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Jasmine KENNICHE

Rapport d’étude

Semestre 6 – cycle licence


Septembre 2006

Le dessin perspectif,

comme outil de la conception architecturale

à travers l’analyse de 4 villas de Le Corbusier.

Directeur d’étude : Pierre DAVID


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille
Je tiens à remercier mon directeur d’étude, Pierre David pour ses conseils
ainsi que la bibliothèque de la Fondation Le Corbusier pour sa documentation.

1
2
Sommaire

INTRODUCTION 5

1. LA RECHERCHE PERMANENTE D’UNE PROMENADE ARCHITECTURALE


DANS L’EXPRESSION DES DESSINS PERSPECTIFS.

1.1. LA VILLA LA ROCHE JEANNERET A PARIS 9

1.2. LA VILLA STEIN A GARCHES 21

1.3. LA VILLA BAIZEAU A CARTHAGE 29

1.4. LA VILLA SAVOYE A POISSY 33

2. LES PRINCIPES DECOUVERTS A L’OCCASION DE LA REPRESENTATION DE


LA PROMENADE ARCHITECTURALE .

2.1. LES 5 POINTS D’UNE ARCHITECTURE NOUVELLE 39

2.2. LES 4 COMPOSITIONS 42

3. L’ANTERIORITE DU DESSIN DANS L’ELABORATION CHRONOLOGIQUE


DES PRINCIPES ?

3.1. CHRONOLOGIE ET EVOLUTION DES ESQUISSES 46

3.2. TABLEAU RECAPITULATIF METTANT EN RAPPORT LE TEMPS, LES ETAPES


DE TRAVAIL ET LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE 48

CONCLUSION 51

3
4
INTRODUCTION

L’architecture, comme de nombreux arts prend en compte le temps,


nouvel élément introduit par la théorie de la relativité et tente de
s’inscrire dans le continuum espace temps d’Einstein.
L’espace moderne, ouvert, est un espace en expansion, il se répand
dans toutes les directions, (y compris le temps).

En effet, l’architecture moderne a su développer un langage abstrait


correspondant à une nouvelle conception de l’espace et de la façon de
l’habiter.

Selon Michaël Léonard 1, cet « espace moderne » est créé dès qu’on
commence à l’imaginer.
Par exemple, on peut créer un volume cubique de plusieurs façons en
l’imaginant mentalement par expérience : soit quatre poteaux, soit un
mur et deux poteaux, soit deux murs face à face, soit un plancher et un
plafond, etc.
Lorsque l’on combine plusieurs espaces, on peut avoir différentes
« densités ». Ces différentes « densités » coordonnent la direction du
mouvement et nous procurent différentes sensations.

Schéma de la création du mouvement provoqué par des densités


différentes d’espace.2

Quand on dispose deux espaces en diagonale, en faisant qu’ils se


superposent, on crée un mouvement de complémentarité.

Schéma de la combinaison de deux espaces créant un lien dynamique. 3

11
LEONARD Michael, « Humanizing space », Progressive architecture, Revue bimensuelle, New York, avril
1969, p. 128- 133
2
LEONARD Michael, « Humanizing space », Progressive architecture, Revue bimensuelle, New York, avril
1969, p. 128- 133
3
LEONARD Michael, « Humanizing space », Progressive architecture, Revue bimensuelle, New York, avril
1969, p. 128- 133
5
De la même manière, lorsque l’on combine plusieurs espaces, on
provoque un effet de mouvement circulaire dont l’axe de rotation est le
centre de gravité de l’ensemble des espaces.

Schéma de la création d’un mouvement circulaire4

L’architecte moderne a su et a pu définir un espace dynamique en


utilisant ces effets psychologiques.

Lors d’un entretien avec des étudiants Le Corbusier affirme :

« L’architecture se marche, se parcourt et n’est point, comme selon


certains enseignements, cette illusion toute graphique organisée
autour d’un point central abstrait qui se prétendrait homme, un homme
chimérique, muni d’un œil de mouche et dont la vision serait circulaire.
Cet homme n’existe pas et c’est par cette confusion que la période
classique amorça le naufrage de l’architecture. Notre homme est, au
contraire muni de deux yeux placés devant lui à 1, 60 m au dessus du
sol et regardant au devant.
Réalité de notre biologie, qui suffit à condamner tant de plans faisant
la roue autour d’un pivot abusif.
Muni de ses deux yeux et regardant devant lui, notre homme marche, se
déplace, livré à ses occupations, enregistrant ainsi le déroulement des
faits architecturaux apparus à la suite l’un de l’autre.
Il en ressent l’émoi, fruit de ses commotions successives.
Si bien qu’à l’épreuve les architectures se classent en mortes ou en
vivantes selon que la règle du cheminement n’a pas été observée, ou
qu’au contraire la voilà brillamment exploiter. »5

En effet, la connaissance d’un espace est liée à une série d’expériences.


Lorsque l’homme s’intègre à un espace architectural, il crée une
relation intime entre son corps et l’espace donné. Le corps prend alors
place dans l’espace afin de mieux le connaitre.
Ce lien entre le corps et l’espace parcouru s’exprime dans la promenade
architecturale. Elle définit les rapports entres ces deux éléments.
Lors de la conception, l’architecte est en quête d’une spatialité
dynamique amenant à la promenade architecturale.
Cette quête, Le Corbusier la manifeste clairement dans ses œuvres.

4
LEONARD Michael, « Humanizing space », Progressive architecture, Revue bimensuelle, New York, avril
1969, p. 128- 133
5
Le Corbusier, entretien avec les étudiants des écoles d’architecture, Ed de minuit, 1957
6
Afin de pouvoir retranscrire le mouvement de la promenade
architecturale, l’architecte suit un processus de conception personnel.
Pour développer son projet, il bénéficie d’outils multiples (la maquette,
la coupe, le plan, le dessin à main levé.)
Le dessin à main levée qu’il soit en plan ou en perspective est
l’expression première de la pensée d’un architecte. Ce dernier visualise
ses intentions majeures par un trait de crayons libre et en même temps
spécifique à chaque architecte. Le dessin et plus précisément le croquis,
est considéré comme partie intégrante des activités de conception. Il est
défini comme l’outil prépondérant de la pensée.
Par exemple, le trait de Frank Lloyd Wright est issu des Beaux Arts,
celui de Mies Van Der Rohe se caractérise autour de l’industrie, quant à
celui de Le Corbusier il est emprunt d’une simplicité enfantine.6
Cependant sa simplicité est des plus expressive et appelle un
questionnement.

Comment dans le processus de conception d’un projet, Le Corbusier


arrive à un parti architectural aussi radical créant du même coup une
architecture qui va révolutionner le domaine de l’habitat domestique ?
Comment Le Corbusier a-t-il élaboré les principes de l’architecture
moderne ?
Nous savons que ces esquisses sont révélatrices de ses pensées.
Néanmoins, n’est ce pas le dessin qui a permis à Le Corbusier
d’élaborer sa pensée ?

