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Le pèlerin voit le monde d’une hauteur

En dehors du monde il n’y a rien

Alors que je rêvais ainsi, nous nous trouvâmes soudain - je ne sais comment - sur une tour dépassant toute hauteur de
sorte qu’il nous semblait toucher les nuages. En regardant du haut de cette tour, j’aperçus une cité apparemment belle,
brillante, et prodigieusement étendue, mais pas assez grande pour que je ne puisse en discerner les limites et frontières.
Cette cité était de forme circulaire, et était entourée de murs et de remparts, mais au lieu de douves béait un abîme
glauque apparemment illimité et sans fond. La lumière ne brillait que sur la ville, alors qu’au-delà des murs c’était
l’obscurité complète.

L e plan de la ville
La ville elle-même, comme je m’en aperçus, était divisée en d’innombrables rues, places, maisons et bâtiments grands
et petits. Vers l’est, je vis une porte de laquelle partait une allée qui courait jusqu’à une autre porte, située à l’ouest. La
deuxième porte s’ouvrait sur les différentes rues de la ville. Je comptais six rues principales venant de l’ouest,
parallèles les unes aux autres. Au milieu de ces rues était une très grande place ou place du marché. Plus loin vers
l’ouest, sur une éminence rocheuse abrupte, se tenait un grandiose et magnifique château qui semblait être l’attraction
principale de tous les habitants de la cité.

La porte de l’Est et la porte de la répartition


Mon guide, Passe-partout, remarqua:
Prends-y garde, mon pèlerin, tu as ici ce beau monde que tu étais si impatient de voir! Je t’ai tout d’abord amené sur
cette éminence de sorte que tu puisses avoir une vue d’ensemble, et ainsi que tu puisses comprendre son organisation.
La porte de l’est est la porte de la vie, par laquelle tous ceux qui habitent dans le monde doivent entrer. L’autre porte
qui est plus près de nous est la porte de la répartition où tous reçoivent leur lot dans la vie et se dirigent vers leurs états
respectifs.

Le monde se divise en six rangs

Les rues que tu vois correspondent aux divers groupes, ordres, et professions, dans lesquels sont installés les hommes.
Tu observes six rues principales : dans l’une, vers le sud, habite le groupe domestique - les parents, les enfants, et le
personnel de service ; dans la suivante habitent les artisans et commerçants; dans la troisième, tout près de la place, on
trouve les professions lettrées, consacrées aux travaux intellectuels; de l’autre côté, en face d’eux, se trouve le clergé,
auquel les autres ont recours pour le ministère religieux. Plus loin se trouve la classe gouvernante et juridique; et à
l’extrémité nord, on trouve l’ordre de la chevalerie, qui s’occupe des affaires militaires. Comme tout cela est excellent!
Les premiers nous engendrent tous; les deuxièmes nous sustentent tous; les troisièmes enseignent à tous; les quatrièmes
prient pour tous; les cinquièmes jugent et préservent pour tous un ordre convenable; les sixièmes se battent pour tous!
Ainsi tous se servent mutuellement, et tout demeure dans l’harmonie.”

Le château de la fortune, la place du marché, et le château du monde

“Le château vers l’ouest est l’Arx Fortunae, le château de la Fortune, où seuls les gens les plus distingués habitent dans
la jouissance de la richesse, du plaisir et de la gloire. La place centrale est commune à tous. Là des hommes de tous les
groupes se rassemblent pour y effectuer leurs échanges. En son centre, comme l’axe de tout le reste, se trouve (se tient)
la résidence de la Reine du monde, Sagesse.

