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sino-indien
Christophe REVEILLARD*
Le cadre de la compétition entre les deux grandes puissances asiatiques est éga-
lement indissociable d’une histoire fortement marquée par la lutte idéologique,
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constater que de façon très classique, l’inégalité est aussi géographique entre régions
rurales et celles urbanisées autour desquelles se sont développés pôles d’excellen-
ce et application de la révolution verte et donc où ont été privilégiées les travaux
d’équipements et d’infrastructures. Sa dépendance énergétique est proportionnée
à sa croissance économique et, par exemple, sa consommation de pétrole est cinq
fois supérieure à sa production. Enfin, la corruption de la bureaucratie indienne
est notoire qui a pu freiner certains investissements étrangers. Il est intéressant de
confronter les équivalences et les irréductibilités existantes entre les économies et les
questions sociales en Chine et en Inde3.
L’Inde, Etat fédéral démocratique, possède l’une des plus grandes dispersions
ethnico-religieuses au monde, gros facteur de déstabilisation à partir de trois princi-
paux foyers insurrectionnels, Cachemire (sécession musulmane), Pendjab (sécession
sikh) et le Nord-Est de l’Inde avec différents groupes autonomistes. Ces territoires
connaissent une violence endémique (attentats, émeutes, massacres interethniques
ou interconfessionnels) et le gouvernement indien doit y engager 400 000 soldats
pour la sécurité intérieure. La crédibilité de la puissance chinoise passe par le même
prisme de la capacité à résoudre les problèmes intérieurs tenant tant à la disparité
du développement Chine du littoral/ Chine intérieure qu’aux mouvements insur-
rectionnels tibétains ou ouïghours.
Au niveau régional, l’Inde est cernée de pays d’une très grande pauvreté, ce qui
ne facilité pas la synergie industrielle et commerciale qu’aurait créée l’existence de
marchés complémentaires et le développement des échanges. Le Pakistan connaît
une évolution de pays sous-développé (80 % de la population sous le seuil de pau-
vreté, urbanisation et infrastructures limitées, disparités régionales, faible niveau
de formation, budget militaire disproportionné), qui ne doit son salut que dans
les aides internationales (dopées par la volonté des Etats-Unis) et les perspectives
de ses richesses énergétiques potentielles. Les autres pays de la région, Sri Lanka,
Bangladesh, Népal, Bhoutan et Maldives sont plongés dans un marasme économi-
que et s’accrochent à leur lien de dépendance avec l’Inde.
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contrôle » (LOC), les seconds constituant une pomme de discorde potentielle plus
ou moins récurrente entre Chine et Inde en raison de l’imprécision de la délimita-
tion territoriale de l’Aksaï Chin à l’Ouest et l’Arunachal Pradesh à l’Est. Cependant,
la question des frontières himalayennes ne constitue plus une raison suffisante de
conflit entre deux pays détenteurs d’une force de dissuasion. De plus, en juin 2003,
lors de la première visite d’un Premier ministre indien en Chine depuis 10 ans, une
déclaration commune fut signée qui voyait l’Inde reconnaître la souveraineté de la
Chine sur le Tibet, et la Chine la possession du Sikkim à l’Inde.
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Chine reste ainsi le seul représentant de l’Asie et du Tiers-monde dans son ensemble
au Conseil de sécurité »4.
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Bibliographie sommaire
- Sophie Boisseau du Rocher (dir.), Asie, dix ans après la crise, études de la documentation française,
édition 2007-2008, Asia Centre, Centre études Asie/ la documentation française, 2007
- Isabelle Cordonnier et Bruno Tertrais : L’Asie nucléaire, IFRI, 2001
- Guy Faure (dir.), Nouvelle géopolitique de l’Asie, Ellipses, coll. « Référence Géopolitique », 2005
- Pascal Gauchon (coord.), Inde, Chine à l’assaut du monde, Rapport Antheios 2006, puf, coll. «
Major », Paris, 2006
- François Godement, Sophie Boisseau du Rocher (dir.), Asie. Entre pragmatisme et attentisme,
études de la documentation française, édition 2006-2007, la Documentation française, Paris,
2006
- Christophe Jaffrelot (dir) : L’Inde contemporaine, Fayard (nouvelle édition 2006)
- Sunil Khilnani : L’idée de l’Inde, Fayard, 2005
- Eric Nguyen, L’Asie géopolitique, Studyrama, 2006
- Jean-Pierre Paulet, L’Asie : nouveau centre du monde ?, Ellipses, 2005.
- Jean-Luc Racine, « L’Inde et l’ordre du monde », Hérodote, n° 108, 2003, pp. 91-112
- Jean-Luc Racine, « L’Inde, l’Europe, le monde : une politique étrangère pragmatique », La revue
internationale et stratégique, n°59, automne 2005, pp. 95-105
Notes
1. Puisque évidement le « jeu » géopolitique asiatique se joue à l’échelle mondiale entre Chine,
Inde, Etats-Unis et Japon.
2. Le Traité de non prolifération nucléaire (TNP), signé en 1968 par le Royaume-Uni, Les Etats-
Unis et l’URSS et rejoint par de nombreux autres pays, fut prolongé en 1995 pour une durée
illimitée. Ce traité interdit la prolifération nucléaire, favorise le désarmement de ceux qui en
possèdent déjà et l’utilisation du nucléaire à des fins strictement civiles. La quasi-totalité des
pays ont signé et ratifié le traité (dont les 5 puissances nucléaires officielles : Etats-Unis, Russie,
Chine, Royaume-Uni, France) à l’exception d’Israël, de l’Inde et du Pakistan. Ces trois pays
sont détenteurs de l’arme nucléaire. La Corée du Nord a annoncé en 2003 son désir de se retirer
du TNP. Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN ou Comprehensive Test
Ban Treaty) vise à limiter la prolifération nucléaire par l’interdiction des essais nucléaires. Il a
été signé par les cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité mais le Sénat américain refuse
encore à ce jour de le ratifier. Le traité a été ratifié par les parlementaires de Russie en avril 2000.
En revanche, des pays comme l’Inde et le Pakistan n’ont toujours pas signé le traité.
3. vr. Notamment Géostratégiques n°XVII, « La Chine », septembre 2007.
4. Patrice Touchard « Retour vers la puissance » in Pascal Gauchon (coord.), Inde, Chine à l’assaut
du monde, Rapport Antheios 2006, Puf, coll. « Major », Paris, 2006, p. 102.
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