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Musique et postmodernité :
Pratiques/Théorisations/Interférences
Giancarlo Siciliano
Abstract
This essay attempts to situtate transnational musics within the discursive space of postmodernity by
arguing that, as an alleged site of intervention, postmodernity must lead to a self-critique and engage with
a project other than its own in order to avoid aesthetic and political mystifications. To see beyond
postmodernity as something more than a buzzword, cultural theorists should seek to intersect emergent
3
critical discourses about popular musics with certain lines of thought traced by such often cited but hardly
understood French philosophers Derrida, Lyotard, Barthes, Foucault and Deleuze. Within the
angloamerican mediascape, and elsewhere, much is yet to be exploited from the work of these thinkers. To
be sure, their relationship to music and postmodernity hardly lends itself to an immediate understanding
and "application" to a specific historical practice. Nonetheless, many of them have made clear statements
about these matters: Deleuze and Guattari, for instance, have given voice to an uncompromising refusal of
postmodernism altogether, leaving us with conceptual tools to act through micro-politics of
deterritorialisation going far beyond, to the extent that it ever existed, the line demarcating European art
music from popular musics.Through a set of interwined perspectives - namely those of musicology,
philosophy and cultural studies - this essay invites readers to confront the plurality of languages involved
in these problems - within and without University enclosures.
Avant-propos
Cet article cherche à théoriser l'insertion du fait musical de tradition non-classique dans le
champ de la postmodernité. Les concepts ici appelés à désigner les pratiques musicales
depuis les années 80 appartiennent à plusieurs paradigmes : entités hétérogènes et multi-
componentielles parmi lesquelles nous avons choisi celles qui, par souci d'identification
immédiate, portent les noms de "schizoanalyse" et de "déconstruction". Il ne s'agit pas de
"méthodes" formalisables et enseignables en tant que telles, mais de gestes systématiques qui
témoignent de certaines inventions dans les arts musicaux et philosophiques de notre temps.
Stratégies qui nous ont aidé à poser, de façon générale, des problèmes plus souvent traités
par l'esthétique que par la musicologie traditionnelle. Ainsi, autour du fait musical
contemporain, et en quittant les prémisses formalistes et positivistes habituelles, nous
essayons d'entrelacer les motifs théoriques suivants :
Nous ne prétendons ici qu'à rapprocher, après les avoir rassemblés en une boite qui, sans
doute, fuit de tous les côtés, les gestes théoriques qui nous semblent accompagner les
musiques urbaines contemporaines : pensons à la convergence de la philosophie
française contemporaine avec ce que dans les pays dits anglo-saxons on appelle les
"Cultural Studies" ('études culturelles'), terme par lequel on désigne l'entreprise
pluridisciplinaire vouée à l'articulation d'une éthique et d'une esthétique post-coloniales
des subjectivités collectives et individuelles toujours mutantes des sociétés capitalistes
'développées'. C'est une telle optique qui, dans la mesure où elle offre une alternative
aux paradigmes figés de la musicologie traditionnelle, permet de mieux appréhender les
musiques populaires actuelles.Ainsi, dans l'introduction, nous avons posé le problème de
la postmodernité - ce qu'elle désigne et en quoi elle concerne le fait musical urbain
contemporain de tradition non-classique. Nous avons cherché aussi à définir, en
l'élargissant de façon considérable, la notion corrélative, ou coextensive, d'écriture - ce
par quoi nous entendons toute trace, quelle que soit la matière privilégiée, en
dédoublement et agencement le long d'un dispositif, d'un vecteur de production de sens.
Dans cette perspective, et par leur insertion dans le champ téléculturel contemporain, les
musiques populaires ouvrent de nouveaux circuits machiniques entre oralité et
scripturalité.Malgré les processus évidents de production, de consommation et de
réception qui la régissent et la concrétisent, la musique n'est pas qu'un objet isolé qu'un
sujet pré-constitué pourrait appréhender : elle-même 'produit' de la subjectivité, elle
opère des passages. Car nous ne faisons pas que 'recevoir' passivement par une écoute
supposée neutre; on s'engage plutôt en un double mouvement où il est moins question de
constater 'les faits' que de les penser dans leur dimension 'complexuelle', 'processuelle',
proto-empirique. En suivant Deleuze et Guattari, nous avons cherché à comprendre 'les
agencements collectifs d'énonciation' dont les oeuvres sont les énoncés.Au carrefour de
Derrida et Lyotard : la postmodernité comme expérience de l'aporie - ce à quoi est
consacré la section intitulée "Métalangages et paradigmes esthético-politiques" où nous
cherchons à dégager les divergences qui constituent cette condition. Parmi celles-ci, la
question du discours 'sur', ou comment l'élaborer - alors que la musique, en tant que
sémiotique asignifiante, y résiste. Comme tout objet de désir qui réaffirme sans cesse son
caractère paradoxale, toujours fuyant, non seulement de l'autre, mais de lui-même, se
dérobant, manquant à sa place. Ce paradoxe nous semble être encore plus fortement
souligné au sein des musiques populaires actuelles, d'autant plus que leurs prothèses
scripturales, iconographiques et informatiques deviennent plus élaborées, conformément
aux glissements 'dromotéliques' de notre épistèmé télécratique.Dans la seconde partie de
ce premier chapitre, axée autour de la notion de 'productions de subjectivité', nous
cherchons à isoler les facteurs de structuration d'affects individuels et collectifs à partir
d'objets partiels spécifiques : paroles, images vidéatiques et sonorités marquées par
l'hégémonie de l'échantilloneur, matières qui renvoyent les unes aux autres, au-delà de
clotûres sémiotiques et disciplinaires pré-établies.Dans "L'Urtext et ses doubles" nous
avons insisté sur l'aspect intertextuel des musiques populaires actuelles en soulignant
quelques traits théoriques, notamment ceux employés par la poétique comparée :
hypotexte, hypertexte ou métatexte, l'oeuvre musicale est en dédoublement permanent,
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"L'appareil du rock est une espèce de machine qui produit ou greffe une structure sur les désirs
et les rapports des mélomanes par l'agencement des pièces matérielles de leurs vies, [...] en
inscrivant une géographie du désir au sein de la culture de la jeunesse [...] au centre d'une vie
insensée : la condition postmoderne."16
"en faisant du postmodernisme à la fois une théorie et une condition, celle-là se trouve à
promouvoir celle-ci en tant que forme culturelle plus significative que les faits ne le montrent.
D'où le besoin de poser un regard au-delà de l'incantation rituelle du pastiche." 17
"ne vas pas de soi; [car] il ne suffit pas de penser pour être, comme le proclamait Descartes,
puisque toutes sortes d'autres façons d'exister s'instaurent hors de la conscience [...]. Mais
plutôt que de sujet, peut-être conviendrait-il de parler de composantes de subjectivité
travaillant chacune plus ou moins à leur propre compte. [...Ce qu'on appelle sans inquiétude l']
individu [...] se trouve en position de "terminal" à l'égard de processus impliquant des groupes
humains, des ensembles socio-économiques, des machines informationnelles, etc... Ainsi,
l'intériorité s'instaure-t-elle au carrefour de multiples composantes relativement autonomes les
unes par rapport aux autres et, le cas échéant, franchement discordantes."20
"empêche de définir les relations entre signifiant et signifié de la même façon que dans le
langage verbal. Le sens musical, quand il est traduit par des mots, est abusivement converti en
significations trop précises et littérales. Il n'y a pas d'équivalent verbal de la forme musicale.
[...] les mots dénotent leur propre signifié; mais celui-ci ne peut que connoter la forme
musicale."24
La musique ne dispose que de signe monofaciaux - ces "choses mal nommées"25 - mais,
en dépit de son statut de sémiotique asignifiante, elle est contrainte à traverser un champ
aporétique toujours surcodé par le "logocentrisme"26 : le primat accordé à la parole
supposée pleine et antérieure, le logos dont l'écriture ne serait que le système secondaire
et extérieur de réprésentation.Le texte musical, en fait, ne se détache jamais entièrement
de son entourage verbal : il lui est coextensif, comme l'attestent plusieurs scènes socio-
historiques sur lesquelles la musique et le langage ont été interpellés, incités par la
représentation, appelés à négocier des modalités de production de sens selon les codes
prévalents : pensons à la manière dont l'opéra et les musiques dites à programme ont
tenté, au cours du XIXème siècle, de véhiculer des significations précises, attestables et
donc itérables, jusqu'à vouloir même concurrencer la littérature sur son terrain
privilégié.La seconde moitié du XXème siècle, et plus particulièrement les années
quatre-vingt, laisse proliférer les énoncés paratextuels lesquels, bien entendu, ne laissent
pas intacte l'économie interne de l'énoncé musical. On sait que dans le rock, par
exemple, la vidéo n'est plus qu'une prothèse médiatique mais une finalité fétichisable
qui, selon le paradoxe de Lacan, manque à sa place 27 et infléchit l'écoute par la co-
présence du regard. La fantasmatique de l'auditeur se trouve vertigineusement sollicitée;
sa subjectivité multicentrée comme toute autre production machinique, qui "fait ou non
passer des intensités" 28 tantôt dans les perspectives qu'on a qualifiées de
"historicistes"29 : pensons à Sinfonia et à La Vera Storia de Luciano Berio, à Einstein
on the beach, Satyagraha et Akhnaten de Philip Glass ou encore à The Man Who
Mistook His Wife For A Hat de Michael Nyman et à Dolmen Music de Meredith Monk.
Mais surtout - et c'est le trajet qui nous intéresse ici - dans les perspectives trans-
populaires ouvertes par Estrangeiro de Caetano Veloso, les Possible Musics de Jon
Hassell et My Life In The Bush Of Ghosts de David Byrne, toutes les deux réalisées en
collaboration avec Brian Eno.C'est en vue de la problématique postmoderne que se
rassemblent de plus en plus les nombreuses publications en sciences sociales des
dernières années dont celles poursuivies par les tenants des Cultural Studies britanniques
: Larry Grossberg 30,Ann Kaplan 31, Richard Middleton 32 et William Straw 33, pour
citer des théoriciens d'expression anglaise; du versant français : Daniel Caux 34, attentif
à des compositeurs tels Cage, Nyman et Reich qui, à l'égard de Boulez, ont formé un
véritable contre-courant; Jean Molino 35 dont la perspective néo-kantienne ne rejoint
pas la nôtre et enfin Ivanka Stoïanova 36, à l'écoute de musiques ancrées dans l'avant-
garde européenne.Malgré ses latences ressassantes et thanathophiliques, la
postmodernité, si on peut en parler au singulier, parvient néanmoins à tisser une
axiologie complexe, persistante, réglée par d'autres exigences affirmatives:
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"[...] vraies traditions [...] ne progressent pas, puisqu'elles représentent le point le plus avancé
de toute vérité. Et l'unique progrès réalisable consiste à conserver la forme et la force de ces
traditions. [...L]e savoir scientifique n'a jamais été - et n'est pas, même à l'époque des
immatériaux - tout le savoir. Il a été toujours en conflit, ou plutôt en relation complémentaire
avec un autre savoir - celui des traditions 'hors temps' qui défient l'idée du progrès. La
musique elle-même, comme la langue, n'est jamais 'toute'. Les années 80 avec l'impureté - les
acquisitions technologiques, les références multiples, les mélanges de styles, les interactions et
les contaminations -mettent en évidence le fait qu'aujourd'hui, plus que jamais, l'esprit de
'l'homme de la caverne' ne peut être qu'un anachronisme fort regrettable." 39
Compte tenu de telles mutations, la musicologie pop cherche à tracer une ligne
transversale pour rendre compossibles ces multiples interfaces : c'est Gino Stefani qui a
dit plus explicitement que la compétence dite populaire
"[...] n'est pas une version réduite de la compétence cultivée, mais une production de sens
riche et complexe, bien qu'elle soit transversale aux idéologies dominantes. Transversale parce
que la culture populaire est subalterne, clandestine, opprimée par la culture dite cultivée,
supérieure."40
Remarque qui vient croiser la perspective du music criticism poursuivie par Subotnik
lorsque cette dernière pose des questions que nous jugeons préalables à toute démarche
empirique :
"Les interminables révisions des textes censés rapporter des faits empiriques nous montrent
que leur mise à jour ne garantie pas forcément un état de savoir absolu. Même l'édition
critique d'une partition la plus rigoureusement établie n'a pas de moyens de protéger chacune
de ses croches et de ses doubles croches des révisions empiriques à venir, bien que de telles
études puissent, jusqu'à un certain degré, être mesurées par rapport au statut courant des faits.
