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Résumé. – Les anomalies des arcs aortiques ont une origine embryologique commune ; elles peuvent
intéresser l’aorte, les vaisseaux de la racine aortique ou les artères pulmonaires.
Les formes cliniques sont variées ; elles peuvent être asymptomatiques, de découverte fortuite ou lors de
l’exploration d’une cardiopathie associée ; elles peuvent être symptomatiques très précocement, donnant
chez le nourrisson, soit des signes de compression œsotrachéale avec stridor, soit des signes d’insuffisance
cardiaque.
Les examens complémentaires affirment le type d’anomalie des arcs aortiques. La radiographie thoracique
permet une première approche de même que l’échocardiographie, mais il faut parfois s’aider de
l’angiocardiographie, de la tomodensitométrie et surtout, de l’imagerie par résonance magnétique. Les
formes symptomatiques nécessitent un traitement chirurgical précoce car le pronostic vital peut être en jeu.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : aorte, arc aortique, diverticule de Kommerell, stridor, sténose trachéale, artère pulmonaire
gauche rétrotrachéale.
Introduction Embryologie
Les anomalies des arcs aortiques sont connues depuis le XVIIIe siècle,
Les anomalies des arcs aortiques ont une origine embryologique
tout d’abord une description anatomique d’un double arc en 1737
commune : les arcs aortiques dérivés des arcs branchiaux.
par Hommel, puis la description radiologique pour le double arc en
1926 par Arkin et pour la sous-clavière droite rétro-œsophagienne Les arcs aortiques primitifs issus du sac aortique à la surface
en 1936 par Kommerell [19]. Il faut attendre 1939 pour la description ventrale de l’embryon sont au nombre de six, numérotés (en chiffres
clinique de double arc par Wolman ; la première correction romains) à partir de l’extrémité céphalique de l’embryon. Ils forment
chirurgicale est effectuée par Gross en 1945 (correction d’un double les connexions bilatérales entre les paires d’aortes ventrales et
arc aortique) [14]. dorsales.
Ces anomalies ont une embryologie commune qui réunit des formes Ils apparaissent et évoluent chacun de façon différente [11].
cliniques disparates. Certaines sont asymptomatiques et de Ainsi chez l’embryon de 3 mm, le premier arc aortique est
découverte fortuite, d’autres présentent des signes fonctionnels totalement formé alors que le deuxième arc est en voie de formation.
sévères dès la naissance à type de compression œsotrachéale. Le Le premier arc disparaît quand le troisième arc est formé et la
diagnostic, parfois évoqué cliniquement, est étayé par des examens disparition du deuxième arc correspond au développement complet
complémentaires, tout d’abord non invasifs, comme la radiographie du quatrième arc à la fin de la cinquième semaine. Chez l’embryon
thoracique standard, l’échographie, puis en cas de doute, d’examens de 4 mm, les troisième et quatrième arcs sont bien formés et
plus poussés comme l’œsophage baryté, l’endoscopie, commence l’ébauche du sixième arc ; quant au cinquième arc, il est
l’angiocardiographie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM). très fugace et disparaît rapidement.
C’est un des domaines de la cardiologie infantile où la radiologie
L’évolution de ces arcs est très variable ; les deux premiers arcs
est d’un précieux secours.
s’atrophient et contribuent uniquement à la formation de l’artère
Après un rappel embryologique nécessaire pour la compréhension maxillaire (premier arc) et de l’artère stapédienne (deuxième arc).
des différentes anomalies, sont envisagées les circonstances de Les troisièmes arcs donnent naissance aux axes carotidiens : artère
découverte, et sont détaillés les examens complémentaires. Puis dans carotide commune et portion proximale de la carotide interne. Les
l’ordre sont étudiées les formes cliniques symptomatiques du cinquièmes arcs régressent complètement. Les sixièmes arcs forment
quatrième arc, asymptomatique du quatrième arc, et les anomalies l’artère pulmonaire, ses branches et le canal artériel ; le sixième arc
du sixième arc (absence unilatérale d’artère pulmonaire, artère distal gauche donne le canal et l’artère proximale gauche ainsi que
pulmonaire gauche rétrotrachéale, artère pulmonaire droite ou le tronc d’artère pulmonaire ; le sixième arc proximal droit donne
gauche naissant de l’aorte), sans omettre les formes associées et de l’artère pulmonaire droite (fig 1). Quant aux quatrièmes arcs,
discuter les autres causes de compression trachéale dans les l’évolution est différente à droite et à gauche ; le quatrième arc
premiers mois de vie. gauche forme la partie de la crosse comprise entre la carotide
commune gauche et la sous-clavière gauche ; le quatrième arc droit
se coupe entre l’artère sous-clavière droite et l’aorte descendante ; le
segment persistant donne la portion proximale de l’artère sous-
Georges-Marie Brevière : Praticien hospitalier, service des maladies cardiovasculaires infantiles et
congénitales, hôpital cardiologique, centre hospitalier régional universitaire de Lille, boulevard du Professeur-
clavière droite, la portion distale de la sous-clavière droite et la sous-
J-Leclercq, 59037 Lille cedex, France. clavière gauche venant des septièmes artères segmentaires (fig 2).
