manifestat dicendo » (17, 26) ; « Sicut ait ipse per prophetam » (19, 85) ; « Quod tamen futuram per David ante ipse praedixerat » (19, 158) ; ece., come 23, 75; 30, 18; 33, 27; 33, 597 33, 44. 48. Cf. esempi alla nota precedente. 49. «Num pro inauribus habebat (Susauma) verba divina » (35, 11) ; « Ut homi- 68 GIULIO TRETTEL La Parola é « semen », A documentare quest’affermazione serviranno i testi dei sermoni 2, 19, 29; 28, 73; 2, 40;... In sintesi egli dice : il Signore semina nei nostri cuiori il seme della sua parola, con laratro della sua croce. Bisogna accoglierla ed evitare che il maligno vi semini sopra la zizzania. Accadrebbe cid che & sucesso a Simon mago il quale non seppe riceverla e metterla a frutto, ma divenne vaso di riprovazione. Dio ci visita con la sua parola infondendo in noi la pieta cos! che pud portare frutti di vita eterna come scelti manipoli. Per ia circostanza affiora un’altra bella immagine che & quella della rugiada (28, 77). La Parola é « pluvia caclestis ». La Parola ci si presenta anche come pioggia celeste, Si potrebbe dire pure che la « rugiada », Ia « pioggia celeste » ¢ cid che feconda il seme F? un altro nome della predicazione apostolica, di cui si vedra. « Adduxit nobis Dominus et Salvator noster pluviam de caelo, id est evangelicam praedicationem, per quam arida corda humani generis, tamquam terram sitientem, aquis vitalibus recreavit » (25, 152). Un testo poetico, come si vede®?, La Parola é « sal divinum », Cromazio & di Aquileia ; conosce le proprieté nonché Vorigine del sale ; ne parla pit volte, Al tr. 18, 1, 14, quando commenta Matt. 5, 13, dice per esempio : « Sicut igitur sal hoc, id est sal terrae, indiserete omnibus opus est, id est regibus ac potentibus, divitibus et pauperibus, servis ac dominis ; sic et caelestis sapientiae verbum!, quod per apostolos praedicatum est, necessarium est cunctis ad vitam ». E continua nelio stesso ordine di idée, pur non usando il termine « sal » : « Quia sicut..., ita quoque illam vitam aeternam, sine dono sapientiae divinac adipisci non possumus » (tr. 18, 1, 4). Va notata una coincidenza : sal = pracdi- catio apostolica = verbum®?, nibus (...) excelsa praedicaret verba » (39, 6) ; « Illa (la legge di Mosé) in decem verbis + (39, 9) ; al serm. 41 queste parole (verba) saranno chiamate gradini (gradus), o anche perle (margaritas), Cromazio contrappone anche la Parola alle parole umane, yuote, ptive di contenuto ; cost : « Quae (Sapientia Dei, cioé Christus) non ornatur verbis, nec loculenta oratione » (28, 27). 50. E’ bello vedere come Cromazio parla di Maria, colei che ricevette nel sito grembo il seme divino ; « De hoc ergo grege sanctorum immaculata illa et intacta ovis processit, id est sancta Maria, quae nobis contra naturam purpureum illum agnum, id est regem Christum generavit » (23, 64). «De qua (de virgine Maria) flos humanae carnis in Christo surrexit » (tr. 2, 5, 127). 51. Avrebbe potuto auche serivere : «sic et caelestis sapientiae sal », oppure «sic et caelestis salis verbum », se non andiaso errati. 52. # Conditi sumus apostolico sale» (tr. 18, 4, 4). ¢ Rvangelicae praedicationis sopientia salferunt » (tr. 18, x, 3). «Ipsi enim (apostoli) sal terrae nostrae facti sunt » (tr, 18, 1, 3). ‘RMINOLOGIA ESEG, ICA IN CROUMAZIO by La Parola é « pectinia caelestis », Per capire la ragione per cui tanto insista Cromazio sull’antentica «pecunia celestis » occorrerebbe ricordare una delle tentazioni della Chiesa primitiva di cui riferiscono Atti, 5, 1-12 ¢ 8, 9-24, Perché la Chiesa dei primi tempi resta sempre, per Iai, un ideale cui ispirarsi®® Ordunque fa predicazione della Parola divina & denaro celeste. Cost : «Dicitur quidem et Heclesia domus negotiationis, sed negotiationis spiritalis, ubi non terrena sed caelestis pecunia feneratur, nec usura nummi terreni, sed usura regni caelestis adquiritur. Denique dictum a Dotnino in evangelio legimus » : e cita Matt, 25, 27, « Feneratur ergo nobis quotidie in Ecclesia Domini verbi divini pecunia, caelestis doctrina, ete. » (4, 41). Va notato che il commento era sn Gv. 2, 138s. La Parola & « merces », Siamo nello stesso ordine di idée della « pecunia », «Non incondite et ego proponam mercedem, quam mihi commisit Dominus, praedicationem utique caelestem » (41, 15). Siamo nell’industre e@ mercantile cittd dell’alto Adriatico, Aquileia. Non @ questo Punico richiamo®™, L’occhio @ sempre alla Chiesa