La critique, cependant, contourne telles mesures approximatives de véracité; car la compétence
critique ne consiste en aucune maîtrise que ce soit d'un corpus de faits, mais en un raffinement
d'une sensibilité inquantifiable. De plus, le domaine de la critique est vaste : il englobe
potentiellement toute pensée et expérience humaine - rares sont les cultures, ou les disciplines
dont le critique conscientieux ne pourrait pas tirer profit des moyens de raffinement ultérieur
de sa sensibilité." 41
D'autres musicologues tels Joseph Kerman ont suivi les directions indiquées par
Subotnik en laissant cependant transparaître un discours nostalgique qui s'en tient à la
"contemplation" de la musique et ne touche à l'actuel que par l'invocation d'un héroïsme
intellectuel désormais perdu et dont on éprouverait aujourd'hui le manque. Solidaire des
entreprises critiques canonisées, telles que Arnold, Eliot, Blackmur, Kermode, Ruskin
ou Schapiro les ont représentées, Kerman regrette que la musicologie ait à peine croisé
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ou Schapiro les ont représentées, Kerman regrette que la musicologie ait à peine croisé
les perspectives philosophiques contemporaines :
"Peu nombreuses et peu audacieuses sont les recherches qui puisent dans la sémiologie,
l'herméneutique et la phénoménologie aujourd'hui. Le post-structuralisme, la déconstruction et
le féminisme sérieux n'ont pas encore percé la musicologie ou la théorie musicale."43
Ce qui laisse sans réponse la question implicite - en quoi peut consister un "féminisme
sérieux" ?...L'énoncé musical postmoderne dit l'aporie de l'impossible maîtrise par sa
résistance à toute entreprise et emprise philologique. Ses déplis, écarts et déplacements
appellent la mise en place d'un métalangage comparable à une
"nouvelle science linguistique [... qui] étudierait non plus l'origine des mots, ou étymologie, ni
même leur diffusion, ou lexicologie, mais les progrès de leur solidification, leur
épaississement le long du discours historique; cette science serait sans doute subversive,
manifestant bien plus que l'origine historique de la vérité : sa nature rhétorique, langagière."44
plus "absolue" [...] que les variantes rejetées. Le souffleur de verre de Gottfried Benn est à
l'oeuvre dans le studio d'enregistrement : le bloque de matière blanche, chaude et amorphe
devient lentement une forme; un coûp délicat mais résolu le coupe du tuyau et du corps du
souffleur au bon moment. Quelqu'un dit : maintenant . Quelqu'un dit : ceci . Le choix opéré est
souvent collectif, le résultat d'un compromis; mais ce que l'on choisit c'est le dernier coûp . Or
cette extériorisation, cette objectification, dans cette espèce d'écriture sonore, ne ressemble-t-
elle pas à celle de l'écriture et l'imprimerie ordinaires?"55
Car "on ne peut, en droit, restreindre le concept de "texte" à l'écrit (à la littérature) [...]
Toutes les pratiques signifiantes peuvent engendrer du texte : la pratique picturale, la pratique
musicale, la pratique filmique, etc..."57 Et, en transposant la notion de texte à la musique
extra-européenne de tradition non-classique, on pourrait dire qu'il ne s'arrête pas à "à la
(bonne) littérature; [qu'] il ne peut pas être pris dans une hiérarchie ni même un simple
découpage des genres. Ce qui le constitue est au contraire (ou précisément) sa force de
subversion à l'égard des classements anciens."58Les musiques postmodernes - occultées, peut-
être, par "l'impérialisme d'une mémoire naïvement musicologisante"59 et prétendument omni-
explicative - opèrent un passage d'un logocentrisme - "énonciation territorialisée"- à un
"machino-centrisme" ou "énonciation déterritorialisée."60Par une inflation paratextuelle, là où
le discours sur la musique, d'après Françoise Escal, "en arrive presque à devenir le discours
de la musique 61 ; par des productions de subjectivité médiatique, par une résistance à la
démagogie du "nouveau" - terme "paléonymique 62 jamais neutre - et par la dissolution d'une
utopie, désormais éclatée en "hétérotopie"63 technocratique, s'est constitué un paradigme
qu'on a nommé, en soulignant son aspect aporétique, postmoderne. I L'aporie postmodernei.
Métalangages et paradigmes esthético-politiques You know ? I don't believe there's such a
thing as TV.
Nous cherchons à exposer, au cours de ce chapitre, quelques unes des lignes conductrices du
savoir postmoderne afin d'examiner leurs incidences sur le statut du sujet contemporain dans
ses rapports avec la production musicale depuis les années quatre-vingt.Nous dégagerons,
parmi les paradigmes théoriques les plus influents dans la critique de la culture
contemporaine, ce que dans la perspective française dite post-structuraliste, et ses
transpositions anglo-américaines, permet de formaliser la question d'une supposée
postmodernité musicale. Un tel choix, motivé par le statut déterritorialisé de notre lieu
d'énonciation théorique ainsi que de notre objet d'étude, nous amène à analyser les aspects
parmi les plus aporétiques - les strictures et les doubles contraintes (double binds) - des
musiques contemporaines en cours de déterritorialisation de leur foyer européen. Les deux
perspectives critiques ici envisagées - et enchevêtrées - représentent, du côté des auteurs
d'expression anglaise tels U. Fiori, S. Frith, A. Goodwin, L. Grossberg, S. McClary et R.
Middleton, entre autres, l'entreprise d'inspiration marxiste des Cultural Studies. Elle fut
fondée à Birmingham, Angleterre, autour des années soixante-dix par des sociologues et des
sémioticiens de la culture dans le but de décoder, par ce qu'ils ont qualifiée de subcultural
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sémioticiens de la culture dans le but de décoder, par ce qu'ils ont qualifiée de subcultural
analysis, les pratiques sociales parmi les plus ex-centrées à l'égard de certaines normes et
modèles de socialisation et pour ensuite indiquer des lieux alternatifs d'intervention esthético-
politique. Initiative placée sous l'égide d'une transdisciplinarité, elle a puisé des stratégies
théoriques autant à la sociologie proprement dite qu'à la sémiologie, alors en plein essor, dont
nous préconisons ici une transposition vers le terrain de la musicologie contemporaine et de
son objet d'étude dans son devenir-urbain.Négligé par les préjugés formalistes de la music
theory - pour reprendre une catégorie couramment employée dans le discours académique
anglo-américain - autant que par les musicologies germanocentriques et romanocentriques en
général, ce nouveau champ analytique se fonde sur les critères matérialistes et géopolitiques
valorisés par des relectures d'un certain marxisme. Paradoxalement, cette cultural theory
s'efforce de mettre en pratique les acquis récents de la philosophie française contemporaine;
mais de telles négociations, détours, traductions et conditions générales de réception
soulèvent à leur tour des questions d'une telle ampleur qu'elles dépassent le cadre de cet
exposé : nous les effleurerons à peine en indiquant, cependant, les opérateurs théoriques qui
touchent de plus près les musiques dont il est ici question.Ainsi, du versant des auteurs
d'expression française, nous rapprocherons les lignes tracées par
D'autres noms propres, et surtout d'autres voix anonymes qui se désoriginent entre celles
ici convoquées, se subsument, bien entendu, au dispositif discursif ici déployé. Ce
multiperspectivisme auquel nous faisons appel trouve, au travers de la problématique
postmoderne, un lieu spécifique d'élaboration analytique. Et cette analyse est
interminable...La philosophie revendique sa stricte appartenance au domaine du concept
, qu'elle emploie afin de désigner des multiplicités à coefficients de pragmatisme et de
créationnisme élevés dont les contours irréguliers forment une "constellation d'un
événement à venir" 64. Evénements non-réductibles à un simple corrélat métalinguistique
extérieur, axé sur la prédication d'un sujet.Que peut donc désigner l'adjectif
"postmoderne" en tant qu'attribut des musiques urbaines actuelles de tradition non-
classique? "Est-ce que nous sommes condamnés à l'adjectif?"65 Les pratiques
paratextuelles les plus courantes aujourd'hui (notes de programme, récensions, affiches
de concerts et de télépublicité, entre autres surfaces et prothèses médiatiques) semblent
montrer que
"l'oeuvre [...] n'est jamais traduite que sous la catégorie linguistique la plus pauvre : l'adjectif :
[...] cette musique est ceci, ce jeu est cela. Sans doute, dès lors que nous faisons d'un art un
sujet (d'article, de conversation), il ne nous reste plus qu'à le prédiquer; mais dans le cas de la
musique, cette prédication prend fatalement la forme la plus facile, la plus triviale :
l'épithète."66
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La position du musicologue est d'autant plus aporétique que son objet d'étude est
hétérogène et asignifiant, à la fois surcodé par une multiplicité de déterminations
techniques et langagières : le rock, par exemple,
"ne peut rien vouloir dire (bien qu'on puisse situer n'importe quoi à l'intérieur d'un tel appareil)
[...Il demeure] un signifiant flottant d'une machine affective multiple en mutation historique
[...] articulée dans des relations spécifiques à l'intérieur de plus larges formations socio-
culturelles."67
C'est à l'impossibilité de parler d'un objet de désir qu'il est confronté. Mais cet
impossible, auquel nous accordons un sens positif, nous le pensons, en suivant Jean-
François Lyotard, comme "le cas zéro" 68 du possible. Malgré, et au-delà, de l'épithète,
nous poserons à nouveau le problème du métalangage des musiques - au partitif pluriel -
quitte à laisser non-résolu le problème d'une possible mystification dans ses deux formes
les plus apparentes - technique et poétique : c'est l'aporie qui contraint les musicologues
"ou bien à écrire d'une façon impressioniste qui capte quelque chose de la sensation de la
musique et la façon dont elle est reçue, mais qui n'aborde pas du tout les détails qui ont
contribué à la création d'un tel effet ; ou bien à essayer d'expliquer comment on avait obtenu
l'effet, mais en ayant recours à des moyens graphiques et à un vocabulaire étranger à
l'auditeur. Un choix entre la mystification poétique ou technique."69
Lorsqu'ils réfléchissent sur leurs pratiques, les musiciens produisent parfois des énoncés
apparemment critiques. Rappelons, à titre d'exemple, et pour évaluer sa portée
métatextuelle, une affirmation récente du chanteur rock Elvis Costello : "écrire sur la
musique c'est comme dancer sur l'architecture. C'est vraiment une chose stupide qu'on
puisse avoir envie de faire."70 Un tel énoncé appelle deux remarques :
"fait partie de la théorie elle-même : le discours sur le Texte ne devrait être lui-même que
texte, recherche, [...] puisque le Texte est cet espace social qui ne laisse aucun langage à l'abri,
extérieur, ni aucun sujet de l'énonciation en situation de juge, de maître, d'analyste, de
confesseur, de déchiffreur: la théorie du texte ne peut coïncider qu'avec une pratique de
l'écriture."71
"quel est le statut de l'esthétique postmoderne qui est en train de se développer? Est-elle [...]
une condition qui aura peut-être atteint une dominance esthétique? Ou n'est-elle pas, en fait,
qu'un aspect des développements économiques, historiques et technologiques de la pop qui
devraient être compris dans le contexte de la dominance soutenue du réalisme, du
modernisme, ... et du romantisme?"81
Mais pour Lyotard, notre épistèmé ne se laisse pas dissoudre en un nuage de simulacres
:
"le résultat remarquable de ce processus ne consiste pas, comme Baudrillard le pense, en la
constitution d'un immense réseau de simulacres. Il me semble que ce qui est réellement
troublant, c'est, beaucoup plus, l'importance prise par le concept de bit, d'unité d'information.
Avec les bits, il n'est plus question de formes libres données ici et maintenant à la sensibilité
et à l'imagination. [...] Ils sont assemblés en systèmes selon un ensemble de possibilités (un
"menu") sous le contrôle d'un programmeur."87
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"le premier grand musicien de l'oubli. Car s'il était jusqu'ici une fonction dévolue à la musique,
c'était bien d'exercer la mémoire. On forçait toujours davantage l'auditeur à se souvenir et se
ressouvenir. Comme si l'architectonique de l'art du temps n'était qu'à ce prix. Cage redécouvre
que l'instant musical n'est pas hiératique ou éternitaire, mais joyeux et nomade; [...] que la
tradition 'orale' a été occultée par l'impérialisme d'une mémoire naïvement musicologisante
[...] Désormais, [...] des musiques autres [...] vont pouvoir gommer hiérarchies et valeurs.