Toute référence à cet article doit porter la mention : Brevière GM. Anomalies des arcs aortiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-940-D-80, 2003, 9 p.
11-940-D-80 Anomalies des arcs aortiques Cardiologie
IV
Circonstances de découverte
Elles sont variables, il peut s’agir d’une découverte lors du bilan
d’une cardiopathie, ou lors d’une radiographie faite de façon
VI systématique, par exemple dans le cadre d’une microdélétion 22q11,
mais souvent chez le nouveau-né et le nourrisson, ce sont les signes
de compression œsotrachéale qui attirent l’attention. Ces signes sont
3 représentés par le stridor et la dysphagie.
3
APD 4
4
5
Signes cliniques
5
6 6 STRIDOR
7 7
C’est le signe principal, très souvent précoce, dès la période
SCD 8 8 néonatale ; il est inspiratoire, s’exagérant aux cris, lors des repas et
9 s’aggravant lors des infections respiratoires. Ce stridor diminue lors
de l’hyperextension du cou par augmentation du calibre de l’anneau
constrictif d’où l’intérêt de mettre un « boudin » sous forme d’un
10 petit traversin cylindrique derrière le cou pour accentuer cette
hyperextension que l’enfant recherche spontanément. Ce stridor
peut se compliquer de crises d’asphyxie lors d’un repas, d’une
fausse route alimentaire, d’une surinfection trachéobronchique. Le
stridor en lui-même, inquiétant pour les parents, n’est pas une
1 Schéma représentant les arcs aortiques embryonnaires numérotés de I à VI avec re-
présentation des artères segmentaires dont la septième va donner naissance à la sous- indication à une chirurgie mais la crise d’asphyxie qui peut se
clavière droite (SCD). Les lignes en pointillés vont disparaître au cours de l’évolution. compliquer d’arrêt respiratoire, puis cardiaque, est une indication
APD : artère pulmonaire droite. formelle à la chirurgie, précédée ou non d’une intubation, intubation
qui est alors maintenue jusqu’à la chirurgie car l’extubation est très
difficile.
III Le stridor peut être majoré par une trachéomalacie ; il peut aussi
III
donner un syndrome asthmatiforme.
IV L’évolution de ce stridor est le plus souvent favorable par
IV diminution puis disparition progressive au cours de la deuxième
7
7 année de vie, avec cependant réapparition lors des épisodes
infectieux ; de plus, la trachéomalacie s’amende également par
rigidification de la trachée dès l’apprentissage de la marche.
VI
DYSPHAGIE
Secondaire à la compression œsophagienne, elle n’est pas toujours
AO AP évidente. Cliniquement, elle est loin d’être constante ; elle se
manifeste surtout lorsque l’alimentation devient solide avec des
troubles de la déglutition et des fausses routes alimentaires ; ceci
peut entraîner une hypotrophie staturopondérale [20].
Examens paracliniques
Un syndrome de compression trachéale ou œsotrachéale en période
néonatale et chez le nourrisson doit toujours faire rechercher une
2 Schéma représentant la fin de l’évolution des arcs aortiques. Les artères carotides anomalie des arcs aortiques. On commence par des examens simples
communes dérivent du troisième arc, le canal du sixième arc, les artères sous-clavières comme la radiographie standard, l’échocardiographie puis des
des septièmes artères intersegmentaires, enfin la région isthmique de l’aorte ainsi que examens plus élaborés comme l’œsophage baryté et enfin, si le
la portion toute proximale de la sous-clavière droite dérivent du quatrième arc. AO : diagnostic n’est pas évident, on a recours à la fibroscopie, à l’IRM, à
aorte ; AP : artère pulmonaire. l’angioscanographie, voire à l’angiocardiographie.
