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Joël DELHOM
Inédit - 1990
trafic, en échange d'une aide financière et technique(8). Cet accord ouvre la voie au
chantage américain qui dure encore de nos jours et aux futures interventions militaires
dans les zones de production. La première fut ordonnée en juillet 1984, sous la menace
de Washington d'interrompre toute aide économique, mais les trafiquants, bien
informés, avaient déjà pris leurs dispositions(9).
Les protestations des syndicats et les barrages dressés par les paysans sur les
routes furent vains. La Centrale ouvrière bolivienne (COB) et la Confédération
syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB) prirent la défense des
petits producteurs de coca qui étaient, avec le sous-prolétariat du trafic(10), les
principales victimes de la répression. Lors de son Congrès de septembre 1984, la COB
prit des résolutions en faveur des paysans, exigeant la démilitarisation des zones de
production et l'annulation des accords de 1983(11).
(8) Cf. Ibid. et Henri PIERRE : "L'opération antidrogue menée en Bolivie donne peu de
résultats", Le Monde, Paris, 22 juillet 1986.
(9) Cf. BIB, n° XIII/10, mars 1986, p. 132-133.
(10) Cf. DESJARDINS (1987), p. 20 et "Estratificación social dentro del narcotráfico", BIB,
n° XVI/1, mai-juin 1988, p. 12.
(11) La COB rejetait les pressions extérieures et se prononçait pour une politique de contrôle et
de prévention dans les pays consommateurs de cocaïne. Elle proposait également que le gouvernement
soutienne les projets d'industrialisation de la coca à des fins médicinales ou alimentaires. Cf. BIB,
n° XIII/10, mars 1986, p. 134.
(12) Susanna RANCE écrit : "le narcotrafic est devenu l'axe de l'économie nationale et l'allié du
gouvernement en raison de sa capacité à engendrer des emplois et des devises", "Bolivia : decrece
narcotráfico pero permanecen tropas EE.UU.", Noticias Aliadas, Lima, 18 septembre 1986. Voir aussi
"La sola reducción de cultivos de coca sería un suicidio nacional", op. cit.
(13) Cf. Le Monde, 22 juillet 1986 ; El País, Madrid, des 17-18, 20, 22 juillet 1986 et du 28
septembre 1986 ; LABROUSSE (1988), p. 114-115.
(14) Voir DESJARDINS (1987), p. 27-30 et BIB, n° XIV/5, janvier 1987, p. 73.
(15) Les ministres de l'Intérieur, des Affaires extérieures, de la Défense ainsi que le Chef
national de la police, mis en cause par la Commission d'enquête parlementaire, ne seront pas inquiétés.
Cf. Pedro ABATTI : Analyse de la conjoncture bolivienne, Cochabamba, juin 1987, dactylo., FDH,
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p. 17-19 ; CORACA : Análisis de coyuntura, julio-octubre 1987, Cochabamba, dactylo. FDH, p. 24 ; "La
mayoría de los acusados del crimen de Huanchaca cuyo único superviviente fue V. Castello, huyen de la
justicia", El Pais, 03 novembre 1987. Au printemps 1988, l'affaire des "narco-vidéos" démontrait à
nouveau la complicité de la classe politique. Cf. BIB n° XVI/1, mai-juin 1988, p. 14 et XVI/2, juillet-août
1988, p. 22-23.
(16) LABROUSSE (1988), p. 113-114.
(17) Cf. RANCE (1986). Voir aussi "La operación antidroga de las fuerzas policiales bolivianas
y del ejército US amenaza la economía del país", El País, 30 juillet 1986.
(18) Cf. "Respuesta del gobierno boliviano a las protestas sociales con la implantación del estado
de sitio", El País, 29 août 1986 ; Andrés SOLIZ RADA : "Un argumento peligroso", Diálogo Social,
XIX, n° 193, septembre 1986 ; RANCE (1986) ; ABATTI (1987) ; LABROUSSE (1988), p. 114-115.
(19) 20 dollars la "carga" de 100 livres en septembre 1986, selon RANCE (1986).
(20) En 1986, quatre fédérations de petits producteurs du Chapare (soit 35000 familles) créaient
le Conseil pour l'industrialisation de la coca (COINCOCA) qui demandait au ministère de la Santé
l'autorisation de commercialiser trois produits déjà au point. La réponse se fit attendre... Cf. Amanda DA-
VILA : "Bolivian peasants : restoring the dignity of coca", Panoscope, London, The Panos Institute,
n° 10, janvier 1989, p. 10-12.