Musiques folk, planantes, répétitives, aléatoires vont éffacer ségrégations, séléctions, et
partitions : [...] 'La' musique n'est plus une mnémotechnie culpabilisante à vocation élitiste ou
théocentrique, mais un gigantesque flux machinique païen-plébéien, acentré, évanescent,
auquel il n'est plus question d'échapper : Musica mundana [...] Par volonté et par hasard."120
Alvin Lucier mais aussi à celles, plus récentes, de Jon Hassell, de Gavin Bryars et de
Bill Frisell - déterritorialisent des matières musicales et des procédés formels par des
modalités d'énonciation itérative, fragmentale et autoréférentielle. Et non seulement dans
les musiques de tradition classique :
"la musique populaire des années quatre-vingt a atteint un tel degré d'autoréférentialité que
certaines chansons ressemblent à des copies de parodies. J'ai récemment assisté à un concert à
Berkeley où le groupe qui jouait en première partie de la prestation des Meat Puppets semblait
faire des pastiches des Cult - un groupe rock connu, depuis 1986, pour avoir désenfoui le son
hard rock de Led Zeppelin."121
"C'est donc, plutôt que postmoderne, contremoderne qu'il faudrait dire, terme qui assumerait
mieux son rôle polémique et qui renseignerait davantage sur les tenants et aboutissants, sur les
mécanismes et les principes d'un phénomène général que certains exégètes n'hésitent pas à
présenter comme une "mutation majeure de l'humanisme."131
Cette mutation, Jean-François Lyotard l'a décrite comme étant une "réécriture de la
modernité" 132: expression prudemment choisie et qui marque elle-même une
distanciation à l'égard du terme de "postmodernité" dont le fameux préfixe continue à
susciter tant de contresens. Il est ainsi amené à reconnaître - et nous avec lui -
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"combien vaine est toute périodisation de l'histoire culturelle en termes de "pré-" et de "post-",
d'avant et d'après, du seul fait qu'elle laisse inquestionnée la position du "maintenant", du
présent à partir duquel on est supposé pouvoir prendre une perspective légitime sur une
succession chronologique."133
L'artiste postmoderne, qu'il formalise ou non les discours qui le traversent, travaille
plutôt "pour établir les règles de ce qu'aura été fait"134 et non pas pour un moment
présent à hypostasier. Par les déplacements qu'il opère, il rassemble une multiplicité de
directions, de codes, de matières divergentes qui ne rapportent pas l'oeuvre à l' "intimité"
dont Félix Guattari a rappelé la nécessité de dissoudre le leurre 135 dans un réseau
d'interaction, de négociation, d'interminable échange symbolique, dans un "dehors socio-
historique"136 qui excède toute notion tributaire du paradigme romantique et
anthropocentrique d'intériorité, de présence et identité à soi, de correspondance
unilinéaire entre intention (du compositeur) et expression (l'oeuvre "elle-même")
affranchi de toute médiation, de toute traduction, des "paradoxes de l'altérité, [...] de la
destination, de la destinerrance ou de la clandestination." 137Les synthèses parmi les plus
éclairantes en ce qui concerne l'énonciation musicale actuelle ont souligné les doubles
circulations entre styles, registres et traditions : l'artiste contemporain
"libre de tout préjugé a le choix entre deux possibilités : se fixer un objectif très élevé et tenter
de l'atteindre - comme autrefois, par exemple, dans le romantisme allemand - et c'est le cadre
de l'art dit majeur ; ou bien se situer dans un cadre réputé mineur et aller beaucoup plus loin
que ce qui semblait être promis, et nous pensons, bien sûr, au jazz et au rock. De Kafka [...] à
Beckett, Genet et jusqu'à Koltès en passant par la chanteuse de cabaret du Pierrot Lunaire de
Schönberg, la fille des rues Lulu et le laissé-pour-compte Wozzeck immortalisés par Alban
Berg, il est clair que, pour une large part, [...] l'histoire de la musique du monde nous montre
la vacuité de l'édification d'une frontière infranchissable entre le majeur et le mineur, l'un se
nourrissant de l'autre et vice-versa."138
- zones d'action et de réflexion qui concourent au tressage d'un sujet postmoderne situé
au carrefour d'une "pragmatique de particules langagières." 140 Ou, pour le dire de façon
plus économique :
"Le soi est peu, mais il n'est pas isolé, il est pris dans une texture de relations plus complexes
et plus mobiles que jamais. Il est toujours, jeune ou vieux, homme ou femme, riche ou pauvre,
placé sur des "noeuds" de circuits de communication, seraient-ils infimes, [...] placé à des
postes par lesquels passent des messages de nature diverse."141
Richard Middleton 142 qui problématise l'opposition entre masse et individu - termes qui
occultent la réalité d'une subjectivité décentrée. Ainsi,
"L'idée d'une 'subjectivité clivée' apporte une manière de saisir précisément la position
occupée par les diverses forces humaines productives. Compositeurs, interprètes et d'autres
agents productifs ne sont ni entièrement 'manipulés' ni entièrement 'critiques' et 'libres'; leur
subjectivité - ou les positions continûment construites en vue de la subjectivité - est traversée
par une multitude de lignes souvent conflictuelles d'influence sociale qui les amènent vers des
identités et des collectivités multiples et souvent entrecoupées. Les simples catégories de
'masse' ou de 'individu' ne sont satisfaisantes ni pour elles ni pour leur musique."143
Nous lui devons, en outre, d'avoir souligné les facteurs parmi les plus déterminants pour
la subjectivité telle qu'elle se produit à travers la musique populaire :
Autre exemple : le groupe britannique The Pet Shop Boys dont l'esthétique
conteste les histrionismes, les narcissismes et bien d'autres modalités
de scopophilie rendues évidentes lors des prestations scéniques de la
plupart des groupes rock et pop jusqu'aux années quatre-vingt.Par un dispositif vidéo-
chorégraphique très élaboré, The Pet Shop Boys "traduisent" en musique un discours
suscité par la corrélation entre capital et différence sexuelle et mettent en oeuvre un
processus de modélisation de subjectivité capitalistique, comme l'attestent sans
ambiguïté les paroles d'une de leurs compositions intitulée Opportunities (let's make lots
of money)154:
"le concept d'intertexte est ce qui apporte à la théorie du texte le volume de la socialité : c'est
tout le langage, antérieur et contemporain, qui vient au texte, non selon la voie d'une filiation
repérable, d'une imitation volontaire, mais selon celle d'une dissémination - image qui assure
au texte le statut, non d'une reproduction, mais d'une productivité."155
Mais le concept d'intertextualité, qui trouve ses premières articulations théoriques dans
une pensée tributaire du marxisme, a été introduit par le sémioticien M. Bakhtine et
Les musiques pop et rock, entre autres musiques urbaines de tradition non-classique
dont celles diffusées par les dispositifs les plus puissants dans le marché international,
donnent à entendre diverses modalités d'agencement intertextuel. En suivant la typologie
dressée par Gary Burns 157, les principaux intertextèmes - là où se rassemblent deux ou
plusieurs lignes énonciatives antérieures et extérieures - se constituent en fonction de
critères relatifs au rythme, à la mélodie, à l'harmonie, aux paroles, au dispositif
instrumental, au tempo, à l'intensité, à l'improvisation, aux effets sonores, à l'editing, au
mixage, à l'équilibre relatif entre sources d'émission et à la distortion du signal
sonore.Mettant à distance le précepte platonicien qui, d'après Julia Kristeva, réduit la
productivité de l'écriture à "l'effet de l'oeuvre" 158 et en souscrivant à la logique selon
laquelle tout texte "se construit comme mosaïque de citations, [...] absorption et
transformation d'un autre texte"159, la notion d'intertextualité trouve une matérialisation
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Toujours déjà (dans le) supplément, l'énoncé musical postmoderne se veut lieu de
réexpropriation permanente, conformément à la logique déauratisante de la
reproductibilité technique qui nous amène à "penser la différence pour elle-même [...] et
à dés-identifier les choses et les êtres; donc : à abandonner la distinction entre "la chose
même" et les simulacres."165 Jonction pluriénonciative étrangère à la consécution
arbrifiante de l'Un pur et originaire, l'énoncé musical postmoderne découpe et agence
des multiplicités.La tradition européenne a vu, depuis l'avènement du système de
notation, une appropriation, de la part des compositeurs, des stratégies de récriture telles
la paraphrase, la transcription, la parodie et les variations sur un thème de... : autant de
manières de structurer, à des époques et lieux donnés, le travail de la citation, de
l'incitation à un dialogue avec une ou plusieurs traditions, avec des discours antérieurs et
extérieurs, musicaux ainsi que littéraires, picturaux et plastiques en une topologie
hétérogène où rebondissent commentaires, contresignatures, voix multiples et
anonymes.Bien avant que le citationnisme postmoderne se soit mis en place, de
multiples stratégies de réexpropriation se déploiaient chez
"Bach et Beethoven qui se transcrivaient eux-mêmes, entre autres; chez Brahms, Liszt, Busoni
[et... Schoenberg] qui transcrivaient Bach, Haendel, Brahms; [...] chez Ravel, Bartok, Webern;
chez Stravinsky qui a transcrit tout, chez Maderna qui a transcrit Gabrieli ... [...] les Carnets de
Beethoven [...] où il cherche différents types d'organisation et de transcription de l'idée; ou [...
chez] Kagel qui transcrit les stéréotypes musicaux du 19e siècle."166
reste, pourquoi
"vouloir élaborer et transformer le même matériau musical? Peut-être est-ce un tribut à l'idée
que rien en soi n'est jamais fini. Même l'oeuvre achevée est rituel et commentaire de quelque
chose qui viendra après ... comme une question qui ne provoque pas seulement une réponse,
mais encore un commentaire, d'autres questions et d'autres réponses."167
Forclose par la logique de l'identité et à celle, connexe, d'une fictive plénitude originaire,
la citation n'a été appréhendée que comme modalité d'énonciation superfétatoire,
extérieure et contingente à la poiesis "propre" au compositeur, censée lui revenir selon
une circularité parfaitement close sur elle-même. Mais l'auteur "est un personnage
moderne, produit sans doute par notre société dans la mesure où, au sortir du Moyen
Age, avec l'empirisme anglais, le rationalisme français, et la foi personnelle de la
Réforme, elle a découvert le prestige de l'individu." 168 Depuis la fin du XVIIIème siècle,
il n'a pu se constituer que par l'entremise d'un complexe dispositif paratextuel : "à partir
de Beethoven, tous les aspects du processus créatif ont commencé d'être pris en compte,
valorisés, fétichisés : les manuscrits du compositeur, sa maison, sa chaise, sa robe de
chambre, ses habitudes, les entretiens qu'il accorde..." 169Les discours de Luciano Berio
que nous venons d'évoquer à titre d'incidence paratextuelle nous rappellent que la
citation, bien que historiquement constituée, ne peut, par aucun geste exhaustif et
totalisant, jamais être épuisée : comme la langue, la musique n'est jamais "toute." 170
Certains musicologues ont problématisé le concept d'écriture comme geste de restitution,
d'impossible reconstitution d'un Urtext : telos et eskhaton de la philologie musicale
traditionnelle qui s'interdit de reconnaître des procédés de re-création ou de réécriture au
sens de la perlaboration (Durcharbeitung) freudienne :
D'autres musicologues anglais dont Richard Middleton ont rappelé que la musicologie
elle-même n'a pu se constituer que dans le contexte
parmi les interprètes-compositeurs toujours aux prises avec le déjà-composé avec lequel
ils recomposaient. Ce qu'on appelle, encore par désignation paléonymique, le "nouveau",
n'est possible qu'à partir d'une déterritorialisation des schémas formels propres à d'autres
traditions musicales environnantes : on transformait les chansons newyorkaises du Tin
Pan Alley, par exemple, en modèles standardisés - toute la génération d'interprètes jazz
des années quarante et cinquante s'en était réclamée afin de les exproprier et de parvenir
à des meilleures structurations de l'improvisation selon une logique de l'agencement
collectif d'énonciation.Il ne s'agit donc pas de jouer Stella by Starlight dans sa
signification dernière et univoque préalablement donnée, mais de montrer comment
Stella by Starlight diffère d'elle-même : les versions qu'ont proposées Miles Davis aux
années soixante et Keith Jarrett aux années quatre-vingt exemplifient certaines modalités
de resingularisation d'une composition donnée.Loin de se réduire à une sommation d'un
nombre déterminé d'oeuvres closes, restituables dans leur inaltérable originalité, toute
processualité jazzistique se laisse plutôt réinventer selon une logique cyclique de
l'éternel retour - non pas du même, mais du différent. Logique commandée par des
contraintes matérielles et technologiques toujours coextensives à la dimension esthétique
:
"comme siège de sentiment, d'émotion, de passion, d'enthousiasme, de plaisir; d'états, mais qui
soient liés aux situations, imbriqués dans leurs dispositifs techniques et sociaux, au lieu d'être
justement définis par leur extraction hors des circonstances, des artifices, des effets de groupe
ou des particularités locales."181
paratexte désigne ce que dans la topologie de l'oeuvre musicale constitue l'ensemble des
directives verbales coextensives à l'énoncé musical. Il comprend plusieurs éléments :
C'est ce dernier aspect qui nous intéresse ici, dans la mesure où il oriente l'activité
d'écoute dans laquelle s'engage l'auditeur. Or l'action exercée sur celui-ci est due, en
partie, au titre - c'est-à-dire la tête, le cap, la pointe, l'extrêmité - qui marque les limites
de l'oeuvre, son dehors/dedans. Il nous oriente vers une direction, une zone particulière
de production de sens. Appel à l'imaginaire, à la mémoire collective et individuelle, il
sollicite et reconstruit en permanence les sites d'investissement affectif. Il suscite l'intérêt
- inter res, "entre les choses" - en faisant entrevoir et annoncer; en mettant en relation
avec le social selon les désirs. Il découpe le vaste champ de la représentation en lignes
de lisibilité - confort et plaisir de l'écoute - et de scriptibilité - mise en état de perte,
confrontation de l'unheimlich, jouissance. Ainsi, Sex Machine de James Brown, The
Lemon Song de Led Zeppelin, ou Sexy M.F. de Prince - tous ces titres concourent, par
diverses métonymies, à l'affirmation de la pulsion sexuelle. This Town Ain't Big
Enough For Both Of Us ("Cette ville n'est pas assez grande pour tous les deux") du
groupe Sparks articule le thème de l'aliénation urbaine; Kashmir de Led Zeppelin
connote l'orientalité et Gagaku de Laurie Anderson la japonéité; Burn de Deep Purple la
pulsion de mort. Et ainsi de suite...Contrairement à ses contreparties de tradition
classique, l'intitulation dans les musiques actuelles extra-européennes est rarement
métatextuelle ou autoréférentielle : on ne cherche pas à désigner des structures formelles
pour un public averti et susceptible de saisir les références dans les titres - comme l'ont
fait, en d'autres lieux, registres et époques, Debussy avec Daphnis et Chloë, Varèse avec
Ionisation et Xenakis avec Pithoprakta.Tout aussi rares sont les titres comparables à
L'Art de la Fugue de Bach ou à Modes de valeurs et d'intensité de Messiaen bien que
soit opérée, là où l'intitulation se veut générique, une distanciation vis-à-vis d'un contenu
extérieur, d'un réel : First piece, Second piece, etc. (Jan Garbarek), Possible Musics (Jon
Hassell), Ballads (John Coltrane) ou bien Solo, Folk Songs et Forro (Egberto Gismonti).