Les anomalies des arcs aortiques résultent, soit d’une coupure RADIOGRAPHIE THORACIQUE
anormale au niveau du quatrième arc, soit d’une anomalie au niveau
du sixième arc (anomalie des artères pulmonaires). Pour le ¶ Radiographie thoracique de face
quatrième arc, on peut expliquer la plupart des anomalies, soit par C’est l’examen de base ; elle permet de préciser le siège de la crosse
la régression d’un segment d’arc qui aurait dû persister, soit la aortique et de l’aorte thoracique descendante. Chez le jeune enfant,
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Cardiologie Anomalies des arcs aortiques 11-940-D-80
on s’aide surtout des signes indirects car l’aorte thoracique IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
descendante n’est pas toujours bien visualisée. Normalement, avant Elle permet, comme la TDM et l’angiocardiographie, de faire un
l’âge de 1 an, l’axe trachéal est dévié vers la droite ; cette déviation bilan anatomique précis mais elle n’est pas irradiante et réputée
est secondaire à la position de la crosse aortique normalement à comme non invasive ; cependant, lorsque l’examen doit être réalisé
gauche, si cet axe trachéal est médian ou, a fortiori, dévié vers la chez un nouveau-né et un nourrisson, il faut une prémédication
gauche, ceci est en faveur d’une crosse aortique à droite, elle-même poussée, voire une anesthésie générale ce qui limite actuellement
secondaire à une anomalie des arcs aortiques [30]. Un autre signe ses indications ; elle ne peut se faire que dans des centres bien
indirect est le déplacement vers la droite de la veine cave supérieure équipés. L’exploration se fait en IRM conventionnelle en écho de
et de la crosse de l’azygos. spin, en coupes axiale et frontale avec éventuellement coupes
sagittales et frontales obliques pour mieux visualiser la trachée ; les
¶ Radiographie thoracique en haute tension coupes sont de 3 à 5 mm d’épaisseur. On peut éventuellement
Elle analyse la trachée ; normalement, les bords trachéaux sont compléter l’examen par une séquence dynamique en ciné-IRM et
rectilignes et parallèles avec, chez le nourrisson, une discrète parfois injection de gadolinium. Les lecteurs liront avec intérêt le
compression antérieure par le tronc artériel brachiocéphalique, livre de Kastler (IRM des malformations cardiovasculaires)
compression physiologique. Une diminution localisée d’au moins un remarquablement illustré [17].
tiers du calibre de la trachée est évocatrice d’une compression L’IRM, outre les anomalies des arcs aortiques, permet également
trachéale et doit faire rechercher, en premier lieu, une compression d’analyser les anomalies cardiaques parfois associées (tétralogie de
d’origine vasculaire. Fallot, communication interventriculaire, canal artériel, etc). Il est
certain que, non pas à court terme mais à moyen terme, l’IRM sera
ŒSOPHAGE BARYTÉ
l’examen de référence et aura détrôné l’angiocardiographie et la
Il est resté longtemps un examen essentiel maintenant supplanté TDM, surtout avec les progrès de la technologie qui permettront
partiellement par l’IRM ; il doit être réalisé par des médecins des séquences rapides écourtant la durée de l’examen, et des progrès
expérimentés afin d’éviter les fausses routes, si possible en dans l’acquisition des images.
radiocinéma, l’œsophage étant en semi-réplétion. Cet examen a pour
Mais actuellement, l’IRM n’est pas encore accessible à tous les
but de rechercher des empreintes anormales ; on étudie alors le
services de pédiatrie. Devant une suspicion d’une anomalie des arcs
siège, la taille et la direction de l’empreinte, ainsi que son éventuelle
aortiques, la radiographie thoracique reste l’examen de base, étayée
pulsatilité. En fonction du siège et de l’orientation de l’empreinte, il
ensuite par la fibroscopie, l’œsophage baryté ou l’échocardiographie.
peut être possible d’affirmer le diagnostic d’anomalie des arcs
aortiques et parfois d’affirmer le type d’anomalie.
