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Nadezda RYNDINA
2010
COLLÈGE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS DE MOSCOU
Nadezda RYNDINA
2010
REMERCIEMENTS
Introduction générale
Chapitre 1 : Les mesures de la protection du conjoint survivant, prevues par le regime legal
Conclusion générale
TABLE d’ABRÉVIATIONS
al. alinéa
art. article
CA Cour d’appel
etc et cetera
p. page
pp. pages
par. paragraphe
§1. Présentation
1
V. Annexe I
Le législateur français attache une grande importance aux rapports pécuniaires entre
époux et à la protection de leurs intérêts. Un grand nombre d’articles, situés dans diverses
parties du Code civil, y sont consacrés, régissant différents aspects de ces rapports.
Quant au droit russe, certes, les premiers pas sur le chemin de la protection des intérêts
des époux ont été faits au cours des deux dernières décennies. Cependant, les textes normatifs
russes n’accordent pas une place considérable au rapports pécuniaires entre les époux, ces
derniers étant principalement régis par les dispositions de l’art. 256 du Code civil et celles
d’une vingtaine d’articles du Code de la famille.
La différence dans intensité de l’initiative législative en matière du patrimoine de la
famille est flagrante. Cependant, entre les deux systèmes existent des rapprochements
fondamentaux considérables. Aussi, le modèle français des rapports patrimoniaux entre époux,
soigneusement élaboré au cours des siècles et constamment en voie d’évolution, pourrait-il
servir d’exemple pour le législateur russe dans des modifications ultérieures en matière de la
sauvegarde des intérêts patrimoniaux des époux.
Le sujet de la protection du conjoint reste toujours d’une grande actualité.
Traditionnellement, on parlait de la protection de la femme. Cependant, depuis déjà un long
moment, les système juridique français et russe ont adopté le principe d’égalité entre les époux,
ce qui incite à parler de la protection du conjoint, abstraction faite de la différence des sexes.
Parlant de la protection du conjoint, il convient d’attirer l’attention à deux facettes de
cette notion. Tout d’abord, il s’agit de la protection du conjoint qui se trouve en position
défavorable vis-à-vis à l’autre époux ou est lésé par des actes commis par ce dernier. Mais il est
également indispensable de parler de la protection du conjoint, ou plus exactement, de chacun
des deux époux, vis-à-vis au tiers. Cet aspect est extrêmement important, car il veille non
seulement à la protection personnel d’un conjoint, mais à la sauvegarde du lien familial.
Les études statistiques menés dans les deux pays démontrent que seuls 10% de couples
en France2 optent pour un régime matrimonial conventionnel, en Russie leur nombre ne
dépasse pas 3-5%3. Certes, ces données témoignent en grande partie de l’ignorance des gens en
matière du droit patrimonial de la famille, mais elles signifient également que le régime légal
convient à la plupart des couples qui se marient. Ces raisons ont déterminé le choix du régime
légal en tant que sujet de recherche.
2
J. CHAMPION, Contrats de mariages et régimes matrimoniaux. Stratégies patrimoniales et familiales, Delmas,
2007, p. 9
3
S. KIRUCHINA, Brachnyi dogovor v Rossii, Naouka i zhizn’, 2007, №9
7
Avant de passer à l’analyse des mesures de la protection du conjoint par le régime
légale, il convient de déterminer les notions-clés de la présente étude.
4
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p.1
5
Ph. MALAURIE, L.AYNÈS, Cours de droit civil : Les régimes matrimoniaux, Editions Cujas, 1994
8
régime dotal. Les rédacteurs du Code Napoléon qui avaient cherché à éliminer les diversités
régionales des régimes matrimoniaux avaient opté pour le régime de la communauté, tout en
laissant la possibilité de choisir par contrat de mariage un autre régime, dit pour cette raison
« conventionnel». Il y a deux siècles que le régime de communauté dans ses diverses variantes
a conservé le statut du régime légal, de la communauté de meubles et acquêts à la communauté
réduite aux acquêts, qui est actuellement le régime légal en France et s’établit, aux termes de
l’art. 1400 du Code civil, « à défaut du contrat ou par la simple déclaration qu’on se marie sous
le régime de la communauté».
En Russie, le régime matrimonial légal est également le régime de la communauté, en
vigueur de l’art. 33, par.1, du Code de la famille. Le chapitre 7 du Code de la famille russe est
consacré au régime légal. Pendant très longtemps le régime matrimonial légal était aussi le
régime impératif, applicable à tous. Le Corps des Lois de l’Empire Russe reconnaissait le
régime de séparation des biens en tant que le régime matrimonial légal. Cette disposition a été
reprise par le Code des actes juridiques de l’état civil, du droit matrimonial, de la famille et des
tutelles, qui est entré en vigueur le 16 septembre 1918. Pourtant, déjà le Code du droit
matrimonial, de la famille et des tutelles de 1926 dans son art. 10 prévoit que les biens des
époux qui leur appartenaient avant le mariage restent leurs biens propres mais les biens acquis
pendant le mariage deviennent leur biens communs. Ces dispositions ont été maintenues dans
la législation ultérieure.
L’absence d’obligation de conclure un contrat de mariage rend le régime matrimonial
légal nécessaire en France et en Russie. Il ne serait pas possible de construire un régime
matrimonial légal qui arrangerait la totalité des couples qui se marient. La seule solution
existante était de choisir comme régime légal celui qui conviendrait à la majorité des couples
qui se marient et de donner la possibilité aux autres de choisir un régime conventionnel.
4. La subdivision du patrimoine
Les régimes matrimoniaux règlent les rapports patrimoniaux entre époux, qui
concernent par conséquent les deux composantes du patrimoine : l’actif et le passif. G. Cornu
propose de définir l’actif comme l’ensemble des biens et droits évaluables en argent qui
constituent les éléments positifs du patrimoine d’une personne (physique ou morale) et forme
le gage de ses créanciers. Le passif est défini Vocabulaire juridique comme l’ensemble des
dettes qui grèvent un patrimoine.
La dichotomie des éléments actifs et passifs du patrimoine est la pierre angulaire du
droit français. Notamment c’est elle qui détermine en grande partie le choix d’un régime
matrimonial. Si dans le cadre d’un contrat de mariage il appartient aux époux de choisir
l’ensemble des règles régissant les deux volets de leurs rapports pécuniaires, les règles du
régime matrimonial légal s’appliquent à tous les autres couples mariés . Ainsi, au sens de l’art.
1401 du Code civil « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux
ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que
des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres». Par ailleurs, au termes de
l’art. 1409 du Code civil, « La communauté se compose passivement : à titre définitif, des
aliments dus par les époux et des dettes contractés par eux pour l’entretien du ménage et
l’éducation des enfants, conformément à l’article 220 ; à titre définitif ou sauf récompense,
selon les cas, des autres dettes nées pendant la communauté».
En revanche, les textes normatifs russes restent tacites quant à la division du patrimoine
en partie active et passive. Pourtant, la doctrine russe connaît ces termes dans le même sens7
que le droit français, même si elle n’y a pas recours d’une façon systématique.
6
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 42
7
L.V. KROUZHALOVA, I.G. MOROZOVA, Spravochnik yourista po semeinomu pravu, Piter, 2007, p.60
10
Il n’est pas inutile de préciser que le regard du législateur français et russe sur le
régime matrimonial légal et le problème de la protection du conjoint a beaucoup évolué au
cours de l’histoire, avant d’adopter le modèle quasi similaire.
La France et la Russie ont fait au cours des siècles un grand chemin dans le domaine du
droit patrimonial de la famille. Dans chacun des pays la notion du régime matrimonial légal a
connu un nombre considérable de modifications, pour aboutir, en fin de compte, à la même
solution et choisir en tant que régime légal la communauté réduite aux acquêts.
a) Le régime dotal
Le régime dotal, hérité du droit romain par les pays de droit écrit, était un régime
séparatiste par nature. La femme remettait au mari une dot, dont il avait l’administration et la
jouissance, et qu’il devait restituer à la dissolution du mariage. La restitution de la dot était
garantie par l’inaliénabilité des biens dotaux, qui pouvait être écartée dans les cas prévus par la
loi lorsque l’intérêt de la famille était en cause. Tous les biens qui ne constituaient pas la dot
restaient les biens paraphernaux de la femme : elle en gardait l’administration et la jouissance
comme une femme séparée de biens.
11
Etant issu du droit romain, dans l’Empire d’Orient, depuis les réformes de Justinien, le
régime dotal présentait des caractères précis. Les immeubles dotaux, dont le mari avait
l’administration et la jouissance, étaient inaliénables. Au temps d’Auguste le mari en acquérait
la propriété, à charge de restituer les biens dotaux, à la dissolution du mariage, à la femme ou à
ses héritiers ; en revanche, la femme pouvait disposer librement des biens paraphernaux. Il
n’était pas permis au mari de disposer des biens dotaux même avec le concours de la femme,
s’y ajoutait aussi la prohibition pour la femme de s’engager envers un tiers dans l’intérêt de son
mari. Cette prohibition, qui complétait le système de l’inaliénabilité des immeubles dotaux de
la femme, a été connue sous le nom d’Authentique Si qua mulier et datait du sénatus-consulte
Velléien.
Le droit des compilations de Justinien pénètre dans le sud de la France vers le XIIe
siècle et ne tarde pas de prendre le dessus des coutumes locales. Le mari perd le statut du
propriétaire des biens dotaux, il en est un simple administrateur. Pourtant, de fait, ses pouvoirs
se rapprochent de ceux existants dans le droit romain, on lui reconnait, entre autre, le droit
d’aliéner seul les meubles dotaux.
Quant aux immeubles dotaux, ils restent en principe inaliénables. Cependant, pour tenir
compte de certains besoins de la vie pratique, la jurisprudence élargit peu à peu le nombre des
cas dans lesquels l’aliénation est permise (retrait de prison, établissement d’un enfant). D’autre
part, il devient possible d’insérer dans le contrat de mariage des clauses d’aliénabilité des
immeubles à charge de remploi.
Pourtant, la plupart des dots étaient constituées en meubles, dont le mari conservait la
libre disposition, les biens fonciers étant hérités principalement par les mâles. Les mesures
étaient prises par la jurisprudence pour protéger la femme et lui garantir la restitution de la dot.
Il était interdit à la femme de renoncer à son hypothèque légale sur les immeubles du mari
garantissant la restitution de la dot mobilière. En 1606, Henri IV abolit par son édit le sénatus-
consulte Velléien et l’Authentique Si qua mulier, ce qui a perturbé les habitudes matrimoniales
des pays de droit écrit, faisant s’effondrer le système de protection de la dot mobilière.