D'autres exemples montrent, par ailleurs, la prise en charge de la fonction ludico-
parodique pour établir un lien plus oblique et arbitraire avec l'énoncé musical : c'est le
cas d'une composition de jazz signée Charles Mingus - All the things you'd be by now if
Sigmund Freud's mother was your wife ("Tout ce que vous seriez devenu si la mère de
Sigmund Freud était votre femme"). La pochette de disque ou de cassette, qui encadre -
tel un "parergon" 186 - toute autographie et allographie attachée à l'énoncé musical,
enrobe l'oeuvre-marchandise. C'est un supplément qui agence et transmet, selon une
économie très réglée, des informations relatives aux maisons de disques qu'on désigne
plus couramment par le terme anglais de labels. Parmi celles-ci, les plus influentes dans
le réseau mondial portent les noms de Deutsche Gramophone, ERATO, EMI, RCA,
CBS, Philips, ECM, Geffen, Sire, E.G., Virgin, Warner Bros., Atlantic, MCA, A&M,
Capitol et Real World entre autres - tout un réseau auquel se co-opposent de nombreux
labels indépendants, auto-gérés et dispersés en un lieu qui n'en est pas un : une atopie où
toute une culture alternative et clandestine trace ses lignes de fuite.Tous ces noms
propres indexent l'inscription de l'oeuvre-objet dans le marché international. De manière
comparable à un générique de film, ils fonctionnent en tant que "connotateurs
axiologiques" 187 et cherchent à définir des seuils de communicabilité, de ritualité, de
technicité et de politisation. En d'autres termes, ils font lien social : Deutsche
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Car si les hommes, au lieu de chercher encore une identité propre dans la
forme désormais impropre et insensée de l'individualité, parvenaient à adhérer
à cette impropriété comme telle, à faire de leur propre être-ainsi non pas une
identité, mais une singularité commune et absolument exposée, [...] alors
l'humanité accéderait pour la première fois à une communauté sans
présupposé et sans objet, à une communication qui ne connaîtrait plus
l'incommunicable.(Giorgio Agamben)
"Pas un acte de création qui ne soit trans-historique, et qui ne prenne à revers, ou ne passe par
une ligne libérée. Nietzsche oppose l'histoire, non pas à l'éternel mais au sub-historique ou au
sur-historique : l'Intempestif, un autre nom pour l'heccéité, le devenir, l'innocence du devenir
(c'est-à-dire l'oubli contre la mémoire, la géographie contre l'histoire, la carte contre le calque,
le rhizome contre l'arborescence)."193
Dans les mouvances transnationales récentes, certaines musiques ont indiqué des lieux où
se sont négociées des modalités de coprésence des registres que les taxinomies les plus
rigides, et souvent démagogiques, réduisent encore à l'opposition du savant et du
populaire. Ce qui dans notre culture techno-logocratique a été simplifié à outrance par
l'opposition majeur/mineur se diffracte en une multiplicité d'envois : altérités singulières
au milieu de plans d'immanence, les musiques d'une Laurie Anderson ou d'un Bill Frisell
destituent toute entité schématique susceptible d'être réduite à une constante, à une
essence fixe ou à une idéalité pure et transcendantale, pour affirmer le rythmos -
dissémination et molécularisation, devenir et mise en variation des variations elles-
mêmes.Nous disons "transnationales" et non pas simplement "populaires" car il nous
semble percevoir des déplacements significatifs à l'intérieur des topologies musicales
actuelles. Situation symptomatique de la nécessité d'un métalangage approprié, car la
notion de "peuple" - aujourd'hui trop diluée et affaiblie - est devenue problématique : à
peine arrive-t-elle à désigner un devenir-mineur, à tracer une ligne de résistance aux
stratégies du marketing postmoderne. L'eclectisme par lequel le "postmodernisme" a fait
fortune ne semble favoriser que les intérêts des grands spectres financiers déterminés par
des finalités non-humaines : pensons aux "multi-nationales" et à d'autres entreprises
économiques et géo-politiques de grande envergure dont la C.E.E., fantôme d'une
impossible Europe, représente la réalisation la plus fantasmatique et aporétique. La
théologie du capital orientée vers - et contre - le peuple. Les festivals Euro-Pop donnent
à entendre jusqu'à la caricature ces impossibles alliances musicales. Pop music : enième
variation d'un concept qui se dérobe lui-même. Comme celui de peuple.Mais de quel
peuple et de quelle terre s'agit-t-il au juste? Un peuple est-il jamais présent? C'est là un
problème que Deleuze et Guattari ont bien posé et dont ils ont dégagé la dimension
essentielle, c'est-à-dire politique. Nous manquons de résistance au présent à cause d'un
excès de communication :
"L'art et la philosophie se rejoignent sur [...] la constitution d'une terre et d'un peuple qui
manquent, comme corrélat de la création. Ce ne sont pas des auteurs populistes mais les plus
aristocratiques qui réclament cet avenir. Ce peuple et cette terre ne se trouveront pas dans nos
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aristocratiques qui réclament cet avenir. Ce peuple et cette terre ne se trouveront pas dans nos
démocraties."196
"La compétence populaire [...] n'est pas une version réduite de la compétence cultivée, mais
une production de sens riche et complexe, bien qu'elle soit transversale aux idéologies
dominantes. Transversale parce que la culture populaire est subalterne, clandestine, opprimée
par la culture'cultivée', supérieure."198
"[...] a le choix entre deux possibilités : se fixer un objectif très élevé et tenter de l'atteindre -
comme autrefois, par exemple, dans le romantisme allemand - et c'est le cadre de l'art dit
majeur; ou bien se situer dans un cadre réputé mineur et aller beaucoup plus loin que ce qui
semblait être promis, et nous pensons, bien sûr, au jazz et au rock."202
Les degrés registriels dits savants et populaires, entretenant des rapports qu'il
conviendrait plutôt de qualifier de co-oppositionnels, cèdent leur fixité à des mouvances
transnationales : pensons aux interrelations germano-marocaines de Dissidenten (Sahara
Elektrik et Out of this world, notamment), aux fusions franco-marocaines de Pierre
Bensusan et anglo-africaines de Paul Simon, aux "nouvelles" polyphonies corses et à la
pop anglo-sénégalaise de Youssou N'Dour, entre autres exemples.De nouvelles strates
paratextuelles coextensives au texte musical indexent des nouvelles fonctions prises en
charge par l'artiste : à côté des activités menées au sein du groupe rock Talking Heads,
David Byrne, par exemple, a créé Rei Momo, un enregistrement réalisé en collaboration
avec plusieurs musiciens cubains, et a contribué autant à la documentation qu'à la
diffusion de la musique populaire brésilienne (comme l'attestent les quatre compilations
qui rassemblent des exemples de samba, de forro et des chansons de Tom Zé).Dans le
même esprit, Peter Gabriel a entrepris, concurremment et aparallèlement à David Byrne,
la direction de la maison de disques Real World Records en vue de la diffusion de
musiques transethniques représentées par diverses formations dont plusieurs avaient
participé au festival WOMAD (World of Music and Dance). Initiative qui tente, d'après
Gabriel, de cerner un lieu de coprésence de musiciens et de 'technologues' :
"C'est l'enthousiasme à l'état pur qui nous a poussés à créer WOMAD en 1980, certains de ne
pas être les seuls à pouvoir vibrer sur ce que nous écoutions. Chaque année WOMAD travaille
davantage à l'étranger organisant des concerts, festivals et des programmes d'activités
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Par une standardisation vidéatique et une extension des formes post-auratiques, les
musiques populaires actuelles, et non seulement les plus commercialisées, se trouvent
forcément redéfinies en tant qu'instances téléréelles et téléprésentes, d'après les termes de
Paul Virilio 209 qui participent d'un logique de l'art comme objet partiel , compte tenu des
Cette esthétique de l'objet partiel a reçu très peu d'attention de la part des musicologues -
à l'excéption de quelques uns dont Richard Middleton lorsqu'il souligne que
étrangère à la logique d'un présent différé. Cette apparente absence de points d'ancrage
historiques peut, certes, plonger certains compositeurs dans une extrême inquiétude -
l'Unheimlichkeit de Freud - devant l'étrange et radicale altérité proposée par les savoirs
postmodernes : c'est le cas, nous semble-t-il, de William Mahder, d'après qui
"les musiciens occidentaux d'aujourd'hui ont affaire au chaos d'un univers sonore devenu
'absolument' relativiste, sans code communément accepté. Sans culture, en somme. Le langage
a craqué avec Schönberg, le matériau sonore avec Varèse, les processus de composition et de
diffusion avec Cage. L'ordinateur n'a fait qu'achever (ou contenir?) un éclatement entamé
depuis bien longtemps. Mais il me semble que le grand défi des compositeurs d'aujourd'hui est
de gérer la complexité et la fragmentation qui en sont découlées, comme des variables
dynamiques, non plus comme des constantes irréversibles. Est-ce cela le postmodernisme?
"214
Certains compositeurs ont réussi à négocier autrement leurs échanges avec les savoirs
dissensuels et aparallels des années quatre-vingt par une distanciation vis-à-vis des
nationalismes esthétiques :
"Ce qui est merveilleux, c'est qu'aujourd'hui la diversité stylistique va de soi et qu'on ne peut
pas identifier le travail le plus passionnant à un style particulier. Il y a autant d'approches que
d'individus. [...] L'optique nationaliste devient de moins en moins utile; nous devons partager
une histoire du monde, une tradition qui puise dans les cultures différentes. Et c'est cela qui est
en train de se passer."217
"les musiciens pop d'aujourd'hui sont en train de brouiller des frontières historiques et
culturelles, comme les musiques de "tradition" hispanique (Los Lobos, Ruben Blades),
celtique (The Pogues), et africaine (Graceland, Hugh Masekela, Peter Gabriel) deviennent
contemporaines et s'intègrent dans le courant."219
Dans les réflexions qui suivent, nous avons rassemblé, par leurs noms propres, des voix
singulières à titre d'exemple du paradigme éthico-esthétique à l'oeuvre dans le vaste
paysage des musiques pop des années quatre-vingt : elles donnent à entendre une
axiomatique du désir à partir du paradoxe de l'objet lui-même manquant à sa place : la
voix comme "lieu privilégié de la différence", qui
"échappe à toute science, car il n'est aucune science (physiologique, histoire, esthétique,
psychanalyse) qui épuise la voix : classez, commentez historiquement, sociologiquement,
esthétiquement, techniquement la musique, il y aura toujours un reste, un supplément, un
lapsus, un non-dit qui se désigne lui-même : la voix. Cet objet toujours différent est mis par la
psychanalyse au rang des objets du désir en tant qu'il manque [...] : il n'y a aucune voix
humaine au monde qui ne soit objet de désir - ou de répulsion : il n'y a pas de voix neutre - et
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humaine au monde qui ne soit objet de désir - ou de répulsion : il n'y a pas de voix neutre - et
si parfois ce neutre, ce blanc de la voix advient, c'est pour nous une grande terreur, comme si
nous découvrions avec effroi un monde figé, où le désir serait mort. Tout rapport à une voix
est forcément amoureux, et c'est pour cela que c'est dans la voix qu'éclate la différence de la
musique, sa contrainte d'évaluation, d'affirmation."220
Dans un écrit de la même période, Roland Barthes mettait en relief, dans une perspective
psychanalytique, les traits de l'écoute et du rythme :
"Sans le rythme, aucun langage n'est possible : [...] La meilleure fable qui rende compte de la
naissance du langage, est l'histoire de l'enfant freudien, qui mime l'absence et la présence de sa
mère sous la forme d'un jeu au cours duquel il lance et reprend une bobine attachée à une
ficelle : il crée ainsi le premier jeu symbolique, mais il crée aussi le rythme."221
Tel est le jeu fort-da, qui rendrait compte des processus musicaux, culturellement
construits par le sujet, de tension et de résolution, de dissonance et de consonance, de
mouvement et de repos. Le métarécit freudien a cependant été remanié par la
schizoanalyse : c'est plutôt la ritournelle comme
"contenu proprement musical [...]. Un enfant se rassure dans le noir, ou bien bat des mains, ou
bien invente une marche, l'adapte aux traits du trottoir, ou bien psalmodie "Fort-Da" (les
psychanalystes parlent très mal du Fort-Da, quand ils veulent y trouver une opposition
phonologique ou une composante symbolique pour l'inconscient - langage, alors que c'est une
ritournelle)."222
ii. Youssou N'Dour / Peter Gabriel Shaking the tree, titre cosigné par Peter Gabriel et
Youssou N'Dour, indexe une anarborescence, une construction non-généalogique,
rhizomatique. C'est une singularité quelconque "retiré[e] de son appartenance à telle ou
telle propriété, qui l'identifie comme membre de tel ou tel ensemble, de telle ou telle
classe."223 Elle déconstruit le signifié transcendantal de l'Arbre - c'est, au moins, son
intention telle que nous pouvons l'appréhender par le titre et les paroles. Shaking the tree
rend coprésentes les langues anglaise et Ouolof : elles tracent des lignes de devenir
femme, comme le font d'autres cultures - celles du Brésil, par exemple - par la présence
de Silvana Malta, Gal Costa, Clemilda, Maria Bethania, Anastacia, Amelinha,
Marinalva, Elba Ramalho, Alcione, Maria Creuza et Luciana Souza, entre autres. Paroles
et musique cernent ainsi un espace d'interaction affective (ou bloc d'affectivité) que nous
appréhendons par l'entremise du paratexte :
"SPECIAL THANKS TO MY FRIEND PETER GABRIEL
FOR ALL THAT HE HAS DONE FOR ME AND FOR MUSIC IN GENERAL.
