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Transmis le 5 mars 2008

Article destiné à : Oumma.com


La charia et les droits de la femme au 21è siècle :
des dispositions nationales différentes en fonction des
interprétations

Khalid Chraibi

La question des droits de la femme dans les pays musulmans fait l’objet de
nombreux paradoxes. L’islam fut un précurseur en matière de libération de la femme,
redéfinissant dès le 7è siècle son statut au sein de la société, et lui donnant sa pleine
quote-part de droits et de responsabilités. Elle acquit le droit de recevoir un héritage, de
gérer librement ses biens et d’accéder au domaine du savoir, entre autres innovations
dans sa situation. La charia redéfinit et rééquilibra les rôles respectifs des époux, au sein
de la famille, afin que chacun d’eux puisse assumer pleinement les responsabilités qui lui
étaient attribuées, et contribuer de manière efficace à l’épanouissement de la cellule
familiale et à la consolidation des assises de la communauté.
Les autorités politiques et religieuses des pays musulmans insistent, à cet égard,
dans les documents qu’elles soumettent à des organismes internationaux spécialisés, tels
que le « Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes » de l’ONU
(CEDAW), sur le fait que « le Coran et la Sunna contiennent des règles qui ne souffrent
d’aucune ambiguïté en faveur de la non-discrimination entre les hommes et les femmes,
visant à s’assurer que les femmes jouissent des mêmes droits et responsabilités (que les
hommes), sur une base d’égalité. » Elles ajoutent que «si une femme est victime de
discrimination ou d’une injustice, les lois du pays exigent qu’on la rétablisse dans ses
droits. »
Néanmoins, en ce début du 21è siècle, les associations féminines opérant dans le
domaine des droits des femmes, ainsi que les différents organismes internationaux
spécialisés en la matière, estiment que le statut de beaucoup de femmes reste peu
enviable, dans de nombreux pays musulmans. Les femmes dont ces associations
s’occupent vivent dans des foyers caractérisés par l’oppression, l’exploitation, le mauvais
traitement, la menace constante de répudiation, la polygamie, la violence domestique,
les « crimes d’honneur », le mariage « misyar », etc. Elles sont, de même, victimes de
pratiques discriminatoires sur le lieu de travail, que ce soit au niveau de l’emploi, du
statut, du niveau de rémunération et de responsabilités exercées, des promotions, etc.,
sans parler des cas de harcèlement sexuel.
Ainsi, à l’occasion de la soumission par l’Arabie Saoudite à la CEDAW, en 2007, de
son premier rapport sur la condition de la femme en Arabie Saoudite, un groupe de
femmes s’identifiant comme « Women for reform » (Femmes pour la Réforme) fit parvenir
anonymement à la CEDAW un « shadow-report » (contre-rapport) de 75 pages détaillant
toutes les difficultés auxquelles les femmes saoudiennes étaient confrontées, de manière
routinière, dans tous les aspects de leur vie quotidienne.
Ce rapport dénonce la ségrégation totale qui existe entre les sexes, et toutes les
conséquences négatives qui s’ensuivent pour les femmes, dans tous les aspects de leur
vie. « Women for reform » expliquent, avec force détails, que les femmes saoudiennes
vivent littéralement « sous tutelle » d’un mâle et, « sans la permission de son « tuteur »,
une femme ne peut ni étudier, ni accéder aux soins médicaux, ni se marier, ni voyager à
l’étranger, ni gérer des affaires, ni faire pratiquement quoi que ce soit de significatif… »
En réponse à ces observations, les autorités politiques et religieuses d’Arabie
Saoudite répliquent qu’elles ne font preuve d’aucune discrimination dans leur manière de
traiter les femmes. Elles se contentent d’appliquer les règles de la charia. Elles expliquent
qu’en appliquant à chacun des deux sexes les règles de la charia qui le concernent, les
autorités politiques ne bafouent les droits d’aucun individu, qu’il soit mâle ou femelle.
Elles font, tout simplement, preuve d’une conception des droits humains qui est
différente de celle des pays occidentaux.
Mais, est-ce vraiment le cas ? On peut se poser honnêtement la question, sur la
base des deux exemples suivants. Ils illustrent ce que beaucoup de personnes peuvent
considérer comme des abus dont les autorités font preuve, dans certains pays
musulmans et dans certaines situations, quand elles confondent ce qui relève, à
proprement parler, des coutumes et traditions du pays et ce qui peut être attribué, à
juste titre, à la charia.
Par exemple, la charia interdit-elle à la femme de conduire un véhicule, comme