Le commencement de l’errance...
Je fus satisfait de cet excellent arrangement et commençait à louer Dieu d’avoir organisé tous les groupes de façon si
splendide. Mais il y avait une chose qui ne me plaisait pas : j’observais que les rues s’entrecoupaient en plusieurs
endroits, de sorte qu’ici et là elles se croisaient les unes les autres. Il me semblait que cela pourrait facilement
provoquer de la confusion et du vagabondage. De plus, alors que je contemplais la forme circulaire du monde, je le
sentis en vérité tournoyer et bouger, à tel point que j’eus peur d’avoir le vertige. Car où que je tourne mon regard, tout
jusqu’au moindre grain de poussière semblait danser devant mes yeux. Et puis, quand j’écoutais, l’air était plein de
coups et de bruits sourds, de chuchotements, de glissements, et de cris.

...Où se révèle l’aveuglement.

Mon interprète, Illusion, remarqua :


“Tu vois, mon cher, comme le monde est agréable, et comme toutes choses y sont excellentes, même si tu ne les
envisage que de loin! Que diras-tu quand tu en viendras à les examiner en détail, avec tous leurs délices? Qui ne se
sentirait heureux de vivre dans un tel monde!”
“De loin, j’en suis bien satisfait ” répondis-je. Comment je l’apprécierais de près, je ne peux le dire”
“Tout ira bien, crois-moi!” répondit-il; “mais allons-y maintenant!”

Le caractère des années d’enfance.

Passe-partout s’interposa :
“Attends, laisse moi lui montrer d’ici, ce qu’autrement nous n’avons pas l’intention de visiter. Retourne toi vers l’est :
aperçois-tu quelque chose qui se glisse hors de l’obscurité de la porte et rampe vers nous?”
“Je le vois,” répondis-je.
“Ce sont des êtres humains qui viennent d’entrer dans le monde”, continua-t-il, “eux-mêmes ne savent pas d’où ils
viennent, car jusque là il ne sont pas conscients d’eux-mêmes, ni ne savent qu’ils sont humains. L’obscurité les
enveloppe, et il ne font que gémir et crier. Mais comme ils progressent dans la rue, l’obscurité disparaît lentement et la
lumière s’accroît, jusqu’à ce qu’ils atteignent la porte en-dessous de nous. Pour ce qui se passe là, nous allons
maintenant le découvrir.”

Le destin répartit les professions

Le destin, gardien de la porte du monde


Nous descendîmes par un sombre escalier tournant et entrâmes par une porte au-delà de laquelle un grand hall était
rempli de jeunes gens. Sur le côté droit était assis un vieil homme à l’air implacable, un grand pot de cuivre à la main.
J’observais que tous ceux qui arrivaient par la porte de la vie se présentaient devant lui, et plongeant la main dans le
pot, en retiraient un morceau de papier couvert de lettres. Puis ils entraient dans une des rues, certains courant de joie et
criant, d’autres marchant péniblement, se plaignant tristement, et regardant en arrière.

Le destin répartit les activités


Je m’approchai plus près et examinai certains des bouts de papier; l’un tira: Dirige!; l’autre: Sert! ; un autre :
Commande! Un autre : Obéis! ; un autre :Bine! ;un autre : Juge! ; un autre : Combat! ; et ainsi de suite. J’étais curieux
de comprendre la signification de la scène.
Passe-partout l’expliqua, en disant: “C’est ici qu’a lieu la distribution des professions et des états, d’après laquelle un
travail est alloué à chacun pour la vie. Celui qui contrôle ces attributions est appelé Destin, et c’est de lui que tous ceux
qui entrent dans le monde doivent recevoir leur tâche.

Le pèlerin cherche tout d’abord à être autorisé à découvrir pour choisir


Juste à ce moment, Illusion me poussa du coude, m’encourageant à tirer mon lot. Je suppliai de ne pas être affecté de
façon définie à quelque chose de particulier avant de l’avoir tout d’abord étudié, afin de ne pas m’en remettre pour ce
lot, “advienne que pourra”, à la chance aveugle. On me dit, cependant, qu’une telle exception n’était pas permise sans
que le lord régent, Destin, n’en fut informé et y ait consenti. L’accostant donc, je présentais humblement ma requête :
j’étais venu avec l’intention d’examiner toutes choses avant de choisir ce qui m’attirerais le plus.
Le pèlerin arrive à ses fins
“Mon fils, ”répondit-il, “tu vois que les autres en usent autrement, mais se conforment à ce qu’ils reçoivent, à ce qui
leur échoit. Mais puisque tu le désires tant, j’y consent.”
Après avoir inscrit sur un bout de papier le mot “Speculare” (c.a.d. étudie, recherche), et me l’avoir tendu, il me
congédia.