AFRICA THANKS HIM FOR BEING THE BIGGEST PROMOTER
OF MUSIC WITHOUT FRONTIERS."224
Ce n'était que quelques années auparavant que Gabriel chantait Games Without Frontiers
(Jeux sans frontières, suivie, quelques années après, par une version chantée en allemand
intitulée Spiel ohne Grenzen).Aux années quatre-vingt, Gabriel cartographie, avec le
chanteur sénégalais, deux paysages-visages culturels en affirmant des valeurs qui nous
situent en dehors de l'éloge baudrillardien du simulacre mais qui ne se laissent pas pour
autant inféoder à l'idéologie de la transparence communicationnelle telle que
l'envisageait l'Aufklärung. Dans Mercy Street, l'invité c'est Youssou N'Dour : sa voix
vient ponctuer un fade-out, croiser une ligne de devenir-autre... iii. Caetano VelosoO
Estrangeiro de Caetano Veloso poursuit le motif critique de la différence d'avec soi en
tissant des composantes de sémiotisation hétérogènes selon plusieurs modalités :
Comme Shaking The Tree, Estrangeiro se donne à entendre comme carte mondiale
d'intensité lorsqu'on lit la référence à Claude Lévi-Strauss comme indexe épistémique
d'une interrogation en vue de l'Autre, comme stéréoscopie d'une production de
subjectivité collective.On peut constater, en parcourant le paratexte, que le titre affirme
explicitement une autodistanciation, une scission, une différence d'avec soi ou non-
identité à soi : sur un plan politique, la logique de l'autoaltérité telle que Gilles Deleuze
et Félix Guattari l'ont cernée dans la production de subjectivité en général, ne reconnaît
aucune "langue-mère, mais [une] prise de pouvoir par une langue dominante dans une
multiplicité politique." 225 Sur un plan esthétique, et par analogie au travail des grands
écrivains, elle définit le style comme "la langue étrangère dans la langue" 226 : Caetano
Veloso se dit, et se veut, en chantant, étranger.En quelle langue écrire, ou chanter? C'est
la question des vocalistes, des musicologues, des traducteurs, des rédacteurs de revues et
des créateurs de pochettes de disques :
"Combien de gens aujourd'hui vivent dans une langue qui n'est pas la leure? Ou bien ne
connaissent même plus la leure, ou pas encore, et connaissent mal la langue majeure dont ils
sont forcés de se servir? Problème des immigrés, et surtout de leurs enfants. Problème des
minorités. Problème d'une littérature mineure, mais aussi pour nous tous : comment arracher à
sa propre langue une littérature mineure, capable de creuser le langage, et de le faire filer
suivant une ligne révolutionnaire sobre? Comment devenir le nomade et l'immigré et le
tzigane de sa propre langue? Kafka dit : voler l'enfant au berceau, danser sur la corde
raide."227
Les paroles de Estrangeiro rassemblent des références à des personnages illustres dans le
monde de l'art : peintres et musiciens aveugles dont Ray Charles, Stevie Wonder,
Hermeto Pascoal, Paul Gauguin et Seurat se trouvent convoqués : tous aveugles, ou
presque; tous des inventeurs de pratiques singulières à l'intérieur desquelles se trouve
réactivée, au moins implicitement, la critique de Nietzsche à l'égard de la culture
occidentale : on se souviendra de son mépris affiché pour le privilège accordé à l'oeil
comme seul organe théorique, rationnel, qui seul permettrait d'appréhender "la" vérité et
"la" beauté.Estrangeiro est un lieu de négociation avec une altérité linguistique : deux
vers sont énoncés en une langue majeure - l'anglais, en l'occurrence - pour véhiculer un
message autoréflexif qui affirme une identité comme différence d'avec soi :
La langue anglaise s'interpose ici comme clôture narrative, voire comme signature
collective, trans-subjectale - peut-être pour indiquer une volonté de déterritorialisation,
de polylogue ou de compromis face à l'hégémonie esthético-politique anglo-américaine.
Ce qui est conforme à la tendance, de plus en plus généralisée aujourd'hui, à traduire un
plus grand nombre d'éléments paratextuels en anglais, soit la "langue véhiculaire
mondiale aujourd'hui."229 Le groupe français Sixun, par exemple, laisse cette marque sur
la pochette de leur disque No Mad's Land : outre les indications relatives au dispositif
instrumental (bass guitar ; keyboards ; tenor, soprano and baritone saxophones ; drums ;
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instrumental (bass guitar ; keyboards ; tenor, soprano and baritone saxophones ; drums ;
percussion ; electric and acoustic guitars), l'adresse, autant que les signes de propriété
artistique et intellectuelle, est désormais traduite en anglais : All arrangements by Sixun.
All music published by ...Estrangeiro donne ainsi à écouter, par ses trajets multiples que
l'auditeur rassemble à sa guise, une carte mondiale d'intensité où plusieurs lignes
divergentes et aparallèles coexistent en une même et seule topologie. iv. Jon Hassell /
Brian EnoLes Possible Musics, Fourth World vol.I et vol.II, projet conjoint de Jon
Hassell et de Brian Eno, mettent en évidence quelques aspects de la poétique
transethnique généralisée au cours des années quatre-vingt. Le titre explicitement
autoréférentiel dit l'ouverture que Jon Hassell opère vers un champ de virtualités et
d'altérités disparates envisagées depuis ses contacts, d'une part, avec la musique
européenne de tradition classique : pensons à l'enseignement reçu de Stockhausen et,
d'autre part, aux diverses pratiques musicales africaines et asiatiques avec lesquelles il
demeure en contact permanent.La participation de Jon Hassell à la première mondiale de
l'oeuvre de Terry Riley, In C ; le dialogue avec le maître de ce dernier, Pandat Pran
Nath, ainsi que ses collaborations avec des musiciens aussi divers que Nana
Vasconcelos, Miroslav Vitous, David Sylvain et Miguel Frasconi, entre autres, montrent
son souci de mise en rapport transversale d'éléments de cultures musicales extra-
européennes et de schémas compositionnels répétitifs et non-téléologiques. Énoncés
athématiques, structurés par des cadres formels prédéterminés mais régis en prévalence
par un nomadisme itératif, les Possible Musics opèrent, selon la logique cyclique d'un
Eternel Retour, un mouvement machinique sur place. Elles renoncent, comme le
souligne Ivanka Stoïanova à propos de la musique répétitive en général, à la
directionnalité totalisante, à l'invariance et au "schématisme conventionnel de la stasis
structurante pour devenir proprement processus."230Étrangères à "l'équivalence
proprement dite [... car] toute répétition, même sans aucun changement apparent de
matériau, est déjà une différence de par sa position dans le temps, ses nouveaux
voisinages et l'accumulation sonore précédente"231 , les Possible Musics renoncent à la
mémoire linéarisante comme légalité de l'écoute pour affirmer un présent perpétuel
supprimant les instances directrices et culpabilisantes d'un passé dont se ressouvenir et
d'un futur à anticiper. Toute préfiguration logique et causale s'annule pour instaurer un
espace-temps qui rend possible une écoute émancipée des habitudes inculquées et
soutenues par la tradition savante eurocentrique, c'est-à-dire des opérations de
déchiffrement de structures invariantes et restituables, régies par un "narrativisme
psychologique" et "l'unidirectionnalité de développement." 232Textes lisibles et
scriptibles, les Possible Musics rendent compossibles ces deux modalités d'écoute car,
outre la mise en état de perte qu'elles opèrent par l'énonciation itérative, elles permettent
aisément le repérage des références antérieures et extérieures à l'énoncé. Comme l'a dit
Ivanka Stoïanova dans une remarque d'inspiration barthésienne, il s'agit d'une
"Musique de plaisir, [...] Car elle contente, emplit, donne de l'euphorie; Car elle vient de la
culture [...] et [...] confirme une 'pratique confortable de la lecture' [...] Musique de jouissance
: Car elle met en état de perte, elle déconforte, en faisant vaciller les assises historiques,
culturelles et psychologiques, en mettant en cause le rapport à la musique."233
Plans de consistance sonores fidèles aux impératifs esthétiques selon lesquels "au plan
organisationnel transcendant d'une musique occidentale fondée sur les formes sonores et
leur développement, l'on oppose un plan de consistance immanent de la musique
orientale, faite de vitesses et de lenteurs, de mouvements et de repos." 234Comment faire
rhizome, comment s'affranchir de la "rationalité administrative" 235 , pour reprendre
l'expression de Ivanka Stoïanova, qui a homogénéisé le temps musical depuis la
Renaissance?En guise de "réponse", le projet de Jon Hassell et Brian Eno trace des
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Renaissance?En guise de "réponse", le projet de Jon Hassell et Brian Eno trace des
lignes de fuite actives par une musique au carrefour de traditions hors-progrès où des
voix-corps en dépense - pensons aux pratiques vocales non seulement de Luciano Berio
et de Georges Aperghis, mais aussi celles de Meredith Monk, de David Moss et de Joan
LaBarbara - où se fait entendre une langue musico-machinique étrangère à la
"distinction schématique verbe-son"236 , une langue "où le synthétiseur et l'instrument
parlent autant que la voix, et la voix joue autant que l'instrument." 237Ritournelles en
variation permanente, "déterritorialisation de la voix, qui devient de moins en moins
langage" 238 et de plus en plus "flux machinique païen-plébéien (qui renonce au statut
d'une) mnémotechnie culpabilisante à vocation élitiste ou théocentrique"239 pour
réinventer l'oeuvre comme topologie mouvante régie par une Ursprache
pulsionnelle.Cette poétique de la voix-synthétiseur - de la voi(e)x machinique et de la
machine vocale - acquiert une importance primordiale au sein de l'énonciation non-
téléologique de Brian Eno et de Jon Hassell. C'est le "synthétiseur, avec son opération
de consistance, [qui] a pris la place du fondement dans le jugement synthétique a priori :
la synthèse y est du moléculaire et du cosmique, du matériau et de la force, non plus de
la forme et de la matière, du Grund et du territoire."240Au-delà de tout métarécit fondé
sur l'idéologie du progrès de la technoscience capitaliste, la musique a toujours entretenu
un rapport d'étroite imbrication avec la philosophie qui cesse d'être "jugement
synthétique, [... pour devenir] synthétiseur de pensées, pour faire voyager la pensée, la
rendre mobile, en faire une force du Cosmos." 241Dans un mouvement transversal et
plurivectoriel, les singularités postmodernes ont substitué le dispars à toute instance
originaire et centralisatrice, revendiquant ainsi un statut d'heccéité sans "début ni fin, ni
origine ni destination; [...] toujours au milieu." 242 Processualités régies par un autre mode
de temporalité -
"Aiôn, qui est le temps indéfini de l'événement 162, la ligne flottante qui ne connaît que les
vitesses, et ne cesse à la fois de diviser ce qui arrive en un déjà-là et un pas-encore-là, un trop
tard et un trop tôt simultanés, un quelque chose à la fois qui va se passer, [... qui excède la
dimension de] Chronos, [...] temps de la mesure, qui fixe les choses et les personnes,
développe une forme et détermine un sujet."243
Un tel mode de temporalisation renonce à la "succession de maintenant isolés les uns par
rapport aux autres et atomisés [...pour les ouvrir...] les uns "dans" les autres."244 Devenir
imperceptible... selon les traits formels qui constituent une poétique de l'énoncé non-
téléologique telle qu'on 245 l'a explicitée à propos de la musique de Ph. Glass et de S.