A travers l’étude des 4 villas de Le Corbusier, la Villa Roche à Auteuil,


la Villa Stein à Garches, la Villa Baizeau à Carthage, la Villa Savoye à
Poissy, j’analyserai dans une première partie comment le dessin devient
pour Le Corbusier un moyen de se déplacer dans ses œuvres et de se
projeter. Puis j’énoncerai les principes d’une architecture nouvelle. Et
enfin, une étude chronologique tentera de prouver que les 5 points et les
4 compositions sont les éléments mis en place depuis les dessins
perspectifs que Le Corbusier a réalisé.

6
Cette idée est tirée de l’ouvrage de Karim BASBOUS, Avant l’œuvre, essai sur l’invention architecturale, Les
éditions de l’imprimeur, collection Tranches de villes, p.145-146

7
8
1. LA RECHERCHE PERMANENTE D’UNE PROMENADE
ARCHITECTURALE DANS L’EXPRESSION DES DESSINS
PERSPECTIFS.

1.1. LA VILLA LA ROCHE JEANNERET A PARIS - 1923

1.1.1. Présentation

La maison étudiée en 1923 pour Raoul La Roche et Albert Jeanneret à


Auteuil marque un seuil dans la réflexion architecturale de Le
Corbusier.
Ce projet marque le début d’une recherche contemporaine. A partir
d’octobre 1923, Le Corbusier révise les principes selon lesquels il avait
conçu jusque là les habitations.
Le stéréotype de la maison est alors bousculé.

Par ailleurs, la séquence des espaces intérieurs culmine, l’ensemble de


la composition du projet est pensé en fonction d’un concept nouveau, la
« promenade architecturale » :
« on entre : le spectacle architectural s’offre de suite au regard : on
suit un itinéraire et les perspectives se développent avec une grande
variété ; on joue avec l’afflux de la lumière, éclairant les murs ou
créant des pénombres. Les baies ouvrent des perspectives sur
l’extérieur où l’on retrouve l’unité architecturale. » Le Corbusier

9
1.1.2. Description à l’aide des perspectives

1.1.2.1. Premières esquisses

Villa La Roche-Jeanneret. Une des deux variantes pour une grande


maison (pour Mr Sarmiento ?), rue du Dr Blanche, circa 29 mars 1923
(FLC 15135)

10
Les dessins soignés de ce premier projet, étaient destinés à
impressionner la banque et probablement des clients éventuels, plutôt
qu’à répondre à la commande d’un client en particulier.

La marquise incurvée au dessus de l’entrée, la vue du hall d’entrée avec


son maître d’hôtel, et enfin les vues du salon tendent à donner l’image
du chic moderne.
De part sa prise de vue, la 1 ère perspective tend à montrer le toit
terrasse, dispositif déjà introduit quelques années auparavant dans les
perspectives des maisons Citrohan.
La façade non homogène compte différents types d’ouvertures de part
la forme et la taille.
Dans le second croquis, bien que le dallage fuit vers le fond, la seule
échappée possible va vers l’extérieur.
Le Corbusier semble introduire par la perspective un lien visuel entre
l’intérieur et l’extérieur.
Dans ce 3ème croquis, Le Corbusier met en place un élément
fondamental à la promenade architecturale : la rampe.
Celle-ci nous guide vers l’étage supérieur.
La présence de la baie vitrée dans le séjour marque une véritable
intention de communication entres les espaces.
En effet, ces premières esquisses relèvent de la recherche. Le Corbusier
semble vouloir mettre en place de nouveaux éléments dans l’espace
domestique.

11
12
1.1.2.2. Esquisses 7-10 mai 1923

Villa La Roche-Jeanneret. Vue à vol d’oiseau, projet pour trois maisons


(Lotti Raaf, M. Motte, Sigismond Marcel), 7 – 10 mai 1923 (FLC
15111)

On remarque que la façade a véritablement évoluée au 1er étage.


Un module vitré est répété sur toute la longueur de la façade formant
ainsi une bande horizontale communiquant avec l’extérieur.
La plupart des dispositions clefs du projet achevé, du moins pour
l’extérieur étaient esquissée dans cette période.
La 1ère perspective représente une maison dont le volume forme une
unité positionnée en longueur sur la parcelle avec un retour en bout de
terrain.

13
Villa La Roche-Jeanneret à Auteuil. Projet de quatre maisons (pour
Lotti Raaf, Sigismond Marcel, et deux autres clients), perspectives, mai
1923 (FLC 15113)

Villa La Roche-Jeanneret à Auteuil. Projet de quatre maisons (pour


Lotti Raaf, Sigismond Marcel, et deux autres clients), perspectives, mai
1923 (FLC 15113)

14
Villa La Roche-Jeanneret à Auteuil. Projet de quatre maisons (pour
Lotti Raaf, Sigismond Marcel, et deux autres clients), perspectives, mai
1923 (FLC 15113)

Dans la perspective intérieure du salon, Le Corbusier semble avoir


clairement introduit l’un des 5 points, la fenêtre en longueur.
Alors qu’elle n’était qu’un essai dans les 1ères esquisses, on sent ici
qu’elle est l’élément fondamental du croquis. Les meubles ne sont
dessinés que pour rendre l’espace domestique habité.
Les terrasses prennent une place très importante dans ces esquisses.
Contrairement aux 1ères esquisses de mars 1923, le toit est décomposé,
ce qui permet des terrasses privatives séparées les unes des autres.
Il s’agit ici d’une vision depuis l’intérieur vers l’extérieur, depuis
l’intérieur vers une autre terrasse, depuis une terrasse vers une autre
terrasse.
Il ne semble plus y avoir de limite intérieur extérieur. L’accent est mis
sur les échappées visuelles.
15
1.1.2.3. Esquisses juillet 1923

Villa La Roche-Jeanneret. Plans de niveau R et R+1 et perspectives


intérieures de la maison La Roche, projet des quatre maisons, juillet
1923 (FLC 15254)

16
Les plans pour les maisons La Roche et Marcel de juillet et août
apportent de grandes innovations dans le travail de Le Corbusier et font
prévoir les développements ultérieurs.
Au lieu d’enclore l’arbre dans une cour ouverte, l’arbre est réellement
enfermé sur l’axe d’un escalier en spirale.
Deux dessins montrent comment la chose aurait été réalisée. On voit
pour la 1ère fois une façade incurvée sur l’aile de la galerie de la maison
La Roche. De plus, les plans détaillés et les croquis commencent à
déployer le vocabulaire propre à la maison du collectionneur.

La première perspective croquis montre l’entrée de la villa La Roche.


Effectué à partir d’un point de vue frontal, ce croquis nous accroche
immédiatement par sa dynamique. A peine sur le pas de la porte, Le
Corbusier nous invite déjà à la parcourir. La rampe courbe, « ce volume
galbé »7 qui s’offre au visiteur implique inévitablement l’ascension du
corps.

La fenêtre en arrière plan, permet une échappée visuelle sur le paysage


extérieur qui se trouve être naturel.

Le second croquis, reprend en premier plan le dispositif de la rampe.


