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UNIVERSITE DE POITIERS UNIVERSITE DE L’OUEST DE TIMISOARA

FACULTE DE SCIENCES ECONOMIQUES FACULTE D’ECONOMIE ET GESTION DES AFFAIRES

THESE DE DOCTORAT

Directeurs de thèse :
Prof.dr. DANIEL GOYEAU Prof.dr. SILVIU CERNA
(Université de Poitiers) (Université de l’Ouest de Timişoara)

Doctorant:
Claudiu Tiberiu ALBULESCU

2009

1
UNIVERSITE DE POITIERS UNIVERSITE DE L’OUEST DE TIMISOARA
FACULTE DE SCIENCES ECONOMIQUES FACULTE D’ECONOMIE ET GESTION DES AFFAIRES

THESE DE DOCTORAT
La stabilité du secteur financier en Roumanie
dans la perspective de son adhésion à l’UEM

présentée et soutenue publiquement le 11 juillet 2009 par

Claudiu Tiberiu ALBULESCU

Directeurs de thèse :
Prof.dr. Daniel GOYEAU Prof.dr. Silviu CERNA
(Université de Poitiers) (Université de l’Ouest de Timişoara)

Jury :
Prof.dr. Christian AUBIN Prof.dr. Florian CATINIANU - rapporteur
(Université de Poitiers) (Université Ecologique « Traian » de Deva)
Prof.dr. Jean-Pierre BERDOT Prof.dr. Liliana DONATH - rapporteur
(Université de Poitiers) (Université de l’Ouest de Timişoara)
Prof.dr. Alain SAUVIAT – rapporteur Prof.dr. Marilen PIRTEA
(Université de Limoges) (Université de l’Ouest de Timişoara)
Prof.dr. Amine TARAZI - rapporteur
(Université de Limoges)

2
La Faculté de Sciences Economiques n'entend donner
aucune approbation, ni improbation, aux opinions émises
dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.

3
Remerciements

Mes remerciements vont vers tous ceux qui m’ont accordé leur soutien dans la
rédaction de cette thèse.

Je voudrais tout d’abord remercier mes directeurs de thèse : à Monsieur le Professeur


Silviu Cerna, qui a accepté de diriger mon mémoire de maîtrise et qui m’a proposé le sujet de
recherche de cette thèse – je tiens à le remercier pour tout le soutien accordé, mais aussi pour
ses compétences scientifiques qui m'ont permis de mener à bien cette étude; à Monsieur le
Professeur Daniel Goyeau, qui m’a fait l’honneur de diriger mon mémoire de DEA et cette
thèse en co-tutelle. Je tiens à le remercier de m’avoir développé le goût pour la recherche, de
m’avoir aidé à affiner mes analyses ainsi que pour son appui dans l’obtention d’une bourse
d’excellence Gustave Eiffel, qui a permis de financer mon séjour d’étude à Poitiers.

Je remercie aussi tout particulièrement les rapporteurs qui ont accepté d’évaluer cette
thèse : Messieurs Alain Sauviat et Amine Tarazi, Professeurs à la Faculté de Droit et des
Sciences Economiques de Limoges, pour la partie française du jury, et Mademoiselle Liliana
Donath et Monsieur Florian Cătinianu, Professeurs à l’Université de l’Ouest de Timişoara et
à l’Université Ecologique « Traian » de Deva, respectivement, pour la partie roumaine du
jury.

Je veux adresser tous mes remerciements à Monsieur le Professeur Marilen Pirtea,


doyen de la Faculté d’Economie et Gestion des Affaires de Timişoara, pour avoir accepté de
présider ce jury. Ma gratitude se dirige aussi vers les autres membres du jury, Monsieur le
Professeur Christian Aubin, doyen de la Faculté de Sciences Economiques de Poitiers et
Monsieur le Professeur Jean-Pierre Berdot.

Je voudrais aussi remercier mes collègues de Poitiers et ma famille, particulièrement


mon épouse, Mirela, pour sa patience et son aide dans la finalisation de ce travail.

Claudiu Tiberiu Albulescu

4
Résumé

L’ampleur des effets des crises financières sur les économies du monde explique le
développement d’une riche littérature sur la question de la stabilité financière. Si l’impact
négatif des crises est étudié depuis des décennies, les travaux portant sur les possibilités de
détecter et de prévenir les crises financières ainsi que sur les possibilités de limiter leurs
effets ne résultent que de recherches récentes dans ce domaine. Dans le contexte actuel, les
analyses liées à la stabilité systémique ne peuvent pas faire abstraction de liaisons de plus en
plus prononcées entre les institutions et les marchés financiers au niveau tant national
qu’international, les interdépendances étant amplifiées par la globalisation. La crise
financière et économique récente en représente une preuve incontestable.
Au niveau national, l’analyse de la stabilité financière systémique représente une
démarche complexe qui doit débuter par l’étude de la structure du système financier, puis
continuer par l’analyse du cadre institutionnel de régulation et de surveillance des
institutions et des marchés, avec l’identification des risques potentiels pour la stabilité, et
s’achever par la définition des techniques quantitatives appropriées pour évaluer la stabilité
d’un système financier. Cette thèse dont l’objectif est d’analyser la stabilité du secteur
financier en Roumanie dans la perspective de son adhésion à l’Union Economique et
Monétaire européenne, suit un tel parcours. Ainsi, nous proposons une recherche détaillée
des éléments qui influencent la stabilité d’un secteur financier pour comprendre la dynamique
de la stabilité financière en Roumanie.
L’activité de régulation et de surveillance a dernièrement connu une évolution
favorable, contribuant à l’amélioration de la capacité du système financier à répondre aux
chocs. Quant au cadre institutionnel, nous nous sommes concentrés sur le rôle de la BNR
dans la recherche de stabilité et sur son action récente en ce sens. L’analyse n’omet pas les
nouveaux défis pour la stabilité, tels que le développement des conglomérats financiers, la
volatilité des prix des actifs mais aussi l’utilisation à des fins spéculatives des produits
financiers dérivés qui demandent une surveillance continue et une réaction permanente des
autorités pour prendre les mesures adéquates pour assurer la stabilité. Un élément
particulier de l’étude est l’approche comparative des techniques d’évaluation quantitative de
la stabilité systémique et la construction d’un indice agrégé de stabilité financière qui permet,
d’un côté, de suivre la stabilité en dynamique et d’identifier les périodes de crises, et qui
offre, de l’autre côté, des informations sur la solidité du système financier dans la perspective
de l’adoption de la monnaie unique. Enfin, nous analysons l’impact que l’adhésion de la
Roumanie pourrait avoir sur sa stabilité financière systémique.
Cette recherche relève la complexité du concept de stabilité financière et la
multitude des facteurs qui l’influence. Quant à la stabilité du secteur financier en Roumanie,
nous avons mis en évidence une amélioration jusqu’en 2007, mais une dégradation ensuite
sous l’effet de la crise financière internationale actuelle. Ainsi, le système financier apparaît
pour l’instant insuffisamment préparé sur le plan de sa stabilité pour supporter l’adhésion de
la Roumanie à l’UEM.

5
Abstract

The adverse effect of financial crises on the world’s economies represented the
background for the development of a wide specialty literature on financial stability. If the
crises negative impact was subject to different studies during the decades, the investigations
related to the financial crises detection and prevention methods, as well as to the ways
available in order to limit their effects were only approached in the recent researches.
Nowadays, the systemic stability analyses can not ignore the complexity of relationship
between institutions and financial markets both at national and international level. The recent
financial and economic crisis strands for an illustrating example in this respect.
At national level, the analysis of systemic financial stability stands for a complex
demarche beginning with the description of financial system’s structure, passing through the
analysis of the institutional framework related to institutions and markets’ regulation and
supervision and through the identification of potential stability risks, the quantitative
techniques applied for assessing financial system stability being finally approached. The
present study follows a similar path and its aim is to analyse the Romanian financial system
stability in the context of the Monetary and Economic Union accession. Thus, we propose a
detailed research of the elements influencing financial sector stability in order to understand
the Romanian financial stability dynamics.
The regulation and supervision activity of the Romanian financial system
improved lately, contributing to increasing the financial sector response capacity to chocks.
In respect of the institutional frameworks, we have focused on the role of the NBR in
providing financial stability. The new challenges in terms of stability, such as financial
conglomerates development, assets prices increased fluctuations but also the speculative use
of derivatives, which require a continuous monitoring and a permanent flexibility of the
authorities in order to undertake adequate stability assurance measures, were not omitted
from the analysis. A distinctive element of the study is represented by the comparative
approach of systemic stability quantitative assessment techniques and by the construction of a
financial stability aggregate index enabling on the one hand, the monitoring of the stability’s
dynamics and the identification of crisis periods, and on the other hand, providing
information on financial system stability in the perspective of euro adoption. Finally, we have
analysed the impact of Romania’s accession to the euro zone on systemic financial stability.
This research highlights the complexity of the financial stability concept and the
multiple factors influencing it. In respect of Romanian financial sector stability, we have
underlined an improvement up to 2007, followed by its deterioration as a consequence of the
present international financial crisis. That is why the financial system seems unprepared for
sustaining Romania’s accession to the EMU.

6
TABLE DES MATIÈRES

LISTE D’ABREVIATIONS ET D’ACRONYMES .......................................................................................... 9

LISTE DES FIGURES ...................................................................................................................................... 13

LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................................................. 15

INTRODUCTION.............................................................................................................................................. 16

I. LE CONCEPT DE STABILITE FINANCIERE SYSTEMIQUE ET LE PHENOMENE DE


GLOBALISATION............................................................................................................................................ 27

1.1. LE CONTEXTE DE L’ETUDE ......................................................................................................................... 27


1.1.1. Les effets de la globalisation financière ............................................................................................ 28
1.1.2. Les causes des crises financières et leurs implications systémiques ................................................. 41
1.1.3. Des actions entreprises au niveau mondial pour assurer la stabilité financière systémique ............ 74
1.1.4. Les conditions particulières imposées par l’intégration dans l’UE .................................................. 79
1.2. LA DEFINITION DU CONCEPT DE STABILITE FINANCIERE ............................................................................. 82
1.2.1. La notion de stabilité dans d’autres secteurs scientifiques................................................................ 82
1.2.2. Des éléments qui doivent être pris en considération pour définir la stabilité financière .................. 84
1.2.3. Les modalités permettant de définir la stabilité financière................................................................ 89
1.2.4. Les mesures contribuant au maintien de la stabilité financière ........................................................ 93
II. LE CADRE DE SURVEILLANCE ET DE REGULATION PRUDENTIELLE EN ROUMANIE...... 98

2.1. LA NECESSITE DE L’ACTIVITE DE REGULATION ET DE SURVEILLANCE ........................................................ 98


2.2. LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME FINANCIER ROUMAIN..................................................................... 104
2.1.1. Le secteur bancaire ......................................................................................................................... 105
2.1.2. Le marché des assurances ............................................................................................................... 110
2.1.3. Le marché du capital ....................................................................................................................... 114
2.3. LES AGENCES SECTORIELLES DE SURVEILLANCE ET LA BANQUE NATIONALE DE ROUMANIE................... 117
2.3.1. La BNR et l’activité de régulation et de surveillance ...................................................................... 118
2.3.2. La Commission de Surveillance des Assurances ............................................................................. 119
2.3.3. La Commission Nationale des Valeurs Mobilières.......................................................................... 121
2.4. DES DEBATS SUR LA CONSTITUTION D’UNE AGENCE UNIQUE DE SURVEILLANCE ...................................... 124
2.4.1. Des exigences pour les autorités de régulation et de surveillance .................................................. 125
2.4.2. Des arguments en faveur de l’intégration de la fonction de surveillance au sein des banques
centrales .................................................................................................................................................... 131
2.4.3. Des arguments en faveur de la constitution d’une Agence Unique de Surveillance........................ 135
2.4.4. La cadre de surveillance et de régulation au niveau de l’Union Européenne................................. 141
2.4.5. La tendance de la constitution des AUS au sein des états européens et le cas de la Roumanie ...... 145
III. BANQUES CENTRALES ET STABILITE FINANCIERE.................................................................. 152

3.1. LE ROLE DES BANQUES CENTRALES DANS LE SYSTEME FINANCIER ET LES OBJECTIFS DE STABILITE ......... 153
3.1.1. L’évolution du central banking........................................................................................................ 154
3.1.2. Politique monétaire versus politique de stabilité financière ........................................................... 158
3.1.3. Quelques considérations sur le rôle de la BCE et de la BNR dans l’assurance de la stabilité
financière................................................................................................................................................... 161
3.2. LES FONCTIONS TRADITIONNELLES DES BANQUES CENTRALES EN MATIERE DE STABILITE ....................... 162
3.2.1. Les opérations d’open market ......................................................................................................... 163
3.2.2. Assurance-dépôts et stabilité financière .......................................................................................... 164
3.2.3. La fonction de prêteur en dernier ressort ........................................................................................ 168
3.2.4. La gestion des systèmes de paiements et de règlements .................................................................. 180

7
3.2.5. La surveillance et la régulation du secteur bancaire : nouvelles stipulations introduites par l’Accord
Bâle II ........................................................................................................................................................ 191
3.3. DES ACTIONS RECENTES ENTREPRISES PAR LA BNR POUR ASSURER LA STABILITE FINANCIERE............... 207
3.3.1. L’harmonisation de la législation avec l’acquis communautaire.................................................... 207
3.3.2. La croissance de la transparence des politiques de la BNR............................................................ 209
3.3.3. La limitation de l’expansion du crédit non gouvernemental ........................................................... 213
3.3.4. La surveillance des institutions financières non bancaires ............................................................. 216
3.3.5. L’application de l’Accord Bâle II en Roumanie .............................................................................. 217
IV. LES NOUVEAUX DEFIS POUR LA STABILITE DU SECTEUR FINANCIER ROUMAIN ....... ..224

4.1. LE DEVELOPPEMENT DES CONGLOMERATS FINANCIERS ........................................................................... 224


4.1.1. L’apparition des conglomérats financiers ....................................................................................... 225
4.1.2. Des défis pour la stabilité engendrés par l’apparition des conglomérats ....................................... 228
4.1.3. La régulation et la surveillance des conglomérats financiers au sein de l’UE ............................... 230
4.1.4. La présence des conglomérats en Roumanie et leur surveillance ................................................... 233
4.2. LA SURVEILLANCE DE L’EVOLUTION DES PRIX DES ACTIFS....................................................................... 236
4.2.1. Prix des actifs et stabilité financière ............................................................................................... 238
4.2.2. Le rôle des banques centrales sur le marché des actifs................................................................... 239
4.2.3. Les conditions d’intervention des banques centrales et les instruments disponibles....................... 244
4.2.4. Les débats au niveau de la Banque Centrale Européenne............................................................... 250
4.2.5. La BNR et l’évolution des prix des actifs......................................................................................... 251
4.3. PRODUITS FINANCIERS DERIVES ET STABILITE FINANCIERE ...................................................................... 256
4.3.1. Les produits dérivés et leurs marchés.............................................................................................. 258
4.3.2. Turbulences financières et spéculation sur les produits dérivés ..................................................... 267
4.3.3. Les risques associés à l’usage des produits financiers dérivés ....................................................... 273
4.3.4. Le rôle des banques centrales dans la surveillance des opérations sur dérivés.............................. 291
4.3.5. L’utilisation des produits financiers dérivés en Roumanie.............................................................. 294
V. METHODES DE MESURE DE LA STABILITE FINANCIERE SYSTEMIQUE .............................. 303

5.1. LES TECHNIQUES QUANTITATIVES ............................................................................................................ 304


5.1.1. Les indicateurs complexes utilisés pour évaluer la stabilité financière........................................... 304
5.1.2. Les systèmes d’alerte précoce ......................................................................................................... 307
5.1.3. Les stress-tests ................................................................................................................................. 327
5.1.4. D’autres méthodes quantitatives d’analyse de la stabilité financière ............................................. 350
5.2. LA STABILITE DU SYSTEME FINANCIER ROUMAIN : ANALYSE A L’AIDE D’UN INDICE AGREGE .................. 355
5.2.1. Les modalités de construction d’un indice agrégé de stabilité financière....................................... 357
5.2.2. La construction de l’indice agrégé de stabilité pour le système financier roumain ........................ 361
5.2.4. La validation économétrique de l’IASF........................................................................................... 371
5.2.5. Des prévisions sur l’évolution de la stabilité du secteur financier roumain ................................... 375
VI. LES IMPLICATIONS DE L’ADOPTION DE L’EURO SUR LA STABILITE FINANCIERE DE LA
ROUMANIE..................................................................................................................................................... 380

6.1. LE SECTEUR FINANCIER EST-IL ASSEZ STABLE POUR ADOPTER LA MONNAIE UNIQUE ? COMPARAISON AVEC
D’AUTRES PAYS EST-EUROPEENS ..................................................................................................................... 380
6.1.1. Courte présentation de la situation économique et financière des pays est-européens................... 381
6.1.2. Le choix des indicateurs individuels et des méthodes de normalisation.......................................... 386
6.1.3. La construction et l’analyse des indices agrégés de stabilité.......................................................... 388
6.2. LA ROUMANIE ET LA « ZONE EURO » : IMPLICATIONS SUR LA STABILITE FINANCIERE .............................. 392
6.2.1. Introduction de l’euro et la stabilité financière............................................................................... 393
6.2.2. La perte de l’autonomie de la politique monétaire.......................................................................... 394
6.2.3. La diminution du risque de liquidité par l’interconnexion avec TARGET ...................................... 395
6.2.4. La convergence réelle et financière : conditions préalables pour la stabilité financière................ 397
CONCLUSION GENERALE ......................................................................................................................... 403

BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................................................... 409

ANNEXES ........................................................................................................................................................ 434

8
Liste d’abréviations et d’acronymes

ABS = Assets Backed Securities


AESF = Autorité Européenne des Services Financiers
ARB = Association Roumaine des Banques
ARIMA = Autoregressive Integrated Moving Average
ARM = Prêts hypothécaires à taux ajustable (Adjustable Rate Mortgages)
ASEAN = Association des Nations de l’Asie de Sud-est
AUS = Agence Unique de Surveillance
BCBS = Le Comité de Bâle responsable pour la surveillance bancaire
BCE = Banque Centrale Européenne
BCN = Banques Centrales Nationales
BERD = Banque Européenne de Reconstruction et Développement
BET = Bucharest Exchange Trading Index
BET-FI = Bucarest Exchange Trading Investment Funds Index
BNR = Banque Nationale de Roumanie
BRI = Banque des Règlements Internationaux
BRM = Bourse Roumaine de Marchandises
BUC = Bureau Unique de Crédits
BVB = Bourse des Valeurs de Bucarest
CAAMPL = Système de rating bancaire et d’alerte précoce
CAR = Ratio de capital réglementaire (Capital Adequacy Ratio)
CBE = Comité Bancaire Européen
CBFA = Commission bancaire, financière et des assurances en Belgique
CCBM = Corresponding Central Banking Model
CCF = Comité des Conglomérats Financiers
CDO = Collateralized Debt Obligations
CDI = Ciblage Direct de l’Inflation
CDS = Credit default swap
CE = Commission Européenne
CEAP = Comité Européen des Assurances et des Pensions
CSBE = Comité des Surveillants Bancaires d’Europe

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CESAP = Comité des Surveillants des Assurances et des Pensions
CESVM = Comité des Surveillants du Marché des Valeurs Mobilières
CEVM = Comité Européen des Valeurs Mobilières
CFTC = Commodity Futures Trading Commission
CGFS = Le Comité pour le Système Financier Global
CIA = Central Intelligence Agency
CIP = Centrale des Incidents de Paiements
CLN = Credit-linked notes
CME = Comité des Marchés Emergents
CNVM = Commission Nationale des Valeurs Immobilières
COREP = COmmon solvency ratio REPorting framework
CPSS = Le Comité pour le Système de paiements et règlements
CRB = Centrale des Risques Bancaires
CSA = Commission de Surveillance des Assurances
CSBE = Comité des Surveillants Bancaires Européens
CSO = Credit spread options
CSSPP = Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées
DA = Analyses discriminantes (Discriminant Analysis)
DAE = Modèles dynamiques d’agrégation (Dynamic Aggregative Estimated)
DGS = Deposit Guarantee Schemes
DSGE = Modèles stochastiques d’équilibre général dynamique (Dynamic Stochastic General
Equilibrum)
DTS = Droits de Tirage Spéciaux
EAD = Exposition au risque de défaut (Exposure at Default)
ECM = Modèle à correction des erreurs (Error Correction Model)
EL = Perte attendue (Expected Losses)
EWS = Systèmes d’alerte précoce (Early Warning Systems)
FDIC = Federal Deposit Insurance Corporation
FED = Federal Reserve
FHGE = Modèles d’équilibre général à horizon fini (Finite Horizon General Equilibrum)
FINREP = FINancial REPorting
FMA = Full Models Approach
FMI = Fond Monétaire International
FSA = Financial Supervision Authority

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FSAP = Programmes d’Evaluation du Secteur Financier (Financial Sector Assessement
Programs)
FSI = Indicateurs de solidité financière (Financial Soundness Indicators)
FTD = First-to-default contracts
GE = Modèles d’équilibre général (General Equilibrum)
GTM = Group Technique Mixte
HFSA = Autorité de Surveillance Financière d’Hongrie
IAIS = L’Association internationale de surveillance des assurances
IASB = International Accounting Standards Board
IASF = Indices Agrégés de Stabilité Financière
IFN = Institutions financières non bancaires
IFRS = International Financial Reporting Standards
IDE = Investissements Directs Etrangers
IOSCO = International Organization of Securities Commissions
IPC = Indice des Prix de Consommation
IRBA = International Ratings Based Approach
ISDA = International Swaps and Derivatives Association
ISF = Institut de Stabilité Financière
LGD = Perte en cas de défaut (Lost Given Default)
LIBOR = London Interbank Offer Rate
LLP = Provisions pour pertes (Loan Loss Provision)
LTCM = Long - Term Capital Management
MCO = Moindres Carrés Ordinaires
MDA = Analyses discriminantes multiples (Multiple Discriminant Analysis)
MFSA = Malta Financial Services Authority
MoU = Memorandum of Understanding
MTC II = Mécanisme du Taux de Change II (Exchange Rate Mechanism)
NCUA = National Credit Union Administration
NPL = Créances douteuses (Non Performing Loans)
NTS = Multilateral Net Settlement System
OCC = Office of the Comptroller of the Currency
OTC = De gré à gré (over-the-counter)
PADR = Prêteur en Avant-Dernier Ressort (Lender of Penultimate Resort)
PCA = Precommitment Approach

11
PD = Probabilité de Défaut (Probability of Default)
PDR = Prêteur en Dernier Ressort (Lender of Last Resort)
PFSA = Polish Financial Supervision Authority
PHARE = Poland and Hungary Assistance for the Restructuring of the Economy
PSC = Pacte de Stabilité et de Croissance
QIS = Etudes d’impact quantitatif (Quantitative Impact Studies)
RASDAQ = Romanian Association of Securities Dealers Automated Quotation
RBC = Modèles du cycle économique réel (Real Business Cycle)
ReGIS = Romanian Electronic Gross Interbank Settlement
REER = Taux de change effectif réel (Real Effective Exchange Rate)
RMO = Réserves Minimes Obligatoires
ROA = Rendement des actifs (Return on Assets)
ROBID = Romanian Interbank Bid Rate
ROBOR = Romanian Interbank Offer Rate
ROE = Rendement du capital propre (Return on Equity)
RTGS = Real Time Gross Settlement
SaFIR = Settlement and Financial Instrument Registration
SEBC = Système Européen des Banques Centrales
SEC = Securities and Exchange Commission
SENT = Système Electronique à Règlement Net
SEP = Système Electronique de Paiements
SME = Système Monétaire Européen
SPV = Véhicule spécial (Special Purpose Vehicle)
SSP = Single Shared Platform
SSS = Securities Settlement System
SVAR = Vecteurs structurels autorégressifs (Structural VAR)
SWIFT = Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication
TARGET = Trans-European Real Time Gross Settlement Express Transfer System
TROR = Total rate of return swaps
UEM = Union Economique et Monétaire
UL = Pertes inattendues (Unexpected Losses)
VAR = Vector Autoregressive Models
VaR = Value at Risk
WEF = World Exchange Federation

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Liste des figures

Figure 1 : L’évolution du niveau d’ouverture commerciale (% du PIB) ................................. 32


Figure 2 : L’investissement direct étranger (entrées nettes) .................................................... 33
Figure 3 : L’indice de la réforme bancaire et de la libéralisation du taux d’intérêt ................. 34
Figure 4 : La croissance économique et l’inflation autour de la crise du SME ....................... 51
Figure 5 : Les taux d’intérêt et les réserves internationales autour de la crise du SME .......... 52
Figure 6 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques au Japon ...................................... 53
Figure 7 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques au Mexique ................................. 54
Figure 8 : L’évolution du taux de change du Mexique (par rapport aux DTS)........................ 55
Figure 9 : Les indicateurs macroéconomiques dans les pays d’Asie du Sud-est ..................... 56
Figure 10 : L’évolution de la croissance économique en Russie ............................................. 59
Figure 11 : Les ressources financières des banques de la Fédération Russe en juin 1998....... 59
Figure 12 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques en Argentine.............................. 61
Figure 13 : L’évolution du prix du pétrole ($ / baril)............................................................... 67
Figure 14 : La variation moyenne des prix des actions des compagnies cotées ...................... 68
Figure 15 : Les indices boursiers en France, Allemagne, Royaume-Uni et Etats-Unis ........... 69
Figure 16 : Les variations des prix des actions par zones géographiques................................ 69
Figure 17 : Les piliers de la stabilité financière ....................................................................... 76
Figure 18 : Les échanges commerciaux de la Roumanie (mld. EUR) ..................................... 79
Figure 19 : Les flux nets des IDE vers la Roumanie (mil. EUR)............................................. 80
Figure 20 : L’actionnariat majoritaire des banques en Roumanie (nombre des banques) ....... 81
Figure 21 : Le couloir de stabilité du système financier .......................................................... 85
Figure 22 : La structure du système financier roumain en 2007 (% dans le total des actifs). 105
Figure 23 : L’évolution du crédit non-gouvernemental ......................................................... 106
Figure 24 : La structure des actifs du système bancaire roumain (% du total) ...................... 107
Figure 25 : La structure des actifs et des passifs des institutions de crédit ............................ 107
Figure 26 : Les fonds propres et l’indicateur d’adéquation du capital................................... 108
Figure 27 : La liquidité et la profitabilité du secteur bancaire ............................................... 109
Figure 28 : La dynamique des primes brutes souscrites correspondant aux assurances
générales et aux assurances de vie et les indemnisations brutes payées (mil. RON)..... 111
Figure 29 : L’évolution de la profitabilité des sociétés d’assurances .................................... 113
Figure 30 : Les indicateurs de stabilité financière pour les assurances générales.................. 113
Figure 31 : Les indicateurs de stabilité financière pour les assurances-vie ........................... 114
Figure 32 : L’évolution des indices boursiers BET et BET-FI .............................................. 115
Figure 33 : La capitalisation boursière et l’évolution du volume des transactions ................ 116
Figure 34 : Evolution des indices boursiers de la Roumanie, la République Tchèque, la
France, le Royaume-Uni et l’Hongrie ............................................................................ 117

13
Figure 35 : Un cadre possible de régulation et surveillance au niveau européen .................. 143
Figure 36 : L’évolution de l’inflation au niveau international (le déflateur PIB) .................. 155
Figure 37 : Les piliers de l’accord Bâle II.............................................................................. 198
Figure 38 : L’évolution des prix dans le contexte de la stratégie de CDI .............................. 211
Figure 39 : Le crédit pour la population au niveau de l’année 2007 (% du PIB) .................. 215
Figure 40 : Le portefeuille de crédits des conglomérats en Europe de l’Est (mil. EUR)....... 234
Figure 41 : L’évolution de l’indice BET................................................................................ 254
Figure 42 : Le taux d’intérêt de référence et BUBID 3.......................................................... 254
Figure 43 : L’évolution des produits dérivés par catégories de contrats................................ 285
Figure 44 : L’évolution des swaps sur taux d’intérêt et des credit default swaps.................. 285
Figure 45 : L’évolution de la valeur notionnelle des dérivés sur les marchés standardisés... 286
Figure 46 : Le PIB par rapport aux opérations avec des produits dérivés en 2007................ 287
Figure 47 : L’évolution de l’indice Herfindahl pour les dérivés de taux de change.............. 288
Figure 48 : L’évolution de l’indice Herfindahl pour les produits dérivés de taux d’intérêt .. 289
Figure 49 : Le volume des instruments financiers dérivés utilisés par les banques............... 294
Figure 50 : L’évolution du nombre de contrats futures et options sur la BMFMS ................ 297
Figure 51 : L’évolution de la valeur des contrats futures et options – BMFMS (mil. RON) 297
Figure 52 : L’évolution du nombre et la valeur des transactions du BET Index Futures....... 298
Figure 53 : L’évolution des ratings bancaires en fonction de la qualité de l’actionnariat ..... 325
Figure 54 : L’évolution des ratings bancaires en fonction du volume des actifs................... 326
Figure 55 : Le cadre de l’analyse macroprudentielle ............................................................. 329
Figure 56 : La modélisation macroéconomique d’un scénario de stress................................ 333
Figure 57 : Le diagramme Pagan pour la classification des modèles macroéconomiques .... 338
Figure 58 : Le schéma d’un stress-test................................................................................... 343
Figure 59 : La matrice de contagion....................................................................................... 349
Figure 60 : L’évolution de l’indice agrégé de stabilité et des indices composites................. 368
Figure 61 : L’évolution de l’IASF en fonction de différentes méthodes de calcul ................ 369
Figure 62 : L’évolution des écarts-types des indices de stabilité........................................... 370
Figure 63 : Les contributions des indices IDF, IVF, ISF et ICEM à la volatilité de l’IASF . 370
Figure 64 : Les prévisions sur l’évolution de l’IASF............................................................. 377
Figure 65 : L’évolution de l’IASF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est ................ 389
Figure 66 : L’évolution de l’IDF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est .................. 390
Figure 67 : L’évolution de l’IVF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est .................. 390
Figure 68 : L’évolution de l’ISF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est................... 391

14
Liste des tableaux

Tableau 1 : L’actionnariat étranger des banques, par régions (mld. $) .................................... 33


Tableau 2 : Aspects génériques de l’instabilité financière ....................................................... 46
Tableau 3 : La perspective macro et micro-prudentielle de la surveillance........................... 102
Tableau 4 : La structure du secteur financier roumain (l’évolution des actifs)...................... 104
Tableau 5 : Indicateurs de solidité bancaire – comparaison avec d’autres pays européens... 110
Tableau 6 : La part de marché des 10 premières sociétés d’assurances en fonction des primes
brutes souscrites (mil. RON).......................................................................................... 112
Tableau 7 : L’analyse traditionnelle coût - bénéfice pour la création d’une AUS................. 136
Tableau 8 : Le cadre de régulation et de surveillance au niveau de l’Union Européenne ..... 142
Tableau 9 : Le cadre d’assurance - dépôts au niveau des pays de l’UE................................. 167
Tableau 10 : La situation des fonctions de stabilité financière au niveau européen .............. 177
Tableau 11 : La matrice de la pondération des risques .......................................................... 199
Tableau 12 : Origine des données, en fonction des méthodes d’évaluation (Bâle II)............ 201
Tableau 13 : Les options des établissements de crédit face à Bâle II .................................... 219
Tableau 14 : Les fusions et les acquisitions de l’industrie financière (1996-2006)............... 226
Tableau 15 : F&A entre établissements de crédit et institutions d’assurances au sein de l’UE
........................................................................................................................................ 227
Tableau 16 : Les principaux groupes mixtes banques - assurances de l’UE (2004).............. 229
Tableau 17 : Les résultats économétriques BET – BUBID3 ................................................. 255
Tableau 18 : La contribution du marché organisé au total des transactions sur dérivés dans le
système bancaire roumain (mil. RON)........................................................................... 295
Tableau 19 : Les indicateurs utilisés par Demirguc-Kunt et Detragiache dans les EWS ....... 305
Tableau 20 : L’ensemble de base (core set) des FSI relatifs aux institutions bancaires ........ 306
Tableau 21 : L’analyse des signaux émis en fonction des périodes de crise identifiées........ 311
Tableau 22 : Probabilité conditionnelle pour un intervalle donné de l’indicateur composite 312
Tableau 23 : Les critères de classification des banques en fonction des indicateurs d’analyse
des composantes quantifiables CAPL............................................................................ 321
Tableau 24 : Les indicateurs retenus pour évaluer la stabilité financière .............................. 362
Tableau 25 : Les tests de racine unitaire et de stationnarité................................................... 373
Tableau 26 : Les résultats économétriques de l’équation de l’indice agrégé de stabilité ...... 374
Tableau 27 : Les tests de racine unitaire et de stationnarité pour les résidus......................... 375
Tableau 28 : Les méthodes de normalisation des indicateurs individuels ............................. 387

15
Introduction

Le capitalisme semble être le système économique le plus efficient bien qu’il


engendre, en absence des régulations adéquates, l’apparition des crises financières et
économiques. La notion de crise apparaît pour la première fois comme élément clé dans la
théorie de Marx et elle est associée à une transition brusque vers une récession économique.
Les périodes de crise qui sont caractéristiques du capitalisme, encouragent l’intensification
des conflits et de l’incertitude des agents économiques à l’origine de coûts économiques et
sociaux importants.
Marx envisageait l’effondrement du système capitaliste à l’aide d’une théorie du
désastre qui montrait que le système capitaliste se bloquera à cause des conflits politiques.
Les crises représentaient pour lui un acte brutal de purification, nécessaire pour éloigner les
obstacles formés dans la voie de l’accumulation, crises qui fournissaient de nouvelles
opportunités au développement capitaliste mais qui engendraient des coûts inacceptables.
Le principal problème qui apparaît, est la difficulté de trouver les moyens pour
prévenir les crises financières et les modalités pour limiter leurs coûts. Les solutions
implémentées autrefois peuvent ou non représenter des solutions applicables à présent parce
que le contexte économique et financier change toujours. Il semble que Marx ne soit pas
parvenu à une conclusion finale concernant la nature des crises dans le capitalisme, ce qui a
déterminé certains chercheurs à considérer ces phénomènes comme des moyens qui entraînent
une correction naturelle des déséquilibres sur les marchés, au sein des systèmes économiques
capitalistes.
Il faut mentionner que l’apparition des périodes de crise s’est intensifiée pendant le
capitalisme du type « laissez-faire », fondé sur la propriété privée et sur le contrôle des
moyens de production. A l’intérieur de cette forme du capitalisme, les activités
gouvernementales se limitent à la protection des droits des individus et un ample processus de
dérégulation est mis en œuvre.
La fréquence des crises financières s’est amplifiée encore plus dans le contexte de
l’intensification du processus de globalisation, les systèmes financiers subissant des
transformations profondes sous l’action du fort mouvement d’innovation technologique et de
libéralisation des marchés. Les capitaux circulent instantanément et sous des formes de plus

16
en plus sophistiquées sur les marchés intégrés au niveau mondial. Cette évolution favorise à
long terme l’allocation plus efficiente des ressources mondiales de capital, contribue à la
réduction de la volatilité de l’activité économique et facilite le progrès des économies
émergentes. Néanmoins, la sphère financière n’est pas exemptée de tensions et de
mouvements déstabilisateurs qui génèrent des risques pour le système financier, ainsi que
pour l’ensemble de l’économie. Les facteurs principaux de la globalisation, associés à
l’apparition des crises financières, sont les régimes de change fixes et le processus de
dérégulation. Ces facteurs représentent un terrain propice pour la manifestation de turbulences
financières lorsque l’infrastructure financière n’est pas suffisamment développée au moment
de la libéralisation des flux de capital ou lorsque les fondements économiques n’ont pas été
assez solides.
Dans les conditions de l’apparition de ces crises sévères, un puissant courant de
pensée représenté par les anti-globalistes s’est manifesté. Ceux-ci associent le capitalisme à
l’ère de la globalisation avec la façon dont les Etats-Unis manifestent leur hégémonie au
niveau international : d’abord par la dérégulation, qui permet aux banques occidentales de
pénétrer dans et de contrôler les économies émergentes, ensuite par la création des institutions
financières internationales destinées à endetter les pays pauvres et finalement par le
déclenchement des conflits armés au sein des pays qui détiennent d’importantes ressources
naturelles, en vue d’exploiter ces ressources pour leur propre bénéfice.
Néanmoins, quelle que soit la réalité, des conditions monétaires et financières
stables pour limiter l’impact négatif des crises financières sont nécessaires. Les coûts des
crises financières récentes ont incité à des efforts supplémentaires des autorités et du milieu
académique pour identifier les instruments nécessaires pour prévenir l’apparition de ces
événements et pour trouver des remèdes aux crises.
La stabilité financière systémique est par conséquent devenue un objectif
prioritaire pour les autorités, un enjeu tout aussi important que la stabilité monétaire et la
garantie d’une croissance économique solide. L’analyse de la stabilité financière constitue un
défi dans un contexte de la croissance des interdépendances entre les marchés et les
institutions (tant financières que non financières), d’apparition de nouvelles techniques et de
nouveaux instruments financiers, de création de groupes financiers et non financiers et
d’intensification des flux internationaux de capital.
La stabilité financière ne doit cependant pas être confondue avec l’équilibre
financier ou avec l’absence du risque systémique. Lorsque la situation financière se dirige

17
cependant vers une zone d’instabilité, la probabilité que le risque systémique se manifeste est
beaucoup plus élevée et le secteur financier risque d’entrer en crise.
Les économies des pays émergents, surtout des pays qui modifient leur régime de
change et libéralisent leurs capitaux, sont beaucoup plus exposées aux crises. La Roumanie
est un des pays émergents dont les systèmes financiers ont connu des transformations
importantes sur la période récente et, par conséquent, l’analyse de la stabilité financière
représente un sujet d’actualité et d’extrême importance. La Roumanie doit faire face aux
risques associés à la libéralisation de son compte de capital, une condition incontournable
pour accéder à l’Union Européenne, ainsi qu’aux défis liés à l’adhésion à la zone euro. Le
problème de la stabilité systémique acquiert de nouvelles dimensions au sein d’une union
monétaire où les pays participants renoncent à un instrument important d’ajustement de
l’économie face aux chocs : le taux de change. En outre, le besoin de coopération se fait de
plus en plus ressentir car les déséquilibres qui affectent un membre de l’union, se propagent
rapidement à l’intérieur même de l’union.
Dans ce contexte, l’analyse de la stabilité financière au niveau national représente
un exercice complexe qui doit avoir comme point de départ une analyse des piliers de la
stabilité financière (institutions, marchés, méthodes de gestion du risque) et doit continuer
avec l’identification des risques financiers susceptibles de déstabiliser le système. L’analyse
de l’activité de régulation et de surveillance prudentielle représente une première étape
essentielle de notre étude. Cette activité a connu une évolution déterminante ces dernières
années, en contribuant à un renforcement de la capacité de réponse face à des chocs
déstabilisateurs. Concernant le cadre institutionnel, nous insistons sur le rôle de la Banque
Nationale de Roumanie dans la gestion de la stabilité et sur les démarches récentes entreprises
dans cette direction. L’analyse ne laisse pas de côté les nouveaux défis pour la stabilité,
comme par exemple le développement des conglomérats financiers, la volatilité des prix des
actifs, mais aussi l’utilisation des produits financiers dérivés à des fins spéculatives qui
demandent une surveillance continue et une adaptation permanente de la part des autorités
pour prendre les mesures adéquates.
Cette étude se distingue en proposant une comparaison des différentes techniques
d’évaluation quantitative de la stabilité systémique et la construction d’un indice agrégé de
stabilité financière en mesure, d’un côté, de mettre en évidence la dynamique de la stabilité et
d’identifier les périodes de crise et, d’un autre côté, d’offrir des informations sur la solidité du
système financier dans la perspective de l’adoption de la monnaie unique européenne. Enfin,

18
nous analysons l’impact que l’adhésion de la Roumanie à la zone euro pourrait avoir sur la
stabilité financière systémique.
Notre objectif ultime est d’évaluer, à partir de tous les éléments précédents, le
niveau de stabilité du système financier roumain dans la perspective de son adhésion à la zone
euro. Les méthodes de travail utilisées sont diverses et reposent sur des approches théoriques
et comparatives, ainsi que sur des statistiques descriptives ou des modèles économétriques.
Nous ne laissons pas de côté la méthode de recherche historique à laquelle nous recourons
pour expliquer l’évolution du central banking et l’activité associée aux produits financiers
dérivés.
La thèse est structurée en six chapitres qui se proposent d’analyser tous les aspects
de la stabilité financière au niveau national. Un premier chapitre définit le cadre d’analyse,
caractérisé par l’intensification du processus de globalisation qui a créé un contexte favorable
à l’éclatement de nombreuses crises financières. Ainsi, nous présentons les principales
caractéristiques des crises financières au niveau international au cours des deux dernières
décennies, en prêtant une attention toute particulière à la crise internationale actuelle qui,
selon beaucoup d’observateurs, est la crise qui a entraîné des coûts économiques et financiers
les plus élevés depuis la Seconde Guerre Mondiale. Cette crise a comme traits spécifiques le
recourt à des instruments ésotériques, une activité de régulation inefficiente et des
investisseurs nerveux. Elle est née aux Etats-Unis du secteur immobilier et des activités de
crédit risquées, et fut amplifiée par l’utilisation des produits dérivés et par le processus de
titrisation à des fins spéculatives. Elle s’est alors propagée, plus rapidement que jamais, au
monde entier.
Toujours dans le cadre de ce chapitre, nous analysons les modalités définissant la
stabilité financière, concept abondamment rencontré dans la littérature économique sans pour
autant bénéficié d’une définition unanimement acceptée. Néanmoins, on peut en retirer
quelques éléments incontournables tels que le rôle du secteur financier à l’intérieur du
système économique, la solidité des institutions et des marchés, l’importance des banques
dans le système financier, ainsi que la capacité du système financier à répondre aux chocs.
Ainsi, nous définissons un système financier stable comme un système qui,
lorsqu’il est déstabilisé par des chocs internes et/ou externes, retrouve toujours son état
d’équilibre, où il exerce efficacement ses fonctions habituelles d’allocation des ressources,
établit correctement les prix et assure un système de paiements efficient, fonctions qui
contribuent à la croissance économique et optimisent le bien-être collectif.

19
La notion de stabilité financière se distingue des notions d’absence de risque
systémique, de vulnérabilité ou de fragilité. Cela peut être montré à l’aide de « l’effet de
tunnel ». Ainsi, le système financier se situe généralement dans un couloir de stabilité d’où il
peut passer dans une zone d’instabilité, suite à un choc fortement déstabilisateur, lorsque les
mesures de correction ne se sont pas avérées efficaces. Si les déséquilibres s’accentuent dans
la période d’instabilité, le système risque d’entrer en crise. Sortir de la crise suppose alors des
mesures drastiques de réformes ou de re-régulation du système.
Les termes de vulnérabilité et de fragilité (ainsi que le risque systémique
d’ailleurs) caractérisent l’état du système financier sans tenir compte de son évolution. Un
système est vulnérable même s’il se trouve dans la zone de stabilité, mais sa vulnérabilité
reste faible. En outre, la distinction entre vulnérabilité et fragilité est ambiguë, mais la
littérature considère généralement que la fragilité porte sur les risques internes (endogènes) du
système du fait de son faible développement et d’une solidité fragile de ses institutions, alors
que la vulnérabilité se manifeste à travers des facteurs exogènes de risque et est considérée
comme une vulnérabilité externe.
Les piliers de la stabilité sont analysés dès le deuxième chapitre, en nous appuyant
sur leur évolution dans le temps, mais aussi en comparant le cadre national de stabilité à ce
qui se passe au niveau européen. Ainsi, ce chapitre décortique le cadre prudentiel de
surveillance qui doit traduire la structure du système surveillé et qui doit être compatible en
même temps avec les engagements au niveau européen. S’il y quelques années, la surveillance
prudentielle visait seulement la solidité des institutions financières individuelles, elle est
récemment et progressivement passée de la sphère de la microéconomie à la sphère de la
macroéconomie. Cette évolution résulte de la prise en compte des interdépendances de plus en
plus accentuées entre les participants sur ces marchés financiers et des phénomènes de
contagion qui existent sur ces marchés. Une approche macro prudentielle est ainsi retenue qui
ne se propose de gérer les seuls risques associés à chaque établissement, mais qui tente aussi
de prévenir les risques systémiques, plus complexes à identifier.
En Roumanie, un modèle sectoriel de régulation et de surveillance du système
financier est en place, modèle où des autorités compétentes surveillent chaque secteur
financier du système. Ce cadre de surveillance peut être considéré comme un cadre
compatible avec celui qui existe au niveau central et donc, contrairement aux tendances
observées dans certains états européens, l’instauration d’une autorité unique de surveillance
du système financier ne s’y impose pas. Nous démontrons cela en nous appuyant sur les
conditions qu’une institution de régulation et de surveillance doit remplir pour avoir une

20
activité efficace, et sur les arguments pro et contre l’instauration d’une autorité unique de
surveillance. Par conséquent, dans un contexte où le secteur bancaire occupe une position
particulière dans le système financier roumain et où la solidité des institutions bancaires est
une garantie pour la stabilité du système, la Banque Nationale de Roumanie ne peut pas être
déchargée de la tâche de surveillance du secteur bancaire. La création d’un comité mixte de
surveillance sous l’égide de la banque centrale, formé par des membres de la banque et des
membres des autres autorités de surveillance, représente à présent une meilleure solution que
l’instauration d’une autorité unique pour la surveillance des conglomérats financiers, principal
motif pour lequel l’unification des activités de surveillance est recommandée.
Le troisième chapitre décrit le rôle de la Banque Nationale de Roumanie dans la
recherche de stabilité financière systémique. Les banques centrales ont généralement une
longue tradition dans l’accomplissement de cette mission, la stabilité des prix et la stabilité
financière se trouvant parmi les objectifs prioritaires de la majorité des banques centrales.
Il y a un puissant courant de pensée qui montre que les deux objectifs des banques
centrales –stabilité des prix et stabilité financière– ne sont pas compatibles. Le compromis
entre les deux objectifs, compris comme le renoncement à un de ces objectifs en faveur de
l’autre, est généralement présenté sous la forme d’un compromis de court terme. D’autres
nombreux arguments soulignent pourtant le fait qu’il y a une synergie à moyen et long terme
entre stabilité des prix et stabilité financière. Une croissance soutenue du niveau général des
prix, ainsi qu’une réduction de ce niveau au-dessous des anticipations des agents
économiques, représentent des sources potentielles d’instabilité. Un processus déflationniste
rapide peut conduire à des taux d’intérêt réel élevés, à une diminution des cash-flows et à une
montée de l’instabilité financière. Il y a aussi un argument historique conformément auquel
les crises bancaires sont souvent nées d’une situation macroéconomique défavorable et de
politiques macroéconomiques inadaptées, alors qu’une politique monétaire visant la stabilité
des prix, réduit ces risques.
Pour atteindre leur objectif de stabilité financière, les banques centrales disposent
d’une large gamme d’instruments tels que, par exemple, la promotion d’une meilleure
transparence du système, l’identification des risques par la surveillance des établissements de
crédit, le renforcement de l’infrastructure financière et la sensibilisation des participants aux
marchés financiers aux vulnérabilités du système, la coopération avec d’autres institutions qui
surveillent les marchés financiers et la fourniture de liquidité au système en qualité de prêteur
en dernier ressort. Ces safety nets peuvent être considérés comme « des fonctions classiques
de stabilité ».

21
La Banque Nationale de Roumanie remplit ces fonctions dans un cadre compatible
avec celui qui existe au niveau de l’Union Européenne. Cette compatibilité est importante
parce que, suite à l’adhésion à l’Union Monétaire, les banques centrales interviennent dans le
cadre de certaines lignes directrices et toute adaptation ou modification survenue après
l’adhésion à la zone euro peut avoir un impact néfaste sur la stabilité. La Banque Nationale de
Roumanie contribue à la stabilité du système financier par ses opérations d’open-market, par
sa participation au système d’assurance dépôts et par sa gestion des systèmes de paiements.
Une fonction importante est celle de prêteur en dernier ressort, par l’intermédiaire de laquelle
la banque centrale peut aider les seules institutions en difficulté, en leur offrant des liquidités
contre des garanties solides, ou peut fournir des liquidités à l’ensemble du marché. Le rôle de
la Banque Nationale de Roumanie dans la surveillance du secteur bancaire est aussi essentiel
en participant à l’application des accords de Bâle II. Cet accord international a pour objectif le
renforcement de la régulation et de la surveillance des institutions financières, mais a aussi un
rôle macro prudentiel en favorisant la transparence des marchés et en renforçant l’implication
des autorités dans la gestion du risque systémique.
Les nouveaux défis pour la stabilité financière sont analysés dans le quatrième
chapitre, des défis qui sont en réalité des risques potentiels déjà présents mais plus
susceptibles de se manifester à l’avenir avec le développement du système financier en
Roumanie. Ces risques (la difficulté de la surveillance des conglomérats financiers, la
volatilité élevée du prix des actifs ou l’utilisation spéculative des produits financiers dérivés)
sont arrivés à leur maturité au sein des systèmes financiers développés et leur manifestation a
déjà engendré de nombreux épisodes de turbulences financières.
Le phénomène d’érosion des barrières traditionnelles entre les activités financières
s’est accentué et de nouvelles structures appelées conglomérats sont apparues avec la
globalisation des marchés financiers. L’apparition des conglomérats qui exercent leur activité
dans le secteur bancaire, mais aussi sur le marché du capital et dans le secteur des assurances
(ils proposent toute gamme des services financiers), a entraîné l’effacement progressif des
frontières entre les banques commerciales, les banques d’investissements, les sociétés
d’assurances et le marché de capital. Cette tendance à l’interpénétration du secteur bancaire,
du marché du capital et du marché des assurances sous l’égide de l’évolution des marchés
financiers impose des exigences supplémentaires à la régulation et à la surveillance
prudentielle.
La présence des conglomérats financiers en Roumanie, comme d’ailleurs dans tous
les pays de l’Europe Centrale et de l’Est, est significative. Les défis liés à la surveillance de

22
ces entités ont imposé une adaptation de la législation dans ce domaine et la signature d’un
nombre important d’accords de partenariat entre les autorités nationales de surveillance et
leurs homologues des pays d’origine des conglomérats.
La volatilité élevée des prix des actifs financiers et immobiliers représente un autre
risque pour la stabilité financière. Les bulles spéculatives des prix des actifs affectent les
objectifs des banques centrales. Par conséquent, le problème concernant l’implication de la
banque centrale dans la surveillance des prix des actifs surgit. Certains considèrent que
l’intervention des banques centrales sur les marchés des actifs n’est pas nécessaire. Pourtant,
étant donné le rôle de ces institutions sur le marché et les risques importants pour la stabilité,
risques induits par la volatilité élevée des prix, une implication active des banques centrales
apparaît nécessaire. Même si le taux d’intérêt ne représente pas le meilleur instrument
d’intervention pour corriger les prix des actifs, d’autres mécanismes ou instruments peuvent
être utilisés, tels que, par exemple, des messages transmis au marché, des rapports ou même
des mesures pour restreindre le crédit lorsqu’on constate qu’un endettement excessif est à
l’origine de bulles spéculatives sur le marché du capital ou sur le marché immobilier.
Dans le cas de la Roumanie, le marché des actifs financiers est réduit pour l’instant
et ne présente pas encore un véritable potentiel risque systémique. Mais, les risques relatifs
aux prix des actifs s’intensifieront avec le développement du marché dans le futur contexte
d’adhésion à la zone euro. Nous montrons cependant que le pilotage du taux d’intérêt pratiqué
par la Banque Nationale de Roumanie n’a qu’un effet limité sur l’évolution des prix de ces
actifs. En ce qui concerne le marché des actifs immobiliers dont les prix ont augmenté de
manière exponentielle ces dernières années, la banque centrale est intervenue à plusieurs
reprises pour limiter l’expansion des crédits, mais sans résultats notables. Dans le contexte de
la crise financière actuelle, l’évolution des prix de l’immobilier a connu une tournure
importante, ce qui a conduit au blocage du marché, aggravant la situation économique de la
Roumanie.
Les produits financiers dérivés, à côté de l’apparition des conglomérats et de la
surveillance des prix des actifs, représentent un défi pour la stabilité financière au niveau
international, mais aussi un nouveau défi pour les autorités de surveillance roumaines.
L’usage de ces produits qui permettent une meilleure diversification des risques,
ne présente pas que des aspects positifs. Les risques qui caractérisent ces marchés, sont non
seulement des risques financiers traditionnels, tels que le risque de crédit, de marché, ou
opérationnel, mais aussi des risques spécifiques liés à la particularité de ces produits. Il y a
tout d’abord un risque lié à la complexité des instruments dérivés. Leur combinaison avec

23
l’activité de titrisation se trouve à la base des crises récentes des marchés financiers. Ensuite,
nous sommes confrontés à un risque de volatilité élevée sur les marchés des produits dérivés.
Ce risque se manifeste pendant les périodes de turbulence lorsque les produits dérivés ne font
qu’amplifier la volatilité du prix des actifs support. Puis, il y a le risque légal et celui lié à la
régulation de nouveaux produits financiers. Il n’y a donc pas une régulation et une
surveillance adéquate pour tous les instruments dérivés. Enfin, mais non pas en dernier lieu, il
y a un risque de système lié l’utilisation croissante de ces produits et à la concentration des
marchés.
En Roumanie, l’usage des instruments financiers dérivés ne représente pas pour
l’instant une source de risque systémique mais, avec la présence importante de conglomérats
financiers qui font fréquemment appel à ces produits, les autorités devraient être beaucoup
plus prudentes vis-à-vis des modalités de régulation de ces produits et de surveillance des
institutions impliquées dans les transactions sur produits dérivés.
A côté de l’analyse de la solidité des institutions financières, du cadre de
régulation et de surveillance, ainsi que des risques potentiels, un problème particulier pour
évaluer la stabilité financière systémique porte sur les possibilités de mesurer le phénomène
de façon empirique. Ces techniques sont analysées dans le cinquième chapitre de cette étude.
Une première modalité d’évaluation empirique de la stabilité est l’analyse des
indicateurs de solidité financière qui a débuté avec le développement des théories expliquant
le déclenchement des crises. Ces indicateurs ont gagné un intérêt particulier avec le
perfectionnement des techniques quantitatives utilisées pour évaluer la stabilité financière,
telles que celles employées, par exemple, par les tests de résistance aux chocs ou les systèmes
d’alerte précoce.
Les systèmes d’alerte précoce, une autre possibilité pour évaluer la stabilité,
permettent l’identification rapide des problèmes d’une économie, en s’appuyant sur les
indicateurs qui émettent des signaux liés à l’apparition des crises, ce qui facilite la prise rapide
des mesures préventives. Les systèmes d’alerte précoce sont utilisés grâce à leur capacité
d’anticiper une crise, mais ils peuvent aussi avoir une autre destination. Ces techniques
peuvent être utilisées par les autorités de régulation pour identifier les banques présentant une
forte exposition aux risques, en utilisant certaines méthodes spécifiques comme, par exemple,
l’élaboration de ratings. Nous avons utilisé à notre tour une telle méthode pour évaluer la
solidité des institutions bancaires individuelles en Roumanie.
Une autre technique d’évaluation de la stabilité financière systémique consiste à
mener un stress-test qui évalue l’impact de chocs sur le système financier et sa capacité à

24
réponse. Ces tests peuvent être pratiqués tant au niveau des établissements individuels qu’au
niveau systémique. Les grandes banques internationales sont celles qui ont procédé pour la
première fois à tels tests pour évaluer l’impact sur leurs portefeuilles d’un choc externe.
L’utilisation de ces techniques est encouragée par les Accords Bâle II qui stipulent que les
institutions qui recourent aux méthodes avancées de gestion du risque de crédit doivent
effectuer de tels stress-tests.
Cependant, aucune des méthodes présentées jusqu’à présent, que nous considérons
comme des méthodes complémentaires, n’offre d’informations ni sur la dynamique de la
stabilité financière, ni sur la possibilité de comparer la stabilité de différents systèmes
financiers. C’est pourquoi nous proposons une nouvelle méthode d’évaluation de la stabilité,
fondée sur l’élaboration d’un indice agrégé de stabilité financière.
Même si cette technique paraît rigide et mécanique, elle a de nombreux avantages
par rapport aux autres méthodes : une plus grande transparence, une possibilité d’identifier
plus aisément les données statistiques nécessaires et la simplicité des calculs. La procédure de
construction de l’indice agrégé n’est pas un exercice arbitraire. Plusieurs étapes bien
différenciées doivent être suivies. La première consiste à identifier les différentes dimensions
qui caractérisent le concept, tout en sachant qu’il est toujours multidimensionnel, et à choisir
des indicateurs représentatifs de ces différentes dimensions. Une fois ces indicateurs de base
définis, ils doivent être ensuite normalisés car ils peuvent présenter des grandeurs différentes.
La dernière étape consiste à agréger les indicateurs normalisés retenus.
En utilisant une telle technique, nous nous proposons d’identifier les périodes de
crises traversées par le système financier roumain sur la dernière décennie et de suivre la
dynamique de la stabilité. En outre, après validation économétrique du modèle qui identifie
les déterminants de la stabilité financière, nous proposons quelques prévisions sur l’évolution
de l’indice de stabilité sur les deux prochaines années, à l’aide d’un modèle de simulation
stochastique et selon trois scénarios alternatifs concernant les fondamentaux
macroéconomiques.
Le sixième et dernier chapitre de la thèse traite de questions liées à la stabilité
financière de la Roumanie dans la perspective de l’adoption de l’euro. Plus précisément, une
première question porte sur la nécessité d’évaluer la stabilité du système dans la période de
préparation à l’adhésion à la zone euro. Une seconde question fait référence aux implications
que l’adoption de l’euro peut entraîner sur la stabilité financière de la Roumanie.
Les réponses à la première question sont soutenues par une étude comparative
entre la stabilité financière de la Roumanie et la stabilité financière d’autres pays est-

25
européens qui ont adopté ou qui vont adopter l’euro, en utilisant un indice agrégé de stabilité
La convergence réelle et financière sont nécessaires pour assurer le succès de l’adhésion à la
zone euro. Plus la convergence est forte, plus l’impact des chocs causés par l’adoption de la
monnaie unique sera limité. Les résultats montrent que la Roumanie n’est pas à présent
suffisamment préparée pour adhérer à la zone euro, surtout après l’impact extrêmement
négatif de la crise économique et financière actuelle.
Quant aux implications de l’adhésion de la Roumanie à la zone euro sur la
stabilité, nous menons une analyse des avantages et inconvénients potentiels. Si la perte
d’autonomie de la politique monétaire peut être considérée comme l’inconvénient principal,
plusieurs avantages peuvent être attendus, notamment si un niveau satisfaisant de
convergence réelle et financière est atteint : l’élimination du risque de change, l’accès accru à
la liquidité par la participation au système de paiements TARGET, la réduction du risque-
pays et le renforcement de la crédibilité.
Au total, la thèse soutient que la stabilité financière de la Roumanie dans la
perspective de l’adhésion à la zone euro a d’ores et déjà bénéficié d’avancées
importantes mais que d’autres progrès restent à réaliser : l’efficience et l’adaptation de son
cadre de régulation et de surveillance, le rôle et l’implication de la banque centrale,
l’identification des risques potentiels ainsi que la nécessité d’utiliser des techniques
complémentaires pour évaluer la stabilité.
Les apports de la thèse se situent au niveau de l’analyse complexe de la stabilité
financière qui met l’accent sur le cadre institutionnel de régulation et de surveillance et sur les
nouveaux défis pour la stabilité ; de l’analyse comparative des techniques quantitatives
d’évaluation de la stabilité financière ; de la définition d’un indice agrégé qui permet, d’une
part, d’évaluer la stabilité et, d’autre part, de prévoir l’évolution de la stabilité ; et enfin de
l’analyse de l’opportunité pour la Roumanie d’adhérer à la zone euro, du point de vue de sa
stabilité financière.

26
I. Le concept de stabilité financière systémique et le
phénomène de globalisation

La liaison entre le phénomène de globalisation et la stabilité des systèmes


financiers est devenue de plus en plus évidente ces dernières décennies et est de plus en plus
débattue. La globalisation en général et la globalisation financière en particulier ont rendu les
économies des pays du monde interdépendantes par l’intermédiaire des nombreuses chaînes
de propagation de la globalisation. Ainsi, la globalisation ou l’intégration des économies au
sein de l’économie mondiale est synonyme d’expansion des compagnies multinationales,
d’intensification du commerce et des flux de capitaux, et ainsi d’environnement propice au
phénomène de contagion, avec des implications sur la stabilité des systèmes financiers.
La première section décrit le contexte de notre étude, notamment le phénomène de
globalisation accompagné de l’intensification des crises financières au niveau mondial. La
deuxième section analyse le concept de stabilité financière qui est de plus en plus présent dans
la littérature économique mais dont la définition ne fait cependant pas l’unanimité.

1.1. Le contexte de l’étude

Le cadre d’analyse de la stabilité financière ne peut pas être isolé du contexte


économique international. La globalisation financière a contribué au développement des
systèmes financiers internationaux mais, dans le même temps, les a rendus plus vulnérables
au phénomène de contagion. Ainsi, de nouveaux risques liés aux mouvements des capitaux et
à l’utilisation des produits financiers complexes sont apparus. La manifestation de ces risques
a donné naissance aux turbulences financières à coûts économiques et sociaux importants et à
une solidarité accrue de la part des institutions financières internationales pour limiter les
effets des crises financières. Dans le cas particulier de la Roumanie, l’adhésion à l’Union
Européenne représente un élément supplémentaire qui caractérise le contexte de l’étude.
Ainsi, le processus d’adhésion a impliqué la libéralisation complète du compte de capital et a
favorisé les flux financiers.