Plusieurs Parlements refusent par la suite d’enregistrer cet édit.
b) Le régime de la communauté
Les sources du régime matrimonial de communauté gisent sans doute dans les
coutumes germaniques, enracinées dans les régions centrales et dans le nord de la France 8. Au
8
P.VIOLLET, Histoire du droit civil français, Larousse & Forcel, Editeurs, 1893
12
temps de saint Louis, les premiers coutumiers présentent la communauté comme étant d’usage
traditionnel et immémorial. Il semble que la communauté ancienne ne comprenait que les
meubles des époux, leurs héritages et les donations émanant d’un ascendant leur restants
propres. En revanche, en ce qui concerne les immeubles acquêts, ou dans dans d’autres termes,
conquêts, c’est à dire acquis à titre onéreux ou par donation d’un autre qu’un ascendant, on ne
possède pas d’information s’ils tombaient en communauté9. Quant aux meubles, le mari en été
l’administrateur et pouvait en disposer sans le concours de sa femme. De même, toutes les
dettes du mari grevaient la communauté, la femme n’ayant que le droit de prendre la moitié des
meubles existants à la dissolution du mariage. Les immeubles, au contraire, qu’il s’agisse des
acquêts ou des propres du mari ou de la femme, ne pouvaient être aliénés que du consentement
mutuel des époux.
A partir des siècles suivants, l’organisation de la communauté subit des modifications.
Le mari acquiert le droit de disposer seul de tous les biens de la communauté, y compris les
immeubles, la masse commune n’étant, de fait, qu’un élément du patrimoine du mari. Le mari
a également le droit d’administration des propres de la femme, mais ce droit ne comprend pas
le droit de disposition. Les créanciers du mari ont pour gage ses biens propres ainsi que la
communauté. En revanche, la femme n’oblige la communauté qu’à la condition d’être autorisé
par son mari. Pour pourvoir aux besoins du ménage, la femme agit comme mandataire du mari.
A la dissolution de communauté la femme a droit à la moitié de l’actif, s’il y en a un. Dans le
cas contraire, elle n’a droit à rien de la part du mari.
Diverses garanties ont été progressivement accordées à la femme pour réparer sa
situation précaire. Elle avait le droit de demander en justice la séparation des biens dans le cas
d’une mauvaise administration de la part du mari, pour éviter la dilapidation du patrimoine. La
femme pouvait également renoncer à la communauté afin de se soustraire aux suites de la
mauvaise administration du mari, ce qu’on trouve dans la Coutume de Paris. Ensuite, il existait
la théorie des récompenses, grâce à laquelle la femme avait droit à récompense quand elle
s’obligeait avec le mari pour les affaires communes. Finalement, au XVI siècle l’hypothèque
légale est accordée à la femme.
A ces garanties s’ajoute la possibilité de conclure des conventions matrimoniales, qui
entrent dans la pratique coutumière au XVI siècle et dont la plupart des clauses ont été conçues
en faveur de la femme.
9
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 17
13
En réalité, deux techniques étaient mis en oeuvre pour protéger la femme et limiter les
pouvoirs du mari, non seulement sur les biens communs, mais également sur ses biens propres,
si bien que pour les aliéner ou hypothéquer il était contraint de solliciter le concours de la
femme. Ces deux techniques étaient le douaire, le droit de jouissance de la veuve sur la moitié
des immeubles du mari décédé, et l’hypothèque légale, grevant à la fois les immeubles
communs et ceux du mari.
2. Le Code civil
Les profonds changements apportés par la Révolution n’ont pas touché d’une manière
considérable le droit applicable aux régimes matrimoniaux. Les rapports pécuniaires entre
époux étaient toujours régis par le droit de l’ancienne France. Pourtant, dès ce temps-là le
maintien du régime dotal est en cause, par ailleurs, on constate une évolution dans la pratique
des contrats de mariage.
Les rédacteurs du Code civil, ayant pour but d’unifier la législation, ont opté pour la
communauté, avec le temps ce choix s’est avérée juste, le régime dotal ayant disparu même
des pratiques conventionnelles en France. Un des avantages importants de la communauté des
meubles et acquêts était qu’elle assurait la conservation les biens immeubles, possédés par
chacun des époux au jour du mariage ou acquis par succession ou donation, au sein de la
famille dont ils provenaient.
Par ailleurs, l’existence du patrimoine commun correspondait au but principal du
mariage, qui est l’union des époux et le ménage commun. La femme, ayant contribué à la
prospérité de la famille, a le droit à une partie de la communauté à sa dissolution. Compte tenu
de l’incapacité de la femme, des larges pouvoirs étaient concentrés dans les mains du mari.
10
Ph. MALAURIE, L.AYNÈS, Cours de droit civil : Les régimes matrimoniaux, Editions Cujas, 1994, p. 27-28
15
Après de longs débats, accompagnés de l’action des mouvements féministes, la
communauté réduite aux acquêts est devenue le régime légal en France. Le nouveau régime
accordait à chaque époux la libre disposition de ses propres et, sauf le cas des actes exigeant le
consentement de son conjoint, des biens entrés en communauté de son chef.
La communauté réduite aux acquêts supposait que tous les biens, actifs et passifs, des
époux existant avant le mariage restent propres, la communauté étant composée des biens
acquis à titre onéreux pendant le mariage ainsi que des revenus des époux.
Pourtant, la loi de 1965 a maintenu le mari dans son rôle du chef de communauté, sous
réserve de l’obligation d’obtenir le consentement de la femme pour les actes graves. Chacun
des époux ayant la disposition libre de ses propres, c’est le mari seul qui administre les biens
communs, sauf les biens réservés de la femme sur lesquels elle a les pouvoirs semblables à
ceux du mari sur les autres biens communs. Ainsi, la réforme de 1965, ayant fait un grand pas
en avant, n’a pourtant pas totalement aboli l’inégalité entre les époux.
Le travail de l’instauration de l’égalité totale entre époux a été achevé par la loi du 23
décembre 1985, « relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents
dans la gestion des biens des enfants mineurs». La loi établit l’autonomie réciproque des époux
et donne à chacun des époux le droit d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, au
sens de l’art. 1421 du Code civil.
D’autres dispositions ayant pour but de supprimer toute inégalité, que ce soit en faveur
du mari que de la femme, ont été adoptées. Notamment, après avoir substitué en 1965
l’hypothèque légale de la femme par l’hypothèque légale des époux, le législateur établit en
1985 la complète égalité entre époux en matière de prélèvements et récompenses lors du
partage de la communauté.
d) Le droit transitoire
Les lois du 13 juillet 1965 et du 23 décembre 1985 comportent des dispositions
transitoires applicables aux couples mariés avant le 1er février 1966, la date de l’entrée en
vigueur de la loi portant réforme des régimes matrimoniaux de 1965, la loi n’ayant pas d’effet
rétroactif.
Les époux mariés sans contrat de mariage continuaient d’avoir pour régime matrimonial
la communauté de meubles et acquêts telle qu’elle était antérieurement régie par la loi, mais ils
reprenaient la jouissance de leurs biens, au sens l’art 13 de la loi du 13 juillet 1965 (portant
16
l’application des art. 1402 et 1538 du Code civil). La loi du 23 décembre 1985 a accéléré le
processus d’application de nouveau droit, ayant soumis les couples mariés avant le 1er février
1966 aux art. 1498 à 1501 du Code civil régissant le régime conventionnel de communauté
réduite aux meubles et acquêts.
Les rapports pécuniaires des époux en France présentent ainsi un tableau complexe.
Dans la présente étude on se penchera sur les moyens de protection du conjoint prévus par le
régime matrimonial légal. Le droit français, très élaboré en la matière, accorde une attention
considérable à cette question.
18
4. La réglementation des rapports pécuniaires des époux à l’époque post-
révolutionnaire
Le Code des actes juridiques de l’état civil, du droit matrimonial, de la famille et des
tutelles de 1918 ayant pour objet la sécularisation du droit de la famille attachait peu
d’importance aux multiples aspects de la vie familiale, notamment aux rapports pécuniaires
entre époux. La vocation du nouveau Code du droit matrimonial, de la famille et des tutelles ,
qui est entré en vigueur le 19 novembre 1926, était de combler ces lacunes.
Ainsi, a subi les modifications le régime matrimonial légal. L’art.10 du Code du droit
matrimonial, de la famille et des tutelles a établi que les biens ayant appartenu aux époux avant
le mariage restaient leurs biens propres, alors que les biens acquis pendant le mariage
devenaient leur biens communs. La partie de la communauté appartenant à chacun des époux
était fixée par le juge.
L’art. 13 du Code a permis aux époux de conclure entre eux toute sorte de conventions
portant sur les biens. Pourtant, étaient nulles les conventions ayant pour l’effet de diminuer les
droits patrimoniaux du mari ou de la femme.
Quant aux dispositions sur la pension alimentaire, le nouveau Code en a maintenu le
droit pour un époux inapte au travail, qui conservait ce droit même à la dissolution du mariage,
mais en a fixé le délai maximal d’un an après le divorce.
Un époux apte au travail mais au chômage avait aussi le droit à une pension alimentaire
de la part de l’autre époux, à condition que ce dernier en avait les moyens. Après la dissolution
du mariage il conservait le droit à la pension alimentaire dans les limites du montant des
allocations de l’assurance sociale des salariés pendant six mois.
21
Le régime matrimonial légal tel qu’il apparait dans le chapitre 7 du Code de la famille
de la Fédération de Russie est appelé à réglementer les divers aspects des rapports pécuniaires
entre époux. Tout en conservant certains traits de ses prédécesseurs, il établit des règles plus
souples et mieux adaptés à la situation actuelle. Dans la présente étude on tâchera de mettre la
lumière sur ses différentes facettes.
§4. Problématique
22
rapprochement étant encore moins impossible grâce à la ressemblance considérable des
principes sur lesquels les deux pays ont fondé leur régime légal.
La présente étude tente à comparer les mesures de protection du conjoint proposés par
le régime matrimonial légal des deux pays, afin de trouver des moyens possibles de
l’interférence entre les deux systèmes juridiques.
En premier lieu on abordera la question de la protection du conjoint par le régime
matrimonial légal au cours du mariage (Première Partie), pour observer ensuite les moyens de
la résolution des problèmes survenant après la dissolution du lien matrimonial (Deuxième
Partie).
23
Première Partie :
La protection du conjoint pendant le mariage
PREMIÈRE PARTIE
LA PROTECTION DU CONJOINT PENDANT LE MARIAGE
25
TITRE I
LES FORMES DE PROTECTION DU CONJOINT COMPATIBLES
AU RÉGIME LÉGAL
Par les formes de protection du conjoint, compatibles au régime légal, on entend celles
qui sont applicables à tous les couples mariés, quel que soit leur régime matrimonial.
Automatiquement, elles s’appliquent aux époux, mariés sous régime de la communauté légale
et viennent compléter les mesures de protection du conjoint proposées par ce dernier.
Cependant, l’existence et l’impact de ces formes de protection ne sont pas pareils dans
tous les systèmes juridiques. Bien déterminées par le législateur français, elles le sont beaucoup
moins dans le cadre du système juridique russe.
La protection du conjoint se traduit essentiellement à travers deux aspects de la vie
familiale : le régime primaire qui gère le quotidien (Chapitre I), et la protection du logement de
la famille (Chapitre II).
26
Chapitre 1. Le régime primaire
La communauté d’intérêts, qui est un effet direct du mariage, donne naissance à des
devoirs réciproques des époux, quel que soit le régime matrimonial choisi. Il s’agit tout
d’abord des obligations quotidiennes des époux, tant pécuniaire que de l’ordre moral, mais
également des mesures de protection de la famille face à une crise.