Cependant, cette fois-ci, nous sommes au cœur de l’intention de
l’architecte, nous parcourons la villa. Alors que dans le premier croquis
nous n’étions que des spectateurs, dans cette seconde étape nous
sommes acteurs. Nous montons la rampe, le regard s’échappe vers
l’extérieur. Nous pouvons toujours visualiser en contrebas l’entrée.
A mi chemin, le premier niveau se développe en arrière plan. Voilà le
lieu vers lequel Le Corbusier nous a guidé.

Ce lieu figuré dans le troisième croquis représente la salle à manger,


espace de vie majeur. De nouveau, Le Corbusier y crée une échappée
visuelle sur l’extérieur.
Le point de fuite nous dirige vers un coin cheminée. Derrière la
cheminée se dessine le mouvement de la rampe. Dans ce croquis, le
Corbusier semble-nous inviter à redescendre. Cette dynamique est
également représentée avec le mur courbe situé à la sortie de rampe.

7
SBRIGLIO, Le corbusier, les villas La Roche Jeanneret, p 62
17
1.1. 3. Analyse

La composition de cette villa oppose un prisme élaboré et dual, attaché


au sol, à un objet unitaire et suspendu.
Sa forme et sa situation rendent la galerie contournable, comme une
sculpture. A la fois rigide par sa position frontale, elle renvoie à une
certaine fluidité du prisme.
La forme en équerre suppose l’opposition totale des deux branches :
situation par rapport à la rue (dans l’axe / sur le côté), fonction
(culturelle / physiologique), forme (courbe / prisme), hiérarchie (unicité
/ pluralité)
La façade du prisme, elle même hiérarchise et oppose les espaces :
-en haut : répétition d’un même percement, petit et carré, marquant la
privatisation.
-au milieu : un seul percement occupe toute la longueur assurant la
continuité horizontale et l’ouverture de l’espace en même temps qu’une
rupture verticale
- en bas : des percements variés occupent toute la longueur comme des
signes de subordination
Tous ces éléments marquent une symétrie générale importante.

Néanmoins les deux grandes baies s’opposent à chaque extrémité d’une


diagonale dénotant la dualité du bâtiment et la différence de statut des
baies.

L’utilisation des lignes de forces de la figure (courbure de la galerie,


diagonale provoqué par l’inversement des baies), conduit le visiteur
vers l’entrée.
Bien qu’en retrait par rapport à la rue, cette entrée est mise en valeur
par sa position à l’angle de l’équerre.

A l’intérieur, le parcours fonctionnel est séquentiel : il évite les boucles


et impose des interpénétrations et des continuités d’espaces.
Le hall est un centre vide, parcouru d’objets et de tensions, d’axes, qui
se refusent à la centralité.
La villa est conçue pour la recherche de la lumière.
Les espaces s’étirent pour atteindre les sources lumineuses puis
s’enroulent devant elles.
La stabilité extérieure fait place à un dynamisme interne.
En effet, la discontinuité visuelle s’oppose à la continuité spatiale.

Par rapport à ces directions, le hall est l’espace qui contient le centre.
D’où le traitement de son volume, et de ses parois,
Les parois jouent le rôle de filtres, soit accueillant, soit dissuadant.
L’articulation des espaces se situe aux angles du hall et nécessite la
participation active du mur.

Des fragments de parcours se mettent en place sans qu’une continuité


puisse être établie. Les plans, en indiquant les directions, masquent le
parcours réel.

Le mur agit comme limite dans toutes les directions (entre le haut et le
bas comme entre le devant et le derrière)
Il devient donc un élément dense, autonome, un espace.
18
Le mur, cesse d’être une frontière pour devenir un lieu de passage. Le
parcours dans la maison est une véritable ascension du mur.
Ainsi, le mur ne se limite pas à son plan mais inclut escalier, passerelle
et balcon qui en permettent l’ascension.
L’espace du mur est dissocié du plafond qui pèse et comprime le
volume.
Le mur, libéré de sa fonction porteuse verticale, devient un élément de
continuité oblique, épais, s’opposant au mur d’en face, dont la
continuité horizontale est assurée par les percements et au mur porteur
vertical.
La courbure du mur, grâce à la lumière uniforme qui le frappe et aux
ombres propres qui en résultent, accentue la ligne oblique de la rampe.

Par ailleurs, la séquence des espaces intérieurs culmine, l’ensemble de


la composition du projet est pensé en fonction d’un concept nouveau, la
« promenade architecturale » : « on entre : le spectacle architectural
s’offre de suite au regard : on suit un itinéraire et les perspectives se
développent avec une grande variété ; on joue avec l’afflux de la
lumière, éclairant les murs ou créant des pénombres. Les baies ouvrent
des perspectives sur l’extérieur où l’on retrouve l’unité
architecturale. » Le Corbusier

Ainsi à travers ces esquisses, Le Corbusier semble mettre en place ses


intentions au fur et à mesure qu’il dessine. Il introduit petit à petit les
éléments de la promenade architecturale par le dessin.
Le dessin semble devenir un outil de conception du projet.

19
20
1.2. LA VILLA STEIN A GARCHES – 1927

1.2.1. Présentation

La villa « Les Terrasses », est construite à Garches sur un terrain


aujourd’hui rattaché à Vaucresson. Elle est destinée à la fois à Michael
Stein, frère de l’écrivain Gertrude Stein, à son épouse, Sarah, et à
Gabrielle de Monzie.

1.2.2. Description à l’aide des perspectives

1.2.2.1. Esquisses préparatoires pour le projet du 20 juillet 1926

Villa Stein de Monzie. Perspective vue à vol d’oiseau, dessins


préparatoires pour le projet du 20 juillet 1926 (FLC 10514)

21
Villa Stein de Monzie. Perspective nord, dessins préparatoires pour le
projet du 20 juillet 1926 (FLC 10514)

Villa Stein de Monzie. Perspective sud, dessins préparatoires pour le


projet du 20 juillet 1926 (FLC 10514)

22
Villa Stein de Monzie. Perspective de la bibliothèque et du salon,
dessins préparatoires pour le projet du 20 juillet 1926 (FLC 10514)

Villa Stein de Monzie. Perspective du jardin surélevé, dessins


préparatoires pour le projet du 20 juillet 1926 (FLC 10514)

23
La qualité de ces dessins laisse supposer que ce projet du 20 juillet était
une proposition sérieuse. L’ensemble de la série est destiné aux clients
pour accélérer leur décision.
Le Corbusier semble à ce stade peu porté d’attention aux points délicats
de l’organisation spatiale pour élever le degré d’émotion par
l’organisation scénographique de la promenade architecturale autour
d’une série de terrasse reliées entres elles. L’extravagant usage de
l’espace fait éclater les limites de la boîte pour refouler les fonctions de
services dans une aile distincte.

Le Corbusier légenda ainsi le dessin, en 1959 :


« ce document (le dessin est l’original) exprime le premier
épanouissement de l’effort (modeste, mais passionné) de 1918-1925.
Premier cycle d’une nouvelle architecture manifestée, c'est-à-dire
épanouie, ouverte au regard comme à l’esprit (poésie, technicité,
biologie, échelle humaine). J’ai revu cette semaine Garches, après 32
années, blanche (dedans et dehors) derrière les arbres. C’est une
apparition exquise, le qualificatif se justifie ici. Ce document ci est un
témoin décisif.8

La « promenade architecturale » qu’on entreprend dans ces croquis ne


résulte pas des mêmes rapports que ceux présents dans le projet
définitif.