(21) Cf. RANCE (1986), ; SOLIZ RADA (1986) et Bolivia Bulletin, vol. II, n° 3, juillet 1986.
(22) Cf. Sofia VEGA : "Campesinos demandan reforma agraria radical", BIB, n° XIII/4, p. 53-54
et BRACKELAIRE (1988), p. 50. Ce projet tente de corriger la réforme agraire de 1953.
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(26) Cf. BIB, n° XV/1, avril-mai 1987, p. 2 et XV/2, juin-juillet 1987, p. 19. Voir aussi ABATTI
(1987), p. 27.
(27) Cf. Ministerio de planeamiento y coordinación : Acuerdo entre el Gobierno constitucional,
COB, CSUTCB, federaciones campesinas productoras de coca sobre el plan integral de desarrollo y
sustitución de los cultivos de coca y la lucha contra el narcotràfico, La Paz, 6 juin 1987, in
BRACKELAIRE (1988), annexe 2.
(28) Juan Lechín, le dirigeant de la COB, a averti les paysans qu'ils devaient maintenir la
pression et la vigilance pour que leurs intérêts soient respectés. Cf. Bolivia Bulletin, vol. III, n° 3.
(29) Cf. BIB, n° XV/2, juin-juillet 1987, p. 19-20 et ABATTI (1987), p. 37. La participation
paysanne est un point essentiel car, jusqu'alors, les producteurs étaient exclus des projets mis en oeuvre,
tel "Agroyungas", mis en place en 1985 par le Fonds des Nations Unies pour la lutte contre l'abus des
drogues (FNULAD), bénéficiant d'un financement de 80 millions de dollars et qui était combattu par les
Fédérations paysannes, l'Eglise et les stations de radio populaires.
(30) Cf. BIB, n° XV/5, janvier 1988, p. 83-86.
(31) Cf. BRACKELAIRE (1988), annexe 1.
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Les fortes mobilisations populaires des mois de mai et juin auraient pu être
mises à profit par le IIIème Congrès national de la CSUTCB, mais les divisions
internes(32) allaient paralyser temporairement le mouvement paysan. Le cahier de
revendications de la Confédération, présenté au gouvernement à l'issue du Congrès,
exigeait l'application de l'accord signé le 6 juin ainsi que la répression des
narcotrafiquants et de leurs protecteurs(33). Il demandait également l'examen, par le
Parlement, de son Projet de loi agraire fondamentale visant à résoudre le problème du
minifundio. Bien entendu, le gouvernement refusa de considérer les exigences de la
CSUTCB, mais celle-ci, occupée à gérer ses divisions internes, demeurait sans réaction.
Cet immobilisme provoqua le mécontentement et le découragement de la base(34).
(32) Deux tendances s'affrontent : l'une, réformiste, derrière le Secrétaire éxécutif indigéniste
Jenaro Flores et l'autre, plus radicale, avec à sa tête Víctor Morales, le Secrétaire général. Sans la ferme
volonté d'unité de la base, la CSUTCB aurait éclatée. Le VIIème Congrès de la COB a été le théâtre d'une
polarisation similaire. Finalement, les réformistes se sont imposés dans les deux cas.
(33) Cf. CORACA (1987), p. 15. Il faut remarquer, toutefois, une certaine ambigüité. La baisse
des prix de la feuille pousse de nombreux paysans à produire eux-mêmes la pasta et la frontière entre
producteurs et trafiquants devient de moins en moins nette.
(34) Cf. Marcos DEVISSCHER, Chantal LIEGEOIS, novembre 1987, BIB, n° XV/5, décembre
1987-janvier 1988, p. 74-75.
(35) Ibid., p. 76-77 et BRACKELAIRE (1988), p. 52
(36) Cf. DEVISSCHER-LIEGEOIS, BIB, n° XV/6, février-mars 1988, p. 92-93 et BIB,
n° XVI/2, juillet-août 1988, p. 21.
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La loi sur la coca repose sur un compromis qui tente de satisfaire à la fois les
producteurs et les Etats-Unis. Elle répond aux exigences américaines puisqu'elle intègre
la feuille et prévoit son éradication. Un certain nombre de revendications des paysans
sont également prises en compte : reconnaissance de la production et de l'usage
traditionnels de la coca ; interdiction de l'utilisation de moyens chimiques pour
l'éradication ; substitution graduelle et simultanée à l'exécution de programmes de
développement ; reconnaissance du PIDYS comme cadre institutionnel de la substitu-
tion(41).