La mesure dans laquelle cet aspect de la vie familiale intéresse le législateur varie d’un
pays à l’autre. Les devoirs régissant la vie quotidienne des ménages peuvent être présenté sous
la forme d’un ensemble de règles soigneusement élaboré, comme cela est fait dans le droit
français (Section 1) ou, à l’inverse, être brièvement indiqués et éparpillés parmi les autres
droits et obligations des époux, à l’exemple du droit russe (Section 2).
Le régime primaire est un ensemble des règles applicables à tous les couples mariés
(§1) qui régit leur vie quotidienne (§2) et dont l’objectif principal est la protection du ménage
(§3).
27
de règles, lui a communiqué un caractère impératif et a engendré la notion du « régime
primaire».
Le régime primaire ne peut pas être déterminé en tant qu’un régime matrimonial
proprement dit car sa portée ne s’étend pas seulement sur le patrimoine des époux mais aussi
sur les principes de l’ordre moral qui sont les fondements d’un lien matrimonial. Tels sont, par
exemple, les dispositions de l’art. 212 déterminant les essentiels devoirs moraux des époux. Le
régime primaire impose le principe de l’égalité des époux : ainsi, l’art. 216 porte sur la pleine
capacité de droit des deux époux, s’y ajoutent l’art. 225 qui prévoit la liberté d’administration
et de disposition par les époux de leurs biens personnels, et l’art 221 permettant à chaque
époux de se faire ouvrir un compte sans consentement de l’autre. L’art. 223 accorde aux époux
le droit d’exercer librement une profession. Quant aux règles de l’ordre patrimonial au sein du
régime primaire, il faut y distinguer entre celles qui ont pour objet la réglementation de la vie
quotidienne du ménage, et celles qui déterminent les mesures de protection des intérêts d’un
des époux ou les intérêts communs en danger.
28
I. L’impossibilité pour l’un des époux d’exercer ses pouvoirs
La loi prévoit dans l’article 218 du Code civil la possibilité pour un époux de donner un
mandat à l’autre de le représenter dans l’exercice des pouvoirs lui attribués par le régime
matrimonial. Pourtant, le vrai problème advient si un des époux se trouve un jour hors d’état de
manifester sa volonté ce qui rend difficile la gestion des bien de la part de l’autre époux.
Il existe principalement deux solutions pour cette situation. Le conjoint de l’époux qui
se trouve hors d’état de manifester sa volonté, peut soit demander une autorisation de justice
pour passer seul un acte pour lequel le consentement du deuxième époux serait nécessaire
(l’art. 217 du Code civil), soit se faire habiliter par justice à représenter son époux d’une
manière générale selon les modalités fixées par le juge (art. 219 du Code civil).
Pourtant, le législateur va encore plus loin en matière de protection de la famille : la loi
du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs fait apparaitre le mandat
de protection future. Toute personne majeure qui ne fait pas déjà l’objet de tutelle peut
désormais anticiper l’organisation de sa propre protection en désignant un tiers de son choix,
en l’occurrence son conjoint, pour la représenter le jour où elle ne pourra plus veiller sur sa
personne et sur ses biens.
29
Section 2. Les dispositions du régime primaire français et la législation russe
§2. Les principes du régime primaire français et leur équivalents prévus par la législation
russe
Seules les règles concernant les relations extra-patrimoniales des époux ont le statut
impératif dans la législation russe. Ainsi, l’art. 31 du Code de famille détermine brièvement les
obligations des époux et garantit leur égalité dans toutes les aspects de la vie familiale, leur
droit d’exercer librement la profession et de choisir le domicile. Ces dispositions
correspondent à des principes de l’ordre extra-patrimonial prévus par le régime primaire
français.
11
V. Annexe VI
30
Quant aux rapports patrimoniaux des époux, le Code civil russe ainsi que le Code de la
famille ne contiennent pas de dispositions portant sur la vie quotidienne du couple et n’impose
aucune règle en ce qui concerne la contribution des époux aux charges du mariage.
Le droit russe ne propose également aucune mesure de protection de la famille en cas
de l’impossibilité pour l’un des époux d’exercer ses pouvoirs, aucune règle spécifique n’étant
pas prévue pour le conjoint.
Dans le cas du manquement aux devoirs de l’un des époux, le législateur n’a prévu
qu’une seule mesure. Ainsi, au sens de l’article 30 de Code civil, la personne qui met en danger
le patrimoine de la famille suite à un abus de l’alcool et des stupéfiants peut être mise sous une
curatelle. Cependant, le législateur reste tacite quant aux droits de son conjoint et n’assure
pratiquement pas la protection de ce dernier dans une telle situation.
31
Chapitre 2. La protection du logement de la famille
La notion du logement familial est particulièrement riche en droit français: la loi veille
à la sécurité de ce centre des activités familiales (§1) et propose des mesures complexes de sa
protection, tant à l’égard des époux eux-mêmes, qu’il s’agisse d’un logement propre (§2) ou
d’une location (§3), que par rapport aux créanciers des époux (§4).
32
En même temps, quel que soit le régime matrimonial des époux, la loi impose des
règles spéciales en ce qui concerne la gestion du logement familial ou des biens meubles qui y
sont rattachés.
§2. Pouvoir de disposer du logement familial et des biens meubles qui y sont rattachés
La loi, tout en imposant la cogestion du logement familial par les époux, réduit les
pouvoirs de l’époux-propriétaire du logement dans l’intérêt du ménage. Ainsi, au termes de
l’art. 215, al.3, du Code civil, « Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par
lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».
Cette règle a pour objectif d’empêcher à un des époux de priver la famille du logement qu’elle
occupe ou des meubles nécessaires à sa jouissance, sans qu’il y ait lieu de distinguer si ces
biens sont communs ou propres de l’un des époux.
L’époux qui n’a pas donné son accord à l’acte de disposition concernant le logement
familial peut en demander l’annulation dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de
l’acte, en vigueur de l’art. 215, al.3, du Code civil. Quant aux meubles, l’époux qui se présente
seul pour faire un acte d’administration ou de disposition est réputé en avoir le pouvoir, à
l’égard des tiers de bonne fois, au sens de l’art. 222 du Code civil. Cette disposition ne permet
donc pas à l’époux, dont le consentement n’a pas été accordé, de demander l’annulation de
l’acte portant sur les meubles du logement de la famille si cet acte a été conclu avec un tiers de
bonne foi, en raison de la sécurité juridique.
33
§ 4. La saisissabilité du logement familial
Les dispositions de l’art. 215, qui porte sur la protection du logement familial, ne s’appliquent
qu’aux époux et ne sont pas opposables aux créanciers des époux. Le logement familial n’est
donc pas insaisissable, ce qui a été confirmé à plusieurs reprises par la jurisprudence de la
Cour de Cassation. Ainsi, elle stipule que que « les dispositions de l’art. 215 al.3 doivent être
considérée comme inopposables aux créanciers sous peine de frapper les biens d’une
insaisissabilité contraire à la loi».13
Cette règle rend particulièrement fragile la situation des familles des entrepreneurs
individuels. Le législateur a élaboré pour eux des mesures de protection spéciales : la loi
Dutreil pour l’initiative économique du 1er août 200314 a inscrit dans le Code de commerce la
possibilité pour un entrepreneur individuel de déclarer insaisissabilité de sa résidence
principale. Ainsi, l’entrepreneur marié a la possibilité de rendre le logement familial
insaisissable, même si cette mesure de protection n’est pas initialement prévue dans la Code
civil.
§1. Les droits et obligations des membres de la famille du propriétaire d’un logement
L’art. 31 du Code du logement de la Fédération de Russie prévoit les mêmes droits de
jouissance du logement pour son propriétaire ainsi que pour les membres de sa famille, et
notamment pour son conjoint.
13
Cass., Civ. 1re, 4 juillet 1978, 76-15.253 Dans cette affaire, les époux C..., mariés sous régime de séparation de
biens, ont acquis indivisément des locaux qui leur servaient de logement familial. La dame Z..., créancière du
mari, a demandé le partage de biens indivis. Les époux se pourvoient en cassation en se fondant sur les
dispositions de l’art. 215 car l’accord de l’épouse pour ce partage n’a pas été obtenu. La Cour de Cassation
confirme la décision de la Cour d’appel et rejette le pourvoi.
14
Loi N 2003-721 pour l’initiative économique
34
En cas de la dissolution du mariage l’ex-conjoint perd le droit de jouissance du
logement. Pourtant, au cas où l’ex-conjoint n’a pas d’autre logement ou n’a pas de moyens de
l’acquérir, le juge peut lui conserver le droit de jouissance du logement de son ex-époux pour
une durée déterminée. En cas de l’existence de l’obligation alimentaire envers son ex-conjoint
et d’autres membres de la famille de la part de l’époux-propriétaire du logement, le juge peut
obliger ce dernier à leur munir un autre logement.
§2. Les droits et obligations des membres de la famille du locataire d’un logement
En matière de la location d’un logement, il faudra distinguer entre la location du
logement privé (I) et la location d’un logement municipal (II).
L’analyse exposé dans le Titre I permet de conclure que l’approche du droit français et
russe en matière des règles de protection impérativement applicables à la totalité des couples
mariés présente un cas d’une grande divergence.
Le législateur français établit un ensemble de strictes règles dont la vocation est de
régler les aspects essentiels de la vie quotidienne du couple. En revanche, en droit russe cette
notion n’existe pas, tous les rapports patrimoniaux entre époux étant réglés par les dispositions
applicables dans le cadre du régime matrimonial choisi.
Quant au principe de la protection du logement familial, le droit français accorde
beaucoup d’importance à sa protection, et particulièrement à la protection des droits du
conjoint, qui joue un rôle primordial dans la vie familiale. En droit russe, aucune mesure de la
protection du logement n’est prévue. En ce qui concerne les droits du conjoint, pas seulement
ils ne sont pas mis en valeur, mais de surcroît, ils sont même précarisés par le législateur.
36
TITRE II
LA PROTECTION DU CONJOINT PAR LE RÉGIME LÉGAL DANS LA
GESTION DE L’ACTIF
37
Chapitre 1. Revenus des époux
Les revenus des époux perçus pendant le mariage constituent la source majeure de
ravitaillement de la communauté. Par conséquent, l’objectif du travail législatif est de définir
leur statut, de façon de protéger les intérêts de la communauté sans porter atteinte aux intérêts
personnels de l’époux dont les revenus proviennent.
De nos jours, la communauté est essentiellement alimentée par les revenus du travail
des époux (Section I), s’y ajoutent parfois les revenus de leurs biens propres dont le statut
nécessite également à être précisé( Section II) .
Tout en reconnaissant le caractère commun des revenus de travail des époux, les
systèmes juridiques français et russe ne sont pas toujours unanimes lors qu’il s’agit des détails:
si le législateur français fait preuve d’une certaine souplesse en la matière (§1), le droit russe ne
prévoit aucune dérogation au principe établi (§2).
§1. Le regard du droit français sur les revenus de travail des époux mariés sous régime
légal
Le droit français reconnait que les gains et salaires des époux font partie de la
communauté (I), pourtant, le législateur prévoit une certaine dérogation à ce principe (II).
15
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 212 s.
38
percevoir ses gains et salaires et d’en disposer, ce qui confère, en certaine manière, au revenus
de travail non employés le caractère des biens propres. Pourtant, la loi de 23 décembre 1985
révèle d’une façon implicite l’évidence pour ses rédacteurs de la nature commune des revenus
de travail.
