JUIN/JUILLET 2009 BRUXELLES
LE CINÉMA BELGE PEUT-IL ÊTRE QUEER ?
LE JOCKSTRAP
Récemment j’ai porté un jockstrap
toute une nuit sous une robe «
Extrême-Orient ». Une merveille ! La
fonction première du jockstrap est
sportive (maintenir les couilles et la
louloute), il ne sert donc à rien. Pour-
tant ce sous-vêtement est plus sexy
que le string et plus cochon que le slip
car il permet d’avoir les fesses à l’air et
donc de faire appel à l’imagination la
plus coquine. L’inventeur du jockstrap
(la marque de sport américaine Bike à la
fin du XIXe siècle) doit se retourner
dans sa tombe.
L’idéal est évidemment de le porter
sous une robe (de préférence longue et
facile à soulever) bien qu’un jeans soit
tout aussi facile à enlever. Ensuite les
possibilités de jeux sont infinies. Voici
trois exemples … un peu trop sages.
Souvent mal vécu (à tort), le palpage
peut s’avérer étonnant. Siroter une
Duvel nonchalamment, se promener
langoureusement parmi les clubbeurs
et hop une jolie main au cul. Très facile
et toujours agréable. La fessée quant à
elle est moins fédératrice mais sans
aucun doute plus canaille. Se poser
contre un mur discrètement et atten-
dre patiemment qu’un bel étalon
remonte votre robe et fasse claquer
avec amour (ou non) ses grosses mains
poilues sur vos fesses. « Le doux bruit
de la fessée ». Enfin la plus malicieuse
des pratiques est le léchage de cul.
Faire pipi abondamment dans un
urinoir la robe relevée pour bien mon-
trer votre popotin, se faire coincer
sauvagement par un bellâtre mousta-
chu dans la toilette d’à côté et vous
faire bouffer le cul à en pleurer de joie.
Un classique.
Le jockstrap a plus de 100 ans. C’est
peut-être le moment d’en acheter un
ou de ressortir du tiroir celui de 1978.
Peu importe qu’il soit en latex, en cuir,
en coton ou fabriqué maison.
L’important est de (re)découvrir les
plaisirs cachés et kinky de ce vêtement
magique et surtout de lui faire sa fête.
TAPETTE
TROIS QUESTIONS À
PATRICK CROES
QUI ES-TU ?
Un gamin qui joue à « l’artiste »
QUE FAIS-TU ?
Du graphisme pour Jean Paul Lespagnard,
un projet de Jingle pour une télévision
Belge. En outre, je suis membre du groupe
Jurassic Pump et je travaille essentiellement
en tant que VJ.
WWW.MYSPACE.COM/JELLYFISHTV
QU'AS-TU FAIT POUR LE SUPI • 2 ?
J’ai imaginé l’illustration d’après une photo
de Tine Claerhout ainsi que la mise en page
de ce numéro.
Le financement du cinéma belge francophone s’est souvent limité à des sujets «
sociaux » dont les frères Dardenne sont les figures emblématiques ; ou alors à des
SEXY MEMORIAL PICS
esthétiques poético-surréalistes dans la veine de Jaco Van Dormael ou d’Alain
Berliner. Il est malheureusement rare de voir dans nos salles des films belges pédég-
ouines, queer ou transgenres. Sans financement, point de diffusion ? C’est hélas
souvent une évidence. Mais les queer n’ont pas attendu l’argent si convenu de la
Communauté française pour prendre à bras le corps des sujets qui les concernent et
dont les pouvoirs publics ne veulent pas. Filmer sans moyens, filmer libre ?
La réponse à cette question n’est pas si évidente. Certes, pas mal de cinéastes travail-
lent dans leur coin, avec peu de matériel et beaucoup d’énergie. Le récent documen-
taire de Anne Smolar, No Woman’s Land en est une parfaite illustration : tourné sur 5
ans, il a été réalisé sans argent mais avec une patience d’orfèvre et une diffusion
limitée aux festivals, derniers remparts contre une asphyxie généralisée des salles de
cinéma par un cinéma d’auteur rarement iconoclaste. Mais il s’agit là d’un cinéma
artisanal, de chambre malgré un sujet universel qui pourrait trouver écho dans un
plus large public. Le cas de Patrick Carpentier est également intéressant. Produit par
une toute jeune boîte de production, son long métrage Combat a reçu le prix spécial
du jury aux Teddy Awards de Berlin en 2006 et a depuis fait le tour du monde, sauf de
la Belgique où malgré cette reconnaissance dans un festival international, les finan-
ciers belges ne lui ont même pas accordé d’aide à la diffusion. Le cas est encore plus
désespérant pour Yves Cantraine qui a vu tous ses projets ambitieux de longs-
métrages refusés par la Communauté française.