Le pèlerin voit la place du marché du monde

Il voit la diversité des hommes

Sur ce mon guide remarqua : “Puisque tu désires enquêter sur toutes choses, commençons par visiter la place du
marché.” Il m’y mena immédiatement. Et voici! Une multitude si innombrable était rassemblée là qu’on aurait dit un
brouillard . Des gens de toutes langues et de toutes nations , de tous âges, de toute taille, de tout groupe ou classe et de
toutes professions, de même que des deux sexes, se trouvaient là. Comme je les contemplais, ils allaient et venaient
comme des abeilles à l’essaimage, et pire encore.

Divers caractères et comportements des hommes


Certains se promenaient, d’autres couraient, d’autres conduisaient, ou restaient immobiles, alors qu’un autre groupe
était assis ou couché. Un groupe se levait, gambadait, tandis qu’un autre se couchait. Certains étaient seuls, d’autres en
petite ou grande compagnie. Leur tenue et leur apparence différaient énormément : certains étaient en vérité
complètement nus, gesticulant sauvagement pour communiquer avec les autres. Quand ils se rencontraient, ils
échangeaient bien des gesticulations bizarres des mains et des lèvres, des genoux et autres, ou s’embrassaient et se
cajolaient; en bref, ils se permettaient bien d’absurdes bizarreries.

“Tu vois là la noble humanité, ces créatures exquises, raisonnables et immortelles, l’image même du Dieu immortel, à
sa ressemblance comme leurs immortelles actions nous l’apprennent” déclara mon compagnon. “Ici, comme en un
miroir, tu contemples la dignité de ton espèce.”

Huichelarij bij allen

Je les examinais donc de plus près, et j’observais, en premier lieu, que tous ceux qui grouillaient dans la foule portaient
un masque sur leur visage, mais quand ils se retrouvaient seuls ou avec leurs pairs, le retiraient, l’ajustant sur leur
visage dès qu’ils rejoignaient la foule. Je me renseignai sur la signification de cette procédure. Mon guide répondit:
“C’est, mon fils, de la prudence humaine, de ne pas paraître à tous tel que l’on est réellement. Seul, on n’a pas besoin
de se contraindre, mais parmi les autres il est de notre intérêt de faire bonne figure et de donner une apparence
convenable à ses affaires.”
Je conçus le désir d’examiner de plus près de quoi les gens avaient l’air sans cette tricherie artificielle.

Leurs merveilleuses “wanstaltigheden”

En regardant attentivement, je découvris qu’ils étaient tous défigurés de diverses façons, non seulement dans leurs
traits, mais aussi dans leur corps. La plupart étaient boutonneux, croûteux ou lépreux. En outre, ils avaient soit des
lèvres de cochon, soit des dents de chien, soit une queue de renard, soit des cornes de bœuf, soit des oreilles d’âne, soit
des yeux de basilic, soit des pattes de loup. J’en observais de plus avec un cou de paon fièrement dressé, d’autres avec
une crête de vanneau dressée, d’autres avec des sabots de cheval, et ainsi de suite. Le plus grand nombre ressemblait à
des singes. Horrifié, je m’exclamais:
“Mais je vois des monstres ici!”
“De quels monstres parles-tu, bavard?” rétorqua mon interprète, me menaçant du poing. “Si seulement tu regardes
convenablement avec les lunettes , tu les reconnaîtras pour des humains!”
De plus, certains des passants surprirent ma remarque sur les monstres et s’arrêtèrent pour me menacer et m’interpeller.
Je réalisai qu’il aurait été inutile de discuter; c’est pourquoi je demeurai silencieux, pensant en moi-même : s’ils
désirent se considérer comme humains, très bien. Mais je vois ce que je vois. De plus j’avais peur que mes
compagnons ajustent complètement les lunettes, et réussissent de la sorte à me tromper. Je décidai donc de rester
tranquille et de regarder ces belles choses que j’avais commencé à voir. Je regardai à nouveau autour de moi et
remarquai que beaucoup étaient très habiles à se servir de leur masque, les escamotant rapidement et les remettant, de
sorte qu’en un instant ils pouvaient prendre l’aspect qui leur convenait. Alors je commençai à comprendre la marche du
monde. Néanmoins, je restai tranquille.

