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Leçon 75. Science et philosophie


C’est une opinion assez répandue que celle qui dit que la science se suffit à elle-même et qu’une fois qu’on possède des
certitudes scientifiques, que l’on en maîtrise la performance, que l’on peut se vanter d’être un « vrai scientifique », on est assez
sûr de soi pour se passer de philosophie.

Le problème, c’est que cette opinion ne résiste pas à l’examen. Il faut être assez crédule pour tabler sur des « certitudes »
dans les sciences, il faut être assez ignorant de la réalité de la science en devenir et de son histoire pour croire pouvoir séparer
science et philosophie. La maîtrise de la performance, cela donne une formation de technicien, mais un simple technicien, n’est
jamais qu’un tâcheron de la science, pas un vrai chercheur. Si à la rigueur – et encore – on peut admettre un laborantin
ignorant la philosophie, au moins, nous savons bien que ce qui intéresse un véritable scientifique, c’est la stimulation de la
découverte et de la recherche : c’est exactement cela qui le rapproche du philosophe !

Plutôt que de faire de la mauvaise philosophie en s’imaginant pourvoir se passer de la philosophie au nom de la science, il
vaudrait mieux prendre conscience de manière globale et réfléchie de ce qu’est la science elle-même ; or faire retour par la
réflexion sur la science, ses pratiques, ses méthodes et ses fins, c’est exactement philosopher sur la science.

Quand nous parlons, nous faisons de la grammaire de manière implicite. Il n’y pas de honte à en faire de manière explicite.
Quand nous raisonnons, nous faisons de la logique de manière implicite. Il n’y a pas de honte à en faire de manière explicite.
Quand nous pensons, nous faisons de la philosophie de manière implicite. Dès que l’esprit pense sérieusement, il fait de la
philosophie et là aussi il n’y a pas de honte à en faire de manière explicite !

Cela dit, qu’est-ce qui caractérise en propre la démarche scientifique ? Quelles relations unissent science et
philosophie ?

* *
*

A. La science, approche objective de la connaissance

1) La science se présente à nous comme une connaissance en forme de système dont la marque spécifique est d’être une
représentation de la connaissance, comme un savoir fondé sur l’approche objective. Il nous faut donc être assez précis pour
bien comprendre tout d’abord ce que veut dire approche objective, ce que signifie savoir scientifique, ce que science veut dire.

Par science nous désignons un ensemble de savoirs que l’on peut répartir en trois catégories :

Les sciences de la Nature : appelées parfois sciences physiques, ou aussi sciences rigoureuses : désignent la
physique, la chimie, la biologie, l’astronomie etc. avec toutes leurs subdivisions internes. Les sciences de la Nature
tentent, par les moyens qui leur sont propres d’expliquer les phénomènes naturels. Elles portent chacune sur une
région particulière de l’existence, (la matière, le vivant, le cosmos,) sur un ordre spécifique de faits (faits
physiques, biologiques, observations astronomiques). Il y a les faits qu’étudie le physicien, les faits dont rend
compte le climatologue, dont rend compte le biologiste, l’astrophysicien etc. La séparation des couleurs dans un
prisme, la réaction en chaîne lors d’une explosion nucléaire, la production d’une enzyme à partir de l’ADN, le
mouvement de mercure, l’explosion d’une étoile, le mouvement des galaxies, voilà des phénomènes qui font
l’objet d’explications dans les sciences de la Nature. (texte)

Les sciences humaines, autrefois appelées sciences de l’esprit, ou sciences morales, désignent l’histoire, la
linguistique, la sociologie, la psychologie, l’économie politique, l’ethnologie etc. Par commodité, on y rattache
dans l’enseignement universitaire la philosophie. Comme pour ce qui concerne les sciences de la Nature, les
sciences humaines tentent elles aussi de comprendre la diversité des phénomènes humains. Elles portent elles
aussi chacune sur une forme spécifique d’existence (existence historique, existence sociale, existence
psychologique etc.) et sur un ordre spécifique de faits (faits sociologiques, faits historiques, faits psychologiques,
observations anthropologiques, observations sur l’usage des langues, sur les phénomènes économiques etc.).
Mettons par exemple les statistiques du suicide pendant une période donnée pour le sociologue, le dépouillement
des archives de la police de la Stasi pour l’historien de l’histoire contemporaine, les comportements compulsifs
pour le psychologue, l’étude des tribus vivants dans la jungle de l’Amazonie, le langage des esquimaux, les
statistiques économiques etc.

Les sciences eidétiques : dans cette catégorie on place la logique et les mathématiques. Le terme eidétique est
utilisé par Husserl et désigne les essences (eidos en grec), les idéalités pures. En effet, en mathématique, comme en
logique, nous n’avons pas affaire à des faits, mais seulement à des entités abstraites et à leurs relations. Un point,
une ligne, une racine carré, un vecteur, un connecteur logique etc. cela n’existe pas dans l’expérience factuelle.
Cependant, ce sont bien des objets de pensée pour le mathématicien et le logicien. Ce qui est donc caractéristique
des sciences eidétiques, c’est le fait qu’elles se placent dans une sphère purement abstraite, celle des idées, des
concepts et non dans l’ordre de l’expérience empirique ordinaire.