27
1.1.1. Les effets de la globalisation financière

Le terme de globalisation est apparu dès le Moyen Age, une fois les états
nationaux constitués et les échanges entre ceux-ci réalisés. L’impact du phénomène sur les
économies du monde a été pourtant différent. Par conséquent, l’analyse des implications de la
globalisation est faite en termes d’avantages – inconvénients ou de coûts – bénéfices, qui,
dépeints dans leur forme extrême de manifestation, ont donné naissance à deux courants de
pensée opposés, celui en faveur de la globalisation et celui contre la globalisation.
On se propose, dans cette section qui a comme objectif principal de mettre en
évidence les implications de la globalisation sur la stabilité des systèmes financiers,
d’analyser avant tout les risques imposés par la globalisation, sans oublier pour autant de
clarifier cette notion et de présenter, de manière équilibrée, les avantages et les inconvénients
de la globalisation. On considère la globalisation comme un phénomène continu, dynamique
et irréversible, et l’accent doit être mis sur la maximisation des avantages et sur la prévention
de la manifestation des risques qui caractérisent ce processus.

1.1.1.1. La définition de la notion de globalisation

Au sens littéraire, la globalisation représente le processus de transformation des


phénomènes locaux ou régionaux dans des phénomènes globaux. Elle reflète un processus qui
dure depuis des siècles, qui a apporté sa contribution à l’épanouissement de la civilisation et
qui existe depuis l’Empire Romain, tout en connaissant une accélération sur les 50 dernières
années.
En termes économiques, la globalisation peut être définie comme une croissance
de l’intégration des économies et des sociétés au niveau mondial. Elle constitue un processus
généré par la compétition et la concurrence entre les principaux pôles du pouvoir économique
international, qui inclut tous les aspects de l’univers économique (Cerna et al., 2008). Une
définition officielle de la globalisation est celle du Fond Monétaire International (FMI), qui
définit ce processus comme « la croissance de l’indépendance économique des pays du
monde entier par la croissance du volume et de la variété des transactions transfrontalières
qui impliquent des biens et des services, par la libéralisation et l’accélération des flux
internationaux des capitaux, ainsi que par une plus ample diffusion de la technologie »
(Sahai, 2002).

28
Néanmoins, comme le remarque Scholte (2000), les définitions de la globalisation
proposées dans la littérature sont nombreuses. La majorité des auteurs considère la
globalisation comme une nouvelle étape du capitalisme, une manifestation de la modernité ou
une universalisation. Les critiques à l’égard de la globalisation font appel à l’idée de
modernisation sur l’égide des Etats-Unis, d’où le terme d’« américanisation ».
Par exemple, Dinu (2006) considère la globalisation comme une tendance vers
l’universalisation ou comme une forme nouvelle d’organisation du monde dans le but de
trouver une réponse différente (sans conflit) en ce qui concerne l’allocation des ressources,
ainsi qu’une réponse pour les problèmes de développement qui n’ont pas trouvé leur solution
en s’appuyant sur le principe de l’adversité. De cette façon, l’auteur affirme que « l’ordre
international géré par un pouvoir supranational est appelé globalisation, même si elle est tout
simplement américanisation », en ajoutant que « la globalisation est au fond un problème
politique ». Selon son approche, la globalisation est une modalité de manifestation de
l’hégémonie.
La globalisation représente vraiment une transformation de la géographie sociale,
marquée par la supra territorialité ou par l’idée de supranational mais, comme l’affirme
Scholte (2000) : (a) la globalisation suppose des relations complexes entre territorialité et
supra territorialité, (b) la globalisation affecte chaque personne différemment et (c) la
globalisation apporte des modifications importantes aux prérogatives de l’état, de la nation et
de la modernité.
La mondialisation, l’équivalent en français de la globalisation, est définie à son
tour comme la tendance d’intégration continue des économies au niveau mondial, dû aux
intensifications des flux commerciaux et financiers. Comme le souligne Norel (2005), le
terme de « globalisation » dans la littérature française est adopté comme synonyme de la
« mondialisation ». Malgré tout cela, les économistes utilisent la notion de globalisation
surtout lorsqu’ils font référence à la « globalisation financière ».
Au long de l’histoire, plusieurs périodes de globalisation peuvent être identifiées.
L’ère de la première globalisation a eu lieu au Moyen Age, et cette époque est connue en
France comme la constitution des « systèmes – monde ». Comme le disent Norel et Paulet
(2008), ceux-ci ont précédé la révolution industrielle et, dans leur sens restreint, ils ne
relèvent autre chose que ce que l’on appelle aujourd’hui la globalisation.
De l’autre côté, Berdot et Léonard (2006) soutiennent que l’usage récent de la
notion de « globalisation » a laissé l’emploi du terme « mondialisation » à l’époque de
grandes découvertes (fin du XVème siècle). Selon eux, la globalisation n’est pas synonyme de

29
mondialisation de l’économie, elle ne représente pas non plus l’internationalisation ou la
trans-nationalisation des économies : elle est d’abord une extension géographique des
marchés (segmentation) et une croissance du caractère commercial des activités de toute sorte
(marchandisation), même au-delà du champ traditionnel de l’économie.
Même s’il n’y a pas un consensus pour définir la globalisation, la littérature
accepte à l’unanimité le fait que les dimensions de ce phénomène sont multiples : la
dimension économique, sociale, politique, environnementale, culturelle et religieuse. Dans
son essence, la globalisation est cependant conçue comme une tendance continue de
renforcement de l’intégration économique, et pas seulement entre les nations.
Toutefois, il est nécessaire de distinguer le phénomène de globalisation du
phénomène de régionalisation. Si l’intégration est la façon dont la globalisation ainsi que la
régionalisation se produisent, les différences résident dans l’ampleur et l’intensité de deux
phénomènes. A la différence de la globalisation, la régionalisation fait référence à une
certaine zone géographique où les liaisons entre certains groupes ou blocs se constituent plus
rapidement, selon des règles préétablies et seulement sur certains plans. Si on pense à l’Union
Economique et Monétaire (UEM), celle-ci est apparue dans le contexte d’un processus
complexe d’interactions entre la globalisation et l’intégration régionale (Portes, 1999).
La globalisation est souvent confondue dans la littérature avec l’intégration.
Comme on l’a déjà dit, l’intégration économique suppose l’augmentation des
interdépendances entre les états par l’élimination des barrières au commerce et au capital, de
la même façon que le renforcement de la convergence peut se produire sur le plan global ou
régional. L’intégration peut se réaliser selon certaines règles et régulations ou par
l’intermédiaire de la force du marché. Elle contribue à la création de la globalisation.
En ce qui concerne la globalisation financière – notion d’extrême importance pour
notre étude et qui représente en même temps la forme la plus évidente de la globalisation –
elle est souvent associée à la libéralisation des transactions sur actifs financiers (Stulz, 2005).
Cette notion fait référence à l’intégration des marchés financiers du monde entier.
La libéralisation est une condition nécessaire pour la globalisation financière, mais
comme le disait aussi Arestis (2002), elle n’en est pas une condition suffisante. La
globalisation financière inclut aussi des aspects qui tiennent de la structure des marchés
financiers, parce qu’elle suppose, à côté de l’ouverture des économies nationales,
l’élimination des barrières qui séparent différents compartiments des marchés financiers
(Heteş et al., 2008).

30
La globalisation financière est un processus complexe où se produit
l’augmentation des interdépendances entre les marchés et les acteurs financiers du monde
entier, en s’appuyant sur les flux de capitaux transfrontaliers et sur l’intégration des marchés.
L’intégration financière apparaît lorsque les économies libéralisées enregistrent une
croissance des mouvements de capitaux et une intense participation des acteurs locaux sur les
marchés financiers internationaux (Schmukler, 2004). Le processus de dérégulation qui est
survenu dans les années 80-90, a représenté une impulsion pour la globalisation financière, un
autre facteur stimulateur étant le processus de désintermédiation bancaire.
Il faut mentionner que le processus de globalisation a continué même après le
déclenchement des crises financières des années 90, suivies par un processus de re-régulation.
L’intensification de la surveillance financière et de la régulation au cours de la dernière
décennie a pour objectif de limiter les risques et non pas de stopper le processus de
globalisation financière. Autrement dit, le fait que la désintermédiation a apporté sa
contribution à l’amplification de la globalisation ne signifie pas que le rôle des banques est
réduit dans ce processus. Par contre, les institutions bancaires sont les promoteurs de la
globalisation financière, et on assiste seulement à une réorientation de l’activité bancaire. Les
groupes bancaires internationaux ont une activité de plus en plus intense sur les marchés de
capitaux.
En outre, les nouveaux instruments financiers utilisés par ces institutions ne font
que contribuer à l’intensification du processus de globalisation financière. Les prix des actifs,
les portefeuilles et les politiques des compagnies sont influencés de plus en plus par le
contexte global.

1.1.1.2. Les éléments qui caractérisent le processus de globalisation

La globalisation économique a été perçue depuis longtemps comme


l’intensification des échanges commerciaux. L’amélioration des systèmes de
télécommunications, le traitement des informations, ainsi que le perfectionnement des
techniques financières, n’ont fait qu’augmenter les échanges commerciaux (Figure 1).

31
Figure 1 : L’évolution du niveau d’ouverture commerciale (% du PIB)
30

25

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15

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19

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19

20

20

20

20
(Exportations+Importations)/PIB

Source : la Banque Mondiale, World Development Indicators - 2008

Ce ne sont pas seulement les échanges des marchandises qui se sont intensifiés,
mais aussi les activités des institutions qui ont décidé de développer leur activité et d’investir
dans d’autres régions géographiques. Les raisons qui incitent les compagnies (surtout les
multinationales) à délocaliser et à investir dans d’autres pays sont diverses et elles tiennent
aussi bien aux perspectives concernant les opportunités d’affaires, les économies d’échelle et
de gamme, et la croissance des profits, qu’à la diversification des risques et à la
matérialisation des avantages fournis par les technologies modernes.
Lorsqu’on analyse les éléments caractéristiques de la globalisation, et surtout ceux
de la globalisation financière, à côté de la présentation des vecteurs de propagation du
phénomène (driving forces), il est nécessaire de présenter aussi le rôle des acteurs de la
globalisation : les gouvernements, les investisseurs, les consommateurs et les institutions
financières. Chacun de ces acteurs contribue à la croissance du niveau d’intégration de
l’économie au sein de l’économie globale. Les gouvernements jouent un rôle important dans
la libéralisation des contraintes liées à la circulation des biens et des capitaux, les
investisseurs et les consommateurs deviennent les principaux agents de la globalisation en
contribuant à l’augmentation des interdépendances et de la concurrence, tandis que les
institutions financières font de ce processus une activité soutenable, de longue portée.
L’internationalisation des services financiers s’accomplit sur deux voies. La
première réside dans la présence des intermédiaires financiers internationaux sur les marchés
locaux. La deuxième implique l’accès des investisseurs et des débiteurs locaux aux services
offerts par ces intermédiaires sur d’autres marchés. Au cours de la dernière décennie, le FMI a
remarqué dans son « Rapport Global de Stabilité Financière » de 2007, un développement de

32
l’actionnariat bancaire étranger dans les pays en développement mais aussi dans les pays
industrialisés, en analysant la situation de 105 pays (Tableau 1).

Tableau 1 : L’actionnariat étranger des banques, par régions (mld. $)


1995 2005
Actifs Actifs % des actifs Actifs Actifs % des actifs
Régions (nombre de bancaires étranger étrangers / bancaires étrangers étrangers/ total
pays) totaux s total des actifs totaux des actifs
Total (105) 33.169 5.043 15 57.165 13.039 23
Amérique du Nord (2) 4.467 454 10 10.242 2.155 21
Europe de l’Ouest (19) 16.320 3.755 23 31.797 9.142 29
Europe de l’Est (17) 319 80 25 632 369 58
Amérique Latine (14) 591 108 18 1.032 392 38
Afrique (25) 154 13 8 156 12 8
Moyen Orient (9) 625 85 14 1.194 202 17
Asie Centrale (4) 150 3 2 390 9 2
Asie de l’Est et 10.543 545 5 11.721 758 6
Océanie (13)
Source : extrait du « Rapport Global de Stabilité Financière », FMI, 2007

L’expansion de l’actionnariat étranger dans les institutions bancaires a été très


rapide dans l’Europe de l’Est, où les actifs bancaires étrangers ont augmenté de 25% en 1995,
à 58% en 2005. Une forte croissance a aussi été enregistrée dans les pays d’Amérique Latine.
La globalisation financière a entraîné des flux importants d’investissements directs
étrangers (IDE) et, en retour, les investissements ont accéléré le développement du système
financier et l’appel à de nouveaux produits financiers. On observe, en s’appuyant sur les
données de la Banque Mondiale, que l’IDE a connu une augmentation significative à partir
de la deuxième moitié des années 90 (Figure 2).

Figure 2 : L’investissement direct étranger (entrées nettes)


120000,0

100000,0

80000,0

60000,0

40000,0

20000,0

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19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

Millions $, dans les prix de l'année 1961

Source : Banque Mondiale, World Development Indicators - 2008

33
Un autre élément permettant d’analyser la globalisation financière est le niveau de
libéralisation. La Banque Européenne de Reconstruction et Développement (BERD) calcule
un tel indicateur de réforme bancaire et de libéralisation du taux d’intérêt pour 29 pays en
transition, la plupart de l’Europe Centrale et de l’Est (Figure 3).

Figure 3 : L’indice de la réforme bancaire et de la libéralisation du taux d’intérêt

3,5

2,5

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19

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19

20

20

20

20

20

20

20
Source : base de données de BERD

On observe ainsi une augmentation continue de cet indice, ce qui reflète une
intensification de l’intégration financière. Ce phénomène n’est pas visible seulement dans le
groupe des pays analysés, mais aussi au niveau global. Même si le processus de globalisation
financière est loin d’être achevé, les économies des états du monde sont devenues si
interconnectées que, comme le disent Hervé et al. (2007), « les crises financières des années
90 auraient eu un plus grand impact sur l’économie globale d’aujourd’hui que sur celle de la
décennie passée ».
Même si les données présentées jusqu’ici soulignent une accélération de la
globalisation sur les dernières décennies, certains affirment pourtant qu’on ne traverse pas la
période la plus intense de ce processus. Comme le remarque O’Neill (2004), lorsqu’on
analyse le commerce, les investissements et les flux de la force de travail, on peut facilement
observer que la globalisation fut plus profonde avant 1914 qu’après 1945. Dans la seconde
moitié du XIXème siècle, le commerce international a été multiplié par 25, alors qu’il n’a été
multiplié que par 21 sur la période d’après la guerre. Les flux internationaux de capitaux
rapportés au PIB ont été en moyenne de 3,3% sur la période 1870-1914, tandis qu’ils n’ont
représenté que 2,2% du PIB entre 1975-2000. Comme de nos jours, à l’époque il y avait les
soi-disant « pôles financiers », Londres étant situé au centre de l’activité financière. La
période a connu, comme à présent, toute une série de crises bancaires (Arestis, 2002).

34
Il faut pourtant préciser que les dimensions de la globalisation financière étaient
différentes. Tant les marchés que les produits sont devenus de plus en plus complexes. Le
nombre de pays qui participent à ce processus a augmenté, et les interdépendances entre les
économies des pays du monde se sont intensifiées. A présent, la globalisation a un impact
beaucoup plus significatif sur les économies qu’il y a un siècle.

1.1.1.3. Les implications de la globalisation

La globalisation a de nombreuses implications sur les économies des états du


monde et leur nature est extrêmement diverse. La globalisation économique en général et la
globalisation financière en particulier ont généré à la fois des gains à leurs participants et une
intensification des risques systémiques. En ce qui concerne les effets de ce phénomène,
surtout lorsqu’on parle des économies en développement, différents courants d’opinion
s’opposent qui se situent entre deux extrêmes : celui des défenseurs de la globalisation et celui
détracteurs de la globalisation. Nous allons présenter les lignes d’arguments et nous
conclurons cette section en défendant une position intermédiaire.
En théorie, les bénéfices potentiels de la globalisation financière incluent : la
diversification des gains grâce à la réduction de la volatilité des revenus, la croissance de la
profitabilité due à l’application des techniques de production plus sophistiquées, la possibilité
d’avoir accès à plusieurs sources de financement, une meilleure liquidité pour les
investissements et une meilleure protection contre les risques. De l’autre côté, les problèmes
potentiels qui peuvent apparaître tiennent au : management des risques qui peut s’avérer plus
difficile à gérer dans certaines zones à cause du manque d’harmonisation de la législation, de
l’augmentation des coûts d’agence qui peut se produire à l’intérieur des conglomérats
financiers ou de l’intensification du phénomène de contagion.
Quelles sont les positions des deux extrêmes, difficiles à prouver, sur ces effets ?
Les partisans de la globalisation (les globalistes) considèrent que ce processus a
engendré une croissance spectaculaire des revenus et une réduction absolue du niveau de
pauvreté. Il a contribué à l’amélioration des termes du commerce et a permis aux pays à
surplus de main d’œuvre d’exporter ce surplus vers des pays qui en avait besoin. Grâce à la
globalisation, les capitaux cherchent les meilleures opportunités d’investissements, la qualité
de la vie s’est améliorée de façon significative et les innovations ont permis une réduction des
coûts de transport et de communication. Suite à la globalisation, les pays pauvres tirent plus
de bénéfices que les pays industrialisés (Tůma, 2006). Arestis (2002), à l’extrémité du courant

35
de pensée, considère que, pour intensifier le processus, il serait nécessaire d’avoir une
institution globale responsable pour la coordination du processus.
Les détracteurs de la globalisation (les antiglobalistes), tels Joseph Stiglitz, lauréat
du Prix Nobel, quant à eux, mettent en évidence les effets désastreux de la globalisation pour
les pays en développement, surtout pour les pays pauvres. Ils accusent les grands pouvoirs
économiques, les Etats-Unis principalement, d’avoir influencé le processus pour atteindre
leurs propres objectifs. De cette façon, la globalisation génère des crises dans des pays
pauvres, affecte les populations défavorisées, même celles des pays industrialisés, et détériore
la qualité des produits et de l’environnement. Les cultures locales et les valeurs ethniques se
perdent et les pays riches bénéficient plus que les pays pauvres de ce processus du fait, d’une
part, d’une meilleure représentation dans les forums internationaux et, d’autre part, grâce à
l’orientation de leur production vers les produits à haute valeur ajoutée.
Dinu (2006) accuse les activistes de la globalisation de « la résistance excessive de
masquer les sens de la globalisation à tout prix ». IL les accuse aussi de déformer la réalité,
en cherchant une formule pour conserver un pouvoir hégémonique afin de contrôler les
ressources globales. A présent, nous traversons une période de la globalisation appelée par
l’auteur « la seconde modernité ». Elle est accompagnée d’une transition des valeurs. De cette
façon, si on parlait de souveraineté dans la période de la première modernité, on a parlé de
dépendance pendant le postmodernisme et, à présent, on parle d’une société globale. Mais
d’autres valeurs ont souffert de ces évolutions telles que autarchie-coopération-ouverture;
contrôle–alignement–harmonisation ; destruction–transformation–innovation ou encore
international–transnational–supranational. En ce qui concerne le supranational, Dinu (2006)
considère qu’il est comme que le supranaturel, « un espace du débordement des névroses, des
illusions, des ambitions, des risques ».
Sahay (2002), au contraire, adopte une position opposée et fait un portrait des
détracteurs de la globalisation. Qui sont-ils et où se trouvent-ils ? Il part de la caractérisation
proposée par Stanley Fischer1, qui considère que les antiglobalistes se divisent en deux
catégories : ceux qui désirent l’amélioration du processus de globalisation et ceux qui veulent
s’isoler. Conformément aux affirmations de Sahay, qui approfondit cette caractérisation, la
majorité des pays en développement qui protestent contre la globalisation, font partie de la
première catégorie. Pourtant, au sein de ceux qui s’isolent, plusieurs catégories se distinguent.
Les isolationnistes des pays industrialisés font partie de ceux qui ont été affectés par les

1
Citoyen américain d’origine israélienne qui est à présent le gouverneur de la Banque Nationale de l’Israël

36
exportations des pays émergents et avancent l’idée de la dégradation de la qualité de
l’environnement pour protéger les intérêts d’une certaine catégorie d’entrepreneurs. En même
temps, ils protestent contre les institutions financières internationales comme le FMI ou la
Banque Mondiale. Une autre catégorie d’isolationnistes se retrouve dans les pays en
développement et sont considérés comme les leaders du protectionnisme contre ce qui affecte
les gens riches et non pas les pauvres de leur pays. Une dernière catégorie d’isolationnistes est
formée par ceux que Sahay appelle les « pseudo-isolationnistes ». Ils sont les gouverneurs qui
accusent les marchés globaux de leurs propres problèmes auxquels ils ne trouvent pas de
solution.
En conclusion, les globalistes regardent la globalisation comme le seul événement
important de l’histoire contemporaine, tandis que les antiglobalistes ou les ultra-sceptiques
considèrent plutôt la globalisation comme un mythe. Nous avons présenté jusqu’à présent les
opinions de deux extrêmes sur le phénomène de globalisation, et nous allons maintenant
analyser les avantages et les inconvénients de la globalisation financière d’une perspective
plus nuancée.
Nous analysons d’abord des gains procurés par la globalisation. Son effet sur la
croissance économique globale, transmis par l’intermédiaire de différentes chaînes indirectes,
semble être positif. La globalisation est à l’origine d’un renforcement de la concurrence, de la
transparence et de gains de productivité par le transfert du know-how. La majorité des pays en
développement ont connu, au cours des dernières décennies, une croissance économique
supérieure à celle des pays développés, malgré des périodes de turbulences financières
reconnues. Cette thèse fut l’objet de nombreuses vérifications empiriques, réalisées
essentiellement sur des économies émergentes, qui ne permettent pas de tirer une conclusion
définitive.
Eichengreen et Musa (1998) testent, sur un échantillon de 41 pays, la corrélation
entre le niveau de libéralisation des mouvements des capitaux et le développement
économique et mettent en évidence une relation positive entre les deux.
On retrouve aussi dans la littérature l’idée que la réduction de la volatilité
macroéconomique résulterait du processus de globalisation. Il est vrai que la volatilité de la
consommation et des investissements a diminué tant dans les économies industrialisées que
dans la majorité des économies émergentes, mais les facteurs qui y ont contribué sont
multiples. Néanmoins, la volatilité financière, exprimée par la volatilité des prix des actifs,
n’a pas connu la même tendance. De plus, on a observé dans plusieurs situations qu’après la

37
libéralisation de leur compte de capital, certains pays ont connu une amplification de la
volatilité de leur activité économique, les soi-disant « boom-bust cycles ».
Les bénéfices de la globalisation financière se remarquent aussi par l’augmentation
des investissements directs étrangers qui amène, en plus du capital, des connaissances et des
nouvelles technologies. Comme on l’a vu, les IDE ont connu ces dernières années une
croissance significative, représentant « la plus importante forme du financement international
privé pour les économies de marché émergentes » (Kose et al., 2006). Leur impact est
reconnu positif grâce aux gains de productivité et à l’expérience managériale. Mais, les IDE
sont principalement réalisés par des firmes multinationales à la recherche d’opportunités
d’investissement à haute profitabilité. Cependant, lorsque ces firmes décident de délocaliser
de nouveau pour chercher encore de nouvelles opportunités, l’effet est totalement opposé. La
capacité d’une économie émergente à se réorganiser ou à se réorienter (zones, catégories
professionnelles) est beaucoup plus limitée que celle d’une économie industrialisée.
La globalisation financière entraîne un essor des systèmes financiers des pays
développés. De nouveaux types de capitaux sont disponibles au fur et à mesure que
l’intégration dans l’économie globale s’intensifie. Une infrastructure financière performante
est implémentée qui apporte sa contribution à la réduction de l’asymétrie des informations et,
par conséquent, à la diminution de certains problèmes tels que, par exemple, de sélection
adverse et de hasard moral. Cependant, la complexité des institutions financières et des
instruments qu’elles utilisent, implique aussi un processus plus complet, plus profond et plus
stable de régulation des marchés. Les coûts de ce processus ne sont pas à négliger. Encore
plus importants sont les coûts entraînés par la surveillance déficitaire de ces institutions.
Stulz (2005) montre que la globalisation améliore la gouvernance corporatiste, en
réduisant le coût du capital. Les investisseurs étrangers, qui ont une certaine solidité
financière et l’expérience nécessaire pour se lancer sur le marché international, possèdent des
techniques de management plus performantes que la plupart des investisseurs locaux. Leur
présence sur les marchés émergents contribue de façon indirecte au perfectionnement du
système public de gouvernance, qui se manifeste par la réduction de la corruption et de la
bureaucratie, ainsi qu’à l’amélioration de la transparence des politiques gouvernementales.
Le fait que la période récente de la globalisation financière est marquée par les
tendances désinflationnistes dans le monde entier, a incité certains auteurs à affirmer que ce
phénomène a contribué au perfectionnement des performances de la politique monétaire. Cela
est le résultat de l’intensification de la concurrence qui exerce des pressions déflationnistes. Il
ne faut pas pourtant oublier que le phénomène d’intensification de la globalisation a été

38
accompagné de nombreuses crises financières qui ont affaibli les performances de la politique
monétaire. Les périodes post crises sont généralement des périodes inflationnistes.
Le processus de globalisation ne génère pas uniquement des effets favorables.
Même si la globalisation des institutions financières semble avoir amélioré la stabilité du
point de vue des institutions individuelles, ce phénomène rend le système financier, dans son
ensemble, plus vulnérable aux événements extrêmes (FMI, 2007). Les marchés de capitaux
sont devenus plus intégrés, ce qui représente un facteur de vulnérabilité qui a été à l’origine de
nombreuses crises financières.
La libéralisation des flux de capitaux est souvent considérée comme le facteur
principal responsable des crises sur les marchés émergents. Cela a contribué à l’augmentation
des pressions concurrentielles et a incité les investisseurs à adopter un comportement de plus
en plus risqué. Même s’il est difficile de le prouver de façon empirique, il semble que les pays
en développement ont été plus affectés par ce processus que les pays industrialisés.
La globalisation financière a aussi contribué à l’augmentation de la corrélation
entre les cycles économiques de l’ensemble des pays du monde. Dans ce contexte, les chocs
se propagent plus rapidement d’une économie à une autre, augmentant ainsi le risque de
contagion (Jochimsen, 1996).
On peut affirmer que la globalisation procure des gains significatifs si les risques
qu’elle génère, sont limités au maximum. Comme le disent aussi Kose et al. (2006),
l’allocation efficiente du capital, le développement des systèmes financiers, la répartition des
risques, l’amélioration de la discipline macroéconomique et la qualité du management ne
peuvent se produire que dans certaines conditions. Il y a un seuil qui doit être dépassé pour
que les avantages de la globalisation puissent surcompenser les coûts éventuels. L’essor
économique et la diminution du risque de crises ne peuvent être effectifs que si les marchés
financiers sont suffisamment développés, s’il y a une intégration élevée des échanges
commerciaux et si les politiques macroéconomiques sont adéquates.
Il y a aussi quelques règles fondamentales qui doivent être respectées par tout pays
qui a l’intention de libéraliser complètement son compte de capital (Cerna et al., 2008) : (a)
l’inflation doit être contrôlée, le taux de change doit être stabilisé, et la crédibilité économique
externe doit être suffisamment consistante ; (b) le déficit budgétaire et les engagements extra-
budgétaires de l’état doivent rester dans des limites raisonnables ; (c) le niveau d’endettement
externe (publique et privé) ne doit pas être excessif ; (d) il faut mener une politique
d’encouragement de la concurrence suffisamment puissante et (e) il faut disposer d’un
système informationnel et statistique efficient.

39
1.1.1.4. Globalisation financière versus stabilité financière

On a observé que les implications du processus de globalisation financière sur le


niveau de la stabilité financière systémique sont importantes. Dans le contexte de la
globalisation, les défis pour la stabilité, imposés par l’ouverture croissante des économies, par
la libéralisation financière et par l’augmentation de la complexité des marchés et des produits
financiers sont beaucoup plus nombreux.
Parmi les facteurs importants de la globalisation associés à l’apparition de crises
financières, les régimes de change fixe et le processus de dérégulation2 sont fréquemment
cités. Ces facteurs représentent un terrain favorable aux turbulences financières dans le
contexte où l’infrastructure financière n’est suffisamment développée au moment de la
libéralisation des flux de capitaux ou lorsque les fondamentaux économiques ne sont pas
suffisamment solides. De plus, même lorsque les fondamentaux économiques sont solides, les
imperfections des marchés internationaux liées à la volatilité, à la panique, à la protection
inappropriée contre les risques, ont conduit à des phénomènes de contagion et de crise.
Les épisodes de crise furent très fréquents ces dernières décennies, et les plus
principaux sont analysés dans la section suivante. Ils sont apparus surtout dans les économies
émergentes, mais les pays industrialisés n’ont pas été non plus épargnés par les turbulences
financières. Parmi ces épisodes, on peut citer : les crises bancaires des pays nordiques et du
Japon de la fin des années 80, la crise du Mexique de 1994, la crise asiatique de 1997, la crise
de la Russie de 1998, la crise de l’Argentine de 2001 et la crise des subprimes des Etats-Unis.
La globalisation financière favorise l’apparition de crises via différents canaux
(Schmukler, 2004). Premièrement, lorsqu’un pays libéralise son système financier, il doit
s’assurer que les investisseurs tant locaux qu’étrangers respectent bien la discipline de
marché. Deuxièmement, les imperfections du marché (bulles spéculatives, comportement
moutonnier ou mimétique, sur-réactions) se manifestent de façon plus puissante dans le
contexte de la globalisation. Troisièmement, un pays peut faire l’objet d’une crise financière
même si ses fondamentaux économiques sont solides et les imperfections de son marché
financier sont limitées. Cela résulte de sa dépendance au capital étranger. Finalement, la
globalisation peut conduire à des turbulences financières du fait des seuls effets de contagion.

2
La dérégulation concerne la réduction ou l’éloignement des restrictions relatives aux activités sur biens et
capitaux, mené par les gouvernements. Elle représente une autre forme de la libéralisation économique et
financière.

40
Roger Ferguson (2006) mène lui aussi une analyse des facteurs d’aggravation des
risques financiers liés à la globalisation : l’apparition des crises financières ; un contexte
institutionnel beaucoup plus complexe (avec par exemple le développement des fonds
d’investissements et des fonds spéculatifs) ; des incertitudes liées à ceux qui subissent
finalement les risques financiers et aussi l’émergence de nouveaux produits financiers comme
les dérivés de crédit.
Compte tenu de la multitude des défis imposés par la globalisation à la stabilité
financière, certaines mesures pour libérer progressivement le compte de capital (accompagnée
par une augmentation de l’efficience des politiques macroéconomiques et de la surveillance
prudentielle) et pour développer suffisamment les systèmes financiers, doivent être prises.
Une attention particulière doit être accordée aux interdépendances entre les secteurs
financiers, à la volatilité accrue des prix des actifs et aussi à la connaissance du
fonctionnement des produits financiers complexes, tout cela pour limiter le risque systémique
et pour éviter l’apparition des crises financières.

1.1.2. Les causes des crises financières et leurs implications


systémiques

Les crises financières représentent une caractéristique importante du système


économique capitaliste. Beaucoup parlent du rôle que les crises financières jouent dans le
réglage du fonctionnement du système, mais les coûts économiques et sociaux de ces
évènements sont à leur tour considérable. Le système capitaliste est loin d’être parfait, même
si Greenspan affirmait qu’il a observé, ces dernières décennies, « un consensus vers la forme
occidentale du capitalisme, comme modèle qui devrait gouverner la façon dont chaque pays
doit conduire son économie » (Singh, 1998).

1.1.2.1. Les aspects théoriques des crises financières

Les théories portant sur les crises financières sont apparues au même moment que
le capitalisme et se sont développées au fur et à mesure que la complexité de ce système a
augmenté. Minsky (1991) et Heinrich (2008) ont présenté les perceptions historiques de
grands économistes en ce qui concerne les crises financières. Ainsi, Adam Smith considérait
que la récession prolongée et les crises financières étaient causées par de petits

41
dysfonctionnements institutionnels qui affectaient le fonctionnement du marché, par un
système inapproprié d’intervention qui permettait aux personnes d’une moralité douteuse
d’opérer sur les marchés et par des chocs externes qui affectaient de façon négative
l’économie. Ainsi, les crises se limitaient à la manière d’administrer le système d’assurance -
dépôts et aux restrictions imposées aux banques en termes d’actions sur les marchés.
La théorie des crises financières acquiert de nouvelles dimensions chez Marx dont
les thèses s’appuient sur les dysfonctionnements du système capitaliste avec comme point de
référence l’éclatement de la crise économique de 1857. Il entrevoyait l’effondrement du
système capitaliste partant d’une théorie du désastre qui indiquait le fait que le système
capitaliste allait se bloquer à cause des conflits politiques. Les crises représentaient pour lui
un acte brutal de purification, nécessaire pour éliminer les obstacles apparus dans la voie de
l’accumulation et qui fournissaient de nouvelles opportunités au développement capitaliste.
Pourtant, les coûts de ces crises étaient inacceptables pour lui. En 1879, lorsqu’il attendait la
parution du premier volume de son livre « Le capital », Marx ne savait pas comment conclure
son travail, motivant qu’il attendait la fin d’une nouvelle crise déjà déclenchée, pour faire une
analyse détaillée de ses caractéristiques tout à fait nouvelles.
Keynes, l’un des plus grands économistes du XXème siècle, considère à son tour
que la loi naturelle du développement des économies capitalistes mène à l’apparition des
conditions favorables à l’instabilité financière. Les organismes législatifs et les politiciens
devraient être conscients des changements institutionnels et de la nécessité de développer des
instruments qui peuvent contrecarrer aussi bien les pressions inflationnistes que les
déséquilibres déflationnistes. Pour Keynes, l’instabilité potentielle est un trait fondamental du
système capitaliste et, comme l’instabilité peut générer des déséquilibres sévères affectant les
investissements et les revenus, il est nécessaire d’identifier des instruments capables de
soutenir les flux de profit et les prix des actifs.
La théorie complexe de Keynes avance l’idée de la nécessité d’intervenir dans
l’économie de marché pour que celle-ci puisse fonctionner de façon appropriée et pour
prévenir les déséquilibres. De plus, Keynes était conscient de la capacité des agents à
apprendre et à s’adapter, ce qui permet par conséquent un système d’intervention qui évolue
avec le développement de l’économie de marché.
La théorie des crises financières nous montre donc qu’elles apparaissent dans le
contexte de l’existence d’un système financier fonctionnel. Pour Eichengreen (2004), les
crises financières n’éclatent pas dans des pays dont les marchés financiers sont
« rudimentaires », bien que cependant le plus grand problème apparaisse dans les économies

42
émergentes ou dans celles en transition. Pour ces pays, les principaux risques sont le risque de
change et une dette publique élevée.
Dans le contexte de la globalisation, le problème des crises financières s’est
accentué. Davis (2003) souligne la contribution des flux internationaux de capitaux aux crises
récentes. Selon lui, les flux de capitaux mettent en danger la stabilité financière
principalement par l’intermédiaire du taux de change. C’est pourquoi les régimes de change
utilisés doivent être compatibles avec le mécanisme de fonctionnement de l’économie. Les
problèmes les plus nombreux apparaissent dans le cas des régimes de change fixe. Les
régimes flexibles ont l’avantage que, par l’intermédiaire des fluctuations du taux de change,
ils rendent les banques, les compagnies et les gouvernements conscients du risque auquel ils
s’exposent lorsqu’ils contractent des dettes en devises étrangères, mais ils n’excluent pas en
même temps l’apparition d’une crise (Feldman et Watson, 2002).
Dans l’optique des crises qui ont marqué les évolutions économiques de deux
dernières décennies, la libéralisation de la circulation du capital, réalisée dans le contexte du
développement des marchés financiers en partant d’informations insuffisantes, apparaît
comme un facteur qui a contribué à l’augmentation de l’instabilité financière dans le monde,
aux spéculations et aux déséquilibres multiples. Voila pourquoi il est important d’étudier ces
phénomènes pour identifier les mesures nécessaires pour garantir la stabilité financière.

1.1.2.2. La définition des crises financières

Les crises financières peuvent être définies de plusieurs façons et leur nature est
extrêmement vaste. Davis (2001) définit une crise comme « un effondrement majeur et
contagieux du système financier qui détermine l’incapacité à fournir des services de
paiements ou à attribuer des fonds aux institutions ».
Une autre définition des crises est la perte de la confiance dans la monnaie qui se
manifeste par une forte demande d’échange de devise domestique contre des devises
étrangères, ce phénomène conduisant soit à une dévalorisation/dépréciation importante de la
monnaie, soit à la diminution des réserves en devises étrangères ou à l’application des
restrictions liées aux mouvements de capital (Răcaru et al, 2006).
La crise financière peut être aussi définie comme une crise qui affecte les marchés
boursiers et le marché du crédit d’un pays ou d’un groupe de pays. Si dans une première étape
les turbulences ne concernent que les marchés financiers, leur aggravation conduit, dans une

43
deuxième étape, aux graves effets sur l’économie réelle, entraînant une crise économique
accompagnée par une récession.
Les épisodes de crise financière doivent être différenciés de ceux d’instabilité
financière. La période d’instabilité peut conduire ou non à l’apparition d’une crise financière.
L’instabilité financière décrit une situation de volatilité élevée, soit des prix des actifs
financiers, soit du volume des créances émises par des intermédiaires. Une telle situation est
susceptible d’attirer des coûts nominaux et réels importants. De la même façon, on peut se
trouver dans une situation d’instabilité financière lorsqu’on enregistre la faillite d’une
institution importante (pas nécessairement d’une institution financière), ou lorsque le système
de paiements et règlements pour des raisons multiples ne fonctionne plus correctement.
De l’autre côté, la crise financière représente la situation où, après une période
d’instabilité, le système ne revient plus à sa situation normale, par la simple application des
mesures de correction. Il est nécessaire d’imposer des mesures drastiques pour rétablir la
discipline sur les marchés financiers et, parfois, il est inévitable de restructurer le système.
Les crises se caractérisent par des paniques sur le marché, par la réduction de l’activité
économique ou par la perte de la confiance dans la capacité du système financier à exercer ses
fonctions. Mishkin (1997) considère la crise financière comme « une forme plus sévère
d’instabilité financière où le système financier cesse presque de fonctionner ».
La littérature économique fait la distinction entre trois types de crises financières :
la crise de change, bancaire et de dette externe. En pratique, il n’y a pourtant pas de formes
pures de crise. Dans ce sens, un concept particulier dans la théorie économique est représenté
par les crises jumelles (twin crises), crise de change et crise bancaire. Les crises de l’Asie
(1997), de Russie (1998) ou de Turquie (2000) en sont des exemples types. D’autres formes
complexes de crises sont les crises de change et fiscales, Brésil (1999), ou les crises de change
et de dette externe, Mexique (1994), Argentine (2001).
Les études théoriques et empiriques montrent qu’il est difficile de délimiter les
différents types de crises financières car, généralement, ces crises coexistent. Cependant,
certaines font une distinction entre crises de change pures, crises de dette externe et crises
jumelles en termes de succession des événements et des conséquences économiques, comme
par exemple l’étude de Bauer et al. (2007).
Kaminsky (2006) distingue à son tour six variétés des crises financières en
analysant les crises financières enregistrées en 20 pays industrialisés et en voie de
développement, dans la période 1970-2002. Le résultat indique que 14% des crises sont liées
aux déséquilibres du compte courant, 29% sont causées par les excès financiers, 5%

44
apparaissent à la suite des problèmes fiscaux, 42% sont influencées par le niveau de la dette
publique, 5% sont dues à l’assèchement brutal des financements (sudden stops) et le reste de
4% sont des crises autoréalisatrices (self-fulfilling crises).

1.1.2.3. Les facteurs déclencheurs des crises financières

Les crises financières du Mexique (1994), de l’Asie du Sud-est (1997), de la


Russie (1998) ou de l’Argentine (2001) ont eu des causes multiples. Elles portent sur les
régimes de taux de change fixes (Argentine), le risque de change et les facteurs externes au
système financier – facteurs politiques (Mexique), la croissance brusque du prix des actifs
financiers (Russie et Japon) ou immobiliers (Indonésie), la croissance rapide du crédit (Asie
de l’Est), la détérioration des variables fondamentales de l’économie. L’apparition des crises
n’a pas été dans tous les cas générée par un état inapproprié des variables économiques
fondamentales, mais une crise financière a toujours eu comme effet cette détérioration. Les
coûts des crises financières ont été énormes, touchant selon certains auteurs environ 10% du
PIB des pays affectés. D’autres calculent, en plus des coûts matériaux des crises, les coûts
sociaux qui leur sont associés. Eichengreen (2004) observe qu’après la crise de Corée (1997),
le nombre des crimes ou des divorces a augmenté, ce qui témoigne qu’une détérioration de la
qualité de vie mène à une dégradation des rapports sociaux.

A) Des facteurs généraux et des facteurs spécifiques

Les facteurs déterminants des crises financières peuvent être classés en facteurs
généraux et en facteurs spécifiques. Les facteurs généraux sont ceux qui caractérisent les
périodes d’instabilité. Ceux-ci sont présents dans tous les épisodes de crise, étant nommés des
sources d’instabilité. Les principales sources d’instabilité financière sont exposées par
Mishkin (1997), Lai et al. (2003) et Eichengreen (2004). Elles sont représentées par
l’asymétrie de l’information, le manque de coordination des déposants, les inefficiences du
marché, l’absence de prise de conscience du risque de crédit, la croissance du taux d’intérêt,
les effets du marché des actifs sur les bilans et les déséquilibres institutionnels. Une autre
cause importante est le boom des crédits (credit boom), qui alimente des niveaux
insoutenables de croissance économique (Dăianu et Lungu, 2008).
Les crises financières sont généralement dues aux manifestations communes de
ces facteurs d’instabilité et présentent différentes modalités de propagation. Ces phénomènes

45
peuvent apparaître à la suite de graves déséquilibres dans le système financier (comme par
exemple ceux présentés au-dessus) ou à la suite de chocs externes. Dans le premier cas, les
crises financières apparaissent généralement à l’intérieur du système bancaire, en se
propageant ensuite aux autres composantes du système. Dans le deuxième cas, du fait des
interdépendances entre le secteur financier et le secteur réel, une crise dans le secteur réel peut
affecter le fonctionnement de certaines institutions financières ou de certains marchés et, par
des effets de contagion, engendre une situation de grave instabilité qui exige des mesures
immédiates, pouvant en même temps générées des coûts élevés.
A côté de ces facteurs généraux, certains facteurs spécifiques doivent être
mentionnés. Les crises peuvent résulter d’un déséquilibre de la balance des paiements, de la
détérioration de variables fondamentales de l’économie ou d’un régime de change fixe
(Chang et Velasco, 1998). Les causes politiques se trouvent aussi parmi les causes spécifiques
(Chang, 2007).
Différents scénarios de déclenchement des crises financières sont observés par
Crockett (2000) et Davis (2003) et sont présentés dans le Tableau 2.

Tableau 2 : Aspects génériques de l’instabilité financière


Les phases des crises Leur nature Exemples de caractéristiques
Le premier choc Diverse déréglementation, assouplissement
(favorable) monétaire et fiscal, innovations,
changement des sentiments du marché
Propagation – Commune – sujets nouvelles entrées sur les marchés
construction de la importants de surveillance financiers, accumulation des dettes, boom
vulnérabilité macro prudentielle des prix des actifs, innovations, sous-
estimation des risques, inadéquation du
capital, politique macroéconomique
insoutenable
Le deuxième choc Diverse pression monétaire, fiscale ou de
(négatif) régulation, chocs causés par des
changements asymétriques
Propagation – crise Commune échec des institutions ou des marchés qui
conduit à l’échec d’autres institutions ou
marchés de façon directe ou du fait de
l’incertitude en présence d’informations
asymétriques
Actions politiques Commune – sujets assurance - dépôts, prêteur en dernier
importants pour résoudre ressort, assouplissement monétaire
les crises
Conséquences Commune – le but dépend la rationalisation du crédit conduit à la
économiques de la sévérité et des actions réduction de la croissance économique et
politiques en particulier des investissements
Source : Davis (2003)

46
Les auteurs considèrent que la première étape est celle de la création des
déséquilibres, qui se manifeste dans des conditions économiques favorables. Les déséquilibres
se construisent dans le contexte des changements du régime, de la dérégulation, du fait de
l’accumulation des dettes et de la concentration des risques. La deuxième étape est la
manifestation des déséquilibres, suite à des chocs économiques.
Les chocs ont comme conséquence l’échec de quelques institutions ou marchés et
il y a deux façons complémentaires dont ils conduisent à la croissance de la vulnérabilité. Ils
peuvent mener directement à la faillite d’une autre institution par l’effet de spillover, dû aux
fortes liaisons bilancielles avec le reste du système financier. Ils peuvent aussi causer
l’incertitude concernant la solvabilité des institutions ou des marchés, parce que les éléments
bilanciels et les instruments utilisés sont peu transparents.
Les conséquences des crises financières ne se limitent pas seulement à la
restriction du crédit et à la réduction des investissements comme on peut l’observer dans le
tableau au-dessus. Les crises sont suivies par la sous-évaluation du taux de change, par la
croissance du taux d’intérêt et parfois par la propagation des chocs sur d’autres marchés ou
régions, à cause de l’effet de contagion (Wyplosz, 1998).

B) L’évolution des facteurs déterminants des crises financières

L’analyse des facteurs déterminants des crises financières est devenue un sujet de
grande importance dans la littérature économique et financière des années 90. Les causes des
crises sont devenues de plus en plus diversifiées, déterminant les spécialistes à chercher de
nouvelles explications. Les crises financières sont souvent apparues comme « une grande
surprise ». Parce que, parmi les crises financières, les crises de change se sont fait remarquer
par leur gravité et par le haut niveau de contagion, différents modèles théoriques ont été
construits pour expliquer l’apparition de ces crises en partant des facteurs déclencheurs.
La première génération de modèles a été développée par Krugman en 1979 et elle
a été approfondie par la suite par Flood et Garber en 1984. Ces modèles ont été développés
pour expliquer les crises de l’Amérique Latine des années 60-70 (Kaminsky, 2006).
Conformément à ce type de modèles, dans le contexte d’un taux de change fixe, une
expansion excessive du crédit par rapport à la croissance de la demande de monnaie conduit à
une perte progressive des réserves internationales et finalement à une attaque spéculative sur
le taux de change. A cause de cette attaque, les réserves sont épuisées et les autorités sont
forcées d’abandonner la parité. Conformément aux affirmations de Krugman, un déficit

47
budgétaire considérable, financé par l’expansion du crédit, se trouve à la base de l’apparition
de la crise. Pour maintenir l’équilibre du marché monétaire, la banque centrale est forcée de
vendre des devises contre la monnaie domestique et la conséquence en est présentée au-
dessus. L’hypothèse de base dans le modèle de Krugman est le fait que la banque centrale ne
peut pas maintenir la parité de la monnaie si elle ne dispose pas de ressources suffisantes.
Eichengreen et al. (1996) définissent ce type de crises comme des crises de la balance des
paiements, soutenant que celles-ci montrent les incohérences entre les fondamentaux
économiques et les engagements concernant le régime de change.
Les modèles récents suggèrent que les autorités abandonnent la parité non
seulement à cause de la réduction des réserves, mais aussi en fonction de l’évolution d’autres
variables (Răcaru et al., 2006). Ainsi, dans le cas d’un taux de change fixe, une augmentation
des taux d’intérêt au niveau international exerce des pressions à la hausse sur les taux internes
défavorables à la production nationale, conduisant à une augmentation du coût lié à la
préservation de la parité. Selon cette argumentation, l’évolution des taux de change au niveau
interne et international, ainsi que les variations du PIB peuvent être considérées comme des
indicateurs de crise.
La deuxième génération des modèles, développés par Obstfeld en 1994, ont
comme source d’inspiration les crises autoréalisatrices (self-fulfiling crisis). La
compréhension du mécanisme de déclenchement des crises de change a été suscitée par la
crise du Système Monétaire Européen (SME) de 1992. Les facteurs qui ont déclenché la crise,
ne sont pas seulement de nature économique ou liés à la décision de modifier le régime de
change. Par conséquent, ce nouveau type de modèles est caractérisé par la possibilité de
d’équilibres multiples, l’économie pouvant évoluer entre ces équilibres, sans modification
significative des variables réelles.
La décision d’abandonner le régime de change (exit close) doit s’appuyer sur une
analyse coûts-bénéfices, dans le contexte d’une certaine situation économique (chômage,
dette publique ou solidité du secteur bancaire). Par exemple, l’existence des attentes portant
sur l’effondrement du taux de change conduira à des taux d’intérêt plus élevés, ce qui
entraînera des coûts supplémentaires pour les autorités, qui peuvent décider d’abandonner
l’ancrage (peg), validant de cette façon les anticipations initiales. En même temps, cela
n’implique pas nécessairement l’existence de certains aspects négatifs au niveau du secteur
réel. Une brusque détérioration des anticipations suffit pour conduire à l’abandon de l’ancrage
et au transfert vers un autre équilibre, dans les conditions d’un taux de change flexible.

48
Cette approche implique l’idée que l’anticipation de crises de change est
extrêmement difficile du fait de l’inexistence d’une liaison claire entre les variables réelles et
l’apparition des crises. Contrairement aux modèles de première génération, dans cette
situation, la causalité ne résulte pas exclusivement de la détérioration des attentes liées aux
fondamentaux économiques, mais peut être observée dans les deux sens. Ce type de
circularité engendre l’apparition d’équilibres multiples (Jeanne, 1999). En conclusion,
conformément à ces modèles, une crise de change apparaît lorsque les spéculateurs
s’aperçoivent que, dans certaines conditions économiques, les autorités décideront
d’abandonner le régime de change.
La troisième génération de modèles combine les deux premières générations et
introduit dans l’analyse une série d’éléments microéconomiques, comme par exemple des
variables correspondant au secteur bancaire. Le développement de ces modèles s’est accentué
après la crise du Mexique et la crise asiatique. Krznar (2004) groupe ces modèles en trois
catégories.
Un premier groupe de modèles se concentre sur les problèmes du secteur bancaire
(hasard moral, asymétrie des informations, surveillance inappropriée du secteur) pour
expliquer ces crises. La crise bancaire conduit à la crise de change selon le mécanisme des
modèles de première génération.
Un deuxième groupe de modèles considère que le comportement moutonnier des
banques et des sociétés d’investissements est la cause principale d’une crise de change.
Certaines distorsions des informations se transforment en panique généralisée et les
investisseurs trouvent un refuge dans l’acquisition des devises.
Le troisième groupe de modèles de la dernière catégorie considère l’effet de
contagion comme la principale cause des crises de change. Les explications sont fondées sur
l’impact négatif d’un même choc exogène sur plusieurs économies. La crise peut être aussi
transmise par l’intermédiaire des liaisons commerciales au moment où la dépréciation de la
monnaie d’un partenaire se traduit par la réduction de la compétitivité de l’autre partenaire.
L’interdépendance financière joue à son tour un rôle important.
Les facteurs contribuant à l’apparition des crises financières sont divers et évolue
en permanence. Cette évolution a rendu les explications insuffisantes ou peu pertinentes pour
le mécanisme de déclenchement des éventements lorsqu’il s’agit de comprendre les nouvelles
crises financières. Trois générations de modèles théoriques sont ainsi apparues pour expliquer
de façon différente l’apparition des crises de change. Dans ce qui suit, nous allons analyser la
manière dont ces crises se sont manifestées au cours des dernières années, en mettant l’accent

49
sur la complexité des phénomènes et sur les facteurs qui ont contribué à l’apparition des
crises. Dans ce contexte, on analyse les périodes de crises les plus importantes des années 90,
jusqu’à la crise financière récente, née en 2007.

1.1.2.4. Les caractéristiques de principales crises financières des deux dernières


décennies

A) La crise du Système Monétaire Européen

La crise du système monétaire européen s’est déclenchée le 16 septembre 1992.


Nommée « le mercredi noir » à ce moment-là, la livre sterling, la lire italienne et la peseta
espagnole ont dépassé les marges de fluctuation du mécanisme européen de change. La
préservation des taux de change fixes s’est avérée un objectif impossible à accomplir dans le
contexte des pressions spéculatives externes.
Des facteurs économiques, mais aussi politiques, sont à la base du déclenchement
de cette crise. Parmi les facteurs politiques qui ont représenté de véritables chocs pour la
crédibilité du SME, on peut compter la réunification de l’Allemagne mais aussi la décision du
Danemark de ne pas adhérer à la zone euro, suite à un référendum. La réunification de
l’Allemagne et les actions de la Bundesbank ont représenté un choc négatif pour les
économies des états membres. Compte tenu des pressions inflationnistes des années 80, les
participants au SME ont ancré leur monnaie du marc allemand. Le système est ainsi devenu
vulnérable aux chocs asymétriques dans un contexte où les allemands défendaient la parité du
marc face au dollar américain, sans tenir compte du fait que les autres états devaient à leur
tour défendre la parité de leurs propres monnaies face au marc allemand. Au moment où la
Bundesbank a décidé d’augmenter son taux d’intérêt, on a assisté à une pression à la hausse
des taux d’intérêt dans les autres états membres. Ces pressions étaient indésirables dans un
contexte où la France et le Royaume-Uni connaissaient des récessions économiques.
L’autre cause politique, le refus des danois d’adhérer à la zone euro, est survenue
immédiatement après ce que les européens aient décidé, par le Traité de Maastricht de février
1992, de franchir le pas suivant dans la voie de l’union monétaire.
Les causes économiques ne sont pas à négliger non plus. Le fait que les états du
SME traversaient une période peu favorable du point de vue économique, n’a fait que
favoriser les attaques spéculatives. On observe Figure 4 qu’au Royaume-Uni, en France et en

50
Italie, la croissance économique a commencé à stagner dès 1990. Toujours sur les années
d’avant la crise, l’inflation a atteint des niveaux élevés (vers 10% au Royaume-Uni en 1990).

Figure 4 : La croissance économique et l’inflation autour de la crise du SME


Evolution de la croissance économique Evolution du taux d'inflation
120
25
100
20
80
Royaume-Uni 15 France
60 France Italie
Italie 10 Royaume-Uni
40
5
20
0
0

80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

00

02

04

06
0

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20
8

0
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

Les fondamentaux économiques se sont détériorés, même dans les pays


industrialisés qui sont moins vulnérables par rapport aux économies émergentes. De plus,
l’effet de contagion a été très puissant et les pays membres ont libéralisé les flux de capitaux
dans leurs relations avec les partenaires.
La crise s’est produite en deux étapes. En septembre 1992, l’Italie et le Royaume-
Uni ont décidé d’abandonner le mécanisme de change européen et de laisser leur monnaie
flotter librement sur le marché. D’autres pays comme par exemple l’Espagne, le Portugal et
l’Irlande ont décidé de rester dans le SME au prix des dépréciations répétées de leur monnaie.
La France a réussi à maintenir la parité seulement jusqu’au déclenchement de la deuxième
étape de la crise, en juillet 1993, lorsque l’état français a été exposé à des attaques
spéculatives intenses. Dans le cas de l’attaque sur le franc, les effets menaçaient de se
propager à toutes les monnaies européennes (Eichengreen et al., 1996). Par conséquent, les
marges du mécanisme de change ont été élargies à + 15% par rapport au cours pivot.
Que s’est-t-il réellement passé ? Comme nous l’observons sur la Figure 5, les taux
d’intérêt des états membres étaient significativement au-dessus du niveau de leur partenaire,
l’Allemagne, mais surtout au-dessus du niveau des taux d’intérêt du Japon et des Etats-Unis.
Dans ce contexte, les investisseurs ont emprunté sur ces derniers marchés à taux d’intérêt
réduits et ont investi sur les marchés à rendements élevés, en supposant que les ancrages à
l’intérieur du SME seraient stables (Eichengreen, 2000). Ces entrées de capitaux ont alimenté
le processus d’attribution des crédits générant une expansion du crédit.
La situation économique n’était pas identique au niveau européen. Au Royaume-
Uni, les taux d’intérêt ont augmenté malgré le ralentissement de la croissance économique et

51
la livre sterling s’est appréciée dans le contexte d’une inflation croissante. En Italie, comme
nous l’observons Figure 5, l’évolution des réserves internationales indique un effort plus
ancien de la banque centrale pour garder sa monnaie dans le cadre du SME. Les taux d’intérêt
ont continué à augmenter pour conserver la confiance dans la monnaie, même si les pressions
inflationnistes commençaient à s’affaiblir.

Figure 5 : Les taux d’intérêt et les réserves internationales autour de la crise du SME
Evolution du taux d'intérêt à long terme Evolution des réserves internationales
50000
25
45000
40000
20
35000
France
15 30000 Royaume-
Italie
25000 Uni
10 Royaume-Uni 20000 France
Allemagne 15000 Italie
5 10000
5000
0 0
0

6
8

80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

00

02

04

06
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20
Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

Cette crise est la preuve que les régimes de change des états européens reflétaient
une combinaison entre les déséquilibres macroéconomiques et les déséquilibres structuraux.
Tant les banques que les gouvernements ont eu une capacité réduite à défendre leur monnaie.

B) La crise japonaise des années 90

Une crise financière tout à fait particulière est la crise japonaise des années 90 qui
présente deux phases. La première, sans implications économiques significatives au niveau
mondial, a commencé au début des années 90 et a atteint son apogée en 1994. La deuxième a
débuté en 1997, dans le contexte de la crise asiatique que nous présentons dans une section
suivante. Cette crise fut la première enregistrée dans ce pays depuis la Deuxième Guerre
Mondiale. Au Japon, les investissements des entreprises ont diminué tandis que l’épargne
privée est restée stable. Une des réponses à cette situation a été le surplus de la balance des
paiements, malgré la croissance économique rapide.
Les fondamentaux économiques du Japon sont présentés Figure 6 avec les
évolutions du PIB, des réserves internationales et du taux de change réel – échelle gauche
(base 2000) –, et les évolutions de l’inflation et du taux d’intérêt – échelle droite. Même si les
fondamentaux ne relèvent pas une situation de déséquilibre macroéconomique au début des
années 90, un risque important est présent du fait de la concentration du crédit dans le secteur
immobilier.

52
Figure 6 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques au Japon

700 10,00

600 8,00

500
6,00
400
4,00
300
2,00
200

100 0,00

0 -2,00
80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

00

02

04

06
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20
Taux de change réel Réserves internationales PIB Taux d'intérêt Inflation

Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

Ce phénomène fut accompagné par des stratégies inappropriées du management


des risques et par une faible conformité aux standards et aux principes comptables, du fait
d’une concurrence bancaire acerbe. La politique monétaire a été resserrée en 1989, pour
contrer le risque de propagation de la croissance des prix des actifs qui pouvait générer une
augmentation générale de l’inflation, tandis qu’en 1990 des restrictions ont été appliquées
pour les prêts attribués au secteur immobilier. Tous ces aspects ont conduit à la détérioration
des capitaux et à la réduction brusque des prix des immeubles.
La politique monétaire a été rapidement relaxée, comme réponse aux crises
bancaires et à la récession, mais cela n’a pas suffi pour stimuler l’économie. Cette crise
illustre le type de crise financière décrit par Davis (2003) : l’accumulation de déséquilibres
dans le contexte d’une activité économique favorable (associée à un choc favorable),
accompagnée d’un management inapproprié des risques, conduit à l’apparition d’un choc
négatif (la réduction des prix immobiliers) qui met en difficultés ceux qui ont emprunté pour
investir dans l’immobilier, ce qui est à l’origine de la crise bancaire.
L’année 1996 est souvent considérée comme la fin de la première phase de la
crise, grâce notamment la solidarité des institutions bancaires. Marini (2003) affirme que,
dans la période de la crise bancaire du Japon, après la faillite de deux banques commerciales,
une nouvelle banque a vu le jour avec pour rôle d’assurer le fonctionnement du système, en
particulier par l’assurance-dépôts. Mais, comme l’affirme Burkett et Hart-Landsberg (2003) et
Nakaso (2001), les problèmes économiques et financiers du Japon ont persisté jusqu'à la fin
des années 90.

53
C) La crise du Mexique

La crise du Mexique a débuté en 1994, mais elle s’est avérée beaucoup plus sévère
que la crise japonaise. Le Mexique était un pays émergent dont l’économie semblait saine au
début des années 1990 (Figure 7). La croissance économique était solide et l’inflation a baissé
de façon continue avant 1994. Le niveau des réserves internationales (échelle droite du
graphique) s’était lui aussi amélioré.

Figure 7 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques au Mexique

140 60000

120 50000

100
40000
80
30000
60
20000
40

20 10000

0 0
80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

00

02

04

06
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20
PIB Inflation Taux d'intérêt Réserves internationales

Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

Malgré cette situation, la crise financière s’est déclenchée en décembre 1994, par
une brusque dépréciation de la monnaie mexicaine (peso), ayant par la suite des répercussions
importantes sur l’économie réelle mexicaine, mais aussi sur d’autres économies, surtout en
Amérique latine.
La crise qui a éclaté aux premiers jours du mandat du président Ernesto Zedillo,
est aussi connue sous le nom de la crise Tequila ou de « l’erreur de décembre ».
Les causes de la crise sont diverses. On cite régulièrement l’incompatibilité du
régime de change (ancrage sur le dollar américain) avec une inflation forte relativement à
l’inflation américaine, la qualité des crédits accordés dans la période caractérisée par des taux
d’intérêt réduits qui s’était détériorée et le déficit de compte courant qui s’est amplifié pour
atteindre 29 milliards de dollars en 1994, soit 8% du PIB (Truman, 1996). De plus, le risque-
pays a beaucoup augmenté avec la rébellion armée de Chipas et ensuite avec l’assassinat du
candidat à la présidence, Luis Donaldo Colosio, en mars 1994 (Whitt, 1996).
Les investisseurs, attirés dans les années précédentes par l’évolution de l’économie
mexicaine, se sont affolés et ont vendu rapidement les obligations publiques (tesobonos). Face

54
à ces ventes, la Banque Centrale du Mexique a décidé d’acheter des titres pour maintenir le
taux d’intérêt inchangé sur le marché, ce qui a eu pour effet de réduire les réserves
internationales (Figure 7).
Les sorties de capital se sont accélérées le 20 décembre 1994, les investisseurs ont
paniqué et le Mexique se retrouvait au seuil d’une crise. Le gouvernement a décidé de
dévaloriser le peso de 15% par rapport au dollar américain (Figure 8). A cause du déficit élevé
du compte courant, beaucoup ont considéré que cette décision fut tardive.