L’incompréhension mutuelle

J’observais et entendis que la plupart d’entre eux se parlaient dans des langues différentes. Ce qui fait qu’ils ne se
comprenaient pas (l’un l’autre), et donc, ils ne se répondaient pas, ou ils donnaient une réponse complètement
inadéquate. En certains endroits, ils faisaient foule, tous parlant en même temps et chacun pour soi, personne ne faisant
attention aux autres, malgré leurs efforts pour capter l’écoute en tirant les autres vers eux. Mais ils n’y arrivaient pas, ce
qui le plus souvent dégénérait en luttes et bagarres.
“Au nom de Dieu, suis-je à Babel?” m’exclamais-je. “Tout le monde ici joue son air propre; pourrait-il y avoir plus
grande confusion?”

Où l’on s’occupe de choses complètement inutiles

Peu d’entre eux restaient inactifs, la plupart vaquaient à quelque occupation. Mais les diverses tâches - et de cela je ne
me serais jamais douté - n’étaient que jeux d’enfants ou au mieux corvée inutile . Certains rassemblaient les ordures et
les distribuaient entre eux, d’autres roulaient çà et là pierres et madriers, ou les hissaient avec des poulies, puis les
laissaient retomber; d’autres creusaient le sol et transportaient la terre de place en place; le reste travaillait avec des
cloches, des miroirs, des soufflets, des crécelles et autres colifichets. Certains jouaient même avec leur propre ombre,
essayant de la mesurer, de la poursuivre ou de l’attraper. Tout cela était fait avec tant de naïveté que beaucoup
soupiraient et transpiraient, tandis que d’autres se surmenaient jusqu’à la douleur et l’épuisement. De plus, il y avait
partout des officiers qui dirigeaient et distribuaient les tâches avec grand zèle, alors que d’autres obéissaient avec la
même diligence. Tout étonné, je m’exclamai:
“Hélas! l’homme a-t-il été créé dans le dessein de gaspiller ses talents, dons divins, à de tels travaux mesquins et
insignifiants?”
Qu’ont-ils de mesquin?” rétorqua mon interprète. “ N’apparaît-il pas ici aussi clairement qu’en un miroir que tous les
problèmes sont résolus par l’ingéniosité de l’homme ? L’un fait une chose, l’autre une autre.”
“Mais tous, dis-je, “se préoccupent de corvées inutiles indignes de leurs possibilités glorieuses..”
Ne soit pas si tatillon,” répliqua-t-il; ils ne sont pas encore au ciel, mais mènent encore une existence terrestre, et
doivent
s’occuper de choses terrestres. Observe, chemin faisant, l’ordre avec lequel toute chose s’accomplit.”

Vreselijke wanorde

Je les observais à nouveau, et je remarquais que l’on ne pouvait rien imaginer de plus désordonné. Car tandis que l’un
titubait et chancelait sous un fardeau, l’autre s’en mêlait : occasionnant disputes, querelles et bagarres. Puis ils se
réconciliaient pour, peu de temps après, recommencer de plus belle. Quelques fois plusieurs se saisissaient de la même
chose; puis, tous, ils la laissaient tomber et couraient chacun de leur côté. Ceux qui étaient sous les ordres des officiers
et des surveillants leur obéissaient bon gré mal gré, mais même là je voyais grande confusion. Certains rompaient les
rangs et s’échappaient, d’autres s’opposaient à leurs chefs d’équipe et refusaient de faire ce qui leur avait été ordonné.
D’autres subtilisaient les gourdins des surveillants et les volaient. Ce qui fait que tout était sens dessus dessous. Mais
comme cela était “supposé être de l’ordre”, je ne me sentis pas libre d’exprimer mon opinion.