Il est important de ne pas faire de mélange entre ces catégories. Les problèmes que posent les sciences humaines sont très
différents de ceux posés par les sciences de la Nature et de même, le statut des sciences eidétiques est tout à fait original. On
appelle épistémologie l’aspect de la philosophie qui est concerné par l’étude des spécificités, des problèmes posés par une
discipline scientifique. Il y a une épistémologie de la physique, une épistémologie de la biologie, des mathématiques, de
l’histoire, de la sociologie, de la psychologie etc. On appelle épistémologie générale la réflexion sur la science dans son
ensemble.

Une fois que nous sommes bien au clair de l’immense diversité des sciences, de leur explosion depuis la renaissance, il faut
bien aussi nécessairement que nous soyons capables de dire ce qu’elles possèdent en commun. Quel est le ciment qui colle
ensemble toutes les briques de l’édifice du savoir scientifique ? Parler d’édifice est peut-être très approximatif et trompeur,
mais nous sommes bien en droit de demander ce qu’il peut y avoir de commun à toutes les sciences et pourquoi nous accolons
le terme de sciences à toutes nos disciplines scientifiques modernes.

Il y a entre toutes les disciplines scientifiques une forme de représentation commune, celle qui motive l’Idéal d’une approche
objective de la connaissance. Nous dirons ici le paradigme de l’objectivité. Selon ce modèle, le savoir doit pouvoir être
structuré suivant des théories dont la logique puisse s’imposer à
tout esprit et être mise à l’épreuve, soit dans des démonstrations
convaincantes – pour ce qui est des sciences eidétiques – soit par
la mise en évidence de faits précis notamment dans la relation à
l’expérimentation – pour ce qui concerne les sciences de la nature
et les sciences humaines. Cela signifie que l’approche objective
donne congé à la représentation subjective. Cela veut dire
d’abord que l’esprit scientifique nous apprend à nous défaire de la
représentation subjective au sens le plus ordinaire : celle des
partis pris trop personnels, des prises de positions idéologiques
marquées, des vues partiales, fantaisistes, des spéculations en
l’air, des opinions personnelles dont on ne sort pas, des préjugés
subjectifs et variables. (texte)

Cette définition appelle une première remarque : le paradigme


de l’approche objective de la connaissance est historique dans sa
constitution, comme dans son fonctionnement, c’est celui de la civilisation occidentale qui est la nôtre depuis le XVIIème
siècle. Il est tout à fait étranger à bien des civilisations. Il est même un modèle parmi d’autres des formes de la culture et non le
seul possible. Disons que l’esprit de notre temps veut que l’on parle dans le langage de la science, comme il fallait parler en
Grèce le langage de la philosophie, ou comme les hommes du Moyen Age parlaient dans le langage de la religion, comme bien
des peuples traditionnels parlent le langage du mythe.

Seconde remarque : que nous parlions dans le langage de la science ne veut pas dire que nous ayons nécessairement une
conscience très claire de ce qu’est que la science et de ce que représente la méthode scientifique, ni de l’incidence de l’approche
objective de la connaissance sur le monde réel dans lequel nous vivons. L’emploi banalisé de la formule « connaissance
scientifique » ne veut pas dire que nous avons une idée bien précise de la science, mais que nous nous entendons dans le cadre
de la civilisation occidentale qui est la nôtre pour accorder une valeur élevée à ce que nous considérons comme le
dénominateur commun de notre culture, l’approche objective de la connaissance.

Troisième remarque : L’empire de l’objectivité est très varié. L’objectivité que l’on est en droit d’attendre de la physique est
très différente de celle que l’on est en droit d’attendre de l’histoire, de la psychologie, elle n’est pas non plus celle que l’on peut
attendre des mathématiques. Chaque région de l’être nécessite une approche qui lui soit propre, une définition de l’objectivité
qui lui convienne.

2) En tant qu’être humain, chacun de nous est une subjectivité et chacun de nous ne peut connaître qu’en tant que conscience
et par rapport à sa propre conscience. Il serait tout de même incompréhensible que l’approche objective de la connaissance
des sciences ne vienne pas correspondre à des exigences de la subjectivité en nous. Quel besoin subjectif le savoir scientifique
vient-il nourrir et satisfaire ? (texte)

a) Tout esprit humain éveillé porte en lui un besoin de comprendre, un besoin de connaître. La science satisfait la soif de
connaître en livrant à l’esprit des explications. La curiosité de l’esprit trouve satisfaction dans les explications scientifiques et la
passion de savoir trouve là une voie d’expression comme passion de la recherche. b) Mais attention, cela ne suffit certainement
pas pour expliquer l’expansion extraordinaire de la science et surtout son expansion historique depuis la Renaissance ; car d’un
autre côté, le savoir scientifique vient correspondre à un autre besoin très élémentaire : celui de faciliter et d’améliorer notre
pratique. Sous cet aspect, la science a une vocation nécessaire, celle de la technique. La science met à notre portée des moyens
extraordinaires de maîtriser la matière, de maîtriser la vie, de manipuler l’environnement, de domestiquer la Nature. Elle
donne carrière à la volonté de puissance en lui délivrant ses moyens d’agir sur les choses pour les transformer. Il est tout à fait
fascinant de penser que par la technique, nous pouvons presque tout changer.