l’ont affirmé pendant les deux dernières décennies les autorités politiques saoudiennes,
sur la base d’une fatwa du Grand Mufti du pays ? La situation était étonnante, dans la
mesure où aucun autre pays musulman au monde n’interdit à la femme de conduire un
véhicule. Le raisonnement du Grand Mufti, pour justifier l’interdiction, était également
inattendu : en conduisant seule son véhicule, la femme serait confrontée à toutes sortes
de tentations peu recommandables, auxquelles elle risquerait de succomber.
Aujourd’hui, les dirigeants du pays affirment, au plus haut niveau, qu’il s’agit
d’une simple « question de société » sans rapport avec la religion, et qui doit être réglée
par consensus, dans le cadre de discussions au sein des familles et des groupes sociaux.
Mais, à ce jour, et malgré les déclarations de certaines personnalités, les femmes ne sont
toujours pas autorisées à obtenir un permis de conduire, parce que des groupes
saoudiens puissants s’opposent à toute modification du statu quo.
La question de la « khulwa », dans certains pays du Moyen Orient, pourrait
également relever de ce genre de cas. Les médias internationaux ont rapporté, en février
2008, l’histoire de Yara, une saoudienne de 40 ans, mariée et mère de 3 enfants, cadre
supérieur d’une grande société financière, qui fut arrêtée par des membres de la
« Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice », alors qu’elle
prenait un café avec un collègue, en public, dans un établissement réputé de la chaîne
Starbucks, à Riyad, en attendant le début d’une conférence professionnelle organisée par
ses employeurs.
Elle fut détenue pendant plusieurs heures dans une isolation totale, à la prison de
Riyad. Son téléphone lui fut confisqué, et elle dut « confesser » par écrit, sous la
contrainte, avoir commis la faute de « khulwa », parce qu’elle s’était assise à la même
table qu’un homme, sans la présence d’un « mehrem », (c’est-à-dire un proche parent
qu’elle ne pouvait pas épouser, chargé de veiller à sa bonne conduite). Un interlocuteur
invisible lui répéta comme une litanie, pendant tout son temps de détention, qu’elle était
une femme de mauvaise vie.
La faute de « khulwa » est habituellement sanctionnée, dans les pays du Golfe, de
80 à 160 coups de fouet et de 3 à 6 mois de prison ferme. Yara ne put ressortir de prison,
et échapper à une telle sanction, que grâce aux interventions de son mari en haut lieu.
Mais, existe-t-il vraiment en droit musulman une faute de « khulwa » sanctionnée
par la charia, comme l’affirme le Ministère de la Justice saoudien ? Ou bien s’agit-il de
simples coutumes et traditions locales, confondues à tort avec la religion, comme
l’affirment les associations de défense des droits des femmes, qui observent qu’il n’existe
aucune mention de la « khulwa » dans le Coran, et que de nombreux pays musulmans
(comme ceux d’Afrique du Nord) ne font aucune référence à une « infraction » de
« khulwa » dans leur application de la charia ?
Les juristes musulmans ne s’étonnent guère de l’existence de pratiques
différentes, dans l’application de la charia, d’un pays musulman à l’autre. L’existence
officielle de 4 rites différents dans l’islam sunnite (Abu Hanifa, Chafii, Malik, Ibn Hanbal),
et d’un rite shiite principal les a habitués à la confrontation, sur de nombreux points de
droit, de raisonnements juridiques complexes, aboutissant à des conclusions différentes
selon les rites. Ils savent également que, dans chaque pays qui a codifié le droit civil sous
forme d’une « moudawwana » nationale, les autorités politiques et religieuses du pays
interprètent différentes dispositions de la charia selon leur propre conception des choses,
même au sein du même rite.
La comparaison des « moudawwanas » adoptées en Egypte en 2000 et au Maroc
en 2004 témoigne, ainsi, des divergences importantes dont les juristes musulmans
peuvent faire preuve dans l’interprétation de la charia, même s’agissant de pays
musulmans à culture relativement comparable.
Les juristes s’enorgueillissent de cette flexibilité du droit musulman, qu’ils
considèrent comme une bénédiction du ciel, et une preuve de sa vitalité et de sa capacité
à s’adapter aux besoins de tous les musulmans, en tous temps et en tous lieux.
Les associations féminines musulmanes devraient également se réjouir de cette
flexibilité, grâce à laquelle elles peuvent espérer accomplir des progrès considérables
dans la protection des droits des femmes dans les pays musulmans, dans le respect aussi
bien de la lettre que de l’esprit de la charia.

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