Reich :
"opposent au plan transcendant d'organisation, censé avoir dominé toute la musique classique
occidentale, un plan sonore immanent, toujours donné avec ce qu'il donne, qui fait percevoir
l'imperceptible, et ne porte plus que des vitesses et des lenteurs différentielles dans une sorte
de clapotement moléculaire : il faut que l'oeuvre d'art marque les secondes, les dixièmes, les
centièmes de secondes."246
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centièmes de secondes."246
Furie des Verschwindens ... Musique résiduelle, vouée au déploiement d'un impensé,
elle pose la question "que reste-t-il du reste?" Que peut-on opposer au reste? On peut
dire "la droite / la gauche, le même / l'autre, la majorité / la minorité, le fou / le normal,
etc. - mais le reste/ ?"249 Quand on enlève tout, il ne reste rien. Dans l'optique
thanathocentrique de Einstürzende Neubauten une telle proposition est fausse, car ils ne
travaillent qu'avec des restes comme matériau musical. C'est ce qui les inscrit dans une
mouvance résolument post-rock et post-punk car il ne s'agit plus de revendiquer une
position extérieure aux classes socio-économiquement favorisées comme l'ont fait les
skin-heads, les punks, les beatniks, les mods, ou les rappers. Ce qui survient avec
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skin-heads, les punks, les beatniks, les mods, ou les rappers. Ce qui survient avec
Einstürzende Neubauten c'est une pratique sociale déterminée par des noeuds de
violence esthétisée dans un territoire existentiel sans utopie, désenchanté.Haus der Lüge
("Maison des Mensonges") - où Prolog, Feurio !, Ein Stuhl in der hölle, Haus der Lüge
et Epilog s'agencent selon une trame mettant en évidence un réel en désagrégation - dit la
condition postmoderne : le résiduel, l'hyperréel, l'hypertélique. Les adaptations et les
schématisations afférentes à la musique, aux paroles et à leur paratexte sont évidentes
lors des processus de traduction et de diffusion commerciale : la re-présentation
graphique du texte verbal, sa traduction en langue anglaise (selon le demandes du
marché mondial) et sa disposition typographique constituent des forces qui interpellent,
selon des modalités d'adresse antérieurement et extérieurement calculées, ce sujet
postmoderne multicentré par la médiagogie techno-télécratique de notre
culture.Einstürzende Neubauten travaillent en vue de la disparition non seulement des
formes pop acceptées par une majorité mais aussi de l'esthétique rock des années
soixante-dix, désormais révolue, dont la prétention classicisante a été représentée par les
groupes rock britanniques dits "progressifs" : Genesis, Pink Floyd, Yes, Emerson, Lake
& Palmer et Gentle Giant ainsi que leurs homologues italiens La Premiata Forneria
Marconi, Il Banco del Mutuo Soccorso, Il Rovescio della Medaglia, Le Orme et
Maxophone entre autres :
"De même que dans la politique pop les mouvements politiques traditionnels se marginalisent,
de même la notion de progrès, en tant que mouvement historique de la pop, s'est attenuée
jusqu'à l'épuisement. Le "rock progressif", ce symptome diabolique du désir de la pop
d'évoluer vers une forme proprement artistique, a cessé de progresser."250
"C'est un peu macho aujourd'hui que de vouloir montrer qu'on 246 sait jouer en directe. Je
préfère montrer que nous, on ne sait pas jouer en directe. On est une formation pop, pas un
groupe de rock and roll."251
"La musique a soif de destruction, tous les genres de destruction, extinction, cassage,
dislocation. N'est-ce pas son "fascisme" potentiel?"252 En paraphrasant Walter Benjamin,
Blixa Bargeld, vocaliste de Einstürzende Neubauten, a affirmé que "le caractère
destructif est essentiellement gai." 253 Façons de scander la fin d'un métarécit, d'une forme
de subjectivité qui n'est plus la nôtre : apologie du chaos et déclenchement de nouvelles
machines, non pas désirantes, mais déchirantes : Sehnsucht, ("désir ardent") - où s'opère
une mise en tension entre Schiller, Schubert et Bargeld; Der Tod ist ein Dandy ("la mort
est un dandy"), où un certain baudelairianisme déterritorialisé fraye son chemin vers un
trou noir, vers la disparition. En guise de conclusion : aux carrefours des axes
musicologiques et schizoanalytiquesNous avons tenté d'indiquer, dans les pages qui ont
précédé, les points d'ancrage de la discursivité postmoderne telle qu'elle s'est laissée
appréhender au cours des années quatre-vingt à travers les champs de transaction entre
musique et subjectivité - là où des singularités se sont trouvées prises dans une lutte
contre l'aplatissement axiologique que l'industrie de la subjectivité capitalistique
contemporaine s'est acharnée à promouvoir.Il s'est agi de laisser résonner la ritournelle
théorique de la postmodernité dans une perspective non-réductible, d'après Jean-
François Lyotard, à ce "postmodernisme" des
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"Produire, c'est matérialiser de force ce qui est d'un autre ordre, de l'ordre du secret et de la
séduction [... qui] est partout et toujours ce qui s'oppose à la production. La séduction retire
quelque chose de l'ordre du visible, la production érige tout en évidence, que ce soit celle d'un
objet, d'un chiffre ou d'un concept. [...] Que tout soit produit, que tout se lise, que tout
advienne au réel, au visible et au chiffre de l'efficacité, que tout se transcrive en rapports de
force, en systèmes de concepts ou en énergie computable, que tout soit dit, accumulé,
répertorié, recensé : tel est le sexe dans le porno, mais telle est plus généralement l'entreprise
de toute notre culture, dont l'obscénité est la condition naturelle; culture de la monstration, de
la démonstration, de la monstruosité productive."255
bien sûr, au Miles Davis de Tutu .Un tel paysage musical a pu susciter d'autant plus de
concepts hétérogènes, mais rassemblés en une cohérence non-totalisante, disjonctive.
Ainsi avons-nous tenté de penser le rapport entre musique et réécriture, désignations
paléonymiques, agencements collectifs d'énonciation, productions de subjectivité,
paratexte, transversalité et paradigme éthico-esthétique.L'esthétique française, lorsqu'elle
s'est penchée sur la musique contemporaine, a tracé quelques unes des grandes lignes
épistémologiques qui traversent autant le fait musical extra-européen que celui de
tradition classique et de ce fait elle a élargi considérablement les ressources
conceptuelles du musicologue :
"Si la théorie veut expliquer et susciter des principes régissant la productivité de l'énoncé
musical et le processus de son fonctionnement à travers la chaîne compositeur-interprète-
auditeur, elle doit tenir compte des données de l'analyse musicale (dans le sens traditionnel du
terme), ainsi que de celles de la psychanalyse, de la sociologie, de la philosophie, de la théorie
du langage et des systèmes translinguistiques."258
Un tel multiperspectivisme nous a encouragé à quitter les postulats formalistes qui dénient
les productions de subjectivité au nom d'une fictive - et impossible - objectivité. D'où les
choix épistémologiques que nous avons opérées : c'est à des musicologues d'expression
anglaise que l'on doit d'avoir davantage insisté sur le fait musical populaire comme fait de
discours, comme topologie dessinée non seulement par ce qui se fait, mais par ce qui se dit,
là où ladite vérité se trouve "déplacée de l'acte ritualisé, efficace, et juste, d'énonciation, vers
l'énoncé lui-même : vers son sens, sa forme, son objet, son rapport à sa référence."259 Ainsi,
en suivant cet axiome, a-t-on pu montrer la nécessité de situer les catégories musicales sur un
plan "topographique", pour paraphraser Richard Middleton 260 - catégories non-exonérées par
la logique capitalistique qui les rend possibles, puisque elles aussi "habitent le monde de la
production culturelle capitaliste."261Les questions relatives à une ontologie de la musique
populaire en général et à l'épistémologie du musicien postmoderne en particulier ont donné à
entendre un tissage de lignes de subjectivation et d'investissement d'un capital intellectuel et
affectif, la mise en rapport et en tension des pouvoirs et des savoirs, la différence sexuelle,
les provenances-destinerrances géopolitiques, les répartitions et les stratifications socio-
économiques.De nouveaux "agencements collectifs d'intellectualité"262 , au-delà de ceux mis
en place par le scientisme des sciences humaines, par l'Université, par les maisons d'éditions
établies ou par les "intellectuels" lorsqu'ils prennent des postures moralisantes ou
démagogiques, devraient nous amener à éclairer le "devenir-contemporain" de la musique
populaire et du devenir-populaire de la musique contemporaine.263Dans son devenir-
philosophe, le musicologue, oreille tendue vers le bruit social toujours improbable et
intempestif, trace des devenirs et des trajets : ce que Félix Guattari réalisait par ses
"cartographies schizoanalytiques"264. Surtout lorsqu'il disait, d'ailleurs avec étonnante
simplicité : "[...] que l'on songe aujourd'hui à l'importance, pour des millions de jeunes, de la
culture Rap [ ... en tant que possible] levier essentiel de resingularisation subjective."265 Un
énoncé qui, à nos oreilles, demeure sans prétention musicologisante mais d'autant plus chargé
d'implications pour les cartographies sociales in progress du fait musical urbain de tradition
non-classique.
Giancarlo Siciliano
< gs@webbar.fr>
Notes
1. Ivanka Stoïanova, "Les années 80 : sans utopie" in Silences, no. 1, Paris, Editions de la Différence,
1985, p. 23.
2. Dans Espaces sociaux, espaces musicaux, Paris, Payot, 1979; Contrepoints. Musique et littérature,
Meridiens Klincksieck, Paris, 1990 et "L'entourage verbal des notes et des sons : effets de sens" in
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Meridiens Klincksieck, Paris, 1990 et "L'entourage verbal des notes et des sons : effets de sens" in
Analyse Musicale, juillet 1991, Paris.
3. Cf. Dancing in the distraction factory, Routledge, Londres, 1993, p. 51 - 52.
4. Cf. Chaosmose, Paris, Galilée, 1992, p. 11.
5. Cf. Rocking around the clock. Music television, postmodernism & consumer culture, Methuen,
Londres/New York, 1987.
6. Feminine endings : music , gender and sexuality, University of Minnesota Press, Minnesota, 1991,
p. 13.
7. Studying popular music, Open University Press, Buckingham, 1990, p. 249.
8. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Rhizome" in Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome
II, Paris, Minuit, 1980, p. 10.
9. Cf. Dominique Avron, "Energétique ou sémiologie de la musique?" in Musique en jeu, Paris,
Seuil, 1975, p. 96.
10. Cf. "Sur le nihilisme" in Simulacres et Simulation, Paris, Galilée, 1981, p. 231.
11. Félix Guattari, "L'objet écosophique" in Chaosmose, Paris, Galilée, 1992 p. 182.
12. Gilles Deleuze, "Michel Foucault" in Pourparlers, Paris, Minuit, 1990, p. 135.
13. Félix Guattari, "Micropolitique du fascisme" in La révolution moléculaire, coll. 10/18, U.G.E.,
Paris, 1977, p. 42 - 43 et "Agencements d'énonciation, transformations et champ pragmatiques" in
L'inconscient machinique, Editions Recherches, Paris, 1979, pp. 43 - 73; Gilles Deleuze, "La
littérature et la vie" in Critique et clinique, Paris, Minuit, 1993, p. 15; Gilles Deleuze et Félix
Guattari, "Rhizome", op. cit., p. 13.
14. Paul Virilio, L'inertie polaire, Paris, Christian Bourgois, 1990, p. 158.
15. "Is there rock after punk", 1986, in Frith, S. et Goodwin, A., (eds.), On record. Rock, pop and the
written word, Routledge, Londres, 1990, p. 116.
16. "The rock and roll apparatus is a kind of machine which [...] produces or imprints a structure on
the fans' desires and relations by organizing the material pieces of their lives, [...] inscribing a
geography of desire on its youth culture [...] at the centre of a life without meaning : the postmodern
condition." art. cité, p. 116 - 117. Nous traduisons et soulignons.
17. "[...] by conflating postmodernism as theory and as condition, the former finds itself with a vested
interest in promoting the latter, [...] then as a cultural form of far greater significance than the
evidence often suggests. It is for this reason that we need to probe beyond the ritual incantation of
pastiche." Andrew Goodwin, 1988, in Frith et Goodwin, op. cit., p. 272. Nous traduisons et
soulignons.