Après avoir monté l’escalier, le parcours mène à l’étage 1 .La terrasse


s’offre alors au regard.
Le croquis 4 est réalisé depuis cette terrasse.
Le Corbusier montre qu’il faut marcher autour de la villa tout en étant
dans la boîte. L’escalier adossé à la façade nous guide jusqu’à une baie
qu’il traverse pour se poursuivre à l’extérieur de l’enveloppe. La
promenade apparait véritablement comme une continuité.

La limite intérieure extérieure n’est plus perceptible. On passe du


dedans au dehors sans éléments de rupture imposants.
Seul un poteau marque la frontière.
Les vues se multiplient ainsi que les sensations.

Le croquis 3 se caractérise en son centre par une trémie. Le Corbusier


semble diriger l’espace à l’aide d’éléments qui peuvent apparaitre
comme secondaires. Comment ne pas être tenté de s’avancer et
d’observer l’espace en contrebas ? Le Corbusier dynamise sa
représentation par les jeux d’échappées. Pour cela, il repousse les
parois. Ainsi le regard mais surtout le corps se déplace dans les espaces
latéraux. Des fenêtres en longueur fuient de part et d’autre, nous
invitant à continuer notre cheminement.

8
Le Corbusier, Paris, 25 juillet 1959
24
1.2.2.2. Axonométrie de novembre et décembre 1926

La série suivante de dessins, qu’on peut dater de décembre 1926,


témoigne qu’on a beaucoup travaillé sur le détail précis des
aménagements intérieurs et apporte une innovation d’une importance
cruciale.
La façade Nord est presque dans sa forme définitive, les fenêtres en
longueur allant d’un bout à l’autre.
Cependant la façade Sud reste contrastée. Ce n’est qu’entre janvier et
mars que Le Corbusier va rationnaliser l’ensemble du projet en donnant
le même traitement à la façade Sud qu’à la façade Nord.

Villa Stein de Monzie, Axonométrie. Projet des 16-17 décembre 1926


d’après les dessins de Le Corbusier (FLC 10573 et 10574).9

9
Cette axonométrie est tirée de l’ouvrage de BENTON T., Les villas de Le Corbusier et Pierre Jeanneret 1920-
1930. Ed. Sers, 1984

25
1.2.3. Analyse

La villa Stein est la première composition caractéristique de la


conception de l’espace architecturale moderne chez le Corbusier.
Selon Kenneth Frampton Le Corbusier réussit dans la Villa Stein « à
réconcilier le domaine privé de la commodité moderne avec la façade
publique de l’ordre architectural (…) grâce aux déplacements permis
par l’intervention du plan libre ».10

En effet, à l’intérieur du « prisme pur » on retrouve à la fois les lieux


habituels (salle à manger, salon, chambre) et une certaine dilatation de
l’espace peu conventionnelle.
La villa Stein est un volume constitué de vides et de pleins qui
communiquent entres eux.
Les creux se dessinent au niveau des terrasses.
Les espaces comprimés dans le « prisme pur » se libèrent par ses creux,
dans deux directions différentes.
Ainsi le ciel semble faire parti intégrante de la villa.

(Dans les croquis de 1926 étudiés précédemment, la composition est


différente. Tout en étant à l’intérieur du volume, il faut marcher autour
de la maison. La promenade est continue. On passe de l’intérieur à
l’extérieur.)

La villa Stein se définit donc par son « prisme pur », cependant des
organes libres tels que la paroi courbe, l’escalier, les poteaux, lui
donnent une certaine liberté.
C’est la combinaison de ces différents éléments qui libère l’espace
malgré la contrainte volumétrique.
« Partout des organes se sont caractérisés, sont devenus libres les uns à
l’égard des autres »11
L’élément libre apparait alors clairement comme une caractéristique
essentielle de la dynamique spatiale. Seule compte sa position dans
l’espace architectural.

C’est en 1914, que Le Corbusier a mis en place le schéma Dom Ino.


Ce schéma est basé sur la technique du béton armé.
L’ossature indépendante permet le plan libre, la façade libre et le toit
jardin12, éléments indispensables à la dynamique spatiale.
Ainsi dans la villa Stein, l’espace est engendré au moyen de plans
horizontaux ou verticaux et d’éléments libres, tout en se limitant
physiquement dans le « prisme pur ».
Pourtant bien que limitée volumétriquement, la villa Stein fait
disparaître ses limites.

Dans « Transparence », Robert Slutzki et Colin Rowe analysent entre


autre les plans horizontaux permettant le mouvement du bas vers le
haut.

10
FRAMPTON Kenneth, p 139
11
LE CORBUSIER, Œuvre complète, 1910-1929, p 87
12
GIEDON Siegfried, Préface aux œuvres de Le Corbusier, 1929-1934, dans Œuvre complète, 1929-1934,
Zurich : éditions d’architecture Artémis, 1984, p 7
26
« La réalité de l’espace profond est confrontée en permanence avec la
virtualité de l’espace sans profondeur. La tension qui en résulte
enchaîne lecture sur lecture. Les 5 couches d’espaces qui articulent,
chacune, des dimensions verticales du volume du bâtiment, retiennent
l’attention tour à tour. Cette trame spatiale est donc la résultante
d’interprétations changeantes et ininterrompues. »13

En effet, il en ressort que la Villa Stein est composée par niveaux de


bas en haut. C’est la succession des différents niveaux qui nous amène
à parcourir la villa verticalement. En la parcourant, on comprend la
globalité de la maison et son environnement. On remarque alors que la
limite intérieure extérieure disparaît. Les vides intérieurs se mettent en
relation avec l’extérieur.

La villa Stein semble se mettre en place par certains principes


fondamentaux de l’architecture moderne depuis la promenade
architecturale. Cette promenade est faite au travers des dessins
perspectifs. C’est par la multitude des dessins que Le Corbusier élabore
ses œuvres.

13
Colin Rowe et Robert Slutzky, Transparence, p58-62
27
28
1.3. LA VILLA BAIZEAU A CARTHAGE - 1928

La Villa Baizeau est située à Carthage en Tunisie.

1.3.1. Description à l’aide des perspectives

1.3.1.1. Premier projet 1928

Villa Baizeau. Perspective, projet 1928 (FLC 25032)

29
1.3.1.2. Perspectives intérieures du projet

Villa Baizeau, perspective intérieur, projet 1928

Villa Baizeau, perspective intérieur, projet 1928

30
Depuis le rez-de-chaussée jusqu’en haut, les salles communiquent
entres elles. Cette communication provoque un courant d’air constant
favorable au contexte.

La première perspective montre le séjour avec galerie en hauteur. Le


point de fuite se dirige vers l’extérieur.
Au premier plan, à droite Le Corbusier a de nouveau recours à
l’échappée visuelle, on perçoit l’extérieur depuis l’intérieur.