Figure 8 : L’évolution du taux de change du Mexique (par rapport aux DTS3)

20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
80

Q 81

Q 82

Q 83

Q 85

Q 86

Q 87

Q 88

Q 90

Q 91

Q 92

Q 93

Q 95

Q 96

Q 97

Q 98

Q 00

Q 01

Q 02

Q 03

Q 05

06
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20

20

20
1

2
Q

Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

Le Mexique a demandé l’aide des institutions internationales pour sortir de la


crise. Compte tenu des liaisons commerciales entre les deux pays et la présence significative
des investisseurs américains sur le marché mexicain, le président des Etats-Unis, Bill Clinton,
est intervenu à son tour. Les Etats-Unis et le FMI ont prêté au Mexique 50 milliards de dollars
une semaine après le déclenchement de la crise. Les coûts de cette crise ne furent pas
négligeables. En 1995, le Mexique a enregistré une réduction du PIB de 7%.

D) La crise asiatique

Les économies émergentes asiatiques ont connu un développement rapide au début


des années 90. Selon Joseph Stiglitz, économiste en chef de la Banque Mondiale, « aucun
autre modèle économique n’a offert autant, à tant de gens, dans une si courte période »
(Singh, 1998). Un rapport de la Banque Mondiale mentionnait, quelques mois avant le
déclenchement de la crise, que les pays d’Asie du Sud-est ont connu un essor économique
solide et puissant (9% par an sur les 10 dernières années), réduisant le niveau de pauvreté,

3
Droits de tirage spéciaux – la monnaie du FMI.

55
tandis que le FMI parlait du « miracle économique asiatique ». Ce succès s’était fondé
dernièrement sur l’attraction massive des flux de capitaux, par des taux d’intérêt élevés, et les
indicateurs macroéconomiques se sont améliorés (Figure 9).

Figure 9 : Les indicateurs macroéconomiques dans les pays d’Asie du Sud-est


Croissance économique (PIB 2000 = 100) Taux d'inflation
140
60
120 50
Hong Kong Hong Kong
100 40
Indonésie Indonésie
80 Corée 30
Corée
Malaisie 20 Malaisie
60
Philippines
Philippines
40 Singapour
10
Singapour
Thaïlande 0
20 Thaïlande
-10
0

80

82

84

86

88

90

92

94

96

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00

02

04

06
80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

00

02

04

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

Reserves internationales Dette externe

160000
700000 30000

140000 600000 25000


Hong Kong
120000 500000
20000 Indonésie
Indonésie
100000 Philippines
Corée 400000
80000
15000 Thaïlande
Malaisie
300000
60000 Philippines Corée
10000
Thaïlande 200000 Malaisie
40000
Singapour 5000
100000
20000
0 0
0
80

82

84

86

88

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92

94

96

98

00

02

04
0

6
8

19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20

Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

Une grande partie de ces flux de capitaux s’est avérée être de « l’argent brûlant »
(hot money), ce qui a rendu vulnérables certaines économies, telles que celle de la Thaïlande,
la Corée de Sud, la Malaisie, l’Indonésie et des Philippines. Les surinvestissements et
l’extension accélérée du secteur privé furent un facteur supplémentaire de vulnérabilité. La
surchauffe des économies est apparue. De même, il y a eu des caractéristiques particulières à
chaque état qui ont contribué à l’apparition et à la propagation de la crise.
En Thaïlande, même si la croissance économique moyenne était de 10% et les
investisseurs continuaient à investir, un déficit important du compte courant est apparu. Cela a
été aussi le résultat d’une faible valeur ajoutée pour les exportations de ce pays et de la
concurrence des produits chinois. En 1993, la Thaïlande a créé Bangkok International
Banking Facilities, un centre offshore destiné à attirer les capitaux étrangers et à faire de la
concurrence à Singapour. Les déséquilibres se sont progressivement accumulés et les autorités
sont intervenues tardivement, même si le FMI les en avait avertis (Aghevli, 1999).
En Corée, le développement de l’industrie a été entraîné par l’apparition de grands
conglomérats (Chaebols). Cependant, les capitaux privés étaient considérablement influencés

56
par la politique de l’état et des pertes de compétitivité étaient constatées. Le secteur bancaire a
financé les grandes corporations dans leur agressive expansion, sans prêter une attention
particulière à la qualité des crédits. Une grande partie de ces crédits sont devenus des créances
douteuses au début de la crise financière.
La Malaisie représentait jusqu’en 1997 une destination habituelle pour les
investissements. Les investissements de capital étaient massifs, de sorte que les transactions
boursières de Malaisie (KLSE) dépassaient parfois les transactions boursières des marchés
mieux capitalisés. Les perspectives de croissance étaient positives et la dette externe
commençait à se réduire.
En juin, juste avant l’apparition de la crise, l’Indonésie enregistrait une inflation
réduite et elle avait un secteur bancaire solide. Un nombre important de firmes indonésiennes
avait fait des emprunts en dollars américains, dans une période où la roupie s’était
constamment appréciée par rapport au dollar.
Un aspect important au moment des entrées massives de capitaux a été le choix du
régime de change. La majorité de ces états ont implémenté des régimes de change fixe –
ancrage par rapport au dollar. Le signal de la crise fut marqué par la brusque dépréciation des
monnaies de ces pays (débutant avec le baht thaïlandais), suivie tout de suite par des retraits
massifs de capitaux. La bulle financière de Thaïlande a éclaté au début 1997. La banque
centrale a essayé de défendre la monnaie qui a subi des attaques spéculatives le 2 juillet 1997,
mais sans succès. Les attaques se sont déclenchées en moins de 24 heures à la suite de
l’annonce par le Royaume-Uni de sa cession de Hong-Kong à la Chine.
Dans le même temps, les monnaies de la Malaisie et du Taïwan ont connu des
attaques spéculatives. En Indonésie, les autorités monétaires décidèrent d’élargir la bande de
fluctuation de la roupie de 8% à 12% pour passer, le 14 août 1997, en change flottant.
L’économie du Singapour est à son tour entrée en récession, et les autorités monétaires
décidèrent de dévaluer leur monnaie de 20% pour obtenir un « soft landing » après le choc. A
Hong-Kong, la chute du marché boursier s’est produite en octobre 1997 et les autorités ont
décidé de vendre plus de 80 milliards de dollars pour maintenir la parité de la monnaie.
Rien n’avait annoncé cette crise, à part la vulnérabilité financière de la Thaïlande.
Les agences de rating n’ont prévu ni l’accumulation des déséquilibres, ni l’apparition des
turbulences qui allaient se propager ensuite en Chine et au Japon4, mais aussi dans d’autres
états comme par exemple la Russie. Selon Wyplosz (1998), la crise est apparue même si les

4
Le Japon a connu, dès mai 1997, des pressions sur le yen et a décidé d’augmenter son taux d’intérêt. Cela n’a
pas été possible dans d’autres pays du fait de la vulnérabilité des compagnies (Nanto, 1998).

57
fondamentaux économiques étaient bons. Beaucoup d’économistes ont considéré que cette
crise ne fut pas générée par la psychologie des marchés ou par des causes technologiques,
mais par une mauvaise politique de prêts bancaires.
Le FMI décida d’initier un programme de stabilisation de 40 milliards de dollars,
dans un contexte où la majorité de ces pays ont mené des politiques fiscales solides. Le
support financier du FMI fut néanmoins conditionné à la mise en œuvre de certaines réformes
par l’intermédiaire des « programmes d’ajustement structurel ». A part la reprise économique,
ces programmes étaient destinés à restaurer la confiance dans les finances publiques, à
protéger la valeur de la monnaie, mais aussi à pénaliser les compagnies insolvables.
Les effets macroéconomiques de la crise furent très importants. Le PIB nominal
des pays de l’Association of Southeast Asian Nations (ASEAN) s’est réduit de 9,2 milliards
de dollars en 1997 et de 218,2 milliards en 1998. Les faillites d’entreprises furent nombreuses
et la première conséquence fut l’augmentation de la pauvreté dans les années post-crise.
Les investisseurs institutionnels sont devenus réticents aux investissements dans
les pays émergents, même dans les pays situés ailleurs dans le monde. Le choc négatif a eu
comme résultat une baisse du prix du pétrole au niveau mondial à 8$ / baril, affectant
financièrement les pays de l’Organization of the Petroleum Exporting Countries (OPEC).
Cette baisse a contribué à l’apparition de la crise de Russie en 1998 qui a généré à son tour la
crise Long - Term Capital Management (LTCM), un fonds d’investissements américain.
Aussi, la crise asiatique a montré que les flux internationaux de capitaux sont « un
bon serviteur, mais un maître faible » (Cerna et al., 2008).

E) La crise russe

La crise financière de Russie (« la crise du rouble ») a éclaté par la dévalorisation


brutale du rouble russe, en août 1998. Dans ce cas aussi, les causes furent nombreuses. Son
apparition fut influencée par la contagion internationale de cette période-là, à la suite de la
crise asiatique de 1997. A part la réduction des prix des matières premières au niveau
mondial, la Russie a enregistré une baisse de la productivité et un déficit fiscal chronique.
L’essor économique était à son tour affecté (Figure 10). Le coût immense de la Guerre de
Tchétchénie s’est ajouté à tous ces aspects. La crise financière a conduit à une crise
économique lorsque le gouvernement a annoncé son incapacité à rembourser sa dette.

58
Figure 10 : L’évolution de la croissance économique en Russie

12
10
8
6
4
2
0
-2
-4
-6
-8
96

97

98

99

00

01

02

03

04

05
19

19

19

19

20

20

20

20

20

20
Source : OECD Factbook, 2007

La structure des marchés financiers a favorisé elle aussi l’apparition de la crise. Le


financement direct (market-based) était réduit par rapport au financement bancaire, et le
marché des obligations d’état était beaucoup plus développé que celui des obligations privées
(Figure 11). Ces observations mettent en évidence l’absence des données historiques sur les
crédits des entreprises.
D’autres observations liées au système financier sont (Mavrotas et Vinogradov,
2007) : (a) les entreprises sont principalement financées par les banques, dont la source de
financement est représentée surtout par les dépôts ; (b) le portefeuille des titres des banques
n’est pas diversifié, la majorité des titres étant des obligations d’Etat.

Figure 11 : Les ressources financières des banques de la Fédération Russe en juin 1998

Capital
23%
Crédits auprès d'autres
institutions financières
1%

Dépôts Comptes
50% gouvernamentaux
3%

Fonds du marché Pasifs en devises


monétaire 17%
6%

Source : Mavrotas et Vinogradov (2007)

Le 13 août 1998, les marchés financiers de Russie se sont effondrés suite aux
craintes des investisseurs que le gouvernement allait dévaluer le rouble et, compte tenu de
l’évolution de ses réserves internationales, aux inquiétudes que la Russie ne puisse plus

59
honorer ses engagements. Les prix des actifs ont connu une baisse dramatique, même jusqu’à
65%, incitant les autorités à stopper toutes les transactions sur titres.
Le 17 août, le Gouvernement et la Banque Centrale de Russie ont fait une
déclaration commune, annonçant :
- l’élargissement de la bande de fluctuation du rouble par rapport au dollar de 5,3-
7,1 à 6,0-9,5 roubles/dollar ;
- la restructuration de la dette de la Russie, exprimée en monnaie domestique ;
- un moratoire temporaire de 90 jours imposé aux paiements de certaines dettes
des banques, incluant les dettes liées aux contrats forward de taux de change.
La banque centrale est intervenue plusieurs fois en août 1998, permettant aux
banques d’utiliser les réserves obligatoires pour réaliser leurs paiements. Elle a ainsi offert
une « stabilisation » des crédits pour les banques en difficulté et a garanti les dépôts constitués
à la banque d’état Sberbank. Au total, les prêts accordés par la banque centrale aux banques
commerciales ont été multipliés par six en 10 mois, à partir de juin 1998. Même si la liquidité
fut injectée avant le déclenchement de la crise, il n’a pas été possible d’éviter les turbulences.
Le FMI et la Banque Mondiale sont intervenus cette fois aussi, avec un support
financier de 22,6 milliards de dollars, destiné à aider les réformes et à stabiliser les marchés
financiers par des opérations de swap sur un énorme volume d’obligations gouvernementales
(GKO) arrivées à l’échéance, contre des euro-obligations à long terme. Les réformes ont eu
un impact positif comme nous l’observons Figure 9. Cette crise, à la différence des crises
précédentes, a eu pour effet de corriger des déséquilibres de l’économie.
Cependant, les effets négatifs de la crise ont eu des coûts importants, la crise russe
contribuant au déclenchement d’autres épisodes de turbulences. Begg (2005) souligne les
effets négatifs de la crise russe qui a eu des répercussions prononcées dans quelques pays
voisins, avec une diminution des transactions financières et une réduction de la croissance du
PIB en Hongrie et en Pologne, dans les premiers mois de 1999. « Les turbulences financières
en Russie furent un test pour le marché financier des pays de l’Europe de l’Est » (Feldman et
Watson, 2002).

F) La crise d’Argentine

Dans les années 2001-2002, l’Argentine a expérimenté l’une des plus graves crises
de l’histoire. Tout comme les autres crises des pays émergents, la crise argentine semble être

60
une combinaison entre la fragilité des institutions financières et l’incapacité d’offrir une
réponse adéquate aux politiques économiques (FMI, 2003).
Du point de vue économique, l’Argentine a connu une période difficile dans les
années 80, avec une croissance économique faible et une inflation élevée. En 1991, un « Plan
de convertibilité » destiné à discipliner des politiques macroéconomiques et une réforme
structurelle orientée vers le développement des marchés financiers furent mis place avec
succès. Si la croissance du PIB était négative dans les années 80 (-0,5% en moyenne), elle a
dépassé 10% dans les années 1991-1992 et est restée élevée jusqu’en 1998 (Figure 12).

Figure 12 : L’évolution des indicateurs macroéconomiques en Argentine


250 3500

3000
200
2500

150 2000

1500
100 1000
500
50
0
0 -500
80

82

84

86

88

90

92

94

96

98

00

02

04

06
19

19

19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20
PIB Réserves internationales Inflation

Source : Base de données du FMI – « International Financial Statistics »

On observe aussi une brusque réduction de l’inflation (échelle droite), ainsi qu’une
amélioration de la croissance économique (PIB 2000 = 100). Les réserves internationales ont
augmenté avec des entrées de capitaux.
Une autre caractéristique de l’économie d’Argentine a été l’introduction, en 1992,
d’un régime de taux de change fixe, un currency board, et d’une nouvelle monnaie (le
nouveau peso), indexée sur le dollar. L’économie est progressivement « dollarisée ». Le
currency board a contribué à la réduction de l’inflation, mais a rendu en même temps
impossible le financement des déficits budgétaires. Simultanément, les autorités ne pouvaient
plus utiliser la politique monétaire et le taux de change comme des instruments d’ajustement
de l’économie.
Le secteur financier argentin, même s’il était étroit, a contribué à un financement
excessif en devises. L’augmentation du financement en devises semblait normale en quelque
sorte, parce que les grandes compagnies étrangères (Suez, Ford, Carrefour) ont bénéficié de
la politique de privatisation. Même s’il ne fut pas à l’origine de la crise, le système financier a
contribué à l’amplification des vulnérabilités.

61
En même temps, le déficit du compte courant s’accroît au fur et à mesure que la
monnaie s’apprécie. L’activité économique est à son tour affectée par l’incertitude de
l’environnement politique, associé au désir du président Menem de présenter sa candidature
pour un troisième mandat (FMI, 2003). La crise de Russie a eu aussi un impact négatif,
affectant la confiance des investisseurs dans les économies émergentes.
La situation économique de l’Argentine s’est progressivement empirée entre 1998-
2002. Les deux événements critiques à l’origine de la cries ont été représentés par la récession
de 1998-1999 et la détérioration de la situation du système financier en 2001. Le PIB de
l’Argentine a baissé dans cette période de 21%, et le taux du chômage a atteint 23%. La
surévaluation du peso, le taux excessif d’endettement de l’Argentine et la perte de la
confiance dans l’économie, s’ajoutent à tous ces éléments.
La crise s’est déclenchée avec l’annonce du ministre de l’économie, Domingo
Cavallo, en novembre 2001, soulignant que l’objectif budgétaire établi par le FMI n’a pas été
atteint. Par conséquent, le Fond a refusé le transfert de 1,25 milliard de dollars pour aider
l’économie. Cette annonce a entraîné une fuite des capitaux, entraînant le secteur bancaire
dans une grave crise. Pour atténuer le choc, Cavallo a introduit en décembre un mécanisme
qui limitait les sorties de capitaux (Corralito) par l’intermédiaire duquel il n’était pas permis
de retirer des comptes courants plus de 250 pesos par semaine. A côté de cette mesure de
dernière instance, le ministre de l’économie a lancé la « pesofication » des comptes bancaires
(le plan Bonex II). Tous les comptes en dollars ont été transformés en pesos au taux de change
officiellement annoncé.
Une autre mesure prise par le gouvernement pour faire sortir l’économie de la
crise dans les mois suivants a été une aide sociale de 100, ensuite de 150 pesos, attribuée aux
familles affectées par le chômage. En janvier 2002, l’abandon de la parité de 1 peso pour 1
dollar a été décidé. Le peso s’est dévalorisé en quelques jours et un nouveau taux « officiel »
de 1,4 peso pour un dollar s’est imposé. Quelques mois plus tard, le flottement libre de la
monnaie a été mis en place.
Le gouvernement argentin s’est heurté à des difficultés importantes pour
rembourser sa dette obligataire. La banque centrale a épuisé ses réserves et a été contrainte à
un compromis, 76% des obligations ont été échangées en nouvelles obligations dont la valeur
nominale était réduite de 25%. Le FMI n’a pas renoncé aux sommes relatives à la dette
argentine, mais une partie des paiements a cependant été ajournée.

62
1.1.2.5. La crise des subprimes et la crise globale des marchés financiers de
2007-2008

Nous commençons la présentation de la crise récente par une remarque. Il est


nécessaire d’un côté de détailler tous les aspects des éventements pour faciliter la
compréhension des problèmes et, de l’autre côté, il est difficile de formuler des conclusions
dans une période où les turbulences sont encore présentes. Il s’agit de la crise la plus sévère
des 80 dernières années qui, à la différence de la crise de 1929 causée par une surproduction,
est fondée sur une surconsommation, alimentée par des ressources financières volatiles.

A) Présentation du problème

La crise financière déclenchée en 2007 (nommée « subprimes » d’après le nom des


titres hypothécaires à risque élevé) a eu comme principal point de départ l’éclatement de la
bulle des prix des immeubles aux Etats-Unis. Cela est une crise qui caractérise le système
capitaliste et les finances modernes. Le capital financier dégage des profits dont une partie se
cumule aux capitaux déjà existants. Cette logique d'accumulation est incontournable dans ce
système et si le capital cesse de s’accumuler, quelle qu’en soit la raison, l’économie entre en
crise.
Un nombre important d’événements, énumérés par Goldstein (2005) et devenus
évidents vers la fin de 2006, a annoncé la crise. Parmi ces événements on mentionne : la
dépréciation des actifs exprimés en dollars, la monétisation de l’économie américaine, la
dégradation rapide de la situation financière des banques, incluant la baisse des réserves et les
problèmes liés aux crédits hypothécaires. Entre 1997 et 2006, le prix des maisons a augmenté
de 124% aux Etats-Unis (The Economist, 2007).
Concrètement, les déséquilibres économiques résultaient de l’évolution historique
du marché américain des prêts hypothécaires (Cerna, 2008). Les institutions financières se
sont empressées à accorder ces prêts et la concurrence est devenue acerbe. Si au début du
développement du marché des prêts hypothécaires, les institutions d’état ou partiellement
publiques comme Fannie Mae (Federal National Mortgage Association) et Freddie Mac
(Federal Home Loan Mortgage Corporation) étaient les acteurs principaux du marché,
quelques banques importantes et sociétés américaines d’investissements ont réussi à dominer
dernièrement ce secteur. Pour obtenir une plus grande part du marché et pour gérer les
risques, ces institutions ont fait appel à l’usage des techniques et des instruments financiers

63
« subtils et nerveux » (expression de l’auteur cité au-dessus), tels la titrisation des créances ou
des dérivés de crédit5, qui permettaient de céder les actifs à haut risque aux partenaires
désireux d’assumer ces risques, comme par exemple les fonds spéculatifs (hedge funds).

B) Déclenchement de la crise « subprimes » de 2007

En liaison avec l’analyse des crises financières, deux écoles de pensée s’opposent
(White, 2008). La première est appelée « ce qui se ressemble » (what is the same) tandis que
la deuxième est intitulé « ce qui est différent » (what is different). Reinhart et Rogoff (2008)
considèrent qu’il y a une forte similitude entre la crise actuelle et les autres crises financières,
soutenant cette affirmation par la présentation de l’évolution des prix des actifs et de la
croissance réelle de la dette publique. Selon nous, il y en a cependant quelques différences,
au-delà de l’ampleur de la crise. Tout d’abord, les innovations financières qui ont permis
l’accumulation des déséquilibres et qui ont délayé leur correction, se trouvent à la base de
l’apparition de la crise6. Deuxièmement, nous parlons d’un échec de l’activité de régulation et
de surveillance des institutions de crédit, en particulier des institutions des crédits
hypothécaires, qui ont fait appel aux instruments de plus en plus complexes et de plus en plus
risqués pour répondre aux pressions concurrentielles, sans comprendre leur fonctionnement et
les risques auxquels elles s’exposent.
L’un de ces instruments est le processus de titrisation (securitization) décrit par
Durand (2007), Dăianu et Lungu (2008) et Cerna (2008). Les banques constituent des
« paquets » de crédits immobiliers plus ou moins risqués, dans une échelle qui va des crédits
susceptibles de défaillance (subprimes) jusqu’aux crédits de haute qualité (prime mortages).
Ces paquets sont transférés à un véhicule spécial (écran) (Special Purpose Vehicle – SPV)
sous la forme des titres négociables sur le marché (mortgage backed securities)7.
Les autres instruments, en étroite liaison avec la titrisation, sont représentés,
comme nous l’avons déjà dit, par les produits dérivés de crédit à l’aide desquels les banques
et les institutions de crédit hypothécaire ont réussi à sortir de leur bilan une partie importante
des portefeuilles de crédits. Les titres négociables sur le marché sont transformés par le SPV

5
Ces techniques et instruments financiers modernes qui représentent de nouveaux défis pour la stabilité
financière en Roumanie seront analysés au quatrième chapitre de la thèse.
6
Les innovations financières apportent des bénéfices lorsqu’elles augmentent le dynamisme et la croissance
économique. Cependant, elles sont à l’origine des risques considérables. Le risque systémique devient plus
important au fur et à mesure que les innovations financières deviennent plus complexes (Dăianu et Lungu,
2008).
7
Une grande partie des titres risqués sont achetés par les fonds spéculatifs.

64
en obligations structurelles garanties avec des créances (collateralized debt obligations –
CDO). Tout comme un titre hypothécaire ordinaire, ces instruments apportent un certain
revenu au possesseur, mais ils permettent en même temps de partager le risque afférent à un
certain portefeuille de crédits hypothécaires en plusieurs catégories ou « tranches » de risque
(senior tranche, mezzanine tranche, equity), en fonction des notations des agences de rating.
La tranche la plus risquée, qui sera la dernière à être remboursée (equity), est souvent achetée
par des hedge funds. Ces opérations rendent très difficile le processus de surveillance des
entités qui subissent finalement le risque, réduisant la transparence du marché (« shadow
banking system »).
Il y a plusieurs raisons pour agir de cette façon (Léonard, 2008). Une première
raison est l’amélioration de la valeur des indices calculés à partir des situations financières,
fait qui augmente la confiance des investisseurs. Un autre motif est l’arbitrage des taux
d’intérêt, la banque tirant profit de la différence entre les intérêts obtenus par les entités
intermédiaires (SPV) qui ont investi dans le portefeuille des créances de la banque et les
intérêts qui doivent être payés aux investisseurs, de façon indirecte, par le même SPV.
En 2006, les crédits subprimes représentaient pas moins de 600 milliards de
dollars, soit environ 20% de tous les prêts immobiliers accordés aux Etats-Unis (Lasserre,
2007). En 2007, le volume total des crédits subprimes a été estimé à 13% du crédit total en
cours, environ 1.300 milliards de dollars (Banque de France, 2007).
Une deuxième cause de la crise a été représentée par les déficits du processus de
régulation et de surveillance. Le gouvernement des Etats-Unis n’a pas surveillé de façon
appropriée la situation des deux agences quasi-gouvernementales (Fanny Mae et Freddy
Mac), chargées d’attribuer des crédits et des garanties hypothécaires. Par exemple, la première
institution n’avait plus présenté de rapports depuis 2004, mais elle a continué à être cotée en
bourse à la suite d’une dérogation (GEAB, 2006).
Au-delà de ces deux causes spécifiques, les innovations et les carences de
l’activité de régulation et de surveillance, le contexte macroéconomique global a contribué lui
aussi au déclenchement de la crise. Il y a plusieurs aspects qu’il faut mentionner dans ce sens.
Tout d’abord, certains parlent d’une inflation réduite et d’une croissance économique
soutenue sur les dernières années (The Great Moderation), mais aussi d’une inflation
financière élevée. Cette période fut favorable à l’accumulation des déséquilibres. Les autres
déséquilibres macroéconomiques étaient l’excédent des économies de certains états comme
par exemple la Chine, corrélé avec le déséquilibre du compte courant aux Etats-Unis, et par
l’excès de liquidité créé par le FED et la BCE, accompagné par le désir de nouveaux pays

65
industrialisés et exportateurs de pétrole de limiter l’appréciation de leurs monnaies vis-à-vis
du dollar.
Les banques centrales qui ont fixé les taux d'intérêt et ont permis l'extension du
crédit, ont été accusées à leur tour d’avoir favorisé l’apparition de la crise (Durand, 2007).
Avant l’éclatement de la crise, quelques autres turbulences financières ont été
enregistrées au niveau international, constituant un signal d’alarme pour les investisseurs. Un
premier phénomène de contagion concerne la baisse des prix des actions sur les marchés
émergents en mai – juin 2006 (Mauro et Yafeh, 2007). Un deuxième signal a été marqué par
les turbulences du marché du capital en Chine, de février à mars 2007. La crise des marchés
de crédits hypothécaires aux Etats-Unis a ensuite suivi.
La crise s’est effectivement déclenchée au moment où les fonds spéculatifs ont
essayé d’ajuster leurs expositions ou de couper leurs positions perdantes, situation qui a rendu
illiquide le marché des titres garantis avec des crédits hypothécaires à risque. Comme Bear
Stearns détenait deux fonds identiques qui avaient investi dans des instruments risqués, la
banque en a été sérieusement affectée. Sa cotation boursière a brusquement chuté et elle fut
rapidement achetée par JP Morgan, avec le consentement du FED. En août 2007, la crise s’est
généralisée et les fonds spéculatifs se sont trouvés bloqués sur des positions défavorables8.
Une deuxième étape de la crise fut l’incapacité des investisseurs immobiliers
privés de rembourser leurs dettes. En utilisant les techniques de titrisation, un nombre
important de crédits hypothécaires a été attribué, au cours des années 90, aux emprunteurs à
historique problématique concernant le remboursement. Ces créances douteuses représentent
des prêts hypothécaires à taux ajustable (Adjustable Rate Mortgages – ARM), du type
« 2/28 » et « 3/27 » (Schumer et Maloney, 2007)9. Dans le contexte de la crise des subprimes,
l’ajustement du taux a entraîné une augmentation des annuités d’environ 30%, et de
nombreux débiteurs se sont trouvés dans l’incapacité d’honorer les engagements.
La crise des subprimes n’a pas affecté seulement l’économie américaine, mais a eu
des répercussions au niveau mondial, entraînant une crise globale des marchés financiers.

C) De la crise des subprimes vers une crise globale des marchés financiers

Du fait des interdépendances au niveau global et du phénomène de contagion, les


effets de la crise des subprimes se sont étendus aux autres marchés, augmentant la probabilité

8
Pour une description plus détaillée du mécanisme de déclenchement de la crise, voir Cerna (2008).
9
Un ARM hybride est caractérisé par un taux d’intérêt fixe pendant les deux premières années du crédit, le taux
d’intérêt étant ensuite ajusté tous les six mois en fonction d’un taux de référence – LIBOR par exemple.

66
d’apparition de la crise des crédits (credit crunch) et la probabilité de déstabilisation des
marchés du capital, avec de graves implications sur l’économie réelle.
Hidelbrand (2008) considère que la transformation de la crise des subprimes en
crise financière mondiale résulte des déficiences concernant la gestion du risque par les
grandes banques internationales, de l’endettement élevé de ces institutions et du manque de
transparence sur le marché.
Un certain temps fut nécessaire avant que l’on accepte et parle de l’existence d’une
crise des marchés financiers au niveau global, qui s’est déclenchée fin 2007 et s’est prolongée
en 2008. Tout cela parce qu’on était confronté à un paradoxe. Les effets de la crise sur
l’économie réelle étaient moins évidents vers la fin 2007 que lors des situations précédentes
de crise (Banque de Suède, 2007).
Ce phénomène a été aussi remarqué par Landau (2007) et Noyer (2007). Selon
eux, quel que soit l’indicateur utilisé (niveau des spreads ou volatilité), le choc induit sur les
marchés du crédit par les pertes enregistrées sur les prêts hypothécaires à risque est sans
précédent. Et cependant, ces pertes, tout en étant importantes et spectaculaires pour quelques
institutions, ne semblaient pas constituer un risque majeur pour la santé du système financier
à ce moment-là.
La situation a continué à se détériorer, et les effets sur l’économie réelle ont
commencé à se faire ressentir. Tout d’abord, la crise a contribué dans un premier temps à une
croissance explosive du prix du pétrole (Figure 13).

Figure 13 : L’évolution du prix du pétrole ($ / baril)

140

120

100

80

60

40

20

0
7

7
7

8
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n
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ja

ja

ja

Source : Base de données Energy Information Administration

67
Le prix du pétrole dont l’évolution a des effets directs sur l’économie réelle en
affectant tous ses secteurs, a enregistré une forte augmentation au cours des années d’avant
crise (de 35 $/baril en juillet 2004 à plus de 70 $/baril en juillet 2007). Il faut cependant
remarquer qu’après le déclenchement de la crise des subprimes et ultérieurement après le
déclenchement de la crise globale des marchés financiers, le prix a doublé en quelques mois,
montant jusqu’à près 140 $/baril en juin 2008. Un renversement n’a eu lieu qu’après les
premiers signes de la récession mondiale. Ainsi, le prix a baissé à moins de 55 $/baril en
novembre 2008.
La crise financière a affecté les marchés des capitaux du monde entier. Sur la
Figure 14, nous observons qu’en moyenne, les prix des actions des sociétés cotées sur les
marchés (plus de 20.000 sociétés) des 45 pays analysés ont enregistré une baisse, avec peu
d’exceptions en ce qui concerne la variation du prix en 200710.

Figure 14 : La variation moyenne des prix des actions des compagnies cotées

Nouvelle-Zélande
Afrique de Sud

Iles Caim anes

Royaum e-Uni
Luxem bourg
Hong Kong

Iles Vierges
Allem agne

Etats-Unis
Roumanie
Botswana

Danemark
Argentine

Thaïlande
Bahamas

Tchéquie

Pays-Bas
Berm uda
Australie

Belgique

Finlande

Espagne
Portugal
Autriche

Bulgarie

Lettonie

Mexique
Norvege

Pologne
Lituanie

Hongrie
Bahrain

Canada

Estonie
Cyprès

France

Irlande

Russie
Suisse

Suède
Japon
Chine

G rèce
Brésil

Italie

30

20

10

-10

-20

-30

-40

Variation à 6 mois Variation à 1 mois

Source : la base de données Infinancials

Pour ne pas influencer l’analyse en choisissant une certaine date pour apprécier la
variation des prix des actions, nous avons utilisé les moyennes des prix des actions.
L’évolution négative est aussi confirmée par les indices de grandes places boursières de
l’Europe et des Etats-Unis (Figure 15).

10
Les données ont été extraites début février 2008, de sorte que la variation à six mois résulte de la hausse/baisse
du prix par rapport au prix enregistré le mois précédant le déclenchement de la crise et la variation à un mois
montre l’évolution moyenne des prix des actions en janvier 2008.

68
La majorité de ces indices sont entrés en phase baissière surtout à partir de janvier
2008. Cependant, tout en observant les graphiques (Figures 14 et 16), on constate que les
marchés ont été affectés différemment.

Figure 15 : Les indices boursiers en France, Allemagne, Royaume-Uni et Etats-Unis


CAC 40 : FR DAX 30 : AL
7000
9000

6000 8000

7000
5000
6000
4000
5000

3000 4000

3000
2000
2000

1000 1000

0
0

no 3

no 6

no 9

no 2

no 5

8
ao 0

ao 3

ao 6

ao 9

ao 2

ao 5
m 1

m 4

m 7

m 0

m 3

m 6
92

95

98

01

fé 4

fé 7
2

7
1

6
0

ja 3

ja 9

ja 2

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-0

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-0

. -0
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ja

ja

FTSE 100 : R-U Dow Jones : Etats-Unis


8000
16000
7000
14000
6000
12000
5000
10000
4000 8000
3000 6000

2000 4000

1000 2000

0 0
j ui 0

j an 92

j ui 3

j an 95

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j an 98

j ui 9

j an 01

j ui 2

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oc 0

oc 3

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1

6
jan 92

jan 95

ja 9 8

jan 01

jan 04

jan 07
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jui 3

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jui 2

jui 5
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av 0

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oc 3

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oc 5

08

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av
nv

nv
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av

j an
ja

Source: Yahoo Finances

Les pays européens sont parmi les plus touchés par la crise globale des marchés,
tandis que les marchés émergents d’Asie et d’Amérique Latine ont réussi dans un premier
temps à échapper au choc.

Figure 16 : Les variations des prix des actions par zones géographiques
20

15

10

-5

-10

-15

-20
Europe Am érique Am érique Asie Australie et Afrique Paradis
du Sud du Nord Nouvelle fiscaux
Zélande

Variatio n à 6 mo is Variation à 3 mo is Variatio n à 1mo is

Source : Base de données Infinancials

69
Tout comme dans l’étude de Balit Moussalli (2007) portant sur la crise asiatique,
Albulescu (2008a) montre, en utilisant la base de données Infinancials que, pour les pays
européens, il n’y a pas eu une liaison directe entre l’impact de la crise sur les marchés des
capitaux et les résultats économiques des entreprises au cours de la période qui a précédé la
crise (la Pologne et la Roumanie ont connu la chute la plus importante de leurs indices
boursiers alors que la situation économique des sociétés de ces pays s’est améliorée)11. Les
fondamentaux macroéconomiques ne semblent pas avoir influencé à leur tour la gravité du
choc.
Dans une autre étude, Albulescu (2008b) teste la liaison entre la situation des
marchés des capitaux et la structure industrielle des économies des pays analysés. Etant donné
que les marchés émergents (Argentine, Brésil, Chine et Russie) ont fait preuve d’une
meilleure résistance à la crise, on s’attendait à ce que les secteurs industriels caractéristiques
pour les économies de ces pays soient moins affectés par la crise, tandis que les secteurs
industriels spécifiques pour les économies industrialisées (services financiers, automobiles,
banques, etc.) soient fortement affectés par la crise. Les résultats sont cependant ambigus. Le
secteur des ressources primaires n’a pas été très touché par le choc, mais l’industrie
automobile a sévèrement souffert, les résultats étant conformes aux prévisions initiales.
Pourtant, de l’autre côté, le secteur des télécommunications est un secteur bien développé
dans les pays industrialisés et fait partie des secteurs les moins affectés. Si, au niveau
européen, on prend en considération le cas particulier de la République Tchèque (un pays où
l’industrie automobile est développée), on observe que le marché de capital est le moins
affecté par la crise.
En conclusion, la crise a eu un impact négatif sur la majorité des marchés du
capital du monde entier et a continué à s’aggraver. Les causes de la propagation différenciée
sont difficiles à identifier et elles sont plutôt liées à la perception des investisseurs en ce qui
concerne la solidité des économies. L’effet mimétique a eu à son tour une contribution
importante. Une réponse possible serait le fait que l’impact de la crise des marchés du capital
a été étroitement lié à l’évolution antérieure des prix des actions (du boom spectaculaire des
prix).
Quelles sont les implications de la crise sur l’économie réelle ? Immédiatement
après le déclenchement de la crise des subprimes, les autorités étaient confiantes et pensaient

11
Malgré le fait que tous les prix des actions ont souffert de corrections majeures, au moins en Roumanie, ni le
marché du crédit, ni la croissance économique n’ont été affectés de façon négative dans la première partie de
2008, et cela aussi à cause de la dimension réduite du marché du capital dans l’ensemble du secteur financier.

70
qu’elle ne déclencherait pas de turbulences au niveau global. « Les fondamentaux
économiques restent robustes, les profits des compagnies, des banques et des institutions
financières sont considérables et les perspectives de croissance sont très favorables »
(Banque de France, 2007). Pourtant, comme nous l’avons vu, vers la fin 2007 les indicateurs
du climat économique mondial ont commencé à se détériorer. La Banque de Suède (2007)
considérait que les principales menaces viendraient du marché hypothécaire américain, tandis
que Noyer (2007) lançait des avertissements sur les restrictions quantitatives de crédits qui
allaient affecter le bilan des banques.
Quelques mois après le déclenchement des turbulences, les opinions concernant la
sortie de la crise étaient différentes. Buiter (2007) était convaincu que la situation reviendrait
à la normale dans la deuxième moitié de 2008. Les signaux de la stabilisation ont été donnés,
selon lui, par le fait que les banques étaient devenues conscientes par rapport aux risques
auxquels elles s’exposaient et par l’introduction dans le bilan des éléments à risque
enregistrés hors bilan jusqu’alors. Par exemple, HSBC a annoncé, le 26 novembre 2007, que
45 milliards dollars représentant surtout des créances hypothécaires seront réintroduits dans le
bilan. Un autre signal a été la faillite du super fonds Single Master Liquidity Enhancement
Conduit, détenu par les grandes banques américaines : Citigroup, JP Morgan Chase et Bank
of America.
Buiter (2007) considérait en même temps que l’orientation des capitaux
excédentaires des pays tels que la Russie, la Chine ou les pays du Golf vers les marchés
financiers affectés par la crise, mettrait fin aux déséquilibres (un exemple en ce sens a été
l’annonce de Citigroup d’augmenter son capital de 7,5 milliards dollars, grâce au fonds
souverain Abu Dhabi Investment Authority)12.
Cependant, d’autres observateurs anticipaient la situation inverse avec une
aggravation de la crise (Hidelbrand, 2008). Le GEAB (2008) considérait que l’économie
américaine entrerait en récession en 2008. Finalement, les prévisions pessimistes se sont
avérées pertinentes. L’apparition des turbulences sur les marchés des changes s’est manifestée
après la crise des marchés boursiers. Les prévisions liées à la croissance économique se sont
empirées et, de plus, les économies ont été confrontées à la récession. Les pressions
inflationnistes étaient élevées début 2008, mais une fois la crise économique installée, la
baisse de la consommation a inversé la tendance. Dans le contexte de la réduction des prix

12
Il faut mentionner que la prise du contrôle de grandes banques des pays industrialisés par les investisseurs des
pays émergents peut engendrer une modification des rapports diplomatiques et politiques au niveau mondial.

71
dans le secteur énergétique, le risque de déflation a menacé les économies, au moins pour une
certaine période.
Nous observons que les effets de la crise financière sur l’économie réelle se sont
fait sentir. Conformément aux analyses du FMI (2008), l’économie américaine a enregistré
une baisse significative de l’activité des petites entreprises et de la consommation, l’activité
économique dans l’Europe de l’Ouest est en régression et les indicateurs de confiance se sont
détériorés. Vers la fin 2008, l’économie américaine et les économies des pays de la zone euro
sont entrées officiellement en récession. Au début du novembre, deux autres banques
américaines (Franklin Bank et Security Pacific Bank) sont confrontées à la faillite.
Les perspectives de croissances des économies émergentes furent à leur tour
affectées par le phénomène de contagion, même si les fondamentaux économiques étaient
restés solides fin 2008. Les pays de l’Europe de l’Est n’ont pas été épargnés par la crise du
secteur réel. Ainsi, des pays comme l’Hongrie, l’Ukraine et plus tard la Roumanie et la Serbie
ont fait appel aux fonds du FMI.
L’impact de la crise financière sur l’économie de la Roumanie a été étudié par
Cerna (2008), pour qui la stabilité financière de la Roumanie n’a été affectée début 2008, ni
par le canal indirect, celui de l’impact sur l’économie réelle (croissance économique,
financement du déficit du compte courent, confiance des investisseurs), ni par le canal direct,
celui de l’impact sur le secteur bancaire et le secteur des marchés financiers13. Pourtant, les
corrections des prix des actions sur le marché boursier se trouvent parmi les plus
significatives de l’Europe. Selon Dima et al. (2008), les indices boursiers ont été très volatils
en Roumanie et le marché boursier a ressenti les effets de la crise internationale fin 2007.
On considère qu’au second semestre 2008, le niveau de stabilité financière de la
Roumanie a connu une détérioration provoquée par plusieurs facteurs. Premièrement, trois
banques internationales qui ont reçu un soutien financier pour dépasser la crise (Morgan
Stanley, Goldman Sachs et Barclay’s), ont spéculé sur les marchés de change dans les pays de
l’Europe de l’Est, y compris la Roumanie. Par conséquent, la BNR a été contrainte
d’intervenir sur le marché pour contrer ces attaques sur le leu. Parallèlement, l’agence de
rating S&P a abaissé les notations souveraines de la Roumanie, vers la catégorie
« subinvestement grade ». Une autre agence de rating (Fitch) a procédé de la même manière,

13
La BNR affirme pourtant que la stabilité financière de la Roumanie pourrait être affectée par les turbulences
sur les marchés internationaux par l’intermédiaire du canal indirect, respectivement par l’impact sur l’économie
réelle et sur la liquidité bancaire (BNR, 2008).

72
à cause du déficit du compte courant qui est assez élevé et à cause de l’augmentation de la
dette externe.
Le choc suivant a été représenté par le blocage du marché de crédit, comme
conséquence de la pénurie de liquidités et de nouvelles normes de la BNR concernant
l’activité de crédit. Le taux d’intérêt sur le marché interbancaire a augmenté à 50% dans
quelques jours à la fin du mois d’octobre et les banques commerciales ont cessé l’activité de
crédit, en pratiquant ultérieurement des taux d’intérêt très élevés. Cela a engendré une
contraction du volume du crédit et beaucoup d’entreprises ont réduit leur activité. Les
prévisions sur la situation économique et financière pour 2009 sont inquiétantes.
Comme conséquence de l’impact négatif des périodes de crise sur la stabilité
financière en particulier et sur l’économie en général, différentes mesures ont été proposées
pour réduire les effets négatifs des crises14. La majorité portait sur le contrôle des flux de
capital, pour empêcher la propagation du phénomène de contagion. Le renforcement de
l’activité de management du risque par une régulation et une surveillance adéquate du
système financier a été proposé comme une mesure alternative. D’autres mesures sont liées au
régime de change. Quelles que soient les décisions prises, elles ne peuvent pas éviter
l’apparition de crises à l’intérieur du système. Mais, cela ne signifie pas pour autant que les
effets négatifs des crises ne peuvent pas être réduits par des mesures appropriées.
Dans le contexte de la première crise financière du XXIème siècle, caractérisée par
des instruments ésotériques, une activité de régulation inefficiente et des investisseurs
nerveux, les autorités ont difficilement accepté l’existence de la crise et leur intervention a été
trop tardive et indécise (Reinhart et Rogoff, 2008). Cette crise a souligné encore une fois le
potentiel de propagation des chocs (spillover) sur les marchés financiers (de Rato, 2007).
Les coûts partiels enregistrés par les institutions bancaires ont été présentés par le
FMI (2008) dans le Rapport Global de Stabilité Financière. En mars 2008, ces coûts
atteignaient 80 milliards de dollars dans le cas des banques européennes et 95 milliards de
dollars dans le cas des banques américaines. Au niveau global, les coûts enregistrés par les
banques à la suite des turbulences financières étaient de 193 milliards de dollars et on estimait
à ce moment-là que les pertes causées par la crise atteindraient 288 milliards de dollars.
Le rapport de stabilité financière de la Banque d’Angleterre d’octobre 2008 a mis
en évidence que les pertes sur le marché des actifs (mark-to-market losses) étaient beaucoup

14
L’Annexe 1 présente les coûts des crises bancaires au niveau international dans la période 1977-1995 (Brealey
et al., 2001).

73
plus élevées que celles à la même période de l’année précédente (Banque d’Angleterre, 2008).
Ainsi, les pertes enregistrées par les institutions financières du Royaume-Uni atteignaient
122,6 milliards de £, tandis que les pertes des établissements financiers américains étaient de
1.577, 3 milliards de $, et celles de la zone euro s’élevaient à 784,6 milliards d’€.
Les banques centrales ont injecté des liquidités considérables sur le marché
monétaire pour stopper la propagation de la crise. Ces actions n’ont pas pour autant stoppé la
crise et ce pour deux raisons (Dăianu et Lungu, 2008). Premièrement, cette mesure ne vise pas
les racines du problème, c'est-à-dire la crainte liée à la dégradation de la situation financière
des banques. Deuxièmement, la liquidité n’est pas destinée aux participants du marché qui en
ont le plus grand besoin.
Compte tenu de tous ces aspects, nous considérons qu’il est nécessaire
d’entreprendre des actions fermes pour limiter les coûts des crises financières. Les autorités
de régulation et de surveillance ont un rôle à jouer dans la surveillance des activités
complexes des institutions bancaires et dans l’identification des établissements qui sont
finalement exposés aux risques financiers. D’autres mesures sont liées à la responsabilisation
des agences de rating dans la perspective des accords de Bâle II. Le rôle des banques
centrales est considérable en ce sens, la stabilité financière s’avérant un objectif tout aussi
important que la stabilité des prix. Cependant, une responsabilité tout à fait particulière reste
au sein des institutions financières internationales qui sont impliquées dans l’élaboration des
stratégies et des lignes directrices nécessaires pour assurer la stabilité financière.

1.1.3. Des actions entreprises au niveau mondial pour assurer la


stabilité financière systémique

L’élimination des sources d’instabilité n’exige pas un effort isolé, mais plutôt une
action commune de différents organismes impliqués dans ce processus. La séparation entre
les aspects nationaux et globaux de la stabilité financière doit être éliminée du fait des
menaces continues exercées par les phénomènes de contagion. La stabilité financière relève
de la responsabilité traditionnelle des banques centrales et des autorités de régulation et de
surveillance, mais cet objectif n’est être atteint sans une étroite coopération avec les
institutions qui ont des prérogatives dans ce domaine, au niveau international. La
collaboration entre les institutions et les structures existantes devient essentielle parce que la
stabilité du secteur financier en dépend de façon critique.

74
1.1.3.1. Le rôle du Fonds Monétaire International

Les objectifs initiaux du FMI, établis au moment de sa constitution (à Bretton -


Woods), étaient : la surveillance du système monétaire international existant à ce moment-là,
la promotion de la coopération monétaire internationale, la stimulation du développement du
commerce international, l’assurance de la stabilité des taux de change, le contrôle des
déséquilibres des balances des paiements et le renforcement de la crédibilité des états
membres par l’intermédiaire d’une assistance technique.
Suite aux crises financières des années 90, l’activité du Fonds a été étendue vers la
prévention et la résolution des crises financières (cette institution avait besoin d’une
« revitalisation » (Uzan, 1996)). La résolution des crises et la fonction de prêteur en dernier
ressort au niveau international ne sont pas clairement stipulées dans son statut. Malgré tout
cela, le Fonds a soutenu les économies des états en crise ayant en même temps un rôle dans la
coordination des actions liées à la sortie de la crise. « Le FMI n’assure pas seulement un
soutien financier temporaire, mais il soutient aussi l’application de mesures d’aide sociale
accordée en périodes difficiles » (Sahay, 2002).
La surveillance des politiques économiques et financières des états membres se
trouve à présent au centre de sa mission. L’efficience de cette activité réside dans la
dissémination des informations par les états membres, dans l’extension de l’aire de
surveillance, dans la croissance de la transparence et dans l’établissement des standards
communs pour la surveillance. Pour Cerna et al. (2005), la sphère et le rôle de la surveillance
du FMI ont été élargis, devenant un acteur pour aider les pays membres à atteindre deux
objectifs majeurs : la stabilité financière et une croissance économique durable.
Dans ce sens, des Programmes d’Evaluation du Secteur Financier (Financial
Sector Assessement Programs – FSAP) qui analysent la stabilité du secteur financier dans son
ensemble, ont été développés. Ces programmes sont destinés à détecter l’existence des
facteurs de vulnérabilité et à évaluer la résistance du système financier à des chocs potentiels.
Les évolutions des indicateurs macroéconomiques sont aussi surveillées et les risques
potentiels sont identifiés15.
Pour faciliter ce processus, le FMI avec la Banque Mondiale et la Banque
Européenne de Reconstruction et Développement, ont défini un ensemble d’indicateurs de

15
Feldman et Watson (2002) notent que les Programmes d’Evaluation du Système Financier élaborés par le FMI
fournissent des informations sur le développement du système financier et sur les résultats macroéconomiques
des états membres.

75
solidité financière (Financial Soundness Indicators – FSI), qui prennent en considération
l’adéquation du capital, la sensibilité au risque de marché, la qualité des actifs, les revenus, le
profit et la liquidité des institutions bancaires. Le Fonds encourage en même temps la
constitution d’un ensemble d’indicateurs qui puissent offrir des informations sur les autres
institutions financières ou non financières, mais aussi sur l’activité des ménages et des
marchés immobiliers.
Le Fonds pratique aussi une activité de surveillance des marchés financiers au
niveau global. Les évolutions macroéconomiques au niveau mondial et les principales sources
de vulnérabilité, surtout dans les pays émergents, sont analysées par l’intermédiaire des
rapports globaux de stabilité financière (Global Financial Stability Reports). En conformité
avec un nouvel courant de pensée, l’activité de surveillance du FMI devrait s’intensifier. Cette
idée a été reprise après le déclenchement de la crise financière et économique mondiale.
Ainsi, beaucoup considèrent que le Fonds doit jouer le rôle d’une institution internationale de
surveillance, dans le cadre d’une nouvelle architecture financière mondiale.

1.1.3.2. La Banque des Règlements Internationaux

A côté du FMI, la Banque des Règlements Internationaux (BRI) est l’une des
institutions qui jouent un rôle important dans la surveillance prudentielle internationale. Selon
la BRI, la stabilité financière est fondée sur la politique macroéconomique et la transparence,
sur la régulation et la surveillance financière et sur l’infrastructure institutionnelle et celle du
marché.

Figure 17 : Les piliers de la stabilité financière

La stabilité financière

Politique macroéconomique Régulation et surveillance Infrastructure institutionnelle


et transparence des données financière et infrastructure du marché

Source : Bieri (2004)

La Banque a son siège à Bâle (Suisse) et, à l’aide du Comité de Bâle, elle a mis en
œuvre un processus destiné à assurer la solidité du système financier international, ainsi que
sa stabilité. Il y a quatre grands comités qui se trouvent au centre du Processus de Bâle et qui
constituent ses composantes:

76
- Le Comité de Bâle responsable pour la surveillance bancaire (BCBS), s’occupe
de la régulation des activités des banques commerciales.
- Le Comité pour le Système Financier Global (CGFS) émet des standards liés aux
échanges internationaux et aux marchés financiers.
- Le Comité pour le Système de paiements et règlements (CPSS) se concentre sur
l’infrastructure du marché, surveille et analyse le développement des systèmes internes et
internationaux de paiements, des régulations et des compensations.
- L’Association internationale de surveillance des assurances (IAIS) s’occupe de
différents aspects de la surveillance des compagnies d’assurances pour assurer la stabilité
financière.
Bieri (2004) considère que le Processus de Bâle représente un élément clé du
système financier global et qu’il joue un rôle important dans la coordination des efforts
multilatéraux de différents comités pour seulement favoriser la croissance et le maintien de la
stabilité financière. La globalisation des marchés financiers suppose pourtant une étroite
collaboration entre les éléments du Processus de Bâle, responsable pour le fonctionnement
global et la stabilité du système financier. La BRI et le BCBS ont créé ensemble l’Institut de
Stabilité Financière (ISF) chargé de promouvoir la collaboration entre les surveillants.
Toujours dans le cadre de la BRI, sont organisées des réunions sur des questions
financières du Groupe des dix (G10), organisme dont le but est de surveiller le phénomène de
concentration de l’activité financière au niveau mondial, mais aussi d’examiner le processus
de restructuration financière, la conduite des politiques monétaires, la concurrence et le flux
des crédits.
Le Forum de Stabilité Financière (constitué par les ministres des finances et les
gouverneurs des banques centrales de G7) a été créé en 1999, pour promouvoir la stabilité
financière internationale par l’intensification des échanges d’informations et par la
collaboration en ce qui concerne la surveillance. Le FMI, à côté de la BRI, est membre du
Forum qui établit un rapport annuel sur le stade des travaux entrepris dans le secteur de
l’identification des risques financiers, de l’évaluation de la transparence et de l’efficacité de
l’activité de régulation et de surveillance, mais aussi dans des secteurs qui portent sur la lutte
contre le blanchissement de l’argent et contre le financement du terrorisme. Ces rapports sont
intitulés « Ongoing and Recent Work Relevant to Sound Financial Systems ».

77
1.1.3.3. La Banque Centrale Européenne

La Banque Centrale Européenne (BCE) n’a pas d’objectifs statutaires dans le


domaine de la stabilité financière, à l’exception de la surveillance des systèmes de paiements.
Son rôle dans le secteur de la régulation et de la surveillance financière se limite à la réception
et à la transmission, dans le cadre du Système Européen des Banques Centrales (SEBC), des
informations collectées par les comités sectoriels de régulation et de surveillance au niveau
central.
Les opinions sur la nécessité d’impliquer la BCE dans l’activité de régulation et de
surveillance du système financier, qui est à présent menée au niveau national, diffèrent.
Tandis que la Banque de France (2002a) considère que les informations, obtenues par la BCE
au cours de ses missions de surveillance des systèmes de paiements et des marchés
monétaires, sont suffisantes pour détecter les difficultés des banques en ce qui concerne leur
trésorerie et pour établir le besoin de liquidité, Tordjman (2004) soutient que la BCE ne doit
pas s’exiler du processus de régulation et de surveillance macro prudentielle, d’autant plus
que les perturbations systémiques ont de plus en plus d’implications internationales. « Dans
une logique de vulnérabilité collective, le risque systémique n’a pas des frontières nationales,
en particulier en Europe ». En d’autres mots, la stabilité systémique ne peut pas s’obtenir
sans le soutien actif de la BCE.
Goodhart (2004) a une opinion plus nuancée et il propose d’encourager la BCE à
adopter un rôle d’arbitre pour résoudre les crises financières. Il considère qu’il est très
important de partager de façon adéquate le fardeau d’un grave déséquilibre et que la BCE
devrait exercer une persuasion morale sur les banques du système (moral persuasion). Cette
direction est, selon lui, plus profitable que tout autre effort continu pour centraliser la
surveillance bancaire. Il faut aussi avoir une meilleure appréciation de l’étroite relation entre
les politiques fiscales et la gestion des crises financières.
La BCE est impliquée dans la surveillance de la situation financière des pays de la
zone euro, en élaborant des études biannuelles sur la stabilité financière, sous la forme d’une
revue de stabilité financière. De différents aspects qui tiennent à l’évolution des indicateurs
macroéconomiques, à la situation des systèmes financiers et aux principaux défis pour la
stabilité financière sont analysés dans ces études. Par ses opérations d’open-market, la BCE
contribue aussi à la stabilité financière, en injectant des liquidités dans le marché.

78
1.1.4. Les conditions particulières imposées par l’intégration dans
l’UE

L’adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne a de nombreuses implications


sur la stabilité financière. Premièrement, cette démarche détermine une intensification du
commerce avec les Etats de l’Union, fait qui a généralement des implications négatives sur la
balance du compte courant des pays en transition comme la Roumanie. Le déficit du compte
courant peut aussi se creuser avec une diminution de la demande externe (phénomène
enregistré au second semestre 2008, lorsque les destinataires des exportations roumaines tels
la France et l’Allemagne, sont entrés en récession)16. Ce déséquilibre traduit une plus grande
vulnérabilité financière du pays. Une intensification du commerce implique aussi des
pressions supplémentaires sur la volatilité du taux de change. Evidemment, la croissance des
échanges commerciaux présente pourtant de nombreux effets positifs, mais leur énumération
ne fait pas l’objet de cette étude.
En revenant aux échanges commerciaux (importations et exportations) que la
Roumanie réalise avec les autres états, on peut observer qu’ils progressent, et le pourcentage
des échanges commerciaux avec les partenaires de l’UE se maintiennent à un niveau
relativement constant, représentant 70% du total (Figure 18).

Figure 18 : Echanges commerciaux de la Roumanie (mld. EUR)


Importations Exportations
40 25

35
20
30

25
15
provenant de l'UE vers l'UE
20
en dehors de l'UE en dehors de l'UE
15 10

10
5
5

0 0
99

00

01

02

03

04

05

06

07

99

00

01

02

03

04

05

06

07
19

20

20

20

20

20

20

20

20

19

20

20

20

20

20

20

20

20

Source : Base de données Eurostat

16
Cette hypothèse théorique n’a cependant pas été validée en pratique. Même si la situation des partenaires
commerciaux s’est détériorée, la réduction de la demande externe n’a pas été visible car les exportations
roumaines ont augmenté de plus de 38%, selon l’Institut National de Statistique, au mois de juillet 2008 par
rapport au même mois de l’année précédente, une croissance plus importante que celle des importations, 30%.
La tendance au rééquilibrage de la balance commerciale est apparue avec la dépréciation de la monnaie
domestique et des mesures restrictives de politique monétaire prises par la BNR tout au long de 2008. Toutefois,
la contraction des exportations se fait ressentir vers la fin de 2008.

79
Une deuxième observation porte l’augmentation tendancielle des importations,
plus accentuée que celle des exportations, ce qui traduit une compétitivité réduite par rapport
aux partenaires commerciaux, même si la situation semblait commencer à s’équilibrer en
2008.
Deuxièmement, l’accession de la Roumanie à l’UE s’est traduite par un flux
important d’investissements directs étrangers. Ceux-ci enregistrent une croissance
exponentielle d’un milliard d’euros environ en 2003 à plus de neuf milliards en 2006 (Figure
19, échelle droite). Les flux nets d’IDE provenant de l’extérieur de l’Europe vers la Roumanie
restent modestes et n’enregistrent pas d’intensifications sur la période analysée.

Figure 19 : Les flux nets des IDE vers la Roumanie (mil. EUR)
800 10000

700 9000

600 8000
7000
500
6000
400
5000
300
4000
200
3000
100 2000
0 1000
-100 0
2003 2004 2005 2006

Afrique Amérique Asie Europe

Source : Base de données Eurostat

La croissance des IDE réalisés par les pays partenaires montre une intensification
des liaisons de production, commerciales et financières entre la Roumanie et ces pays. Du
point de vue de la stabilité financière, il est important d’analyser le degré du financement du
déficit de compte courant par l’intermédiaire des IDE. Un décalage important indique des
pressions futures sur le taux de change.
La croissance des IDE dans le secteur financier a été déterminée surtout par la
pénétration des banques étrangères et de leurs succursales en Roumanie. Selon une étude de la
BNR, le capital étranger dans le secteur bancaire représente, en 2007, environ 75% du total
(Georgescu, 2007). Presque 84% de l’actionnariat des banques à capital majoritaire étranger
provient de l’UE (Figure 20). Seules 4 des 29 banques du système ont des actionnaires
majoritaires provenant hors de l’Union. De nombreux investisseurs sont grecs. En ce qui
concerne les succursales des banques étrangères, toutes sont des succursales de banques
européennes

80
Figure 20 : L’actionnariat majoritaire des banques en Roumanie (nombre des banques)

8
7
6
5
4
3
2
1
0

se

is
d
n
s

n
is
n
ec

is
ai

ie

ie

an
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lie

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sa
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rtu
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ra

ér
fra

tri

le
ho
ro
la

po
am
is

éc
au

al
er

Source : le site des banques commerciales (la liste des banques est fournie par la BNR)

L’analyse de la structure de l’actionnariat étranger est importante du point de vue


de l’activité de régulation et de surveillance. L’autorité de régulation et de surveillance de la
Roumanie (la BNR pour le système bancaire) doit coopérer et doit conclure des accords en
particulier avec les autorités de régulation des pays tels la Grèce, l’Autriche et l’Italie. Ces
accords portent généralement sur l’échange d’informations, les procédures appliquées pour
gérer la crise, etc. Un autre aspect important est la législation au niveau de l’UE qui a
encouragé l’élimination des frontières entre différents secteurs financiers et l’augmentation de
la compétitivité au sein de l’UE. Dans ce contexte, une banque autorisée à exercer dans un
état membre peut aussi développer son activité en Roumanie.
Conformément à la législation européenne (l’acquis communautaire), les états
membres de l’UE sont obligés d’éliminer les restrictions de la législation nationale liées aux
mouvements de capitaux. La Roumanie a totalement libéralisé les mouvements de capitaux en
septembre 2006, pendant le processus d’adhésion à l’UE. De cette façon, la Roumanie a
honoré les engagements et les exigences qu’elle avait acceptés lors de négociations portant sur
le chapitre « la libre circulation des capitaux ».
Les étapes de la libéralisation des flux de capitaux ont été les suivantes:
- 1998 : opérations de compte courant (recommandation du FMI)
- 1999 : entrées de capitaux à moyen et long terme
- 2001-2002 : flux de capitaux à impact réduit sur l’économie réelle
- 2005-2006 : flux de capitaux à impact réduit sur la balance des paiements
- septembre 2006 : convertibilité complète de la monnaie domestique.
Compte tenu de l’impact négatif que la libéralisation du compte de capital a
parfois eu sur les économies émergentes (le déclenchement de certaines crises financières),

81
cette démarche a représenté un défi pour les autorités. Suite à la libéralisation, les transactions
en devises ont connu une croissance significative et le degré d’ouverture de l’économie
commence à son tour à augmenter. Après l’adhésion à l’UE, les risques pour la stabilité
financière de l’économie roumaine n’ont pas été éliminés, mais ils ont changé de nature.