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11-940-D-80 Anomalies des arcs aortiques Cardiologie
4
Cardiologie Anomalies des arcs aortiques 11-940-D-80
7 Imagerie par résonance magnétique : visualisation d’un double arc aortique. Au 9 Imagerie par résonance magnétique
niveau de la flèche, on voit très bien la division de l’aorte ascendante en arc droit et arc avec reconstruction en trois dimensions :
gauche d’où naissent les artères carotides et sous-clavières respectives. sous-clavière gauche rétro-œsophagienne
(flèche) sur arc aortique droit.
parfois de ligament artériel gauche compressif, c’est la forme
classique de l’anomalie de Neuhauser. De plus, il peut exister une
sténose au niveau de l’implantation de la sous-clavière sur ce
diverticule, pouvant réaliser un vol sous-clavier. Enfin, le diverticule
de Kommerell peut devenir anévrismal entraînant une compression
œsotrachéale.
Les examens paracliniques affirment le diagnostic. À l’œsophage
baryté, l’arteria lusoria donne, de face, une image en baïonnette
oblique en haut et à droite, avec de profil, une empreinte postérieure
en D3, D4. L’angiographie n’est pas nécessaire au diagnostic ; elle
n’est réalisée que dans le bilan d’une cardiopathie associée. Enfin,
l’IRM montre, sur les coupes frontales, la naissance anormale de la
sous-clavière et son trajet oblique en haut pour aller vers le membre
supérieur (fig 8, 9).
L’anomalie de naissance de la sous-clavière ne donne que très
rarement un syndrome grave de détresse respiratoire ; le stridor à
lui seul n’est pas une indication opératoire et un geste chirurgical
dans ce type d’anomalie est exceptionnel ; il consiste en une section-
ligature de la sous-clavière associée à la section du canal artériel
avec parfois réimplantation du bout distal de la sous-clavière sur
l’aorte pour éviter un vol sous-clavier, surtout lorsque le diverticule
de Kommerell est anévrismal [1, 23].
¶ Aorte encerclante
Cette anomalie, appelée également aorte rétro-œsophagienne ou peut montrer une compression trachéale antérieure ; quant à
aorte circonflexe, correspond soit à un arc aortique droit avec aorte l’œsophage baryté, il met en évidence une empreinte volumineuse
descendante à gauche, soit à une anomalie encore beaucoup plus postérieure oblique, en bas et à gauche en regard de D5.
rare qui est un arc aortique gauche avec aorte descendante à droite. L’échographie peut parfois affirmer le diagnostic (fig 10). L’IRM en
Dans la forme habituelle avec arc aortique droit, la coupure de l’arc cas d’anomalie isolée ou l’angiocardiographie en cas de cardiopathie
gauche a lieu entre la carotide gauche et la sous-clavière gauche qui associée confirme le diagnostic en objectivant le trajet de l’aorte
est rétro-œsophagienne, l’aorte ascendante passe à droite de la encerclante. Le pronostic est bénin, l’indication opératoire
trachée et l’aorte descendante passe derrière l’œsophage, et descend exceptionnelle et consiste habituellement à couper le ligament
à gauche ou parfois en position médiane [26]. À cette anomalie peut artériel. Certains auteurs ont proposé de reposer la crosse aortique
s’associer un ligament artériel gauche qui va alors compléter en avant.
l’anneau vasculaire compressif qui est cependant souvent lâche. De
ce fait, cette malformation est le plus souvent asymptomatique, le
¶ Anomalie de naissance
stridor et la dysphagie sont rares mais cette anomalie est souvent
du tronc artériel brachiocéphalique
associée à une cardiopathie. La découverte est le plus souvent
fortuite ou lors du bilan d’une cardiopathie associée qui est le plus C’est le stridor qui peut faire découvrir cette anomalie qui est due à
souvent une tétralogie de Fallot. La radiographie thoracique de face une naissance anormale, trop à gauche, du tronc artériel
5
11-940-D-80 Anomalies des arcs aortiques Cardiologie
¶ Vol sous-clavier
Cette anomalie rare est le plus souvent méconnue si elle est isolée ;
sur le plan embryologique, on l’explique par une double coupure :
la première entre l’aorte descendante et la sous-clavière, et la
seconde entre la sous-clavière gauche et la carotide gauche ; la sous-
clavière gauche est ainsi isolée et lors de la fermeture du canal
artériel, cette artère n’est plus vascularisée que par l’artère vertébrale
a retro, réalisant donc un vol sous-clavier congénital. Cette anomalie
a aussi été appelée atrésie de la sous-clavière ou si le canal artériel
persiste, sténose congénitale de la sous-clavière. Ce vol sous-clavier
congénital est pratiquement toujours bien toléré chez l’enfant car le
reste du réseau artériel est normal. Cependant, il n’est pas
impossible qu’avec l’âge apparaissent des signes fonctionnels à type
d’ischémie cérébrale momentanée, signes pouvant être provoqués
ou aggravés lors des efforts au niveau du bras atteint. Ce vol sous-
clavier congénital est à rapprocher du vol sous-clavier acquis de
façon iatrogénique lors d’une intervention d’anastomose de type
Blalock-Taussig ou lors de certaines cures de coarctation où la sous-
clavière gauche, étant dans la région coarctée, est parfois sectionnée.