Il y a un lien intime entre ces deux aspects. D’un côté, la science en délivrant des explications arrêtées, suspend la curiosité
de l’esprit. L’esprit s’arrête facilement, quand il dispose d’une explication satisfaisante : on dit « j’ai compris », et la chose
comprise est rangée dans les tiroirs du connu. L’esprit est repu et satisfait. Une explication, c’est un moyen efficace d’arrêter le
mouvement de la recherche du vrai pour lui donner satisfaction à peu de frais. Une explication scientifique a toujours une
allure définitive et c’est au fond commode de pouvoir mettre ainsi fin aussi aisément à l’angoisse de l’incompréhensible et de
l’inconnu. Cela permet d’éviter de se poser des questions plus radicales. Une explication, c’est aussi d’un autre côté, un
formidable levier pour rendre les choses plus facilement utilisables. Le savoir scientifique conduit droit au pouvoir technique.
Quand un phénomène est connu suivant un mode causal, il devient ipso facto maîtrisable. Savoir que l’eau est composée de
molécules H²O, c’est déjà se représenter qu’en provoquant la catalyse de l’eau on devrait pouvoir dégager deux substances,
l’hydrogène et l’oxygène que l’on pourra recombiner dans une réaction dégageant de l’énergie. On a déjà le concept d’un
moteur. Découvrir quels sont les neurotransmetteurs impliqués dans la dépression, l’enthousiasme, c’est pouvoir fabriquer des
pilules qui agiront dans le sens que l’on souhaite. La volonté de puissance est une motivation subjective très forte, puisqu’elle
implique la maîtrise et le pouvoir.

Mais le besoin d’explication justement, s’il est un authentique désir de connaître, ne se satisfait jamais complètement d’une
explication. Il veut aller au delà. Il est en son essence le besoin de comprendre de l’intelligence. En ce sens, la technique ne
rend pas vraiment justice à l’esprit scientifique. Il ne suffit pas de dire que la motivation du scientifique est la maîtrise
technique.

B. La philosophie et l’auto-référence du savoir scientifique

Nous avons maintenant tous les éléments nécessaires pour comprendre la relation entre science et philosophie. En quoi la
philosophie diffère-t-elle de la science ? Et d’abord, faut-il vraiment faire une comparaison entre science et philosophie comme
si elles se situaient sur le même plan?

Considérons par exemple la physique. Chacun de nous sait de quoi il en retourne. Chacun peut donner à la physique un
contenu. Nous savons bien que l’objet propre de la physique, c’est l’étude de la région de la matière, depuis les forces qui
régissent les mouvements de galaxies, jusqu’à la composition de l’atome et des particules les plus élémentaires. A la question :
de quoi traite la physique ? Même un homme de peu d’éducation peut répondre : du monde matériel. De même, nous savons
que l’objet propre de la biologie, c’est la région du vivant, depuis les êtres monocellulaires, jusqu’aux individualités vivantes
complexes des plantes et des animaux supérieurs. Pour le dire dans un
langage un peu plus précis, la région qu’étudie en propre la physique, c’est
le champ de la matière, ou aussi les fait matériels, tels que la déviation des
rayons lumineux, la chute d’un corps, le mouvement d’un fluide etc. La
région qu’étudie la biologie, c’est le champ du vivant, ou les faits
biologiques comme l’homéostasie, le réflexe nerveux etc. Pour continuer,
la région qu’étudie l’histoire, c’est le domaine du passé humain, ce sont les
faits historiques. Le mathématicien se consacre lui à son domaine d’étude
propre qui est la région des idéalités mathématiques et là on ne peut pas
parler de « faits » ou d’observation, puisque, le nombre, le point, la ligne, le
vecteur sont de pures idées et non pas des choses que l’on rencontrerait
dans la nature comme la pierre ou la plante. On pourrait continuer ainsi et
bâtir un tableau complet de toutes les disciplines en y faisant figurer leur
objet, la région de l’être qu’elles étudient et les faits sur lesquels elles
portent, quand il s’agit de sciences de la nature. Nous sommes d’ailleurs
tout à fait familiarisés avec ce classement des disciplines selon leur objet,
car nous retrouvons ces catégories dans la répartition des disciplines
scolaires. Nous venons de comprendre pourquoi on parle d’objectivité
dans les sciences. Pas en réalité parce qu’il faut faire une opposition avec la
subjectivité. Non. Parce que la science est un savoir construit sur la base de
l’intentionnalité qui nous rapporte à l’objet.