18. Jean-François Lyotard, "Représentation, présentation, imprésentable" in L'inhumain, Paris,
Galilée, 1988a, p. 139.
19. Paul Virilio, Vitesse et politique, Paris, Galilée, 1979, p. 12.
20. Cf. Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989, p. 23 - 24. Nous soulignons.
21. Ivanka Stoïanova, Geste - texte- musique, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, p. 12.
22. Cité par Françoise Escal, Contrepoints. Musique et littérature, Meridiens Klincksieck, Paris, 1990,
p. 25.
23. Selon l'expression de Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Minuit, 1967, p. 33.
24. Françoise Escal, op. cit., p. 104.
25. Comme le dit très bien Derrida par le geste de la rature qui, en effaçant, laisse toujours une trace à
voir. Op. cit., p. 31.
26. Ibid.
27. Motif qui jalonne la philosophie française contemporaine : cf. Roland Barthes, 1977, "La
musique, la voix, la langue" in L'obvie et l'obtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, 1982, p. 247; Gilles
Deleuze, "sur la mise en séries" in Logique du sens, Paris, Minuit, 1969, p. 55; Jacques Derrida, La
carte postale de Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980, p. 448; Clément Rosset,
L'objet singulier, Paris, Minuit, 1979,p. 47.
28. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Rhizome" in Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie.
Tome II, Paris, Minuit, 1980, p. 10.
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50. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Qu'est-ce que la philosophie, Paris, Minuit, 1991, p. 154.
51. Umberto Eco, L'oeuvre ouverte, Paris, Seuil, 1965, p. 28. Nous soulignons.
52. Françoise Escal, op. cit., p. 107.
53. Félix Guattari, "l'oralité machinique et l'écologie du virtuel" in Chaosmose, Paris, Galilée, 1992, p.
125.
54. Bien que ce soit un 'contexte' plus éloigné de celui ici circonscrit, le rappel de Carl Dahlhaus vient
croiser notre perspective. Cf. "Composition and Improvisation" in Schoenberg and the new music,
Cambridge University Press, Cambridge, 1987, p. 273.
55. "[...] the role of improvisation in popular music [...] doesn't seem much different from that of
similar practices within 'serious', written poetry and music. In both cases, a series of preliminary
sketches leads to a final version, to the work, which, by reason of a creative choice, is more 'absolute'
[...] than the variants that were rejected. Gottfried Benn's glass-blower is at work in the recording
studio : the amorphous, white-hot block slowly becomes a shape; a delicate but resolute stroke cuts it
off from the pipe and from the blower's body when the moment is right. Someone says : now.
Someone says : this. The choice can often be a collective choice, the result of compromise and
arrangement; but what is chosen is the final cut. Isn't exteriorisation, objectification, in this sort of
sound writing, very similar to that of ordinary writing and printing?" Umberto Fiori, "Listening to
Peter Gabriel's 'I Have the Touch' " in Popular Music, vol. 6, no. 1, Cambridge University Press, New
York, 1987, p. 41. Nous traduisons et soulignons.
56. Jacques Derrida, op. cit., p. 19.
57. Roland Barthes, 1973a, "Théorie du texte" in Encyclopaedia Universalis, Tome 17, Editions
Encyclopaedia Universalis, p. 999.
58. Roland Barthes, 1971, "De l'oeuvre au texte" in Le bruissement de la langue. Essais critiques IV,
Paris, Seuil, 1984, p. 73.
59. Daniel Charles, Gloses sur John Cage, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, p. 249.
60. Félix Guattari, Cartographies schizoanalytiques, Paris, Galilée, 1989a, p. 31.
61. Cf. Espaces sociaux, espaces musicaux, Paris, Payot, 1979, p. 209, où s'annonce la problématique
de l'inflation paratextuelle telle qu'elle se dessine autour des musiques classiques et contemporaines
de tradition classique. A ce sujet, on se reportera à son ouvrage récent, déjà cité, Contrepoints.
Musique et littérature, d'où nous dégageons les éléments essentiels à une théorie de l'entourage verbal
du fait musical.
62. Motif insistant à travers l'oeuvre de Jacques Derrida, nous l'avons prélevé de La dissémination,
Paris, Seuil, 1972, p. 9 et de L'autre cap, Paris, Minuit, 1991, p. 34.
63. Selon le terme d'inspiration foucaldienne repris par Gianni Vattimo dans son ouvrage La société
transparente, Desclée de Brouwer, Paris, 1990, p. 83.
64. Gilles Deleuze et Félix Guattari,Qu'est-ce que la philosophie?, Paris, Minuit, 1991, p. 36.
65. C'est la question que Roland Barthes posait en 1972 dans "Le grain de la voix " in L'obvie et
l'obtus. Essais critiqures III, Paris, Seuil, 1982, p. 237.
66. Ibid.
67. "[...] rock'n'roll cannot mean anything (although anything can be [...] located within a rock'n'roll
apparatus) [...it remains], a floating signifier of a historically changing and multiple affective
machinery [...] articulated into particular relations within larger social and cultural formations." Cf.
Lawrence Grossberg, 1986, "Is there rock after punk?" in Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), On record.
Rock, pop and the written word, Routledge, Londres, 1990, p. 122. Nous traduisons et soulignons.
68. Cf. "Domus et la mégapole" in L'inhumain, Paris, Galilée, 1988a, p. 209.
69. "[...] they either write in an impressionistic manner that may capture something of the way the
music feels and is received but that does not at all address the details that contributed to creating the
effect; or they try to explain precisely how the effect was achieved, but in terms of graphs and
vocabulary that are quite alien to the listener. A choice between poetic or technical mystification". Cf.
Susan McClary et Robert Walser, 1988, "Start making sense! Musicology wrestles with rock" in
Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), op.cit., p. 280. Nous traduisons.
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70. "[...] writing about music is like dancing about architecture. It's a really stupid thing to want to
do." Cité in Andrew Goodwin, Dancing in the distraction factory, Routledge, Londres, 1993, p. 1.
Nous traduisons et soulignons.
71. Cf. Roland Barthes, 1971, "De l'oeuvre au texte" in Le bruissement de la langue. Essais critiques
IV, Paris, Seuil, 1984, p. 80.
72. Sur lequel Richard Middleton, op. cit., p. 5, attire notre attention.
73. Ce sont ses expressions "vulgar freudianism" et "instinctualism", op. cit., pp. 258 - 259. Nous
traduisons.
74. Cf. L'Anti-Oedipe. Capitalisme et schizophrénie. Tome I. Paris, Minuit, 1972, pp. 7 - 59.
75. Dans "De la production de subjectivité" in Chaosmose, Paris, Galilée, 1992, p. 24.
76. Comme le rappellent, non sans humour, Gilles Deleuze et Félix Guattari dans "Rhizome" in Mille
Plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome II, Paris, Minuit, 1980, p. 31.
77. Gilles Deleuze, "La littérature et la vie" in Critique et clinique, Paris, Minuit, 1993, p. 12.
78. Cf. Jean-François Lyotard, "L'obédience" in L'inhumain, Paris, Galilée, 1988a, p. 179.
79. Cf. Jacques Derrida, La carte postale de Socrate à Freud et au-delà, Paris, Flammarion, 1980, p.
27.
80. "[...] do we need a postmodern theory [...] in order to understand postmodern cultural forms?" Cf.
Andrew Goodwin, 1988, in Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), op. cit., p. 272. Nous traduisons.
81. "[...] what is the status of the developing postmodern esthetic? Is it [...] an emerging condition that
will perhaps rise to aesthetic dominance? Or is it in fact an aspect of economic, historical, and
technological developments in pop that need to be understood in the context of the continuing
dominance of realism, modernism, ... and romanticism?" Ibid. Nous traduisons.
82. Dans La condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979, pp. 8 - 9.
83. Cf. Lyotard, op. cit., p. 11.
84. Cf. Lyotard, op. cit., p. 7 et "Apostille aux récits" in Le postmoderne expliqué aux enfants, Paris,
Galilée, 1988, p. 35.
85. Cf. Simulacres et simulations, Paris, Galilée, 1981, pp. 229 - 230.
86. Cf. Jean Baudrillard, 1980, "La fin de la modernité ou l'ère de la simulation" in Ansay, Pierre et
Schoonbrodt, René (eds.), Penser la ville, AAM, Bruxelles, 1989, pp. 212 - 213.
87. Cf. "Réécrire la modernité" in L'inhumain, Paris, Galilée, 1988a, p. 43.
88. D'après la caractérisation de Gilles Lipovetsky qui intitule ainsi l'ensemble de ses réflexions
sociologiques, publiées à Paris aux Editions Gallimard en 1983, autour de l'individualisme dans les
sociétés contemporaines développées.
89. L'autre par lui-même, Paris, Galilée, 1987, p. 11.
90. Jean Baudrillard, op. cit., p. 89.
91. Cf. Félix Guattari, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989, p. 61 et "De la production de la
subjectivité" in Chaosmose, Paris, Galilée, 1992, p. 17.
92.Cf. Paul Virilio, L'inertie polaire, Christian Bourgois, Paris, 1990, p. 21.
93. Cf. Jean Baudrillard, La Transparence du Mal, Paris, Galilée, 1990, pp. 17 - 18.
94. "Qu'est-ce que les Lumières?" in Magazine Littéraire, no. 309, 1993, Paris, p. 67.
95. "Modernisme et post-modernisme" in op. cit., pp. 115 - 116.
96. Dans "La modernité Baudelaire" in Modernité modernité, Editions Verdier, Paris, 1988, pp. 105 -
120.
97. op. cit., p. 93.
98. op. cit., p. 158.
99. Jean Baudrillard, 1980, "L'hypermarché et la désintégration" in Ansay, P. et Schoonbrodt, R.
(eds.), op. cit., p. 212.
100. Cf. Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1988, pp.
102 - 127 et Gianni Vattimo, La fin de la modernité. Nihilisme et herméneutique dans la culture post-
moderne, Paris, Seuil, 1987, p. 169.
101. Selon l'expression de Arnold Gehen citée par Meschonnic, op. cit., pp. 219 - 220, ainsi que par
Vattimo, op. cit., p. 12 et Pierre Lévy, La machine univers, Paris, Seuil, 1987, p. 40.
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Vattimo, op. cit., p. 12 et Pierre Lévy, La machine univers, Paris, Seuil, 1987, p. 40.
102. Cf. Lyotard, "Réponse à la question : qu'est-ce que le postmoderne?" in Le postmoderne
expliqué aux enfants, Paris, Galilée, 1988, p. 28.
103. Cf. Gilles Deleuze, "de la communication des événements" in Logique du sens, Paris, Minuit,
1969, p. 204.
104. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Rhizome" in Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie.
Tome II, Paris, Minuit, 1980, p. 37.
105. Cf. Gilles Deleuze, "de l'événement", op. cit., p. 178.
106. Jacques Derrida, "Parergon" in La vérité en peinture, Paris, Flammarion, 1978, p. 101.
107. Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979, p. 97.
108. C'est la rhétorique baudrillardienne telle que déployée dans La Transparence du Mal, Paris,
Galilée, 1990, p. 17.
109. Pour reprendre, cette fois-ci, le titre d'un des chapitres de Simulacres et simulations, Paris,
Galilée, 1981, p. 221.
110. Point de vue qu'ici, en revanche, nous partageons. Cf. L'autre par lui-même, Paris, Galilée,
1987, p. 89 et La Transparence du Mal, Paris, Galilée, 1990, pp. 56 - 57.
111. Jean Baudrillard, L'échange symbolique et la mort, Paris, Gallimard, 1976, p. 114.
112. Telle que Paul Virilio l'a cernée dans La machine de vision, Paris, Galilée, 1988, p. 126.
113. C'est le projet equissé par Andrew Goodwin, Dancing in the distraction factory, Routledge,
Londres, 1993, pp. 49 - 71.
114. Guy Scarpetta l'a réitéré dans L'Impureté, Paris, Grasset, 1985, p. 57.
115. Cf. Jean-François Lyotard, "Représentation, présentation, imprésentable" in L'inhumain, Paris,
Galilée, 1988a, p. 138.
116. Lyotard, "Réécrire la modernité", op. cit., p. 35.
117. op . cit., p. 36.
118. Cf. Jean-François Lyotard, "Note sur le sens de 'post'" in Le postmoderne expliqué aux enfants,
Paris, Galilée, 1988, p. 119.
119. Selon l'expression de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Cf. "Le plan d'immanence" in Qu'est-ce
que la philosophie?, Paris, Minuit, 1991, p. 58.
120. Cf. Daniel Charles, Gloses sur John Cage, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, pp. 248 - 249.
121. "[...] the degree to which pop music in the 80's has become self-referential is now so developed
that some songs sound like copies of parodies. I recently attended a gig in Berkeley where the band
supporting the Meat Puppets seemed to be pastiching the Cult - a British rock group who made their
name in 1986 by resurrecting the hard rock sound of Led Zeppelin." Andrew Goodwin, 1988, in Frith,
S. et Goodwin, A. (eds.), op. cit., p. 260. Nous soulignons.
122. Pour traduire le mot anglais "subcultural" tel qu'employé, entre autres, par Dick Hebdige 1979,
"Style as homology and signifying practice", in Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), op. cit., p. 60.