La seconde perspective bénéficie d’un angle plus large. Elle représente


un autre niveau où se situe le salon avec de nouveau une galerie en
hauteur.
La présence de deux poteaux réaffirme l’architecture moderne de Le
Corbusier et de son « plan libre » permettant à l’espace de se déployer.

1.3.3. Analyse

Avec ce projet, apparait dans le travail de Le Corbusier, une nouvelle


problématique liée à la prise en compte du climat et à son interférence
dans les choix architecturaux.
Cette maison met en œuvre un principe de coupe défini par deux cubes
encastrés, communiquant entre eux et protégés par un toit parasol.
Ce thème se retrouvera dans les travaux ultérieurs réalisés en Inde
comme la villa Shodan.

31
32
1.4. LA VILLA SAVOYE A POISSY – 1929 - 1931

1.4.1. Présentation

La villa Savoye est la dernière de la série des maisons blanches, dites


« villas puristes » construites par Le Corbusier et Pierre Jeanneret à
Paris ou dans ses environs.
Au regard de cette série, la villa Savoye est une œuvre de synthèse à
l’intérieur de laquelle le vocabulaire architectural mis en place par Le
Corbusier, durant la période 1920-1930, projet après projet, atteignent
leur point ultime d’expérimentation. Une « pureté totale », dont la
radicalité formelle et le caractère novateur en font un des exemples les
plus significatifs de l’architecture du XXème siècle dans le domaine de
la résidence individuelle privée.

1.4.2. Description à l’aide des perspectives

C’est à la suite d’une lettre de commande datée de 1928,


vraisemblablement du mois de septembre que Pierre Jeanneret et Le
Corbusier se mettent au travail.
Dès le début du mois suivant, entre le 6 et le 14 octobre, une première
esquisse, en fait un premier projet est proposé aux clients.
Ce premier projet sera suivi de quatre autres dont deux , le deuxième et
le troisième vont s’éloigner de la première version , tandis que le
quatrième et le cinquième reprendront les caractéristiques du projet
initial.

33
1.4.2.1. Esquisses du premier projet

Villa Savoye. Perspective angle nord est / sud ouest (FLC 31522)

Villa Savoye. Perspective du jardin suspendu. (FLC 19425)

34
Le premier croquis nous apparaît comme l’expression même des
principes développés dans les villas précédentes.
On y retrouve la totalité des 5 points de l’architecture nouvelle.
Notamment le toit terrasse, la fenêtre en longueur, les pilotis et le plan
libre.
Le second croquis se met en scène à partir de l’espace du jardin
suspendu.
Le dallage nous indique le point de fuite et nous oriente vers la rampe,
dispositif créant une circulation, un mouvement, une dynamique
spatiale.
La rampe devenue extérieure, conduit sur le toit, au solarium.
Celui ci est relié par un escalier en colimaçon, il crée un mouvement
vertical qui vient percer l’horizontalité de la villa.
Le toit terrasse apparaît comme une ligne horizontale blanche munie
d’éléments singuliers qui viennent s’y incruster.
Une partie de terrasse s’avance vers le patio et crée un lien visuel avec
l’espace en contrebas.
La salle de plein air situé sur le toit est enveloppée par un écran sinueux
et mouvementé.
Le croquis nous invite à contourner cette courbe.
Depuis le jardin, on perçoit le séjour, la grande vitre coulissante crée
une continuité entre le patio et l’intérieur.
Les espaces se côtoient, s’articulent les uns avec les autres. Les murs
sont remplacés par un système poteau poutre, il n’y a plus de
cloisonnement, d’éléments de rupture.
Le Corbusier crée un espace domestique des plus libres permettant au
corps de s’y mouvoir librement.
Il va même jusqu’à mettre en scène les habitants. Il habite ses croquis
avec des personnages et leurs accessoires, il rend son esquisse vivante.
Les fenêtres en longueur permettent d’avoir une échappée visuelle. On
ne discerne plus la limite dedans dehors.
A travers ce croquis l’espace nous apparaît comme dynamique. Le
Corbusier nous invite à suivre le mouvement qu’il nous donne à voir.
Nous parcourons l’espace, on a envie de rentrer dans le croquis et de
vivre cette «promenade architecturale.»

35
1.4.3. Analyse

A l’intérieur de la villa, un dispositif majeur rompt l’ordre en se liant


aux systèmes porteurs : la rampe.
La rampe à 4 volées prend dans la composition de la villa Savoye une
importance capitale.
En effet, la villa semble s’organiser autour de la rampe suivant 3 axes :
-le nord / sud :
Le nord vers lequel la rampe ramène toujours, est l’accessible, l’ouvert,
le lieu de vie, de réception.
Il s’oppose au sud, partie privée des locaux intimes et de service.
-l’est / l’ouest :
L’est côté du bâti, du fermé, côté de l’escalier aussi, qui traversant le
bâtiment verticalement, semble être un point d’attache, de repère.
-le bas / le haut :
Le bas est intérieur, un intérieur qui donne de plein pied avec
l’extérieur. Le toit est le lieu du ciel, extérieur absolu.
Ces 3 axes de distribution peuvent être mis en rapport et interprétés
selon 3 registres :
-public / privé :
Marquage social donné longitudinalement à la rampe par le jeu du demi
tour sur le pallier clos et de l’ouverture sur un espace dégagé.
-dedans / dehors :
Marqué latéralement par la transparence qui protège et donne à voir.
-quotidien / sacré :
Sensation vécu lors de l’ascension vers le ciel.
La rampe apparait alors comme une promenade sur 3 axes qui,
structure organiquement la villa.

36
Les architectes ont longtemps représenté l’architecture sans activité
humaine, inanimée.
Le Corbusier fait parti des architectes qui ont construit pour l’homme,
il ne l’affirme pas que dans ses écrits mais plus concrètement dans ses
dessins. Il vante à ses clients l’esprit moderne, ayant pour base, les
notions d’intimité, de liberté, de confort et de bonheur. Il se sert de
l’expression « la coquille de l’escargot » pour décrire la maison
moderne. Sa maison modèle est avant tout anthropocentrique, à
l’échelle humaine et construite autour d’évènements essentiellement
humains. Un grand nombre de perspectives intérieures étudiées
précédemment montrent notamment les vues canoniques dont les
habitants bénéficieront.

Ainsi le dessin d’architecture en perspective va radicalement changer.


C’est dans l’esquisse de ses projets que Le Corbusier va tenter de
représenter les espaces de vie (plutôt que les murs et les cloisons qui les
entourent.)
Il montre généralement les vides plus que les pleins. Ce n’est pas pour
cacher la réalité constructive, c’est la représentation qu’il utilise pour
créer les espaces nécessaires aux activités que l’homme veut y vivre.
L’analyse des croquis nous a permis de remarquer que lors de la
représentation d’un espace, Le Corbusier nous permet d’entrevoir, par
une porte les espaces latéraux ou par une fenêtre, les espaces extérieurs.
Il montre clairement que l’espace domestique est une suite d’espaces
articulés les uns par rapport aux autres. Ces croquis nous rappellent que
l’architecture s’observe en se déplaçant d’un espace à un autre.