C’est dans ce même état d’esprit – ce préjugé - que nous nous tournons vers la philosophie. Et c’est là que commencent nos
surprises ! Car la philosophie enveloppe d’avantage la considération du sujet connaissant que la définition de l‘objet connu.
Notre formation nous pousse à demander immédiatement : de quoi traite la philosophie ? Quel est donc son objet ? De quoi le
philosophe est-il donc le spécialiste ? On attend que le philosophe exhibe son propre domaine d’investigation, domaine que l’on
puisse ranger à côté de celui des autres sciences. C’est là que nous serons tout d’abord décontenancé. Il est plutôt difficile de
dire de quoi parle la philosophie ! Personne ne peut désigner immédiatement ce qui serait son objet. Consulter des manuels et
des livres sur cette question, avec le même état d’esprit et les mêmes présupposés nous laissera encore plus embarrassés ! On
nous dira pêle-mêle que la philosophie a pour objet « l’étude de la pensée », de « l’esprit », de « l’homme », ou bien « l’étude de
la sagesse », de la « totalité de la connaissance », des « limites de la raison humaine » etc. Tout cela fait assez confus. Au
premier abord, pour le débutant, ces réponses semblent embarrassées. Nous ne voyons pas « sur quoi » porte la philosophie.
Plus étrange, pour chacune de ses définitions techniques, on peut souvent donner le nom d’une discipline scientifique
correspondante au lieu d’invoquer celui de la philosophie. « L’étude de la pensée », sous son aspect formel, revient par
exemple à la logique. « L’étude de l’esprit », c’est par excellence l’objet de la psychologie. « L’étude de l’homme » revient à la
discipline que l’on appelle anthropologie. Restent les définitions plus obscures pour un intellect formé aux sciences modernes.
Le terme « étude de la sagesse » peut paraître bien vague. C’est d’ailleurs un sujet de moquerie facile, surtout quand on voit
dans la sagesse des philosophes, une figure de style littéraire, un idéal du passé, ou un passe-temps pour les esprits
contemplatifs qu’étaient les Athéniens dans la Grèce antique. Notre époque est postmoderne, elle est plus prosaïque, plus
tournée vers l’action que vers la contemplation. Alors la philosophie aujourd’hui ? De même, quand on entend dire que la
philosophie vise « la totalité du savoir », cela nous semble franchement présomptueux. Qui peut en effet prétendre aujourd’hui
tout savoir ?

Il y a un contresens complet dans cette manière de voir. La philosophie ne se range pas à côté des autres sciences, et elle ne
se définit certainement pas par un objet spécifique. La réponse saute aux yeux : la philosophie est concernée par le sujet lui-
même, faisant retour sur soi pour mieux se comprendre et sa vocation est par nature englobante. La philosophie naît à partir
du moment où le savoir prend conscience de sa propre nature et de ce qu’il est pour la conscience qui le constitue. Il y a
Einstein théoricien de la physique, et comme c’était un esprit génial, il est naturel que le scientifique, faisant retour sur sa
propre discipline, soit devenu un épistémologue, et comme une vision globale du monde est sous-jacente à toute théorie, de
l’épistémologue naît chez Einstein le philosophe de Comment je vois le monde. Tout savant de grande envergure, tout génie
scientifique, devient naturellement philosophe. Il le fait en remontant en amont de ses propres découvertes, en cernant d’un
point de vue global ce qu’il a pu lui-même découvrir. La différence entre science et philosophie est alors très claire, elle ne tient
pas du tout à un objet différent, elle tient à la distinction entre le travail pointu, technique, limité de la recherche, et le retour
sur soi en amont de la conscience du scientifique, qui prend nécessairement un point de vue plus global. Cela nous explique
pourquoi les anciens voyaient dans la philosophie la connaissance de la totalité enveloppant toutes les sciences, cela nous
explique pourquoi le devenir du savoir en Occident a fait que chacune des sciences s’est développée à part, puis a explosé,
comme une bombe à fragmentation en une multitude de sous-disciplines. Toute connaissance fait partie de la philosophie, pour
autant qu’elle fait retour sur soi et se repense au sein de la Totalité de l’Être. Tout objet spécifique de l’existant peut-être étudié
dans le savoir issu de la méthodologie de l’approche objective de la connaissance. Science et philosophie se complètent
naturellement, de même que la partie n’a de sens que dans un tout et le tout suppose nécessairement des parties. L’un ne va pas
sans l’autre.

Le scientifique ne peut pas travailler tout seul dans son coin et ne faire qu’un travail de laborantin myope mais consciencieux.
Il est constamment amené à se poser des questions d’ordre moral et philosophique sur ses propres travaux. La science n’est pas
séparable du monde dans lequel elle se développe et de la conscience collective des savants qui la pratiquent. Inversement, il
est tout aussi simpliste de croire que la philosophie puisse se bâtir dans les nuages, dans je ne sais quelle spéculation
personnelle et ignorer toute lucidité sur le monde actuel, toute considération des sciences et de leurs résultats. La philosophie
n’est certainement pas enfermée dans quelques livres canoniques, comme la religion est consignée dans des écritures sacrées.
Faire de la philosophie, ce n’est pas se livrer à un commentaire pieux de livres saints. Comme si le monde ne venait pas se
réfléchir dans la Pensée ! Comme si les découvertes scientifiques n’avaient pas une incidence pour la Pensée ! Ce sont bien
souvent les grandes théories scientifiques qui provoquent aujourd’hui des séismes dans la pensée moderne. La philosophie
regarde le monde actuel et se nourrit de ce que la science produit, se nourrit de ce que l’art crée, parce que la production
intellectuelle dominante de notre époque est une production scientifique et que la création dominante de notre temps est celle
de l’art.