§2. Le regard du droit russe sur les revenus de travail des époux mariés sous régime légal
A l’instar du système juridique français, en droit russe, les revenus de travail des époux
font partie de la communauté ainsi que les fruits de leur activité intellectuelle et d’entreprise,
leur pension de retraite et «toute autre allocation n’ayant pas d’affectation spécifique», au sens
16
Ph. MALURIE et L.AYNÈS citent la jurisprudence suivante : CA de Bordeaux, 5 janv. 1971, affaire
« Digneaux », stipulant que les gains du mari non consommés pendant le mariage devaient figurer dans la
communauté . Cette jurisprudence est constante : TGI Créteil, 19 janv. 1988, accordant au gains du loto obtenus
pendant le régime de communauté et non dépensés le statut de biens communs. (Cours de droit civil : Les régimes
matrimoniaux, Editions Cujas, 1994, p.146).
17
Cass., Civ. 1re, 8 février 1978, 75-15.731, affaire “Guichaux” : La dame X... a été condamnée à payer les
dommages et intérêts à la dame Z..., pour les coups et blessures portées à celle-ci ; la créancière, pour obtenir le
paiement, a fait saisi-arrêt sur les salaires des époux X... La haute cour a décidé que le pouvoir d’un époux de
disposer librement de ses gains et salaires, en vertu de l’art. 224, al.1, ne met pas obstacle à ce que ces gains et
salaires soient saisis par les créanciers envers lesquels la communauté est tenue du chef de l’autre époux.
18
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 217
39
de l’art. 34, par.2 du Code de la famille de la Fédération de Russie19. Cependant, les primes
exceptionnelles ne sont pas considérées comme des revenus de travail est font partie des biens
propres de l’époux20.
En matière des allocations versées aux époux, la doctrine russe tend à préciser que
seules les indemnités compensatoires en raison de la perte des revenus suite à une infirmité
font partie de la communauté. En revanche, les indemnités pour les frais médicaux sont liés
avec la personne de la victime et font dons partie de ses biens propres21.
Le Code civil français présente des indications bien précises quant au statut des revenus
des propres des époux (§1), en revanche, en droit russe cet aspect est passé sous silence (§2).
§1. Le regard du droit français sur les revenus des propres des époux mariés sous régime
légal
Les dispositions de l’art. 1401 prévoient, entre autre, que les acquêts provenant des
économies faites sur les fruits et revenus des biens propres des époux font partie de la
communauté. Le législateur a ainsi sauvegardé sur ce point les stipulations de l’ancien régime
matrimonial légal, celui de communauté des meubles et acquêts, selon lesquelles les fruits et
revenus des propres tombaient logiquement en communauté.
L’art. 1403, al.2, précise que « La communauté n’a droit qu’au fruits perçus et non
consommés» et établit le principe de récompense, à la dissolution de la communauté, pour les
fruits « que l’époux a négligé de percevoir ou a consommé frauduleusement». Ainsi, la Cour de
cassation a jugé que l’époux devait une récompense à la communauté lorsqu’il a employé les
revenus de ses propres à une construction sur un bien propre22.
19
V. Annexe II
20
A.M. NECHAEVA, Semejnoe pravo, Institutiones, Yourist, 2008, p. 126
21
A. SLEPAKOVA, Pravootnoshenija sobstvennosti souprougov, Statout, 2005, p. 129
22
Cass., Civ. 1re, 6 juillet 1982, 81-12.680, affaire « Oxusoff» : M.O., marié sous régime de communauté légale, a
utilisé, entre autre, les loyers d’immeubles à lui propres pour une constructions sur un immeuble propre lui
appartenant, la Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel de Reims, que cette utilisation donne
lieu à une récompense au profit de la communauté.
40
§2. Le regard du droit russe sur les revenus des propres des époux mariés sous régime
légal
Le législateur russe ne donne aucune indication concernant le statut des revenus des
propres des époux mariés sous régime légal. Dans l’art. 3423, par.2, du Code de la famille, qui
détermine les biens communs des époux, sont mentionnés seuls les revenues de l’industrie et
de l’activité intellectuelle des époux ainsi que les revenus provenant de la pension de retraite et
de certaines allocations. Ainsi, l’interprétation stricte de l’art. 34, par. 2, ne permet pas en
déduire que les revenus des biens propres des époux font partie de la communauté24, ce point
de vue étant confirmé par la doctrine25.
23
V. Annexe II
24
Postatejnyj kommentarij k grazhdanskomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, chastiam I, II i III, Yourait, 2008
25
L.V. KRUZHALOVA, I.G. MOROZOVA, Spravochnik yourista po semeinomu pravu, Piter, 2007, p. 76
41
Chapitre 2. Biens acquis au cours du mariage
En droit français et en droit russe les biens acquis à titre gratuit font partie des propres
de chaque époux : les textes normatif français définissent ainsi les biens acquis par successions
ou libéralités (§1), alors que le législateur russe y ajoute d’autre actes à titre gratuit (§2).
§1. L’appartenance et la gestion des biens acquis à titre gratuit dans le droit français
Le caractère des biens acquis à titre gratuit pendant le mariage, par succession, donation
ou legs, est précisé par l’art. 1405, al. 1 du Code civil. Ces biens appartiennent
personnellement à l’époux à qui cet acte a été destiné.
Par une idée ancienne mais qui ne perd pas d’actualité, les biens advenus à un époux
par une succession doivent être conservés dans la même famille. Il en est de même pour les
biens abandonnés ou cédés à un des époux par un ascendant, au sens de l’art. 1405, al.3 du
Code civil.
Quant aux libéralités, y compris indirectes ou déguisées26, elles forment également des
biens propres27. Il existe pourtant une exception, prévue par l’art. 1405, al.2 du Code civil, qui
26
Cass., Civ. 1re, 22 novembre 2005, 02-14.927 : sur le statut d’un portefeuille d’assurances payé par le père de
l’époux avant le mariage de ce dernier et ayant une condition suspensive qui s’est réalisée seulement en cours du
mariage.
Cass., Civ. 1re, 12 décembre 2006, 04-20.663 : sur le statut des parts sociales nouvellement crées et transférées par
la mère de l’époux à ce dernier au cours du mariage, la société ayant été créée par l’époux et sa mère avant la
célébration du mariage.
27
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 243
42
permet au disposant de stipuler communs les biens donnés à un époux, cette intention étant
même présumé lorsque la libéralité est faite conjointement aux deux époux.
§ 2. L’appartenance et la gestion des biens acquis à titre gratuit dans le droit russe
Le droit russe, comme le droit français, reconnait le caractère propre des biens reçus par
les époux par donation ou succession. Leur statut est défini par l’art. 256, par.2, du Code civil28
et l’art. 36, par.1, du Code de la famille29. Il n’est pas toujours facile d’établir l’appartenance
de biens meubles acquis par donation, notamment en matière des cadeaux de mariage. Il est
d’usage de considérer que des objets tels que les bijoux ou montre sont offert à l’un des époux,
et par conséquent font partie des propres, alors que les objets de décor, l’électroménager ou les
ustensiles de cuisines sont offert au ménage et entre dans la communauté30.
L’art. 36, par. 1, du Code de la famille dispose également que forment propres les biens
acquis par les époux par «tout autre acte à titre gratuit ». Cette précision est devenue nécessaire
dans les années 90 et concerne la privatisation du logement municipal à titre gratuit (ainsi le
logement enregistré au nom d’un des époux devenait après sa privatisation le bien propre de cet
époux), et les actions des entreprises mises dans le cadre de leur privatisation à titre gratuit 31.
Les biens acquis par les époux à titre onéreux ne sont pas traité de la même façon en
droit français et le droit russe : le premier, tout en établissant le principe de la communauté des
biens acquis à titre onéreux, tente à en personnaliser certaines catégories (§1), alors que le
second élargit le champ de la communauté (§2), ce qui a pour effet que plusieurs types de biens
acquis par les époux ont un statut différent dans les deux systèmes juridiques (§3).
§1. L’appartenance et la gestion des biens acquis à titre onéreux dans le droit français
28
V. Annexe I
29
V. Annexe II
30
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p. 142
31
Postatejnyj kommentarij k grazhdanskomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, chastiam I, II i III, Yourait, 2008, p.
258
43
En droit français, les biens acquis par les époux à titre onéreux font partie de la
communauté (I), cependant, le législateur prévoit certaines dérogations à ce principe, en ce qui
concerne les biens propres par nature (II), les accessoires des propres (III) et les biens propres
par subrogation (IV).
I. Le principe général
Tous les biens acquis à titre onéreux par les époux mariés sous régime de communauté
légal ont le statut des « acquêts» et sont donc régis par les dispositions de l’art. 1401, selon
lequel « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou
séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des
économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres». Cependant, il existe des
exceptions à ce principe. Dans cette hypothèse on pourrait dégager trois cas de figures : les
biens propres par nature, les accessoires des propres et les biens propres par subrogation.
44
permettant à un époux de ne pas être empêché d’exercer son métier même dans le cas de la
dissolution du mariage. Pourtant, le droit de récompense prévu par le même article veille à ce
que le conjoint de l’époux ainsi favorisé ne soit pas appauvri.
33
Cass., Civ. 1re, 30 décembre 1959, 57-10.507 : la Cour de cassation reconnait comme propres du mari les deux
immeubles édifiés au cours de la communauté sur un terrain propre à celui-ci, bien que la construction soit
effectuée avec des deniers communs.
34
Cass., Civ. 1re, 14 mars 1984, 82-16.638 : la Haute cour a stipulé que les créanciers de la communauté du chef
de l’un des époux doivent attendre la dissolution de la communauté pour faire valoir leur droit sur la valeur
commune incorporée à un bien propre du conjoint de leur débiteur, car aucune récompense ne peut être effectuée
tant que la communauté n’est pas dissoute. En l’espèce, les époux X..., mariés sous le régime de la communauté
légale, ont construit sur un terrain appartenant en propre à l’épouse, une maison en employant des fond communs,
suite à la déclaration du mari en état de liquidation des biens, ses créanciers entendaient à condamner l’épouse à
payer une partie des dettes de son conjoint, compte tenu de l’obligation de récompense de l’épouse envers la
communauté.
35
Cass., Civ. 1re, 21 juillet 1980, 79-12.535 : la Cour de cassation a jugé qu’un corps de ferme acquis pendant le
mariage par l’épouse à laquelle appartenait en propre une exploitation agricole formait un bien propre par
accessoire.
45
d’après la valeur du bien au jour où l’attribution est demandée». Ces dispositions démontrent
que la simple contigüité ne suffit pas pour la reconnaissance d’un bien en tant qu’accessoire,
compte tenu, entre autre, de l’importance du bien nouvellement acquis36, ce qui met en valeur
les intérêts de le conjoint de l’époux-propriétaire d’un bien immeuble. Il est encore moins
possible de conférer le statut de l’accessoire à un bien acquis par l’autre conjoint avec
déclaration de remploi de ses propres37. En revanche, en cas partage de la communauté
l’époux-propriétaire bénéficie du droit prioritaire sur un bien immeuble de la communauté en
connexité avec son bien propre38.