C’est bien par l’expérience accumulée dans le domaine de la maison


individuelle au cours des différents projets précédents que Le Corbusier
a pu développer ses intentions.
Une expérience en forme d’itinéraire de recherche ayant comme unique
objectif de poser les bases d’une nouvelle architecture, en prenant
comme modèle, la maison.
Un itinéraire ponctué d’un certain nombre de trouvailles correspondant
à la volonté d’une redéfinition totale de chacun des éléments
constituant l’habitation, en proposant de nouveaux dispositifs comme le
pilotis, le plan libre, la fenêtre en longueur, la rampe, le toit terrasse.

37
38
2. LES PRINCIPES DECOUVERTS A L’OCCASION DE LA
PROMENADE ARCHITECTURALE

Ces principes sont déclinés sous forme de 5 points et permettent


l’élaboration des 4 compositions.

2.1. LES 5 POINTS D’UNE ARCHITECTURE NOUVELLE

2.1.1. Les 5 points

En 1927, Le Corbusier théorise les figures obligées de tout bâtiment


moderne à travers cinq principes fondamentaux : les 5 points d’une
architecture nouvelle. Les 5 points sont une succession logique
d’observations, qui, par la pratique quotidienne, parviennent à dégager
des invariants. Ils établissent pour l’ossature moderne de nouveaux
types de rapports au sol (les pilotis), au ciel (les toits jardins) et à
l’environnement immédiat (la fenêtre en longueur), une nouvelle
esthétique appliquée au nouveau matériau que représente le béton.

Les pilotis
Il s’agit de libérer le sol de l’emprise du rez-de-chaussée du bâtiment,
de manière à dégager plus le jardin en pleine terre et bénéficier de
transparences visuelles à travers le bâtiment.

Le pilotis apparait dans l’œuvre de Le Corbusier au Salon d’automne


en 1922 avec le modèle de la maison Citrohan. L’année suivante, il
réalise son premier des 5 points, celui qui permet la mise en place du «
plan libre ». Mais c’est avec la villa Savoye qu’il va connaitre son
accomplissement. Il ne s’agit plus alors d’un simple poteau portant un
volume, mais d’une résille ordonnée sur le carré.

Le Corbusier écrit : « Appréciez cette valeur formidable entièrement


nouvelle de l’architecture : la ligne impeccable du dessous du
bâtiment » … « Les pilotis portent les masses sensibles de la maison au
dessus du sol, en l’air. La vue de la maison est une vue catégorique,
sans raccordement avec le sol. Vous mesurez l’importance que
prennent alors les proportions, les dimensions assignées au cube porté
par les pilotis. Le centre de gravité de la composition architecturale
s’est élevé : il n’est plus celui des anciennes architectures de pierre qui
entraînaient avec le sol une certaine liaison optique. »

Le toit-jardin
La surface récupérée au niveau du sol est gagnée au sommet du
bâtiment. Le bâtiment se détache du ciel par une ligne blanche
horizontale emprunte de pureté.

39
Le plan libre

Ce point est le plus important pour ce qui est de la dynamique spatiale.


Le Corbusier oppose le « plan paralysé » des constructions
traditionnelles- où les cloisons entres les pièces sont des murs porteurs
qui doivent nécessairement se superposer les uns aux autres d’étage à
étage- avec le plan libre où figure une dissociation des fonctions
structurelles et séparatives. Les dalles de béton des planchers reposent
sur des poteaux régulièrement disposés à de grandes distances les uns
des autres, tandis que les cloisons sont implantées selon les effets
architecturaux souhaités.

La fenêtre en longueur

Grâce au béton qui a « libéré » le plan et la façade, les ouvertures


peuvent courir sans interruption d’un bout à l’autre de la construction.
La fenêtre en longueur ou « bandeau », favorise des vues
panoramiques.

La façade libre

L’enveloppe du bâtiment est indépendante de sa structure. Les poteaux


peuvent être placés en retrait des façades à l’intérieur de l’édifice. La
composition de la façade - le positionnement des ouvertures - est
théoriquement dictée par l’éclairement et les vues depuis l’intérieur.

Ce qui est remarquable dans les 5 points, c’est que ce sont des faits
architecturaux qui sont ainsi transformés en principes théoriques.

40
2.1.2. Comparaison « plan libre » / « plan paralysé »

A travers ces croquis Le Corbusier met en valeur la dynamique du plan


libre par rapport au « plan paralysé ».

Croquis de Le Corbusier illustrant le chapitre « Les techniques qont


l’assiette même du lyrisme, elles ouvrent un nouveau cycle de
l’architecture » dans Précisions …, p 45.14

Les 5 points de l’architecture nouvelle sont au fondement de


l’introduction du mouvement dans l’espace domestique moderne.
Les pilotis favorisent considérablement les flux sous le bâtiment lui-
même surélevé. Le plan libre permet au corps de parcourir l’espace.
Les déplacements se font plus facilement et la perception visuelle de
l’espace est sans précédent. Tout comme les fenêtres en longueur qui
engendrent de magnifiques échappées visuelles.
Tous ces éléments libèrent l’espace et lui affirme une dynamique.

Ainsi la construction de chacune des villas puristes indique pourquoi et


comment Le Corbusier intègre au fur et à mesure un ou plusieurs des 5
points d’une architecture nouvelle.

14
Croquis tirés de La villa Savoye, Poissy. Itinéraires du patrimoine. Ed. du patrimoine. Paris 1997
41
2.2. LES 4 COMPOSITIONS

2.2.1. Le dessin des 4 compositions

Les « 4 compositions » de Le Corbusier, publiées en 1929, sont la


somme d’une période d’intense créativité au cours de laquelle il mit au
point une forme entièrement nouvelle d’habitat bourgeois annoncée
dans le « manuel de l’habitation » de Vers une architecture. Cette
évolution s’inscrivait dans le double héritage de la tradition occidentale
d’architecture domestique :
- la tradition Arts and Crafts de la résidence campagnarde, irrégulière
et asymétrique, au plan en L ou en U ;
- le prisme régulier et symétrique, hérité de Palladio
Comme Loos, Le Corbusier essaya de composer avec ces deux
traditions en les fusionnant dans une unité symétrique nouvelle qu’il
nomma « plan libre ».

Croquis de conférence, les 4 compositions (FLC 33492)

42
2.2.2. Les 4 compositions décrites par Le Corbusier

Les quatre compositions sont un travail de synthèse, de retour sur des


œuvres construites. Le Corbusier y inscrit chronologiquement 4 de ces
villas.

La première composition illustre la villa La Roche à Auteuil._1923


« Le dedans prend ses aises, et pousse le dehors qui forme des
saillies diverses. »
Ce principe conduit Le Corbusier a créé une composition
« pyramidale ».
Le système oppose un prisme élaboré attaché au sol et un objet plus
organique suspendu.
« genre plutôt facile, pittoresque, mouvementé. On peut toutes fois le
discipliner par classement et hiérarchie ».