La séparation de la science et de la philosophie est donc sur le fond un préjugé, et même un préjugé scolaire stupide, un
préjugé que peuvent entretenir les fumistes qui se croient savants, tout en regardant de haut la philosophie, mais un préjugé
qui ne repose sur rien pour tout esprit intelligent, sérieux et informé. Alors plutôt que de faire de la mauvaise philosophie en
cherchant à prendre parti pour tout l’un ou tout l’autre, prenons science et philosophie comme deux démarches
fondamentalement complémentaires. Et de toute manière, cela a-t-il vraiment un sens de vouloir séparer en nous le
scientifique, de l’artiste, du philosophe etc. ? L’esprit contient toutes les formes, en un sens, on peut dire qu’il y a en tout esprit
un scientifique qui est attiré par la recherche fondamentale, un philosophe qui se passionne pour toutes les questions les plus
essentielles, comme en tout esprit il y a aussi un artiste qui aspire à la beauté, un moraliste qui aspire à plus de justice, un
politique qui aspire à la prospérité des hommes, et peut-être aussi un sage qui aspire au bonheur des hommes dans un monde
plus vrai. Arrêtons de penser de manière fragmentaire en mettant des séparations là où il n’y en a pas. Vouloir compartimenter
les disciplines de manière hermétique est idiot. Cela va exactement à l’opposé de la nature même de l’intelligence qui justement
fait spontanément des liens entre toutes choses. Or un idiot, c’est quelqu’un qui reste hagard, muet devant le réel, qui ne fait pas
de lien ! Et pour cette raison ne comprend pas ! Un esprit intelligent en comprenant intuitivement suit les étincelles lumineuses
de la compréhension dans toutes les directions, et établit des liens. L’éveil de l’intelligence suppose l’éveil de l’intuition à
l’englobant, tandis que la pensée fragmentaire a toujours de courtes vues.
Ce que l’esprit trouve dans la philosophie en venant de la science, c’est la satisfaction de se retourner sur ce qu’il sait, de
pouvoir en débattre, d’en évaluer la portée, de faire un lien entre la vie concrète et ce que la science a pu découvrir. La
philosophie est tout simplement le lieu de rencontre des esprits, le domaine de l’interdisciplinarité par excellence où nous
cherchons à faire des ponts entre les savoirs, où la communication du savoir vient s’effectuer et où le savoir se formule dans un
langage qui est celui de la culture intellectuelle. Cette vocation naturelle de la philosophie est celle qui a d’ailleurs suscité la
vogue des cafés philo. Cependant, il faut en même temps être très prudent : il ne s’agit pas en philosophie de faire des « débats »
sur tout et rien, de passer d’une chose à l’autre, comme du coq à l’âne. La philosophie possède sa rigueur d’analyse et nous
découvrirons assez vite dans nos leçons que la réflexion philosophique a son côté ardu, aussi ardu que la technicité de la
recherche scientifique. Apprendre à conduire sa pensée avec rigueur se mérite et n’est pas une facilité. Il y a bien une méthode
en philosophie, comme il y a des méthodes dans les sciences. Il y a en philosophie un sens de la rigueur qui n’est pas différent de
la rigueur scientifique. Ce que nous avons en effet à y gagner, c’est l’apprentissage qui nous fait passer de nos opinions
particulières, vers un ordre de vérité plus universel, dans lequel nous avons à gagner le souci de l’impartialité. La philosophie
est un exercice de lucidité, certainement pas un bavardage qui s’en tient à des platitudes ou à la polémique, ni un débat
médiatique. Elle est là pour favoriser une prise de conscience de ce qui est, de ce que nous sommes, de ce que le monde est, de
ce que l’univers représente. De là suit qu’il est impossible de se situer en dehors de la philosophie. Toute prise de parti, toute
opinion, tout refus de se prononcer nous placent immédiatement dans le questionnement philosophique. Pour ne pas
philosopher, il faudrait se taire ! Et encore. Ce qui est clair en tout cas, c’est que dès l’instant où l’esprit pose de vraies
questions, il est propulsé dans le champ de la réflexion philosophique. Il n’y a donc pas de sens à se livrer à la critique de la
philosophie – à moins de vouloir faire l’apologie de l’ignorance, de la bêtise et de l’inconscience, à moins de devenir misologue,
de vouloir s’abrutir pour ne plus penser ni réfléchir – ce qui est humainement impossible (texte).