123. Félix Guattari, Chaosmose, Paris, Galilée, 1992, p. 23 et "Pour une refondation des pratiques
sociales" in Le Monde diplomatique, Octobre 1992a, pp. 53 - 61.
124. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Postulats de la linguistique" in Mille Plateaux. Capitalisme et
schizophrénie. Tome II, Paris, Minuit, 1980, p. 123.
125. Jacques Derrida, L'autre cap, Paris, Minuit, 1991, pp. 23 - 24.
126. Jean-François Lyotard, "Réponse à la question : qu'est-ce que le postmoderne?" in Le
postmoderne expliqué aux enfants, Paris, Galilée, 1988, p. 31.
127. op . cit., p. 35.
128. Comme le rappelle Richard Middleton, op. cit., p. 66, dans un chapitre où il analyse les
implications de la théorie de Walter Benjamin pour le fait musical à l'ère de sa reproductibilité
technique.
129. D'après l'expression de Heidegger citée par Gianni Vattimo dans La société transparente,
Desclée de Brouwer, Paris, 1990, p. 59.
130. C'est la position que prend Michel Foucault dans son texte en réponse à la question de Kant,
"Qu'est-ce que les Lumières?" Cf. Magazine Littéraire, no. 309, Paris, 1993, p. 67.
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"Qu'est-ce que les Lumières?" Cf. Magazine Littéraire, no. 309, Paris, 1993, p. 67.
131. Cf. son article "Le postmodernisme en musique : aventure néo-baroque ou nouvelle aventure de
la modernité" in Circuit, vol. 1, no. 1, consacré au Postmodernisme, Presses de l'Université de
Montréal, 1990, p. 31 - 32.
132. C'est le titre de l'un des essais rassemblés dans L'inhumain, Paris, Galilée, 1988a, p. 33.
133. Ibid.
134. Jean-François Lyotard, "Apostille aux récits" in Le postmoderne expliqué aux enfants, Paris,
Galilée, 1988, p. 35.
135. Cf. L' Inconscient machinique, Editions Recherches, Paris, 1979, p. 69.
136. Françoise Escal, Espaces sociaux, espaces musicaux , Paris, Payot, 1979, p. 211.
137. Cf. Jacques Derrida, "Le langage (Le Monde au téléphone)" in Points de suspension, Paris,
Galilée, 1992, pp. 191 - 192.
138. Daniel Caux, "John Cage, La Monte Young et la dissidence musicale aujourd'hui" in Art Press,
no. 150, Paris, 1990, p. 49.
139. D'après la téléscopie de Jean-François Lyotard dont les résultats furent rapportés dans La
condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979, pp. 11 - 12.
140. op. cit., p. 8.
141. op. cit., p. 31.
142. Cf. Studying popular music, Open University Press, Buckingham, 1990, pp. 250 - 251.
143. "The idea of the 'split subject' provides a way of grasping, precisely, the position occupied by the
various human productive forces. Composers, performers and other productive agents are not either
wholly 'manipulated' or wholly 'critical' and 'free'; their subjectivity - or the positions being continually
constructed for that subjectivity - is traversed by a multitude of different, often conflicting lines of
social influence, bringing them into multiple, often overlapping identities and collectivities. Neither
for them nor for their music are the simple categories of 'mass' or 'individual' appropriate." Middleton,
op. cit., p. 45. Nous traduisons.
144. "[...] the mode of time awareness into which listeners are placed." Ibid. Nous traduisons.
145. "[...] the invitation to feel." Ibid. Nous traduisons.
146. "[...] personality types with which listeners can identify." Ibid. Nous traduisons.
147. "[...] the invitation to map, trace [...] the patterns of mouvement offered by the rythmic structure
and texture." Middleton, op. cit., ibid. Nous traduisons.
148. Dans "Rock et séduction" in Mignon, P. et Hennion, A. (eds.), Rock. De l'histoire au mythe,
Paris, Anthropos, 1991, p. 141.
149. "[...] conditions of audibility as governing the sites and moments of discursive consensuality in
music." Middleton, op. cit., ibid. Nous traduisons.
150. "[...] mass positionality ... collective group subjects constructed by typical R'n'R song and Top
40." Middleton, op. cit., ibid. Nous traduisons.
151. Cf. Félix Guattari, La révolution moléculaire, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1977, p. 43 et Les trois
écologies, Paris, Galilée, 1989, p. 61.
152. D'après Jacques Attali. Cf. Bruits, Paris, Presses Universitaires de France, 1977, p. 23.
153. "Maintenant regarde-les, ces nuls - c'est comme ça que ça se fait /tu joues de la guitare à la MTV
/ Ca ne marche pas - c'est comme ça que ça se fait / Du fric pour rien et des 'moeufs' gratos." Nous
traduisons.
154. "J'ai le cerveau / Tu as les apparences / On se fait du fric / Plein de fric". Nous traduisons.
155. Cf. Roland Barthes, 1973a, "Théorie du texte" in Encyclopaedia Universalis, tome 17, Editions
Encyclopaedia Universalis, p. 998.
156. Ivanka Stoïanova, "Texte-Musique-Sens des oeuvres vocales de Luigi Nono dans les années 50 -
60" in Contrechamps, Paris, 1987, p. 81.
157. Cf. " A typology of 'hooks' in popular records" in Popular Music, vol. 6, no. 1, Cambridge
University Press, New York, 1987, p. 6 - 17.
158. Julia Kristeva, Semeiotiké : recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969, p. 147.
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potency in the post-modernist position, which takes the dominant system as given and proposes as
method of critique the fragment : subversion takes the form of 'guerrilla' activity which exploits
fissures and forgotten spaces within the hegemonic structure. An 'either/or' (to the extent it existed) is
replaced by an 'and/and', a confrontation between unitary subjectivity and its destruction by an
acceptance of multiples and contradictions." Middleton, op. cit., p. 63. Nous traduisons.
212. D'après Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Postulats de la linguistique", op. cit., p. 95.
213. Comme le dit, dans une remarque d'inspiration artaudienne, Ivanka Stoianova dans "Les années
80 : sans utopie" in Silences, no. 1, Paris, Editions de la Différence, 1985, p. 30.
214. Cf. "Faire la musique américaine en 6 pages sans taxi" in Silences, no. 1, Paris, Editions de la
Différence, 1985, p. 37. Nous soulignons.
215. Comme Gilles Deleuze et Félix Guattari nous incitent à le faire dans Qu'est-ce que la
philosophie?, Paris, Minuit, 1991, p. 192.
216. Cf. Ivanka Stoïanova, art. cité, p. 29. Nous soulignons.
217. "The wonderful thing is the stylistic diversity that is simply a fact of life now, and you can't
identify the most exciting work by going to a particular style. There are as many approaches as there
are individuals. [...] The nationalistic focus [...] is becoming less and less useful; there's got to be
some sense of world history that we partake of, a sense of tradition that draws from many different
cultures. And it is happening." Cf. James Tenney cité in Peter Garland, 1991, "James Tenney :
American Maverick" in Ear Magazine, vol. 15, no. 10, New York, p. 34. Nous traduisons.
218. Pour reprendre l'expression de Félix Guattari que nous avons placée en tête de chapitre. Cf. Les
trois écologies, Paris, Galilée, 1989, p. 69.
219. "[...] today's pop musicians are busy blurring historical and cultural boundaries, as the musics of
"traditional" Hispanic (Los Lobos, Ruben Blades), Celtic (the Pogues), and African (Graceland, Hugh
Masekela, Peter Gabriel) musics are made contemporary and enter the mainstream." Cf. Andrew
Goodwin, 1988, in Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), op. cit., p. 259. Nous traduisons.
220. Roland Barthes, 1977, "La musique, la voix, la langue" in L'obvie et l'obtus. Essais critiques III,
Paris, Seuil, 1982, p. 247.
221. Cf. son article de 1976, "Ecoute", op. cit., p. 220.
222. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir imperceptible" in
Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome II, Paris, Minuit, 1980, p. 368.
223. Cf. Giorgio Agamben, La communauté qui vient. Théorie de la singularité quelconque, Paris,
Seuil, 1990, p. 10.
224. "Mes plus vifs remerciements à mon ami Peter Gabriel pour tout ce qu'il a fait pour moi et pour
la musique en général. L'Afrique le remercie pour avoir été le plus grand promoteur de la musique
sans frontières." Ce sont les notes, rédigées par Youssou N'Dour, qui figurent à l'intérieur de la
pochette du disque The Lion, Virgin Records, 1989.
225. Cf. "Rhizome" in Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome II, Paris, Minuit, 1980,
p.14.
226. Gilles Deleuze, "Bégaya-t-il" in Critique et clinique, Paris, Minuit, 1993, p. 142.
227. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure. Paris, Minuit, 1975, p. 35.
228. "Certains préfèrent un chanteur brésilien doux / Mais j'ai arrêté toute tentative d'atteindre la
perfection." Nous traduisons.
229. Cf. Deleuze et Guattari, op. cit., p. 44.
230. Cf.Geste-texte-musique, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, p. 10.
231. op. cit., p. 41 - 42.
232. op. cit., p. 12.
233. Cf. Luciano Berio. Chemins en musique, Editions Richard Masse, 1985a, p. 467 - 468. Nous
soulignons.
234. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir - imperceptible" in
Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome II, Paris, Minuit, 1980, p. 331.
235. op. cit., p. 95.
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236. Cf. Ivanka Stoïanova, Geste-texte-musique, coll.10/18, U.G.E., Paris, 1978, p. 11.
237. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Postulats de la linguistique", op. cit., p. 122.
238. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir - imperceptible",
op. cit., p. 371.
239. Selon l'expression, elle aussi d'inspiration deleuzo-guattarienne, de Daniel Charles. Cf. Gloses
sur John Cage, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, p. 249.
240. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "De la ritournelle", op. cit., p. 424.
241. Ibid.
242. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir - imperceptible",
op. cit., p. 321.
243. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir -
imperceptible",op. cit., p. 320.
244. Daniel Charles, "L'espace, le temps et les arts du temps" in L'espace et le temps aujourd'hui,
ouvrage collectif, Paris, Seuil, 1983, p. 250.
245. Ivanka Stoïanova, Geste-texte-musique, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, pp. 76 -77.
246. Deleuze et Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir - imperceptible", op. cit., pp.
326 - 327.
247. Dans Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981, p. 231.
248. op. cit., p. 229.
249. op. cit., p. 205.
250. "As traditional political movements have become marginalized in pop politics, so notions of
pop's historical movement as "progress" have withered and died. "Progressive rock", that most
diabolical symptom of pop's desire to evolve into Art, has ceased to progress." Cf. Andrew Goodwin,
art. cité, in Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), op. cit., p.
259. Nous traduisons.
251. It's kinda macho nowadays to prove you can cut it live. I quite like proving we can't cut it live.
We're a pop group, not a rock and roll group. Neil Tennant cité in Andrew Goodwin, 1988, art. cité, p.
252. Nous traduisons et soulignons. Voir aussi Dancing in the distraction factory, Routledge,
Londres, 1993, p. 36.
252bis. Gilles Deleuze et Félix Guattari, "Devenir - intense, devenir - animal, devenir - imperceptible"
in Mille Plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome II, Paris, Minuit, 1980, pp. 367 - 368.
253. "The destructive character is essentially cheerful". Cité in Derek Ridgers, "Apocalypse Neu",
New Musical Express, Londres, 1993. Nous traduisons.
254. Cf. "Représentation, présentation, imprésentable" in L'inhumain, Paris, Galilée, 1988a, p. 139.
255. Cf. De la séduction, Paris, Galilée, 1979, p. 56.
256. Cf. art. cité in Frith, S. et Goodwin, A. (eds.), op. cit., p. 116.
257. Cf. Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989, p. 61, Cartographies schizoanalytiques, Paris,
Galilée, 1989a, p. 55 et p. 267; Chaosmose, Paris, Galilée, 1992, p. 17.
258. Cf. Ivanka Stoïanova, Geste-texte-musique, coll. 10/18, U.G.E., Paris, 1978, p. 30. Nous
soulignons.
259. Cf. Michel Foucault, L'ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971, p. 17.
260. "We need, then, to locate musical categories topographically . " Op. cit., p. 7.
261. "[...] all categories of music live in the world of capitalist cultural production." Op. cit., p. 43.
Nous traduisons.
262. Selon l'heureuse expression de Félix Guattari. Cf. "L'objet écosophique" in Chaosmose, Paris,
Galilée, 1992, p. 179.
263. Selon la belle expression de Gilles Deleuze. Cf. "Bégaya-t-il..." in Critique et clinique, Paris,
Minuit, 1993, p. 143.
264. C'est aussi le titre de son ouvrage le plus dense publié, lui aussi aux Editions Galilée de Paris, en
1988.
265. Cf. "L'oralité machinique et l'écologie du virtuel" in op. cit., p. 135.
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Discographie
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