Cliniquement, dans ces vols sous-claviers congénitaux comme dans
les acquis, le pouls radial est plus faible du côté atteint avec parfois
une différence tensionnelle. Ce vol sous-clavier peut être affirmé à
l’échographie-doppler vasculaire des vaisseaux de la base ; ce n’est
que chez l’adulte, s’il y a des signes fonctionnels, que l’on peut
10 Échocardiographie en coupe parasternale transverse mettant en évidence l’aorte éventuellement proposer un geste chirurgical en rétablissant la
encerclante ; visualisation des valves aortiques (vao), de l’aorte ascendante (aoa) et de continuité entre cette artère sous-clavière et soit la crosse aortique,
l’aorte descendante (aod). soit la carotide homolatérale avec une prothèse. Il faut auparavant
réaliser une angiographie, soit conventionnelle, soit numérisée pour
brachiocéphalique. Il est maintenant démontré depuis de préciser la technique chirurgicale.
nombreuses années que chez le nourrisson, le tronc artériel
brachiocéphalique naît normalement à gauche de la trachée qu’il va ¶ Aorte cervicale
précroiser au niveau de la face antérieure [27]. Il est vrai que dans
certains cas, ce tronc artériel brachiocéphalique peut entraîner une C’est une malformation également peu fréquente qui correspond,
compression trachéale avec présence à la fibroscopie d’une encoche soit à la persistance du troisième arc primitif, soit à la non-descente
pulsatile. Classiquement, la compression de ce vaisseau par de l’arc aortique dans le thorax fœtal. Une aorte est dite cervicale si
endoscopie donne une abolition des pouls carotidien et radial droits elle dépasse le manubrium sternal. Cliniquement, le diagnostic peut
mais ce signe pathognomonique est rarement retrouvé. Il existe, être évoqué devant une tuméfaction battante dans le creux sus-
souvent associée, une trachéomalacie qui est le facteur le plus claviculaire, et souvent dans la région cervicale. Dans cette anomalie,
important dans l’apparition du stridor. Les troubles fonctionnels le plus souvent, la crosse aortique est à droite et l’origine des
s’amendent avec l’âge et l’IRM n’est que rarement pratiquée et vaisseaux de la base est fréquemment anormale avec soit sous-
encore moins l’angiographie. Dans les rares formes avec signes clavière gauche rétro-œsophagienne, parfois sténosée à son origine,
fonctionnels importants, on peut être amené à réaliser un geste soit associée à une coarctation. Cette anomalie est presque toujours
chirurgical : section et réimplantation du tronc artériel asymptomatique mais de façon exceptionnelle, une paralysie
brachiocéphalique sur la crosse aortique à droite ou plus rarement, récurrentielle peut s’y associer [8]. Les examens paracliniques de
suspension du tronc artériel brachiocéphalique au sternum. première intention comme la radiographie, l’œsophage baryté
mettent en évidence une crosse aortique anormalement haute, et une
ANOMALIES DES ARCS AORTIQUES empreinte œsophagienne postérieure large correspond à la crosse
ASYMPTOMATIQUES aortique. Si besoin est, on peut confirmer le diagnostic par l’IRM
objectivant le caractère cervical de la crosse. Aucun traitement
¶ Arc aortique droit avec disposition en « miroir » chirurgical n’est proposé devant le caractère bénin de l’anomalie. Il
des vaisseaux de la base aortique faut simplement rassurer le patient et sa famille sur le caractère
bénin de la tuméfaction pulsatile sus-claviculaire.