1.2. La définition du concept de stabilité financière

La problématique de la stabilité financière n’est pas une question nouvelle, mais


elle est devenue une des préoccupations principales des autorités financières, surtout après les
crises financières successives d’Asie et d’Amérique Latine des années 90. L’analyse de la
stabilité financière a reçu de nouvelles dimensions dans le contexte de la croissance des
interdépendances entre les marchés et les institutions (aussi bien financières que non
financières), de l’apparition de nouvelles techniques et instruments financiers, de la
constitution des groupes financiers et non financiers et de l’intensification des flux
internationaux de capitaux.
La stabilité du système financier traduit une situation où le système est
suffisamment robuste face aux perturbations de l’économie en étant capable de servir comme
médiateur pour le financement, de gérer les paiements et de redistribuer les risques d’une
manière satisfaisante. Cependant, jusqu’à présent, aucune définition précise n’est totalement
acceptée.
Dans cette section, on se propose d’identifier les éléments qui doivent être pris en
considération pour définir la stabilité financière et établir les types de mesures qui doivent être
entreprises par les autorités pour assurer la stabilité financière.

1.2.1. La notion de stabilité dans d’autres secteurs scientifiques

Le terme de « stabilité » ne caractérise pas seulement les finances et ne représente


pas un terme exclusivement économique. Allen et Wood (2006) réalisent une comparaison
entre le domaine financier et la physique pour caractériser la stabilité d’un système. Dans la
physique, la stabilité est considérée comme une propriété du système et non pas comme un
état permanent. Un système est stable en un certain point, s’il revient à l’équilibre après de
petites perturbations. Un système peut revenir ou pas à l’équilibre (on le considère dans ce cas
instable en certains points ou instable face à certaines perturbations). Si le système n’est pas

82
linéaire, il peut réagir différemment face à des perturbations de dimensions différentes. Un
système peut être instable face à de petites perturbations, mais une fois que ces perturbations
atteignent un certain niveau, il y des forces qui interviennent et qui amortissent les chocs, et le
système revient à l’équilibre. On rencontre aussi la situation inverse où le système ne réagit
pas à de petits chocs, mais il devient instable quand il ressent des chocs importants. On
observe avec cette définition la liaison entre la notion de stabilité et celle d’équilibre.
La stabilité représente un terme souvent rencontré en politique. Lemco (1991),
dans son livre « Political Stability in Federal Governements » donne une définition de la
stabilité politique, et admet qu’il n’y a pas, même dans ce cas, une définition acceptée par tout
le monde. Il arrive à une définition de la stabilité politique après avoir analysé les processus
nationaux qui mettent ce phénomène en danger. Il définit la stabilité politique à long terme
comme une situation où les protestations collectives violentes restent limitées, alors qu’il
associe la stabilité politique à court terme avec la préservation des fonctions des gouvernants.
La stabilité économique (ou macroéconomique) fait référence à un état de
l’économie qui est associé à un taux d’inflation et de chômage bas, à une volatilité réduite du
prix des actifs et du taux de change, qui attire les investissements en diminuant l’incertitude et
qui contribue à la croissance économique et à l’amélioration du niveau de vie. On observe que
cette notion inclut la stabilité aussi bien monétaire que financière, éléments qui deviennent
des conditions nécessaires pour son accomplissement17.
La stabilité monétaire est habituellement associée à la stabilité des prix et
représente la situation où on enregistre ni phénomène inflationniste, ni un phénomène
déflationniste significatifs, qui pourrait à son tour causer des déséquilibres. Foot (2003)
définit la stabilité monétaire comme « la stabilité de la valeur de la monnaie ».
La stabilité financière systémique fait référence à la stabilité du système entier et
elle diffère de la stabilité financière d’un établissement individuel ou de la stabilité d’un actif,
qui se traduit par la continuité et la sécurité dont jouit cet actif par rapport aux autres actifs sur
le marché. Selon la Banque Nationale d’Autriche, la stabilité financière représente un
instrument préliminaire pour une croissance efficace de l’économie. Une caractéristique d’un
système financier stable est le fait qu’il amortit les chocs plutôt qu’il ne les amplifie.
Même si définir la stabilité financière semble un exercice simple, aucun consensus
n’apparaît. De nombreux analystes associent le terme à l’absence d’instabilité ou à un

17
« La stabilité financière est devenue une composante extrêmement importante pour la stabilité
macroéconomique, parce que les flux de capitaux exploitent les vulnérabilités du système financier pour
sanctionner promptement les erreurs ou les inconsistances de la politique économique » (Isărescu, 2007).

83
déséquilibre financier, ce qui n’est pas tout à fait satisfaisant. C’est pourquoi il faut présenter
les facteurs qui caractérisent le phénomène pour pouvoir lui donner une définition correcte.

1.2.2. Des éléments qui doivent être pris en considération pour


définir la stabilité financière

Il faut mentionner d’abord que la notion de stabilité financière systémique diffère


de celle d’équilibre du système financier. La stabilité financière représente un concept
dynamique et continu, tandis que l’équilibre financier n’est pas un phénomène continu (cet
équilibre est atteint pour une courte période de temps)18. Le déséquilibre est la situation qui
caractérise l’économie, y compris le système financier, parce que pour passer d’un point
d’équilibre dynamique à un autre, il faut traverser une situation de déséquilibre. Ces
déséquilibres ne doivent pas être à leur tour associés avec la notion d’instabilité financière –
qui est considérée comme l’opposé de la stabilité – à l’exception de la situation où le système
financier ne se dirige pas vers un nouveau point d’équilibre et le déséquilibre se prolonge,
pouvant dégénérer dans une crise financière.
Le problème qui apparaît est la gestion de ces déséquilibres pour arriver, le plus
rapidement possible et à moindres coûts, à un nouveau point d’équilibre dynamique du
système financier19. On considère que la période où les déséquilibres sont gérés de façon
correcte et efficace représente une situation de stabilité financière. Lorsque les déséquilibres
au sein du système ne sont pas gérés de manière appropriée, on se trouve dans une situation
caractérisée par l’absence de la stabilité. La stabilité financière apparaît ainsi comme une
condition nécessaire, mais non pas suffisante, pour atteindre l’équilibre financier,
l’affirmation n’étant pas valable en sens inverse.
La délimitation des situations de stabilité, d’instabilité et de crise peut être faite par
des évaluations empiriques (aux résultats contestables), mais surtout par le type d’actions
menées par les autorités et par les institutions pour ramener le système dans une nouvelle

18
Schinasi (2004, 2005) – « Le concept de stabilité financière ne se réfère pas à une seule position stable ou à
une certaine trajectoire dans le temps, à laquelle le système financier revient après un choc, mais plutôt à un but
ou à un phénomène continu ».
19
Outre, la notion d’équilibre dynamique, il y a aussi la notion d’équilibre statique. Par rapport à l’économie et
aux finances, celui-ci peut être atteint seulement ex-post, par des données comptables qui « équilibrent » les
phénomènes. Le défi est la détermination d’un équilibre ex-ante qui, dans notre cas, correspond à une situation
de « pure » stabilité financière. Cerna (1994) parle aussi d’une variante distincte de l’équilibre statique –
l’équilibre statique comparatif – situation où on définit les conditions d’équilibre du début et de la fin de la
période où se produit le rétablissement de l’équilibre, quelle que soit la cause de la perturbation.

84
situation d’équilibre (Figure 21). Dans le cadre du couloir de stabilité financière, les mesures
prises par les autorités pour rééquilibrer la situation et pour éliminer les effets négatifs des
chocs sont des mesures préventives. Les systèmes financiers sont la plupart du temps stables.
La situation d’instabilité ou de turbulence intervient lorsqu’un choc de grande ampleur
déstabilise le système financier. Dans ce cas, les mesures prises par les autorités sont de
mesures de correction. La crise représente un cas extrême de l’instabilité, lorsque les chocs se
multiplient et lorsqu’un blocage se produit dans le fonctionnement du système. Cela arrive
surtout au moment où les mesures préventives et correctives n’ont pas mené aux résultats
préconisés. Nous devons souligner le fait que le système financier peut très rapidement passer
de la stabilité à la crise, en particulier lorsqu’il s’agit d’un choc exogène important.

Figure 21 : Le couloir de stabilité du système financier

Le premier Le deuxième point


Equilibre financier
point d’équilibre d’équilibre

Couloir de stabilité financière


1
Zone 1
2
Couloir d’instabilité financière
3
Zone 22
Zona

Crise financière
Situation de
crise financière
le trajet du système financier Zona 3
Zone
1 – choc habituel
2 – choc puissant
3 – plusieurs chocs importants
Zone 1: mesures préventives
Zone 2: mesures de correction
Zone 3: mesures drastiques, de restructuration

Source : l’auteur

L’instabilité financière est souvent confondue avec la notion de fragilité ou


vulnérabilité. Personnellement, nous considérons que tout système (stable, instable ou en
crise) se caractérise par un certain degré de fragilité et vulnérabilité. Au cours des périodes de
stabilité financière, la fragilité et la vulnérabilité du système sont réduites. En littérature, la
délimitation entre les termes fragilité et vulnérabilité n’est pas tout à fait claire (Călin, 2004).
Néanmoins, les études considèrent généralement que la fragilité porte sur les risques

85
endogènes du système et la vulnérabilité se manifeste vis-à-vis des facteurs exogènes de
risque et est regardée comme une vulnérabilité externe.
Au-delà de la distinction entre la délimitation de ces notions apparentées, il est
important d’analyser les éléments qui caractérisent la stabilité financière systémique pour
pouvoir lui donner une définition correcte : sa nature de bien public, sa caractéristique qui
implique des actions transparentes, son aspect micro et macro financier, l’importance du
secteur bancaire mais aussi celle des autres composantes du système financier ainsi que la
libéralisation des flux de capitaux et la modification de la nature des risques financiers.
La stabilité financière systémique est tout d’abord un objectif de la politique
publique qui détermine le bien-être public. Les établissements publics empruntent sur le
marché, limitent les risques et agissent par l’intermédiaire du marché pour mettre en pratique
la politique monétaire, pour maintenir la stabilité monétaire et un système opérationnel de
paiements et de compensation. Plus d’établissements publics dont les rôles et les objectifs
sont bien établis, doivent contribuer à l’assurance de la stabilité financière. La stabilité
financière est dans ce contexte un bien public (Cerna et al., 2008).
Etant un bien public, les actions des autorités doivent être transparentes. Même si
la transparence doit représenter une caractéristique de la définition de la stabilité financière,
ce phénomène n’est pas tout à fait observable, parce qu’il n’est pas possible d’anticiper
exactement la réaction d’une économie à différents chocs (Allen et Wood, 2006).
La stabilité financière fait référence aussi bien à la stabilité du chaque
établissement financier qu’aux relations qui s’établissent entre ces institutions. Un système
financier peut être stable même si une ou plusieurs institutions se trouvent en difficulté et en
même temps il peut devenir instable même si ces établissements ne se confrontent pas à des
déséquilibres individuels majeurs. Pourtant, il est moins probable qu’un système qui englobe
quelques établissements importants qui ressentent des déséquilibres restera stable. Schinasi
(2005) affirme qu’un déséquilibre dans le cadre d’une des composantes du système peut
mettre en danger la stabilité du système financier entier. Néanmoins, si le système fonctionne
suffisamment bien pour exercer ses fonctions, un problème individuel ne représente pas
nécessairement une menace pour la stabilité globale. La définition de la stabilité financière
doit ainsi tenir compte du fait qu’un changement quelconque de l’environnement ne constitue
pas obligatoirement une source d’instabilité.
Certains auteurs associent la stabilité financière à la situation des établissements
financiers (Foot, 2003), tandis qu’Allen et Wood (2006) considèrent que l’instabilité des
établissements financiers est seulement un exemple important qui affecte la stabilité

86
financière systémique, mais on ne peut pas tout réduire à cet élément. La stabilité financière
ne fait pas référence seulement à la possibilité d’un effondrement des établissements
financiers, mais aussi des autres compagnies.
L’importance des banques dans le système financier, surtout pour les pays en
transition, ne doit pas être négligée. En étant la plus importante catégorie d’intermédiaires
financiers du système, leur fragilité peut déstabiliser le système financier entier. Lorsqu’on
décide de soutenir certaines institutions bancaires en difficulté, pour éviter une crise bancaire,
on se confronte au problème du hasard moral. Feldman et Watson (2002) soulignent le fait
que le soutien accordé aux banques faibles peut conduire à la prévention des perturbations
macroéconomiques, mais l’assistance doit être accordée pour éviter les problèmes récurrents
et pour éviter le hasard moral.
La stabilité et l’efficacité du système financier nécessitent un état approprié de
toutes ses composantes. Les banques restent certainement le canal principal de mobilisation
des économies internes et de financement des investissements, surtout dans les pays en
transition, mais il y a d’autres secteurs financiers, comme par exemple les assurances qui
jouent un rôle important pour la stabilité du système financier. L’analyse de la problématique
de la stabilité du secteur des assurances est nécessaire à cause des évolutions conjoncturelles
et des évolutions structurelles de ce secteur et à cause de la capacité collective du secteur à
réagir face aux crises financières. En même temps, l’élimination des déficiences futures des
sociétés d’assurances contribue à renforcer la solidité du secteur financier.
Trainar (2004) soutient que le rôle du secteur des assurances pour la stabilité
financière est important du fait de la complexité des conglomérats financiers. Les risques sont
transférés du secteur bancaire vers le secteur des assurances et des réassurances. Même si on
ne connaît pas dans l’histoire des faillites des sociétés d’assurances qui ont mené à une crise
macroéconomique, la régulation appropriée de ce secteur est importante en raison de leur
capacité à absorber les chocs.
Les interactions entre le marché du capital et le secteur bancaire augmentent de
façon continue. On voit apparaître le besoin d’une coordination attentive dans la surveillance
de cet aspect compte tenu du fait que les banques peuvent être affectées par les crises nées sur
le marché des titres et inversement. Les actifs sur le marché dd capital sont extrêmement
volatils, fait qui conduit aussi à des vulnérabilités dans les autres composantes du secteur
financier. Selon Mishkin (1997), le déclin du marché du capital joue un rôle important pour
l’instabilité financière, en engendrant une baisse de la valeur des firmes sur le marché, fait qui

87
équivaut à un déclin de la valeur des actifs. On a donc besoin d’une régulation et d’une
surveillance stricte de ces marchés.
La stabilité de toutes les composantes du système financier devient un enjeu
important dans le contexte de libéralisation des systèmes financiers. Le phénomène de
globalisation détermine l’intensification des pressions compétitives, situation qui cause un
comportement risqué de l’industrie des services financiers (Tůma, 2006). La dérégulation et la
libéralisation sont caractéristiques pour beaucoup de systèmes financiers et elles doivent être
prises en considération pour définir la stabilité (Goodhart, 2004).
La Banque Nationale d’Autriche (2005), avant de définir la stabilité financière,
analyse les risques auxquels le système financier est confronté. L’identification des risques
pour la stabilité financière systémique, « composante d’une intégration internationale du
secteur financier domestique », suppose la connaissance des informations exactes sur les pays
par rapport auxquels les établissements financiers domestiques sont exposés.
L’asymétrie d’informations représente un autre élément important qui doit être
analysé avant d’essayer de définir la stabilité financière. A côté de ses manifestations les plus
connues, le hasard moral et la sélection adverse, on voit aussi apparaître le problème du
passager clandestin (free-rider)20, qui caractérise surtout le marché du capital (Mishkin,
1997).
Allen et Wood (2006) identifient les possibles caractéristiques de la stabilité
financière ou de l’instabilité financière : la crainte que les moyens de paiement peuvent
devenir indisponibles à n’importe quel prix, l’allocation efficiente des épargnes pour les
opportunités d’investissement, l’implication des établissements financiers et des autres
institutions, la stabilité des prix des actifs et la déviation du plan optimal d’épargne–
investissement.
Une ample étude qui porte sur la modalité de définir la stabilité financière, a été
réalisée par Schinasi (2004). Il établit cinq principes clés qui doivent être pris en
considération dans la définition de la stabilité financière.

20
Les agents qui ne dépensent pas leurs ressources pour collecter l’information, tirent profit du fait que d’autres
personnes qui détiennent l’information la rendent publique. Si ceux qui disposent de l’information prennent
certaines décisions, le marché les suit. Ceux qui détiennent l’information vont de cette façon partager le profit
avec les spéculateurs et n’auront plus les ressources nécessaires pour collecter des informations véridiques. Cela
mène à une sélection adverse (à cause de la quantité réduite d’informations) et au hasard moral (ceux qui ont des
informations y renoncent parce qu’ils voient que les autres prennent des décisions correctes même s’ils ne
dépensent pas de ressources pour obtenir ces informations).

88
1) La stabilité financière représente un concept large, qui intègre différents aspects du système
financier : l’infrastructure, les établissements et les marchés.
2) La stabilité financière n’implique pas seulement l’allocation des ressources par les
finances, la gestion des risques, la mobilisation de l’épargne et l’allégement de l’accumulation
du bien-être, le développement et la croissance, mais aussi un fonctionnement approprié du
système de paiements.
3) La notion de stabilité financière est liée non seulement à l’absence des crises financières
actuelles, mais aussi à l’habilité du système financier à limiter les déséquilibres par
l’intermédiaire d’un mécanisme d’autocorrection, avant qu’ils ne deviennent des menaces
pour le processus économique.
4) La stabilité financière doit être analysée en fonction des implications potentielles sur
l’économie réelle. Les turbulences des marchés financiers ou celles des établissements
financiers individuels doivent être considérées comme des menaces possibles pour la stabilité
financière si elles affectent l’économie réelle. La volatilité et les turbulences peuvent être
causées par la concurrence ou par l’utilisation de nouvelles informations, qui sont bienvenues
dans un contexte où il n’y a pas de contagion et d’effets systémiques.
5) La stabilité peut être analysée lorsqu’elle représente un phénomène continu. Le maintien de
la stabilité financière ne demande pas nécessairement que chaque partie du système financier
fonctionne de façon pertinente, répondant aux exigences maximales.
En considérant tous ces aspects, on peut noter que la définition de la notion de
stabilité financière est complexe et difficile à cause de la multitude d’éléments qui doivent
être pris en considération. Toujours aussi importantes sont les conditions préalables
nécessaires pour permettre un système financier robuste et stable, comme par exemple, la
stabilité macroéconomique, une stratégie adéquate pour la régulation et la surveillance
financière et un environnement politique favorable à la stabilité.

1.2.3. Les modalités permettant de définir la stabilité financière

Tout en partant des éléments énoncés dans la section précédente, on rencontre


dans la littérature différentes manières de définir la stabilité financière. Il y a aussi bien des
définitions basées sur l’énumération des caractéristiques de la stabilité financière, que des
définitions qui abordent de façon directe la notion, sans couvrir pourtant tous ses aspects. La
stabilité est souvent définie par l’absence d’instabilité, quelques auteurs considérant qu’il est

89
plus facile d’identifier les éléments d’instabilité financière. On parle dans ce cas d’une
définition de la stabilité de manière « négative »21. Une autre cause de l’élargissement du
spectre des définitions de la stabilité financière est le manque d’une démarcation claire entre
les concepts de stabilité, instabilité et crise.
Quant à la stabilité monétaire, un consensus sur sa définition n’a pas toujours
existé. La définition de la stabilité monétaire a évolué au cours des dix dernières années et
touche à des notions variées, partant de la stabilité de la valeur (anticipée) de la monnaie et
allant jusqu’à la stabilité des prix ou même des niveaux bas d’inflation (Bieri, 2004).
L’histoire de la stabilité financière est en quelque sorte différente parce qu’elle représente un
processus complexe ; il paraît y avoir un consensus seulement lorsqu’on parle de la stabilité
financière comme d’une « bonne chose », ou lorsqu’on annonce le fait que l’instabilité est
absente.
Un premier ensemble de définitions porte de façon directe sur les caractéristiques
du phénomène. Par exemple, Foot (2003) associe à la stabilité financière certains éléments de
la stabilité macroéconomique. Selon lui, il y a stabilité financière lorsqu’il y a stabilité
monétaire, un taux de chômage proche du taux naturel, une confiance dans les marchés et
dans les établissements financiers clés et lorsqu’il n’y a pas de variation des prix des actifs
réels ou financiers qui conduise à une augmentation du taux d’inflation ou du taux de
chômage.
La Banque Centrale de Norvège évite de donner une définition claire de la stabilité
financière mais elle souligne les conditions qui sont nécessaires pour l’assurer. On peut
compter parmi ces conditions la stabilité du secteur bancaire et des systèmes de paiements.
Cette institution considère aussi que la stabilité de l’économie internationale représente une
condition préliminaire pour assurer la stabilité financière.
Un deuxième ensemble de définitions de la stabilité financière fait référence
directe au concept de stabilité. On parle dans ce cas de définitions plus simples (données par
la Banque Centrale de Suède et d’Autriche) mais aussi de définitions complexes, comme sont
celles de Patat (2000) et de Schinasi (2005).
Selon la Banque Centrale de Suède, la stabilité financière est rendue par la
prévention du risque par les banques (Jacobson et al., 2001). La Banque Centrale d’Autriche
définit à son tour la stabilité financière comme la situation dans laquelle les marchés

21
En général, on considère qu’un système financier stable facilite l’amélioration des performances économiques,
tandis qu’un système instable empêche le développement économique.

90
financiers accomplissent leurs fonctions d’allocation des ressources, d’une manière
satisfaisante, même si des chocs apparaissent dans le système.
La stabilité financière ne porte pas seulement sur les risques bancaires. De plus, un
système financier peut être instable même si les ressources sont allouées de manière
satisfaisante. Dans ces conditions, Patat (2000) considère ce concept multidimensionnel
comme une situation dans laquelle le fonctionnement de différentes composantes du système
financier, et surtout les relations réciproques, s’effectuent d’une façon saine, sans
perturbations brutales. La stabilité financière peut être aussi définie comme une situation dans
laquelle le secteur financier fonctionne sans discontinuités, permettant une allocation
efficiente des ressources et montrant une capacité de résistance adéquate et durable devant les
chocs potentiels. Une autre définition semblable est donnée par Schinasi (2004) : « Un
système financier est stable s’il est capable de faciliter (et non pas d’empêcher) les
performances de l’économie, et d’éloigner les déséquilibres financiers qui apparaissent au
sein du système, comme résultat des événements adverses et imprévus ». Le gouverneur de la
BNR s’inscrit dans la même direction de pensée lorsqu’il définit « la stabilité financière
comme la situation où le système financier est capable de collecter et de placer, de façon
efficace, les fonds et de résister aux chocs sans entraîner de préjudices pour l’économie
réelle » (Isărescu, 2006).
A la différence des premières définitions, ces dernières associent en plus à la
stabilité financière la capacité du système financier de répondre aux chocs. Selon Schinasi
(2005), la stabilité financière signifie plus que l’absence des crises et il ajoute aux définitions
antérieures la capacité du système à évaluer, à établir les prix et à gérer les risques financiers.
Néanmoins, certains préfèrent définir la stabilité par l’absence d’instabilité. Pour
Allen et Wood (2006), cela semble être la meilleure stratégie, définissant d’abord l’instabilité
financière comme « toute déviation du plan optimal d’épargne–investissement de n’importe
quelle économie, due aux imperfections du secteur financier ». Ils définissent ensuite la
stabilité financière comme « un état donné dans lequel il est improbable de voir apparaître un
épisode d’instabilité financière ». Cette définition n’est cependant pas opérationnelle. Toute
déviation, même s’il s’agit d’une petite déviation, signifierait une situation d’instabilité. De
plus, personne ne connaît quel est le plan optimal d’épargne–investissement.
Andrew Crockett (2000) analyse à son tour la stabilité financière du point de vue
de l’absence d’instabilité qui « représente une situation où les performances économiques
peuvent être affectées par des fluctuations des prix des actifs ou par l’incapacité d’un
établissement financier à respecter ses obligations contractuelles ». Il souligne quatre aspects

91
de cette définition : l’existence des coûts économiques réels, l’importance du désastre
potentiel et non pas celle des pertes actuelles, la prise en considération d’autres établissements
que les banques et, en même temps, la considération des banques comme une catégorie
d’établissements financiers tout à fait particulière. Crockett distingue en même temps deux
types d’instabilité financière : celle des établissements et celle des marchés.
Mishkin (1997) montre que l’instabilité financière « apparaît lorsque les chocs du
système financier interfèrent avec le flux d’informations de sorte que le système financier ne
puisse plus accomplir ses tâches qui portent sur l’orientation des fonds vers les opportunités
d’investissements productifs ». L’auteur soutient que le terme d’instabilité financière est
souvent remplacé par celui de fragilité financière ou de vulnérabilité financière, toutes ces
trois notions représentant un état du système financier qui ne permet pas le fonctionnement
approprié de celui-ci ou qui met en danger son fonctionnement adéquat.
Cependant, il semble qu’il faille faire une distinction claire entre les notions
d’instabilité, vulnérabilité et fragilité financière. Un système financier est plus ou moins
vulnérable et fragile, quoi qu’il se situe dans le couloir de stabilité ou d’instabilité présentés
précédemment. La vulnérabilité représente une notion qui, selon nous, fait référence à
l’exposition du système financier à des chocs externes. Un système est d’autant plus
vulnérable que les fondamentaux macroéconomiques se détériorent et que l’intégration
financière du système au sein du système financier international s’intensifie. La fragilité tient
plutôt au degré de développement du système et à la manifestation des chocs endogènes.
On définit un système financier stable comme un système qui se dirige toujours
vers un état d’équilibre après avoir été affecté par des chocs internes et/ou externes, en étant
capable d’exercer ses fonctions habituelles pour allouer efficacement l’épargne, établir des
prix corrects et assurer un système de paiements et règlements adéquat, fonctions qui
contribuent à la croissance économique et à l’assurance de la prospérité.
L’équilibre des forces à la suite d’un choc et la capacité du système à y répondre
pour atténuer les effets du choc sont importants. De même, la capacité à prévoir l’apparition
d’un choc est à son tour importante. On fait référence ici aux chocs qui peuvent conduire à la
déstabilisation du système et qui rendent le système incapable d’exercer ses fonctions de
façon correcte, et non pas aux chocs habituels (niveau 1 – Figure 17) qui, par leur apparition
même, conduisent le système vers un nouvel équilibre.
La stabilité financière se traduit par l’efficacité et la solidité du système financier
et la difficulté de la définir réside dans le fait qu’elle ne se résume pas à un objectif

92
numérique, même s’il y a des études récentes qui montrent que le niveau de stabilité
financière peut être quantifié.

1.2.4. Les mesures contribuant au maintien de la stabilité


financière

A côté des instruments utilisés pour assurer la stabilité, il y a aussi des mesures qui
doivent être prises, des mesures qui ne font pas référence de façon explicite à la stabilité
financière mais qui contribuent à son maintien. Toutes les séries de mesures entreprises pour
assurer la stabilité macroéconomique contribuent au fonctionnement approprié du système
financier et réciproquement.
Dans cette perspective, Allen et Wood (2006) distinguent deux grandes catégories
de mesures : les mesures préventives qui sont mises en pratique pour corriger les
déséquilibres du système, avant qu’ils ne conduisent à un épisode d’instabilité financière et
les mesures de correctives qui doivent être mises en pratique lorsque l’inefficacité des
mesures préventives a conduit le système financier vers dans une phase d’instabilité.

A) Les mesures préventives

Ces mesures sont définies comme tout aspect de l’infrastructure financière qui
réduit le risque d’instabilité financière, même si elles font références ou non aux problèmes
des établissements financiers.

a) Les lois
Les lois commerciales réglementent par exemple les procédures à suivre en cas
d’insolvabilité, et les droits de ceux qui détiennent des garanties sur les crédits. Elles
encouragent un comportement prudent mais qui peut parfois décourager l’investissement.
C’est pourquoi la stabilité financière doit être un objectif qu’il faut prendre en considération
pour concevoir les lois commerciales.

b) Les agences officielles et leurs réglementations


Des autorités chargées de surveiller la stabilité financière ont été désignées dans de
nombreux pays, tel un phénomène à la mode. Les agences sont indépendantes des banques
centrales et ont pour fonction de réglementer l’activité des établissements financiers. Le FMI

93
assure lui aussi une fonction de surveillance (oversight), par l’intermédiaire des Programmes
d’Evaluation du Secteur Financier et le rôle d’identifier les vulnérabilités des systèmes
financiers nationaux, afin de recommander en même temps des perfectionnements.

c) Les conventions de marché


Les conventions de marché ont pour rôle de prévenir les désaccords. Ces
conventions peuvent être changées en fonctions des circonstances, des besoins législatifs. Les
conventions supposent le respect des régulations et des guides de bonnes pratiques,
développées par tous les participants au marché.

d) La diffusion des informations publiques


Cette mesure se réfère à la publication, dans des revues et des rapports mensuels,
des conditions macroéconomiques et des prévisions faites par les gouvernements et par les
banques centrales, pour expliquer et justifier les décisions en matière de politique fiscale et
monétaire. Le nombre de banques centrales qui publient des revues ou des rapports de
stabilité financière, augmente en permanence. Ces publications contiennent généralement
l’évaluation des principaux risques pour la stabilité financière, mais essaient en même temps
d’infléchir le comportement du secteur privé et d’attirer l’attention sur quelques risques
spécifiques.

e) L’infrastructure physique
Certaines parties de l’infrastructure physique peuvent affecter la stabilité
financière. Les systèmes de paiements de grandes valeurs (large-value payment systems) en
représentent un exemple. Dans un système de paiements conçu de manière inappropriée,
l’incapacité de paiement d’un membre peut menacer la solvabilité des autres participants.

B) Les mesures de correction

L’instabilité financière peut apparaître ou menacer d’apparaître du fait des


déficiences des mesures préventives entreprises. Dans le cas des établissements financiers, les
interventions portent souvent sur la fonction de prêteur en dernier ressort. Il faut faire une
distinction conceptuelle importante entre soutien à la liquidité et soutien à la solvabilité 22.

22
Une analyse détaillée du rôle du prêteur en dernier ressort dans l’assurance de la stabilité
financière est menée dans le troisième chapitre de la thèse.

94
a) Le soutien à la liquidité
Il intervient par exemple si le système IT d’une banque ne fonctionne pas de façon
correcte. Les actions classiques de prêteur en dernier ressort supposent l’injection de
liquidités dans la banque concernée23. Dans les pays bénéficiant d’un currency board, leur
capacité à se porter prêteur en dernier ressort est restreinte.

b) Le soutien à la solvabilité
Le problème qui apparaît lorsqu’un établissement important, financier ou non
financier, devient insolvable, est encore plus grave. Si une société de grande est menacée
d’insolvabilité, le gouvernement est contraint de décider s’il faut lui accorder immédiatement
une assistance officielle. Le soutien doit être alloué pour éviter la distorsion de l’activité
économique, pour protéger les créditeurs et pour éliminer le risque de contagion. Ces actions
induisent un hasard moral et c’est pourquoi on rencontre une attitude réservée lorsqu’il faut
attribuer une aide d’urgence : cette aide contribue à l’accumulation de dettes pour les sociétés
en difficulté et implique aussi une prise de risques par l’intermédiaire de l’argent public.
Au-delà de ces deux premières catégories de mesures, une troisième, des mesures
de correction des dysfonctionnements ou de restructuration du système, peut être ajoutée. On
peut y inclure :
- Les mesures de gestion des crises
Ces sont les premières mesures prises en cas du déclenchement d’une crise
financière, lorsque aucune des mesures décrites au-dessus ne s’est avérée efficace. Les
mesures de gestion des crises sont liées à une analyse équilibrée de la situation et à
l’identification des ressources financières nécessaires pour sortir de la crise. Ces mesures
peuvent aussi être intégrées aux mesures préventives, mais il y a eu peu de situations où les
accords antérieurs ont donné les résultats escomptés et il a souvent été nécessaire de les
repenser de manière ad hoc. Ces mesures impliquent fréquemment plusieurs établissements
du même pays ou des pays différents.
- L’identification des coûts économiques et sociaux de la crise
Ce problème est extrêmement délicat. Il faut analyser l’impact de la crise et
identifier les catégories d’agents économiques qui doivent recevoir de l’aide de sorte que la
sortie de la crise soit possible.

23
Il y a quelques années, la Banque de New York (BONY) a souffert d’une telle crise pure de liquidité, et la FED
s’est comportée en prêteur en dernier ressort, en offrant à la BONY les liquidités nécessaires pour réaliser des
paiements contre des garanties réelles.

95
- L’identification des facteurs déclencheurs des crises et la réduction de leur
influence future
Comme nous l’avons mentionné dans la deuxième section du chapitre, les facteurs
déclencheurs des crises sont nombreux et évoluent en permanence. Par conséquent, les
dernières mesures portent sur une nouvelle manière de repenser les mesures préventives : la
législation, la réorganisation efficace de certaines institutions et la faillite d’autres
établissements.
Les mesures les plus importantes et les plus efficaces sont celles de la première
catégorie, c’est-à-dire les mesures préventives. Elles portent surtout sur l’activité de
régulation et de surveillance du système financier et sur le cadre institutionnel de surveillance
(le rôle des banques centrales et d’autres autorités de régulation et de surveillance). Il faut en
même temps mettre l’accent sur les risques potentiels dont la matérialisation peut générer
l’apparition d’une nouvelle crise financière.
Pour identifier des éléments qui assurent la stabilité du système financier, Donath
et Cismaş (2008) appliquent une approche distincte. Elles ne parlent pas de mesures qui
doivent être entreprises, mais des conditions qui doivent être remplies pour avoir un système
financier stable :
- des conditions macroéconomiques favorables résultant des politiques visant une
croissance économique soutenable, la stabilité des prix, la santé des finances publiques ou un
taux d’épargnes adéquat ;
- des conditions structurelles appropriées soutenues par une fiscalité qui promeut
l’initiative et par des marchés financiers compétitifs et efficaces ;
- une infrastructure institutionnelle des marchés financiers qui permet une mise en
évidence des droits et des obligations des participants aux transactions financières.

96
Conclusion du chapitre

Les coûts des crises financières récentes ont déterminé les autorités et les
académiciens à augmenter leurs efforts pour identifier les instruments nécessaires pour
prévenir l’apparition de ces événements et pour trouver des solutions dans le cas du
déclanchement des crises. L’assurance de la stabilité financière systémique est devenue par
conséquence un objectif prioritaire. La stabilité financière est un concept
multidimensionnelle, ample, qui fait référence tant à la solidité des institutions financière
qu’au cadre institutionnel et aux mesures macro prudentielles entreprises par les autorités.
Nous avons montré dans ce premier chapitre que la globalisation financière a une
influence majeure sur le cadre d’analyse de la stabilité. L’interdépendance accrue des
économies et des systèmes financiers a changé la nature des risques et cette interdépendance
est beaucoup plus forte à l’intérieur de l’Union Européenne. Par conséquent, l’analyse de la
stabilité doit aussi tenir compte du climat économique mondial. Dans ces conditions, le rôle
des institutions financières internationales dans l’élaboration du cadre prudentiel et dans la
correction des déséquilibres s’est intensifié.
Le concept de stabilité financière est cependant très vaste ce qui rend presque
impossible l’identification d’une définition unanimement acceptée. Nous avons montré à
l’aide de « l’effet de tunnel » qu’il est nécessaire, d’un coté, de différencier la stabilité et
l’équilibre financier et, de l’autre coté, qu’il faut distinguer la situation de stabilité, de la
situation d’instabilité et de la situation de crise d’un système financier. Cette distinction peut
être effectuée surtout ex-post, en identifiant le type de mesures prises par les autorités pour
corriger les déséquilibres avec des conséquences négatives sur la stabilité financière
systémique. La stabilité est une notion dynamique et multidimensionnelle.

97
II. Le cadre de surveillance et de régulation prudentielle
en Roumanie

Les déficiences du système financier se sont trouvées à la base des crises


financières récentes qui ont engendré des coûts économiques et sociaux importants. Voila
pourquoi les préoccupations des analystes se dirigent de plus en plus vers une plus grande
transparence du marché et vers l’élaboration d’un système efficace de régulation, de
surveillance et de contrôle prudentiel. L’activité de régulation et de surveillance prudentielle
devient ainsi un pilier important de la stabilité financière.
S’il y a quelques années, la surveillance prudentielle visait seulement la solidité
des établissements financiers individuels, cette activité s’est récemment déplacée de la sphère
de la microéconomie à celle la macroéconomie à la suite des phénomènes de contagion
rencontrés sur les marchés financiers et des interdépendances de plus en plus prononcées entre
les participants sur ces marchés. Une approche macro-prudentielle a vu de cette façon le jour,
et elle ne se propose pas seulement d’éliminer les risques associés à chaque institution, mais
aussi de prévenir les risques systémiques, beaucoup plus difficiles à identifier.
Dans ce chapitre, on se propose de souligner, d’un côté, l’importance de l’activité
de régulation et de surveillance pour la stabilité du secteur financier de la Roumanie, et de
l’autre côté, de montrer que le cadre institutionnel de surveillance actuel est compatible avec
la structure du système financier et avec le cadre institutionnel existant au niveau central -
européen. Dans ce contexte, la nécessité de constituer une autorité unique de surveillance des
services financiers, pratique courante ces dernières années parmi les pays européens, ne
s’impose pas pour l’instant.

2.1. La nécessité de l’activité de régulation et de surveillance

La dérégulation, les innovations financières, l’ouverture des marchés financiers


ont, dans une première instance, des conséquences bénéfiques. Cependant, tandis que la
libéralisation des mouvements de capitaux permet aux débiteurs de faire appel aux sources de
financement plus variées, et aux investisseurs de diversifier leurs risques, situation qui est

98
bénéfique, cela favorise en même temps les investissements excessifs et la prise des risques
importants. Les risques s’intensifient au fur et à mesure que la concurrence s’accroît, comme
une conséquence directe de la globalisation.
Le secteur financier évolue de façon continue, évolution qui peut être caractérisée
par quelques aspects spécifiques dont on peut rappeler : l’importance croissante des marchés
financiers et leur volatilité, les innovations financières et l’intensification du processus
d’intégration de différents systèmes financiers nationaux. Dans ce contexte, l’activité de
surveillance et de régulation prudentielle qui se propose de contrôler les risques du marché et
d’offrir de la confiance aux participants, a acquiert une attention tout à fait particulière24.
Pourtant, le problème qui apparaît est la manière dont il faut appliquer la
régulation et la surveillance prudentielle. Les innovations financières et la dérégulation des
marchés ont produit des résultats positifs, mais les risques associés sont tout aussi importants.
Comme le dit un ancien proverbe chinois, « le miel est doux mais les abeilles piquent »
(Banque de France, 2006). Il faut trouver par conséquent une méthode par l’intermédiaire de
laquelle ceux qui agissent sur les marchés financiers puissent tirer profit des avantages, sans
être sujets à la manifestation des risques financiers.
Boot (2001) fait la distinction entre deux formes de régulation : directe et
indirecte. La régulation qui essaie d’infliger l’effet désiré s’appelle régulation indirecte (elle
n’est pas prohibitive, elle n’interdit pas). La stipulation du comportement exigé de la part des
banques détermine la régulation directe (par exemple, la distinction entre les banques
commerciales et celles d’investissement aux Etats-Unis). Ce dernier type de régulation est
prohibitif, interdit. La régulation indirecte a gagné en importance mais, dans un
environnement compétitif, ces instruments de contrôle doivent être utilisés sans provoquer des
distorsions pour la concurrence. Une surveillance efficace et une régulation adéquate, ainsi
qu’un management des risques, peuvent contribuer à la gestion des vulnérabilités financières
(Feldman et Watson, 2002).
Au sein des systèmes financiers en général, et du système financier roumain en
particulier, le secteur bancaire occupe une position particulière. Comme nous allons le voir
dans la section suivante, les actifs des établissements bancaires de Roumanie sont beaucoup
plus importants que les actifs des sociétés d’assurances et des institutions d’investissements
financiers. Par conséquent, la nécessité d’un cadre adéquat de surveillance des établissements

24
« Par surveillance, on comprend le contrôle des opérations d’une institution pour s’assurer qu’elle respecte
les règles et les régulations applicables et qu’elle déroule son activité de façon correcte ». (Bărglăzan et al.,
2007). On parle dans ce cas de surveillance micro-prudentielle.

99
de crédit s’avère un défi pour les autorités. Les banques représentent un cas particulier parce
que la faillite d’une telle institution amplifie le risque systémique et parce que le manque des
liquidités dans le secteur bancaire est une source directe de l’instabilité (White, 2006).
Même si nombreux sont ceux qui partagent l’opinion selon laquelle les banques
sont des établissements financiers particuliers auxquels il faut payer une attention particulière,
certains considèrent que les banques sont incitées à être prudentes à cause de leur réputation et
il n’est donc pas nécessaire de les surveiller plus qu’on ne le fait pour n’importe quelle autre
institution. Nous n’adhérons pas à cette idée car, d’un côté, ceux qui prennent les décisions
dans le cadre d’une banque ne recherche pas toujours l’amélioration de la réputation de la
banque et, de l’autre côté, par leur activité même, les banques représentent des institutions à
risque potentiel élevé à l’adresse du système financier.
Selon Davis (2000), les distorsions dans le cadre de régulation peuvent déterminer
les banques à prendre des risques supplémentaires. Un calcul incorrect des garanties allouées
cause l’aléa moral qui peut conduire à l’augmentation des risques s’il n’est pas compensé par
une régulation prudentielle. De cette façon, un mauvais fonctionnement de la régulation et de
la surveillance peut causer des distorsions dans la situation financière, en particulier dans le
cas des banques moins solides qui prennent des risques excessifs (Mishkin, 1997)25.
Un autre problème qui apparaît dans le cas de la régulation et de la surveillance
restrictive du système bancaire est une possible réduction de la profitabilité des banques et
une diminution du processus d’innovation. Une régulation excessive peut compromettre les
performances du système et, en même temps, la stabilité financière. De l’autre côté, une
surveillance efficaces et une régulation appropriée, ainsi qu’un bon pilotage des risques,
peuvent aider à la gestion des vulnérabilités. Par conséquent, l’activité de régulation et de
surveillance doit être exercée de sorte qu’elle contribue à l’assurance de la stabilité financière.
La régulation excessive a des implications négatives pour le système financier. En
effet, on désire avoir un secteur robuste de services financiers qui soit affecté au minimum par
la régulation, qui soit en même temps une source de stabilité et pouvoir pour l’ensemble de
l’économie (Boot, 2001). Cela implique : (a) la réduction de la dépendance vis-à-vis de la
régulation ; (b) l’augmentation de la discipline du marché à l’aide des « systèmes d’alerte
précoce » ; (c) moins d’interdépendances entre les banques et la réduction du risque

25
Tout en analysant le problème dans la perspective de la théorie principal - agent, l’auteur soutient que les
autorités de régulation et les politiciens (des agents dans cette situation), suivent leur intérêt, transmettant le coût
aux bancaires (principal). Pour que les agents agissent dans l’intérêt du principal, les autorités de régulation
doivent imposer des restrictions sur les activités risquées, imposer un capital réglementaire suffisant et fermer les
institutions insolvables. Ils n’agissent pas toujours de la sorte parce qu’ils veulent cacher la faible performance
qui résulte de leur coopération. Ils attendent donc une amélioration de la situation.

100
systémique ; (d) la diminution de l’impact d’une faillite bancaire ; (e) des institutions
financières compétitives et innovatrices, mais prudentes.
Les politiques restrictives de régulation dans les périodes d’adversité économique
peuvent augmenter la fragilité financière en déterminant une profitabilité réduite,
l’augmentation des risques de contrepartie et la violation des spécifications concernant le
capital réglementaire. De l’autre côté, les déficiences de la régulation peuvent déterminer
l’augmentation des incidents de paiements sur le marché interbancaire, fait qui conduit à une
augmentation de la fragilité financière de l’économie. Ainsi, la suppression du contrôle
transforme la banque commerciale d’une entreprise sûre en une entreprise très risquée.
Le taux de faillite bancaire peut devenir à son tour sensible au régime de
régulation et de surveillance. Une surveillance stricte et des conditions rigides pour les
réserves et les capitaux des banques devraient prolonger la durée de vie de ces institutions
particulières. Cependant, une compétition trop accrue entre les établissements, causée par des
changements dans le régime de régulation, peut avoir des effets opposés (Sinclair, 2000).
Une autre question qui apparaît est liée à l’uniformité de l’activité de régulation et
de surveillance. Goodhart et al. (2004a) soutiennent que les banques avec un portefeuille
diversifié peuvent transférer rapidement les externalités négatives à leurs clients et elles
doivent donc subir des normes de surveillance plus laxistes. Ces mesures pourraient causer
une distorsion de la concurrence sur le marché. De plus, selon nous, le transfert des
externalités négatives vers les clients ne représente pas une solution optimale pour assurer la
stabilité financière.
Les institutions bancaires sont généralement soumises à une surveillance
macroéconomique qui se propose de maintenir la stabilité de la valeur interne et externe de la
monnaie domestique et à une surveillance microéconomique, appelée aussi régulation micro-
prudentielle, qui se propose de limiter les risques que les banques et les autres établissements
financiers assument, ainsi que d’évaluer la solidité de chaque institution.
Bichi (2005) observe qu’après les crises financières des années 90 on a constaté
que les deux régimes de surveillance doivent être complétés par une approche macro-
prudentielle, censée analyser les liaisons entre la santé d’un système financier et la stabilité
macroéconomique. La nouvelle approche, appelée régulation macro-prudentielle, demande
aux surveillants bancaires de ne pas se concentrer seulement sur les banques individuelles,
mais aussi sur le système financier dans son ensemble, ainsi que sur ses interactions avec
l’économie réelle.

101
Tableau 3 : La perspective macro et micro-prudentielle de la surveillance
Perspective macro-prudentielle Perspective micro-prudentielle
Objectif à court terme La réduction de graves La limitation des déséquilibres des
déséquilibres du système institutions individuelles
financier
Objectif final Eviter les coûts de la réduction La protection des consommateurs
du PIB (investisseurs / déposants)
Modèles de risque Endogènes (en partie) Exogènes
Corrélation et exposition Importante Pas relevant
commune des institutions
Le dosage du contrôle En termes de graves turbulences En termes de risques des institutions
prudentiel du système (top-down) individuelles (bottom-up)

Source : Borio (2003)

La distinction entre la dimension micro-prudentielle et macro-prudentielle de la


stabilité financière est bien faite en termes d’objectifs des tâches et en termes de conception
des mécanismes, influençant les résultats économiques (Crockett, 2003). L’objectif macro-
prudentiel peut être défini comme l’objectif qui limite les coûts économiques des
déséquilibres financiers, y compris ceux qui représentent une conséquence de l’aléa moral
induit par les politiques pratiquées. Il se réfère souvent à la limitation du risque systémique.
L’objectif micro-prudentiel peut être considéré comme la limitation de la probabilité de
faillite des institutions individuelles. Autrement dit, les perspectives macro-prudentielles
portent sur la performance globale du portefeuille tandis que l’approche micro-prudentielle
assigne des pondérations égales et séparées à chaque titre du portefeuille.
Une implication évidente est le fait que la dimension macro-prudentielle se
concentre sur les risques corrélés de faillite et qu’elle prête une attention particulière à
certaines caractéristiques d’une institution, telles la taille qui déterminent son degré
d’importance pour l’économie, considérant en même temps d’une importance moins
révélatrice les analyses au niveau individuel ou de groupe, sauf si elles sont conditionnées par
leur rôle systémique.
Les causes qui rendent nécessaire cette analyse macro-prudentielle sont multiples.
Le développement des marchés financiers, leur dynamique et la croissance de la volatilité des
prix des actifs se retrouvent parmi ces causes. Les flux internationaux de capital et les
nouveaux instruments financiers en représentent une autre cause. On analyse aussi récemment
l’impact du processus de vieillissement de la population sur la stabilité financière.

102
Les nouvelles directions en ce qui concerne l’assurance de la stabilité financière
portent sur le renforcement de la régulation et de la surveillance macro-prudentielle. Une
approche macro-prudentielle des processus économiques est essentielle pour pouvoir
comprendre la nature de l’instabilité financière. La consolidation de l’orientation macro-
prudentielle du cadre de régulation et de surveillance est importante à cause des coûts et de la
nature de l’instabilité financière et surtout des crises financières. Le coût principal se présente
sur la forme des pertes de production mais il y aussi des coûts sociaux importants.
La globalisation et la titrisation représentent des défis considérables dans quatre
zones étendues de la surveillance macro-prudentielle (Schinasi, 2005) : la transparence, la
dynamique des marchés, l’aléa moral et le risque systémique26. Beaucoup d’activités sont
enregistrées hors bilan, et les investisseurs et les surveillants bancaires n’ont pas accès à ces
informations. Le risque systémique est passé au-delà de la sphère du système bancaire en se
manifestant dans le secteur des marchés de capital et des instruments dérivés.
En termes d’objectivité, un renforcement de l’orientation macro-prudentielle
nécessitera une approche plus large à l’avenir, une approche systémique qui dépassera la
limite de la protection des déposants (par l’assurance-dépôts). Quant au traitement des
institutions, une modification de l’approche appliquée implique un redimensionnement des
accords entre les autorités de régulation et de surveillance en ce qui concerne l’importance
systémique des institutions. Le risque réside dans le fait qu’en absence d’un consensus sur le
diagnostique, les remèdes et la distribution des responsabilités, les points faibles potentiels de
la défense contre les risques restent sans solution.
Begg (2005) propose un redimensionnement des standards de solvabilité pour les
institutions individuelles en fonction de leur importance systémique. Les standards macro-
prudentiels pour le système considéré comme un tout dérivent d’une approche de haut en bas
(top-down), fondée sur l’analyse des coûts et de la probabilité d’apparition des crises
systémiques. Les standards micro-prudentiels afférents dérivent d’une approche de bas en
haut (bottom-up), de l’agrégation du standard uniforme de solvabilité qui s’applique aux
institutions « représentatives ».
Différents indicateurs peuvent être analysés dans le cadre de l’activité de
régulation et de surveillance prudentielle. La forme la plus importante (prédominante) de
régulation est le capital, mais l’analyse de la liquidité ou de la profitabilité des institutions

26
Le risque systémique est défini par Donath et Cismaş (2008) comme le risque qui implique une perte de la
valeur économique et de la confiance dans le système financier, avec des implications négatives sur l’économie
réelle. La manifestation des événements de risque systémique peut être soudaine et non anticipée.

103
financières reste tout aussi importante. Les nouveaux standards en matière de régulation et de
surveillance prudentielle – introduits par l’Accord de Bâle II – portent surtout sur le capital
réglementaire mais ils introduisent aussi la dimension macro-prudentielle de la surveillance27.
En conclusion, l’institution de la surveillance bancaire ne signifie pas un manque
de confiance dans le fonctionnement des banques. Celles-ci sont libres d’agir conformément à
leurs propres politiques et stratégies, mais certains aspects particuliers de leur activité doivent
être réglementés et surveillés par une autorité de contrôle.

2.2. Les caractéristiques du système financier roumain

Par rapport aux systèmes financiers d’autres pays en transition, le système


financier roumain était faiblement développé au début des années 2000. Le degré
d’intermédiation était réduit et la capitalisation boursière était extrêmement faible. Après les
efforts faits pour réformer le système financier et surtout le secteur bancaire, le processus de
rattrapage (catching-up process) s’est intensifié.
La structure du secteur d’intermédiation financière indique une culture financière
autochtone, centrée de façon prépondérante sur le secteur bancaire, tandis que les
investissements sur le marché du capital, en croissance, détiennent pour l’instant une part
réduite (Tableau 4).

Tableau 4 : La structure du secteur financier roumain (l’évolution des actifs)


% PIB 2003 2004 2005 2006 2007
Institutions financières, dont:
Institutions de crédit (1) 30,8 36,6 44,6 50,6 61,5
Sociétés d’assurances (2) 1,8 1,9 2,2 2,5 3,0
Fonds d’investissements (3) 0,1 0,2 0,2 0,3 0,3
Sociétés d’investissements financiers (4) 1,4 1,3 1,8 2,3 2,8
Sociétés de leasing (5) 1,8 3,0 3,6 3,4 5,0
Autres institutions financières non 0,4 0,6 0,9 1,3 1,5
bancaires (6)
Total 36,3 43,6 53,3 60,4 74,1
(1) Actifs nets des institutions de crédit; (2) Valeur des actifs totaux; (3) Actifs des fonds d’investissements;
(4) Actifs nets des sociétés d’investissements financiers (SIF); (5) Actifs nets financés; (6) Total actifs des
sociétés qui mènent des activités d’allocation de crédits à la consommation, d’émission de garanties et de
prise en charge d’engagements, de microcrédits et celles qui exercent des activités multiples de crédit.
Source : BNR (2008)

27
Les implications de l’Accord seront analysées en détail au Chapitre III, dans la section qui porte sur les
fonctions traditionnelles des banques centrales en ce qui concerne la stabilité.

104
Une analyse de l’évolution de la structure du système financier sur la période
2003-2007 montre que les institutions de crédit et les sociétés d’assurances ont réduit leur
poids dans le total des actifs financiers, et les sociétés de leasing et les autres institutions
financières non bancaires ont enregistré une croissance. En ce qui concerne les actifs des
fonds d’investissements sur le marché du capital, leur poids est resté relativement stable.
La réduction de la part de marché correspondant aux institutions de crédit en
faveur des institutions financières non bancaires peut être expliquée par le régime prudentiel
plus laxiste appliqué à ces dernières institutions jusqu’en 2007, date après laquelle elles sont
entrées dans la zone de surveillance de la BNR. La structure du système financier en 2007
était la suivante:

Figure 22 : La structure du système financier roumain en 2007 (% dans le total des actifs)
2,05%
7,67%
4,00%

3,77%

0,36%

82,15%

Institutions de crédit Fonds d'investissements ouverts


Sociétés d'investissements financiers Sociétés d'assurances
Compagnies de leasing Autres institutions financières nonbancaires

Source : BNR (2008)

On remarque le haut niveau de concentration du système financier qui laisse


penser que seules les institutions de crédit peuvent être à l’origine d’un potentiel risque
systémique. Dans ce qui suit, nous décrivons les caractéristiques des trois les plus importants
secteurs financiers du système financier roumain : les banques, les assurances et le marché du
capital.

2.1.1. Le secteur bancaire

Avant 1998, la majorité du système bancaire roumain était propriété de l’état. Les
institutions de crédit empruntaient des fonds surtout aux grandes compagnies, détenues par

105
l’état, qui déroulaient leurs activités dans un secteur économique non restructuré. Les banques
commerciales faisaient souvent appel aux fonds de la banque centrale qui menait une
politique monétaire adaptative. Une conséquence en a été un taux d’inflation élevé.
La situation du secteur bancaire était devenue instable et plusieurs banques
roumaines se sont effondrées au cours des années 1998-199928. La crise financière de Russie
n’a fait qu’aggraver la situation. Dans ce contexte, à partir du second semestre 1998, le
Gouvernement a initié une nouvelle loi bancaire et a modifié le statut de la BNR, renforçant
l’indépendance de cette institution et soulignant son rôle important dans la surveillance des
institutions bancaires.
Après ces réformes, le degré d’intermédiation financière a connu une croissance
continue à partir de 2000, évoluant de 9,3% du PIB à 36,6% en 2007 (Figure 23). Plusieurs
banques à actionnariat étranger ont réalisé des investissements en Roumanie.

Figure 23 : L’évolution du crédit non-gouvernemental

40,00%

35,00%

30,00%

25,00%

20,00%

15,00%

10,00%

5,00%

0,00%
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Crédit nonguvernamental / PIB

Source : les bulletins mensuels de la BNR

Les indicateurs de structure du secteur bancaire montrent que le nombre des


institutions bancaires à capital étranger s’est accru. Ainsi, en 2007, sur 42 institutions de
crédit, 40 étaient des institutions privées dont quatre avaient un actionnariat majoritaire
roumain. Les actifs des banques à capital majoritaire étranger représentaient 87,8% en 2007
(Figure 24), dépassant significativement les 47,5% de 1999.
Un pas important dans le développement de l’actionnariat étranger a été marqué
par la privatisation, en 2005, de la plus grande banque de la Roumanie, la Banque

28
Les coûts financiers de la recapitalisation des certaines institutions et de différentes stratégies d’aide publique
pour les banques en difficulté ont atteint environ 10% du PIB (Barisitz, 2004).

106
Commerciale Roumaine. Toujours sur la figure 24, on observe que le degré de concentration
du secteur bancaire a légèrement diminué. Cet indicateur est important parce qu’il offre des
informations sur le risque systémique potentiel associé à la faillite de grands établissements
bancaires.

Figure 24 : La structure des actifs du système bancaire roumain (% du total)

100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
99

00

01

02

03

04

05

06

07
19

20

20

20

20

20

20

20

20
La pondération des premières cinq banques dans l'actif total
Institutions à capital majoritaire privé
Institutions à capital majoritaire étranger

Source : BNR (2008)

De plus, pour obtenir une image d’ensemble sur l’évolution du secteur bancaire et
des risques potentiels pour la stabilité financière, il faut analyser la composition des actifs et
des passifs bancaires ainsi que les indicateurs de solidité financière. La situation des actifs et
des passifs des institutions de crédit est présentée Figure 25.

Figure 25 : La structure des actifs et des passifs des institutions de crédit


La composition des actifs (% dans l'actif total) La composition des passifs (% dans le passif total)
40 80
35 70
30 60
25 50
20 40
15 30
10 20
5 10
0 0
01

02

03

04

05

06

07

01

02

03

04

05

06

07
20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

Créances gouvernementales Créances sur les entreprises Créances sur les ménages Dépôts du secteur gouvernemental Dépôts des entreprises et de la population

Source : BNR (2008)

Concernant les actifs, on observe que 98,3% sont des actifs internes, dont la
plupart représente des créances sur le secteur non bancaire autochtone. Les créances sur la
population ont connu une croissance soutenue, tandis que les créances sur les compagnies se

107
sont maintenues à un taux de croissance presque constant par rapport au niveau total des
créances. Les crédits en devises sont très importants parce que cette composante est à
l’origine de l’augmentation de la vulnérabilité du secteur des entreprises et de celui de la
population devant le risque de taux de change.
Quant à la structure des passifs, on remarque une croissance de la part des passifs
externes, qui représentaient presque 28,3% du total en 2007, les banques étrangères procédant
à la recapitalisation de leurs succursales en Roumanie, pour obtenir une part de marché
significative. Les dépôts attirés par le secteur non bancaire, surtout ceux provenant des
entreprises et de la population, représentent la plus importante catégorie de financement pour
les passifs internes. Il faut mentionner que la plupart des dépôts sont des dépôts à court terme.
En ce qui concerne la solidité du secteur bancaire, elle peut être considérée en
analysant les indicateurs d’adéquation du capital, les indicateurs de liquidité et de
profitabilité. On observe, Figure 26, la tendance baissière des indicateurs de solvabilité dans
le contexte de l’expansion du crédit privé, surtout pour la composante représentée par la
population. Conformément aux données de la BNR (2008), les banques de petites et
moyennes dimensions présentent récemment un rapport d’adéquation du capital supérieur à
celui des plus grandes banques du système.

Figure 26 : Les fonds propres et l’indicateur d’adéquation du capital

60

50

40

30

20

10

0
03

04

05

06

07
20

20

20

20

20

Capital social (% dans les fonds propres) Le ratio de solvabilité (> 8%)

Source : BNR (2008)

Le niveau de capitalisation des institutions de crédit en Roumanie est élevé et il a


été relativement constant au cours des dernières années. Le ratio de solvabilité, qui reflète le
rapport entre les capitaux propres et les actifs pondérés en fonction du niveau de risque, s’est
pourtant détérioré, mais il reste encore à un niveau raisonnable, dépassant 8% conformément
aux stipulations internationales.

108
La liquidité du système, ainsi que sa profitabilité, sont considérées comme
satisfaisantes (Figure 27). L’indicateur de liquidité calculé par la BNR dépasse le niveau de
référence de « 1 », et le rapport entre les actifs liquides et les actifs totaux dépasse 50%.
L’excès de liquidité du système bancaire roumain s’est réduit en 2007, dans un contexte où
les crédits ont continué à augmenter et les liquidités des marchés financiers internationaux se
sont réduites.

Figure 27 : La liquidité et la profitabilité du secteur bancaire


Liquidité Profitabilité
66 3 20 3
64 18
2,5 16 2,5
62
60 2
14
2
12
58
1,5 10 1,5
56
8
54 1 1
6
52
0,5 4
50 0,5
2
48 0 0 0
03

04

05

06

07
20

20

20

20

20

02

03

04

05

06

07
20

20

20

20

20

20
Actifs liquides / Actif total Liquidité effective / Liquidité necessaire ROA ROE

Source : BNR, FMI

Quant à la profitabilité, elle a diminué sur les dernières années, mais quelques
signaux de reprise se sont faits sentir vers la fin 2007, dans le contexte des performances
supérieures obtenues, surtout au niveau des grandes institutions de crédits (BNR, 2008).
La profitabilité, exprimée par le rendement des actifs (RoA – Return on Assets) et
par le rendement du capital propre (RoE – Return on Equity), a connu une baisse continue à
partir de 2002. Cependant, elle reste assez élevée, situation considérée comme normale pour
un pays en transition où les rendements doivent récompenser les risques financiers.
Par rapport aux autres états de l’Europe Centrale et de l’Est, le secteur bancaire
roumain présente un niveau de capitalisation plus élevé, mais en même temps un rendement
du capital en baisse. De même, le niveau des créances douteuses enregistre une évolution
défavorable, dépassant le niveau des autres pays analysés (Tableau 5).