Sans doute le format court, ses facilités tant au niveau production que diffusion, est
aussi une possibilité de se libérer des contraintes économiques. La jeune Luz Diaz
avec Les Corps Silencieux a prouvé qu’un film d’école et queer pouvait sortir de
l’ombre.
Seul Joachim Lafosse, avec son Elève libre, a su jeter un pavé dans la mare du gentil
cinéma belge en osant montrer une sexualité trouble et qui plus est, loin des poncifs
des gentils homos et avec une sortie en salle nationale. Et même un film sur une
icône lesbienne comme Sœur Sourire a eu du mal à trouver des financements avec
pourtant une star comme Cécile De France.
Alors les ministres de la culture belge sont-ils tous homophobes ? Peu importe. Le fait
est que le cinéma queer belge, loin des glorieuses années 70 et 80, est recalé dans les
mondes souterrains. Ce n’est peut-être pas si mal si on veut éviter la fadeur d’une
reconnaissance officielle.
MÉTAMORPHE
Quiconque prend plaisir à naviguer sur le site Gayro-
meo est certainement déjà tombé, au cours des
RADIOSCOPIE DE REVUES PÉDÉS ET GOUINES dernières années, sur des photos de garçons qui se
mettent en scène au milieu de piliers en béton gris.
Depuis 2001 et la pionnière BUTT, les revues alternatives pédés et gouines ont Ces photos ont été prises à Berlin parmi les stèles du
fleuries ici et là. Souvent pour le meilleur, parfois pour le pire. Panorama non exhaus- Mémorial de l’Holocauste, érigé en hommage aux
tif d’un média fondamental de la culture queer des années 2000 à travers six revues Juifs assassinés d'Europe. Il y a quelques mois, je me
pour garçons et de deux revues pour filles. suis mis à collectionner ces photos et à les publier sur
mon blog. Cette « collectionnite » presque obsessive
BUTT (Amsterdam), fondé en 2001 par Gert Jonkers et Jop van Bennekom tourne autour de la question suivante : quel intérêt un
L’institution. Reconnaissable à son papier rose, la plus célèbre des revues pédés pédé peut-il trouver à poser devant un des monu-
actuelles traite de sujets alternatifs/branchés (Casey Spooner dépucelé par Michael ments les moins sexy au monde ? Le mémorial,
Stipe de REM ou Gus Van Sant et sa collection de pornos). En publiant également des inauguré en 2005 et conçu par l’architecte Peter Eisen-
photos de mecs poilus, gros ou moches, elle a rompu avec la représentation de mann, a pour souci d’évoquer une expérience indivi-
l’homosexuel cliché des années 90. Chaque pédé cool a à portée de main (comme un duelle à partir de la mémoire collective de
catholique a son missel) le BUTT BOOK, compilation des cinq premières années du l’Holocauste. Les stèles ne servent qu’à créer une
magazine éditée par Taschen en 2007. Elle affiche désormais en quatrième de association, sans renvoyer à une signification nette.