Tout en reconnaissant le droit de l’époux-propriétaire aux biens accessoires à son
propre, le droit français ne crée pas tout de même un déséquilibre entre les époux. Ainsi, l’art.
1437 prévoit une récompense pour un époux toutes les fois que la communauté a contribué au
rachat des services fonciers, au recouvrement, la conservation ou l’amélioration des biens
propres de son conjoint. Pourtant, dans le cas où le financement de la part de la communauté
n’a été que partiel, la récompense doit se déterminer dans la proportion dans laquelle les fonds
empruntés à la communauté y ont contribués39.
36
Cass., Civ. 1re, 17 décembre 1996, 94-21.989 : la Cour de cassation a considéré que l’exploitation viticole
acquise par des époux mariés sous le régime de communauté légale à donné lieu à l’exercice par les époux d’une
activité différente de celle exercée par l’époux avant le mariage, de sorte que les biens acquis par les époux ne
pouvaient pas constituer les accessoires de l’exploitation appartenant en propre au mari.
37
Cass., Civ. 1re, 4 janvier 1995, 92-20.013 : la haute cour a stipulé qu’un terrain acheté par la femme, avec
déclaration de remploi des deniers propres à elle, n’est pas un bien propre du mari, même s’il était acquis pour être
affecté à l’exploitation agricole de ce dernier.
38
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 274
39
Cass., Civ. 1re , 13 novembre 1980, 79-12.801 : la Cour de cassation infirme la décision de la Cour d’appel de
Colmar qui a attribué à la récompense, due par l’époux pour une construction édifiée sur son terrain propre, la
valeur totale de ladite construction, alors qu’elle n’était financé que partiellement par la communauté.
46
qui remplacent des propres ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux
articles 1434 et 1435.
Ainsi, sont propres toutes les sommes d’argent ou créances qui remplacent dans le
patrimoine propre de l’époux les biens qui en sont sortis, aussi bien que les indemnités qui
compensent les dommages subis par les biens propres.
On parle de l’emploi ou le remploi lorsqu’il a déclaré que l’acquisition a été faite avec
son argent propre ou provenant de l’aliénation d’un propre, au sens de l’art. 1434, ce qui
présente une mesure de protection des intérêts de l’époux-propriétaire d’un bien. Dans le cas
d’anticipation de l’emploi ou remploi, le bien acquis est propre et l’époux-propriétaire a cinq
ans de la date de l’acte pour restituer les sommes dues à la communauté, selon l’art. 1435.
Pourtant, il existe une exception à la règle de subrogation, prévue par l’art. 1407. Au
cas où la soulte payée par la communauté est supérieure à la valeur du bien cédé, le bien
nouvellement acquis tombe dans la masse commune, l’époux qui cède le bien ayant droit à la
récompense.
§2. L’appartenance et la gestion des biens acquis à titre onéreux dans le droit russe
Le droit russe reconnait également le caractère commun des biens acquis par les époux
à titre onéreux (art. 256, par.1, du Code civil40 et art. 34, par.1, du Code de la famille41). Parmi
les biens acquis à titre onéreux figurent « les biens meubles et immeubles, les valeurs
mobilières, les parts sociales, les dépôts, les mises et le capital versé dans des établissements de
crédit et autres établissements à but lucratif, acquis des revenus communs des époux, et tout
autre bien acquis par les époux pendant le mariage» (art. 34, par.2, du Code de la Famille).
Le législateur établit le principe de l’égalité en droits entre les époux, car il n’y a pas
lieu de distinguer par qui et au nom de qui des deux époux les biens ont été acquis. Il en est de
même également dans le cas où l’un des époux n’a pas participé dans l’acquisition
ou l’accroissement des biens communs, au sens de l’art. 34, par.3.
En ce qui concerne les actes de disposition portant sur des biens communs par un des
époux, l’art. 35, par.2, du Code de la famille affirme la présomption du consentement de la part
du deuxième époux. Pourtant, pour les actes de disposition portant sur les biens immeubles le
consentement notarié de l’autre époux est indispensable. Cependant, ces règles portent sur les
rapports juridiques entre les époux et ne sont pas opposables à un tiers de bonne foi. Ainsi, la
40
V. Annexe I
41
V. Annexe II
47
Cour Suprême a invalidé la décision des juges de fond d’annuler le contrat de vente d’une
boutique, que l’ex-conjoint a passé avec un tiers de bonne foi en l’absence d’un consentement
notarié de son épouse.42
En droit russe, comme en droit français, il est d’usage de considérer comme propres de
l’époux les biens acquis par subrogation de ces biens propres. Pourtant, au sens de l’art. 37 du
Code de la famille, dans certains cas, si la valeur de ces biens a considérablement augmenté
grâce à des investissements faits au moyen de biens communs ou de biens propres de l'autre
époux, lors du partage ils peuvent être considérés comme des biens communs.
§3. La divergence existant entre le droit français et russe dans la notion des biens
propres
Malgré la ressemblance apparente entre les dispositions du droit français et du droit
russe en matière des biens communs des époux, il existe une divergence pertinente entre le
droit français et le droit russe en ce qui concerne la qualification des biens propres par nature
(I) et des accessoires des propres (II).
42
Cour Suprême de la Fédération de Russie, Chambre civile, l’ordonnance № 12-B04-8, rendue le 14 janvier
2005
43
Cass., Civ. 1re, 23 mars 1983, 82-12.526
44
H. CAPITANT, F. TERRE, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, 2007, p. 550
48
matière du statut des bijoux, le législateur français fait prévaloir l’idée de leur caractère
personnel évident ainsi que la valeur affective certaine, alors qu’en droit russe seule la valeur
monétaire est prise en considération.
En même temps, la législation russe ne définit pas le statut des instruments de travail
nécessaires à la profession de l’un des époux, reconnus comme propres par l’art.1404, al.2 du
Code civil français. Ainsi, là où le droit français prévoit la possibilité de récompense pour
l’autre conjoint, le droit russe insiste sur le partage des biens de cette sorte, particulièrement
lorsqu’il s’agit des objets de valeur (les instruments de musique etc)45.
45
L.V. KRUZHALOVA, I.G. MOROZOVA, Spravochnik yourista po semeinomu pravu, Piter, 2007, p. 79
49
Acquis du Titre II
Les mesures de protection du conjoint proposées par le droit français et russe en matière
de la gestion de l’élément actif de la communauté permettent de constater que malgré la
ressemblance apparente des principes généraux, le point de vue du législateur des deux pays
diverge sur plusieurs points.
Ainsi, le législateur français a une certaine tendance à déroger au principe de
communauté : il attribue le statut des propres à plusieurs catégories de biens, et en ce qui
concerne les revenus, il assure également certaines garanties pour l’époux qui les perçoit, ce
qui peut s’expliquer par l’attachement particulier qui existe en droit français pour la notion du
patrimoine de la personne.
En revanche, le droit russe tend a renforcer le principe de la communauté, ce qui assure
dans la plupart des cas la protection du conjoint n’ayant pas de propres sources de revenus.
Cependant, dans certains cas cette tendance à la surprotection de la communauté peut avoir un
effet pervers. Ainsi, les biens propres de l’époux peuvent passer dans la catégorie des biens
communs si l’autre époux a considérablement contribué à leur amélioration. Pourtant, si un
époux n’a pas de propres moyens pour y procéder, ces dispositions peuvent le faire perdre
également les droits sur ces biens, ce qui le mettrait dans une situation encore plus défavorable.
Les dispositions du droit russe en ce qui concerne la gestion de l’actif du patrimoine des
époux restent très générales. Ainsi, certaines notions, d’une grande actualité aujourd’hui, qui
sont soigneusement élaborées par le législateur français, n’existent pas dans les textes
normatifs russes. Il s’agit, entre autre, du problème de l’appartenance des revenus provenant
des biens propres des époux, ou encore, du statut des instruments du travail des époux.
50
TITRE III
LA PROTECTION DU CONJOINT DANS LA GESTION DU PASSIF
51
Chapitre 1. Obligation à la dette
Partant du principe commun, le législateur français et russe n’ont pas toujours la même
réponse lorsqu’il s’agit de la protection du conjoint en matière de l’obligation à la dette des
époux. Ses modalités, en droit français comme en droit russe, dépendent avant tout de l’origine
de la dette.
Pour établir le statut des dettes conçues par les époux il convient de distinguer entre les
biens propres de l’époux (Section I) et les dettes contractées pendant le mariage (Section 2).
Le droit français (§1) et le droit russe (§2), malgré un rapprochement considérable dans
le principe de base régissant les dettes propres des époux, présentent tout de même certaines
singularités .
I. Le principe général
Le principe général, établi dans le droit français veut qu’à l’instar des éléments de
l’actif acquis avant la célébration du mariage ou à titre gratuit pendant le mariage, les dettes
conçues avant le mariage ou grevant successions et libéralités soient propres par nature, ce
principe étant prévu par l’art. 1410 du Code civil.
En matière des dettes antérieures au mariage, pour qu’elle soient déterminées comme
telles il convient tenir compte de la date du fait générateur de la dette et non celle de sa
liquidation ou de son échéance. Ainsi, la Cour de Cassation a considéré comme ayant existé au
jour de la célébration du mariage la dette de l’épouse condamnée à des dommages et intérêts
52
postérieurement au mariage en raison d’une tentative d’homicide antérieure46. Il en est de
même pour les intérêts d’une dette antérieure au mariage, en application de l’art. 1410 du Code
civil.
Le même principe est appliqué aux dettes grevant les successions et libéralités échues à
un époux. Dans le cas de succession, il existe une difficulté supplémentaire, car certains biens
doivent être soumises à ce régime alors même qu’elles ne sont pas nées avant, mais du fait de
l’ouverture de la succession47. C’est la nature de la dette consistant en son rattachement à une
dévolution successorale qui joue le rôle déterminant, plus que le moment où elle est née.
46
Cass., Civ. 1re, 17 février 1987, 85-11.114
47
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 309
48
Cass., Civ. 1re, 16 mai 2000, 98-17.409
53
D’après certains auteurs, pour mettre la communauté à l’abri des créanciers des époux,
il serait raisonnable pour ceux qui ont les dettes en se mariant d’établir l’inventaire de leurs
biens mobiliers personnels au jour du mariage, quelque modestes qu’ils soient49.
En droit russe, les même catégories de dettes sont reconnues comme propres : il s’agit
des dettes contractées avant le mariage ou grevant successions et libéralités. Elles sont régies
par les dispositions de l’art. 45, par. 1 du Code de la famille50. Ainsi, le principe général veut
que « les créanciers des époux ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres
de leur débiteur ».
Cependant, au sens du même article, « En cas d’insuffisance des biens propres du
débiteur, le créancier a le droit de demander le partage de la masse commune des époux pour
poursuivre le paiement sur la part de l’époux débiteur.». En droit russe, le partage de la
communauté peut intervenir à tout moment (art. 38 du Code de la famille 51), s’il se fait sur la
demande des créanciers des époux, il appartient au juge de statuer. Le partage de la
communauté ne met pas fin au régime de la communauté, car les biens acquis après le partage
formeront les biens communs des époux52.