109
Tableau 5 : Indicateurs de solidité bancaire – comparaison avec d’autres pays européens
Ratio de Créances douteuses ROA ROE
solvabilité (% du total des crédits)
Bulgarie 2002 25,2 2,6 2,1 14,9
2003 22 3,2 2,4 22,7
2004 16,1 2 2,1 20,6
2005 15,2 2,2 2,1 22,1
2006 14,5 2,2 2,2 24,4
2007 13,9 2,2 2,5 25,4
République 2002 14,3 8,1 1,2 27,4
Tchèque 2003 14,5 4,9 1,2 23,8
2004 12,6 4,1 1,3 23,3
2005 11,9 4,3 1,4 25,2
2006 11,4 3,6 1,2 22,5
2007 11,9 3 1,3 23,1
Pologne 2002 13,8 21,1 0,5 5,2
2003 13,7 10,4 0,5 5,4
2004 15,5 9,2 1,4 17,1
2005 14,5 7,7 1,6 21,9
2006 13,2 3,6 1,7 21
2007 11,8 3,1 1,8 25,6
Roumanie 2002 25 - 2,6 18,3
2003 21,1 8,3 2,2 15,6
2004 20,6 8,1 2 15,6
2005 21,1 8,3 1,6 12,7
2006 18,1 8,4 1,7 10,3
2007 14 9,1 1,8 11,5
Hongrie 2002 13 2,9 1,4 16,2
2003 11,8 2,6 1,5 19,3
2004 12,4 2,7 2 25,3
2005 11,6 2,5 2 24,7
2006 11 2,5 1,8 24
2007 11,3 2,5 1,8 22,9
Source : FMI (2008)

2.1.2. Le marché des assurances

Le secteur des assurances est perçu au niveau global comme un segment stable du
système financier. Il contribue à la croissance économique et à l’allocation efficace des
ressources par le transfert des risques et la mobilisation de l’épargne. Les compagnies
d’assurances détiennent des passifs illiquides et ne sont pas exposées au risque de contagion,
à la différence des banques commerciales. Nous avons pourtant vu que ce secteur aussi peut
être touché par la crise financière. L’effondrement de la société d’assurances AIG des Etats-
Unis a demandé de la part des autorités une injection massive de capital et l’assureur, Yamato
Life du Japon, s’est déclaré en faillite le 10 octobre 2008.

110
Le secteur des assurances n’est pas très développé en Roumanie, même s’il a un
rythme d’expansion soutenu grâce à la croissance économique continue et à l’intérêt accru de
la population pour les services d’assurances. La pénétration des assurances sur le marché reste
encore sous les niveaux enregistrés dans l’Europe Centrale et de l’Est (BNR, 2008). Dans le
contexte de l’intégration européenne, une accélération du rythme d’expansion du marché des
assurances est nécessaire pour soutenir la convergence avec le marché unique.
L’évolution des primes brutes souscrites par les principales catégories
d’assurances, en comparaison avec les indemnisations brutes payées, est présentée Figure 28.
Pour la stabilité financière, une telle comparaison est nécessaire parce que : (a) la croissance
des primes brutes souscrites reflète la croissance du degré de développement du secteur ; (b)
une accélération du rythme de croissance des indemnisations brutes payées, supérieure à la
croissance des primes souscrites, reflète une réduction de la profitabilité des compagnies
d’assurances.

Figure 28 : La dynamique des primes brutes souscrites correspondant aux assurances


générales et aux assurances de vie et les indemnisations brutes payées (mil. RON)

7000 3000

6000 2500

5000
2000
4000
1500
3000
1000
2000

1000 500

0 0
03

04

05

06
20

20

20

20

Assurances générales Assurances vie Indemnisations brutes payées

Source : CSA (2006)

Les données fournies par la Commission de Surveillance des Assurances (CSA)


jusqu’en 2006 montrent une croissance annuelle d’environ 20% pour les assurances de vie
ainsi que pour les assurances générales. Selon la BNR (2008), ce rythme de croissance s’est
maintenu en 2007 et 2008, les primes brutes souscrites correspondant aux assurances
générales représentant plus de 80% du total. Cependant, nous observons (Figure 28) une
augmentation importante des indemnisations brutes payées en 2006, dont environ 63%
correspondent aux assurances générales.

111
Le degré de concentration du marché des assurances est élevé, la part de marché
des 10 premières sociétés d’assurances touchant 80% en 2006, pourcentage qui s’est maintenu
presque au même niveau en 2008 (Tableau 6).

Tableau 6 : La part de marché des 10 premières sociétés d’assurances en fonction des primes
brutes souscrites (mil. RON)
2006 2008

Primes Part de Primes Part de


brutes marché (%) brutes marché (%)*
souscrites souscrites *
1 ALLIANZ - ŢIRIAC 1115,8 19,5 ALLIANZ - ŢIRIAC 698,6 15,8
2 ASIROM 600 10,5 OMNIASIG 614,6 13,9
3 OMNIASIG 536,1 9,4 ASIROM 401,9 9,1
4 ASIBAN 436,8 7,6 ASIBAN 303,1 6,9
5 ING ASIGURARI DE 435,8 7,6 ING ASIGURARI DE 273,3 6,2
VIATA VIATA
6 BCR ASIGURARI 424 7,4 UNITA 270,5 6,1
7 ASTRA 303 5,3 BCR ASIGURARI 255,2 5,8
8 GENERALI 299 5,2 ASTRA 253,6 5,7
9 UNITA 259,2 4,5 ARDAF 218 4,9
10 BT ASIGURARI 211 3,7 GENERALI 212,2 4,8
TRANSILVANIA
TOTAL 4620,5 80,6 TOTAL 3501,2 79,2
* au 30 juin 2008
Source : CSA (2006) et BNR (2008)

Nous remarquons (Tableau 6) que les 10 premières compagnies d’assurances


restent leaders sur la période analysée, à une seule exception, Ardaf, qui entre dans ce
classement en 2008, après avoir passé récemment par un processus de restructuration. Le
leader du marché reste pourtant la compagnie Allianz - Tiriac, dont la part de marché connaît
une baisse.
La profitabilité des sociétés d’assurances reflète à son tour la solidité du secteur.
La profitabilité des sociétés d’assurances résulte de la gestion adéquate des risques relatifs à
l’activité de souscription, ainsi que de la gestion appropriée des investissements. La tendance
baissière enregistrée en 2006 a continué à se manifester au premier semestre 2007, le résultat
net agrégé au niveau du marché atteignant un déficit de 84 millions lei (BNR, 2007).

112
Figure 29 : L’évolution de la profitabilité des sociétés d’assurances
150

100

50

-50

-100

-150

-200

S1
03

04

05

06
20

20

20

20

07
20
Résultat technique de l'activité d'assurances générales
Résultat technique de l'activité d'assurances vie
Le profit / la perte agrégés au niveau du marché

Source : BNR (2008)

Les principaux risques pour les assurances générales sont l’expansion considérable
des préjudices et la croissance des coûts liés à la réassurance, ainsi que les pressions exercées
par la concurrence sur le marché. Malgré tout cela, les indicateurs de stabilité financière sont
restés à des niveaux qui ont garanti le fonctionnement approprié des compagnies d’assurances
(Figure 30). Le degré de couverture des indemnisations nettes payées dans le total des
réserves techniques nettes a connu une augmentation significative en 2007 par rapport à 2006
à cause des augmentations des primes brutes souscrites et du maintien du taux de cession des
réassurances à un niveau constant, et, de plus, les compagnies d’assurances générales ont
bénéficié d’injections de capital (BNR, 2008).

Figure 30 : Les indicateurs de stabilité financière pour les assurances générales


3

2,5

1,5

0,5

0
03

04

05

06

07
20

20

20

20

20

Indemnisations nettes / Primes nettes souscrites


Réserves techniques nettes / Indemnisations nettes
Primes nettes souscrites / Capital propre (2007-T3)

Source : La BNR (2008)

L’autre catégorie d’assurances, les assurances vie, ont des programmes


d’investissements avec le risque transféré aux clients et elles détiennent encore une partie
importante du portefeuille des compagnies, constituant un facteur de stabilité financière. Les

113
compagnies d’assurances vie font des investissements à long terme, anticipant aussi les
corrections possibles sur les marchés financiers pendant la période de validité des contrats.
Le secteur des assurances-vie a connu un développement continu sans enregistrer
une détérioration des indicateurs de stabilité financière (BNR, 2008). Néanmoins, en 2006, le
rapport entre les dépenses et les primes nettes souscrites s’est détérioré (Figure 31).

Figure 31 : Les indicateurs de stabilité financière pour les assurances-vie

3,5

2,5

1,5

0,5

0
03

04

05

06

07
20

20

20

20

20
Réserves techniques nettes / Primes nettes soucrites Degré de solvabilité Dépenses / Primes nettes soucrites (échelle droite)

Source : BNR (2008)

En ce qui concerne les évolutions récentes du marché des assurances, on note que
le processus d’harmonisation entre la législation nationale concernée et la législation
européenne a continué. La stabilité du secteur des assurances n’a pas encore été affectée par la
crise des marchés financiers internationaux.

2.1.3. Le marché du capital

Le marché du capital se trouve au début de son développement. L’existence de


plusieurs marchés boursiers spécialisés a représenté un facteur qui, selon bien des
observateurs, a freiné la consolidation du marché du capital de la Roumanie.
L’histoire post-décembriste du marché de capital commence en 1992, avec
l’ouverture à Bucarest de la Bourse Roumaine de Marchandises (BRM). L’ouverture de la
Bourse Monétaire - Financière et de Marchandises de Sibiu suit en 1994, constituant la
principale place boursière où se font des transactions avec des produits financiers dérivés –
futures et options. Une autre étape importante pour le marché du capital est le 1 avril 1995,
lorsque la Bourse des Valeurs de Bucarest (BVB) a été constituée après une décision de la
Commission Nationale des Valeurs Immobilières (CNVM), comme une institution d’intérêt

114
public à statut juridique qui exerce son activité en s’appuyant sur le principe de
l’autofinancement. La bourse électronique des valeurs immobilières de Bucarest, (RASDAQ,
Romanian Association of Securities Dealers Automated Quotation) a, à son tour, été ouverte
le 26 octobre 1996 et a été absorbée, le 1 décembre 2005, par la Bourse des Valeurs Bucarest.
La BVB reste la place boursière la plus importante en Roumanie, son activité
connaissant un progrès significatif par le lancement du premier indice boursier, le BET
(Bucharest Exchange Trading Index) en septembre 1997, indice qui a représenté un véritable
« baromètre » de l’activité boursière. Le BET résulte de la nécessité d’utiliser un instrument
synthétique pour évaluer les performances de l’activité de la place boursière. Le deuxième
indice, le BET-FI (Bucarest Exchange Trading Investment Funds Index) a été lancé en 2000,
et reflète l’évolution de toutes les sociétés d’investissements financiers listées sur la BVB.
L’évolution de ces deux indices (Figure 32) a été positive dès leur lancement. A
partir de 2004, on a enregistré une augmentation significative des indices, et implicitement du
marché du capital, soutenu par les perspectives données par l’adhésion à l’Union Européenne
et des mesures prises pour libéraliser complètement le compte de capital. La croissance
économique a représenté aussi un environnement propice au développement du marché.

Figure 32 : L’évolution des indices boursiers BET et BET-FI


100000 12000

90000
10000
80000

70000
8000
60000

50000 6000

40000
4000
30000

20000
2000
10000

0 0
03

03

03

03

04

04

04

04

05

05

05

05

06

06

06

06

07

07

07

07

08

08

08
20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
1/

4/

7/

0/

1/

4/

7/

0/

1/

4/

7/

0/

1/

4/

7/

0/

1/

4/

7/

0/

1/

4/

7/
/0

/0

/0

/1

/0

/0

/0

/1

/0

/0

/0

/1

/0

/0

/0

/1

/0

/0

/0

/1

/0

/0

/0
01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

01

BET - FI (échelle droite) BET

Source : les bulletins mensuels de la BVB

En tant que marché en consolidation qui a enregistré des croissances


exponentielles au cours des dernières années, le marché du capital de Roumanie a été
gravement affecté par la crise globale des marchés financiers. Au second semestre 2007, les
indices boursiers ont baissé, touchant à présent les valeurs enregistrées fin 2005.
D’autres indicateurs analysés pour estimer le niveau de développement du marché
du capital sont la capitalisation boursière (exprimée en pourcentage du PIB) et le volume des

115
transactions sur le marché. La capitalisation boursière a chuté immédiatement après le
déclenchement de la crise des subprimes, pour se reprendre début 2008, surtout parce que
d’autres compagnies ont été listées en bourse. Le volume des transactions a beaucoup oscillé
sur la période analysée, pour diminuer au second semestre 2007 et en 2008, avec les tentatives
de consolidations des positions des investisseurs (Figure 33).

Figure 33 : La capitalisation boursière et l’évolution du volume des transactions

35 600

30
500

25
400
20
300
15
200
10

5 100

0 0
8

7
7

6
97

00

03

06

8
9

-0

-0
.- 9

.- 0

.- 0

.- 0
9

0
il. -

il. -
t.-

r.-

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r.-

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r.-
il.

il.
nv

nv

nv

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oc

av

oc

av

oc

av

oc

av
ju

ju

ju

ju
ja

ja

ja

Capitalisation boursière (% PIB) ja


Volume des transactions (mld.EUR) - échelle droite

Source : Base de données Eurostat

Les turbulences sur les marchés financiers internationaux et la dynamique des


équilibres macroéconomiques internes ont déterminé les investisseurs à réévaluer les risques,
ce qui a influencé le marché du capital qui a enregistré une évolution similaire à la plupart des
marchés internationaux. On a observé sur le marché interne du capital quatre périodes
d’amples corrections des indices boursiers à partir du déclenchement de la crise sur les
marchés internationaux : juillet - août 2007, octobre - novembre 2007, janvier - février 2008
et septembre 2008.
Le niveau de corrélations entre l’indice BET et les indices internationaux souligne
une augmentation de l’influence des marchés développés et une synchronisation plus
significative avec les marchés émergents dans la région pendant certaines périodes de
corrections (Figure 34). Même si la baisse de l’indice PX de la République Tchèque a été la
plus faible au niveau européen, cet indice a diminué de 20% à partir de 2008.
L’indice BET a connu, dans la troisième semaine du septembre, une baisse de
15,18% dans le contexte de « l’effet de domino » causé par la faillite de la banque américaine
Lehman Brothers. Pour stopper cette évolution et pour donner un signal positif au marché, le
Gouvernement a annoncé l’exemption des impôts appliqués aux gains boursiers de 2009 et la

116
CNVM a annoncé la suspension, à partir du mois d’octobre 2008, de la taxe appliquée aux
transactions sur actions (0,08%).

Figure 34 : Evolution des indices boursiers de la Roumanie, la République Tchèque, la


France, le Royaume-Uni et l’Hongrie
12000 35000

30000
10000

25000
8000

20000
6000
15000

4000
10000

2000
5000

0 0
ao -03

ao -04

ao -05

ao -06

ao 07

ao -08
ju 3

oc 03
dé 0 3
fé 03

ju 4

oc 04
dé 0 4
fé -04

ju 5

oc 05
dé 0 5
fé 05

ju 6

oc 06
dé 0 6
fé 06

ju 7

oc 07
dé 0 7
fé 07

ju 8

8
av 3

av 4

av 5

av 6

av 07

av 8
0

-0
0

.- 0

.- 0

.- 0

.- 0
-
-

-
r.-

t.-

r.-

t.-

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r.-

t.-

r.-
r.-

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in

in

in

in

in

in
ût

c.

ût

c.

ût

c.

ût

c.

ût

c.

ût
vr

vr

vr

vr

vr
v

BET_RO PX_CZ CAC40_FR FTSE100_RU BUX_HU

Source: les sites Internet des places boursières nationales pour les indices de la Roumanie, la République
Tchèque et la Hongrie et Yahoo Finance pour les indices de la France et du Royaume Uni

Compte tenu du fait que le marché du capital de la Roumanie détient une part
réduite au sein du secteur financier, les effets de la crise ne se sont pas immédiatement
ressentis dans l’économie réelle qui a fait preuve d’une bonne résistance aux chocs externes
multiples au cours de 2008.

2.3. Les agences sectorielles de surveillance et la Banque Nationale


de Roumanie

En Roumanie, on a appliqué jusqu’à présent le modèle institutionnel pour la


régulation et la surveillance du système financier. De cette façon, la BNR est l’organisme de
tutelle pour le système bancaire, la CNVM est l’institution chargée de la surveillance
prudentielle du marché de capital et la CSA surveille et contrôle tous les opérateurs du secteur
des assurances. A partir de 2007, après l’implémentation du système des pensions privées, la

117
CSSPP (Commission de Surveillance du Système des Pensions Privées) a commencé son
activité29.

2.3.1. La BNR et l’activité de régulation et de surveillance

En Roumanie, la banque centrale doit, conformément au statut de la BNR et en


vue d’assurer la viabilité et le fonctionnement du système bancaire :
émettre des régulations (des lois et des normes nécessaires pour assurer un
système bancaire solide du point de vue financier et capable à satisfaire les exigences
bancaires nationales), prendre des mesures pour faire respecter ces régulations et appliquer
des sanctions lorsqu’elles sont violées ;
contrôler et vérifier, en fonction des rapports reçus et par l’intermédiaire des
inspections sur place, les rapports, les comptes et d’autres documents des banques, que la
banque centrale considère nécessaire pour accomplir ses attributions liées à la surveillance. Il
est interdit aux employés qui ont des responsabilités dans la surveillance de faire partie des
commissions d’expertise ou de participer aux actions de vérification qui dépassent les
attributions et les compétences qui leur sont conférés par la loi.
L’Article 92 de la Loi no. 58/1998 qui porte sur l’activité bancaire, prévoit le fait
que, « pour protéger les intérêts des déposants et pour assurer la stabilité et la viabilité de
tout le système bancaire, la Banque Nationale de Roumanie effectue la surveillance
prudentielle des banques, des personnes juridiques roumaines et des subsidiaires des
établissements de crédit étrangers, autorisés à exercer leur activité en Roumanie, en
établissant des normes et des indicateurs de prudence bancaire, en surveillant leur
application ainsi que la mise en pratique d’autres règles stipulées dans les lois et dans les
règlement en vigueur, en imposant les mesures nécessaires et l’application des sanctions pour
prévenir et pour limiter les risques spécifiques pour l’activité bancaire ».
La BNR surveille de manière individuelle et consolidée l’activité des banques, des
personnes juridiques roumaines. Le Conseil d’administration de la banque centrale peut
imposer des mesures spécifiques de surveillance pour les banques personnes juridiques
roumaines, lorsqu’il constate, lors des actions de surveillance et après avoir analysé les

29
L’implémentation du système de pensions privées est au début. Les ressources que ce système contrôlera dans
les années à venir seront pourtant importantes et par conséquent le rôle de la CSSPP dans l’assurance de la
stabilité financière par la régulation et la surveillance du système des pensions privées va augmenter.

118
rapports des banques, la violation des lois et des régulations issues par la BNR, mais aussi
lorsqu’il remarque une situation financière précaire.
Concernant l’activité de régulation et de surveillance, il faut dire qu’un premier
pas dans la gestion de la stabilité du secteur bancaire est représenté par les stipulations qui
portent sur les possibilités dont les institutions de crédit disposent pour pouvoir opérer sur le
marché concerné. L’article 25 (1) de la Loi no. 312/2004 sur le statut de la BNR, spécifie le
fait que la Banque Nationale de Roumanie a la compétence exclusive pour autoriser les
institutions de crédit et qu’elle est responsable pour la surveillance prudentielle des
établissements de crédit dont elle a autorisé le fonctionnement en Roumanie.

2.3.2. La Commission de Surveillance des Assurances

Le marché des assurances disposait, au début des années 90, de structures


d’organisation incompatibles avec le passage vers l’économie de marché. La première loi
dans le secteur des assurances qui a cherché à s’adapter à l’économie de marché a été la Loi
no. 47/1991 qui porte sur la constitution, l’organisation et le fonctionnement des sociétés
d’assurances et de réassurances. L’Office de Surveillance de l’Activité d’Assurance et de
Réassurance a été fondé dans le cadre du Ministère des Finances, conformément aux
provisions de cette loi, ayant pour rôle de prévenir la situation d’insolvabilité des sociétés
d’assurances et de protéger les droits des assurés.
Le besoin de mettre en œuvre un marché moderne et fiable a imposé
l’amélioration du cadre législatif de sorte qu’en 1995, la Loi no. 136/1995 portant sur les
assurances et les réassurances en Roumanie a été promulguée. Malgré tout cela, en 2000, la
législation liée aux assurances était encore insuffisante et n’était pas harmonisée avec la
législation de l’UE, le marché des assurances avait comme caractéristique dominante la sous-
capitalisation d’un grand nombre de compagnies actives et l’Office de surveillance n’avait pas
le pouvoir d’imposer un contrôle effectif du marché roumain des assurances.
La Loi no. 32/2000 a alors conduit à la constitution de la Commission de
Surveillance des Assurances, organisme indépendant, autonome, financé par les sociétés
d’assurances, ayant pour rôle de réguler, de contrôler et de surveiller le marché des
assurances. La Commission de Surveillance des Assurances se trouve sous la direction du
Conseil de la CSA, constitué de cinq personnes (un président, un vice-président et trois
membres). Les membres du Conseil de la CSA sont nommés par le Parlement Roumain, selon

119
la proposition faite par les commissions pour le budget, les finances et les banques dans le
cadre du Sénat et de la Chambre des Députés, et ils sont élus pour un mandat de 5 ans pour le
président, de 4 ans pour le vice-président, de 3, 2 et 1 an respectivement pour les membres.
La Commission de Surveillance des Assurances a les attributions suivantes:
a) élabore ou avise les projets d’actes normatifs qui portent sur le domaine des
assurances ou qui ont des implications sur ce secteur et avise les actes administratifs
individuels, si ceux-ci sont liés à l’activité d’assurance ;
b) surveille la situation financière des assureurs pour protéger les intérêts des
assurés ou des potentiels assurés, et pour accomplir cet objectif elle peut décider d’organiser
des missions de contrôle pour vérifier l’activité des assureurs ;
c) entreprend les mesures nécessaires afin que l’activité d’assurance soit gérée en
respectant les normes prudentielles spécifiques ;
d) participe, en qualité de membre, aux associations internationales des autorités
de surveillance des assurances et représente la Roumanie ;
e) approuve les actionnaires significatifs et les personnes importantes de
l’assureur, conformément aux critères stipulés dans les normes ;
f) approuve la séparation ou la fusion d’un assureur enregistré en Roumanie ;
g) approuve le transfert du portefeuille ;
h) peut demander aux assureurs, ainsi qu’à toute autre personne liée à leur activité,
de présenter des informations et des documents relatifs à l’activité d’assurance ;
i) participe à l’élaboration du plan des comptes, des normes et des méthodes
comptables, après avoir consulté les associations professionnelles des opérateurs du secteur
des assurances.
L’activité de régulation exercée par la CSA pour l’adhésion de la Roumanie à l’UE
s’est concentrée dans trois directions principales (CSA, 2006) :
a) la contribution de spécialité dans l’élaboration des actes normatifs inclus dans la
catégorie de la législation primaire ;
b) l’assurance de l’harmonisation des régulations nationales dans le domaine de la
comptabilité avec les régulations de l’Union Européenne (implémentation des IFRS30 dans le
secteur des assurances) ;
c) l’amendement et la modification de la législation secondaire spécifique pour le
secteur des assurances.

30
International Financial Reporting Standards.

120
La CSA transmet au Parlement, en 6 mois après la fin de chaque exercice
financier, un rapport sur le marché des assurances en Roumanie, ainsi qu’une présentation des
activités exercées. La CSA prépare et publie un rapport informatif annuel sur le marché des
assurances et sur les institutions et les organismes concernés31.
La CSA a récemment élaboré et adopté la Stratégie pour la période 2007-2011,
dont l’implémentation permettra à la Commission de devenir une institution à haut standard
de professionnalisme et un partenaire crédible dans l’espace européen. L’objectif général de la
Stratégie – à savoir, la valorisation maximale de la qualité d’état membre que la Roumanie
possède à l’intérieur des structures de la Commission Européenne, en même temps que la
croissance de la crédibilité de l’autorité de la CSA au niveau national – est soutenu par trois
grands objectifs stratégiques, c’est-à-dire (CSA, 2006) :
a) le renforcement de la capacité institutionnelle de la Commission de Surveillance
des Assurances;
b) le changement de la philosophie de surveillance (le remplacement de la
surveillance du type « en conformité » avec celle fondée sur l’évaluation du risque, étape
préalable, absolument nécessaire pour l’implémentation de Solvency II32);
c) la redéfinition du rôle et de la position de la CSA dans le cadre des commissions
et des comités de spécialité de la Commission Européenne, ainsi qu’au sein de ceux de
l’Association Internationale des Surveillants des Assurances.

2.3.3. La Commission Nationale des Valeurs Mobilières

Le marché des titres de valeurs est une composante importante de beaucoup


d’économies et la réglementation de ce marché peut être fondamentale pour le développement
financier et l’intégration d’un pays sur le marché mondial. Par conséquent, la régularisation
du marché des titres de valeurs représente un élément important de la stabilité financière.
La Commission Nationale des Valeurs Mobilières, fondée en 1994, est une
autorité administrative autonome de l’état roumain dont le but est la régulation et la

31
Le dernier rapport annuel de la CSA date de 2006.
32
Solvency II est un projet en deux phases qui se propose de repenser le cadre européen de surveillance des
assurances et d’établir un système de solvabilité qui tient mieux compte du profil de risque. Comme Bâle II
(présenté dans le chapitre suivant), trois piliers se trouvent à la base de Solvency II : le Pilier 1 représente les
exigences quantitatives (par exemple, le capital qu’un assureur doit détenir) ; le Pilier 2 est donné par les
demandes qui portent sur le système de gouvernance et de gestion du risque et le Pilier 3 fait référence aux
exigences qui portent sur la transmission des informations et sur la transparence.

121
surveillance du marché de capital, des marchés de marchandises (réglementées) et des
instruments financiers dérivés, mais aussi des institutions et opérations spécifiques.
Pour exercer l’activité de surveillance, la CNVM peut, conformément à la Loi no.
297/2004 :
a) vérifier la façon dont les attributions et les obligations légales et statutaires des
administrateurs, directeurs, directeurs exécutifs, ainsi que celles d’autres personnes qui ont
des connections avec l’activité des entités réglementées, sont accomplies ;
b) solliciter au conseil d’administration des entités réglementées d’organiser des
rendez-vous avec ses membres, ou, selon le cas, de convoquer l’assemblé général des
actionnaires, établissant les sujets à mettre sur l’agenda ;
c) demander des informations et des documents aux émetteurs dont les valeurs
mobilières font l’objet d’offres publiques ou qui ont été acceptées pour faire l’objet des
transactions sur un marché réglementé ou dans un système alternatif de transaction ;
d) entreprendre des contrôles aux sièges des entités surveillées par la CNVM;
e) auditer toute personne en ce qui concerne les activités des entités réglementées
et surveillées par la CNVM.
Les objectifs fondamentaux de la CNVM sont :
• établir et maintenir le cadre nécessaire au développement des marchés
réglementés ;
• promouvoir la confiance dans les marchés réglementés et dans les
investissements liés aux instruments financiers ;
• assurer la protection des opérateurs et des investisseurs contre les pratiques
déloyales, abusives et frauduleuses ;
• promouvoir le fonctionnement correct et transparent des marchés ;
• prévenir la fraude et la manipulation du marché ;
• établir les standards de solidité financière et de pratique honnête sur les
marchés réglementés ;
• adopter les mesures nécessaires pour éviter l’apparition du risque systémique
sur les marchés régulés;
• empêcher la distorsion de l’information et assurer un traitement unitaire et
correct envers les investisseurs et leurs intérêts.
Pour accomplir ses objectifs, la CNVM a commencé à collaborer avec des
institutions internationales qui agissent dans le domaine de la régulation des marchés du

122
capital. Ainsi, la CNVM a participé en 2005 aux travaux de l’Organisation Internationale des
Régulateurs des Valeurs Mobilières et a témoigné un grand intérêt surtout pour l’implication
dans l’activité du Comité des Marchés Emergents (CME), structure spécialisée dont l’activité
vise à augmenter l’efficacité des marchés émergents des valeurs mobilières en élaborant des
standards et des principes, et en facilitant l’échange d’informations et d’expériences.
De même, la CNVM a participé en septembre 2005 au Programme annuel de
l’IOSCO (International Organization of Securities Commissions) qui porte sur la question de
« La régulation du marché du capital » dans les pays émergents (CSA, 2006).
Les objectifs et les principes fondamentaux de l’Organisation Internationale des
Régulateurs des Valeurs Mobilières représentent le standard global clé pour la régulation du
marché des titres de valeurs. Les décisions de l’IOSCO portent sur le fait que les membres de
l’organisation pourront échanger des informations en s’appuyant sur leur expérience pour
intensifier de cette manière le développement des marchés locaux, auront une bonne
collaboration pour définir les standards et pour améliorer la surveillance du marché des
transactions internationales et fourniront de l’assistance mutuelle pour promouvoir l’intégrité
du marché des titres de valeurs.
En 2005 et 2006, la CNVM a eu comme objectif principal l’implémentation de
l’acquis communautaire dans la perspective de l’adhésion de la Roumanie à l’UE. Pour
achever la transposition de l’acquis communautaire lié au secteur financier et
l’implémentation des standards internationaux en vigueur, la CNVM a aussi dirigé ses efforts
vers de nouveaux projets développés à côté d’autres autorités qui ont des compétences sur le
marché financier Roumain :
• la collaboration avec la BNR pour préparer la transposition des directives
européennes applicables aux sociétés de services d’investissements financiers et aux
établissements de crédit, pour assurer une approche unitaire de l’Accord de Capital – Bâle II
au niveau national ;
• la participation dans un groupe de travail interinstitutionnel coordonné par le
Ministère des Finances, à côté des représentants de la BNR et de la CSA, pour transposer la
directive européenne qui porte sur la surveillance supplémentaire des institutions de crédit,
des sociétés d’assurances et des sociétés de services d’investissements financiers ;
• l’analyse des stipulations du paquet législatif portant sur le crédit hypothécaire
qui va assurer le cadre juridique pour l’émission des obligations hypothécaires et des
instruments financiers titrisés, analyse faite avec la Banque Nationale de Roumanie et avec le
Ministère des Finances.

123
La CNVM a en même temps poursuivi les démarches visant l’extension des
relations de coopération avec des autorités similaires à l’étranger. Ces actions se sont
matérialisées par la signature de sept memoranda de compréhension (Memoranda of
Understanding) et par l’initiation des négociations pour conclure des accords de réciprocité
avec des autorités similaires de Luxembourg, Autriche, Portugal, Turquie, Grèce, République
de Moldavie et Chine, ayant comme objectif d’établir des mécanismes efficaces d’échange
d’informations pour assurer une surveillance efficiente des entités et des opérateurs qui
déroulent leurs activités sur le marché du capital.

2.4. Des débats sur la constitution d’une agence unique de


surveillance

La surveillance et la régulation du secteur financier représentent un pilier de la


stabilité financière. De nombreux pays ont considéré qu’il fallait établir des Agences Uniques
de Surveillance (AUS) du secteur financier pour protéger la stabilité financière. Ces agences
sont indépendantes par rapport à la banque centrale et elles ont le rôle de réglementer
l’activité de tous les secteurs financiers, incluant celle du secteur bancaire. Le but de la
constitution de ces agences est de délimiter l’objectif de politique monétaire de celui de
stabilité pour éviter les compromis qui puissent apparaître entre ces deux objectifs des
banques centrales. De plus, on considère que ces AUS sont spécialisées dans la surveillance
des conglomérats financiers, nouveaux défis pour la stabilité du système financier.
Pourtant, la constitution d’une telle agence n’apparaît pas nécessairement la
meilleure solution pour l’activité de régulation et de surveillance. Ces agences ont des moyens
d’intervention réduits et elles peuvent faire l’objet des pressions politiques, tout en étant
constituées comme des agences gouvernementales ou des agences subordonnées au
Parlement, dont les dirigeants sont nommés selon des critères politiques. Les banques
centrales semblent être mieux placées pour exercer l’activité de régulation et de surveillance
car elles jouissent de la crédibilité et de l’indépendance nécessaires.
Il y a eu récemment des débats intenses sur la modification du cadre de régulation
et de surveillance, aussi bien au niveau européen qu’au niveau international. On ne peut pas
affirmer a priori qu’un cadre de surveillance particulier jouit d’une efficience accrue, même
s’il y a parmi les pays de l’Union Européenne une tendance évidente vers l’unification de la

124
régulation et de la surveillance de différents secteurs financiers. La décision de créer des AUS
doit tenir compte des caractéristiques particulières du chaque système financier.
Nous proposons, dans ce qui suit, de montrer que le cadre de surveillance du
système financier roumain, présenté précédemment, est compatible avec la structure du
système financier et la BNR ne pourra pas atteindre l’objectif de stabilité financière sans
pratiquer une surveillance efficace du système bancaire. Pour cela, nous évoquons les
conditions qu’une institution de régulation et de surveillance doit remplir pour exercer une
activité efficace. En outre, nous présentons les arguments en faveur du maintien de la fonction
de surveillance au sein des banques centrales et les arguments qui recommandent la
constitution des AUS. Enfin, nous soulignons la compatibilité de la structure institutionnelle
de surveillance appliquée en Roumanie avec le cadre de surveillance au niveau de l’UE.
La création d’un comité de surveillance mixte sur l’égide de la BNR, comité formé
par des membres de la BNR et des autres agences de surveillance, apparaît à présent une
meilleure solution que la constitution d’une AUS pour le système financier roumain.

2.4.1. Des exigences pour les autorités de régulation et de


surveillance

Même si nous ne partons pas de l’hypothèse que la meilleure solution est le


maintien de la fonction de surveillance au sein des banques centrales, il faut mentionner le fait
que, pour obtenir l’effet désiré, la fonction de surveillance du système bancaire doit être
complémentaire aux autres fonctions qui contribuent à l’assurance de la stabilité financière,
nommées aussi « des filets de protection de la stabilité » (safety nets) (Cerna et al., 2008) :
l’assurance - dépôts, la fonction de prêteur en dernier ressort et la fonction de gestion des
systèmes de paiements.
Les autorités de surveillance doivent analyser de façon objective la situation de
chaque établissement financier, ainsi que la situation de l’ensemble du système financier.
Leur objectivité ne peut pas être assurée sans un haut degré d’indépendance, tant politique
qu’institutionnelle. Une autorité de surveillance doit être crédible pour que ses régulations
soient respectées. La crédibilité et la transparence de ses actions assurent son indépendance,
mais une agence de surveillance indépendante peut jouir en même temps de la crédibilité
nécessaire. Pour éviter le hasard moral, il faut que les autorités de surveillance soient
responsables. Leur responsabilisation ne doit pas entrer en conflit avec leur indépendance. La

125
transparence, la responsabilité, l’indépendance et la crédibilité se trouvent parmi les attributs
qui transforment les banques centrales en institutions à même de lutter contre l’inflation, mais
elles présentent en même temps les caractéristiques d’une autorité de surveillance efficace.
La plupart des études analysent la transparence, la crédibilité et l’indépendance des
banques centrales en étroite liaison avec l’accomplissement des objectifs de stabilité des prix.
Nous considérons que ces éléments doivent aussi caractériser une autorité de régulation et de
surveillance. Une institution indépendante et crédible contribue à l’assurance de la stabilité
financière en offrant des garanties au secteur financier, en particulier lorsque des mesures
extrêmes doivent être entreprises.

2.4.1.1. La transparence

En littérature, on parle de plusieurs formes de transparence d’une institution de


surveillance : transparence politique (objectifs choisis), transparence économique (données et
modèles utilisés), transparence procédurale (décisions, votes), transparence liée aux résultats
des politiques utilisées et transparence opérationnelle.
La transparence est une condition nécessaire pour l’indépendance de la banque
centrale mais aussi pour l’indépendance des autorités de surveillance (Ribeiro, 2002).
Lorsqu’il s’agit de la régulation et de la surveillance du secteur financier, l’autorité en charge
doit informer, de façon continue, le Gouvernement et le public, au moins de la même manière
que la banque centrale offre des informations sur le programme de politique monétaire.
Il faut pourtant faire la distinction entre la transparence de l’activité de
surveillance et la transparence de la politique monétaire. Dans le deuxième cas, une
transparence totale n’est pas recommandée (Eichengreen et Dincer, 2006)33. Les banques
centrales ne sont pas toujours transparentes dans la prise des décisions de politique monétaire.
Cerna (2002) parle de la pratique du secret qui a été théorisée pour la première fois par
Goodfried. On constate qu’en adoptant une telle pratique, la banque centrale, par le manque
de transparence, permet la diminution de la volatilité des taux d’intérêt parce que les agents
économiques deviennent moins sensibles aux possibles changements brusques dans la
conduite de la politique monétaire. A la différence de la transparence de la politique
monétaire, l’activité des autorités de surveillance nécessite un haut niveau de transparence.

33
Etant interrogé sur le niveau optimal du degré de transparence des banques centrales, lors de la conférence
« Les banques centrales comme des institutions économiques » organisée par le Centre Cournot en 2006 à Paris,
Eichengreen répondait: « pour la politique monétaire, environ 50% ».

126
Les discussions sur la transparence se concentrent sur l’efficacité des autorités
dans l’accomplissement de leurs objectifs. L’amélioration de la transparence est partiellement
associée aux efforts d’accroître la responsabilisation. La transparence des stratégies utilisées
et la transparence des décisions peuvent permettre aux agents privés de comprendre le stade
présent de la politique monétaire ou de la politique de surveillance. La transparence
représente une condition préalable pour la responsabilisation (Schich et Seitz, 1999).

2.4.1.2. La responsabilisation

Une autre condition pour qu’une autorité de surveillance puisse remplir ses
fonctions est sa responsabilisation. La responsabilisation (accountability) signifie l’obligation
d’expliquer et de justifier ses actions et ses décisions, en fonction de certains critères, et d’être
responsable des décisions prises. La responsabilisation de l’autorité de surveillance aide à
éviter le conflit potentiel entre celle-ci et le pouvoir politique34.
Quintyn et Taylor (2004) considèrent que la responsabilisation des autorités de
régulation et de contrôle représente « la clé de la véritable indépendance de ces organismes ».
Les auteurs énumèrent plusieurs critères qui doivent être pris en considération pour que la
responsabilisation soit réelle : un fondement juridique clair ; une présentation claire et
publique des objectifs de l’autorité de contrôle, comme par exemple le maintien de la stabilité
du secteur financier et la solidité des banques individuelles ; les relations entre l’autorité de
contrôle et le pouvoir exécutif, législatif et juridique doivent être clairement définies ; la
nominalisation, le remplacement ou la révocation de l’équipe managériale doivent suivre une
procédure transparente.

2.4.1.3. L’indépendance

L’indépendance des institutions de régulation représente la caractéristique la plus


étudiée dans la littérature sur cette question. Le succès obtenu par les banques centrales
indépendantes dans la lutte contre l’inflation a stimulé l’intérêt pour l’indépendance des
autorités de surveillance.

34
En citant Milton Friedman, André Orléan (2006) affirme en évoquant la responsabilisation de la banque
centrale : « toutes les confrontations entre la banque centrale et l’autorité politique ont rendu cette dernière
victorieuse ».

127
L’indépendance est considérée comme essentielle pour combattre la préférence
naturelle des politiciens pour des politiques économiques expansionnistes, qui promettent des
gains électoraux à court terme, mais qui risquent d’aggraver la situation financière à long
terme. La décision de fermer une banque en difficulté n’est pas populaire. Les politiciens,
désireux d’éviter la déclaration d’une faillite, peuvent être tentés d’exercer des pressions sur
les responsables du contrôle bancaire. L’indépendance de la régulation bancaire représente
pour la stabilité financière ce que l’indépendance de la banque centrale représente pour la
stabilité monétaire, et l’indépendance de ces deux organismes (ou, selon le cas, d’un seul
organisme) leur permet de se consolider de façon réciproque. Les deux fournissent en effet un
bien public – la stabilité financière. L’indépendance de l’autorité de régulation ne représente
pas un but en soi, mais contribue à l’accomplissement des objectifs statutaires.
Plusieurs types d’indépendance (ou d’autonomie, comme l’appellent certains) sont
évoqués dans la littérature. On rencontre souvent des modèles différents utilisés pour mesurer
le degré d’indépendance, mais la majorité fait référence à l’indépendance de la banque
centrale comme autorité monétaire35. Dardac et Barbu (2005) élaborent une synthèse de ces
modèles dont la construction est discutable parce qu’ils ne font pas toujours la distinction
entre l’indépendance « apparente » et l’indépendance « réelle ».
Cukierman et al. (1992) réalisent l’une des classifications les plus connues du
degré d’indépendance des banques centrales. L’étude est fondée sur l’indépendance politique
et les stipulations légales sont considérées comme des variables. Les pays de l’ancien bloque
communiste apparaissent avec de très bonnes performances en matière d’indépendance des
banques centrales (Annexe 2). Les résultats sont douteux au moins pour deux raisons : a) les
banques centrales d’un système centralisé sont subordonnées à la sphère politique et cette
influence continue aussi pendant une courte période après le changement du régime ; b) il
résulterait qu’il n’y a pas de relation directe entre l’indépendance et la performance en matière
d’inflation, paradoxal à l’idée centrale de l’article selon laquelle un plus grand degré
d’indépendance permet à la banque centrale d’atteindre les objectifs d’inflation.
Quelques insuffisances dans l’étude sont aussi observées par Cerna (2002). Ainsi,
une plus longue durée de vie du conseil d’administration de la banque centrale ne signifie pas
forcément qu’elle est indépendante, « parce qu’il est possible que les membres de cet

35
Quant à l’indépendance des banques centrales comme autorités monétaires, Capie (2005) soutient que ce
problème existe depuis toujours. Après la Grande Dépression, les banques centrales ont été accusées d’avoir un
comportement inadéquat, fait qui a mis fin à leur indépendance. A la suite des pressions inflationnistes qui sont
apparues après la seconde guerre mondiale, le besoin d’avoir de telles institutions indépendantes a été de
nouveau ressenti.

128
organisme soient maintenus dans leurs positions justement parce qu’ils obéissent au pouvoir
politique ». De l’autre côté, le fait que la banque centrale est juridiquement indépendante ne
signifie pas qu’elle ne reçoit pas des signaux, des suggestions et des indications de la part du
Gouvernement, du Parlement ou des groupes de pression.
Plusieurs types d’indépendance sont proposés. Schich et Seitz (1999) parlent de
l’indépendance institutionnelle, l’indépendance du personnel et l’indépendance fonctionnelle.
Lybek (2004) préfère le terme d’autonomie à celui d’indépendance des banques centrales,
faisant la distinction entre plusieurs types d’autonomie : l’autonomie comme objectif (signifie
que la banque centrale est responsable de plusieurs objectifs, tout en ayant cependant la
possibilité de choisir l’objectif prioritaire parmi plusieurs objectifs stipulés dans la lois
bancaire) ; l’autonomie comme cible (il y a un seul objectif primordial stipulé dans la loi) ;
l’autonomie comme instrument (implique le fait que le gouvernement décide les cibles de la
politique monétaire, en accord avec la banque centrale) ; l’autonomie limitée ou le manque
d’autonomie (signifie que la banque centrale est presque une agence gouvernementale).
Une agence de surveillance doit être capable de prendre des décisions qui entrent
dans son champ de compétence, sans interventions éventuelles de la part des ministres, des
parlementaires ou des autres officialités gouvernementales. Une agence de régulation doit
disposer d’une autorité suffisante par rapport à toutes les firmes qu’elle est censée réglementer
(Abrams et Taylor, 2000). Cette autorité porte au moins sur : l’habileté de demander aux
institutions réglementées de fournir des informations, la capacité d’évaluer les compétences
du management supérieur et des actionnaires des institutions et la mise en pratique des
sanctions lorsque les règles ne sont pas respectées, ou même la possibilité d’intervenir dans
l’activité de ces institutions lorsqu’il est nécessaire.
Un accent important est mis aussi sur l’indépendance financière de l’autorité de
surveillance36. L’accomplissement de l’objectif de stabilité financière, par l’intermédiaire de
la fonction de prêteur en dernier ressort, équivaut avec certaines pertes dans le bilan des
autorités de surveillance, et ces institutions peuvent subir des pressions politiques si elles ne
bénéficient pas des ressources nécessaires.
Quintyn et Taylor (2004) distinguent quatre niveaux d’indépendance pour une
autorité de régulation et de surveillance:

36
Pour l’indépendance financière de la banque centrale, voir l’étude de Stella (1997). Une autre étude effectuée
par Lybek (2004) montre que l’intégrité de la banque centrale devrait être protégée des influences politiques
suite à des pertes significatives dans ses résultats. Selon lui, les banques centrales doivent disposer des fonds
suffisants parce que la profitabilité ne doit pas représenter un objectif, et le manque de fonds pourrait affecter de
façon négative les objectifs de stabilité des prix.

129
1) L’indépendance de la régulation du secteur financier signifie le fait que les
organismes en charge doivent jouir d’une autonomie suffisante pour définir au moins les
règles prudentielles et les règlements.
2) L’indépendance du contrôle est cruciale dans le secteur financier, étant en
même temps difficile à réaliser et à garantir.
3) L’indépendance institutionnelle, c'est-à-dire le statut dont jouit l’autorité de
contrôle, en dehors du pouvoir exécutif et législatif, et qui suppose trois éléments critiques.
D’abord, le personnel doit bénéficier de la sécurité du lieu de travail – la nominalisation et
surtout la révocation doit respecter des règles claires. Ensuite, la structure du management de
l’autorité de contrôle doit être constituée de plusieurs commissions d’experts. Enfin, la prise
des décisions doit être ouverte et transparente.
4) L’indépendance budgétaire dépend en principal du rôle du pouvoir exécutif et
législatif dans la détermination du budget de l’autorité de contrôle et dans son utilisation.
L’autorité ne doit pas être exposée aux pressions politiques exercées par l’intermédiaire du
budget. Certaines autorités de contrôle sont financées par des redevances versées par les
autorités contrôlées, pratique qui limite l’interférence politique, mais qui risque de rendre
l’autorité de contrôle dépendante des établissements contrôlés37.
Le degré d’indépendance est proportionnel au degré d’implication de la banque
centrale dans la surveillance du système financier (Masciandaro, 2004 ; Dardac et Barbu,
2005). De l’autre côté, Sinclair (2000, 200138) considère que la dimension de la fonction de
régulation et de surveillance des banques centrales est d’habitude corrélée de façon négative
avec le degré d’indépendance de celles-ci, mais en ce qui concerne le groupe des pays
industrialisés et en transition, cette corrélation va dans l’autre sens.

2.4.1.4. La crédibilité

La crédibilité est tout à fait importante pour l’autorité monétaire ainsi que pour
l’autorité de surveillance. Une autorité de surveillance crédible peut mieux résister aux
pressions politiques et ses exigences sont mieux accomplies par le secteur privé. En cas de
crise financière par exemple, la fonction de prêteur en dernier ressort ne peut être mise en
pratique que par une banque centrale crédible si on souhaite limiter le hasard moral.

37
C’est le cas de l’Autorité de Surveillance Financière d’Hongrie (HFSA).
38
dans « Central Banks and Financial Stability », Brealey et al. (2001).

130
Waller et De Haan (2004) présentent les résultats d’un sondage fait parmi les
économistes du secteur privé et qui porte sur la crédibilité et la transparence des banques
centrales. Les auteurs arrivent à la conclusion qu’une banque centrale crédible : peut réduire
l’inflation à un coût social plus bas et peut la maintenir plus facilement au niveau accepté ;
peut agir plus facilement en qualité de prêteur en dernier ressort sans créer de la panique liée
au fait qu’elle ne peut pas accomplir les objectifs d’inflation ; peut défendre de façon plus
facile la valeur de la monnaie en cas d’attaques spéculatives ; trouve plus facilement de
l’appui public pour assurer son indépendance. On a la même situation dans le cas d’une
autorité de surveillance. Sa crédibilité rend ses décisions invulnérables. Les institutions
respectent une autorité crédible et ils collaborent avec un tel organisme. Il faut rappeler que
les résultats obtenus par ces deux auteurs sont influencés de façon considérable par la
réputation des banques centrales analysées.
En conclusion, les objectifs de l’autorité de régulation et de surveillance doivent
être clairs, et elle doit les atteindre par des instruments et des stratégies qui lui sont propres.
La clarté des objectifs évite un conflit entre ces objectifs et l’accomplissement d’autres
objectifs par la même institution. Une autorité de régulation et de surveillance indépendante
peut jouir de la crédibilité nécessaire.
Ces différentes caractéristiques sont nécessaires, mais pas suffisantes, pour
garantir la performance d’une autorité de surveillance. Il faut en même temps tenir compte de
sa capacité de s’adapter rapidement à l’environnement en changement et d’éliminer
l’arbitrage de la régulation. Le débat se concentre dans ce cas sur les arguments qui sont en
faveur du maintien de la fonction de surveillance du secteur bancaire dans le cadre de la
banque centrale et sur leur confrontation avec les arguments qui convergent dans la faveur de
la création d’une autorité unique de surveillance.

2.4.2. Des arguments en faveur de l’intégration de la fonction de


surveillance au sein des banques centrales

Les objectifs des banques centrales liés à la stabilité des prix et ceux liés à la
stabilité financière sont corrélés, même s’il peut y en avoir un compromis à court terme
(Mishkin, 2001). Plusieurs spécialistes (Quintyn et Taylor, 2004 ; Oosterloo et De Haan,
2004) soutiennent le besoin du maintien de la fonction de surveillance du secteur bancaire au
sein de la banque centrale. Bieri (2004), en citant Tinbergen, affirme que, si la banque

131
centrale dispose seulement d’un seul instrument, celui de politique monétaire, elle peut
atteindre seulement un objectif – celui de stabilité des prix. C’est pourquoi, si l’objectif de
stabilité financière se trouve parmi les attributions de la banque centrale, celle-ci doit
surveiller le système bancaire. Tout régime de surveillance du secteur bancaire doit faire une
liaison entre l’activité de surveillance et la banque centrale, du fait des relations existantes
entre la stabilité des prix et la stabilité financière (Masciandaro, 2004).
La régulation bancaire a été « instaurée » par la banque centrale pour assurer la
stabilité du secteur financier. Dans le secteur financier non bancaire (le marché du capital, les
assurances, les fonds de pensions), la régulation est généralement assurée soit par un
ministère, soit par un organisme spécialisé à l’intérieur de l’administration centrale.
Cependant, la recherche de stabilité des prix et de stabilité financière est une obligation
traditionnelle des banques centrales et des autres agences de surveillance, mais
l’accomplissement de ces objectifs jumelés n’est pas possible sans une étroite coopération
entre ces entités de régulation et de surveillance. C’est pourquoi le problème de l’inefficacité
de la coopération n’existe plus si une seule institution remplit les deux fonctions.
Un régime combiné de politique monétaire et de contrôle bancaire présente des
avantages spécifiques en matière de stabilité systémique : les informations obtenues par les
banques centrales dans leurs missions de surveillance des systèmes de paiements et des
marchés monétaires favorisent la détection des difficultés de trésorerie des banques, tandis
que la disponibilité de l’information prudentielle permet une intervention plus rapide et une
meilleure gestion du hasard moral lié aux éventuelles injections de liquidité, dans le cadre des
actions de prêteur en dernier ressort.
Selon nous, une synergie évidente existe entre la fonction de surveillance et celle
de politique monétaire, car les informations obtenues lors de l’activité de surveillance des
banques aident et conduisent à l’amélioration des prévisions macroéconomiques. L’exactitude
des prévisions sur les variables macroéconomiques est essentielle pour la politique monétaire
qui est une politique prospective. Sinclair (2000) souligne à son tour la synergie qui existe
entre les objectifs de la banque centrale, celui de stabilité des prix et celui de stabilité
financière. Il soutient que la transition à un régime plus « sûr » de contrôle financier
impliquera un niveau plus bas des prix d’équilibre, indifféremment de la trajectoire des
agrégés monétaires.
Une étude de la BCE (2001) montre qu’en ce qui concerne la surveillance
prudentielle, la banque centrale analyse, au-delà de la solidité des établissements individuels,
les implications sur le risque systémique, tandis qu’une AUS entreprend surtout des actions de

132
protection des déposants ou des investisseurs. Cette étude compare aussi les arguments pour
ou contre l’intégration de la fonction de surveillance du secteur bancaire au sein de la banque
centrale. Les arguments en faveur de l’intégration de cette fonction sont :
a) La synergie des informations entre la fonction de surveillance et les missions
fondamentales de la banque centrale. Cet argument souligne l’importance que les
informations confidentielles obtenues après un contrôle prudentiel peuvent avoir pour les
systèmes de paiements et pour la bonne conduite de la politique monétaire. En même temps,
l’information prudentielle sur les institutions susceptibles d’alimenter le risque systémique est
essentielle pour la surveillance macro-prudentielle. De plus, si une crise financière nécessite
l’intervention de la banque centrale, celle-ci peut intervenir sur la base des informations
prudentielles et elle peut apprendre quelle est la situation particulière d’une banque qui a
besoin des liquidités. L’obtention de ces informations de façon indirecte, par l’intermédiaire
d’une AUS, peut mener à des interprétations erronées.
b) L’accent particulier mis sur le risque systémique. Il y a une étroite relation
entre le contrôle prudentiel de chaque intermédiaire et l’évaluation du risque systémique.
Même dans les pays où il y a une AUS, la banque centrale a un rôle significatif pour la
stabilité financière systémique. La banque centrale peut mieux apprécier non seulement la
probabilité des incidents possibles, des chocs macroéconomiques, ou les perturbations sur les
marchés, mais aussi les autres facteurs qui affectent la stabilité financière, comme par
exemple l’activité des groupes d’intermédiaires financiers.
c) L’indépendance et l’expertise technique. Cet argument met l’accent sur la
qualité de la contribution que les banques centrales peuvent apporter pour la stabilité du
système financier. L’indépendance de l’autorité de surveillance vis-à-vis des interférences
politiques est importante pour assurer l’efficience de l’activité de surveillance.
Les arguments pour le maintien de la fonction de surveillance du secteur bancaire
au sein de la banque centrale sont souvent mentionnés comme argument contre la constitution
d’une AUS. Abraham et Taylor (2000) énumèrent une série d’arguments contre
l’implémentation des AUS et parle d’une soi-disant « Boîte de Pandore »39. Les explications

39
Dans la « Boîte de Pandore » sont présentés quatre types des risques liés à l’unification de la surveillance. Un
premier risque provient de la sphère du politique, quelques politiciens pouvant voir ce processus d’unification
comme une opportunité pour augmenter leur influence. Un deuxième risque est de nature législative. La
constitution d’une agence unique nécessitera la modification de la législation, fait qui peut conduire cependant à
voir certains groupes d’intérêts s’emparer de ce processus. Un autre inconvénient de l’unification est la
possibilité de ne pas trouver de solution aux lacunes de la régulation. Un troisième risque engendré par ce
changement est la possible réduction de la capacité de régulation par la perte du personnel clé. Une partie du
personnel va considérer le processus d’unification comme difficile et préfère l’éviter. Ainsi, certains employés,
même s’ils sont de bons experts, peuvent se sentir menacés et cherchent un autre travail ou vont à la retraite. Un

133
des auteurs relèvent plutôt des risques que la constitution d’une AUS suppose et du fait que
les fondements d’une telle décision ne sont pas justifiés :
a) Les objectifs peuvent ne pas être clairs. Un des plus puissants arguments contre
l’unification des fonctions au sein d’une AUS est la difficulté à trouver un équilibre entre les
différents objectifs de la régulation. Compte tenu de leur diversité – en partant de la protection
contre le risque systémique et allant jusqu’à la protection des investisseurs –, il est possible
qu’une seule autorité de régulation ne se concentre pas de façon claire sur les objectifs
nationaux et ne puisse pas faire la distinction lorsqu’il s’agit de la régulation de différents
types d’établissements.
b) Des déséconomies d’échelle. Les économies d’échelle représentent un argument
important en faveur de l’AUS, mais il faut reconnaître qu’il peut y avoir aussi des
déséconomies. Une source d’inefficience peut apparaître parce qu’une agence unique se
trouve en situation de monopole, et la nouvelle structure peut être plus rigide et
bureaucratique. Une autre source pour les déséconomies d’échelle est la tendance d’une
agence unifiée d’augmenter le nombre de fonctions, « l’effet Christmas-tree ». Cela arrive
parce que les politiciens peuvent être tentés d’assigner des tâches connexes aux fonctions
principales. Par exemple, dans les pays scandinaves, la surveillance des brokers sur le marché
immobilier a été assignée aux agences uniques de surveillance.
c) Des synergies limitées. Certaines critiques de l’unification indiquent le gain
réduit obtenu par l’unification, c'est-à-dire les économies de gamme sont probablement moins
significatives que les économies d’échelle. Par exemple, la source du risque des banques
réside dans l’actif bilanciel, tandis que la majorité des risques des sociétés d’assurances se
retrouvent dans les passifs. De plus, les procédures de surveillance pour le deux secteurs
financiers sont différentes.
d) Le hasard moral. Peut-être l’argument le plus inquiétant contre l’unification est
l’aléa de moralité. Celui-ci est fondé sur la prémisse que le public supposera que tous les
créditeurs des établissements surveillés recevront une protection égale.
Un élément qui n’est pas avancé dans les analyses de type coût-bénéfice de la
littérature est le fait que la majorité des banques centrales sont responsables de la stabilité
financière. La stabilité financière a une dimension autant macroéconomique que
microéconomique, qui sont étroitement corrélées. Si la banque centrale n’assure plus la

quatrième risque est le remplacement de l’équipe managériale, fait qui pourrait rendre le processus de régulation
plus lent. L’unification de la surveillance implique un besoin de ressources humaines, des managers, même dans
les environnements où ce type de personnel manque.

134
stabilité microéconomique (obtenue à l’aide de la fonction de régulation et de surveillance des
institutions bancaires), il est très difficile de gérer la stabilité systémique.
De plus, si on assigne à la banque centrale seulement l’objectif de stabilité des
prix, cela ne signifie pas forcément que l’accomplissement de cet objectif est garanti. Les
actions de la banque centrale dépendront dans une mesure considérable de la politique fiscale
et de l’existence d’un environnement de stabilité. C’est pourquoi la coopération avec les
autorités politiques et l’implication de la banque centrale dans l’assurance de la stabilité
financière représenteront la clé pour atteindre les objectifs de cette institution.
L’intégration de la surveillance du secteur bancaire au sein de la banque centrale
ne représente pas toujours la meilleure solution. Il y a aussi des arguments qui recommandent
que la surveillance de l’ensemble du système financier soit exercée par une AUS. De cette
manière, dans les systèmes caractérisés par des marchés du capital très développés et où les
activités du secteur financier sont difficiles à délimiter, les bénéfices informationnels obtenus
par la banque centrale peuvent être réduits. De plus, l’existence des conglomérats financiers et
le manque d’expérience des banques centrales dans la surveillance recommandent la
constitution d’une AUS.

2.4.3. Des arguments en faveur de la constitution d’une Agence


Unique de Surveillance

Apparemment, la meilleure modalité d’assurer l’indépendance de l’autorité de


régulation et de contrôle bancaire est l’intégration de cette fonction au sein d’une banque
centrale indépendante. Comme l’indépendance de la banque centrale est aujourd’hui acceptée,
l’autorité unique de contrôle pourrait à son tour jouir de cette indépendance. Donc, une
alternative à la concentration des fonctions de régulation et de surveillance du secteur
bancaire au sein des banques centrales est la création d’une agence distincte, unique de
surveillance, responsable pour la surveillance bancaire, pour celle de la bourse et des
assurances. Il y a une tendance croissante concernant la création des autorités uniques de
surveillance, fait qui oblige les facteurs de décision et les organismes législatifs à réviser les
dispositions institutionnelles pour garantir leur indépendance.
Masciandaro (2004) fait une analyse coût - bénéfice pour la création d’une AUS et
arrive à la conclusion qu’il n’y a pas une forme de surveillance supérieure, même si on a
récemment observé une tendance vers la concentration des régimes de surveillance

135
financière : la Norvège (1986), l’Islande, l’Autriche et la Danemark (1988), la Suède (1991),
l’Angleterre et la Corée (1997), la Lettonie (1998), l’Estonie (1999), la Hongrie (2000), le
Japon (2001), Malte, l’Allemagne (2002) et la Belgique (2004). Cette analyse coût-bénéfice
est présentée dans le Tableau 7.

Tableau 7 : L’analyse traditionnelle coût - bénéfice pour la création d’une AUS


Bénéfices attendus Coûts attendus
La relation : autorité de Les coûts de la surveillance et L’incitation pour l’innovation
régulation – société les bénéfices de l’arbitrage diminue
surveillée diminuent
La relation : AUS – système L’indépendance croît Le risque de capture croît
politique
L’organisation interne Les économies d’échelle Les déséconomies d’échelle
augmentent augmentent
Le conflit lié à l’internalisation Le conflit lié à l’internalisation
du bénéfice croît des coûts croît
Les clients des services Les bénéfices de la confiance Les coûts de la sur-confiance
financiers augmentent augmentent
Source : Masciandaro (2004)

La Banque Nationale d’Islande (2005) soutient que, pour assurer un système


financier opérationnel, le gouvernement a établi des responsabilités différentes pour la banque
centrale et pour l’AUS. Au sens large, la banque centrale islandaise est responsable de la
promotion de l’efficience et de la sécurité de l’ensemble du système financier et, dans une
perspective macroéconomique, cela signifie l’assurance de la stabilité financière. L’AUS,
quant à elle, a le rôle d’autorité de régulation, en veillant à ce que les activités financières
obéissent aux lois, aux règlements et aux accords, ainsi que le rôle de surveillant, mais la
coopération de la banque centrale et de l’AUS est essentielle pour garantir la stabilité.
Goodhart (2004), promouvant la structure de surveillance en Angleterre, montre
que chaque institution (Banque centrale, FSA40 et Trésorerie) a des responsabilités bien
marquées en termes de stabilité financière. La FSA est une autorité de surveillance,
responsable de la surveillance des établissements financiers individuels, tandis que la banque
centrale est censée assurer le bon fonctionnement du système des paiements et, par extension,
la surveillance de la structure et de la solidité du système des compensations et des règlements
des principaux marchés financiers : le marché des obligations, le marché de change et, peut-

40
Financial Services Authority représente l’autorité unique de surveillance au Royaume-Uni.

136
être dans une mesure plus réduite, le marché des actions. Il appelle ce processus de séparation
des fonctions un processus plus compliqué mais peut-être plus « démocratique »41.
Les arguments en faveur de la constitution de l’AUS sont aussi nombreux que
ceux qui militent pour le maintien de la fonction de surveillance au sein de la banque centrale.
Ces arguments portent sur un potentiel conflit entre les objectifs de la politique monétaire et
les objectifs de stabilité financière. De plus, il y a aussi des arguments pour le maintien d’un
rôle formel de la banque centrale (le cas de la Bundesbank par exemple) qui font référence à
la synergie et à la circulation des informations et au fonctionnement approprié du système des
paiements.
Gulde et Wolf (2005) sont favorables à une implication formelle de la banque
centrale en matière de surveillance. Quant à la centralisation de la surveillance, ils considèrent
qu’elle devrait se concentrer au début sur un nombre restreint de banques considérées comme
multinationales. De cette façon :
• une surveillance multilatérale dépend de l’importance de l’activité
internationale des institutions concernées, de l’effet de contagion et des externalités ;
• le problème potentiel identifié en théorie porte sur le système courant de
surveillance nationale déterminé par la localisation de la banque commerciale mère et sur le
besoin de coordination du flux supplémentaire d’informations ;
• dans la période suivante, le système européen bancaire et celui des assurances
subiront des changements substantiels une fois Bâle II et Solvency II, ou les normes IAS,
introduits.
La BCE (2001) a rédigé une liste d’arguments existant dans la littérature et qui
sont en faveur de la séparation de la fonction de stabilité des prix de la fonction de
surveillance et elle a identifié trois éléments principaux qui vont dans cette direction :
a) Le conflit d’intérêts entre la surveillance et la politique monétaire. Une
préoccupation d’ordre prudentiel liée à la fragilité du système bancaire peut inciter la banque
centrale à adopter une politique monétaire plus laxiste et à laisser de côté l’objectif
d’inflation, en particulier en cas de crise. L’argument fondamental dans cette situation est que,
par le maintien de la stabilité des prix, on assure de facto la stabilité financière. En
conclusion, l’instabilité financière n’est prise en considération que lorsqu’elle affecte les
objectifs d’inflation.