Remarquez, il y a peut-être moyen d’exploiter cela. Un bon consommateur, c’est un consommateur qui ne réfléchit pas trop,
que l’on peut manipuler à son gré. Un bon croyant c’est peut-être parfois aussi la même chose non ? Moins l’homme se pose de
questions, plus on peut en faire ce que l’on veut, plus il est un mouton que l’on mène au pâturage et qui suit gentiment sans rien
dire ! Après tout, c’est peut-être un choix humain : pas trop réfléchir, être un gentil consommateur, bien friand de publicité, un
gentil croyant, un gentil électeur : quelqu’un qui se dispense de penser en ne vivant que dans l’opinion commune et le préjugé.
Je dirai dans le langage de Renaud un blaireau !

C. Esprit scientifique et formation de l’esprit

Maintenant, que sommes-nous en droit d’attendre de la formation scientifique qui puisse nourrir notre pensée ? Il y a une
frustration que nous avons tous ressentie à un moment dans nos études, c’est celle de ne pas parvenir à faire un lien entre ce
que nous sommes et ce que nous savons. Il y a un certain plaisir et une fierté à gagner une compétence dans un domaine donné,
une habileté à traiter des équations, à résoudre la composition d’une
molécule, à expliquer le séquencement des gènes, mais dans tout cela où
sommes-nous ? Le savoir objectif est d’emblée abstrait, il faut qu’il soit
rattaché au concret de notre vie et à notre subjectivité. Le danger serait
que la vie subjective et le savoir n’interagissent pas l’un sur l’autre.

Dans son Introduction à la Philosophie¸ Karl Jaspers donne à la fin des


conseils. Il recommande notamment au futur étudiant de se fixer à la fois
un domaine de spécialisation qui sera celui de ses études, et
d’entreprendre cette refonte complète de la pensée qu’est la formation
philosophique. Lui même a été d’abord psychiatre avant de devenir
philosophe. L’approche objective de la connaissance enveloppe un souci
de formation de l’esprit qui a une valeur importante pour la formation de la
pensée. C’est un cas assez répandu parmi les philosophes que ces
transfuges qui ont exploré un domaine, puis sont venus à la philosophie. Il
y a Paul Feyerabend acteur et philosophe des sciences, Bernard
d’Espagnat, Frijof Capra, Ilya Prigogine, David Bohm physiciens et
philosophes etc. Quelles sont donc les qualités de l’esprit scientifique qui
contribuent à la formation de la pensée ?

1) Dans l’idéal, si on se situe sur le plan théorique, il y a au moins quatre


points à relever. L’approche objective de la connaissance peut donner libre cours a) à la curiosité intellectuelle. Cela signifie
que le chercheur est par nature animé du désir de connaître et de l’obstination qui va avec. Un scientifique véritable – pas un
dilettante – garde vivant en lui le sens de l’étonnement devant le mystère de la Nature. La recherche, bien comprise, ne s’arrête
pas à la science normale, la science déjà faite. Un chercheur authentique sait que le savoir que nous possédons n’est pas
définitif, n’est pas achevé. D’une certaine manière, il a compris que l’amour de la vérité ne se confond pas avec le besoin de
sécurité dans des vérités définitives. Bachelard dit à juste titre que quand nous désirons savoir, c’est pour mieux interroger,
non pas pour dormir dans des opinions arrêtées, fussent-elles étiquetées de « scientifiques ». b) Le dynamisme de la recherche
suppose donc implicitement un sens aigu de l’esprit critique. Il faut savoir mettre en doute ce qui semble bien installé dans la
conscience commune, mais a bien des raisons d’être remis en cause. L’esprit critique est l’art de bien juger en discriminant le
vrai du faux. Cela signifie qu’il est essentiel que la recherche de la vérité ne soit jamais dévoyée dans l’opinion et sa tendance la
plus commune à voir dans la vérité quelque chose qui relève d’une simple croyance dans quelques autorités dites compétentes.
L’argument d’autorité consiste à se borner à croire ce qu’une personne compétente affirme, sans pour autant comprendre et
sans mettre à l’épreuve de l’expérience ce que l’on sait.

Jusque là, dira-t-on, il n’y a pas de différence entre science et philosophie du point de vue de leurs exigences respectives. c)
Ce qui est particulier à l’approche objective des sciences, c’est qu’elle suppose que les preuves scientifiques soient strictement
logiques (en mathématiques) ou tirées de l’expérimentation (en physique, biologie, chimie etc.). Il n’est pas question pour
l’esprit scientifique moderne de chercher une conviction intellectuelle dans un principe d’autorité qui serait extérieur à la
science elle-même et à son fondement, l’approche objective de la connaissance. Cela ne constitue pas une preuve scientifique
que de se référer à l’autorité d’une star de cinéma, d’un poète, d’un grand écrivain, d’un musicien, ou de se référer en guise de
preuve à l’autorité des religions, des traditions anciennes, des croyances populaires, des mythes etc. Cela ne suffit pas. C’est
bien la marque de l’esprit scientifique d’exiger des preuves d’une nature très spécifique. Le scientifique met un point d’honneur
à chercher la rigueur dans la logique et le souci de l’expérimentation, ou de l’observation. (texte)