Le principe général veut que les dettes contractés par les époux pendant le mariage
grèvent la communauté, pourtant, le législateur français prévoit plusieurs mesures de protection
du conjoint contre les créanciers (§1), alors qu’en droit russe aucune mesure n’est prévue (§2).
49
J. CHAMPION, Contrats de mariages et régimes matrimoniaux. Stratégies patrimoniales et familiales, Delmas,
2007, p. 129
50
V. Annexe III
51
V. Annexe II
52
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p.146
54
débiteur (II), cependant le législateur prévoit certaines dérogations au principe d’engagement
des biens communs (III).
55
A. La protection spéciale des gains et salaires
Les gains et salaires des époux mariés sous le régime légal font partie de la
communauté, cependant, la réforme de 1985 apporte une dérogation à cette règle qui se traduit
dans l’art. 1414, al.1, du Code civil : « Les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis
par les créanciers de son conjoint que si l’obligation a été contracté pour l’entretien du ménage,
ou l’éducation des enfants conformément à l’article 220».
De nos jours, les gains et salaires sont généralement versés directement par virement à
un compte courant, ce qui peut faire naître la confusion entre les salaires et d’autres revenus.
L’artcle 1414 du Code civil dispose que « Lorsque les gains et salaires sont versés à un compte
courant où de dépôt, ceux-ci ne peuvent être saisis que dans les conditions définies par décret».
Le décret du 31 juillet 1992, consécutif à la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures
civiles d’exécution, détermine la somme qui demeurera insaisissable lorsque le paiement d’une
dette de communauté, née du chef d’un conjoint, est poursuivi sur un compte courant alimenté
en tout ou partie par les gains et salaires de l’autre époux. Au sens de l’art. 48 du décret, cette
somme est égale, au choix du conjoint, « au montant des gains et salaires versés au cours du
mois précédent la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les
douze mois précédant la saisie».
53
Cass., Civ. 1re, 17 février 2004, 02-11.039 : la Cour de Cassation annule la décision de la Cour d’appel de
Chambéry qui validait la saisie par le créancier d’un époux du compte joint du couple, car il n’était pas établi
que « le solde créditeur saisi provenait des seuls revenus du mari ».
56
avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens
propres».
Pour saisir un compte ouvert au seul nom du débiteur ayant contracté sans le
consentement de son conjoint, le créancier devra prouver que le compte a été alimenté par les
seuls revenus de son débiteur54. Quant au compte titre ouvert au nom de débiteur, il ne sera pas
saisissable car il s’agit des acquêts communs, même s’il n’avait été alimenté que des revenus
de l’époux débiteur55.
La jurisprudence ouvre également le bénéfice de l’art. 1415 aux deux époux. Par
conséquent, l’époux qui a contracté seul pourra également se prévaloir de ses dispositions.
Ainsi, la Cour de Cassation confirme la décision de la Cour d’appel de Versailles de débouter
la banque BNP Paribas de sa demande de réalisation de nantissement, à laquelle le débiteur
s’est opposé invoquant sa nullité en raison de l’absence du consentement de son épouse
d’engager les titres communs56.
54
Cass., Civ. 1re, 18 février 2003, 00-21.362
55
Cass., Civ. 1re, 14 janvier 2003, 00-16.078
56
Cass., Civ. 1re, 15 mai 2002, 00-15.298
57
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p. 63
58
V. Annexe III
59
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p. 63
57
Chapitre 2. Contribution à la dette
58
§2. Les principes de la contribution à la dette dans le droit russe
Par l’art. 45, par.2, du Code de la famille le législateur affirme le caractère commun des
dettes contractées par les deux époux. Dans le cas où un époux a contracté seul, en vigueur de
l’art. 45, p.2 du Code de la famille, ces dettes peuvent grever la communauté, s’il était établi
que tous les bénéfices provenant de l’obligation de l’un des époux ont été utilisés pour les
besoins de la famille, alors que si cette dette est contractée dans l’intérêt personnel de l’époux
et ne profite pas à la famille, elle ne peut pas être reconnu commune60.
Ainsi, ce sont les biens communs des époux qui sont saisi par les créanciers en premier
lieu. En cas de l’insuffisance des biens communs, chacun des époux a une responsabilité
subsidiaire de ses biens propres pour les dettes de la communauté. Cette mesure est favorable
pour les créanciers mais peut mettre en danger la famille.
En ce qui concerne la disposition de l’art. 45, par.2, al.2, du Code de la famille, qui
reconnait la possibilité de poursuite sur les biens de la communauté s’il était établi qu’ils ont
été acquis ou accrus avec les fonds provenant des actes criminels commis par l’un des époux,
en mesure de protection pour le conjoint n’ayant pas commis l’acte criminel celui-ci a le droit
de demander la levée de la saisie61. Ainsi, après la saisie effectuée sur la communauté, l’épouse
a demandé la levée de la saisie sur son salaire62.
60
Postatejnyj kommentarij k grazhdanskomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, chastiam I, II i III, Yourait, 2008, p.
259
61
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p.163
62
Tribunal régional de Moscou, Présidium, la décision № 466 du 31 août 2005
59
Ainsi, au termes de l’art. 1416, la communauté a droit à récompense au cas où la dette a
été contractée dans le but de «l’acquisition, la conservation ou l’amélioration d’un bien propre»
de l’un des époux. Les possibilités de l’acquisition d’un bien propre par un époux marié sous
régime de la communauté légale sont assez limitées et ne sont autres que celles examinées lors
de l’étude de l’actif propre, concernant les biens acquis pendant la durée du régime qui restent
propres. Il peut s’agir par exemple du paiement du prix de remboursement d’un emprunt
contracté pour financer l’acquisition d’un bien propre, même si cette acquisition a été
antérieure au mariage63.
Quant aux dépenses de conservation ou d’amélioration d’un bien propre, il faudrait
distinguer deux cas de figures64. Ainsi, donnent droit à récompense, même en l’absence d’un
accroissement de l’actif, les dépenses conservatoires (p.e. grosses réparations), les dépenses
d’améliorations (p.e. équipement, confort, agrandissement) et toutes celles qui correspondent à
la notion d’impenses. En revanche, les dépenses d’entretien et de réparation et toutes dépenses
normalement couverts par les fruits et revenus (p.e. impôts fonciers, charges de copropriété) ne
donnent pas lieu à récompense.
En vigueur de l’art. 1417, al., 1a communauté a également droit à récompense pour les
dettes delictuelles d’un époux, exception faite des cas où la communauté a tiré profit des fautes
commises. En revanche, aucune récompense n’est prévue pour les indemnisations de nature
contractuelle.
En outre, l’art. 1417, al.2, prévoit une récompense pour le mépris des devoirs
qu’impose le lien matrimonial65. Entre autre, ce texte permet de faire supporter à l’époux
débiteur seul et non à la communauté les dettes d’aliment dues à un enfant naturel conçu
pendant le mariage.
63
Cass., Civ. 1re, 5 novembre 1985, 84-12.572
64
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p. 341
65
Ibid, p. 343
66
V. Annexe II
60
biens propres et la part dans la communauté de l’autre époux sont mis en abri des le moment de
la saisie.
Quant aux biens accessoires aux propres de l’un des époux, le droit français les qualifie
également de propres et prévoit le droit de récompense pour le conjoint, au sens de l’art. 1401,
al.1. En revanche, le droit russe change la nature du bien dont leur valeur a considérablement
augmenté grace à des investissements faits au moyen de biens communs ou de biens propres de
l'autre époux (la remise à neuf, la reconstruction, le rééquipement et autre), en vigueur de l’art.
37 du Code de la famille, le plaçant dans la catégorie des biens communs.
Ainsi, le législateur protège les intérêts du conjoint de l’époux propriétaire, lui
accordant les mêmes droits sur un bien, cependant cette mesure porte atteinte aux intérêts de
l’époux initialement propriétaire, qui ne conserve pas le plein droit sur un bien, à la différence
du principe de récompenses établi par le droit français.
61
Acquis du Titre III
62
Conclusion de la Partie I
63
Deuxième Partie :
La protection du conjoint après la dissolution
du mariage
DEUXIÈME PARTIE
LA PROTECTION DU CONJOINT APRÈS LA DISSOLUTION
DU MARIAGE
La dissolution du mariage apporte des changements inévitables dans la vie des époux,
notamment sur le plan patrimonial. On va s’arrêter sur les deux causes les plus fréquentes de la
dissolution du mariage : les cas où elle advient par l’effet du divorce et suite au décès du
conjoint.
Quelle que soit la raison de la dissolution du mariage, elle entraine inévitablement le
partage de la communauté fondé sur l’ensemble des règles, communes pour tous les cas de la
dissolution.
Cependant, le législateur russe et français ont élaboré pour chaque type de dissolution
du mariage différentes mesures supplémentaires ayant pour mission la protection du conjoint,
qui viennent compléter les règles générales.
Ainsi, lors de la dissolution du mariage par l’effet du divorce le législateur russe et
français ont prévu pour un conjoint qui se retrouve dans une situation défavorable la possibilité
d’obtenir une allocation alimentaire, en plus de sa part dans la communauté (Titre I).
En revanche, la protection du conjoint survivant est assuré, en dehors des modalités du
partage, par les règles légales de successions et par d’éventuelles libéralités de la part de l’autre
époux (Titre II).
65
TITRE I
LA PROTECTION DU CONJOINT APRÈS LA DISSOLUTION
DU MARIAGE PAR L’EFFET DU DIVORCE
66
Chapitre 1. Le partage de la communauté
67
Le législateur a également prévu une autre mesure de protection du conjoint, qui peut
demander au juge de fixer les effets du jugement à la date à laquelle les époux « ont cessé de
cohabiter ou de collaborer », au sens de l’art. 262-2, al.2.
I. La gestion de l’actif
L’actif de l’indivision correspond en gros à celui de la communauté. Cependant, il n’est
plus alimenté par les revenus de biens propres du ou des époux, ni par leur gains et salaires1.
Egalement, de toute évidence, chacun des époux reprend la jouissance de ses biens propres,
aux sens de l’art. 1467 du Code civil. Quant aux fruits et revenus des biens entrés dans la
masse indivise, ils feront partie de l’indivision, au sens de l’art. 815-10, al.2.
Le contenu de la masse commune n’est pas figé : ainsi, un bien peut être remplacé par
un autre, par le mécanisme de la subrogation réelle (art. 815-10, al.1, du Code civil). En
revanche, lorsqu’un époux a développé de façon substantielle le fonds indivis et lui a apporté
une plus-value, la question se pose de savoir à qui elle doit être attribuée. La loi du 31
décembre 19761 a décidé que tous les produits des biens indivis, sans exceptions, y compris les
plus-values, doivent être partagés entre époux, l’époux indivisaire gérant recevant une
rémunération dont le tribunal fixe le montant. Ce principe a été fixé dans les articles 815-10 à
815-12 du Code civil et confirmé par la jurisprudence1.
67
J. CHAMPION, Contrats de mariages et régimes matrimoniaux. Stratégies patrimoniales et familiales, Delmas,
2007, p.153
68
31 décembre 1976, Loi 76-1286 relative à l’organisation de l’indivision
69
Dans un arrêt relativement récent, Cass., Civ. 1re, 2 mai 2001, 99-11.336, portant sur la demande d’un médecin
d’exclure de l’indivision postcommunautaire les revenus tirés de son activité postérieurement à la date de
dissolution, la Cour de cassation a rappelé que l’indivision postcommunautaire s’accroit de la plus-value de la
clientèle d’un époux exerçant une profession libérale, sous réserve de l’attribution à son gérant de la rémunération
de son travail.