C’est l’anomalie des arcs aortiques la plus fréquente par atrésie du
quatrième arc gauche et coupure entre la sous-clavière gauche et
l’aorte descendante. Elle s’observe de façon habituelle dans le situs ¶ « Kinking » ou pseudocoarctation de l’aorte
inversus et peut se rencontrer en l’absence de situs inversus ; elle est Il ne s’agit pas à proprement parler d’une anomalie des arcs
alors presque toujours associée à une cardiopathie (truncus, aortiques ; c’est une déformation de la crosse aortique de part et
tétralogie de Fallot, communication interventriculaire, etc). d’autre de l’amarrage du ligament artériel avec un allongement
La disposition des vaisseaux de la base est en « miroir », c’est-à-dire excessif. Il existe donc une coudure avec un aspect en « marche
que naît tout d’abord de la crosse, le tronc artériel brachiocéphalique d’escalier » au niveau de la région isthmique. Cliniquement cette
gauche, puis la carotide droite et enfin, la sous-clavière droite [12]. Le anomalie simule une coarctation car il existe un souffle systolique
ligament artériel est le plus souvent à droite ; il n’y a donc pas au niveau de l’espace interomovertébral gauche mais les pouls
d’anomalie vasculoligamentaire autour de la trachée expliquant ici fémoraux sont très bien perçus ; il n’y a pas de différence
l’absence de signe fonctionnel. Le ligament artériel peut se situer à tensionnelle entre les différents membres. En cas de doute, l’IRM
gauche ; il n’y a pas non plus de possibilité de compression trachéale confirme l’image de kinking sans rétrécissement significatif de
si ce ligament réunit l’artère pulmonaire gauche à l’artère sous- l’aorte. L’artériographie, qui n’est plus réalisée, montrait les mêmes
clavière gauche. Sa découverte est le plus souvent radiologique images avec, au cathétérisme, l’absence de gradient entre l’aorte
montrant l’arc aortique droit avec déviation anormale de la trachée ascendante et l’aorte descendante. Cependant, cette anomalie doit
vers la gauche. L’échographie montre que le premier vaisseau de la être suivie car de temps à autre, le kinking peut évoluer avec l’âge
crosse est le tronc artériel brachiocéphalique gauche. Les examens vers une véritable coarctation ; il peut également s’associer à une
complémentaires sont les examens explorant la cardiopathie autre anomalie cardiaque (bicuspidie aortique, rétrécissement
associée : échocardiographie [3] et angiocardiographie. valvulaire aortique, etc).
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Cardiologie Anomalies des arcs aortiques 11-940-D-80
AO
APG
AP
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11-940-D-80 Anomalies des arcs aortiques Cardiologie
13 Échocardiographie en
coupe parasternale trans-
verse en petit axe visuali-
sant la naissance anormale
de l’artère pulmonaire
droite (APD) de l’aorte
(Ao).
L’échocardiographie peut parfois affirmer le diagnostic (fig 13) mais C’est l’endoscopie qui fait le diagnostic de ces diverses affections. Il
permet également d’éliminer un truncus, une fistule aorto- peut s’agir de sténose laryngée congénitale, plus ou moins sévère,
pulmonaire dont les tableaux cliniques sont très semblables. de diastème laryngé (fente postérieure laryngée ou
C’est l’angiocardiographie (fig 14) ou l’IRM qui affirme le diagnostic laryngotrachéale), de paralysie laryngée congénitale qui donne, dès
objectivant la naissance anormale de l’artère pulmonaire. la naissance, un stridor et qui souvent guérit spontanément.
L’angiocardiographie montre en plus l’importance du reflux La laryngomalacie peut être isolée et donner un stridor parfois
diastolique de l’aorte à la branche pulmonaire. intense ; le diagnostic est affirmé par fibroscopie et ce bilan de la
Si on n’agit pas rapidement chirurgicalement, l’issue est souvent laryngomalacie a pour but d’éliminer une pathologie associée
fatale et chez les rares survivants, il apparaît rapidement une comme une anomalie des arcs aortiques ou un reflux gastro-
hypertension artérielle pulmonaire obstructive par artériolite précoce œsophagien.
parfois dès l’âge de 6 mois.