Aussi, cette loi n'apparaît-elle pas vraiment négative, bien qu'elle intègre la
feuille de coca. Elle est pourtant vivement combattue, en raison d'une radicalisation des
producteurs et des secteurs qui les soutiennent. On peut aisément comprendre
l'exacerbation des tensions. Depuis juin 1987, rien de concret n'a été réalisé, par contre,
la répression n'a pas cessé et elle a été, une nouvelle fois, meurtrière. Le gouvernement
a poursuivi ses objectifs sans tenir compte des accords passés (par exemple, en janvier).
D'autre part, lors de son Congrès extraordinaire de juillet, la CSUTCB est finalement
parvenue à conserver son unité et les producteurs de coca ont reçu le soutien unanime
des autres secteurs paysans. Les exigences de développement concernent maintenant
l'ensemble du monde rural, et non plus seulement les zones de production de coca. Le
mouvement paysan en sort donc renforcé(42).
(37) Cf. DEVISSCHER, Informe de coyuntura boliviana, junio-julio 1988, FDH, août 1988 ;
BIB, n° XVI/4-5, septembre-décembre 1988, p. 69-70 ; Témoignage Chrétien, Paris, Hors-série
"Drogue", 4° trim. 1989, p. 34.
(38) Dans le Chapare, le prix de 100 livres de feuilles est tombé de 400 à 15 dollars. Cf. BIB,
n° XV/6, février-mars 1988, p. 93.
(39) Par exemple, en négociant la mise en place concrète des programmes définis dans leurs
grandes lignes en juin.
(40) Les USA considèrent qu'elles pourraient favoriser le trafic.
(41) Cf. BIB, n° XVII/3, juin 1989, p. 41-46.
(42) Cf. BIB, n° XVI/4-5, septembre-décembre 1988, p. 67-70.
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Le gouvernement ne désarme pas pour autant. Les hostilités reprennent fin 1988
par le dépôt devant le Parlement d'un avant-projet de loi sur le développement agraire,
qui fait craindre aux paysans une reconcentration des terres, sous prétexte de lutter
contre le minifundium, ainsi que la mise sous contrôle de toutes les instances y compris
(43) Le ministre des Affaires paysannes, Guillermo Justiniano, déclarait lui-même que le
problème majeur de la substitution était le manque de marchés pour les nouveaux produits. Cf.
Panoscope (1989), p. 12.
(44) Cf. DEVISSCHER, Análisis de coyuntura boliviana, junio 1988-mayo 1989, FDH, mai
1989, doc. dactylo.
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(45) L'intention était bien là puisqu'en avril 1989, le gouvernement publiait un décret
réglementant l'activité des organisations non gouvernementales de développement (ONGD).
(46) Cf. DEVISSCHER (1989).
(47) Cf. Agencia Latinoamericana de Información (ALAI) n° 125, mars 1990, p. 15-16.
(48) La CSUTCB exige par conséquent l'expulsion "des troupes mercenaires Yankee".
(49) On peut lire dans la déclaration politique du IVème Congrès : "[...] nous, paysans boliviens,
nous mobilisons pour la politique du PIDYS et cette politique suppose un appui économique de 3
milliards de dollars qui rendra possibles notre développement et la substitution de la culture [de la
coca], pour surmonter notre situation actuelle de misère sociale et économique. [...] la politique du
PIDYS est pour l'instant le meilleur moyen de combattre le narcotrafic.", Cf. ALAI, n° 125, mars 1990,
p. 16.
(50) Ibid.
(51) D'après DESJARDINS (1987), p. 13 : en 1986, 1 % seulement du budget américain
consacré à la lutte contre le trafic de drogues était destiné à la prévention, contre 85 % à la répression.
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Vers la confrontation ?
(52) Le Président Jaime Paz Zamora déclarait à un journaliste d'El País : "Notre problème n'est
pas d'être contre les narco-trafiquants comme cela se passe dans d'autres pays, mais d'être avec les
paysans qui n'ont pas d'autre travail alternatif", Cf. Chili Flash- Espaces Latino-Américains, n° 70,
septembre 1990, p. 18.
(53) Cf. Jacques SANTIAGO, ibid., p. 19.
(54) Ibid.
(55) Peut-être parce que ce problème concerne aussi bien les zones de production que les zones
d'expulsion de main d'oeuvre, outre son caractère symbolique.
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Bibliographie complémentaire
Croissance des jeunes nations : Spécial drogue, l'or blanc des pays pauvres, n° 319,
septembre 1989, Paris.
The Economist : "The cocaine economies, Latin America's killing fields", 8 october
1988, p. 25-28.
La Lettre de SOLAGRAL : Dossier drogue, n° 59, mai 1987 et n° 84, septembre 1989,
Paris.