68
communauté, « qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y eût indivision (...) seront
payé par prélèvement sur l’actif avant le partage» et pourront faire vendre les biens indivis.
Ainsi, par exemple, la dette délictuelle d’un époux est commune, selon l’art. 1409 du
Code civil. Pour établir son statut, il faudra tenir compte du fait générateur de la dette, qui doit
se situer pendant la communauté, et non pas de la date de la condamnation qui le sanctionne1.
En revanche, les créanciers personnels des époux doivent attendre le partage, au sens de
l’art. 815-17, al.2, du Code civil. Ils ont tout de même la possibilité de « provoquer le partage
au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui » (art. 815-17, al.3).
I. Le partage de l’actif
Lors du partage de l’actif, s’impose le principe de l’égalité entre époux. A moins que
les parties s’entendent sur un répartition des biens à partager, on procède à l’évaluation des
biens. La communauté est ensuite partagée par moitié en deux lots, à l’amiable ou par voie
judiciaire. Les biens non partageables qui n’ont pas été attribués à un des époux sont mis en
vente.
Lorsque le partage se fait à l’amiable, les parties peuvent composer les lots en nature à
leur convenance, en dérogeant au principe de l’égalité des lots et compenser le déficit par une
soulte. Une égalité parfaite en nature n’est pas de rigueur même lors du partage judiciaire,
quand les lots sont tiré au sort.
Le législateur prévoit un statut particulier pour les annexes de biens propres immeubles
dont l’attribution est faite au profit de l’époux propriétaire de l’immeuble, « par imputation sur
sa part ou moyennant soulte, d’après la valeur du bien au jour où l’attribution est demandée»,
au sens de l’art. 1475 du Code civil.
L’art.1477 du Code civil prévoit une mesure particulière qui protège le conjoint de
bonne fois contre le recel de communauté. Au termes de cet article, «Celui des époux qui aurait
70
Cass., Civ. 1re, 25 février 2003, 00-22.672:la Cour de cassation a décidé que le paiement des dommages et
intérêts en réparation des faits délictueux commis pendant le mariage, auxquels l’époux était condamné après le
divorce, peut être poursuivi sur l’immeuble indivis que les créanciers peuvent faire vendre sans avoir à en
demander le partage.
69
diverti ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets»,
il devra donc abandonner à son ex-conjoint la totalité du bien dont il voulait le priver.
71
F. TERRE, Ph. SIMLER, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux, « Précis», Dalloz, 2005, p.501
70
Pour mettre en oeuvre ce principe, au nom de chaque époux il est établi un compte des
récompenses que la communauté lui doit et de celles qu’il doit à la communauté, en vigueur de
l’art. 1468 du Code civil.
Quant au montant de la récompense, le législateur a déterminé dans l’art. 1469, al. 1, du
Code civil que la recompense est égale « à la plus faible des deux sommes que représente la
dépense faite et le profit subsistant », ce dernier étant évalué à la date de liquidation.
L’époux ayant droit à une récompense, a le choix entre un paiement en espèces et un
paiement en nature, par voie de prélèvement, au sens de l’art. 1470, al.2, du Code civil.
72
Annexe II
71
du délai de trois ans à partir du moment où l’époux a pris connaissance, ou a dû prendre
connaissance, de l’atteinte portée à ses droits, et non du moment de la dissolution du mariage.1
73
Cour Suprême de la Fédération de Russie, Présidium, l’ordonnance № 15 du 5 novembre 1998, par.19
74
A.M. NECHAEVA, Semejnoe pravo, Institutiones, Yourist, 2008, p. 131
75
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, pp. 150-151
76
Cour Suprême de la Fédération de Russie, Présidium, l’ordonnance № 15 du 5 novembre 1998, p. 17
77
Annexe III
72
la dissolution de celui-ci, la procédure du partage de la communauté étant mis en oeuvre dans
les deux cas. Cela explique l’absence du principe de récompenses en droit russe.
Aucune mesure de protection du conjoint semblable au bénéfice d’émolument existant
en droit français n’est pas prévu par le législateur russe. Bien au contraire, l’art. 45, par.2, al.1,
établit le principe de l’engagement solidaire des biens propres des époux lorsque les biens
communs ne suffisent pas pour le paiement, même dans le cas où la dette a été contracté par
l’autre époux, dans les cas où la communauté a tiré profit des bénéfices de cette obligation.
73
Chapitre 2. L’obligation alimentaire comme moyen de protection du
conjoint
78
11 juillet 1975, Loi 75-617 portant réforme du divorce
74
divorce même si elle n’a pas existé au jour de son prononcé, ce qui explique la possibilité de
réclamation de cette pension postérieure au divorce.
L’obligation à la pension ne s’éteint pas avec la mort du débiteur et est transmise
passivement à ses héritiers1. Elle est révisable, indexable, insaisissable, et l’absence du
paiement peut donner lieu à l’application des sanctions pénales de l’abandon de la famille1.
En droit russe, l’obligation alimentaire des époux est régi par le chapitre 14 du Code de
la famille1, qui établit les modalités de l’affectation d’une pension alimentaire (§1) ainsi que
des restrictions possibles (§2).
79
Cass., Civ. 2ème, 19 février 1992, 90-20.611 : la Cour de cassation a confirmé que la pension alimentaire doit
être prélevée sur le patrimoine de l’hérédité et ne peut grever que les revenus proprement dits de la succession.
80
P.BERTHET, Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, L’Harmattan, 2000, p. 66
81
Annexe IV
75
§1. Les modalités d’affectation d’une pension alimentaire
Le droit russe fait preuve d’une grande précision en matière de l’obligation alimentaire.
Cependant, les principes fondateurs de cette obligation ne sont pas les mêmes qu’en droit
français.
Le législateur détermine soigneusement les groupes de personnes ayant droit à une
pension alimentaire de la part de l’ex-époux. Au sens de l’art.90, par. 1,du Code de la famille,
ce sont : l’ex-épouse pendant sa grossesse et pendant les trois premières années qui suivent la
naissance de l’enfant commun, l’ex-époux nécessiteux effectuant les soins à l’enfant commun
handicapé avant son accès à la majorité, ou à l’enfant commun - grand invalide civil dès
l’enfance, l’ex-époux nécessiteux inapte au travail, devenu inapte au travail pendant le mariage
ou dans l’année qui suit la dissolution du mariage, l’ex-époux nécessiteux, ayant atteint l’âge
de la retraite dans les cinq années qui suivent la dissolution du mariage, à condition que la
durée du mariage ait été longue.
De toute évidence, la source du droit à la pension alimentaire doit se trouver en relation
étroite, causale ou temporelle, avec le fait même du mariage. La seule dérogation a cette règle
concerne le droit à la pension alimentaire d’un ex-epoux nécessiteux ayant atteint l’âge de la
retraite dans les cinq années après la dissolution du mariage. Cette règle a essentiellement pour
but la protection de l’épouse qui n’a pas travaillé, effectuant la tenue du ménage et l’éducation
des enfants et qui, par conséquent, n’a pas acquis le droit à la pension de retraite. Quant à la
notion de la durée du mariage, il est d’usage de la considérer comme longue lorsque les époux
ont été mariés pendant plus de dix ans.1
Une autre précision doit être faite par rapport à la notion de l’ex-époux nécessiteux. En
droit russe ce n’est pas le niveau de vie dont la famille avait la jouissance antérieurement qui
est pris pour référence, mais le minimum vital officiellement fixé dans chaque région.
Ainsi, si le droit français en attribuant la prestation compensatoire part du principe du
changement de niveau de vie du conjoint qui en obtient le bénéfice, le droit russe se fonde
uniquement sur des critères « objectifs», portant sur la personne du créancier de l’obligation
alimentaire.
82
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p. 294
76
§2. Les limites de l’obligation alimentaire
Au sens de l’art. 91 du Code de la famille, la pension alimentaire est versée sous forme
d’un virement mensuel. Cependant, le législateur prévoit des cas où l’époux débiteur peut être
dispensé de son obligation alimentaire (art. 92 du Code de la famille).
L’ex-époux peut être dispensé de l’obligation alimentaire si l’invalidité du conjoint
débiteur est venue suite à l’abus d’alcool, de stupéfiants ou suite à une infraction intentionnelle
commise par lui ainsi que si le conjoint débiteur fait preuve de la conduite indigne en famille.
Le juge peut prendre en considération les faits advenus aussi bien pendant le mariage, qu’après
sa dissolution.
En ce qui concerne la courte durée du mariage, qui peut conduire à la dispense de
l’obligation alimentaire, il est d’usage de considérer comme courte la durée du mariage qui ne
dépasse pas trois à cinq ans1.
La décision de la dispense de l’obligation alimentaire ou la limitation de la durée de
cette obligation est prise par le juge et dépend toujours de son appréciation des circonstances.
83
Kommentarij k semejnomu kodeksu Rossijskoj Federatsii, Yourait, 2009, p. 299
77
Acquis du Titre I
78
TITRE II
LA PROTECTION DU CONJOINT SURVIVANT
La dissolution du lien matrimonial par le décès d’un époux crée un contexte particulier
et demande une grande attention à l’égard du conjoint survivant de la part du législateur.
Premièrement, la protection du conjoint survivant est assurée par les règles du régime
légal applicables en cas de la dissolution du mariage par décès, qui peuvent être renforcées par
d’autres dispositions spéciales (Chapitre I).
D’autres moyens de protection du conjoint qui se trouvent en dehors du régime légal
viennent également compléter les mesures proposés par celui-ci (Chapitre II).
79
Chapitre 1. Les mesures de protection du conjoint survivant prévues par le
régime légal
Le décès d’un époux met fin au régime matrimonial légal et provoque le partage de la
communauté, dont les modalités ressemblent à celles qui s’applique à toute autre cas de
dissolution du mariage.
Cependant, le législateur français élargit les mesures de protection applicables au
conjoint survivant (Section 1), à la différence du droit russe (Section 2).
I. La règle générale
En cas de la mort de l’un des époux, la date de la dissolution de la communauté est celle
du décès. Le conjoint survivant se voit attribuer ainsi la moitié de la communauté, au sens de
l’art. 1475 du Code civil. De plus, il bénéficie du droit d’attribution préférentielle sur certains
biens lors du partage de la communauté. Cette règle s’applique entre autre sur la propriété ou le
droit au bail du local qui sert d’habitation au conjoint survivant (art. 831-2), ou sur toute sorte
d’entreprise dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès de l’autre conjoint,
etc.
80
II. La présomption de la communauté
Au sens de l’art. 1402 du Code civil, tous les biens, meubles ou immeubles, sont
présumés acquêts de la communauté et donc partageables par moitié. Ainsi, pour détruire cette
présomption et faire sortir un bien quelconque de la communauté, les héritiers du précédé
devront prouver son caractère propre. En général, la preuve écrite est exigée, qui peut avoir la
forme d’un inventaire, des titres de familles, des registres et factures domestiques, des
documents de banque, des factures etc.