Le traitement chirurgical est la réimplantation de l’artère pulmonaire HÉMANGIOME SOUS-GLOTTIQUE
anormale sur le tronc pulmonaire. Cette malformation vasculaire n’est pas fréquente mais il faut y
penser chez un nourrisson chez lequel apparaît, au bout de quelques
semaines, une laryngite ; cet hémangiome s’accompagne souvent
Diagnostic différentiel d’hémangiomes cutanés avec une localisation particulière, en
« barbe » (lèvre inférieure, menton, joue et cou). L’endoscopie
affirme le diagnostic et parfois l’IRM est effectuée pour apprécier
Chez un enfant de moins de 6 mois, devant un stridor ou des signes
l’extension en profondeur et dicter la conduite thérapeutique
respiratoires sévères ne régressant pas, il faut penser à une anomalie
(corticothérapie, laser, chirurgie, trachéotomie...).
des arcs aortiques mais il faut bien sûr éliminer les autres causes
malformatives qui sont nombreuses.
AUTRES CAUSES DE STRIDOR
COMPRESSION TRACHÉOBRONCHIQUE SECONDAIRE Nous ne ferons que citer les autres tumeurs laryngées : tumeurs
À DES MALFORMATIONS CARDIAQUES nerveuses, rhabdomyomes, tératomes, tumeurs kystiques (kystes
Une communication interventriculaire large avec un shunt gauche- bronchogéniques), papillomatose laryngée, corps étrangers du
droite important avec hyperdébit entraîne une augmentation de larynx où le syndrome de pénétration a pu passer inaperçu.
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Cardiologie Anomalies des arcs aortiques 11-940-D-80
Formes associées Enfin, on peut trouver de façon beaucoup plus rare d’autres
cardiopathies : canal atrioventriculaire, ventricule unique,
transposition des gros vaisseaux [22], communication interauriculaire,
Les anomalies des arcs aortiques sont peut-être plus fréquentes
naissance anormale de la coronaire gauche, atrésie tricuspide.
qu’on ne le croit, car nous l’avons vu, il existe de nombreuses formes
isolées, asymptomatiques. Mais ces anomalies sont, en fait, assez
SYNDROMES ASSOCIÉS
souvent associées, soit à des cardiopathies, soit à des syndromes,
soit aux deux. Il s’agit essentiellement de la microdélétion du chromosome 22q11 :
c’est le syndrome de Di George ou un syndrome apparenté comme
CARDIOPATHIES ASSOCIÉES le syndrome vélo-cardio-facial de Shprintzen ou le CATCH 22.
La cardiopathie la plus fréquemment associée est la tétralogie de Ainsi, une interruption de la crosse aortique de type B est observée
Fallot ; 25 % des tétralogies de Fallot ont un arc aortique droit mais chez 90 % des enfants portant la microdélétion 22q11 [21]. De même,
toutes les autres anomalies des arcs peuvent se rencontrer. D’autres 50 % des enfants porteurs d’une microdélétion 22q11 dans notre
cardiopathies sont fréquemment associées à une anomalie des arcs : série ont des anomalies des arcs aortiques, soit isolées, soit associées
communication interventriculaire, canal artériel, truncus, atrésie à une cardiopathie le plus fréquemment Fallot, truncus, atrésie
pulmonaire à septum ouvert, coarctation de l’aorte. Nous faisons pulmonaire à septum ouvert.
une place à part à l’interruption de l’arc aortique qui est une De ce fait, tout enfant même asymptomatique présentant une
anomalie des arcs aortiques mais que l’on peut considérer comme microdélétion 22q11 doit avoir une recherche d’anomalie des arcs
une forme extrême de coarctation avec une communication aortiques en commençant par les examens non invasifs
interventriculaire et un canal artériel. On en distingue trois formes (radiographie thoracique, échocardiographie).
anatomiques : le type A (interruption après la sous-clavière gauche), De façon beaucoup plus rare, dans la neurofibromatose de von
le type B (interruption après la carotide gauche), le type C, très rare Recklinghausen peuvent être observées des anomalies des arcs
(interruption après la carotide droite). aortiques à type d’aorte encerclante ou d’absence d’une artère
Une anomalie associée est également fréquemment rencontrée ; c’est pulmonaire (observations personnelles).
la veine cave supérieure gauche anormale se jetant dans le sinus Ont été également rapportées de rares associations avec le syndrome
coronaire. de Holt-Oram et avec l’achondroplasie et aussi la trisomie 18 [9].
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