couverture des pubs Dior, Yves Saint Laurent Rive Gauche ou Louis Vuitton … la Une fois parmi les stèles, le visiteur se retrouve replié
preuve d’un establishment bourgeois. sur lui-même – c’est, du moins, l’idée de base. C’est
d’ailleurs pour cela que l’édifice porte, en allemand,
SCUM GRRRLS (Bruxelles), fondé en 2002 par un collectif de filles l’appellation officielle de monument (« Denkmal ») et
Biannuel lesbien ET féministe. La revue bruxelloise est très militante dans ses choix de non de mémorial (« Mahnmal »). En effet, il ne veut
thématiques et de sujets radicaux. Trop souvent critiqués pour leur position pas fonctionner de manière didactique. Quiconque a
victimaire (comme toujours lorsque des lesbiennes pensent et écrivent sur elles- déjà visité ce monument se sera probablement rendu
mêmes), les nombreux articles sont approfondis et brillants. Le graphisme, proche du compte que le travail de mémoire individuelle y est
mouvement activiste des années 70, illustre un engagement salutaire. très difficile, l’occupation principale étant d’éviter les
autres personnes qui déambulent dans le labyrinthe
BASSO (Berlin), fondé en 2005 par Yusuf Etiman des stèles. Les allées qui sillonnent le mémorial ont, en
Pas une bite à l’horizon… le moins pédé et le plus allemand de la sélection. Des outre, été conçues de manière à ce qu’on en perçoive
photos de murs, des graffitis, des punks à chiens et des poèmes expérimentaux. Une toujours la fin. Le visiteur n’est donc jamais tout à fait
démarche délibérément imperméable mais arty. perdu. De plus, les stèles, créent une atmosphère plus
élégante que désenchantée et renforcent le caractère
GLU (Amsterdam), fondé en 2005 par Jessica Gysel and Kathrin Hero événementiel de l’édifice.
GLU = Girls Like Us. Les très jolies couvertures de cette revue lesbienne branchée
donnent envie d’aller voir à l’intérieur. Malheureusement, il n’y en avait pas chez le
marchand de journaux.
Le visiteur ne se trouve réellement confronté à
l’horreur de l’Holocauste que lorsqu’il le décide réelle-
PISSZINE (Milan), fondé en 2007 par Massimo Magrini
ment, ce qui présuppose une idée claire de ce à quoi
on pourrait penser et de ce à quoi pourrait ressembler
Imprimé sur papier jaune, chaque numéro est thématique : tatouage, chambres cette mémoire individuelle. Il semble que, souvent, ce
d’hôtels ou moustache. On y trouve peu de textes mais en majorité des modèles ne soit pas le cas. Les photos sexy publiées sur internet
posant lors de séances photo. Des beaux gosses poilus et du pipi. Une revue radicale et ayant pour cadre ce monument montrent claire-
sexy de très bonne qualité. ment à quel point la Shoah semble être éloignée de la
vie de beaucoup de gens, et notamment de celle des
KINK (Barcelone), fondé en 2007 par Paco y Manolo Allemands. L’antisémitisme qui progresse sensible-
Une revue à feuilleter pour les très belles photographies d’hommes nus reproduites ment en Europe en témoigne. Parallèlement, les
à l’intérieur. Voilà. pédés semblent estimer qu’ils peuvent entrer dans un
rapport plus « détendu » avec l’holocauste en vertu de
KAISERIN (Paris), fondé en 2007 par Didier Fitan et Arnaud-Pierre Fourtané leur appartenance à un groupe ayant été, lui aussi,
Revue d’art esthétisante d’une beauté glaciale et glaçante, Kaiserin a pour volonté de persécuté par le IIIe Reich. Dès lors, le mémorial
présenter une scène artistique émergente. Photographes, auteurs, poètes, devient un parcours d’aventure urbaine postmod-
typographes, … Les thématiques sont snobs et improbables : « L’apprentissage de la erne, une coulisse chic. On peut attendre avec impa-
ville », «La déliquescence » ou bien « Postmodern hardcore ». Ne comptez même pas tience le jour où il deviendra également un lieu de
y trouver un poil de cul qui dépasse ! drague.
SCUM BAG FAG MAG (New York), fondé en ? par ? HANNO STECHER
« Sac à foutre magazine de pédales » est une revue trash, drôle et vraiment décalée WWW.CATCH-FIRE.BLOGSPOST.COM
avec des photos cochonnes, des collages amusants et des dessins rigolos. La mise en
page artisanale donne l’impression que le fanzine a été fait à la maison un mercredi Traduit de l’allemand par Carsten Främke et revu par
après-midi. Un esprit potache et du cul décomplexé : l’image du pédé pop alternatif François Sagan
d’aujourd’hui.
MÉRIADEK CARAËS ET MICHEL-ANGE VINTI
LE SUPI • 2 / BRUXELLES / JUIN/JUILLET 2009