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Montesquieu hapitre VII

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plus en plus par la fortune ou la médiatisation, la distinction de la Légion se pose
comme une « sanction » alternative, celle d’une reconnaissance d’Etat à laquelle est
associé l’hommage de la nation. D’où son éclat. Rappelons-le : depuis 1963, la Légion
d’honneur, réservée aux « mérites éminents », est la plus recherchée des grandeurs
d’Etat tandis que, plus accessible, l’Ordre national du mérite, créé par le Général de
Gaulle le 3 décembre 1963, récompense les « mérites distingués ».
Un héritage culturel : l’octroi d’une décoration d’Etat n’est-elle pas en France le
gage d’une forme sécularisée, à défaut d’être accomplie, de rédemption ? La clef de
cette justice distributive consiste, après tout, à accorder des « signes » de considération
en récompense d’un mérite. Plus encore : à faire miroiter, par cette considération
même, une forme de salut dont la notion d’ « ordre » ou d’ « exemplarité » entretient la
flamme. Consacrer la « valeur » d’un individu en comparant et hiérarchisant ses chances
d’accéder à une sorte d’immortalité, n’est-ce pas là une façon de croire à l’existence
d’un jugement dernier ? Mieux : d’accréditer la croyance en un tribunal de l’histoire. Une
sanctification laïque qui, elle aussi, apporterait comme une absolution préventive. En un
mot, permettrait de sauver son âme.
L’idée pourra surprendre. Et pourtant. A l’instar de l'ancienne noblesse de robe,
les fonctionnaires travaillent en France à partir d'un idéal largement héroïque.
L’attachement aux « prérogatives d'honneur » ? Il favorise dans ce pays un sentiment du
devoir appréhendé sous la forme d'une vocation au mérite. On pourrait parler d'une
forme de hiérocratie, voire d'un esclavage sans maître… En tout cas, -et l’exemple de
Maurice Papon le rappelle-, la distribution des honneurs n’a rien ici d’anecdotique. Elle
inspire ce qu’il faut bien appeler une déférence honorifique. Instrument d’émulation,
celle-ci se déploie au nom d’un souci de reconnaissance qui peut aller jusqu’à l’espoir
d’une redemptio d’Etat.
Dans « l’affaire » Papon, il y a plus. Ne l’oublions pas : le véritable bénéficiaire
d’une décoration, ce n’est pas celui qui l’a reçue. Les honneurs ont été décernés. Et par
d’autres hommes. Des juges aujourd’hui sans juge... Les distinctions honorifiques
forment une technique de gouvernement. D’autant que la justice des décorés reste
contrôlée par une juridiction spécifique, à savoir le Conseil de l’Ordre. La notification des
peines infligées à ces « manquements à l’honneur » ? Elle était jadis apportée au
domicile de l’intéressé par un huissier. Une mesure destinée à exposer publiquement
l’humiliation de ce qui était bel et bien une déchéance. Il fallait, disait-on, maintenir à la
Légion d’honneur le prestige sans lequel elle ne pourrait exercer une « utile influence ».

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Qu’importe alors l’humiliation d’un seul pourvu que l’honneur du corps entier
reste sauf. D’où les « retranchements » récents : du général Paul Aussaresses,
condamné pour apologie de la torture et exclu de la Légion d’honneur par un décret
présidentiel du 14 juin 2005 à Fernand Blanc, ancien président de la Chambre de
commerce et d'industrie de Lyon et ex-conseiller municipal (RPR) de la ville, déchu de
l'Ordre national du Mérite comme de l'Ordre de la Légion d’honneur après avoir fauché
cinq pompiers de Loriol sur l'autoroute en 2002, en passant par Alfred Sirven,
condamné en novembre 2003 à cinq ans de prison dans l'affaire Elf : lui aussi sera
déchu de l'Ordre de la Légion d’honneur et privé de sa Médaille militaire…
Indépendante de l’action pénale, dans sa durée et dans son exercice, cette action
disciplinaire se définit comme le correctif du caractère viager de la distinction en régime
démocratique. Permettre contre les « indignes » les sanctions de la privation définitive
ou tout au moins de la censure et de la suspension : c’est depuis l’abandon par la
Légion d’honneur du serment (abrogé par le décret du 5 septembre 1870) une façon
d’exercer un « pouvoir». Membre de l’Institut, ancien président de section du Conseil
d’Etat, Léon Aucoc avait défini autrefois l’étendue de cette justice honorifique : « Plus
cette marque de distinction élève (les décorés) au-dessus de leurs concitoyens, plus ils
sont tenus de donner dans leur conduite l’exemple de la correction, de la droiture, de la
loyauté, plus il importe que les membres devenus indignes par une défaillance de porter
le signe de l’honneur soient retranchés de la corporation dont ils compromettent le
prestige ».
La « qualité » de membre de la Légion d’honneur ? Elle est réputée se perdre « par
les mêmes causes que celles qui font perdre la qualité de citoyen français ».
Concrètement, un Français qui, après avoir été décoré pour des services rendus à sa
patrie changeait de nationalité, n’avait plus de titres à conserver sa décoration. C’est
finalement ce régime juridictionnel qui a condamné Papon. Comme c’est la croyance
présente au cœur d’une telle institution, celle d’une rédemption d’Etat, qui poussa
l’ancien fonctionnaire à défier ses anciens juges. En somme, à en appeler à un autre
tribunal contre celui, proprement humain, qui l’avait déclaré « indigne »… indigne de la
haute distinction dont toute sa vie il s’était prévalu.

OLIVIER IHL

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