La seconde composition illustre la Villa Stein à Garches_1927


Tous les espaces intérieurs sont comprimés dans un cube dit « prisme
pur ».
Le volume clos laisse peu de rapport entre l’intérieur et l’extérieur.
« Très difficile (satisfaction de l’esprit) ».

La troisième composition illustre la villa à Carthage_1929


Bien que compris dans le prisme pur, les espaces se libèrent par la
transparence.
Le Corbusier coordonne le travail sur les relations intérieures /
extérieures et l’unité.
L’ossature est apparente, le volume est clair.
« Très facile, pratique, combinable ».

La quatrième composition illustre la villa Savoye_1929-1931


A l’extérieur, elle atteint la forme pure de la seconde composition et à
l’intérieur, comporte les avantages, les qualités de la 3ème.
« Très généreux ; on affirme à l’extérieur une volonté architecturale,
on satisfait à l’intérieur à tous les besoins fonctionnels (insolation,
contiguïtés, circulation) ».

La première composition concerne un projet novateur que Le Corbusier


considérera toujours comme un aboutissement, pourtant il est décrit
comme « plutôt facile, pittoresque, mouvementé ». Les trois autres font
apparaitre une variable essentielle, l’enveloppe. Elle se manifeste par sa
formalisation en un « prisme pur »
La seconde composition révèle la compression des organes à l’intérieur
d’une enveloppe rigide, absolument pure »

L’architecture semble par ces exemples être une confrontation entre la


forme (marquée par la succession des espaces) et la structure, à
l’intérieur du « prisme pur ».
Ainsi chacune des trois compositions est l’expérimentation, d’un de ces
aspects, le tout trouvant sa synthèse dans la villa Savoye.

43
44
3. L’ANTERIORITE DU DESSIN DANS L’ELABORATION
CHRONOLOGIQUE DES PRINCIPES ?

Nous avons vu dans une première partie que Le Corbusier dessinait de


nombreuses esquisses avant d’aboutir au projet final.
Ces esquisses sont des représentations des intentions de Le Corbusier.
C’est à travers ces dessins qu’il établit une promenade architecturale de
ses œuvres.

Ces dessins seraient-ils uniquement une représentation, une expression


de la promenade architecturale ?
Ne sont ils pas aussi les outils qui font progresser sa pensée ? Et qui par
la même sont à la base des principes élaborés ?

Replacées dans le temps, les analyses des 4 villas par les dessins
perspectifs font entrevoir cette hypothèse.
C’est ce que j’essayerai de m’être en évidence à travers un tableau
récapitulatif.

3.1. CHRONOLOGIE ET EVOLUTION DES ESQUISSES

45
VILLA LA ROCHE, AUTEUIL VILLA STEIN, GARCHES

1922 - 1923 1926 - 1927


VILLA BAIZEAU, CARTHAGE VILLA SAVOYE, POISSY

1928 1929 - 1931


3.2. TABLEAU RECAPITULATIF METTANT EN RAPPORT LE
TEMPS, LES ETAPES DE TRAVAIL ET LES DISPOSITIFS MIS
EN PLACE

DATES ETAPES DE TRAVAIL DISPOSITIFS MIS EN PLACE

1922 - 1923 Villa La Roche

Mars 1923 Premières esquisses - Seul un des 5 points est présent : le toit terrasse.
- Présence de différents types d’ouvertures : façade non
homogène.
- Intention de communication entres les espaces.
- Des liens visuels entre l’intérieur et l’extérieur
commencent à se mettre en place.

7-10 mai 1923 Esquisses : - Evolution de la façade du premier étage : un module vitré
projet de 3 maisons se répète sur toute la longueur de la façade
- Introduction de la fenêtre en longueur.

7-10 mai 1923 Esquisses : - Jeu de terrasses, le toit devient un espace d’habitation au
Projet de 4 maisons même titre que les espaces intérieurs.
- Plus de limites entre l’intérieur et l’extérieur.

Juillet 1923 Esquisses : - Dispositif de la rampe mis en valeur.


projet de 4 maisons - Dynamique spatiale par des éléments courbes.
- La promenade architecturale prend forme dans les dessins.

1923 Construction de la - L’intérieur se dilate et conduit à une composition


villa La Roche organique avec des saillies diverses.

1926 - 1927 Villa Stein

20 juillet 1926 Esquisses préparatoires - La promenade apparait comme une continuité, le parcours
mis en place s’adosse à la façade.
- Façade rythmée par des poteaux.

Nov- Déc 1926 Esquisses - Forme définitive de la façade Nord.


- Mise en place des fenêtres en longueur au Nord.

Janvier 1926 Esquisses - Rationalisation des façades Nord et Sud.

1927 Construction de la - Volume clos. Les espaces internes sont compressés dans
villa Stein le « prisme pur ».

Le Corbusier théorise
1927 les 5 points

48
1928 Villa Baizeau

1928 Esquisses - Présence des 5 points.


- Communication entres les différents espaces.
- Mise en place du « plan libre » à l’aide de poteaux
permettant à l’espace de se déployer jusqu’au toit terrasse.

1928 Construction de la - Bien que compris dans un prisme, les espaces se libèrent
villa Baizeau par la transparence.

1929 - 1931 Villa Savoye

6-14 oct 1928 Premier projet Présence des 5 points, projet très proche du projet réalisé.
- Trame carrée
- Escalier hélicoïdal, permettant l’accès au solarium mais
n’est pas un escalier de liaison entres les niveaux.
- Forme pure

6 - 7 nov 1928 Deuxième projet Présence des 5 points


- Forme rectangulaire
- La rampe axiale disparait remplacée par un escalier à
double volée.

26 - 27 nov 1928 Troisième projet Présence des 5 points


- Proposition plus élaborée que la 2nde mais très radicale.
- Pensée sur la symétrie, jeu de boites décalées.
- Façades Sud-Est et Nord-Ouest utilisent la fenêtre en
longueur.

17 – 18 déc 1928 Quatrième projet Présence des 5 points


- Réduction de la trame
- Apparition de l’escalier hélicoïdal

12 – 30 avr 1928 Cinquième projet Présence des 5 points


- Accès frontal à la rampe.
- Disparition de l’escalier extérieur.

1929 Publication des 4 Travail de synthèse, de retour sur les 4 villas construites.
compositions Véritable évolution. Marque la fin de la période de
recherche.

1931 Construction de la - Aboutissement


villa Savoye - Atteint une forme pure et à l’intérieur les espaces se
dilatent.

49
Ce tableau permet un classement dans le temps des dispositifs mis en
place au cours des différentes étapes de conception des projets.
Il apparait clairement qu’entre 1920 et 1927 Le Corbusier fait de
nombreuses esquisses de recherche au service de l’édifice et de sa
pensée.
Ces croquis l’amèneront à conceptualiser les 5 points qui se
développeront dans la villa Baizeau et aboutiront dans la villa Savoye.
Après ces longues années de recherche, Le Corbusier par un retour sur
son travail, publiera les 4 compositions qui marqueront ainsi
l’évolution de l’architecture domestique du XXème siècle.