Men geeft ergenis en een slecht voorbeeld

En outre, je découvris un autre mal dénotant l’aveuglement et la folie. Tout l’espace de cette place du marché - de
même que les rues - était parsemé de creux, de trous et de flaques d’eau; des madriers, de grosses pierres et autres
obstacles traînaient pêle-mêle dans le plus grand désordre. Personne, cependant, ne pensait à remettre de l’ordre, à
déblayer ou à combler quoi que ce soit , ni à éviter ou à contourner les obstacles. Tous se précipitaient en avant sans
faire attention, se heurtaient aux obstacles, tombaient, se blessaient ou se tuaient. C’était pitoyable. Personne,
cependant, ne prêtait la moindre attention aux blessures des autres, et quand l’un tombait, les autres ne faisaient qu’en
rire. Comme j’en vis qui se jetaient aveuglément sur une branche, une poutre, ou dans un trou, je les prévins .Mais
personne ne m’écouta. Certains se moquaient de moi, d’autres menacèrent même de me battre. Les uns tombaient
morts sur place les autres se levaient pour retomber à nouveau cul par dessus tête, encore et encore. Couverts de bleus
et de bosses, ils n’en avaient cure, de sorte que l’apathie avec laquelle ils considéraient leurs blessures me remplissait
de stupeur. Par contre, si qui que ce soit faisait mine de les effleurer, ils montraient immédiatement les dents, prêts à
fondre sur lui et à se battre.
De onbestendigheid en wankel moedigheid de l’homme

J’observai aussi leur grand amour de la nouveauté et du changement en matière de vêtements, d’architecture, de
discours, de démarche et autre . J’en remarquai certains qui ne faisaient que changer sans arrêt de vêtements. D’autres
s’occupaient à inventer de nouveaux styles d’architecture, démolissant peu de temps après ce qu’ils venaient de
construire. De la même façon, ils changeaient de temps en temps de travail , mais abandonnaient rapidement leurs
nouvelles lubies. Ainsi manifestaient-ils leur inconstance en toute chose. Si l’un mourait sous son fardeau, ou l’avait
abandonné, on en trouvait immédiatement plusieurs qui se disputaient, se querellaient ou se battaient farouchement
pour la place , offrant un spectacle ahurissant. En attendant, aucun d’eux ne pouvait dire, faire, ou construire quoi que
ce soit sans être ridiculisé ou diffamé par les autres, et voir son travail détruit. Si quelqu’un, après avoir achevé son
projet en des efforts épuisants et grande dépense d’énergie, se montrait satisfait, un autre arrivait pour le renverser, le
détruire ou l’endommager, ce qui fait que je ne vis nulle part un homme accomplir quelque chose de solide et de
durable. Certains n’attendaient même pas que les autres détruisent leur travail, mais le faisaient eux-mêmes, à tel point
que j’étais stupéfait de leur instabilité insensée et de leur stupide gaspillage d’énergie.

Zijn hoogmoed en zelfoverschatting

J’en observais aussi beaucoup qui portaient des croquenots à semelles épaisses, de même que d’autres qui marchaient
sur des échasses afin d’être élevés au-dessus du lot et de les regarder de haut; et ils se pavanaient. Mais plus ils
s’élevaient, plus facilement ils étaient renversés ou bousculés - par envie, je suppose - par les autres. Cela arrivait
souvent, et ils se rendaient ainsi l’objet de la risée des spectateurs. J’en ai été le témoin de nombreuses fois.