2) Si maintenant, toujours dans l’idéal, on considère l’esprit scientifique d’un point de vue moral, il est admis que la formation
scientifique contribue à former plusieurs vertus. La science, pratiquée avec toute la rigueur qu’elle exige, a) doit nous
apprendre le sens de l’indépendance du jugement. Si la science moderne est bien fondée sur le paradigme de l’objectivité, c’est
qu’elle exige que le scientifique soit capable de mettre de côté le parti pris passionnel, tel qu’on le rencontre souvent dans le
débat politique, dans les luttes partisanes du nationalisme, les affrontements religieux etc. Dans le cycle de science fiction
d’Isaac Asimov, Fondation¸il y a une illustration assez nette de cette opposition. La caste des Scientifiques qui sont censés
thésauriser le savoir dans une encyclopédie, est nettement distinguée de la caste des Marchands et des Politiques. En gros, cela
revient à dire : « nous, nous sommes des scientifiques, notre objet, c’est le savoir, eux ce sont des trafiquants de matière dont le
domaine privilégié est économique. Le scientifique ne pense donc pas comme l’économiste et il se prévaut d’une indépendance
d’esprit qui lui commande de ne pas dévier de la recherche de la vérité qui est la sienne. b) De ce fait, la science est souvent
présentée comme une approche qui serait par nature désintéressée, le désintéressement étant une vertu cultivée par la
pratique des sciences. Il faut entendre par désintéressement moral ici cette qualité morale qui fait qu’un chercheur est avant
tout soucieux de la vérité. Le désintéressement commande de ne pas spécialement rechercher la gloire, la reconnaissance, les
honneurs, mais de travailler modestement au progrès du savoir. Le désintéressement va avec une humilité devant l’immense
complexité de la Nature, face au caractère nécessairement limité de notre représentation scientifique du monde. Pour le reste
en effet, il sera très difficile de parler de désintéressement de la science : le scientifique ne travaille certainement pas sans
considération des applications techniques que l’on pourra tirer de ses recherches et de ce point de vue, la science ne peut pas
être désintéressée. c) L’esprit scientifique forme dit-on à la rigueur intellectuelle, mais il a aussi la vertu de pouvoir former la
probité intellectuelle. On entend par probité intellectuelle la vertu de l’homme de science qui allie le souci de la vérité et le
courage de s’y tenir. Le scientifique doit savoir jeter loin de lui l’imposture, la mystification, le trafic du charlatan. La probité
intellectuelle enveloppe une grande honnêteté, le sens austère de la discipline qui fait que parfois il faut accepter de voir
remises en cause des idées auxquelles on tenait. Il faut savoir accepter la sanction des faits, il faut être capable de s’assurer de la
validité d’une hypothèse. Il y a donc indéniablement non seulement des aptitudes mais surtout une déontologie de l’esprit
scientifique.

3) Seulement, il y a l’idéal et il y a le réel ; et si on se situe sur le plan très concret de ce que représente la science dans notre
monde actuel, il y a des entorses à l’idéal qui vont parfois jusqu’à la contradiction la plus grave. Il se pourrait aussi qu’une
manière idéale de nous représenter la vie soit par nature illusoire. La pratique effective de la science n’est pas sans ambiguïté.

Par exemple, l’histoire des sciences regorge de fraudes. « Ptolémée, considéré comme le plus grand astronome de l’Antiquité,
n’a jamais effectué la plupart des observations qu’on lui attribue : il les a " empruntées " à l’un de ses prédécesseurs, Hipparque
de Rhodes, et les a fait passer pour siennes. Sir Isaac Newton a introduit dans sa théorie de la gravitation un " facteur correctif "
essentiellement destiné à la rendre plus convaincante. Gregor Mendel a formulé ses lois de la génétique, exactes au demeurant
sur la base de résultats expérimentaux trop parfaits pour ne pas avoir été " arrangés ". L’un des plus célèbres psychologues
anglais, sir Cyril Burt (1883-1971), a défendu pendant une trentaine d’années la thèse de l’hérédité de l’intelligence en
s’appuyant sur des données inventées de toutes pièces. En 1973, l’immunologue américain William Summerlin, du Sloan
Kettering Institute, prétendit avoir réussi l’exploit de greffer de la peau de souris blanche à des souris grises, sans provoquer de
rejet. Un an plus tard, il fut surpris en train de teinter en blanc des souris grises. De 1977 à 1980, Elias Alsabti, un jeune
chercheur né à Bassorah, en Irak, fit une fulgurante carrière de cancérologue aux États-Unis. A vingt-quatre ans, il avait publié
quarante-cinq articles scientifiques... qu’il avait intégralement recopiés, en remplaçant le nom de l’auteur par le sien. Le
comble, c’est qu’il n’avait pas le moindre diplôme ! ». Il n’y a pas d’effet mécanique de la pratique des sciences engendrant de
manière automatique la pléthore de vertus que l’on prêterait par idolâtrie aux scientifiques. La science est une représentation
du monde qui reste humaine, comme les scientifiques sont eux-mêmes humains. Que la visée idéale de la science réside dans
une objectivité absolue ne change rien à sa nature qui est de rester une construction du mental humain. ; et les constructions
du mental ne sont pas, de part en part, rationnelles. Rien ne prouve que la pratique des sciences puisse changer un être humain
pour le rendre meilleur. Comme le dit encore le même auteur : « Depuis l’Antiquité, certains savants parfois les plus grands ont
un jour ou l’autre sacrifié la recherche de la vérité sur l’autel de la vanité, de l’ambition ou des préjugés. En un sens, il est
rassurant d’observer que les hommes de science ne sont pas meilleurs que le commun des mortels. Une Science virginale
comme l’Immaculée Conception, produite par des saints en blouse blanche, serait par trop désincarnée ». Il y a un
fonctionnement sociologique de la science qui est inséparable de la conscience des savants.