41
La position de cet auteur est intéressante parce que, d’un côté, il milite pour l’élimination de la fonction de
surveillance du sein de la banque centrale et pour la création des AUS et, de l’autre côté, il soutient l’intégration
des prix des actifs financiers dans la fonction de réaction de la politique monétaire, qui suppose une
compatibilité considérable entre les objectifs de stabilité des prix et ceux de stabilité financière.

137
b) L’émergence des conglomérats financiers. Cet argument a été souvent analysé
dans les débats récents. Les liaisons de plus en plus étroites entre les banques, les assurances
et le marché du capital rendent difficiles la distinction entre les différentes activités des
conglomérats. Un contrôle sectoriel peut s’avérer dans ce cas moins efficace du fait des
problèmes d’arbitrage42.
c) La concentration du pouvoir dans les mains de la banque centrale.
L’assignation des responsabilités de régulation et de surveillance à une banque centrale
indépendante peut être considérée comme préjudiciable à cause des abus possibles. La banque
centrale peut devenir une institution excessivement bureaucratique.
La majorité des études en faveur de la création d’une AUS sont réalisées par des
chercheurs des pays où il y a déjà en place une AUS. L’étude de l’HFSA (2002) va dans le
même sens. L’argument le plus important pour la constitution de l’HFSA en 2002 a été
l’amélioration de l’efficacité de la surveillance sur base consolidée et l’amélioration du
management de l’agence intégrée a été définie comme une responsabilité importante. Le
management de l’HFSA a contribué à améliorer la confiance des acteurs financiers et la
fusion des agences de régulation a mis en évidence le fait que certaines stipulations des lois
spécifiques pour chaque institution surveillée étaient en conflit les unes avec les autres ou
contenaient des différences injustifiées. La création d’une AUS a remédié à cette situation.
Un autre argument en faveur de la séparation de la fonction de surveillance de
celle monétaire est le passage aux banques universelles qui rend difficile pour la banque
centrale la séparation ou la distinction entre les établissements financiers qui peuvent ou non
bénéficier du « safety net » qu’elle leur offre.
Briault (2002) a avancé à son tour une série d’éléments en faveur de l’unification
de la surveillance, tels les économies d’échelle et les économies de gamme, l’émergence des
conglomérats financiers, mais aussi :
- La neutralisation de « l’arbitrage ». Il y a des situations où les établissements
financiers qui offrent des services ou des produits similaires sont surveillés par des autorités
différentes. Cela peut déterminer le placement d’un certain service ou produit financier dans
la partie du conglomérat financier où les coûts de surveillance sont plus réduits ou dans le
secteur où la surveillance n’est pas trop détaillée.

42
La possibilité qu’une entreprise concentre son activité dans certains secteurs du conglomérat pour entrer ou
sortir de la sphère de surveillance d’une certaine autorité de régulation. La création d’une AUS éliminerait cette
pratique.

138
- La flexibilité de la régulation. Un potentiel avantage de l’approche de la
surveillance unifiée est qu’elle rendrait le système de surveillance plus flexible. Les agences
spécialisées (sectorielles) pourraient être empêchées à fonctionner effectivement là où le statut
juridique laisse place à des interprétations ou elles pourraient avoir des problèmes lorsqu’elles
sont confrontées à des situations particulières, par exemple lorsque un nouveau type de
produit ou une institution qui ne sont pas couverts par la législation en vigueur apparaissent.
- La constitution d’une équipe de spécialistes. Une demande essentielle de la
régulation effective est qu’une agence de régulation doit être capable d’attirer, retenir et
développer un groupe de spécialistes qualifiés. L’unification peut contribuer à ce processus ;
une agence unifiée peut être mieux placée pour formuler une politique des ressources
humaines, incluant la planification de la carrière et de la stratégie de personnel.
- L’amélioration de la responsabilisation. L’argument final en faveur de
l’unification est que ce processus améliore la responsabilisation de la surveillance. Dans un
système avec de multiples agences de surveillance, il peut être plus difficile à observer si les
autorités de régulation et de surveillance assument la responsabilité pour leurs performances
et pour les coûts de fonctionnement.
Mayes (2006) soutient aussi la nécessité d’un seul système de régulation et de
surveillance du système financier où une seule autorité a la responsabilité du management pas
seulement en matière de surveillance mais aussi pour la prise des décisions promptes et pour
des interventions rapides face à des problèmes liés à l’adéquation du capital.
Un autre argument en faveur de l’AUS et qui n’est généralement pas présenté dans
la littérature est la plus grande aisance à conclure des memoranda de compréhension
(Memoranda of Understanding, MoU) entre les autorités de surveillance. Cet argument est
principalement lié au besoin d’une surveillance particulière des conglomérats financiers.
L’implication des institutions de plusieurs pays est souvent nécessaire, et il est plus pratique
de signer un MoU entre deux AUS de pays différents que de conclure trois MoU différents
entre les autorités de surveillance du marché du capital, du marché bancaire et du marché des
assurances de ces pays.
La structure organisationnelle de la surveillance unifiée peut être implémentée en
utilisant un des trois modèles fondamentaux suivants :
• le premier est la division sectorielle en conformité avec laquelle les structures
organisationnelles sont établies pour refléter les secteurs financiers (établissements de crédit,
marchés du capital, services d’assurances, fonds de pensions);

139
• le deuxième est une structure fonctionnelle conformément à laquelle les unités
organisationnelles sont établies en fonction des activités entreprises (attribution des licences,
consolidation ou surveillance, etc.);
• une troisième solution possible est une structure matricielle qui combine les
deux versions.
Ces trois structures organisationnelles de surveillance sont rencontrées en pratique
et le choix doit être fait en fonction des objectifs établis et des ressources disponibles.
Néanmoins, d’autres systèmes divers et hybrides de régulation et de surveillance peuvent être
rencontrés.
Un facteur clé pour qu’une structure de régulation remplisse les critères
d’efficacité est qu’elle doit refléter, au moins jusqu’à un certain point, la structure de
l’industrie réglementée. Par exemple, lorsque les banques universelles prédominent dans le
système financier, avec des activités significatives sur les marchés du capital, la régulation
combinée des banques et du marché du capital est préférée. Une autre raison pour combiner
les activités de régulation pour le marché bancaire et celui du capital est le fait que le risque
apparaît dans l’actif bilanciel. La situation des sociétés d’assurances est différente parce que,
dans ce cas, les risques principaux sont au passif. Malgré cela, la synergie entre activités
bancaires et activités d’assurances (le phénomène « bancassurance ») a mené à la situation où,
dans certains pays, ces deux secteurs sont surveillés par une autorité commune.
Une AUS doit être créée en tenant compte des caractéristiques du système
financier et du contexte international. L’apparition de conglomérats financiers est, selon nous,
l’argument principal qui relève l’importance de la flexibilité de l’AUS43. Les interconnexions
au niveau du système financier constituent des éléments fondamentaux pour l’analyse de la
stabilité financière systémique, pour la capacité d’absorption des chocs éventuels qui
pourraient affecter certaines composantes du système et pour la possibilité d’amplifier
certains déséquilibres sectoriels.
L’augmentation du nombre des conglomérats où opèrent de divers groupes
d’établissements financiers tant autochtones qu’internationaux, a incité les autorités de
régulation à chercher des modalités efficaces pour les surveiller. La surveillance fragmentée
peut causer des problèmes dans l’évaluation de tous les risques sur une base consolidée. La
question qui surgit est si le groupe comme un tout est suffisamment capitalisé et s’il a mis en
pratique des systèmes adéquats pour la gestion des risques. L’expérience a montré que la

43
Les risques que l’émergence des conglomérats financiers présente pour la stabilité financière, seront approchés
en détail au Chapitre IV.

140
surveillance effective des conglomérats financiers diversifiés impose certaines demandes liées
aux organismes de surveillance, qui ne sont généralement pas présentes dans une structure
organisationnelle simple. Pourtant, comme nous allons le constater, il y a des solutions pour la
surveillance des conglomérats au niveau national, par la constitution des comités mixtes de
surveillance, ainsi que pour la surveillance des conglomérats financiers transnationaux, par la
conclusion de MoU et par l’implémentation de pratiques internationales applicables en ce
domaine.
L’incompatibilité entre la surveillance bancaire et les objectifs de la politique
monétaire ou la concentration excessive du pouvoir au sein des banques centrales ne sont pas
des arguments plausibles. L’importance de l’aléa de moralité dont la banque centrale fait
l’objet est souvent surévaluée parce qu’il y a toujours des instruments par l’intermédiaire
desquels les actionnaires d’un établissement insolvable peuvent être sanctionnés. Quant à la
concentration du pouvoir au sein des banques centrales, on ne peut que souligner le fait que
cet argument est aussi valable lorsqu’une AUS est constituée, parce que cette institution
détiendra le monopole en termes de régulation et de surveillance du système financier.

2.4.4. La cadre de surveillance et de régulation au niveau de


l’Union Européenne

Il y a plusieurs aspects qui doivent être clarifiés concernant le cadre européen de


régulation et de surveillance. D’abord, on se demande si des institutions communes de
régulation et de surveillance peuvent être constituées à un niveau centralisé. Ensuite, on débat
de l’opportunité d’attribuer ces responsabilités à la Banque Centrale Européenne ou de la
nécessité de constituer une autorité européenne de surveillance. Enfin, on analyse le rôle que
les institutions communautaires doivent remplir dans la surveillance financière.
Il y a dans la littérature des arguments pour et contre l’exercice des fonctions de
surveillance de façon centralisée. L’un des objectifs du processus de Lisbonne est d’établir un
système financier européen commun. Goodhart (2004) considère qu’une mesure logique
serait le transfert des compétences fiscales dans la gestion des crises bancaires et celui de la
fonction de surveillance bancaire vers l’Union Européenne, ces fonctions ne devant pas être
transférées séparément.
A présent, il y a au niveau européen des comités séparés qui se proposent
d’identifier le risque systémique à l’intérieur du chaque secteur financier. Ces comités ont

141
seulement pour rôle de coordonner les actions, ne disposant pas de moyens d’intervention
nécessaires. Ces agences ont créé un Forum Commun pour la surveillance des conglomérats
financiers, forum qui a recommandé la constitution du Groupe Technique Mixte (GTM) dont
les représentants de tous les secteurs concernés font partie.
Gulde et Wolf (2004) décrivent brièvement la structure de la surveillance qui
existe au niveau européen. A l’intérieur de l’UE, la régulation et la surveillance se déroulent
sur trois niveaux : le Conseil ECOFIN se situe au premier niveau, au deuxième niveau les
comités des régulation votent les propositions de la Commission Européenne (CE) qui sont
liées aux mesures techniques d’implémentation, tandis qu’au troisième niveau, les comités
donnent des conseils à la CE concernant les mesures du niveau 2 et encouragent
l’implémentation des Directives de l’UE, ainsi que la convergence des pratiques de
surveillance (Tableau 8).

Tableau 8 : Le cadre de régulation et de surveillance au niveau de l’Union Européenne


Banques Assurances Marche du capital Conglomérats
Niveau 2 CBE CEAP CEVM CCF
Comités de Comité Bancaire Comité Européen des Comité Européen des Comité des
régulation Européen Assurances et des Valeurs Mobilières Conglomérats
Pensions Financiers
Niveau 3: CSBE CESAP CESVM
Comité de Comité des Comité des Surveillants Comité des
surveillance Surveillants des Assurances et des Surveillants du
Bancaires Pensions Marché des Valeurs
Européens Mobilières
Source : Gulde et Wolf (2004)

Un autre sujet qui a suscité des débats intenses dans la littérature, est le rôle de la
BCE dans la régulation et la surveillance du système financier. La BCE n’a pas de
responsabilités statutaires liées à cet aspect et les agences de surveillance ont une spécificité
nationale. La BCE est une institution supranationale responsable pour l’implémentation de la
politique monétaire, fait qui a de nombreuses implications au niveau de l’indépendance, de la
transparence et des responsabilités prises. La perte de la réputation de la BCE a des
conséquences plus graves que la perte de la réputation d’une banque centrale nationale.
On se pose alors la question de savoir si la BCE doit s’impliquer dans les actions
de surveillance. Nous considérons que la gestion du système de paiements TARGET ne suffit
pas pour garantir la stabilité du système financier européen et nous sommes conscients du fait
que la BCE ne peut pas jouer le rôle de prêteur en dernier ressort au niveau centralisé. La
relation entre la BCE et le groupe technique mixte devrait être plus étroite et, par conséquent,

142
l’implication de la BCE dans l’activité de surveillance plus intense. La BCE doit représenter
la liaison entre l’activité de surveillance et de régulation menée par le GTM au niveau
européen et les Banques Centrales Nationales (BCN) – les seules capables d’assurer la
fonction de prêteur en dernier ressort.
La Figure 35 présente un cadre possible de surveillance et de coopération au
niveau de l’Union Européenne qui montre la compatibilité de la surveillance sectorielle
nationale avec la structure de régulation et de surveillance au niveau central. La différence
entre la structure centralisée et celle nationale est l’inclusion du comité mixte de surveillance
au sein de la banque centrale au niveau national. Le contrôle de la banque centrale sur les
actions du comité, ainsi que son intervention rapide, en qualité de prêteur en dernier ressort,
sont nécessaires. Au niveau central, la relation entre le GTM et la BCE est informative parce
que les instruments d’intervention sont disponibles seulement au niveau national.

Figure 35 : Un cadre possible de régulation et surveillance au niveau européen

Plan Européen Plan National

BCN
Comité Bancaire
Européen (CBE) BCE Comité national Surveillance du
et CSBE mixte de secteur bancaire
surveillance
Comité européen
des assurances et
des pensions GTM Surveillance du
(CEAP) et CESAP secteur assurances

Comité européen Surveillance du


des valeurs marché de capital
mobilières (CEVM)
et CESVM

Où: Représente les rapports du niveau national vers les structures européennes et qui contribuent
à une meilleure régulation et à la détermination des risques spécifiques pour chaque secteur ;
Représente les informations transmises au Comité de surveillance mixte qui a pour but
l’identification des risques au niveau de l’ensemble du système, en particulier de ceux impliqués par les
conglomérats ;
Représente l’échange d’informations qui permet l’harmonisation de la régulation entre
différents secteurs financiers et la mise en évidence des risques susceptibles d’affecter la stabilité du
système financier européen ;
Des informations liées au risque systémique au niveau national (double contrôle);
Représente l’information de la BCE et des BCN sur l’existence des risques systémiques au
niveau national et européen respectivement;
Représente la coordination au niveau de l’Eurosystème.

Source : l’auteur

143
Selon nous, s’il y a une AUS au niveau national, organisme qui exerce son activité
en dehors de la BCN, en assumant les responsabilités du comité mixte de surveillance en ce
qui concerne la surveillance des conglomérats, la structure de régulation et de surveillance
engendre un ralentissement dans la prise de décisions en cas d’instabilité financière au niveau
national et le rôle de SEBC dans la correction des déséquilibres se réduirait de façon
significative. Pour bénéficier d’une bonne coopération et coordination, le cadre de
surveillance européen et national doit avoir une structure similaire.
La littérature a aussi abordé le problème de la constitution d’une Autorité
Européenne des Services Financiers (AESF), idée qui est revenue au premier plan après le
déclenchement de la crise financière récente. Eijffinger (2001) considère que cette
préoccupation est fondée sur la tendance à l’intégration du marché bancaire et du capital et
qu’une telle institution pourrait augmenter la transparence de la surveillance bancaire en
Europe, mais elle supposera en même temps une modification du Traité.
La mise en place d’une telle structure peut être considérée pertinente, compte tenu
des tendances observées au niveau national. De plus, on constate que les autorités nationales
n’ont pas la force nécessaire pour entreprendre des interventions massives en vue de stabiliser
les marchés (voir la crise internationale des marchés financiers).
Mais, une structure de surveillance centralisée est-elle opportune ? Sans réaliser
une analyse coût-bénéfice, nous pouvons déduire qu’une coopération entre les autorités de
surveillance européennes et nationales se développe dans un cadre adéquat lorsque le même
type d’institutions est présent aux deux niveaux. Cela signifierait qu’une AUS est nécessaire
dans tous les états membres, mais nous avons déjà vu qu’un tel choix n’est pas toujours
pertinent.
Par conséquent, nous considérons qu’une structure sectorielle où la banque
centrale se comporte comme un « chapeau » (les comités mixtes agissant comme des
départements distincts au sein des banques centrales ou comme des Directions de Stabilité
Financière), est plus adéquate dans les pays où le secteur bancaire prédomine et où la banque
centrale a une expérience considérable en matière de surveillance. De plus, l’élimination des
banques centrales du système de surveillance peut conduire, d’un côté, à une rupture entre la
coordination des politiques monétaires et de stabilité au niveau national et, de l’autre côté, à
une rupture entre la coordination des politiques de régulation européennes et nationales.
La relation entre la BCE et la BCN n’est pas seulement une relation formelle
d’échange d’informations comme la relation entre l’AESF et les AUS nationales, mais il
s’agit dans ce cas d’une relation de coordination et d’action, la SEBC disposant des

144
instruments réels d’intervention pour assurer la stabilité financière. Même ceux qui militent
pour la centralisation des fonctions de surveillance, pensent parfois que ce n’est pas la
structure institutionnelle qui doit être changée mais les pratiques appliquées, et auparavant ils
proposent l’adoption de la théorie gradualiste, en particulier lorsqu’il s’agit de la surveillance
des groupes financiers.

2.4.5. La tendance de la constitution des AUS au sein des états


européens et le cas de la Roumanie

Nous avons présenté jusqu’à présent la structure de surveillance au niveau européen


et un cadre possible de coopération avec les autorités nationales de surveillance. Nous allons
maintenant présenter les raisons à l’origine de la décision d’opter pour des AUS dans certains
pays européens et nous allons argumenter le fait que cette structure n’est pas a priori
appropriée pour la Roumanie.
La situation de la surveillance financière des états membres est extrêmement variée
(Cf. Annexe 3). Pas moins de 10 pays sur 27 avaient déjà opté pour une AUS en 2004. Ces
pays sont l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, la Lettonie, Malte, la
Grande Bretagne, la Suède et la Hongrie. Des pays comme la Bulgarie44, Chypre, la
République Tchèque, la Grèce, la Lituanie, la Roumanie, la Slovénie, présentaient une
structure de surveillance spécialisée, pour chaque secteur financier. Les autres états détenaient
des institutions hybrides de surveillance.
Les premiers pays où les AUS ont vu le jour, sont les états nordiques. La
constitution d’une telle agence unique de surveillance s’est produite après l’apparition des
crises bancaires des années 80, lorsqu’on a constaté que l’implication des banques centrales
dans la surveillance prudentielle n’a pas été suffisante. Ces états se caractérisent en même
temps par une concentration élevée de leur industrie financière et par la présence des
conglomérats financiers. Le fait que l’industrie financière des pays baltes reprenne le modèle
des états nordiques a été un motif suffisant pour décider d’opter pour des AUS dans ces pays.
Beaucoup de groupes bancaires de Suède et de Finlande sont actifs dans les pays baltes. La

44
La Bulgarie a récemment modifié son cadre de surveillance financière, en unifiant les agences de surveillance
pour le marché du capital et le secteur des assurances (Securities Commission, State Insurance Supervision
Agency, Insurance Supervision Agency). La Financial Supervision Commission a ainsi été créée, avec comme
objectifs la protection des intérêts des investisseurs et l’amélioration de la transparence sur les marchés
financiers.

145
réorganisation de l’activité de surveillance n’a pas été nécessaire dans ce cas, car ces pays
nouveaux ont misé dès le début sur une surveillance unifiée.
Cependant, la situation a été différente en Angleterre. La FSA a été créée en 1997
surtout à cause de l’inefficience des neuf agences de surveillance qui exerçaient leur activité
dans ce domaine. Un accord tripartite de coopération entre la Banque d’Angleterre, la FSA et
la Trésorerie a été signé, ce modèle étant copié aussi par l’Irlande. Néanmoins, ce cadre de
surveillance n’a pas fait preuve de son efficacité en 2007 lorsque, à la suite de la crise des
subprimes aux Etats-Unis, la banque Northern Rock du Royaume-Uni a été affectée. La FSA
a échoué dans sa surveillance prudentielle et la banque centrale a été obligée à intervenir en
qualité de prêteur en dernier ressort (Buiter, 2007).
La HFSA de l’Hongrie a été constituée en 2000. Les raisons principales avancées
pour réformer le cadre de surveillance ont été représentées par l’interconnexion des activités
du domaine bancaire, des assurances et des investissements financiers. On a parlé aussi de
l’idée d’une meilleure surveillance à base consolidée. Une autre raison a été pourtant
l’existence de l’arbitrage causé par les ambiguïtés législatives.
En 2002, la BaFin a vu le jour en Allemagne, une autorité unique de surveillance
subordonnée au ministère des finances, dont l’activité est financée par les contributions des
établissements surveillés. La Bundesbank a seulement conservé une implication formelle.
Toujours en 2002, une AUS a été instituée en Malte (Malta Financial Services
Authority – MFSA). Cette fois-ci, l’autorité de surveillance est tout à fait autonome et fait des
rapports annuels pour le Parlement. La décision de constituer une telle agence a été prise, tout
comme en Hongrie, à la suite d’un processus de réforme de la législation liée au système
financier.
En Belgique, en 2004, la Commission bancaire, financière et des assurances
(CBFA) dont l’objectif est la protection des déposants et des assurés, a été à son tour
constituée. De même, la CBFA est responsable du contrôle prudentiel.
Le cadre de surveillance unifié le plus récent est cependant apparu en Pologne, le 1
janvier 2008, par la constitution de Polish Financial Supervision Authority (PFSA). Dans
cette situation aussi, l’argument avancé a été la présence des conglomérats financiers et leur
importance. Avant la création de la PFSA, la surveillance bancaire a été exercée par la
Commission de Surveillance Bancaire. Finalement, on a constaté que l’unification de la
surveillance a été une décision politique, n’étant pas la meilleure solution, et la banque
centrale est restée de facto responsable pour la surveillance du secteur bancaire de Pologne.

146
Nous observons donc que la surveillance unifiée est en vogue en Europe. Pourtant,
certaines AUS ne remplissent pas les conditions d’indépendance, de crédibilité ou de
définition claire des objectifs. En Allemagne, l’activité de la BaFin est financée par les
contributions des institutions surveillées, ce qui peut conduire, comme nous l’avons vu, à des
pressions de ces établissements sur l’AUS. En Hongrie, le cadre législatif laissait la place aux
interprétations et au phénomène d’arbitrage, situation qui a rendu nécessaire la modification
du système de surveillance. En Pologne, l’activité de surveillance de la commission bancaire
était insuffisante.
De nombreuses études se sont concentrées sur l’identification économétrique des
facteurs qui mènent à la modification du cadre institutionnel de surveillance du système
financier. Leurs résultats montrent que l’unification de la surveillance s’est produite surtout
dans les états où le marché du capital occupe une place importante, où la capitalisation du
marché est élevée, où la présence des conglomérats est significative et où il y a des pratiques
de bonne gouvernance, caractérisées par une haute qualité des services et par la gestion des
interférences politiques dans le choix des gouverneurs (Masciandaro, 2004; Feyler, 2008). De
même, un facteur important influençant la constitution d’une AUS est la faible expérience et
implication des banques centrales dans l’activité de surveillance. L’indépendance, l’autorité et
la crédibilité sont tout aussi importantes. Si la faible implication des banques centrales
représente un statu quo, les autorités ne désirent pas voir cette implication augmenter pour
éviter le hasard moral et les effets bureaucratiques (Masciandaro, 2007). On appelle cela
« l’effet de fragmentation de la banque centrale » (central bank fragmentation effect).
Selon Abrams et Taylor (2000), l’unification de la surveillance doit tenir compte
de quelques facteurs clé : les exigences préalables nécessaires pour la surveillance
(indépendance, crédibilité, responsabilisation, objectifs) ; l’efficacité du cadre de régulation
(présence des conglomérats, risque d’arbitrage, problèmes de coordination) et la structure du
système financier (prépondérance du système bancaire, banques universelles).
La situation de la Roumanie n’appelle pas à la nécessité de mettre en place une
AUS. Le système financier roumain est caractérisé par un faible niveau d’intermédiation et la
présence des sociétés d’assurances et d’investissements financiers est réduite. Le secteur
dominant est le secteur bancaire et la BNR jouit de l’indépendance et de la crédibilité
nécessaire pour en exercer la surveillance. Les objectifs de la surveillance sont clairs et le
problème de l’arbitrage en matière de surveillance n’existe pas. Le cadre législatif ne laisse
pas place aux interprétations, chaque autorité ayant des objectifs précis à accomplir. Dans le

147
même temps, le cadre de surveillance est compatible avec celui qui existe au niveau central et
peut ainsi assurer un flux approprié d’informations.
Le problème des conglomérats semble être le seul aspect pressant, mais il peut être
géré par un comité mixte de surveillance. Les conglomérats présents en Roumanie sont
principalement de nature bancaire. Parmi ceux-ci nous pouvons énumérer: Allianz, ING
Group, Société Générale, Unicredito, San Paolo, Raiffeisen, la Banque Nationale de Grèce ou
Alpha Bank. La plupart de ces conglomérats sont des actionnaires des banques ou des sociétés
d’assurances de personnes juridiques roumaines. Leur surveillance est donc faite par les
autorités nationales de régulation et elle est devenue un sujet de grande importance. La
législation nationale (en conformité avec la Directive 2002/87/CE sur la surveillance
supplémentaire des conglomérats financiers) institue la possibilité selon laquelle la
surveillance supplémentaire soit exercée au niveau de chaque groupe qui remplit les
caractéristiques d’un conglomérat financier.
La BNR a pris d’autres mesures pour contrer le risque systémique lié à la présence
des conglomérats financiers. Par l’harmonisation de la législation avec l’acquis
communautaire, la BNR a la possibilité de faire un échange d’informations avec les autorités
de surveillance des pays partenaires. Ainsi, la BNR a signé quelques MoU avec les autorités
de régulation et de surveillance des pays tels que Chypre, la Grèce, l’Italie, l’Allemagne,
l’Hollande, la France, l’Hongrie (pays d’origine de principaux conglomérats présents en
Roumanie).
L’échange interne d’informations entre les autorités de surveillance est très
important. Le processus de collaboration entre la BNR et les autres autorités de surveillance
n’est pas assez transparent même si un protocole de coopération a été signé, protocole qui
stipule la délimitation claire des responsabilités, la transparence et le professionnalisme, la
coopération dans l’élaboration des initiatives législatives et des régulations spécifiques,
l’efficience, l’échange continu d’informations et la confidentialité.
Les rencontres dans le cadre du Protocole signé le 10 mars 2006 entre la BNR, la
CNVM et la CSA, et auquel la CSSPP a aussi adhéré ultérieurement, sont organisées à
fréquence trimestrielle, au niveau du management supérieur des quatre autorités, avec la
participation du gouverneur de la BNR, du président de la CNVM et des présidents de la CSA
et de la CSSPP ou des personnes désignées à les remplacer. Cinq comités mixtes ont été
constitués après la signature de ce protocole : le Comité de Stabilité Financière ; le Comité de
Surveillance et Contrôle ; le Comité de Régulation ; le Comité Systèmes de Paiements ; le
Comité Statistiques Financières.

148
Comme nous l’observons, le processus de collaboration a une structure
fonctionnelle. L’échange d’information peut être ralenti lors des périodes d’instabilité
financière du fait de l’absence d’une image unitaire sur le risque systémique. Cependant, ces
comités ne fonctionnent pas au sein de la BNR et la fréquence trimestrielle des rencontres est
réduite. De plus, il n’y a pas de stipulations sur la possibilité d’organiser des séances
extraordinaires ou sur les conditions qui pourraient y conduire. Nous soutenons l’idée que la
BNR devrait remplir la fonction d’institution coordonnatrice à l’intérieur du Protocole, car
elle reste l’institution qui dispose des moyens pouvant être utilisés pour prévenir les crises.
En suivant les recommandations du Conseil ECOFIN, un accord supplémentaire a
été signé en 2007, entre le Ministère de l’Economie et des Finances, la BNR, la CNVM, la
CSA et la CSSPP pour une coopération dans le domaine de la stabilité financière et de la
gestion des crises financières et pour faciliter l’échange d’informations entre les autorités
nationales qui ont des attributions pour préserver la stabilité financière. Cet accord a été le
fondement pour la constitution du Comité National pour la Stabilité Financière.
Une surveillance supplémentaire demandée par la présence des conglomérats
financiers ne suppose pas la renonciation à la surveillance de chaque secteur financier. En
Roumanie, les cinq comités mixtes fonctionnels doivent transmettre une image d’ensemble
sur la stabilité du système. C’est pourquoi une réorganisation de ces comités mixtes au sein
d’un seul Comité Mixte de Surveillance (sur l’égide de la BNR) pourrait être réalisée pour
rendre le processus de collaboration entre les autorités de surveillance plus opérationnel.

149
Conclusion du Chapitre

Le contrôle du secteur financier est en général plus rigoureux et plus intensif que
celui d’autres secteurs et représente un pilier de la stabilité financière. Traditionnellement, les
responsables du contrôle bancaire sont chargés de l’analyse individuelle des performances
bancaires, ainsi que des inspections approfondies, et doivent intensifier la surveillance, ou
parfois doivent intervenir, lorsqu’une banque ne respecte pas les normes minimales destinées
à assurer la solidité financière. La surveillance et la régulation se sont orientées ces dernières
années vers un cadre macro-prudentiel, notamment du fait des plus grandes interdépendances
entre les acteurs financiers.
Aussi, une question essentielle est de savoir si les banques centrales, institutions
chargées de la surveillance du secteur bancaire, doivent intervenir aussi sur d’autres segments
du secteur financier, comme par exemple sur le marché du capital. L’évolution des prix des
actifs boursiers peut mettre en danger la stabilité du système entier, d’autant plus que les
liaisons entre le marché du capital et le marché bancaire se sont intensifiées. Une alternative
serait pourtant la constitution d’une AUS chargée de la surveillance de tout le système
financier.
Les arguments pour et contre le maintien de la fonction de régulation et de
surveillance du secteur bancaire à l’intérieur des banques centrales s’équilibrent, aucune des
deux thèses n’éliminant pas l’autre. Néanmoins, dans le cas des économies en développement,
y compris les anciennes économies planifiées et aujourd’hui en transition, plusieurs facteurs
font pencher la balance pour l’intégration de cette fonction au sein des banques centrales.
Beaucoup de banques centrales de ces pays ont été réformées et jouissent des garanties solides
en ce qui concerne leur indépendance (parfois garantie par la constitution). La position de leur
gouverneur est souvent bien assurée, et les banques centrales jouissent de sources propres de
financement.
Il faut mentionner le fait que la modification de la structure de régulation ne peut
pas garantir une surveillance efficace et la tendance récente au niveau européen de constituer
une AUS ne représente pas toujours la meilleure solution. Buiter (2007) considère qu’après
l’échec dans la prévention des turbulences financières de la fin 2007, la structure de
surveillance du Royaume-Uni, la FSA, a fait preuve de sa faiblesse et incapacité. Les banques
centrales doivent rester impliquées dans ce processus parce qu’elles sont les institutions qui
disposent des instruments nécessaires pour corriger des déséquilibres.

150
Par leur participation à l’Eurosystème et par les informations qu’elles détiennent,
les BCN peuvent accumuler un avantage en termes de contrôle prudentiel et de gestion du
risque systémique. Les BCN sont une composante à la fois de la structure de l’UE et des
institutions nationales, et cela peut présenter un avantage pour trouver des solutions aux
questions internationales ou aux questions liées au bon fonctionnement de l’Eurosystème. A
la différence des BCN, les agences nationales de surveillance distinctes des banques centrales,
ont un mandat exclusivement national et ont seulement des liaisons formelles ou parfois
informelles avec le Ministère des Finances de leur pays. Ces agences montrent un intérêt très
limité pour les aspects systémiques.
Le choix d’un certain régime de surveillance a pourtant une nature endogène,
dépendant de la structure de l’économie et des institutions, du contexte mais aussi de la
définition assignée aux safety nets de la stabilité financière. En même temps, il faut prendre
en considération un horizon de moyen ou long de terme.
Le cadre de régulation et de surveillance de Roumanie suppose une activité de
surveillance sectorielle. Début 2001, le Gouvernement de Roumanie proposait la constitution
d’une agence intégrée de surveillance financière, initiative qui n’a pas été poursuivie car
considérée comme prématurée. L’idée d’une surveillance consolidée du système financier
prenait en considération les tendances manifestées au niveau mondial et à l’intérieur de l’UE.
Nous avons montré qu’une structure unifiée de surveillance n’est pas opportune
pour instant. Le cadre existent reflète la structure du système financier où le secteur bancaire a
un poids significatif. La constitution des comités mixtes de surveillance assure la
compatibilité avec le cadre de surveillance en construction au niveau de l’Union et augmente
en même temps l’efficacité dans la prise de décisions. Néanmoins, la structure fonctionnelle
de ces comités mixtes devrait être réexaminée et réorganisée pour avoir une image systémique
adéquate. De plus, le comité mixte devrait fonctionner sur la tutelle de la BNR qui est la seule
institution disposant des instruments pour remédier aux déséquilibres.
Nous n’excluons pas la possibilité de repenser à l’avenir la surveillance financière
en Roumanie. L’un des plus importants éléments sera la modification du cadre de surveillance
au niveau européen, par la constitution d’une AESF (solution fortement rejetée par les
autorités roumaines lors du sommet européen organisé en octobre 2008). Une autre raison
serait l’échec de la coopération dans la surveillance des conglomérats. Cependant, l’exclusion
de la BNR de l’activité de surveillance n’entraînerait, dans les conditions actuelles, aucune
amélioration du cadre de surveillance financière.

151
III. Banques centrales et stabilité financière

La stabilité financière est un problème national et les autorités publiques


compétentes mais aussi le secteur privé doivent s’impliquer pour l’assurer. La stabilité
financière représente un bien public. Compte tenu de la complexité du concept et de la
multitude des conditions préalables pour garantir la stabilité financière, il faut renforcer la
coopération entre de différentes autorités nationales et internationales, pour atteindre cet
objectif commun45.
Les autorités de régulation et de surveillance doivent veiller au fonctionnement
approprié des marchés financiers et assurer la stabilité du système. Mishkin (1997) considère
qu’une régulation et une surveillance solide sont à préférer au détriment des assurances
données par le gouvernement ou des assurances-dépôts qui génère l’aléa de moralité. Les
agences de surveillance doivent disposer des ressources nécessaires pour surveiller l’activité,
des connaissances requises pour gérer les risques et du capital suffisant pour ne pas s’exposer
au hasard moral. L’autorité de surveillance doit imposer des sanctions sur la situation des
institutions financières, mais aussi aux actionnaires.
Une autre autorité qui joue un rôle important dans la garantie de la stabilité
financière est le Gouvernement par l’intermédiaire du Ministère des Finances. Dans le cadre
des économies modernes, l’état est souvent contraint d’intervenir pour empêcher la faillite des
certaines entreprises importantes qui pourrait avoir de graves conséquences sur le système
économique et financier (voir les plans de sauvetage lancés par la plupart de gouvernements
pour sortir de la crise actuelle). L’une des raisons pour l’intervention publique est le fait que
la stabilité du système financier est considérée comme un bien public dont le développement
du pays dépend.
Le secteur privé doit à son tour être responsabilisé. Suite aux crises financières
apparues dernièrement, on a constaté qu’il faut impliquer le secteur privé dans la prévention et
l’élimination des turbulences. Au cours des années 90, les interventions sur le marché pour
éviter les crises ont été menées soit par les banques centrales en qualité de prêteur en dernier

45
Les conditions préalables pour assurer un système financier solide et stable sont (Schinasi, 2004) : la stabilité
macroéconomique et un cadre politique pour la maintenir ; une stratégie adéquate pour la régulation financière et
pour la surveillance (y compris l’infrastructure concernée : des codes bien établis, des standards et une partique
d’affaires) et, au sens plus large, des structures pour inciter le secteur privé et un système légal qui permet des
contrats financiers privés productifs.

152
ressort, soit par le FMI qui a le rôle de veiller au fonctionnement approprié du système
financier international. Ces interventions ont généré l’aléa de moralité, les institutions privées
n’étant pas assez impliquées dans la résorption des déséquilibres (Begg, 2005 ; Marini, 2003).
On a constaté que l’amélioration de la discipline de marché, de la coopération et de la
transparence entre les participants du marché seraient une meilleure solution pour corriger les
déséquilibres. Des efforts joints du secteur privé et des autorités sont nécessaires parfois pour
surmonter des périodes difficiles.
Les institutions qui jouent le rôle le plus important pour assurer la stabilité
financière restent cependant les banques centrales. Les objectifs les plus importants de ces
institutions sont la stabilité des prix et la stabilité financière. Pour accomplir l’objectif de
stabilité financière, elles peuvent utiliser une large gamme d’instruments tels que la
promotion d’une transparence élevée du système, l’identification des risques, le renforcement
de l’infrastructure financière et la conscientisation des participants des marchés financiers par
rapport aux vulnérabilités du système, la coopération avec d’autres institutions qui surveillent
les marchés financiers46 et l’assurance de la liquidité du système, en qualité de prêteur en
dernier ressort. Les banques centrales peuvent atteindre leur but seulement si elles analysent
de façon régulière les risques qui menacent le système financier, en réalisant un audit
permanent du système. De même, les banques centrales doivent entreprendre des mesures
préventives pour rendre le système moins vulnérable aux crises et pour renforcer sa résistance
face aux chocs.
Ce chapitre est structuré de la façon suivante : la première section analyse les
objectifs de stabilité des banques centrales. La deuxième met l’accent sur les fonctions
traditionnelles de stabilité tandis que la dernière présente les principales démarches
entreprises par la BNR en vue d’assurer la stabilité financière.

3.1. Le rôle des banques centrales dans le système financier et les


objectifs de stabilité

Le rôle des banques centrales dans la stabilité a une longue tradition et tend à
revenir au premier plan. Les objectifs directs, à moyen et long terme, de la politique
monétaire (la stabilité des prix par exemple) sont compatibles avec l’objectif de stabilité

46
En conformité avec la terminologie anglo-saxonne, nous considérons les marchés du capital comme les places
boursières des actions, des obligations et d’autres titres financiers. Les marchés financiers comprennent le
marché du capital mais aussi le marché monétaire, le marché du crédit et le marché des devises.

153
financière du système. Les deux objectifs doivent constituer un support pour une croissance
économique solide et, encore plus, pour un développement durable. Bårdsen et al. (2006)
parlent même d’un rôle des banques centrales dans le ciblage de la stabilité financière, qui
suppose une analyse des menaces potentielles pour la stabilité, une évaluation des prévisions
et la mise en œuvre des actions liées à la gestion des risques.

3.1.1. L’évolution du central banking

Les institutions qu’on connaît aujourd’hui comme des banques centrales, ont été
constituées au début comme des banques commerciales ou gouvernementales. Leur
transformation en banques centrales, telles qu’on les connaît aujourd’hui, résulte de leur
pouvoir de monopole dans l’émission de billets et aussi de leur rôle dans la gestion de la
stabilité du secteur bancaire.
Depuis longtemps, on a eu besoin d’un garant pour le fonctionnement du système
bancaire. La nécessité d’un tel garant naît de la nature même du système bancaire et de son
importance dans le système économique. Pour éviter les paniques bancaires, on doit pouvoir
de transformer à tout moment les actifs bancaires en liquidité sur le marché mais cela est
impossible sans une autorité publique qui peut faciliter cette action. La banque centrale
fournit les moyens de règlements qui sont essentiels pour maintenir la stabilité financière.
La stabilité des prix n’était pas l’objectif principal de ces institutions à leur
création. Selon Paul Volcker, le FED a d’abord été le système qui assurait la stabilité
financière, puis le gérant de la stabilité monétaire (Schinasi, 2003).
Trichet (1994) avance une opinion plus nuancée qui accepte le rôle de la banque
centrale dans la stabilité financière mais qui considère la stabilité des prix comme le principal
objectif historique de ces institutions. Il considère que, parmi les trois fonctions historiques
des banques centrales –la stabilisation macroéconomique, la banque des banques et la banque
du Gouvernement– la première est la plus importante. Selon lui, la fonction de « banque des
banques » fait partie d’un concept beaucoup plus large, d’assurance de la stabilité du secteur
financier, tandis que la stabilisation macroéconomique porte sur la stabilité des prix. Goodhart
(2000), pour qui les banques centrales ont été constituées pour accomplir trois grands
objectifs –la stabilité monétaire, la stabilité financière et le soutien financier accordé à leur
propre Gouvernement (en situation de guerre) – s’inscrit dans la même direction.

154
Après la crise du Système Financier International des années 1972-1973, les
pressions inflationnistes se sont intensifiées et l’inflation a atteint des niveaux inquiétants
(Figure 36). Par conséquent, les efforts des banques centrales se sont dirigés vers la réduction
de l’inflation, action qui est devenue l’objectif principal de ces institutions.

Figure 36 : L’évolution de l’inflation au niveau international (le déflateur PIB)

18

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1961
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1976
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1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
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1987
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1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
2099
2000
2001
2002
2003
2004
2005
06
19

Source : Base de données de la Banque Mondiale

Pratiquement, l’identification de l’objectif de stabilité des prix comme objectif


prioritaire des banques centrales, est le résultat des confrontations de deux écoles de pensée.
Ainsi, l’école monétariste (Monetarist School ou Currency School) attribuait à l’inflation
seulement des causes monétaires tandis que l’école keynésienne (Keynesian School ou
Banking School) considérait les chocs sur l’offre comme les causes principales de l’inflation.
Les arguments de la première école ont été toujours privilégiés et, par conséquent, l’accent a
été mis sur le ciblage des agrégats monétaires pour contrôler la masse monétaire et pour
prévenir l’inflation (Capie et al., 1994).
Les banques centrales ont reçu la mission de garantir la stabilité des prix, parce
qu’elle a été considérée comme un phénomène monétaire. En citant Henry Wallich (un ancien
gouverneur du FED), Lamfalussy (1994) affirmait cependant que « l’inflation est un
phénomène monétaire de la même sorte que la fusillade des gens représente un phénomène
balistique ». Autrement dit, l’inflation n’a pas seulement une nature monétaire.
De plus, vers la fin du XXème siècle, le central banking a été influencé par deux
faits majeurs (Schich et Seitz, 1999). Premièrement, l’apparition de la stagflation au début des
années 70 a incité de nombreux économistes à renoncer à l’idée d’un compromis entre
l’inflation et le chômage. Ainsi, la stabilité des prix en tant qu’objectif principal des banques
centrales a été considérée comme le meilleur moyen à l’aide duquel la politique monétaire

155
peut contribuer à des meilleures performances économiques47. Deuxièmement, on remarque
les transformations du secteur financier à la suite de la libéralisation, les innovations
financières et la croissance de la mobilité des capitaux. Confronté à ces évolutions, le central
banking a évolué sur quelques points. La stabilité du taux de change a été de plus en plus
problématique et l’ancrage tel les agrégats monétaires, s’est érodé. Tous ces éléments ont
déterminé, vers la fin du siècle dernier, une réorientation de la stratégie de politique monétaire
vers le ciblage direct de l’inflation.
L’objectif de stabilité des prix est important pour un bon fonctionnement de
l’économie qui exige la confiance des investisseurs et permet un essor économique soutenu.
Cependant, on a constaté dernièrement que les déséquilibres financiers se manifestent aussi
dans les économies à inflation réduite et les conséquences graves des crises affectent aussi
bien la confiance des investisseurs que la croissance économique. Compte tenu de tous ces
aspects et du développement des marchés du capital dans les économies modernes et de leur
intégration au niveau international, les autorités monétaires ont concentré leur attention sur la
stabilité financière qui est devenue le deuxième objectif principal, à côté de la stabilité des
prix48.
Le débat ne fait pas l’unanimité sur le fait que les banques centrales doivent
s’impliquer dans l’assurance de la stabilité du système financier. En conformité avec la
théorie free-banking (l’idée selon laquelle le système financier peut fonctionner sans la
présence des banques centrales), la stabilité du système est assurée par les règles du marché.
Les garanties apportées au système par la banque centrale peuvent générer l’aléa moral et
peuvent mener à la prise des risques supplémentaires.
Goodhart et Schoenmaker (1993) argumentent que le secteur privé peut gérer le
système de paiements sans l’intervention de la banque centrale, seulement à condition qu’il

47
Les banques centrales disposent d’une variété d’instruments pour accomplir l’objectif de stabilité des prix,
dont le plus important est de loin le contrôle du niveau nominal du taux d’intérêt à court terme (Capie et al.,
1994).
48
Il y a même des auteurs qui soutiennent que la stabilité financière doit rester le seul objectif des banques
centrales. Tymoigne (2006) fait une comparaison entre le cadre « post–keynésien » et le « nouveau consensus »,
en leur adressant une série des critiques. Selon lui, le cadre post-keynésien et le nouveau consensus établissent
pour les banques centrales des tâches erronées (inflation, courbes spéculatives) et un instrument d’intervention
erroné, le taux d’intérêt. Il soutient que la banque centrale doit concentrer son attention sur le maintien de la
stabilité financière, laissant d’autres institutions publiques s’occuper des autres problèmes. L’instrument de
travail des banques centrales devrait être l’analyse de la fragilité du système financier et de différents secteurs
économiques. Premièrement, les banques centrales doivent être toujours prêtes à intervenir en qualité de PDR et
à agir comme le garant de la liquidité. Deuxièmement, pendant les périodes de tranquillité, les banques centrales
peuvent promouvoir la stabilité financière en assurant la stabilité des taux d’intérêt, mais le taux d’intérêt ne
représente pas un instrument effectif d’intervention. Troisièmement, le taux d’intérêt devrait être fixé à un niveau
qui favorise l’emploi.

156
puisse obtenir des informations suffisantes et une surveillance en temps réel de toutes les
institutions financières. Pourtant, cela n’arrive pas en pratique.
La théorie du free-banking représente une théorie extrême du libéralisme financier,
dont le nombre d’adeptes continue à diminuer parce que la nécessité de la régulation des
marchés financiers a été démontrée, surtout après le déclenchement des crises financières
récentes. Cette théorie reste selon Capie et al. (1994) « seulement une pratique académique ».
Il est vrai cependant qu’il faut repenser l’activité des banques centrales si on
considère la stabilité financière comme leur deuxième objectif. Les opinions des économistes
qui portent sur le besoin de réformer l’activité des banques centrales, sont influencées par la
nature de leur activité. (Capie, 2005). Le principal courant d’économistes fait référence par
exemple au compromis entre inflation et chômage. Les économistes mathématiciens essaient
de construire un indicateur d’indépendance. Les économistes journalistes considèrent le Traité
de Maastricht comme un modèle à suivre. Les économistes à affinités politiques parlent de la
nécessité de l’existence d’une banque centrale dans une démocratie où le système opère
effectivement. Enfin, les économistes qui s’intéressent à l’histoire économique (historical
bent), pensent tout de suite aux facteurs et aux circonstances qui ont guidé le fonctionnement
effectif et efficace des banques centrales.
Néanmoins, traditionnellement on considère que la banque centrale contribue à
l’assurance de la stabilité financière en garantissant un système de paiements efficient
(Jacobson et al., 2001). Selon ces auteurs, il faut en même temps surveiller de manière
attentive le système bancaire. La surveillance du système bancaire, celle des systèmes de
paiements et celle des actions de prêteur en dernier ressort sont rangées parmi les fonctions
microéconomiques des banques centrales tandis que la fonction macroéconomique de ces
institutions porte sur la stabilité des prix (Capie et al., 1994 ; Fry et al.,1996).
Le rôle de la banque centrale en matière de stabilité doit être étendu au-delà de ses
fonctions traditionnelles. Nous considérons que la banque centrale n’est pas responsable
seulement de la stabilité du secteur bancaire, mais aussi de la stabilité du système financier
dans son ensemble. La confiance dans la valeur de la monnaie est une condition nécessaire
pour accomplir l’objectif de stabilité financière et, inversement, un système financier stable
contribue à l’achèvement de l’objectif de stabilité des prix. « L’assurance de la stabilité du
système financier devient un attribut essentiel de la banque centrale, soutenant son objectif
fondamental qui est l’assurance de la stabilité des prix » (Georgescu, 2006).
Les banques centrales recherchent traditionnellement la stabilité financière par la
politique d’open-market, la participation au système d’assurance-dépôts, la fonction de

157
prêteur en dernier ressort, la garantie du fonctionnement des systèmes de paiements et la
surveillance du secteur bancaire. La dimension macro-prudentielle de la stabilité financière
rend pourtant nécessaire la surveillance de la stabilité de tout le système financier et les
banques centrales disposent pour cela de deux modalités, l’évaluation des risques potentiels
qui peuvent affecter la stabilité du système et l’évaluation de la solidité du système financier
et sa capacité de résister aux chocs. Dans ces conditions, l’objectif de la politique monétaire et
de la politique de stabilité convergent.

3.1.2. Politique monétaire versus politique de stabilité financière

L’idée avancée par les opposants à l’implication de la banque centrale dans


l’activité de régulation et de surveillance et à sa prise en charge de l’objectif de stabilité est
l’incompatibilité entre la politique monétaire et la politique de stabilité financière. Nous
allons montrer dans cette section que ces deux objectifs sont compatibles. Avant de mener à
notre analyse, quelques remarques sont nécessaires.
D’abord, la stabilité financière représente un objectif complexe. Si la stabilité
monétaire est un objectif bien défini qui peut être atteint et maintenu sur une certaine période
de temps, l’objectif de stabilité financière s’avère moins précis, non seulement du fait de
l’absence de définition commune, mais aussi du fait des politiques menées pour l’obtenir. La
stabilité financière peut inclure, mais elle ne s’y résume pas, un objectif numérique.
Ensuite, les compromis, d’une part, entre stabilité des prix et stabilité financière,
et, d’autre part, entre politique monétaire et politique de régulation et de surveillance, portent
sur la même question. Les débats suivent la même logique et ont comme argument central
l’échec en termes d’inflation du fait de l’injection de liquidités par la banque centrale dans le
système pour sauver des établissements financiers en difficultés. Un autre argument est lié à
la réputation de la banque centrale qui pourrait être affectée par tout échec de son activité de
surveillance qui pourrait compromettre la politique monétaire.
Nous avons vu, sur les périodes récentes de turbulences financières, que la
fonction de prêteur en dernier ressort de la banque centrale est extrêmement importante pour
éviter l’effondrement des marchés et pour restaurer la confiance dans le système financier, et
que l’assurance de la liquidité est une condition fondamentale pour maintenir la stabilité.
Cette fonction ne peut pas être exercée sans avoir une connaissance exacte de la situation des
institutions ou des marchés qui ont besoin de soutien financier.

158
Isărescu (2006) réalise une classification de la littérature qui porte sur la relation
entre stabilité des prix et stabilité financière. Ainsi, il distingue une approche conventionnelle
(selon laquelle les deux types de stabilité se soutiennent et s’alimentent de façon réciproque à
long terme) et une approche new environment (selon laquelle une stabilisation des prix à des
niveaux réduits crée un environnement économique nouveau où la stabilité financière n’est
plus garantie). La théorie new environment est décrite par Bieri (2004) et Caruana (2005)
comme une nouvelle école de pensée qui suggère qu’une inflation réduite et stable peut rendre
le système financier encore plus vulnérable devant les menaces d’un boom des prix des actifs.
Cette théorie est liée au phénomène « great moderation » décrit dans la section qui porte sur
les crises financières récentes. Cependant, aucune des théories ne parlent du compromis entre
stabilité financière et stabilité des prix.
Le compromis entre les deux objectifs, compris comme la renonciation à l’un des
objectifs en faveur de l’autre, est généralement présenté sous la forme d’un compromis de
court terme (Feldman et Watson, 2002 ; Goodhart, 2000 ; Goodhart et al., 2004b et Allen et
Wood, 2006). Ces auterus considèrent que les objectifs de stabilité des prix ne sont pas
toujours identiques à ceux de stabilité financière. De cette façon, quelques objectifs liés à la
stabilité des prix peuvent engendrer l’instabilité du système financier.
Dans un environnement économique où les contraintes de capital influencent
l’activité, représentant des conditions économiques adverses, une politique monétaire
expansionniste peut aggraver la fragilité financière parce que les liquidités supplémentaires
injectées par la banque centrale peuvent être utilisées de manière erronée par certaines
banques, détériorant leur position de capital et par conséquent mettant en danger la stabilité
financière de tout le secteur.
Un autre exemple pour un compromis possible est la situation où l’économie
traverse une période inflationniste et où les banques sont vulnérables. Pour contrer les
pressions inflationnistes, les banques centrales procèdent normalement à une augmentation
des taux d’intérêt. Compte tenu le fait que la banque centrale obtient des informations sur la
fragilité du système par l’intermédiaire de la surveillance des établissements de crédit et
qu’une augmentation des taux d’intérêt sur le marché pourrait amplifier cette vulnérabilité, la
banque centrale y renonce, échouant ainsi dans l’accomplissant de l’objectif d’inflation.
De l’autre côté, des arguments selon lesquels stabilité des prix et stabilité
financière sont compatibles, peuvent être avancés. Mishkin (1997) montre qu’une croissance
soutenue du niveau général des prix, ainsi qu’une baisse de ce niveau en deçà des attentes des
agents économiques, présentent de potentielles sources d’instabilité. Dans une économie

159
caractérisée par un taux d’inflation modéré ou faible, les crédits sont attribués à long terme,
généralement à taux d’intérêt fixe. Un processus désinflationniste rapide peut conduire à des
taux d’intérêt élevés, à une baisse des cash-flows et à une augmentation de l’instabilité
financière. C’est pourquoi les autorités doivent prêter beaucoup d’attention à la solidité du
système financier et à l’activité de régulation lorsqu’elles souhaitent réduire brusquement
l’inflation.
Jacobson et al. (2001) pensent aussi que les objectifs de stabilité des prix et de
stabilité financière ne sont pas toujours assimilables, mais quelques éléments laissent penser
que le « compromis » entre stabilité des prix et stabilité financière ne pose pas de problèmes
majeurs. Un argument historique est le fait que les crises bancaires ont souvent trouvé leur
origine dans la situation macroéconomique, dans les variables macroéconomiques
fondamentales et dans les politiques macroéconomiques inappropriées. En même temps, une
politique monétaire dont le but est la stabilité des prix, réduit ces risques. Un autre argument
est lié au fait que les banques centrales disposent réellement de certains instruments qui leur
permettent d’agir pour atteint l’objectif de stabilité des prix et pour assurer la stabilité du
secteur financier.
L’inexistence du compromis est prouvée aussi par le fait que le système bancaire
est le canal de transmission par l’intermédiaire duquel la politique monétaire produit des
effets sur l’économie réelle (Oosterloo et De Haan, 2004 ; Schinasi, 2003 et Mercs, 2004). Si
on suppose que le système bancaire connaît des déséquilibres, il serait beaucoup plus difficile
pour la banque centrale d’évaluer la liquidité nécessaire pour atteindre les objectifs
monétaires. L’efficacité de la politique monétaire dépend en général du développement et de
la stabilité du système financier. Dans le même temps, l’accès de la banque centrale aux
informations macro-prudentielles est une condition d’efficacité dans la gestion des crises qui
affecte la stabilité monétaire.
Selon nous, le « conflit » entre stabilité des prix et stabilité financière ne peut
exister qu’à court terme et seulement si l’on sacrifie l’objectif d’inflation pour maintenir la
stabilité financière. Ces objectifs convergent à moyen et long terme. Par exemple, lors la crise
récente des marchés financiers internationaux, de nombreuses banques centrales ont injecté
des liquidités sur le marché, sacrifiant à court terme l’objectif d’inflation en faveur de la
stabilité financière.
Concernant l’argument selon lequel la politique monétaire expansionniste peut
aggraver la fragilité financière, il est clair qu’une politique expansionniste a en premier lieu
un impact négatif sur la stabilité des prix. Quant au fait que les banques centrales renoncent à

160
la décision d’augmenter les taux d’intérêt si elles considèrent que cette décision affecte
négativement la solidité du secteur bancaire, cette décision peut être justifiée parce qu’une
éventuelle crise bancaire n’engendre pas seulement des pressions inflationnistes, mais aussi
des coûts économiques et sociaux importants.
L’objectif de stabilité financière devrait être considéré comme un objectif
prioritaire des banques centrales. Nous considérons qu’à présent la plupart des banques
centrales ont gagné la lutte contre l’inflation. Ce sont les périodes de grave instabilité
financière qui mettent en danger la réalisation de leurs objectifs et les actions des banques
centrales devraient donc se concentrer davantage sur ces aspects. On a besoin d’un policy mix
entre politique monétaire et politique de régulation et de surveillance de sorte que les deux
objectifs soient atteints.
La stabilité financière est une condition fondamentale pour une croissance
soutenable, au moins aussi importante que la stabilité des prix. Selon Schinasi (2004), un
système financier stable accroît les performances économiques sur plusieurs plans, tandis
qu’un système instable réduit la performance économique.
Lorsque la stabilité financière est absente, la stabilité des prix et la croissance sont
affectées. « L’assurance de la stabilité financière représente une fonction de premier rang
pour les banques centrales modernes, tout aussi importante que les opérations de marché et
l’implémentation de la politique monétaire » (Sinclair, 2000).

3.1.3. Quelques considérations sur le rôle de la BCE et de la BNR


dans l’assurance de la stabilité financière

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, il n’y a pas d’institution de


régulation et de surveillance du secteur financier au niveau de l’UE. En Europe, on a tout de
même tenté de construire un cadre de régulation unifié, par l’harmonisation et l’acceptation
réciproque des régulations (Smaghi, 2000). Ceux qui sont satisfaits du cadre actuel de
régulation disent que l’activité bancaire relève plus du national et que ce cadre est conforme
s’il n’y a pas de distorsions. Mais ceux-là, « oublient que la raison pour laquelle l’activité
bancaire reste essentiellement nationale, est la régulation même » (Smaghi, 2000).
La crise des marchés financiers déclenchée en 2007 a montré que les autorités
nationales n’ont pas pu sauver certaines institutions financières. De plus, les déclarations des
autorités nationales ne sont pas suffisamment convaincantes pour ramener la confiance des

161
investisseurs internationaux. A l’intérieur de l’Union Economique et Monétaire, le rôle des
banques centrales dans la prévention des déséquilibres à l’aide des mécanismes de politique
monétaire, est sensiblement réduit. Par conséquent, le problème qui apparaît est de savoir si la
BCE ne devrait pas participer directement à l’élimination de tels déséquilibres qui peuvent
déstabiliser les systèmes financiers.
La BCE n’a pas d’objectifs statutaires dans le domaine de la stabilité, à l’exception
de la surveillance des systèmes de paiements. Si la stabilité des prix est plusieurs fois
mentionnée dans le Traité de Maastricht en tant qu’objectif premier de l’Eurosystème, il n’y a
pas de responsabilité directe de la BCE concernant la stabilité financière.
En Roumanie, la Loi no. 312/2004 sur le statut de la Banque Nationale de
Roumanie prévoit à l’Art.2 (1) que « l’objectif fondamental de la Banque Nationale de
Roumanie est l’assurance et le maintien de la stabilité des prix ». En conformité avec cette
loi, les attributions principales de la BNR dans la stabilité financière sont la régulation et la
surveillance prudentielle des établissements de crédit et la promotion et la surveillance du bon
fonctionnement des systèmes de paiements.
Dans le premier rapport de stabilité élaboré par la BNR en 2006, on retrouve l’idée
que la stabilité des prix est, traditionnellement, la principale responsabilité des banques
centrales. Le même rapport indique que la BNR a un rôle bien précisé dans l’assurance de la
stabilité financière, celle-ci étant considérée comme le deuxième objectif principal de la BNR.
Nous analysons maintenant les fonctions traditionnelles des banques centrales en
termes de stabilité financière, fonctions généralement appelées les « safety nets » de la
stabilité, et nous mettons en évidence les actions récentes menées par la BNR pour assurer la
stabilité financière.

3.2. Les fonctions traditionnelles des banques centrales en matière


de stabilité

La responsabilité des banques centrales en matière de stabilité financière est


largement reconnue. Différentes actions (ou fonctions) à l’aide desquelles la banque centrale
accomplit son objectif de stabilité financière existes : l’assurance-dépôts, la fonction de
prêteur en dernier ressort, la garantie du fonctionnement des systèmes de paiements ou la
surveillance et la régulation du secteur bancaire. Elles représentent des fonctions

162
traditionnelles de la majorité des banques centrales relevant des fonctions de stabilité
financière.
Crockett (2000) affirme qu’une source potentielle de distorsion qui affecte la
participation des acteurs sur le marché est la faible présence des safety nets, définis ici comme
aspects englobant « les mécanismes supposés pouvoir combattre les conséquences
défavorables des déséquilibres financiers, et rétablissant en même temps la confiance dans le
système financier ».
Dans cette section, nous analysons chaque fonction de stabilité, en présentant
d’abord la littérature qui porte sur le sujet concerné, pour essayer ensuite de voir qu’elles sont
les caractéristiques de ces fonctions au niveau de l’Union Européenne et au niveau du secteur
financier roumain. Une telle approche nous permet d’adopter une attitude propre sur
l’importance de chaque fonction pour assurer la stabilité financière mais aussi pour comparer
les cadres européen et national dans la perspective de l’accession de la Roumanie à l’Union
Economique et Monétaire.