Leur égoïsme et opgeblazenheid

J’en aperçus un bon nombre qui portaient un miroir, dans lequel ils s’observaient tout en bavardant, se disputant,
luttant, roulant des troncs d’arbres, ou même en marchant sur des échasses. Ils s’examinaient de face, de dos ou de
profil; puis poussaient des cris de joie sur leur beauté, leur stature, leur allure, ou leurs actes, offrant leur miroir aux
autres de sorte qu’eux aussi puissent se joindre à cette admiration.

La Mort mène tous à ellendig om

Finalement, je vis la Mort, qui portait une faux, un arc et des flèches, les plantant partout parmi eux, les avertissant tous
d’une voix forte pour leur rappeler qu’ils étaient mortels . Néanmoins, personne ne prenait garde à son avertissement, et
l’on continuait cette folie et cette méchanceté. Elle sortait ses flèches et tirait sur eux dans toutes les directions. Celui
qui était touché, jeune ou vieux, pauvre ou riche, lettré ou non, tombait immédiatement. Alors les victimes émettaient
des cris plus ou moins perçants ou des hurlements; les passants, à la vue de leur blessure, s’éloignaient vivement d’eux,
et en peu de temps les ignoraient tout simplement. Certains s’approchaient , les contemplaient agonisant, et quand leurs
membres se raidissaient et qu’ils cessaient de respirer, ils se rassemblaient autour d’eux et chantaient. Ensuite, ils
festoyaient,buvaient et criaient bien que quelques-uns d’entre eux montrent une mine de tristesse.Puis ils se saisissaient
du corps, le tiraient vers l’extérieur, et le jetaient dans l’abîme qui entoure le monde. De retour chez eux, ils se
remettaient à leur débauche, et personne ne cherchait à éviter la Mort, mais ils ne faisaient qu’éviter de la regarder.

Diverses maladies

J’observais aussi que tous ceux qui avaient été touchés par les flèches de la Mort ne succombaient pas immédiatement :
certains n’étaient que blessés, mutilés, assommés, aveuglés ou muets. Après avoir été frappés, certains enflaient comme
des bulles, d’autres séchaient comme des esquilles , alors que d’autres tremblaient comme des feuilles. Ainsi il y avait
plus de blessés graves aux membres putrides et fétides, que de blessés légers.

Il n’y a rien à faire contre la mort

De plus, je vis qu’un bon nombre courait çà et là, vendant des plâtres, des pommades, et des potions. Tout le monde les
achetait, se réjouissant bruyamment et s’imaginant que la Mort avait ainsi été jouée . Mais elle n’en avait cure, et
continuait de
jeter ses flèches et de faire mouche, y compris parmi les vendeurs. Je trouvais en cela un spectacle digne de pitié de
voir à quel
point la créature prévue pour être immortelle était la proie de morts si misérables, si soudaines et si multiformes. Je
m’aperçut que presque toujours, quand on projette de vivre une longue vie, qu’on rassemble des amis autour de soi,
qu’on s’établit dans les affaires, qu’on construit des maisons, qu’on amasse des richesses, et se démène de pour
améliorer son confort, soudain la flèche de la mort met fin à tout cela. Et celui qui a fait son nid, en est arraché, et tous
ses efforts sont anéantis. De plus, son héritier, de même que le troisième, le dixième, et le centième, sont logés à la
même enseigne. Considérant que personne ne va volontiers prendre en compte l’incertitude de la vie, mais qu’au
contraire tous agissent devant la mort comme s’ils étaient certains de leur immortalité ( quelle pitié), j’allais élever la
voix en guise d’avertissement et de supplication afin que les hommes ouvrent les yeux et prennent garde aux flèches de
la Mort pour les éviter. Mais quand je réalisai que, puisque la Mort avec ses avertissements répétés et ses efforts
constants pour les effrayer par son apparence hideuse n’avait pas été capable d’accomplir quoi que ce soit, j’en conclus
que mes faibles exhortations seraient encore moins écoutées. C’est pourquoi je chuchotais doucement :
“Qu’il est dommage, Dieu éternel, que nous, hommes misérables et mortels, soyons si aveugles pour nos propres
malheurs”
“Mon cher ami,” répondit mon interprète,” serait-il sage de nous tourmenter avec la pensée de la Mort? Alors que nous
savons tous qu’elle ne peut être évitée. Il est préférable de ne pas faire attention à elle, mais de s’occuper de ses affaires
et de rester plein d’allant. Quand la mort vient, elle vient. Cela ne prend qu’une heure, parfois même qu’un instant . Les
autres devraient-ils cesser d’être joyeux parce que quelqu’un est mort? Plusieurs sont nés entre temps pour prendre sa
place!”