De ce fait, en raison du pouvoir que la science met à notre disposition, il est essentiel de comprendre que dans notre monde
actuel, le scientifique a une responsabilité immense, une responsabilité dont il peut parfois ne pas avoir conscience. Le
scientifique est par définition au service de la science, mais la science, elle, est liée au destin de l’humanité. Einstein résume les
éléments du problème ainsi : d’un côté le scientifique est « fier de ce que les travaux des savants aient contribué à la
transformation radicale de la vie économique de l’homme en éliminant presque totalement l’effort musculaire. Mais en même
temps il s’afflige de la grave menace qui pèse sur l’humanité du fait que les résultats de ses recherches sont tombés entre les
mains de détenteurs du pouvoir politique moralement aveugles ». Il y a d’un côté les motivations exaltantes de la recherche,
mais de l’autre, il y a l’exploitation technique mal contrôlée de ses résultats. La construction inouïe de la relativité générale
enfante la bombe atomique. Einstein pose une question qui peut sembler très naïve: « Le temps serait-il passé où la liberté
intérieure du savant, l’indépendance de sa pensée et de son oeuvre faisaient de lui et le guide et le bienfaiteur des hommes ? » Il
est révolu le temps où le scientifique pouvait passer pour un sage, parce que la science moderne elle-même n’est pas une
sagesse. Ce que Einstein dit là parlerait peut-être dans le contexte de la science des Grecs. Les grecs n’ont eu de la science
qu’une représentation contemplative. Ils ne pensaient pas que la science ait pour but de nous rendre maître et possesseur de la
Nature. L’image du scientifique exemplaire d’une figure spirituelle exemplaire de la culture est assez dépassée. La science, dans
la postmodernité, est beaucoup plus technocratique, beaucoup plus liée à des impératifs politiques, économiques qu’elle ne
l’était par le passé. La formation de l’Etat moderne a concentré beaucoup de pouvoir et « cette concentration de la force entre
les mains de quelques uns n’a pas seulement réduit l’homme de science à une sujétion économique, elle menace son
indépendance intérieure ». Ainsi, la science moderne fait elle son aveu de dépendance intérieure à l’égard du système
technocratique qu’elle a engendré. Au sein de la prise de conscience jaillit une nécessité : celle de retrouver une indépendance
de la pensée. Ce qui est l’éloge le plus timide que l’on puisse faire de la philosophie ! Pour que la science retrouve son Sens, il
faut qu’elle retrouve sa conscience. Il faut qu’elle retrouve l’auto-référence d’une réflexion sur elle-même. (texte)

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Le savoir par lequel chacun de nous a été formé est désigné par le terme de formation scientifique. Le mot science a été peu à
peu accolé à toutes les disciplines. On a même trouvé le terme de sciences des textes pour désigner les études littéraires,
comme on a remplacé le mot pédagogie par le terme sciences de l’éducation. Cela implique que dès qu’une étude a de la rigueur
et du sérieux, et mène une investigation de fond, elle est aussitôt qualifiée de scientifique. Le savoir dans lequel règne ce
modèle s’appelle l’approche objective de la connaissance. La méthode d’objectivation scientifique constitue le paradigme du
savoir de notre temps.

Cependant, la science ne se suffit pas à elle-même, elle ne se suffit pas en tant que savoir fragmentaire, elle ne se suffit pas en
tant que représentation du réel asservie à l’univers technocratique, à l’univers politique et économique. Il faut aussi remettre
en cause la capacité de la science à produire d’elle-même les vertus qu’elle prétend mettre en avant. La science n’est pas la
culture, mais un élément qui s’intègre à la culture. On voit par là que la philosophie est partout présente dans les sciences : elle
est à leur origine dans les questions que la science adresse à la Nature. La philosophie doit être présente dans le nécessaire
retour sur soi que doit effectuer le scientifique. Elle est présente dans les conditions même de la lucidité qu’elle nous impose, à
travers la mise en demeure que constitue toute découverte nouvelle, de par ses conséquences techniques. La science
aujourd’hui, loin d’avoir éliminé la philosophie, la rend au contraire indispensable.

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© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan,


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