3.2.1. Les opérations d’open market

Un instrument important à l’aide duquel la banque centrale accomplit le rôle


naturel qui lui revient dans l’assurance de la stabilité financière, est représenté par les
opérations open market (Cerna et al., 2008). Ces opérations constituent le principal instrument
de politique monétaire utilisé par les banques centrales modernes, mais, de l’autre côté, on
peut y faire appel dans toutes les étapes du processus d’assurance de la stabilité financière
(prévention, correction, élimination des conséquences des turbulences financières).
Les opérations d’open market ont comme effet l’absorption ou l’injection des
liquidités dans le système bancaire. L’injection de liquidités qui peut être faite en utilisant ces
instruments, permet de sauvegarder les institutions bancaires de la faillite et d’empêcher le
phénomène de contagion qui peut affecter la stabilité systémique. Cependant, l’usage des
opérations d’open market pour assurer la stabilité financière n’est pas exempt de critiques
parce que, par ses mêmes caractéristiques techniques, cet instrument est susceptible de
générer un conflit déjà mentionné entre objectif de la stabilité des prix et objectif de stabilité
financière (Prati et Schinasi, 1999).
Il faut clairement distinguer les opérations d’open market de la fonction de prêteur
en dernier ressort. Si les premiers instruments sont utilisés surtout pour régler la liquidité sur

163
le marché en vue d’accomplir l’objectif de stabilité des prix, l’exercice de la fonction de
prêteur en dernier ressort – PDR (Lender of Last Resort) a comme fondement l’assurance de
la stabilité financière. L’instrument d’open market représente une pratique courante des
banques centrales tandis que l’action de prêteur en dernier ressort est discrétionnaire se
manifestant dans des conditions extrêmes. Les opérations d’open market sont utilisées aussi
bien par la BNR que par la BCE pour réguler la liquidité du système.

3.2.2. Assurance-dépôts et stabilité financière

Une autre fonction traditionnelle de stabilité est l’assurance-dépôts, même si cette


fonction n’est pas toujours attribuée aux banques centrales. La notion d’assurance-dépôts fait
référence aux engagements d’une autorité (gouvernement, banque centrale ou association
bancaire) qui garantissent (totalement ou partiellement) la valeur des dépôts détenus par les
déposants dans les banques, en cas de faillite bancaire. L’assurance-dépôts représente une
forme des safety nets (Mishkin, 1997).

3.2.2.1. La nécessité du cadre d’assurance - dépôts

L’assurance-dépôts par l’Etat représente une des plus anciennes formes de


régulation micro-prudentielle qui est apparue aux Etats-Unis après la grande récession des
années 1929-193049. Le rôle de ces actions est de protéger les petits déposants, de préserver la
confiance des agents économiques dans le système bancaire et de réduire les conséquences
négatives des faillites bancaires (Seelig, 2000).
Par l’assurance-dépôts, les autorités éliminent une partie du hasard moral existant
sur le marché et contribuent à réduire la probabilité de paniques bancaires. Cette fonction
donne une confiance supplémentaire aux épargnants, renforce la concurrence au sein du
système bancaire et favorise la redistribution des coûts des faillites bancaires.
La littérature fait cependant état d’avis différents concernant la nécessité d’un
système d’assurance-dépôts comme élément des safety nets de la stabilité financière.
Diamond et Dybvig (1983), Freixas et Rochet (1997) puis Morrison (2002) montrent
pourquoi un tel mécanisme est nécessaire. Si un nombre suffisant de déposants retire leurs
49
La littérature considère que l’assurance-dépôts a une nature micro-prudentielle parce qu’elle se propose
d’éviter la faillite des institutions individuelles et d’offrir de la protection aux déposants. Cependant, il ne faut
pas oublier qu’un tel système a été mis en place dans la perspective d’un bon fonctionnement du système
bancaire dans son ensemble, d’où sa nature macro-prudentielle.

164
dépôts en même temps, la banque concernée est contrainte de vendre une partie de ses actifs
illiquides en subissant des pertes. Les déposants décident de retirer leurs fonds sans tenir
compte des conséquences sur la valeur de la banque (ils n’estiment pas le résultat de leur
action). Ces retraits peuvent générer une panique et déstabiliser tout le système financier
parce que soit les déposants se dirigent vers des banques solides, soit concervent leurs
liquidités en numéraire.
Ainsi, des études comme celle de Leaven (2004) soutiennent que les pays qui ont
mis en place explicitement un système d’assurance-dépôts, ont enregistré une croissance plus
lente de leur dette financière.
De l’autre côté, d’autres défendent l’idée selon laquelle un tel système n’est pas
opportun. Boot (2001) et Allen et Wood (2006), par exemple, soutiennent que l’assurance-
dépôts incite les dirigeants des banques à prendre plus de risque et agit comme un facteur qui
réduit l’incitation du secteur privé à protéger sa propre stabilité financière. L’assurance-dépôts
protège les déposants contre une faillite éventuelle de la banque, mais elle réduit leur initiative
à surveiller la solvabilité de la banque auprès de laquelle ils constituent leurs dépôts.
Un autre problème qui a suscité des débats est lié à la sphère qui doit être couverte
par ce système. Rochet (2004) fait une distinction entre deux catégories de banques : celles
qui doivent et celles qui ne doivent pas bénéficier du système d’assurance-dépôts et de la
liquidité de la banque centrale. Les banques faiblement exposées au risque peuvent bénéficier
de l’assurance-dépôts et, en cas de chocs macroéconomiques, elles recevront de l’assistance
en liquidités, fournies par la banque centrale. Elles doivent détenir un certain capital
réglementaire et doivent contribuer au fonds d’assurance-dépôts en fonction de leur degré
d’exposition. En revanche, les banques fortement exposées au risque seront contraintes de
détenir un certain capital réglementaire et de contribuer au fonds d’assurance-dépôts même si
elles n’en sont pas protégées.
Les doutes liés à l’assurance-dépôts sont apparus toujours aux Etats-Unis, où les
artisans de la FDICIA (Federal Deposit Insurance Corporation's Improvement Act) ont
considéré en 1991 que le système d’assurance, qui couvrait à 100% les dépôts, a incité les
banques à prendre plus de risque et les autorités ont décidé de fermer plusieurs institutions
avant qu’elles ne deviennent insolvables. Cette démarche a affecté la crédibilité des
surveillants et la décision de fermer certaines banques a été prise sans tenir compte des effets
de contagion (Goodhart, 2005).
Comme l’illustrent de nombreux exemples historiques, les phénomènes de
contagion parmi les déposants peuvent être déclenchés par des facteurs tout à fait irrationnels,

165
par des chocs exogènes ou par des asymétries informationnelles. Selon nous, la banque
centrale (à côté d’autres institutions publiques) doit assurer le bon fonctionnement du système
financier. En absence de ces safety nets, tel le cadre d’assurance-dépôts, un choc négatif sur
l’économie pourrait inciter les déposants à retirer leurs dépôts, même ceux constitués auprès
des banques solvables, provoquant une grave crise financière et réelle. L’implication de la
banque centrale est importante car, premièrement, la banque centrale connaît les signaux du
marché qui indiquent le déclenchement d’une possible panique bancaire et, deuxièmement,
l’intervention doit être pompte alors que les gouvernements, soumis à des contraintes
politiques, ne peuvent pas toujours prendre une décision rapide.

3.2.2.2. Le cadre d’assurance - dépôts au niveau de l’ UE

Un système d’assurance-dépôts, fondé sur la Directive 94/19/CE, a été adopté au


niveau de l’UE et reposant sur l’adaptation des législations nationales et la coopération avec
les différentes agences de surveillance.
Cette Directive inclut les stipulations suivantes :
• l’assurance-dépôts est activée lorsque les dépôts deviennent indisponibles ;
• un dépôt indisponible est considéré un dépôt dû, mais qui n’a pas été restitué
par l’établissement de crédit en conformité avec la loi et le contrat ou si les autorités
compétentes ont établi que l’institution concernée ne peut pas rembourser les dépôts à cause
de ses conditions financières, les autorités devant constater cette incapacité de paiement au
plus tard 21 jours après la première demande de remboursement non satisfaite.
Les objectifs de la Directive 94/19/CE sur l’harmonisation des systèmes
d’assurance-dépôts ont été significativement remplis (Gulde et Wolf, 2005). Malgré tout cela,
des problèmes liés aux responsabilités du pays d’origine pour l’assurance-dépôts concernant
les dettes des succursales des banques étrangères, demeurent. Bruni et De Boissieu (2000)
soutiennent la nécessité de réviser cette la Directive. Selon eux, la somme minimale qui peut
être remboursée est de 20.000 EUR, mais la France par exemple a retenu 70.000 EUR comme
somme maximale, une harmonisation apparaissant donc nécessaire. On n’a pas eu de pratique
commune au niveau de l’UE, notamment avec la crise financière actuelle, où on a mis l’accent
sur ce safety net. Des pays tels que l’Allemagne ou la Grèce ont considéré que l’assurance-
dépôts doit proposer 100% pour pouvoir empêcher les paniques bancaires. D’autres pays ont
proposé d’accroître le plafond à 100.000 EUR. Finalement, les Ministres des Finances de
l’Union Européenne ont décidé de fixer le seuil minimal à 50.000 euro.

166
Bichi (2006)50 soutient qu’au niveau de l’UE, les garanties de stabilité ont une
orientation nationale. Il souligne aussi la diversité des modalités d’organisation du système
d’assurance-dépôts, qui est présentée dans le Tableau 9 :

Tableau 9 : Le cadre d’assurance - dépôts au niveau des pays de l’UE


Les opérateurs du système La constitution des fonds d’assurance
Banques Centrales – 5/25 Ex-ante – 19/25
Associations Bancaires – 3/25 Ex-post – 3/25
Autorités de Surveillance – 1/25 Modèle mixte – 3/25
51
Système d’assurance-dépôts (DGS ) – 16/25
Source: Bichi (2006)

3.2.2.3. L’assurance - dépôts en Roumanie

Le cadre législatif de la Roumanie qui porte sur la procédure à suivre lorsqu’on


fait appel au fonds d’assurance a été adapté à la législation européenne52. L’Art.17 (6) de
l’Ordonnance 10/2004 prévoit que « à partir de la date à laquelle les dépôts deviennent
indisponibles, les déposants ont le droit de recevoir, dans les conditions légales, des
compensations afférentes aux dépôts assurés ». A partir de cette date, le Fonds d’assurance-
dépôts remboursera, selon tous les droits, les déposants assurés, proportionnellement au
montant de la valeur assurée de leurs dépôts53.
Bichi (2006) souligne aussi la nécessité de délimiter les sphères d’action et les
responsabilités de chaque institution impliquée dans le système d’assurance-dépôts. Une
première étape serait d’établir un mécanisme de coordination. Il est important que la
législation présente en détail ces aspects.
Le système d’assurance-dépôts de la Roumanie se caractérisait en 2006 par :
• la participation des 38 institutions de crédit au Fonds d’Assurance (31 banques
de personnalité juridique roumaine ; 6 succursales des banques étrangères et une organisation
des coopératives de crédit) ;

50
IMF – NBR Regional Seminar on Financial Stability Issues, Sinaia, le 7-9 novembre
51
Deposit guarantee schemes.
52
L’Ordonnance no.10 de 22/01/2004, publiée dans le Moniteur Officiel, Partie I no. 84 de 30/01/2004 - sur la
procédure de réorganisation judiciaire et la faillite des institutions de crédit.
53
Le Fonds d’assurance-dépôts a été établi en Roumanie en 1996 par l’Ordonnance Gouvernementale,
no.39/1996. En 2006, le plafond d’assurance garanti pour chaque déposant était égal à l’équivalent en lei de
15.000 EUR, plafond qui a monté à 20.000 EUR à partir du 1 janvier 2007.

167
• si les ressources ne sont pas suffisantes pour respecter les obligations de
paiement, à la demande du Fonds, le Conseil d’Administration de la BNR peut demander aux
institutions de crédit de déposer des contributions spécifiques ;
• les représentants de la BNR font partie du Conseil d’Administration du Fond, à
côté des membres du Ministère de Finances, du Ministère de Justice et de l’Association des
Banques, ce qui permet une coordination efficace entre les institutions impliquées.
En 2008, dans le contexte de l’amplification de la crise financière internationale, le
besoin de remonter le plafond d’assurance au-dessus de la limite de 20.000 EUR s’est imposé
aussi en Roumanie. Cette décision a été plutôt destinée à restaurer la confiance des déposants
dans le secteur bancaire, dans une situation où le plafond de 20.000 EUR couvre environ 95%
des déposants, selon des représentants de la BNR. En octobre 2008, le plafond d’assurance a
été fixé à 50.000 EUR.
L’assurance-dépôts reste toutefois inefficace en cas de crise de liquidité lorsqu’elle
n’est pas accompagnée par d’autres actions. Ces stratégies protègent les déposants, mais elles
n’assurent pas la stabilité financière sans actions complémentaires. Pourtant, la protection des
déposants n’est pas la seule préoccupation des surveillants bancaires ; ils s’intéressent aussi
aux éléments qui peuvent conduire à l’instabilité du système dans son ensemble (le risque
systémique). Les théoriciens ont beaucoup insisté sur la cause première de l’instabilité, « la
ruée aux guichets » ou la panique provoquée par une chute brusque de la confiance des
déposants dans leurs banques. La fonction de prêteur en dernier ressort est aussi extrêmement
importante pour la prévention et la correction des situations de crise.

3.2.3. La fonction de prêteur en dernier ressort

3.2.3.1. Les implications de la fonction de prêteur en dernier ressort

Une alternative à l’assurance dépôts est la capacité de la banque centrale d’agir, en


cas de nécessité, comme un PDR. Traditionnellement, cette fonction signifie que la banque
centrale prêtera des fonds en cas de panique avec un certain taux de pénalisation. Une autre
explication du phénomène est que la banque centrale accordera gratuitement des liquidités à
une banque lorsqu’elle constate une tendance rapide de la part des déposants à retirer leurs
dépôts.

168
La fonction de PDR est une fonction que la banque centrale exerce dans l’ombre.
« Comme conséquence de son existence en arrière-plan, les participants au marché seront
convaincus qu’en cas de crise, soit les mécanismes d’autocorrection du marché continueront
à fonctionner, soit, dans la situation contraire, la banque centrale interviendra pour
permettre les transactions jusqu’au moment où la confiance sera restaurée etoù les
mécanismes d’autocorrection se mettront de nouveau en marche » (Cerna et al., 2008).
La fonction de PDR représente une des fonctions traditionnelles des banques
centrales en matière de stabilité financière (Capie et al., 1994). Malgré cela, elle est la
fonction la plus ambiguë de toutes les fonctions parce qu’elle n’est pas exercée avec régularité
et parce que le cadre où agit le PDR se caractérise par une faible transparence. La
vulnérabilité du système bancaire face aux crises de liquidité et au risque systémique reste à la
base du rôle de PDR des banques centrales. Un événement particulier peut se transformer
dans une crise financière et, de plus, il peut causer l’effondrement de l’économie toute entière.
La préoccupation pour l’existence d’un PDR a été analysée même dès le XIXème
siècle dans les travaux de H. Thornton (1802) et W. Bagehot (1873). L’interprétation de leurs
idées a donné naissance à plusieurs courants de pensée distincts. Pour cette fonction aussi, il
n’y a pas une opinion commune sur : (a) la nécessité de l’existence d’un prêteur en dernier
ressort (ou « d’un prêteur de dernier rang », comme l’appellent Dardac et Barbu (2005)), (b)
qui est l’institution qui peut et doit agir comme PDR, (c) la façon dont la liquidité est fournie
(au marché ou à une institution indivuduelle), (d) la situation des banques qui peuvent
bénéficier des liquidités (solvables, d’importance systémique, etc.) ou (e) la compatibilité ou
l’incompatibilité de cette fonction avec les autres fonctions des banques centrales.
Pour parler de l’opportunité de l’existence d’une telle fonction, il faut d’abord
comprendre son mécanisme de fonctionnement. Capie et al. (1994) expliquent les principes
du fonctionnement d’un PDR en prenant un exemple microéconomique. Ils font une analogie
avec la façon dont une banque commerciale continue à créditer un client qui se trouve en
difficulté pour le sauver d’une faillite qui pourrait avoir des répercussions encore plus
significatives sur la banque elle-même. Allen et Wood (2006) donnent un exemple du
domaine du football pour souligner le besoin de l’existence d’un PDR54.
Nous voyons donc que la fonction de PDR est fondamentale pour la stabilité
financière. Elle est nécessaire à cause de la vulnérabilité du système bancaire devant les

54
Une analogie pour la fonction de PDR est la présence du gardien dans une équipe de football. Il doit
représenter la dernière ligne de défense et éviter que le ballon entre dans les buts si les défenseurs ont échoué.
Théoriquement, une bonne équipe n’a pas besoin d’un gardien. Pratiquement, aucun défenseur n’est parfait et
même les équipes avec les meilleurs défenseurs cherchent le meilleur gardien.

169
risques de liquidité et de contagion, générés par une asymétrie d’information entre prêteurs et
emprunteurs. La crainte que la liquidité peut devenir insuffisante provoque de la panique
parmi les opérateurs du marché, ce qui mène justement à « l’assèchement » des liquidités.
L’injection de liquidité effectuée dans une première phase par un PDR peut coordonner les
anticipations en les dirigeant vers un équilibre du marché. Une telle intervention s’impose
surtout dans une économie libéralisée du point de vue financier, qui est temporairement
affectée par un problème de coordination – les sources les plus fréquentes du risque
systémique.
Cependant, l’existence d’une telle fonction a toujours été associée à un hasard
moral important. Pour réduire le hasard moral associé aux interventions du PDR, de
« meilleures partiques » ont été mises en place. Ces pratiques demandent que les banques
centrales interviennent en qualité de PDR dans tout le système financier et qu’elles accordent
des prêts seulement aux institutions illiquides mais solvables ; qu’elles laissent les institutions
insolvables faire faillite ; accordent de la liquidité seulement à court terme ; prévoient un taux
d’intérêt de pénalisation ; exigent des garanties solides et qu’elles agissent de manière
transparente. La liquidité accordée seulement à court terme aide à éviter les pressions
inflationnistes. Cet ensemble de pratiques a été proposé pour la première fois par Bagehot en
1873. Certaines modifications ont été proposées par la Banque Mondiale et le FMI (2005) qui
soutiennent que les principales caractéristiques d’une aide d’urgence sont55 :
• les ressources doivent être disponibles lorsque les banques sont solvables, mais
sont confrontées avec des problèmes de liquidité qui pourraient se propager vers les autres
établissements financiers ;
• il faut attribuer des crédits rapidemment et à court terme ;
• les taux d’intérêt sur ces crédits ne doivent pas être établis à des niveaux
subventionnels mais, en même temps, ils ne doivent pas atteindre un niveau de pénalisation
excessif qu’ils pourraient détériorer encore plus la situation de la banque ;
• les crédits doivent être garantis avec des actifs circulants et/ou immobilisations
agréés par la banque centrale ;
• en temps de crise, les conditions de garantie devraient être plus laxistes ou être
remplacées par des crédits ou assurances gouvernementales ;
• en période de crise, la surveillance devrait être faite par la banque centrale en
collaboration avec le Ministère de Finances.

55
Dans Financial Sector Assessment : a handbook.

170
Cependant, il y a d’autres facteurs qui peuvent compliquer la situation, comme par
exemple les implications systémiques de la faillite d’un établissement financier ou la
disponibilité de l’information pendant une crise, pour pouvoir faire la distinction entre les
institutions solvables et insolvables.
Les implications systémiques de l’effondrement d’un établissement financier
important peuvent inciter un PDR à intervenir pour sauver l’institution concernée de la
faillite. La banque centrale doit prendre de mesures même si le système financier semble être
en bonne santé lorsqu’une banque individuelle est en difficulté à cause de l’effet de contagion
et du syndrome « too big to fail » (Jacobson et al. 2001). Autrement dit, les institutions
financières ne peuvent pas bénéficier dans la même mesure de l’intervention du PDR. Les
sociétés importantes, dont la solidité influence la stabilité du système financier dans son
ensemble, doivent jouir d’une attention plus significative.
Ces idées sont reprises par Rochet (2004) qui propose quelques suggestions pour
un système efficace d’intervention :
• l’intervention des banques centrales en qualité de PDR pour assurer la liquidité
en cas de récession (pour les banques moins exposées au choc) est nécessaire ;
• la prévention de l’extension de l’assistance pour l’assurance de liquidité pour
les banques fortement exposées aux chocs, pour lesquelles, ex-post, la poursuite de l’activité
sera bénéfique, mais ex-ante, l’intervention destinée à les sauver pourrait conduire à la baisse
du bien-être général, s’impose comme nécessaire.
Cette fois aussi, l’évaluation de l’opportunité de sauver une banque par
l’intermédiaire d’une analyse coût-bénéfice peut être contestée. L’approche généralement
acceptée est que l’intervention d’un PDR pour sauver une banque ne doit être effective que
s’il s’agit d’un péril systémique et si l’institution respective est solvable (voir aussi les
principes formulés par Bagehot et présentés ci-dessus). Aglietta et De Boissieu (1999)
considèrent qu’il est difficile, et en même temps délicat, de faire une distinction entre les
banques illiquides et les banques insolvables et le « clivage illiquidité–insolvabilité » ne doit
pas empêcher la reprise du fonctionnement normal du marché. Cuadro et al. (2003)
s’inscrivent dans le même courant d’idées (appelé aussi « l’école interventionniste »), en
soulignant que la fonction de PDR doit s’intéresser à sauver aussi bien les établissements
illiquides mais solvables, que les institutions insolvables si leur faillite mettrait en danger la

171
stabilité financière56. Ils militent pour que la banque centrale puisse intervenir chaque fois que
l’injection de liquidités dans les banques est nécessaire, indépendamment de leur situation en
termes de solvabilité.
D’autres auteurs vont encore plus loin, suggérant que, lorsque la stabilité
financière est en jeu, l’apport de liquidités pourrait dépasser le cadre du système bancaire,
mais leur conclusion est pourtant que ces actions ne sont pas désirables ou au moins qu’elles
ne doivent pas se transformer en pratique courante (Mishkin, 1997). La nécessité d’utiliser la
fonction de PDR doit apparaître seulement dans des situations extrêmes.
Un autre aspect intensément discuté porte sur l’institution qui doit exercer la
fonction de PDR. Certains auteurs soutiennent que le gouvernement doit remplir cette
fonction parce que l’intervention de la banque centrale crée du hasard moral et, de plus, elles
ne disposent pas toujours des ressources financières nécessaires. « Le problème du PDR
consiste dans le fait que le risque est subi par l’institution qui fournit la liquidité » (Goodhart,
2004)57. C’est pourquoi il considère qu’en cas de crises profondes, seul le système fiscal peut
couvrir la liquidation des dépôts.
Un PDR doit agir dès qu’il a détecté une crise de liquidité sur le marché, qui, dans
un certain contexte, peut déclencher le risque systémique. Nous considérons que cela
implique toujours une analyse de la part des banques centrales. Les banques centrales sont les
plus indiquées pour exercer cette fonction, même si apparemment elle contredit, à court
terme, l’objectif de stabilité des prix. Les crises d’une moindre ou moyenne ampleur peuvent
être traitées par la banque centrale en utilisant les ressources propres ou en coordonnant les
actions de sauvetage du secteur privé. La fonction de PDR a deux dimensions : celle de
dernier fournisseur de liquidité pour le marché et pour les institutions et celle de gestion des
crises, sans accorder des crédits. Une institution qui dispose d’une autorité suffisante, peut
résoudre le manque de coordination, en encourageant les institutions financières vulnérables
au risque systémique à accorder des crédits suffisants pour un établissement financier dont la
faillite sera contagieuse.
Une banque centrale doit disposer de la richesse nécessaire pour pouvoir intervenir
dans sa qualité de PDR (Marini, 2003). Selon nous, la banque centrale doit être aidée par le
Gouvernement pour exercer cette fonction. Dans une première phase, la banque centrale doit

56
L’expression « institutions insolvables » n’est pas un terme approprié parce que l’insolvabilité ne peut être
déclarée dans une période courte. C’est pourquoi nous considérons qu’il est plus pertinent d’utiliser l’expression
« susceptibles de devenir insolvables ».
57
Au Royaume-Uni, si une banque se trouve en incapacité de paiement, le FSA est la première autorité en face
de la banque concernée, et la décision de résoudre l’entrave financière est prise par la « troika » (la FSA, la
Banque Centrale et la Trésorerie).

172
intervenir toute seule, pour prévenir l’apparition de la crise. La rapidité de son action est
importante dans cette étape. Si la crise est ouverte et se transforme en crise systémique, la
banque centrale et le gouvernement doivent décider d’utiliser les fonds publics pour corriger
des déséquilibres (autrement dit, la banque centrale doit recevoir le soutien du gouvernement).
Dans la deuxième étape, deux types d’actions peuvent étre entreprises. Une première mesure
porte sur l’apport de liquidité pour le système bancaire dans son ensemble ou pour les
banques considérées comme systémiques. Pour réduire l’aléa de moralité, la liquidité n’est
pas offerte directement, mais le gouvernement procède à l’acquisition d’obligations émises
par ces institutions et qui devront être remboursées ultérieurement. Une autre mesure,
beaucoup plus sévère et qui est mise en pratique dans des situations extrêmes, lorsque la
simple injection de liquidité ne suffit plus, fait référence à la nationalisation partielle ou totale
des établissements concernés, qui seront revendus ensuite sur le marché, après leur
redressement.
Cette logique a été aussi utilisée par les autorités dans la crise récente des marchés
financiers58. Dans une première étape, l’intervention des banques cenrales a été faite par
l’intermédiaire des opérations d’open market pour augmenter la liquidité du marché et ensuite
ces institutions ont baissé les taux d’intérêts de référence/directeurs. De plus, les banques
centrales ont facilité le transfert de propriété des banques en difficultés vers des institutions
plus solides (par exemple, la reprise de Bear Stearns des Etats-Unis par JP Morgan Chase &
Co). Dans la deuxième étape, lorsque la crise s’est aggravée et lorsqu’on a constaté que les
premières mesures étaient insuffisantes, les gouvernements sont intervenus pour sauver le
système financier de l’effondrement. Cette démarche fut mise en pratique en approvisionnant
en liquidité le système (aux Etats-Unis, un plan de 700 milliards de dollars fut proposé pour
sauver le système bancaire59 et la France a décidé de soutenir les six plus grandes banques
avec 10,5 milliards euro en achetant des obligations subordonnées émises par ces banques),
ainsi que par la nationalisation de banques en difficultés, pour réduire l’aléa moral (par
exemple, aux Etats-Unis, l’état a nationalisé Washington Mutual qui a été vendu à JP Morgan
Chase, en Angleterre, la banque Bradford & Bingley a été nationalisée, et les gouvernements

58
Aglietta et De Boissieu (1999) considéraient l’exemple de la crise asiatique comme « un terrain idéal pour
étudier la fonction de PDR ». Cependant, la crise récente des marchés financiers internationaux représente un
épisode encore plus approprié pour étudier l’activité d’un PDR.
59
La chambre des Représentants du Congrès américain a rejeté au début le projet qui prévoyait l’allocation de
700 milliards de dollars pour stabiliser le secteur financier et, suite à cette décision, les places boursières ont
connu de nouveaux kracks. La bourse de New York a immédiatement baissé après ce vote négatif, et les
indices Dow Jones et Nasdaq ont perdu 4,75% et 6,90% respectivement en une seule journée, à l’automne 2008.

173
de la Belgique, de Hollande et du Louxembourg ont proposé un plan commun pour sauver
Fortis, plan de 10 milliards d’euro, en nationalisant partiellement ce conglomérat).
Pour que les interventions de la banque centrale en qualité de PDR soient
efficaces, elle doit surveiller attentivement le secteur bancaire. Les banques centrales doivent
apprécier la situation et intervenir avant qu’une banque commerciale ne devienne insolvable.
Cependant, les détracteurs de cette stratégie soutiennent qu’un échec dans l’activité de
surveillance peut inciter les banques centrales à intervenir en qualité de PDR même si
l’établissement concerné est insolvable, du fait de l’effet de réputation.
Il y a aussi le problème de l’incompatibilité de cette fonction avec d’autres
objectifs des banques centrales. Schoenmaker (2000) analye la fonction de PDR des banques
centrales et distingue deux écoles de pensée :
• L’école décentralisée – la banque centrale représente un choix naturel pour la
fonction de PDR parce que la surveillance et la fonction de PDR sont liées lors d’une crise ;
les autorités de surveillance sont les premières à obtenir des informations et ont la possibilité
de retirer les droits d’exercice accordés aux banques ; la banque centrale, après une
consultation avec le gouvernement, a la possibilité d’aider une banque en difficulté.
• L’école centralisée – repose sur trois éléments : les opérations de PDR ont des
implications sur la politique monétaire ; les autorités nationales peuvent s’avérer inefficaces
dans la surveillance et peuvent devenir tolérantes ; le risque systémique devrait être analysé
au niveau régional. Les derniers éléments sont utilisés avec prépondérance lorsqu’on parle de
l’existence d’une fonction de PDR au niveau de l’UEM.
Le dernier aspect évoqué porte sur l’allocation des liquidités au marché ou aux
seules institutions en situation critique. De nombreux auteurs pensent que la liquidité doit être
destinée au marché pour éviter le hasard moral. Mais d’autres considèrent, d’une part, que
l’injection de liquidités sur le marché ne représente pas une solution pour les banques qui en
ont réellement besoin et, d’autre part, que cette action affecte directement la réalisation de
l’objectif de stabilité des prix.
Nous considérons que les deux modèles d’approvisionnement en liquidités pour
prévenir les crises financières sont pertinents et le choix de l’un par rapport à l’autre dépend
de la situation du système financier. Néanmoins, en tenant compte des principes qui se
trouvent à la base de la fonction de PDR des banques centrales, leur intervention ne doit pas
se faire ressentir, et l’injection massive de liquidités sur le marché peut avoir l’effet contraire,
c'est-à-dire, peut amplifier la panique.

174
Nous avons vu qu’il n’existe pas de consensus ni sur l’institution qui doit exercer
la fonction de PDR, ni sur les moyens et les conditions d’intervention. La plupart des
observateurs reconnaissent cependant que l’existence d’une telle fonction est importante pour
la stabilité financière. Un grand nombre d’entre eux partagent l’idée que cette fonction doit
être exercée par les banques centrales. La solidité de l’image de ces institutions permet de
limiter le hasard moral qui est inhérent à cette fonction. Il faut que les banques centrales
soient soutenues par le secteur privé, mais surtout par le gouvernement dans la mise en œuvre
de ces pratiques. Les aspects qui ne sont pas clarifiés, portent sur la situation des
établissements qui doivent bénéficier de ces interventions, sur le moment opportun pour
intervenir et sur la façon dont l’aléa de moralité peut être évité.
Nous considérons qu’il est difficile de calculer ex-ante l’exposition de chaque
établissement aux chocs macroéconomiques. La décision de fermer une banque en s’appuyant
sur ce critère est par conséquent difficile et peut transgresser les lois de la concurrence. Notre
avis est que la discussion à l’égard du PDR ne doit pas se concentrer sur le couple illiquidité–
insolvabilité, mais plutôt sur les moyens appropriés pour éviter la panique bancaire et la crise
financière, diminuant en même temps le hasard moral.
Nous sommes d’accord que la mise en pratique de cette fonction doit être retenue
seulement dans des situations extrêmes, mais l’apparition de ces situations est pourtant
possible. L’appréciation de l’importance systémique de telle ou telle institution reste
cependant la question la plus difficile pour les banques centrales. Le hasard moral peut être
évité parce qu’il faut pénaliser ultérieurement la banque concernée et la banque centrale doit
avoir un rôle actif dans la réorganisation de l’institution qu’elle a sauvée. De l’autre côté,
aucun établissement ne désire devenir insolvable, même lorsqu’il est sauvé de la faillite, à
cause de l’effet sur sa réputation et des coûts futurs. Les dirigeants des institutions concernées
doivent être sévèrement sanctionnés si leur manque de professionnalisme est en jeu.
Il est difficile d’estimer le degré de transparence nécessaire pour la fonction de
PDR. L’existence d’un PDR doit être très transparente et il faut en même temps qu’un accord
entre la banque centrale et le gouvernement soit signé sur ce sujet. Quant aux conditions
d’intervention du PDR, elles sont aussi difficiles à spécifier ex-ante. C’est pourquoi une
« ambiguïté constructive » est nécessaire. Il faut entreprendre des analyses solides, menées de
façon continue, pour déterminer l’opportunité d’une intervention. Lorsque l’intervention
s’avère nécessaire, elle doit être mise en pratique rapidement et de manière tacite. Une fois le
défi relevé, le plan de réorganisation de l’institution concernée doit être annoncé.

175
La fourniture de liquidités réalisée par la banque centrale pour aider les institutions
individuelles en situation d’urgence a des implications autant pour la politique monétaire que
pour la stabilité financière. Au niveau de l’UEM, le problème lié au PDR est plus délicat
parce que les décisions des banques centrales nationales doivent être prises en commun
accord au niveau du SEBC.

3.2.3.2. Les aspects concernant l’existence d’un PDR au niveau de l’UE

Si une institution de crédit déployant son activité dans plusieurs états membres est
confrontée avec de graves problèmes financiers, une perte de temps interviendra parce que les
autorités de ces états doivent se mettre d’accord sur le type d’intervention et sur le
gouvernement qui doit intervenir car aucune stipulation claire n’apparaît dans la législation de
l’Union. De plus, le rôle de la Commission Européenne, du Comité Européen de Régulation
Bancaire et de la BCE dans ce domaine n’est pas bien connu. Le problème qui apparaît porte
sur la nécessité de l’existence d’une telle fonction au niveau central, mais les banques
commerciales vont continuer à faire appel aux liquidités des BCN si la transition vers un
nouveau régime n’est pas transparente. Cela peut provoquer des retards dans la gestion des
crises bancaires.
La Banque de France (2002a), Bruni et De Boissieu (2000) et Gulde et Wolf,
(2005) considèrent que l’Eurosystème peut agir sans problème comme un PDR. En cas de
crise mineure, les instruments de politique monétaire permettent à l’Eurosystème d’éviter le
hasard moral, la liquidité étant fournie conformément à des conditions semblables à la règle
de Bagehot (à l’ensemble du marché), avec un taux de pénalisation connu d’avance et contre
des garanties saines. En cas de crise importante, l’Eurosystème peut intervenir à l’aide des
opérations d’open market, selon des procédures flexibles qui peuvent être mises rapidement
en application.
D’autres comme Eijffinger (2001) affirment que, pendant une crise, la BCE doit
prendre en considération les conseils du surveillant national. Dans ce contexte, son objectif
principal peut être compromis. Quant au rôle de la BCE en tant que PDR, le Traité de
Maastricht ne contient pas de spécifications dans ce sens.
Prati et Schinasi (2000) identifie deux stratégies possibles pour la fonction de PDR
au niveau des états de l’UE : la première est fondée sur une fonction PADR60, où ni la BCE,

60
Prêteur en avant-dernier ressort (Lender of Penultimate Resort), associé à un cadre qui inclut des stratégies
d’assurance-dépôts, l’implication des ministères de finances et la création des consortiums de liquidité.

176
ni les BCN n’utilisent les fonds de l’Eurosystème pour assurer la liquidité et la deuxième est
une approche décentralisée où la responsabilité entière du PDR revient aux BCN. Cette
analyse a trois implications :
• parce que les banques centrales sont les seules qui peuvent accomplir cette
fonction, il est difficile de concevoir des safety nets sans leur participation ;
• une fonction de prêteur en avant-dernier ressort n’est pas fiable si des
difficultés bancaires apparaissent brusquement ;
• une stratégie décentralisée implique des décisions de la BCE par rapport à la
liquidité du système.
Est-ce que les BCN peuvent fournir la liquidité sans violer le statut du SEBC ?
Lastra (2000) analyse le rôle de la BCE en tant que potentiel PDR et pense que « la gestion
des crises reste décentralisée, mais il y apparaît aussi des éléments de centralisation en
particulier pour cette fonction ». Il considère que la centralisation de la fonction de PDR au
sein de la BCE n’implique pas la centralisation des autres fonctions, mais seulement
l’harmonisation des pratiques. Quelques aspects liés à une possible centralisation des
fonctions de stabilité sont présentés Tableau 10.

Tableau 10 : La situation des fonctions de stabilité financière au niveau européen


Le cas Le principe La législation
Centralisation ou décentralisation dans l’attributions des responsabilités de PDR
Système de paiements Centralisation Art. 105.2, Traité sur les CE
Liquidité générale Centralisation Art. 18, Statut du SEBC
Crédits d’urgence Décentralisation Ambiguïté (Art. 18 ou 105.5,6)
Centralisation ou décentralisation pour la surveillance prudentielle
Accorder des licences Décentralisation
Surveillance prudentielle Décentralisation et Art. 105.5,6
harmonisation
Assurance - dépôts Décentralisation et
harmonisation
Démarches en cas d’insolvabilité Décentralisation
Centralisation ou décentralisation pour la régulation
Règles, standards prudentiels Décentralisation avec fort Art. 105.4 du Traité et le Statut
degré d’harmonisation de la BCE
Règles, système de paiements Centralisation Art. 22 , le Statut du SEBC
Centralisation = Compétences communautaires; Décentralisation = Compétences nationales
La source : Lastra (2000)

177
Certains avancent l’idée de créer un PDR au niveau international, mais ils se
rendent compte qu’il est difficile de mettre cette idée en œuvre61. Compte tenu du phénomène
de la globalisation, la création d’une Banque Centrale Supranationale qui remplirait la
fonction de PDR, a été proposée. Cette institution exercerait les mêmes fonctions que
l’autorité monétaire nationale. La création d’une telle institution implique une monnaie
internationale. Parce qu’il y a des pays qui ne sont pas convaincus du fait que les banques
centrales devraient assurer plutôt la stabilité financière que la stabilité des prix, cette
proposition n’a été jamais sérieusement étudiée, craignant aussi une brusque croissance de
l’inflation au niveau mondial.
Il est difficile de parler de l’existence d’un PDR au niveau central si les moyens
juridiques et matériels ne sont pas disponibles. Nous avons établi qu’un PDR doit être aidé
par l’autorité fiscale, mais une telle autorité au niveau européen n’existe pas. Par conséquent,
le rôle de la BCE se résume pour instant à la coordination des actions de sauvetage, même s’il
y a des arguments supplémentaires en faveur de la centralisation de cette fonction, comme par
exemple : la croissance des effets de contagion associés au développement des conglomérats
financiers ou le fait que les BCN prennent des risques dans l’application de cette fonction au
niveau national, ces actions pouvant compromettre la politique monétaire de la BCE. Selon
nous, une fonction de PDR au niveau européen implique aussi une fonction de surveillance
centralisée pour éviter ainsi l’apparition de l’aléa moral.
En conclusion, on ne peut pas parler d’un PDR européen s’il n’y a pas un fonds
d’assurance-dépôts européen, si la surveillance des systèmes financiers est réalisée au niveau
national et si les ressources financières des institutions de l’UE ne sont pas augmentées de
manière significative.

3.2.3.4. La BNR et sa fonction de prêteur en dernier ressort

Dans le cas de la Roumanie, la législation ne prévoit pas de façon explicite que la


BNR remplisse la fonction de PDR. La législation prévoit seulement que « la banque centrale
peut accorder son soutien aux institutions bancaires dans des conditions extrêmes »62. Cette

61
Nous avons vu dans le premier chapitre que le FMI s’est comporté en PDR lors des crises financières du
Mexique, de l’Asie et de l’Argentine. Cette fonction ne représente pas une des attributions du FMI et il a été
difficile à croire que le Fonds interviendrait de nouveau dans l’avenir, mais le soutien récent accordé aux pays
tels que la Hongrie et l’Ukraine ne font que confirmer encore une fois le rôle du FMI dans la gestion des crises.
62
La Loi no. 312/2004 sur le statut de la BNR, prévoit aussi à l’Art. 26, que « pour accomplir son attribution
liée à la stabilité financière, la BNR peut, exceptionnellement et en fonction de chaque situation particulière,

178
formulation présente plus qu’une « ambiguïté constructive » parce que le sauvetage d’une
institution en difficulté n’est pas précisé et les conditions qui lui sont imposées, ne sont pas
mentionnées. Le rapport de la BNR pour 2005 mentionne seulement que la BNR « représente
le prêteur en dernier ressort des institutions de crédits de la Roumanie ».
Cependant, la banque centrale peut accorder des liquidités à court terme au secteur
bancaire, mais on considère que ces liquidités ne tiennent pas à sa fonction de PDR. De cette
façon, conformément au Règlement no. 1/2000 sur les opérations de la Banque Nationale de
Roumanie sur le marché monétaire, cette institution peut accorder aux banques des crédits
lombards pour lesquelles la BNR doit demander des garanties qui couvrent 100 % de la
valeur des crédits.
En conclusion, la fonction de PDR doit être mise en pratique par la banque
centrale mais cela seulement dans des situations extrêmes. Il faut faire appel à cette
intervention exclusivement lorsqu’on constate la possibilité d’une crise systémique. La
littérature distingue deux types de crises : le premier porte sur l’échec du marché, par
exemple, l’apparition d’un problème technique qui peut affecter la liquidité de plusieurs
institutions financières et le deuxième se caractérise par un comportement inapproprié de
certains participants au marché. Ces deux types de crises sont connus comme crise de
liquidité et crise de solvabilité respectivement. La plupart des observateurs soutiennent que la
fonction de PDR doit seulement répondre au premier type de crise. Nous considérons qu’il
faut intervenir en tant que PDR dans des situations extrêmes, même si on parle d’une
institution bancaire insolvable, les crises de liquidité pouvant être résolues à l’aide de moyens
beaucoup plus communs et plus transparents.
Mis à part le fait que la banque centrale doit disposer d’un capital bilanciel
suffisant, il est nécessaire qu’elle jouisse aussi d’une bonne réputation. La solidité de l’image
d’une banque centrale lui permet de limiter le risque de crédit inhérent à la fonction de prêteur
en dernier ressort. La banque centrale doit être soutenue par le gouvernement lorsque la crise
n’a pas pu être prévenue.
La mise en pratique de la fonction de prêteur en dernier ressort génère du hasard
moral et ainsi risque d’affecter les responsabilités des acteurs du marché. Par conséquent, la
banque centrale doit définir les conditions qu’elle imposera pour agir dans telle ou telle
situation.

accorder aussi d’autres crédits aux institutions de crédits, liquidités qui doivent être garanties ou non avec
d’autres actifs que ceux utilisés couramment ».

179
3.2.4. La gestion des systèmes de paiements et de règlements

La gestion des systèmes de paiements et de règlements représente une autre


fonction traditionnelle de la banque centrale destinée à assurer la stabilité financière. Cette
idée est largement acceptée dans la littérature. L’instabilité financière peut causer de
problèmes sérieux lorsqu’elle affecte les systèmes d’exécution des transactions financières,
aussi bien dans le domaine bancaire que sur les marchés du capital et l’exemple de la banque
Herstatt en est révélateur (Davis, 1995).
On se demande, tout comme dans le cas de la fonction de PDR, si la banque
centrale est l’institution la plus appropriée pour gérer les systèmes de paiements. Ensuite, on
se demande si les progrès technologiques dans ce domaine dus à l’utilisation des systèmes à
règlement brut en temps réel ont contribué ou non à la baisse du risque systémique. Enfin, on
se demande si les systèmes de paiements utilisés au niveau de l’UE amènent un plus de
liquidité et de stabilité pour les participants aux systèmes. Dans la perspective de l’adhésion à
l’UEM, nous sommes confrontés au problème de l’harmonisation des systèmes de paiements
nationaux avec les systèmes européens.

3.2.4.1. Les risques afférents aux systèmes de paiements et le rôle des banques
centrales

Une autre modalité d’action dont la banque centrale dispose traditionnellement


pour assurer la stabilité financière, est la gestion et la surveillance des systèmes de paiements
et de règlements. La confiance dans la valeur de la monnaie est une condition nécessaire pour
accomplir l’objectif de stabilité financière et cette confiance ne peut pas être obtenue sans un
système de paiements sûr et efficace.
Les systèmes de paiements et de règlements concentrent, de manière directe ou
indirecte, presque toutes les formes de risque systémique63. Ces systèmes doivent être
considérés comme des générateurs de risque systémique qui combinent les risques
microéconomiques et macroéconomiques dans une spirale de la contagion. Les risques sont
connus au niveau individuel et sont souvent gérés, mais ils peuvent devenir interdépendants à
l’intérieur des systèmes de paiements, s’avérant ainsi dangereux pour le système financier.

63
Un système de paiements peut être défini comme « un ensemble d’instruments, de procédures bancaires et
généralement de systèmes interbancaires de transferts des fonds, qui permet la circulation de la monnaie ».

180
De façon traditionnelle, le risque systémique est associé à la probabilité que les
difficultés d’une institution individuelle se propagent et causent des déséquilibres pour
d’autres institutions bancaires, en particulier si ces banques représentent le noyau central du
système national de paiements. Dans cette optique les problèmes d’une banque se
transmettent en cascade par l’intermédiaire du système de paiements et il est probable qu’ils
conduisent à un blocage du système et à l’accentuation de l’effet de domino (Schinasi, 2003).
Allen et Wood (2006) soutiennent qu’une crise financière est alimentée par la peur que les
moyens de paiements ne deviennent indisponibles à tout prix.
Les systèmes de règlements et de surveillance des paiements constituent à présent
un des axes majeurs pour la stabilité financière, à côté du contexte macroéconomique et de la
stabilité des institutions financières et des marchés (Patat, 2000 ; Cuadro et al., 2003).
L’extension des opérations financières et les liaisons de plus en plus étroites entre les
établissements financiers et les marchés ont mené à un développement considérable des
paiements, des règlements et des échanges collatéraux qui représentent souvent une
contrepartie pour ces règlements. Dans ce contexte, les systèmes de paiements et leur
environnement de sécurité constituent un vecteur majeur de la stabilité financière.
L’augmentation massive des transactions et les transferts des fonds beaucoup plus
rapides à cause des technologies avancées ont conféré aux systèmes de paiements le rôle de
pivot du système financier. Les attributions que les banques centrales peuvent avoir en
matière de systèmes de paiements sont :
a) la surveillance générale du système ;
b) la fonction d’information ;
c) l’opération directe du système de paiements ;
d) la couverture du risque de crédit et de liquidité par le passage du crédit intraday
vers le crédit overnight ;
e) la garantie du fonctionnement du système de règlements.
Cependant, les interventions de la banque centrale sur les systèmes de paiements
peuvent générer le hasard moral, comme d’ailleurs presque toutes les actions qui visent la
stabilité financière. C’est pourquoi certains considèrent que l’implication de la banque
centrale pour garantir un système de paiements solide peut mener en effet à une distorsion de
la concurrence, même si le système concerné n’est pas toujours le plus efficient aussi
(Khiaonarong, 2003).
Un autre problème peut être la « subvention » du système au moment où la banque
centrale supporte une partie ou tous les coûts générés par le fonctionnement des systèmes de

181
paiements pour encourager leur usage. Cumulés, les bénéfices potentiels des interventions de
la banque centrale dans les systèmes doivent être donc mis en balance avec les coûts générés
par l’aléa moral induit. Le développement du système financier, aidé par l’implication
significative des banques centrales dans le système de paiements, dépend de la manière dont
elles réalisent les paiements en comparaison avec les institutions privées.

3.2.4.2. La supériorité des systèmes à règlements brut en temps réel

Deux types de règlements sont utilisés dans les systèmes modernes de paiements, à
savoir :
• Le système de règlement net (NTS – Net Settlement System).
• Le système de règlement brut (RTGS – Real Time Gross Settlement);
Le système de règlement net est le système où chaque participant effectue ou
reçoit un seul paiement, en fonction de la position qu’il détient : débiteur net (le total des
sommes à payer dépasse le total des sommes à recevoir) ou créditeur net (le total des sommes
à payer est inférieur au total des sommes à recevoir).
Les systèmes à règlements nets peuvent être organisés de deux façons : (a) à base
bilatérale et (b) à base multilatérale. En cas de règlement multilatéral, une banque échange des
informations sur les paiements individuels orientés vers d’autres banques par l’intermédiaire
d’une chambre de compensation (clearing house). Les banques qui participent à la chambre
de compensation se mettent d’accord pour ne pas exécuter immédiatement les paiements
individuels par des transferts interbancaires de fonds, pour laisser les obligations et les
créances s’accumuler tout au long d’une certaine période nommée cycle de compensation et à
équilibrer les paiements faits et reçus. Les banques transfèrent ainsi vers la chambre de
compensation seulement la valeur des obligations nettes, à un moment établi pour l’exécution
ou à la fin de la journée (la fin du cycle de compensation). En cas de règlement bilatéral, le
traitement des obligations nettes se réalise par l’intermédiaire des comptes du correspondant
« nostro-vostro », que les banques commerciales ouvrent les unes avec les autres.
Deux types de risques caractérisent les systèmes à règlement net : le risque de
« premier payeur » (first payer risk) et le risque « receveur » (receiver risk) (Robin, 1999). La
première forme de risque traduit le fait qu’il est possible qu’un des participants, celui qui
effectue le premier paiement, ne reçoive plus de la part des autres partenaires la somme
équivalente. Le deuxième type de risque se manifeste lorqu’un participant qui doit recevoir
certaines sommes, respecte ses obligations pendant la journée, sans avoir effectivement reçu

182
les sommes concernées. Dans certaines conditions, le risque receveur se transforme en risque
du premier payeur.
L’amélioration de la technologie a permis le remplacement des systèmes à
règlement nets par les systèmes à règlement brut en temps réel. Ce système rend possible tout
paiement interbancaire en temps réel, à l’aide d’un transfert des comptes des banques
commerciales vers de la banque centrale, l’institution qui assure les crédits intraday. Avec ce
système, le règlement se fait individuellement pour chaque instruction de paiement et donc les
messages liés au paiement sont échangés entre chaque pair d’institutions bancaires engagées
dans une relation de règlement. De cette manière, le RTGS élimine le risque qu’une banque
devienne insolvable sur une seule journée.
Les systèmes à règlement brut permettent une meilleure utilisation de la discipline
de marché. Schinasi (2005) considère les RTGS comme une caractéristique importante pour
les infrastructures solides. Selon lui, « L’utilisation de ces systèmes permet de laisser les
institutions financières, même les plus grandes, tomber en faillite et permet leur liquidation,
sans menacer obligatoirement la stabilité, ou détériorer l’efficacité des systèmes nationaux de
paiements ».
Une des conditions sine qua non du fonctionnement de ces systèmes est
l’obligation de constituer les garanties nécessaires pour alimenter un « compte central de
règlement », avant d’obtenir la contrepartie en monnaie centrale. Ce besoin de liquidité ne
représente pas seulement une conséquence du début de la journée, mais aussi une nécessité
continue pendant toute la durée du fonctionnement du système. Autrement dit, la participation
à ce système demande une liquidité accrue de la part des banques.
Dans un système de règlement brut, si une banque n’a pas de disponibilités
suffisantes à la banque centrale (i.e. ne présente pas de garanties suffisantes), le risque de
liquidité et le risque de crédit peuvent être évités de la manière suivante (Şeulean, 2001) :
• les ordres de transfert ne s’opèrent pas et ils sont renvoyés à l’initiateur pour
être réintroduits après une certaine période, lorqu’il existe des disponibilités dans le compte ;
• les ordres de transfert sont gardés par la banque expéditrice dans une
cartothèque (« file d’attente ») d’où ils sont envoyés pour le règlement au fur et à mesure que
les disponibilités nécessaires sont créées ;
• la délivrance des ordres de paiement de la « file d’attente » et leur transmission
en vue du règlement se réalisent conformément aux règles prédéfinies de commun accord
entre le système et les banques participantes (queuing) ;

183
• une ligne de crédit intraday est ouverte selon plusieurs variantes : crédit à
valeur fixe, crédit à découverte, crédit « repo » (contrat de vente et de rachat).
Cependant, certains considèrent que les systèmes à règlement brut peuvent
représenter un facteur qui augmente le risque systémique dans d’autres organisations. Un
manque de liquidité des partenaires d’une banque qui attend que les flux monétaires entrent
dans son système de règlement brut, peut l’obliger à accumuler des ouvertures de compte
intraday dans d’autres réseaux. La banque ne pourra pas respecter ses engagements liés aux
autres systèmes de paiement si les règlements sont bloqués dans le premier système.
L’éventuel blocage du règlement initial se propage vers les contreparties du débiteur en
difficulté, surtout si les paiements sont révocables. De cette manière, les contraintes afférentes
à un système à règlement brut peuvent générer une crise systémique à l’intérieur d’autres
systèmes de paiements.
Néanmoins, si la particularité des systèmes à règlement brut est le fait qu’ils
fonctionnent en temps réel, il faut mieux expliquer les conditions et les contraintes de leur
utilisation. Pour amorcer une journée de paiements, les banques doivent détenir des provisions
nécessaires pour le premier paiement, ainsi que pour les suivants, provisions sans lesquelles le
système ne peut pas fonctionner. Ces contraintes de liquidité ne représentent pas seulement la
condition requise pour l’ouverture du système, mais aussi une condition permanente pendant
toute la période d’apparition des cut-off64. Plusieurs variantes peuvent être développées dans
cette direction. L’agence de règlements, généralement la banque centrale, peut ou non
accorder des liquidités intraday contre des garanties. Actuellement, les garanties sont
composées de titres d’état et d’autres titres. Les banques ne sont donc pas contraintes de
constituer des garanties en numéraire. Le coût de cette liquidité intraday est nul ou presque.
Pourtant, si le degré de liquidité du marché diminue, le coût des garanties demandées par les
systèmes à règlement brut augmente tout de suite.
La comparaison entre les deux catégories de systèmes de règlement nous permet
de déterminer la contribution de RTGS à la stabilité financière. Un avantage important du
système à règlement brut est la réduction de la durée d’exposition des participants aux crédits
et à la liquidité. Certaines formes de risques financiers sont aussi éliminées par l’introduction
du règlement en temps réel.

64
Les dates buttoirs qui déterminent la transmission de l’ordre de paiement, ainsi que l’heure de fermeture, au
delà de laquelle les paiements sont ajournés pour une date ultérieure.

184
3.2.4.3. Les systèmes européens de paiements

Pour assurer la stabilité financière dans le cadre de l’UEM, le rapport


Lamfalussy65 portant sur la prévention du risque de non-paiement a été adopté. Dans ce sens,
le besoin d’interconnecter les systèmes nationaux de paiements de la zone euro, et aussi
d’implémenter le système RTGS a été ressenti. Parmi les idées avancées, TARGET66 a été le
système agréé à cause de sa fermeté et son accessibilité. TARGET suppose l’interconnexion
des systèmes RTGS et il a à la base la technologie SWIFT67. Par conséquent, le paiement est
fait conformément à une adresse construite d’après le modèle SWIFT. Pour effectuer les
transactions, à côté du code pour transmettre le message, chaque établissement de crédit doit
avoir un compte ouvert à la banque centrale nationale. Les transactions effectuées par
l’intermédiaire de TARGET sont :
• les opérations entre la BCE et les banques centrales des états membres sur le
marché monétaire ;
• les règlements financiers entre les banques commerciales ;
• les règlements des paiements à grandes valeurs effectuées par les clients des
banques commerciales.
A l’échelle européenne, l’interconnexion entre les RTGS nationaux permet aux
institutions participantes au grand marché monétaire de la zone euro d’être toujours irriguées
avec des liquidités à des taux d’intérêt identiques. Cela représente une garantie pour
l’efficacité de la politique monétaire, du bon fonctionnement du marché et finalement une
garantie contre les risques de crises systémiques (Patat, 2000).
TARGET est constitué par des systèmes de transfert qui opèrent conformément au
principe du règlement brut en temps réel qui existe au niveau de chaque pays participant au
mécanisme de paiements en euro. Les états qui ne participent pas au mécanisme de paiements
en euro surveillé par la BCE peuvent à leur tour être inclus dans TARGET s’ils ont au moins
un système de transfert organisé selon le principe du règlement brut en temps réel pour les
paiements de valeur significative, capable de traiter aussi les paiements en euro, à côté de
paiements en monnaie domestique.
Le fait que les systèmes RTGS s’adressent aux grandes transactions est bien
connu. La participation à ces systèmes implique des coûts élevés. C’est pourquoi il faut mettre

65
Alexandre Lamfalussy fut le président de l’Institut Monétaire Européen.
66
Trans-European Real Time Gross Settlement Express Transfer System.
67
Le système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) agit comme agent de
traitement, assurant le réseau et les facilités nécessaires pour la transmission des données.

185
en balance leur efficience et leur sécurité. Les opérateurs peuvent s’adresser à des systèmes
moins chers, mais moins solides en même temps. Les garanties imposées par TARGET sont
coûteuses et les transactions par l’intermédiaire de ce système dépendent de la disponibilité
des garanties et des coûts. Les coûts de participation augmentent parce qu’il faut payer des
commissions pour obtenir un portefeuille d’actifs éligibles et parce qu’un montant important
de crédits demande, pour des raisons prudentielles, l’immobilisation d’un capital élevé. De
l’autre côté, la BCE considère les coûts correspondant à la constitution des garanties comme
minimaux parce que : les demandes liées aux réserves seront disponibles pour effectuer le
paiement pendant la journée et les banques détiendront des reserves à cause d’autres raisons,
non seulement pour constituer des garanties. Enfin, des procédures efficaces pour une
substitution facile des garanties et pour leur usage au niveau national ont été développées.
Comme on le disait, les banques peuvent faire appel à d’autres systèmes européens
de paiement pour réduire les coûts. Un de ces systèmes est EURO 1. Le système EURO 1
traite seulement des transferts de crédit, sans restriction de valeur, le système étant spécialisé
pour de grandes valeurs. Le système EURO 1 fonctionne aussi sur la base du réseau SWIFT.
Un pilier important des systèmes européens de paiements est représenté par les
systèmes règlements - livraison des titres, qui représentent désormais une contrepartie
obligatoire pour les systèmes à règlement brut en temps réel. En effet, les institutions de crédit
qui doivent assurer immédiatement le règlement des opérations initiales en monnaie centrale
se trouvent dans la plupart des cas dans la situation d’emprunter les liquidités nécessaires
contre des garanties.
Aujourd’hui, un système transfrontalier efficient de mobilisation des titres
apportés comme garanties a été mis en place au niveau européen. En 1998, le projet européen
pour un système de règlement des titres a été mis en – SSS (Securities Settlement System),
avec comme objectif l’évaluation des systèmes de règlements des titres nationaux pour
pouvoir les utiliser dans les opérations de crédit de l’Eurosystème et dans l’implémentation du
modèle CCBM (Corresponding Central Banking Model).
Le CCBM a été introduit dans la troisième phase de la création de l’UEM pour
assurer le fait que tous les actifs éligibles utilisés pour les opérations de politique monétaire
ou pour l’obtention des liquidités dans le cadre du TARGET sont disponibles pour tous les
participants au système. CCBM représente une solution à moyen terme, pour faciliter
l’utilisation des garanties internationales de sorte que les solutions de marché appropriées
deviennent disponibles au sein de la zone euro (BCE, 2005).

186
Les participants aux opérations de politique monétaire au sein de l’Eurosystème et
du TARGET, pouvaient généralement obtenir seulement des crédits accordés par les banques
centrales de leur pays d’origine. A l’aide du CCBM, les participants au système peuvent
utiliser des garanties émises dans d’autres pays. Pour en bénéficier, ils doivent s’adresser à
l’ « émetteur » (l’endroit où les titres ont été émis et déposés), et les garanties doivent être
déposées sur un compte géré par la BCN du pays où se trouve le siège de l’émetteur68. La
banque concernée agit de cette manière à l’aide d’un dépositaire (custodian).
A présent, on parle du système européen de paiements TARGET 2, destiné à
réunir tous les systèmes RTGS nationaux dans un système RTGS central. Une structure
unique de paiement sera adoptée et le nouveau système est capable de s’adapter aux
changements générés par l’extension de la zone euro. Parmi les innovations amenées par
TARGET 2, nous pouvons compter : consolidation de l’infrastructure technique par
l’intermédiaire d’une plateforme unique pour les transactions (Single Shared Platform – SSP),
support pour les paiements programmés, mesures pour assurer la continuité des opérations et
services d’information, de contrôle et de surveillance.
Nous avons analysé les progrès concernant les systèmes de paiements au niveau
européen et qui sont destinés à contribuer à la réduction du risque systémique. Nous allons
maintenant procéder à l’analyse des progrès réalisés par la Roumanie en matière des systèmes
de paiements pour examiner leur compatibilité avec les systèmes européens dans le contexte
de l’adhésion à la zone euro. Ces démarches d’harmonisation peuvent considérablement
contribuer à la stabilité du système financier roumain, surtout après l’adoption de l’euro.

3.2.4.4. Les systèmes de paiements de Roumanie et le rôle de la BNR

Les infrastructures nationales de paiements, intégrées maintenant au niveau de la


zone euro, résultent de traditions historiques, techniques et légales différentes. Elles ont été
conçues pour effectuer des paiements afférents aux transactions sur les marchés financiers
nationaux mais elles ont connu dernièrement un processus intense d’harmonisation.
Les systèmes de paiements utilisés en Roumanie ont été harmonisés, aussi bien du
point de vue technique qu’institutionnel, avec ceux européens dans la perspective de
l’adhésion de la Roumanie à l’UE. Par l’adoption des systèmes à règlement brut en temps

68
Par exemple une banque espagnole peut demander un crédit de la Banque Nationale d’Espagne contre des
garanties détenues dans le Dépôt Central des Titres Italien, faisant appel à la procédure CCBM. De cette façon,
la Banque Nationale d’Espagne envoie un message CCBM à la Banque Nationale d’Italie.