apostolica. La Parola é « etbus ». La riflessione sulla Parola come « cibus » meriterebbe abbondante spazio di commento, I testi che ne trattano, e ne trattano anche ampia- mente, sono molti; la nostra ricerca vi ha dedicato pit di 15 pagine. I brani pit notevoli, per conto nostro, sono al sermone 12 ¢ al 2555, Il primo commenta san Paolo, Romani r4, 25%, «Qui ergo sanus in fide est, sanus (in) scientia, sanus in praeceptis caelestibus, sanus in operibus iustitiae, sine dubio omnia quac legis ac fidei sunt spiritaliter manducat. Audit legem, manducat legem, quia doctrina legis esca est animae. Audit prophetas, manducat de prophetis, quia praedicatio prophetarum cibus animae est, et refectio mentis, Audit evangelium, manducat avide de evangelio, quia audit illic loquentem Christum qui, ad refectionem corda credentium, panis caelestis descendit. Audit apostolum, manducat avide de apostolo, quia apostolica doctrina reficitur. Ac per hoc anima fidclis de omnibus mandu- cat, quia de omni scriptura divina reficitur, cibo fidei et sermone veritatis, 53. Cf.serm. 1, § 7, eserm. 31, § 4 inoltre al serm, 41 di commento alle beatitudi- 54. Tnoltre serm. 2, 54, per es. 55. Per amore di brevita, qui siamo costretti a dare solo le citazioni. 21, § 2; 24, 3 €8. 3 24, 16; inoltre quello che si & detto per i sermoni 12 ¢ 25, nonché altri testi qua eld (ef. 41, 25). 56. Romani cap. 14 € 15 ? forse anche cap. 9 € ro (mi suggerisce il Temarié). fee GIULIO TRETTEL Sicuti qui smanducat secundum corpus (...) vel diversa, in magno et opulentissimo convivio, de omnibus accepit, ita anima fidelis et dives in Christo de omni sermone pascitur Dei, reficitur, saciatur » (12, 97) Ci dispiace di non poter fare qui dei rilievi a questo testo cost bello ¢ chiaro, in cui si ha una identificazione perfetta di Parola-cibo, e l’affer- mazione della attualita di Cristo nella sua Parola, Aggettivi, verbi, avverbi, attenderebbero una attenta lettura che, per conto nostro, gid abbiamo fatto. Non sappiamo dell’esistenza di un testo cosi energico presso altri Padri sul valore della Parola di Dio. Altrettanto importante @ il testo del sermone 25 sul cibo di Elia. Le considerazioni che Cromazio fa sul valore della Parola, ancora identificata con il Cristo, non sono molto distanti da quelle viste sopra. Interessa al nostro scopo soprattutto il paragrafo sesto ; ma si avverta il modo con cui Pautore inizia il suo dire fin dal principio, nonché det modo con cui parla del cibo che nutri il profeta nel deserto e dell’acqua che Io dissetd. Cromazio parla di una duplice fame, con due accezioni ben distinte : carestia l’una, et desiderio di cibo laltra. La Parola é « medicina caelestis », AIP’ idea di cibo Cromazio riesce facile associare anche quella di medici- na, per Ja finalita che a questa @ propria. Il nostro autore ne parla pia volte con molta delicatezza, quale si conviene a Cristo medico pietoso, come prima era il « pane disceso dal cielo » (cfr. Gv. 6, passim). Si potrebbe partire da un confronto : «Corpus medicind terrend curatur ; anima medicind caelesti. Corpus fomento olei curatur ad sanitatem ; anima a divinis sermonibus recreatur ad salutem » (12, 93). Alla linea 107 di questo 12 sermone titorna una coincidenza : panis caelestis — Christus = Verbum (Parola). Ma in questo sermone idea @ ribadita pith volte ; per es., alle linee 124, 126, 164, 165, 167 ove Cromazio chitde con un augurio®”. La Parola é « doctrina apostolorum », Un'espressione cara a Cromazio @ la « praedicatio divini verbi » (3, 49), 0 «praedicatio evangelica», « praedicatio apostolica» (ef. 26, §2 ; 31,7 € 11). E? la dottrina degli apostoli che @ a fondamento della predicazione divina. Se il termine « docttina » in Cromazio non é gran che frequente & pur sufficientemente fondato perché si possa istituite 1a correlazione «doctrina = praedicatio », Accanto a « doctrina apostolorum » compare poi una « doctrina legis », che é a dire «in figura », ed anche « sacerdotis (= episcopi) », «doctrina caelestis » « doctrina evangelica », ed anche in assoluto « doctrina »*, 57- *Ut famem corporis cibo verbi divini satiari semper optemus » (tr. r4, 6, 16). 58. #Doctrina legis» (28, 3); «doctrina sacerdotis » (= episcopi) (32, 114); « doctrina caclestis » (4, 48; 6, 3; 18, 28; 41, 42) ; « doctrina evangelica » (tr. 24, 2, 1-2) ; « doctrina » (41, 135).

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