L’homme par lui-même créé la maladie et la mort

“Si c’est là la sagesse, alors je n’y comprends pas grand’ chose,” répondis-je, et je retombais dans mon silence.
Je ne cacherai pas que quand je vis les innombrables traits de la mort, la pensée suivante me vint : “où obtient-elle un
tel nombre de flèches qu’elle n’épuise jamais son stock?” Je regardai à nouveau et je vis très clairement qu’elle n’avait
pas du tout de flèches, mais qu’elle ne possédait qu’un arc: c’était les victimes elles-mêmes qui les préparaient, les
façonnaient et les lui fournissaient. Ils avaient l’inconscience et l’effronterie de les lui offrir, de sorte qu’elle pouvait à
peine trouver le temps de les prendre toutes et de les tirer dans leur cœur.

“Maintenant je vois la vérité du dicton : Et mortis faber est quilibet ipse suae,” m’exclamais-je; “Je vois que personne
ne meurt sans en être responsable par sa propre intempérance, incontinence, manque de prudence, ou négligence qui lui
procure des tumeurs malignes, des maux et blessures aussi bien internes qu’externes. Car voilà les conséquences des
flèches de la mort.”
Pendant que j’observais la Mort et sa poursuite des hommes, Illusion me tira à part, et me dit :
“Observerais-tu, fou que tu es, les morts plutôt que les vivants? Quand quelqu’un meurt, il n’est plus; tu ferais mieux
de te préparer à vivre!”

Le pèlerin enquête sur l’état conjugal

Mes compagnons me menèrent alors dans une rue où, disaient-ils, vivent les gens mariés, et me promirent de
m’exposer
agréablements les joies de cette union. Et voyez! là se tenait une porte, qui, d’après le guide, s’appelait Fiançailles.
Devant
cette porte s’étendait une grande place pleine de gens des deux sexes qui allaient et venaient tout en se regardant dans
les yeux
d’un air interrogateur, et en s’examinant de la tête aux pieds, les oreilles, le nez, les dents, le cou, la langue, les
mains,les pieds
et d’autres parties du corps, de face, de profil, et évaluant ce qu’ils voyaient. Ils s’approchaient ou se reculaient, et en
estimaient la taille, la corpulence, l’énergie, ou la minceur. . .Ils étaient plus particulièrement curieux (comme je pus le
voir très
fréquemment) aux portes-monnaies, bourses, et porte-feuilles, les pesant et les mesurant en longueur, largeur, épaiseur,
finesse
et étroitesse. Parfois plusieurs avaient des visées sur la même femme. Si un homme essayait de chasser les autres, il
s’ensuivait
dispute, querelles, bagarres, parfois même jusqu’à la mort, comme je pus l’observer. Parfois l’un chassait son rival,
puis était à
son tour chassé. Un autre mettant en déroute un groupe de rivaux, finissait par fuir aussi. Certains ne perdaient pas de
temps à
chercher, mais se saisissaient du premier venu. Puis le couple s’en allait main dans la main versla Porte. A voir de tels
enfantillages tout autour de moi, je m’informai de leur sort
Mon interprète répondit : “Ils souhaitent s’installer dans la Rue du pas

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