84
J. CHAMPION, Contrats de mariages et régimes matrimoniaux. Stratégies patrimoniales et familiales, Delmas,
2007, p.74
85
3 décembre 2001, Loi 2001-1135 relative au droits des conjoints survivants
81
une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier, compris dans la
succession, qui le garnit».
Le législateur a prévu les mesures spéciales également pour ceux des conjoints
survivants qui ne sont que locataires du logement conjugal. Ainsi, au sens de l’art. 763, al.2, les
loyers « seront remboursés par la succession pendant un an, au fur et à mesure de leur
acquittement».
En droit russe, le partage de la communauté est régi par les dispositions de l’art. 256 du
Code civil1 et celles des articles 38 et 39 du Code de la famille1, quelle que soit la raison de la
dissolution du mariage. En général, le conjoint survivant a le droit à une moitié des biens
communs, sauf les dispositions contraires d’une convention entre époux, dont l’existence est
permise dans le cadre du régime légal.
De plus, l’art. 1150 du Code civil1 établit que le droit à la succession du conjoint
survivant ne diminue pas ses droits sur une partie des biens communs acquis pendant le
mariage avec le défunt. Ainsi, le droit russe se limite de préserver les droits du conjoint
survivant à sa part de communauté mais ne prévoit aucune mesure de protection
supplémentaire.
86
Annexe I
87
Annexe II
88
Annexe VI
82
Chapitre 2. Les autres voies de la protection du conjoint survivant
Section 1. La protection du conjoint survivant par les règles légales des successions
Les règles légales des succession assurent au conjoint survivant un certain nombre de
droits (§1), alors que le droit russe laisse une grande libérté à l’intention testamentaire du
défunt (§2).
§1. La protection du conjoint survivant par les règles légales des successions en France
Les règles légales des successions reconnaissent au conjoint survivant des droits
suffisamment importants qui s’accommodent au régime matrimonial légal. Ainsi, au cas où
l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant bénéficie, à son
choix, de l’usufruit de la totalité des biens ou de la propriété du quart des biens lorsque tous les
enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart des biens en présence d’un ou
plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux, en vigueur de l’art.757.
En l’absence d’enfants ou de descendants, le conjoint survivant a le droit à la moitié des
biens, la seconde moité étant partagé par quart entre le père et la mère du défunt, au sens de
l’art.751-1. En cas où l’un des parents de l’époux est prédécédé, sa part échoit au conjoint
survivant.
Aux termes de l’art. 757-2, en l’absence d’enfants, de descendants et de parents du
défunt, le conjoint survivant recueille toute la succession. Egalement, à défaut des descendants
du défunt, le conjoint survivant bénéficie de la réserve héréditaire sur un quart des biens, en
vigueur de l’art 914-1 du Code civil.
§2. La protection du conjoint survivant par les règles légales des successions en Russie
Le droit russe place le conjoint survivant parmi les héritiers du premier ordre, au sens
de l’art. 1142 du Code civil. Ainsi, le droit russe par les dispositions de l’art.1141, par.2,
83
accorde au conjoint survivant les mêmes droits qu’aux enfants et les parents du défunt et lui
garantie une part égale avec eux dans la succession légale.
A la différence du droit français, la catégorie des héritiers réservataires est très
réstreinte. Aux termes de l’art. 1149, par. 1, ont le droit a la réserve héréditaire seuls les enfants
mineurs du défunt, ses enfants inaptes au travail, son conjoint, ses parents ainsi que d’autres
personnes à sa charge qui sont inaptes au travail. Le législateur fait ainsi prévaloir sur le degrès
du lien familial les obligations d’ordre social du défunt.
Par conséquent, le défunt peut léguer ses biens par voie testamentaire, au détriment de
ses héritiers légaux, que ce soient ses enfants ou le conjoint survivant, dont les droits ne sont
pas protégés par la réserve héréditaire.
89
23 juin 2006, Loi 2006-728 portant réforme des successions et des libéralités
84
biens du donateur sans indication concrète des biens à transmettre ainsi que ceux qui prévoient
la transmission des biens seulement après la mort du donateur sont frappés de nullité.
En revanche, un époux a une possibilité de léguer son patrimoine en entier au conjoint
survivant et assurer ainsi sa protection, compte tenu du caractère très réduit du droit à la
réserve héréditaire, prévu par l’art. 1149 du Code civil1 russe.
90
Annexe VI
85
Acquis du Titre II
86
Conclusion de la Partie II
Les mesures de protection du conjoint après la dissolution du mariage ne sont pas les
mêmes en droit français et en droit russe malgré une ressemblance certaine des principes
généraux.
Le droit français comme le droit russe prévoient l’application du même principe du
partage de la communauté quelle que soit la cause de la dissolution du mariage. Ainsi, en
France le partage de la communauté est l’effet direct de la dissolution d’un lien matrimonial et
assure le règlement des comptes définitif entre époux.
En droit russe, le partage peut intervenir à tout moment au cours du mariage ainsi
qu’après sa dissolution. Cette mesure a pour mission d’alléger les rapports pécuniaires des
époux et ainsi peut être considérée comme une mesure de protection du conjoint.
En cas de dissolution du mariage par l’effet du divorce, le législateur français et russe
prévoit une possibilité d’obtenir une prestation alimentaire pour l’époux qui se retrouve dans
une situation désavantageuse, ce qui présente pour lui une mesure de protection
supplémentaire.
Lors de la dissolution du mariage, les principe du partage de la communauté prévus par
le régime matrimonial légal joue un rôle majeur en matière de la protection du conjoint
survivant. Les règles légales des successions viennent parfois s’y ajouter, cependant cela
n’arrive pas systématiquement.
87
CONCLUSION GÉNÉRALE
89
ANNEXES
TABLE des ANNEXES
Annexe VI. Traduction des extraits du chapitre 63 du Code civil de la Fédération de p.101
Russie portant sur la succession légale
Annexe VII. Traduction de l’art. 572 du Code civil de la Fédération de Russie p.103
ANNEXE I
Traduction des extraits du chapitre 16 du Code civil de la Fédération de Russie portant sur
la propriété commune
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3. Les créanciers des époux ne peuvent poursuivre leur paiement que sur les biens propres
de leur débiteur ainsi que sur la part qui lui aurait été due en cas du partage de la
communauté.
4. Les règles du partage de la communauté et de la détermination des parts des époux sont
établies par la législation matrimoniale.
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ANNEXE II
Traduction du Chapitre 7 du Code de la famille de la Fédération de Russie portant sur le
régime matrimonial légal
Article 35. L’usage, la jouissance et la disposition des biens communs des époux
1. La possession, la jouissance et la disposition sur des biens communs s’effectuent d’un
commun accord entre les époux.
2. Pour les actes de disposition des biens communs passés par un époux, le consentement de
l’autre époux est présumé.
Sont annulables pour l’absence du consentement et seulement à la demande de l’époux
requérant les actes de disposition portant sur des biens communs passés entre son
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conjoint et un tiers s’il est prouvé que ce dernier était supposé avoir connaissance de cette
absence.
3. Pour les actes de disposition passés par un époux portant sur des biens immeubles et les
actes nécessitant l’authentification notariée et (ou) l’immatriculation selon les modalités
en vigueur, le consentement notarié du conjoint est obligatoire.
L’action en nullité est ouverte à l’époux requérant, dont le consentement notarié pour les
actes mentionnés ci-dessus n’a pas été obtenu, pendant une année à partir du jour où il est
supposé avoir eu connaissance de cet acte.
Article 37. La reconnaissance des biens propres des époux en qualité de leurs biens communs
Les biens propres d'un époux peuvent être considérés comme des biens communs s'il est
établi que leur valeur a considérablement augmenté grace à des investissements faits au
moyen de biens communs ou de biens propres de l'autre époux (la remise à neuf, la
reconstruction, le rééquipement et autre).
Article 39. L’attribution de parts des époux lors du partage de la masse commune
1. Lors du partage de la masse commune, les parts des époux sont reconnues égales, en
l’absence de conventions matrimoniales.
2. Le juge a le droit de déroger au principe de l’égalité des parts des époux dans la masse
commune dans l’intérêt des enfants mineurs et (ou) dans l’intérêt d’un des époux,
notamment dans le cas où l’autre époux n’avait pas de revenus pour des raisons futiles ou
dépensait les biens communs des époux au détriment des intérêts de la famille.
3. Les dettes communes des époux sont partagées entre eux en proportion des parts qui leur
sont attribuées.
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ANNEXE III
Traduction de l’art. 45 du Code de la famille de la Fédération de Russie
97
ANNEXE IV
Traduction du Chapitre 14 du Code de la famille de la Fédération de Russie portant sur les
obligations alimentaires des époux et des ex-époux
Article 91. Le montant de la pension alimentaire perçue par les époux et les ex-époux par voie
judiciaire
En l’abscence de convention sur la pension alimentaire entre les époux (les ex-époux), le
montant de la pension alimentaire, perçue par l’époux (par l’ex-époux) est fixé par le juge
en fonction de la situation économique et matrimoniale des époux (des ex-époux) et des
98
autres intérêts des parties qui méritent considération, en somme fortifaire, versée
mensuellement.
99
ANNEXE V
Traduction de l’art. 42 du Code de la famille de la Fédération de Russie
100
ANNEXE VI
Traduction des extraits du chapitre 63 du Code civil de la Fédération de Russie
portant sur la succession légale
102
ANNEXE VII
Traduction de l’art. 572 du Code civil de la Fédération de Russie
103
BIBLIOGRAPHIE
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107
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JURISPRUDENCE RUSSE :
Cour Suprême de la Fédération de Russie, Chambre civile, l’arrêt № 5-в03-41 du 6 mai 2003
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Cour fédérale d’arbitrage du district de Moscou, la décision № КГ-А41/3492 du 16 juillet 2001
Сour supérieure d'arbitrage, la décision № 8284/98 du 27 avril 1999
Tribunal régional de Moscou, PrésidHYPERLINK
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SOURCES ÉLECTRONIQUES HYPERLINK
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108
TABLE des MATIÈRES
Remerciements p.3
Sommaire p.4
INTRODUCTION p.6
GÉNÉRALE
109
meubles qui y sont rattachés
§1. Le regard du droit français sur les revenus de travail des p.38
époux mariés sous régime légal
§2. Le regard du droit russe sur les revenus de travail des p.39
époux mariés sous régime légal
§1. Le regard du droit français sur les revenus des propres p.40
des époux mariés sous régime légal
§2. Le regard du droit russe sur les revenus des propres des p.41
époux mariés sous régime légal
110
§1. L’appartenance et la gestion des biens acquis à titre p.44
onéreux dans le droit français
111
CHAPITRE 2 CONTRIBUTION À LA DETTE p.58
112
CHAPITRE 2 L’OBLIGATION ALIMENTAIRE COMME MOYEN DE p.74
PROTECTION DU CONJOINT
113
§1. La protection du conjoint survivant par les règles p.84
légales des successions en France
CONCLUSION p.88
GÉNÉRALE
ANNEXES p.90
Annexe I p.92
Annexe II p.94
Annexe IV p.98
Annexe V p.100
Annexe VI p.101
Anne
114