50
CONCLUSION

Pour Le Corbusier, le dessin d’architecture en perspective n’est pas


uniquement une représentation, une expression de la promenade
architecturale mais avant tout un outil de conception. C’est à travers le
dessin depuis la promenade architecturale que Le Corbusier semble
élaborer des principes : les 5 points et les 4 compositions. Ce ne serait
alors plus simplement une promenade architecturale mais une
promenade projectuelle. Ainsi Le Corbusier semble avoir intellectualisé
chaque expérience dessinée. Il passe de l’esquisse préparatoire à
l’élaboration théorique de concepts par une approche sensible.

Le dessin est en effet, vu par les spécialistes de la psychologie comme


une représentation de l’activité mentale fixant les idées dans les
premières phases de la conception : la concrétisation de concepts. Mais
plus que cela, ces représentations visuelles dessinées, qui prennent
plusieurs formes suivant les phases de la conception, sont recombinées,
modifiées et adaptées.
Mais dans quel sens un tel dessin sert alors le processus de conception ?
Le concepteur ne se contente pas de dessiner, il observe aussi son
dessin. Cette visualisation instantanée de sa propre pensée contient un
grand nombre d’informations volontairement ou involontairement
décrites. C’est justement de l’observation du dessin et de la découverte
de ces idées et informations que va apparaître une réaction, entraînant
la naissance de nouvelles idées.
Il s’établit alors une « conversation visuelle » entre le concepteur et ses
croquis, permettant l’évaluation et l’exploration de nouvelles idées
entre la pensée et sa représentation sous forme de croquis.
Finalement, plus qu’un support, le dessin devient un instrument de
création.

Aujourd’hui, l’architecture se voit partager entre une application


artistique et le produit de la technologie.
La question se pose alors de la place de l’informatique dans le
processus de conception, car contrairement au dessin qui laisse libre
champ à l’architecte, l’utilisation de logiciels informatique présuppose
la maturité du projet et ne permet pas la recherche.

L’héritage de maître du mouvement moderne tel que Le Corbusier


constitue un socle réflexif unique pour comprendre ce qui unit le
processus de conception et la mise en place de concepts fondamentaux.

51
52
Bibliographie

Ouvrages

BASBOUS K., Avant l’œuvre, Essai sur l’invention architecturale,


Ed. Les éditions de l’imprimeur, collection Tranches de villes, 2005

BENTON T., Les villas de Le Corbusier et Pierre Jeanneret 1920-1930


Ed. Sers, 1984

BOESIGER W., Le Corbusier,


Ed. Birkhäuser, 1998

FRAMPTON K., Le Corbusier. Paris. Ed. Hazan. 1997. 198 p.

JENGER J., Le Corbusier, un autre regard


Ed. Connivences, Fondation Le Corbusier, 1990

JENGER J., Le Corbusier, l’architecture pour émouvoir


Ed. Découvertes Gallimard architecture, 1993

LE CORBUSIER, Oeuvres complètes, volume 2, 1929-1934,


Ed. W.Boesiger, H.Girsberger

ROWE C., SLUTZKY R., Transparence, réelle et virtuelle,


Ed. Les éditions du demi-cercle, 1992

SBRIGLIO J., Le Corbusier : La villa Savoye/ The villa Savoye


Ed. Fondation Le Corbusier,

SBRIGLIO J., Le Corbusier : Les villas La Roche Jeanneret/ The villas La roche Jeanneret
Ed. Fondation Le Corbusier, 1997

ZEVI B., Apprendre à voir l’architecture,


Ed. Les éditions de minuits, 2001

Revues

Architecture vivante, Le Corbusier et Pierre Jeanneret,


Ed. Morancé, 1927/1936

Tpfe

BRENOT, C. Langage de l’architecture moderne, relations concrètes :


4 villas des années 20. TPFE Ecole d’architecture de Paris Belleville, 2000. Dir. CIRIANI H

53
54
Table des matières

INTRODUCTION 5

1. LA RECHERCHE PERMANENTE D’UNE PROMENADE ARCHITECTURALE


DANS L’EXPRESSION DES DESSINS PERSPECTIFS

1.1. LA VILLA LA ROCHE JEANNERET A PARIS

1.1.1. Présentation 9

1.1.2. Description à l’aide des perspectives 10


1.1.2.1. Premières esquisses : 1922-1923 Projet pour Mr Sarmiento
1.1.2.2. Esquisses 7-10 mai 1923 : projet pour 3 maisons (Lotti Raaf,
M.Motte, Sigismond Marcel)
1.1.2.3. Esquisses juillet 1923 Projet des 4 maisons( Lotti Raaf et
Jeanneret, La Roche, Marcel, Boul)

1.1. 3. Analyse 18

1.2. LA VILLA STEIN A GARCHES

1.2.1. Présentation 21

1.2.2. Description à l’aide des perspectives 21


1.2.2.1. Esquisses préparatoires pour le projet du 20 juillet 1926
1.2.2.2. Axonométrie de novembre et décembre 1926

1.2.3. Analyse 26

1.3. LA VILLA BAIZEAU A CARTHAGE

1.3.1. Présentation 29

1.3.2. Description à l’aide des perspectives


1.3.2.1. Premier projet 1928
1.3.2.2. Perspectives intérieures

1.3.3. Analyse 31

1.4. LA VILLA SAVOYE A POISSY

1.4.1. Présentation 33

1.4.2. Description à l’aide des perspectives 33


1.4.2.1. Esquisses du premier projet

1.4.3. Analyse 36

55
2. LES PRINCIPES DECOUVERTS A L’OCCASION DE LA REPRESENTATION DE
LA PROMENADE ARCHITECTURALE

2.1. LES 5 POINTS D’UNE ARCHITECTURE NOUVELLE

2.1.1. Les 5 points 39


2.1.2. Comparaison « plan libre » / « plan paralysé » 41

2.2. LES 4 COMPOSITIONS

2.2.1. Dessin des compositions 42


2.2.2. Les 4 types décrits par Le Corbusier 43

3. L’ANTERIORITE DU DESSIN DANS L’ELABORATION CHRONOLOGIQUE


DES PRINCIPES ?

3.1. CHRONOLOGIE ET EVOLUTION DES ESQUISSES 46

3.2. TABLEAU RECAPITULATIF METTANT EN RAPPORT LE TEMPS,


LES ETAPES DE TRAVAIL ET LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE 48

CONCLUSION 51

Bibliographie 53

Table des matières 55

56
« Lors de la conception architecturale, l’architecte est en quête d’une spatialité dynamique
amenant à la promenade architecturale.
Cette quête, Le Corbusier la manifeste clairement dans ses œuvres.
Pour développer ses projets, l’architecte bénéficie d’outils multiples dont le dessin perspectif.
Comment dans le processus de conception d’un projet, Le Corbusier révolutionne l’habitat
domestique du XX ème siècle ? »

Mots clés

Dessin perspectif, Le Corbusier, Habitat domestique, Promenade architecturale, Promenade


projectuelle, Représentation visuelle, Dispositifs, 5 points de l’architecture nouvelle, 4
compositions

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