187
réel, le risque systémique a été considéré comme fortement diminué69. L’implication de la
BNR dans la gestion des systèmes de paiements est clairement stipulée dans la législation. La
Loi no. 312/2004 – Art.22 (1) prévoit le fait que « la BNR surveille les systèmes de paiements,
y compris les instruments de paiement, pour assurer leur sécurité et leur efficacité et pour
éviter le risque systémique ». En conformité avec la Loi no. 58/1998 – Art. 89, « la Banque
Nationale de Roumanie assure la régulation, autorise et surveille les systèmes de paiements
de la Roumanie, y compris leurs administrateurs, pour assurer le fonctionnement des
systèmes en conformité avec les standards internationaux dans ce domaine ».
Le statut de la BNR (la Loi no. 312/2004) a aussi été harmonisé avec la législation
européenne en matière des systèmes de paiements. Ainsi, l’Art.3 (14) mentionne que : « pour
assurer le fonctionnement adéquat des systèmes de paiements, la Banque Nationale de
Roumanie peut transmettre des informations confidentielles aux chambres de compensation
ou à d’autres organismes similaires, créés en conformité avec les provisions légales, pour
assurer les services de compensation et de règlement pour tout marché de Roumanie ou d’un
état membre ».
La mise en place du système électronique de paiements (SEP) a favorisé la
sécurité et l’efficience des transactions et a permis un meilleur contrôle des risques. Le SEP a
été conçu comme un système modulaire à trois composantes intégrées par des interfaces
automates :
• Le système RTGS – le système à règlement brut en temps réel, destiné aux
opérations de paiement de grandes valeurs ;
• Le système ACH – chambre de compensation automate, destinée aux
paiements de valeur réduite ;
• Le système GSRS – le système du registre des opérations et des règlements des
opérations avec des titres publics.
L’architecture et les fonctionnalités du système électronique de paiements
permettent à la BNR d’accomplir son attribution statutaire de surveillance du bon
fonctionnement des systèmes de paiements pour assurer la stabilité financière. Les systèmes

69
Le système de paiement représente « un accord collectif formalisé qui inclut des règles et des procédures
standard concernant l’exécution des ordres de transfert entre les participants ainsi que l’infrastructure utilisée
pour toutes les activités, ou pour une partie des actions, de traitement, manipulation, compensation et règlement
de tous les moyens de paiements et/ou le paiement de tous les montants à l’aide des moyens de paiement,
l’accord étant conclu entre au moins trois participants qui peuvent être représentés par : les institutions de
crédit, les sociétés de services d’investissements financiers, la Trésorerie Publique ou d’autres entités
étrangères qui exercent des activités spécifiques aux établissements de crédit ou aux institutions
d’investissements financiers » (la Loi no. 58/1998 sur l’activité bancaire, Art.3).

188
électroniques de paiements ont réduit les coûts des banques, coûts assez importants, liés au
transfert et à la manipulation du numéraire.
Le système électronique de règlement interbancaire ReGIS70 est devenu
opérationnel le 8 avril 2005, et a été complété la même année par le module SENT71 et
SaFIR72. Le Rapport de la BNR pour 2005 mentionne le fait que la BNR exerce une influence
significative sur la société TRANSFOND S.A., une entité constituée en 2000 pour
l’externalisation de l’activité de la BNR concernant les opérations interbancaires entre les
banques commerciales.
Tant du point de vue de la stabilité financière, que de celui de leur importance pour
l’économie, les systèmes ReGIS, SENT et SaFIR ont été considérés, dès leur conception,
comme des éléments à importance systémique, ayant en vue le respect des standards et des
demandes établis au niveau de l’Eurosystème pour des systèmes identiques, de bonnes
pratiques appliquées au niveau mondial dans ce domaine.
L’importance des systèmes ReGIS et SaFIR pour les paiements et les règlements
et, de façon implicite, pour la stabilité financière a déterminé le maintien de la propriété de
ces systèmes au sein de la Banque Nationale de Roumanie qui s’occupe aussi de leur
administration, tandis que SENT est la propriété de la – Société de Transfert de Fonds et
Règlements – TRANSFOND S.A. qui s’occupe aussi de sa gestion. Le rôle d’administrateur
des systèmes ReGIS et SaFIR permet à la banque centrale de surveiller aussi les participants
au système, incluant les autres systèmes qui opèrent le règlement par l’intermédiaire de
ReGIS. Les services d’opération technique des deux systèmes sont réalisés par TRANSFOND
S.A., qui dispose de l’infrastructure technique nécessaire et qui opère cette infrastructure dans
les conditions établies par l’administrateur du système.

70
Le système ReGIS (acronyme de Romanian Electronic Gross Interbank Settlement) est opérationnel à partir
d’avril 2005, et est destiné au traitement et au règlement brut en temps réel des instructions de paiement de
grandes valeurs (plus de 50.000 RON), ou aux urgences initiées par les participants (institutions de crédit et la
Trésorerie Publique), des ordres de paiement afférents aux autres systèmes de paiements qui assurent la
compensation des fonds, ainsi qu’aux transferts de fonds concernant les opérations avec des titres publics dans le
système SaFIR et avec des certificats de dépôts.
71
Le système SENT (acronyme de Système Electronique à Règlement Net) administré par TRANSFOND S.A.)
est opérationnel depuis mai 2005, et est destiné à la compensation des ordres de paiement à valeur réduite
(instructions du type transfert crédit et direct débit au-dessous de 50.000 RON) entre les institutions de crédit et
entre celles-ci et la Trésorerie Publique, respectivement au calcul des positions nettes multilatérales des
participants au système et à la transmission de ces positions pour le règlement final dans le système ReGIS.
72
Le système SaFIR (acronyme de Settlement and Financial Instrument Registration) est opérationnel à partir de
d’octobre 2005 et assure aussi bien les fonctions de registre et de système de règlement des opérations avec des
titres publics, que les fonctions auxiliaires. Ce système représente un support pour le ReGIS et le SENT, en
donnant aux participants au système la possibilité de constituer des garanties en temps réel, sous la forme des
titres publics, pour le règlement des positions nettes.

189
Le système ReGIS est très important pour la stabilité financière parce qu’il
contribue au règlement des opérations de politique monétaire de la banque centrale, des
paiements correspondant aux opérations sur le marché interbancaire, des positions nettes
calculées par tous les systèmes de paiements qui assure la compensation et les transferts des
fonds afférents aux transactions avec des instruments financiers de tous les systèmes de
règlement des opérations à instruments financiers. Ce système est compatible avec le système
TARGET.
Le contrôle du risque de liquidité est assuré dans le système ReGIS, à l’aide des
instruments habituels utilisés pour le pilotage du risque de liquidité : la gestion des files
d’attente ; les facilités de liquidité pendant la journée (crédit intraday) par des achats d’actifs
financiers éligibles, achats réversibles pendant la journée (transactions repo intraday). La
BNR a été aussi désignée comme l’agent de règlements parce qu’elle peut facilement obtenir
les liquidités nécessaires. La possibilité d’obtenir, de manière beaucoup plus rapide et
beaucoup plus facile, des crédits sur le marché par l’intermédiaire des liaisons en temps réel
entre les systèmes ReGIS et SaFIR et la possibilité de gérer la liquidité de façon plus
efficiente par l’utilisation des facilités du système ReGIS (des informations en ligne sur la
situation du compte de règlement, des interfaces on-line) ont augmenté. Un mécanisme de
déblocage des paiements en attente a été ainsi adopté (gridlock resolution).
En ce qui concerne le système SENT, le besoin de liquidité est beaucoup plus
réduit que celui nécessaire pour le système ReGIS, les fonds demandés étant diminués par
l’existence de plusieurs sessions de règlement net. L’importance du système SENT pour les
paiements est donnée par son unicité, parce que son absence demanderait l’utilisation du
système ReGIS pour les paiements à petits montants, avec des coûts similaires aux paiements
urgents et avec le risque de charger excessivement le système ReGIS, dépassant les limites
maximales prévues dans la construction du système.
Quant au système SaFIR, le contrôle du risque de liquidité est assuré par la
liquidité intraday fournie par la banque centrale, ainsi que par le règlement net des fonds,
pour le marché primaire, et par le traitement des événements de paiement. Le développement
du système est en cours, avec comme objectif l’assurance des dépôts et du règlement des
certificats de dépôts émis par la banque centrale, ainsi que l’implémentation de nouvelles
fonctionnalités pour la gestion des émissions du type benchmark.
En conclusion, l’implémentation du système électronique de paiements a contribué
au renforcement de la sécurité et de l’efficience des transactions, à la réduction des coûts

190
afférents à ces opérations, ainsi qu’à un meilleur contrôle des risques y associés (surtout du
risque de crédit), pour éviter les risques de nature systémique.

3.2.5. La surveillance et la régulation du secteur bancaire :


nouvelles stipulations introduites par l’Accord Bâle II

Les fonctions de stabilité financière des banques centrales sont complémentaires et


corrélées. Un système d’assurance - dépôts, un système de paiements efficace et solide ou la
mise en pratique de la fonction de PDR ne peuvent pas exister sans une régulation efficace et
une surveillance attentive du système bancaire. La surveillance prudentielle des banques
implique l’analyse de la sécurité et de la solidité de ces établissements, des procédures
appliquées pour accorder des crédits et du maintien d’un niveau adéquat pour le capital
réglementaire (Phillips et Johnson, 2000).
Les objectifs principaux poursuivis dans la surveillance bancaire sont les suivants
(Bărglăzan et al., 2007) :
• le maintien de la confiance du public dans le système bancaire ;
• la protection des fonds disponibles, en limitant le risque pris par leurs
propriétaires par l’intermédiaire des standards prudentiels destinés à orienter l’activité
bancaire et à lui conférer un certain degré de sécurité ;
• le développement d’un système bancaire viable et stable, responsable pour la
qualité des services bancaires mis à la disposition du public ;
• le respect des lois et des régulations liées à l’activité bancaire.
Nous avons vu dans le chapitre précédent que la surveillance a à la fois une nature
micro-prudentielle et une nature macro-prudentiel a priori différentes. Borio (2003) considère
qu’une approche commune du risque systémique élimine les tensions entre la dimension
micro et macro-prudentielle. Ce type d’approche combine trois éléments. D’abord, de graves
turbulences financières semblent apparaître suite à la faillite d’une institution importante et
elles se propagent par les mécanismes de contagion et par les liaisons bilancielles. Ensuite, les
risques sont considérés comme endogènes en termes de mécanismes d’amplification, mais le
choc initial est considéré comme exogène. Enfin, cette approche va plutôt de pair avec une
vision statistique de l’instabilité. De cette façon et pour différentes raisons, le système
financier est considéré au début comme vulnérable, pour voir ensuite apparaître soudainement
un choc qui est amplifié de manière endogène par les acteurs du marché.

191
Par conséquent, le standard de solvabilité doit acquérir une nature macro-
prudentielle pour combiner les deux approches. De cette façon, les risques pour les
établissements individuels seront calibrés en fonction de leur importance systémique.
Malheureusement, l’Accord Bâle II n’a pas réussi à implémenter parfaitement cette pratique.
Pourtant, nous considérons que les deux derniers piliers de l’Accord qui portent sur le rôle
joué par les autorités de surveillance et sur la coopération entre elles, respectivement sur
l’amélioration de la transparence et de la discipline de marché, peuvent être intégrés dans le
cadre de la dimension macro-prudentielle de la surveillance.

3.2.5.1. Présentation de l’Accord Bâle II

Le Comité de Bâle fut institué en 1974 suite à de graves turbulences sur les
marchés des changes et dans les secteurs bancaires (la faillite de la banque Herstatt en 1974 a
contribué à cette décision). Le Comité ne représente pas une autorité supranationale. Son but a
été au début d’énoncer des recommandations applicables aux banques du G10 qui sont actives
au plan international.
Le premier accord de Bâle (Bâle I) fut conclu en 1988 et a recommandé le calcul
d’un ratio de solvabilité connu comme le ratio Cooke. Bâle I reposait sur deux principes
simples : a) chaque crédit attribué impliquait un risque pour la banque, risque qui devrait être
couvert par une fraction supplémentaire de capital ; b) toutes les banques disposaient d’un
capital réglementaire minimal, à savoir 8% du total de leurs engagements pondérés en
fonction de leur risque.
Du point de vue normatif, l’accord de Bâle a été en outre un grand succès, puisque
même si à l’origine il était applicable seulement aux établissements de grande taille, actifs au
niveau international, il a été ensuite étendu et adopté par toutes les banques au sein de l’Union
Européenne par la Directive européenne du décembre 1989, sous le nom du « ratio de
solvabilité ».
Bâle I marque un tournant important dans la régulation bancaire. D’abord, l’accord
a contribué au renforcement de la santé du système bancaire international grâce à l’exigence
d’un capital minimum réglementaire. L’accord a aussi amélioré la stabilité du système
bancaire international et a défendu l’harmonisation des pratiques bancaires de différents pays
en éliminant en même temps la concurrence déloyale (le dumping réglementaire).
L’accord Bâle I a été conçu pour couvrir tous les risques, y compris le risque
opérationnel. Cependant, en pratique, l’accord n’établissait que des rapports entre le risque de

192
crédit et les fonds propres. Cet accord sur la « convergence internationale des mesures et des
normes liées aux fonds propres » est le résultat de choix des autorités qui ont opté pour une
solution parmi plusieurs variantes et il reposait sur les éléments suivants (Pujal, 2004) :
a) La limitation du champ des risques envisagé et analysé par la norme au seul
risque de crédit.
b) Pour mesurer le risque de crédit, on pouvait calculer un rapport des risques
pondérés qui représentait une image de la couverture des risques. Pourtant, il ne fallait pas
décourager les banques à détenir certains actifs à risque et rendement réduit, comme par
exemple les titres d’état.
c) Le maintien d’un système simple de pondération du risque, système reposant
sur une échelle réduite de coefficients, applicables aux différentes catégories d’actifs.
Le ratio Cooke comprend au numérateur les fonds propres et au dénominateur les
actifs et éléments hors bilan, pondérés en fonction des risques.

Fonds propres
≥ 8%
Actifs et éléments de hors bilan pondérés en fonction du risque

Une des critiques à l’adresse du ratio Cooke porte sur le fait qu’il ne prend en
considération qu’une partie réduite des risques encourus par les banques (en effet, seulement
le risque de crédit au début73), et les catégories de risque associées aux coefficients de
pondération sont relativement réduites. De plus, conformément aux critiques, le choix du
niveau de 8 % pour ce ratio n’a pas été fait en s’appuyant sur des fondements économiques
clairement établis.
Ce ratio ne prenait en compte ni la qualité effective des emprunteurs, ni leur
solidité financière. Le fait que les banques aient été encouragées à garder dans leur
portefeuille des crédits à haut risque est, selon beaucoup, un effet pervers de l’accord.
En 1997, le Comité de Bâle a publié un ensemble de « Principes fondamentaux
pour un contrôle bancaire efficace » et, en 1999, le premier document consultatif qui
proposait de réformer Bâle I a été publié. Après plusieurs séances consultatives sur cinq
années, l’Accord Bâle II qui est un accord beaucoup plus complexe, a vu le jour. Pour
déterminer le capital minimum réglementaire, il tente de prendre en considération la qualité
effective des emprunteurs et leurs risques, tout en se concentrant en même temps sur d’autres
risques que les risques de crédit et de marché, comme le risque opérationnel.

73
Les risques de marché ont été effectivement pris en compte à partir de 1996.

193
Le nouvel accord repose sur trois piliers. Le premier pilier porte sur
l’amélioration du ratio quantitatif entre le risque et les fonds propres et propose dans la ligne
de Bâle I une gestion préventive des risques. Les deux autres piliers font référence
respectivement à l’intensification de l’activité de surveillance et à l’amélioration de la
transparence des informations destinées aux acteurs qui agissent sur le marché, informations
liées au risque et au profil de risque des emprunteurs.
Le premier pilier représente le principe du capital minimum et son objectif est de
mieux corréler le niveau de capital avec le niveau de risque et avec les engagements
bancaires. La logique du précédent ratio est donc reprise, mais en conformité avec Bâle II la
notion de risque est étendue au risque de crédit, au risque de marché et au risque opérationnel.

A) Le risque de crédit

Le Comité de Bâle a dû choisir parmi trois alternatives avant de prendre la


décision finale sur la gestion du risque de crédit dans le cadre du nouvel accord:
- l’approche IRBA (international ratings based approach): l’octroi d’un rating à
chaque emprunteur et l’estimation de la probabilité de défaut associée ;
- l’approche FMA (full models approach): l’extension de l’approche fondée sur
les modèles internes et agréée pour les risques de marché, aux risques de crédit;
- l’approche PCA (precommitment approach): l’engagement ex ante de chaque
banque à un niveau maximal de pertes, avec une pénalité ex post en cas de dépassement.
Sur le plan méthodologique, chaque approche comporte des points forts et des
points faibles, mais l’approche IRBA a été choisie à cause de l’avantage qu’elle implique en
comparaison avec l’accord précédent, car les catégories liées aux risques sont cette fois-ci
définies. De cette façon, le document consultatif de 2001 marque la création du
« ratio McDonaugh » (selon le nom du président du Comité de Bâle à ce moment-là), qui
prend en considération le risque de marché et le risque opérationnel, à côté du risque de
crédit.

Les fonds propres (Tier1) + Les fonds propres complémentaires (Tier 2)


ratio McDonaugh= ≥ 8%
Les risques pondérés

Détaillé:
Tier 1 + Tier 2 Tier 1 + Tier 2 Tier 1 + Tier 2
≥ 6% ; ≥ 0,4% ; ≥ 1,6%
Risque de crédit Risque de marché Risque opérationnel

194
Tier 1 porte sur les capitaux propres et sur les excédents non distribués aux
actionnaires. Les banques doivent donc retenir au moins la moitié de leur capital
réglementaire.
Tier 2 porte sur les ressources supplémentaires internes et externes disponibles
(réserves, provisions générales, dette subordonnée).

B) Le risque de marché

En ce qui concerne la gestion du risque de marché, il n’y a pas de modification par


rapport à l’amendement de 1996 de l’accord Bâle I. Cette fois aussi, deux approches sont
possibles : (a) l’approche standard et (b) l’approche fondée sur des modèles internes.
Le risque d’arbitrage entre trading book et banking book doit être mieux géré
grâce à la mise en place anticipée des critères discriminants en matière de liquidité, mais
également à cause du traitement spécifique des engagements de crédit à court terme. Cet
aspect a regagné l’attention après le déclenchement de la crise financière de 2007.

C) Le risque opérationnel

La détermination du niveau du risque opérationnel reste largement forfaitaire, en


raison de l’absence d’une méthodologie clairement définie. Trois méthodes sont indiquées
pour évaluer le risque opérationnel (Georgescu, 2005) :
• la méthode de l’indicateur de base qui suppose la détermination du besoin de
capital tout en appliquant un pourcentage de 15% du revenu moyen afférent aux trois
dernières années (les revenus exceptionnels n’y sont pas inclus).
• l’approche standard qui suppose la décomposition des opérations bancaires en
types et sous-types d’activités ; l’application des pourcentages entre 12% et 18% pour les
indicateurs pertinents pour chaque sous-type d’opération ; le cumul des résultats antérieurs
pour déterminer le capital nécessaire.
• la méthode de l’évaluation avancée (fondée sur des calculs internes) qui porte
sur les exigences établies en s’appuyant sur des modèles internes qui sont intégrés dans le
processus de gestion du risque et qui sont validés de façon interne et externe (par la banque
centrale et par l’auditeur spécialisé).

195
Pour conclure, ce premier pilier qui se trouve à la base de l’accord s’appuie sur
une évaluation propre du risque bancaire. Ce risque doit être mesuré et Bâle II ne pénalise pas
les banques avec un système adéquat de qualité pour la gestion des risques.
Le deuxième pilier correspond à la méthodologie de surveillance appliquée par les
autorités de régulation, avec comme objectif de permettre une intervention en amont, lorsque
le niveau de capital retenu ne présente pas une couverture des risques suffisante et évidente.
Ce pilier détermine les moyens d’intervention des autorités responsables du contrôle bancaire.
Ces moyens sont définis dans une manière qui doit permettre leur harmonisation au niveau
international, de sorte que les surveillants puissent se convaincre que les banques disposent
des fonds propres adéquats pour leur profil de risque.
Le deuxième pilier est fondé sur quatre grands principes :
• Il appartient aux banques d’apprécier le montant du capital qui leur est
nécessaire. Chaque banque doit disposer d’une procédure qui lui permette d’évaluer
l’adéquation de ses fonds propres à son profil de risque. Une banque qui prend des risques
plus élevés mais qui est mieux notée peut demander une pondération plus faible de ces
risques, par rapport à une banque qui investit dans des placements plus sûrs mais qui jouit
d’un rating moins favorable.
• Le surveillant peut réviser les pratiques de chaque banque dans ce domaine.
Lorsqu’il entreprend une mission de contrôle, il doit examiner et évaluer les mécanismes mis
en place et il doit prendre les mesures appropriées s’il n’est pas satisfait.
• Le surveillant a la possibilité d’imposer à la banque à retenir des fonds propres
supérieurs au minimum réglementaire, en fonction du profil de risque.
• Les autorités de contrôle peuvent intervenir pour prévenir les risques.
La fonction de surveillance remplie par les organismes nationaux joue un rôle très
important. Leur objectif est de s’assurer que chaque banque met en œuvre un niveau de
contrôle interne suffisant pour permettre de maintenir un niveau adéquat de capital
réglementaire. De l’autre côté, la convergence des pratiques des organismes de contrôle est
indispensable pour assurer une véritable concurrence entre les acteurs. L’absence
d’harmonisation mènerait à la situation où certaines banques devraient tenir tête aux
exigences plus significatives en matière de capital.
Ce pilier encourage l’utilisation des méthodes sophistiquées et la simulation par les
banques de l’impact de certains effets économiques adverses sur leur activité. Cette
simulation suppose l’application des stress-tests. Les scénarios de ces tests sont destinés à

196
augmenter la sensitivité du capital aux changements qui affectent le marché, incluant les
changements de liquidité et de volatilité (Blommestein, 2005).
Le troisième pilier porte sur la discipline de marché et sur l’amélioration du
processus d’information publique pour réduire l’opacité de l’industrie bancaire. Il vise à
assurer une bonne transparence des établissements, en les rendant conscients de l’existence de
certains risques comme conséquence du manque des informations fiables et régulières.
Le Comité a insisté surtout sur la nécessité d’améliorer la transparence, sans
imposer de méthodes précises pour atteindre cet objectif. Les initiatives proposées pour
favoriser la discipline de marché des banques sont les suivantes:
• modifier la structure du financement des banques ;
• imposer une plus grande transparence, c’est-à-dire obliger les banques à
transmettre publiquement des informations qui peuvent ensuite être utilisées par les
investisseurs privés pour mieux évaluer la performance des dirigeants des banques ;
• utiliser l’information fournie par le marché pour améliorer l’efficacité du
contrôle.
Pop (2003) montre qu’une amélioration de la transparence représente une
condition nécessaire mais non suffisante pour que la discipline de marché s’exerce
pleinement. Il faut aussi créer une structure qui permette aux participants du marché de
bénéficier de ces informations. De plus, l’émission des titres de dette subordonnée et la prise
en considération de ce type de dette pour calculer les fonds propres réglementaires, sont
soumisses à certaines contraintes. Le fait que la discipline de marché n’est pas efficace sans
politique de la dette subordonnée, a été démontré. Les banques peuvent dénaturer la discipline
de marché en réduisant de façon significative ce type de financement pour favoriser d’autres
éléments appartenant au passif bancaire, moins sensibles aux risques, comme par exemple les
dépôts garantis. Bâle II prévoit la possibilité, mais non l’obligation, d’émettre des titres de
dette subordonnée.
Pour résumer, la structure de l’accord est schématisée Figure 37.
Une de principales contributions de l’Accord porte sur la gestion du crédit (le
pilier I). La réforme proposée par l’accord Bâle II prévoit deux approches pour le calcul du
capital minimum réglementaire : l’approche standard et l’approche fondée sur les systèmes
internes de notation, qui peut à son tour être simplifiée ou avancée.

197
Figure 37 : Les piliers de l’accord Bâle II

Bâle II

Pilier I Pilier II Pilier III


Capital minimum réglementaire Surveillance de Discipline de marché
l’adéquation du capital
a) Le risque de crédit Exigences modernes liées
- approche standard L’accentuation du rôle de aux rapports émis (la
- approche fondée sur des l’autorité de surveillance (la transparence envers les
modèles internes de notation possibilité de demander une créditeurs – déposants,
b) Le risque de marché augmentation du capital au- actionnaires et autorités)
- approche standard dessus de la limite
- approche fondée sur des minimale prévue pour
modèles internes couvrir d’autres risques que
c) Le risque opérationnel ceux abordés au sein du
- approche de l’indicateur de base Pilier I)
- approche standard
- approche de l’évaluation
avancée

Source: Georgescu (2007)

L’approche standard analyse le risque en fonction des notations fournies par les
agences de rating. Cela implique aussi une réorientation de l’activité de ces agences vers
d’autres entreprises que les grandes sociétés. Sa mise en place nécessite en même temps une
échelle unique de notation. Cette approche convient aux petites institutions financières qui
n’ont pas les moyens de développer des systèmes de gestion interne des risques.
La deuxième approche, fondée sur les systèmes internes de gestion (IRB), est
beaucoup plus complexe. Chaque actif reçoit un poids différent qui est calculé en fonction
de : l’exposition en cas de défaut, la probabilité de défaut et la perte enregistrée par la banque
en cas de défaut. L’implémentation de cette approche permettra aux banques de faire des
économies concernant les fonds réglementaires.

A) L’approche standard de gestion du risque de crédit

Les agences de notation se trouvent au centre de ce dispositif de régulation.


Malheureusement, la sphère de couverture des activités de ces institutions n’inclut qu’une
partie des actifs bancaires. De l’autre côté, les risques assumés par les petites et les moyennes
entreprises ne sont pas toujours pris en compte pour déterminer la notation. C’est pourquoi, en
dehors de la base de données qui contient la probabilité de défaut (indispensable aux calculs),

198
les agences devront tenir compte de leurs modèles internes et du taux de couverture des
créances, nécessaire pour calculer les pertes en cas de défaut.
Bâle II propose pour l’approche standard une nouvelle matrice de pondération des
risques qui prend aussi en considération la qualité des emprunteurs. La dégradation de la
qualité d’un débiteur se traduit généralement par une augmentation des fonds propres
réglementaires. Cette sensibilité au risque incite les banques à analyser le risque auquel elles
s’exposent avant d’accorder un crédit. De même, cette méthode conduit à une meilleure
allocation des fonds propres des banques, mais aussi à une meilleure allocation entre les
banques. Le Tableau 11 présente les pondérations proposées par le Comité de Bâle pour
chaque classe de risque.

Tableau 11 : La matrice de la pondération des risques


AAA à A+ à A- BBB+ à BB+ à B- Inférieur à Non noté
AA- BBB- B-
Autorités centrales et 0% 20% 50% 100% 150% 100%
banques centrales
*)
Banques Option 1 – 20% 50% 100% 100% 150% 100%
standard **)
20% 50% 50% (20% - 100% 150% 50%
Bâle I)
Option 2 – 20% 20% 20% (idem 50% 150% 20%
à court Bâle I)
terme
Titrisation AAA à A+ à A- BBB+ à BB+ à BB- Inférieur à Non noté
AA- BBB- B+
20% 50% 100% 150% En En
déduction déduction
du capital du capital
AAA à A+ à A- BBB+ à BB- Inférieur à Non noté
AA- BB-
Corporations et 20% 50% 100% 150% 100%
sociétés d’assurances
En détail 75% (100% - Bâle I)
Hypothèques 35%; 50% en Bâle I (seulement à condition de respecter certaines conditions)
résidentielles
Hypothèques sur les 100% (idem), on peut appliques une pondération du risque de 50% avec
espaces commerciaux l’accord de la banque centrale et en respectant certaines conditions
*)
en fonction de la notation accordée par les autorités centrales (une catégorie en dessous)
**)
en fonction des évaluations externes des risques de crédit (option préférée)
Source : BRI, BNR

Afin de ne pas pénaliser les petites et moyennes banques qui ne peuvent pas
développer des modèles internes de gestion ou, encore plus, qui ne peuvent pas commander

199
des évaluations externes, le Comité de Bâle a fixé à 100 % la pondération des risques pour les
entités qui ne sont pas notées. Cette situation correspond à celle rencontrée dans l’accord Bâle
I. La critique faite par les agences de notation par rapport à cette décision porte sur le fait que
le traitement des entités qui ne sont pas notées est trop généreux.
La conclusion de l’analyse de la matrice de pondération des risques est que les
banques qui choisissent l’approche standard et dont le portefeuille est avant tout composé
d’entreprises et de banques non notées, sont peu affectées par le nouvel accord.

B) L’approche fondée sur des modèles internes

La solidité du système bancaire est essentielle pour une allocation optimale des
ressources et pour la stabilité économique et financière. La deuxième approche de gestion du
risque de crédit proposée par le Comité de Bâle traduit une forte volonté de transférer la
responsabilité en matière de méthodes et de moyens d’action. Même si dans cette étape
l’implication des autorités de surveillance dans la réussite de la mise en œuvre de l’accord
augmente, l’étape ultime repose sur la réussite des banques à définir elles-mêmes leurs
propres systèmes pour mesurer les risques, systèmes qui seront différents d’une entité à
l’autre mais qui devront être validés par les surveillants.
L’objectif des notations internes est de traiter tour à tour les probabilités de
défaillance, la perte enregistrée par la banque en cas de défaut, mais aussi l’exposition au
risque de défaillance. La probabilité de défaut (Probability of Default – PD) représente la
probabilité qu’un débiteur ne puisse pas honorer ses obligations de paiement74. La perte en
cas de défaut (Lost Given Default – LGD) représente le pourcentage que la banque perdra du
montant qui lui est dû75. Enfin, l’exposition au risque de défaut (Exposure at Default – EAD)
est donnée par la valeur de la créance que la banque ne récupéra plus. Par conséquent, pour
calculer le capital réglementaire, il faut définir :
a) Perte attendue (%) = PD * LGD
b) Valeur de la perte attendue (EL) = Perte attendue * EAD
c) Demandes de capital = Valeur de la perte attendue * 8%
La distinction entre l’approche simplifiée et l’approche avancée (les deux options
de gestion du risque à partir des modèles internes) est le fait que pour la première option les

74
Elle est estimée à partir des données historiques sur le non remboursement d’une certaine catégorie de crédits.
75
Elle est établie par l’autorité de surveillance (dans la méthode IRB de base) ou estimée à partir des données
historiques sur le non remboursement d’une certaine catégorie de crédits (méthode IRB avancée).

200
paramètres (excluant la probabilité de défaillance) sont fournis par l’autorité nationale de
régulation (Tableau 12).

Tableau 12 : Origine des données, en fonction des méthodes d’évaluation (Bâle II)

Approche Approche IRB


standard Simplifiée Avancée
Probabilité de défaillance (PD) Surveillant Banque Banque
Perte en cas de défaut (LGD) Surveillant Surveillant Banque
Exposition au risque (EAD) Surveillant Surveillant Banque
Source : Fitch Ibca

Les banques utilisent leurs ratings internes pour estimer la probabilité de


défaillance de chaque débiteur. Un traitement particulier est prévu pour chaque situation,
tenant compte des garanties, des dérivés du crédit, etc. Il est à noter que lorsqu’une banque
choisit une certaine méthode de calcul, cela signifie que cette approche sera mise en œuvre
pour toutes les activités de la banque.
Selon le Comité de Bâle, une banque doit répondre à quelques exigences
minimales afin de pouvoir utiliser une des approches fondées sur les modèles internes :
• Une classification des expositions au risque, ce qui implique une segmentation
du portefeuille de crédit en six catégories : les entreprises (corporate), autorités et banques
centrales (sovereigns), les banques d’investissements (banks), les banques de détail (retail), le
portefeuille d’actions (equity) et le financement des projets spécifiques (specialised finance).
• L’assurance d’une différenciation significative des risques. Le Comité de Bâle
préconisait que les systèmes internes d’évaluation des banques reposent sur deux niveaux : un
niveau axé sur le risque de défaillance de l’emprunteur, sa classe de risque et la probabilité de
défaut associée et un deuxième niveau centré sur le calcul de la perte en cas de défaut. Les
établissements financiers ne sont pas tenus d’établir deux niveaux de notation, mais les
notations devront tenir compte du risque de défaillance de l’emprunteur.
• L’assurance d’une surveillance du risque de crédit. Chaque banque devra
disposer d’une unité indépendante de surveillance du risque de crédit qui est responsable de la
conception et de la mise en œuvre du système de notation interne des banques.
Les critères d’homologation d’un tel dispositif de notation sont les suivants : (a)
l’estimation du risque potentiel de défaut à partir des facteurs prédictifs pertinents ; (b) la
construction des bases de données complètes (données historiques sur les 3-5 dernières

201
années) et (c) le processus doit garantir l’indépendance de la notation par rapport à la décision
de crédit.
Même s’il constitue un progrès important en matière de gestion des risques,
l’Accord n’est pas exempt de critiques. Ces critiques sont surtout formulées en s’appuyant sur
des risques générés par l’implémentation même de l’accord et nous allons maintenant les
présenter.

3.2.5.2. Les risques du type Bâle II et les critiques contre l’accord

Trois types de risques principaux liés au nouvel accord sont intensément analysés
dans la littérature. Il s’agit de la procyclicité, du fait que les agences de notation se trouvent au
centre du système et de l’incompatibilité avec les standards comptables internationaux.

A) La procyclicité de l’accord

Deux questions sont débattues dans la littérature qui porte sur la procyclicité du
capital réglementaire. La première analyse la procyclicité de Bâle II par rapport à la
procyclicité de Bâle I. La deuxième s’intéresse aux éléments qui peuvent être utilisés pour
réduire la procyclicité du Nouvel Accord.
Les banques supportent davantage de pertes sur prêt en période de récession qu’en
phase d’expansion, ce qui entraîne un impact négatif sur leurs propres capitaux (le numérateur
du ratio de fonds propres diminue) si bien que leur capacité de prêt maximale décroît elle
aussi (Rochet, 2008). Bâle I était donc déjà procyclique.
Mais naturellement, Bâle II risque de se révéler encore bien plus procyclique,
puisqu’en période de récession, les actifs pondérés du risque (dénominateur du ratio de fonds
propres) vont croître en même temps que le numérateur diminuera (Taylor et Goodhart,
2004).
A la première vue, aussi bien l’approche standard que l’approche avancée
s’avèrent procycliques (Kashyap et Stein, 2003). Les notations des agences externes de rating
ne prennent pas en considération les phases du cycle économique, même si l’horizon temporel
d’analyse s’élargit. Dans le même temps, il est difficile d’anticiper ex ante quel sera l’impact
du cycle économique sur le cash-flow d’une entreprise76.

76
La complexité du processus dérive du fait que la fragilité financière de l’entreprise peut être amplifiée par les
anticipations du marché relatives à cette situation financière. Ce processus autoréalisateur implique qu’une

202
Pour les banques qui utilisent l’approche fondée sur les modèles internes, le capital
minimum réglementaire est calculé en multipliant la PD avec la valeur des pertes attendues en
cas de défaut (LGD) mais celle-ci varie en fonction des phases du cycle économique77.
Autrement dit, toutes ces variables se détérioreront dans la phase descendante du cycle
économique. Cela mènera à une perte attendue plus élevée et donc à un surplus de fonds
propres réglementaires (pour une analyse plus détaillée, voir Lamy (2006)).
L’idée centrale des modèles utilisés pour la gestion du risque de crédit est que
l’incertitude sur les pertes résulte du caractère volatil de la PD et de la LGD. La volatilité de
la PD dépend elle-même de deux ensembles de facteurs : facteurs de risque spécifiques à
chaque débiteur et facteurs de risque systématiques (macroéconomiques, sectoriels ou
géographiques) affectant tous les débiteurs.
Lea Zicchino (2005), Vo Thi (2004) et Thoraval et Duchateau (2003) affirment le
contraire. Selon eux, le nouvel accord diminuera la volatilité du capital réglementaire (par
rapport à Bâle I) parce que l’ancien accord ne prévoyait pas de pondérations différentes pour
les actifs en fonction du risque pris par les banques.
Une autre catégorie d’études, plus nuancées, accepte la procyclicité de Bâle II
mais relève quelques éléments qui contribuent à sa diminution (Borio et al. (2001), Neagu et
Mărgărit (2006), Rochet (2008) et Saurina (2008)). Ces auteurs considèrent qu’il faut réviser
les modalités définissant la constitution des provisions et qu’il faut calculer la PD sur un
horizon plus large de temps. Selon eux, les effets procycliques des modèles internes
d’évaluation du risque de crédit ont été atténués par l’aplatissement des fonctions de
pondération du risque et par l’exigence d’un capital supplémentaire imposé par le deuxième
pilier. De plus, les fonds propres économiques excèdent les fonds propres réglementaires.
Selon nous, Bâle II reste procyclique car les mesures additionnelles permettant de
réduire la procyclicité sont subjectives (voir le capital supplémentaire imposé par l’autorité de
régulation). Mais la manifestation de la procyclicité diffère en fonction de la solidité des
banques, des approches utilisées pour évaluer le risque de crédit, etc.

entreprise aura d’autant plus de problèmes de liquidités que le marché anticipera mieux ces problèmes et que sa
valeur boursière baissera.
77
Pour illustrer cet aspect, nous prenons en considération un débiteur dont la PD historique est de 5 % (elle peut
varier entre 10% en cas de récession et 2% en cas d’une période d’expansion). Supposant que la LGD moyenne
est de 50% (elle peut varier entre 75% en cas de récession jusqu’à 25% en cas d’expansion), la perte moyenne se
calcule comme la moyenne des tous les cas possibles et elle sera égale à 4% = [(0,5 x 75% x 10%) + (0,5 x 25%
x 2%)], tandis que la multiplication simple de la PD et la LGD moyenne est de 2,5%. Ce calcul contribue à la
connaissance de la perte attendue (Expected Losses – EL) mais la situation devient plus compliquée lorsqu’on
calcule les pertes inattendues (Unexpected Losses – UL).

203
B) L’activité des agences de rating

Un autre risque est représenté par l’importance assignée aux agences externes de
rating. Goyeau et al. (2001) montrent, dans une étude qui se propose d’analyser l’apport
d’informations nouvelles que les agences de notation peuvent fournir en ce qui concerne les
risques auxquels les intermédiaires financiers s’exposent, qu’il est difficile de mettre en
évidence de façon empirique l’impact des notations sur le cours des actions des banques
européennes. Ainsi, les ratings peuvent s’avérer inefficaces dans l’estimation des risques.
De plus, la présence des agences de notation en Europe est relativement récente
par rapport à celle des Etats-Unis. La pratique des notations en Europe s’est développée
surtout à partir des années 90. Dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est, la présence des
agences de notation s’est faite sentir seulement après la chute du régime communiste mais elle
reste à un niveau réduit par rapport aux pays de l’Europe de l’Ouest.
L’adoption des règles de l’Accord Bâle II, surtout pour les pays de l’Europe de
l’Est, signifie, dans la plupart des cas, le choix de la méthode standard de gestion du risque de
crédit. Le placement des agences de notation au centre du dispositif ne représente pas une
solution optimale parce que, d’un côté, leur l’activité est faiblement développée dans ces
pays, et, de l’autre côté, les ratings du secteur privé sont fortement influencés par les
notations souveraines en l’Europe de l’Est par rapport à l’Europe de l’Ouest, fait qui engendre
une distorsion de la concurrence (Ferri et Majnoni, 2001 ; Daoud, 2003 ; Albulescu, 2004).
De plus, comme nous l’avons déjà vu, les notations ne tiennent pas compte des phases du
cycle économique et peuvent amplifier la procyclicité.

C) L’incompatibilité avec les standards comptables internationaux

Le besoin d’améliorer l’Accord de Bâle apparaît aussi du fait de son


incompatibilité avec les nouvelles normes comptables qui se concentrent sur l’utilisation de la
valeur réelle, de marché, ce qui introduit un plus de volatilité dans les situations financières
des établissements78. Les deux grandes orientations de la régulation, adoptées presque
simultanément, sont très peu coordonnées et ne se concentrent pas sur une conception
commune de l’activité bancaire, ni sur un partage des responsabilités liées à la stabilité du
système financier.

78
IFRS (International Financial Reporting Standards) représentent les normes comptables élaborées par l’IASB
(International Accounting Standards Board) et elles sont obligatoirement appliquées dans l’UE à partir de
janvier 2005 pour les comptes consolidés des entreprises qui agissent à l’échelle internationale.

204
La différence d’approche entre les deux formes de régulation résulte du fait que le
Comité de Bâle propose, par ses recommandations, la constitution des réserves suffisantes
pour couvrir les pertes attendues, tandis que l’IASB propose que la valeur réelle des actifs soit
reflétée dans la comptabilité. Pour éliminer les contradictions, il est absolument nécessaire
que la norme IAS 39 reconnaisse la constitution de telles provisions, faite de manière
dynamique, pour contribuer à la stabilité des résultats bancaires. De cette façon, dans la
période d’expansion il faut augmenter les réserves qui peuvent ensuite être utilisées pour
traverser les périodes néfastes79.
Goodhart (2004) considère que l’utilisation de la valeur de marché est opportune et
qu’elle est devenue nécessaire avec l’apparition du processus de titrisation. Les valeurs de
marché sont volatiles, mais toute entité qui peut anticiper de façon systématique les
fluctuations excessives du marché doit être suffisamment « riche » pour pouvoir ignorer les
problèmes comptables. Il considère que la valeur de marché est le plus souvent objective, ne
pouvant pas être manipulée ou falsifiée, même si elle peut sembler aléatoire pour beaucoup.
D’autres soutiennent le contraire. Amis et Rospars (2005) et Saurina (2008)
considèrent que, sur le plan conceptuel, l’utilisation de la notion de valeur de marché peut
contredire le principe de prudence, facilitant la prise en considération, dans le calcul des
résultats et des fonds propres, de quelques plus values latentes, susceptibles d’accroître la
volatilité dans les comptes des établissements de crédit.
Selon nous, l’utilisation de la valeur de marché peut être risquée dans certaines
conditions. Lorsque les marchés ne fonctionnent plus de façon rationnelle (généralement en
périodes de crise), la valeur de marché amplifie les pertes et les investisseurs, même les plus
rigoureux, perdent confiance dans les rapports comptables. En outre, les événements survenus
depuis l’été 2007 montrent comment la juste valeur peut devenir extrêmement procyclique,
surtout si la liquidité manque.
L’Accord implique donc un ensemble de risques. Bâle II a aussi essuyé des
critiques pour d’autres raisons. L’une d’elles est le fait que l’accent est mis seulement sur le
capital réglementaire. Même si le capital réglementaire semble être la plus importante forme
de régulation des banques, certains considèrent que la liquidité du système est plus importante
en situation de crise.

79
En juin 2005, la norme IAS 39 a été modifiée et prévoit à présent que l’utilisation de la valeur réelle est
obligatoire seulement lorsque : a) son application élimine ou réduit significativement les discordances
comptables ; b) un groupe d’actifs ou de dettes financiers dont la performance est contrôlée à partir de la valeur
réelle, conformément à la stratégie d’investissement ou à la gestion du risque ; c) un instrument qui contient une
dérivé qui remplit des conditions particulières (Supervisory guidance on the use of fair value option by banks
under IFRS – www.bis.org)

205
Boot (2001) a des doutes sur la capacité du capital minimum réglementaire à
réduire le risque de faillite bancaire. Goodhart (2004) soutient aussi que les autorités de
régulation ont oscillé entre le besoin de liquidité et la demande de capital. Lorsque les
demandes de capital influencent le déclin économique, le moment n’est pas généralement
favorable pour attirer de nouvelles ressources. Dans cette situation, les banques devront
réduire la valeur des actifs. La conclusion est que le maintien par les banques d’un niveau
suffisant d’actifs liquides protège le système dans son ensemble contre les fluctuations
négatives des prix des actifs lorsque les conditions défavorables obligent les banques à réduire
la valeur des actifs. Selon Goodhart, « Les actifs liquides et non pas le capital sont ceux qui
donnent le temps nécessaire pour réagir en cas des crises financières ».
L’Accord Bâle II s’est vraiment concentré sur l’adéquation du capital au risque de
crédit. Ces aspects sont justifiés, mais il y a d’autres aspects, liés à la gestion du risque, qui
nécessitent une attention particulière comme par exemple le besoin de liquidité au niveau
national et international. La liquidité du système est au moins tout aussi importante que le
niveau du capital réglementaire et encore plus importante lorsqu’on essaie d’éliminer les
déséquilibres.
Une autre critique adressée à l’Accord est liée aux possibilités dont on dispose
pour éviter les contraintes qu’il impose. Goodhart (2004) soutient que la plupart des membres
du Comité de Bâle ont été « dans l’endroit inapproprié au moment inadéquat » parce que les
banques peuvent faire « disparaître » le risque de leur bilan en offrant des garanties et en
utilisant des instruments financiers dérivés.
D’autres critiques ont fait référence à l’insuffisance de l’Accord lorsqu’on veut
évaluer le risque global, surtout s’il porte sur des institutions financières de grande taille,
trans-sectorielles ou transfrontalières, et à sa complexité. La complexité rend l’application de
Bâle II difficile malgré le fait que pour la gestion du risque de crédit plusieurs méthodes
possibles ont été proposées. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui considèrent qu’une
modification de l’Accord est nécessaire même avant sa mise en pratique et parlent d’un
nouvel Accord, Bâle III.

206
3.3. Des actions récentes entreprises par la BNR pour assurer la
stabilité financière

Les banques centrales sont sans aucun doute devenues des pôles de la stabilité
financière et des facteurs déterminants de la globalisation. La gestion de la stabilité financière
qui permet l’intensification des échanges commerciaux et des flux financiers et finalement le
développement, revient souvent à ces institutions. La majorité des actions des banques
centrales ont un certain impact sur la stabilité systémique, en commençant avec le choix des
régimes de change, l’assurance du fonctionnement des systèmes de paiements et en finissant
avec l’application des accords internationaux en matière de stabilité.
La BNR a défini un cadre de régulation et de surveillance adéquat par rapport aux
exigences de stabilité au niveau européen. La BNR a mis en pratique un système de paiements
compatible avec TARGET et a étendu l’aire de surveillance aux institutions financières non
bancaires. Le premier Rapport de Stabilité Financière fut élaboré en 2006 et les premières
études sur les implications des ménages et des entreprises sur la stabilité financière ont été
développées. Un autre défi pour cette institution est représenté par l’application de l’Accord
de Bâle II et par la réponse trouvée face aux risques engendrés par cet accord.

3.3.1. L’harmonisation de la législation avec l’acquis


communautaire

L’entrée libre sur le marché national des banques provenant des pays membres de
l’UE entraîne de nouveaux défis pour la surveillance bancaire. Les autorités doivent évaluer la
solidité des banques qui accèdent au marché, le risque systémique généré par les nouveaux
instruments financiers et doivent coopérer, comme nous l’avons déjà vu, avec d’autres
autorités de surveillance. Pour assurer l’accès aux services bancaires et financiers de tout pays
de l’UE, il faut complètement harmoniser les standards, la surveillance prudentielle, la
protection des investisseurs, des déposants et des consommateurs. L’harmonisation doit être
mise en œuvre par l’adoption des directives européennes dans ce domaine.
L’application de l’acquis communautaire a commencé avec le renforcement
institutionnel de la BNR. Pour que les banques centrales deviennent partie intégrante du
SEBC, les états membres doivent s’assurer que la législation nationale est tout à fait
compatible avec le Traité (Art. 108) et avec le statut du SEBC, c'est-à-dire que les banques

207
centrales doivent être indépendantes. La BNR a reçu à trois reprises (1998, 2001 et 2003) des
fonds non remboursables de l’UE par l’intermédiaire du Programme PHARE80, et ces fonds
étaient destinés à renforcer la capacité institutionnelle, à consolider la capacité de surveillance
de la Banque Nationale de Roumanie, à préparer la participation de la BNR à la négociation
des conditions d’adhésion au Mécanisme du Taux de Change II – MTC II (Exchange Rate
Mechanism II) ou à débuter les analyses faites au sein de la BNR sur le contenu et les
exigences du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) dont la Roumanie est devenue membre
après l’adhésion à l’UE.
Toujours en vue de l’harmonisation des pratiques bancaires de la Roumanie avec
celles de l’UE, la Centrale des Incidents de Paiements (CIP) a été constituée en 2001 dans le
cadre de la BNR pour prévenir les incidents de paiements causés par l’usage inapproprié des
instruments de paiement81. Toutes les banques du système sont obligées de consulter la base
de données de la CIP lorsqu’elles émettent des formulaires de chèque aux titulaires des
comptes ou chaque fois qu’elles le considèrent nécessaire.
En 2004, la Centrale des Risques Bancaires (CRB) a été constituée, un centre
d’intermédiation qui gère, au nom de la Banque Nationale de Roumanie, l’information sur le
risque bancaire et l’information sur les fraudes commises avec carte bancaire au profit des
utilisateurs, en gardant le secret bancaire. La Centrale des Risques Bancaires organise et gère
une base de données qui inclut :
a) le « Registre central des crédits », qui contient les informations de risque
bancaire rapportées par les déclarants, gérées et diffusées par la CRB pour être valorisées par
les utilisateurs en gardant en même temps le secret bancaire ;
b) le « Registre des crédits restants », qui est alimenté chaque mois par le Registre
central des crédits avec des informations sur le risque bancaire liées aux personnes qui ont
enregistré des retards de paiement dans tout le système bancaire de la Roumanie;
c) le « Registre des groupes de débiteurs », qui est alimenté chaque mois par le
Registre central des crédits avec des informations sur les groupes de débiteurs ;
d) le « Registre des fraudes à la carte bancaire », qui contient des informations sur
les fraudes à carte commises par ceux qui détiennent des cartes de débit et/ou de crédit.

80
Acronyme de Poland and Hungary Assistance for the Restructuring of the Economy.
81
Un incident de paiement signifie l’impossibilité d’accomplir de façon correcte et à temps les obligations des
participants, avant ou pendant le processus de règlement de l’instrument, des obligations qui résultent de l’effet
de la loi et/ou du contrat qui les réglemente et qui sont présentées à la connaissance de la CIP par des déclarants,
pour défendre l’intérêt public (le Règlement de la BNR, no. 1 de 2001).

208
Tout établissement de crédit peut demander à la Centrale des Risques Bancaires
des informations sur le risque bancaire liées à toute personne physique ou juridique non
bancaire, en respectant les stipulations légales.
Le Bureau Unique de Crédits (BUC) fut créé la même année pour réduire
l’asymétrie d’informations liée aux crédits aux particuliers. Il peut ainsi estimer plus
précisément le profil de risque du débiteur, ce qui se traduit par une diminution du risque de
crédit et, de façon implicite, par une plus grande sécurité des créditeurs. Les actionnaires du
Bureau sont les banques commerciales. Il y a une étroite coopération entre la BNR et le
Bureau de Crédits concernant la situation des crédits non remboursés à l’échéance.
Le BUC a annoncé en 2005 qu’il est passé à une deuxième étape de
développement de son système de collecte d’informations, la soi-disante « phase positive ».
De cette façon, à partir de juillet 2005, les informations sur tous les produits du type crédit, les
produits similaires ou ceux pour les assurances, attribués aux personnes physiques, mais aussi
les informations sur les fraudeurs et les déclarations d’inadvertance sont gérées. Un aspect
nouveau est le fait que les informations proviennent des institutions bancaires mais aussi des
institutions non bancaires comme les sociétés financières, des assurances, de crédit-bail
(leasing), de téléphonie fixe et portable, qui participent au système du BUC. L’aspect
« positif » réside dans le fait que le BUC offre en même temps des informations positives sur
ceux qui demandent des crédits. Ainsi, une preuve que tous les crédits ont été payés à temps,
est disponible, ce qui aide les bons clients à obtenir des crédits plus facilement ou avec de
meilleures conditions.
Tous ces organismes créés au sein de la BNR sont destinés à faciliter la surveillance
du système bancaire et de ses clients, ainsi que la mise en place d’une discipline de marché
pour réduire le risque systémique. D’autres mesures législatives qui contribuent à la stabilité
sont liées à l’application des standards comptables conformément aux demandes de la BCE et
à l’adoption des directives européennes sur le capital réglementaire.

3.3.2. La croissance de la transparence des politiques de la BNR

A côté de l’adaptation de la législation nationale à la législation communautaire et


de la constitution des systèmes de paiements compatibles avec ceux européens, le choix de la
stratégie de politique monétaire et du régime de change sont tout aussi importants pour la

209
stabilité. La stratégie liée au ciblage direct de l’inflation, ainsi que les régimes de change
fondés sur des taux flottants, sont en principe favorables à la stabilité financière.
Pour démontrer cela, nous partons de la prémisse que l’intégration de l’objectif de
stabilité financière parmi les objectifs de la BNR représente une étape importante dans
l’assurance de la stabilité de tout le système financier. Une autre hypothèse prise en
considération est la compatibilité des deux objectifs, celui de stabilité financière et celui de
stabilité monétaire. La stabilité monétaire ne crée pas obligatoirement la stabilité financière,
mais elle en est une condition nécessaire (Mercs, 2004; Caruana, 2005). Inversement, la
stabilité financière a une influence positive sur la stabilité des prix par une offre stable de
crédits et par un mécanisme adéquat pour la transmission de la politique monétaire (Gjedrem,
2005).
A partir de 2005, la BNR a adopté une stratégie de Ciblage Direct de l’Inflation
(CDI). Un rôle essentiel dans le fonctionnement de ce régime de politique monétaire revient à
l’encrage des anticipations inflationnistes au niveau de l’objectif d’inflation annoncé par la
banque centrale et, par conséquent, à une communication efficace avec le public. Ce régime
suppose un engagement ferme de la part de la BNR et l’utilisation de tous les instruments de
politique monétaire pour atteindre cet objectif.
Pour passer à la stratégie de CDI, la BNR a présenté une attitude proactive par
l’introduction de certains éléments qui définissent ce régime :
- la poursuite constante et continue de la cible d’inflation et l’élimination du
soutien accordé par la politique monétaire aux autres objectifs macroéconomiques ;
- la consolidation de la crédibilité de la banque centrale en évitant d’ajuster au
cours de l’année le taux d’inflation annoncé au début ;
- le renforcement de la responsabilité de la banque centrale par rapport à l’objectif
assumé par la publication d’un rapport sur l’inflation qui inclut aussi la prévision liée à
l’inflation.
Il n’y a pas dans la littérature de spécialité une opinion unanime conformément à
laquelle cette stratégie favorise la stabilité financière. Bernanke et Gertler (2001) considèrent
qu’un régime de CDI offre une réponse supérieure aussi bien aux chocs sur le marché des
actifs qu’aux chocs technologiques qui pourraient déstabiliser le système financier. Il y a aussi
des études qui trouvent que le régime de CDI n’est pas le régime monétaire le plus favorable
pour l’assurance de la stabilité financière. Herrero et Del Río (2002) ont réalisé des tests
empiriques pour voir si les opérations de politique monétaire des banques centrales et le choix
de leurs objectifs ont affecté la stabilité financière. Ils trouvent que le ciblage du taux de

210
change réduit de façon significative la probabilité d’apparition de crises bancaires, en
particulier dans les pays en transition.
Nous considérons que le CDI génère tout d’abord une amélioration de la
transparence des actions de la banque centrale, ce qui a un impact bénéfique sur la stabilité
financière. Ensuite, ces stratégies ont joui d’un véritable succès dans les pays qui les ont
mises en œuvre. Avant le déclenchement de la crise des subprimes, le CDI a été considéré
comme une réussite même en Roumanie (Figure 38). Nous observons que la BNR est
parvenue à réduire l’inflation à un seul chiffre et, en juillet 2007, juste avant le déclenchement
des turbulences, l’écart entre l’inflation préconisée et la cible annuelle (l’échelle droite) était
faible. Dans le contexte de la crise financière internationale, la cible d’inflation a été manquée
en 2007 et 2008 (pour 2008 la cible était de 3,8% + 1pp).

Figure 38 : L’évolution des prix dans le contexte de la stratégie de CDI


10 2,0

9 1,8

8 1,6

7 1,4

6 1,2

5 1,0

4 0,8

3 0,6

2 0,4

1 0,2

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6

8
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07

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ju

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ao


La cible d'inf lation IPC Taux annuel moyen L'écart entre l'inf lation attendue et la cible annuelle d'inf lation

Source : BNR (2008)

Quant au régime de change, une fois le passage à « un flottement plus libre » mis
en pratique, les interventions de la BNR sur le taux de change sont devenues de plus en plus
rares (Dăianu, 2005)82. Le fait que la banque centrale ne prenne pas d’engagement lié au taux
de change et qu’elle laisse le marché établir son niveau d’équilibre représente un atout pour la
stabilité du système financier.
Le choix d’un régime de change adéquat peut influencer la stabilité du secteur
financier (Feldman et Watson, 2002). Les ancrages ou les currency boards représentent des
stratégies de succès pour réduire l’inflation (Mishkin, 1997). Les asymétries d’information
prouvent cependant combien ces stratégies sont risquées pour les économies des pays

82
Daniel Dăianu - « Des dynamiques macroéconomiques », le Journal Naţional, le 11 mai 2005 (Daniel Dăianu
est un ex-ministre des finances en Roumanie).

211
émergents (voir les crises de change des années 90). Le risque augmente si le système
bancaire est fragile, si les contrats de crédit sont à court terme et s’ils sont libellés en devises.
L’absence des pressions importantes sur le taux de change du leu en 2002, 2003 et
2004 a permis une réduction de la fréquence des interventions de la BNR sur le marché de
change. On estimait initialement que le régime de change passerait d’un flottement contrôlé à
un flottement libre. En pratique, la BNR n’a jamais renoncé à l’idée d’intervenir sur le marché
des changes, même si ces actions furent de plus en plus rares et se sont résumées à des
interventions indirectes. La BNR a dû annoncer une diminution des interventions sur le taux
de change, d’un côté, à cause des craintes liées aux possibles attaques spéculatives, une fois le
compte de capital libéralisé et, de l’autre côté, suite à l’application de sa stratégie de ciblage
de l’inflation.
Un régime de flottement contrôlé permet des interventions de la banque centrale
sur le marché des devises, sans pourtant les imposer. De cette façon, la probabilité
d’apparition d’attaques spéculatives est réduite, tandis que la banque centrale préserve la
possibilité d’intervenir. Pour la première fois après 2005, la BNR est intervenue directement
sur le marché le 10 octobre 2008 pour stopper la dépréciation excessive du leu. Dans cette
période-là, la monnaie domestique a subi une forte attaque spéculative de la part de certaines
banques internationales, attaque qui a cependant échouée du fait de l’intervention de la BNR.
La transparence des actions de la BNR s’est aussi améliorée avec la publication, à
partir de 2006, des rapports de stabilité financière. Les rapports de stabilité financière réalisés
par les banques centrales peuvent lancer des signaux d’avertissement ainsi qu’une source utile
pour influencer le marché (Gjedrem, 2005). Le processus d’appréhension des agents
économiques est en cours de déroulement, à cause du fait que de nombreuses banques
centrales publient une revue de stabilité financière. White (2006) considère qu’un engagement
clair sur la volonté de lutter contre les excès financiers peut changer le comportement des
agents, en les incitant à recourir de façon plus prudente aux crédits et à avoir un
comportement moins spéculatif.
Oosterloo et De Haan (2004) trouvent que les raisons principales pour la publication
des résultats de l’évaluation de la stabilité financière sont : la contribution qu’un public bien
informé peut avoir pour la stabilité financière, s’il connaît la situation du système financier et
la position de la banque centrale envers la stabilité du système ; l’intensification de la
coopération entre les autorités compétentes en liaison avec les éléments de stabilité
financière ; l’amélioration de la transparence et de la responsabilisation des fonctions du

212
système financier. Les rapports de stabilité analysent aussi les principaux risques qui
pourraient affecter la stabilité du secteur financier.

3.3.3. La limitation de l’expansion du crédit non gouvernemental

Une préoccupation de la BNR pour accomplir ses objectifs a été de limiter


l’expansion du crédit non-gouvernemental, présentée Figure 23 (Chapitre II). Même si le
secteur financier roumain se caractérise par un faible niveau d’intermédiation par rapport aux
autres états européens, un boom observé du crédit peut avoir des conséquences défavorables
pour la stabilité (par le potentiel effet déstabilisateur du creusement du déficit de la balance du
compte courant, de l’endettement excessif ou du risque de change). L’expansion rapide du
crédit, en particulier lorsqu’elle est engendrée par la forte croissance de la demande de crédits,
rend difficile l’évaluation des risques par les banques et par les organismes de surveillance
prudentielle (Cerna, 2008).
Les mesures prudentielles et administratives adoptées par la banque centrale,
surtout vers la fin 2005, ont été liées à la modification de la méthodologie utilisée pour classer
et provisionner les crédits et l’augmentation du taux des réserves minimales obligatoires
(RMO) sur les passifs en devises, à 35% à partir du 24 janvier 2006 et à 40% à partir du 24
mars 2006. Les garanties pour les crédits immobiliers devaient représenter un minimum 133%
de la valeur du crédit. Le Conseil d’Administration a imposé l’adoption de ces mesures « non
orthodoxes » pour décourager les crédits en devises, pour améliorer la structure du crédit non-
gouvernemental et pour prévenir l’apparition de potentiels risques d’ordre prudentiel.
Dans la structure du crédit non-gouvernemental, le crédit à la consommation a
d’abord enregistré une croissance exponentielle mais, conformément aux informations de la
BNR fournies dans le rapport de stabilité pour 2008, pendant les dernières années (2006,
2007), les crédits à long terme (qui intègrent les crédits immobiliers) ont représenté plus de
50% du total du crédit gouvernemental83. L’explosion des crédits immobiliers a été associée
au besoin important d’immobilier résidentiel mais a conduit en même temps à l’apparition
d’un boom des prix des actifs immobiliers. Toutes les mesures prudentielles menées par la
BNR étaient destinées à limiter cet essor. DE plus, la politique monétaire a été soutenue dans

83
Petru Rareş, le président du Conseil d’Administration de l’Institut Bancaire Roumain, affirme que le marché
du crédit à la consommation est proche en Roumanie de sa maturité, les futurs soucis étant liés au crédit
immobilier (« Le marché roumain du crédit, proche de sa maturité » – le Journal Curentul, le 16 novembre
2005).

213
cette direction par la politique fiscale avec une augmentation de la taxe d’habitation, et surtout
de l’impôt sur les transactions immobilières.
A partir de 2007, après l’adhésion de la Roumanie à l’UE, les mesures « non
orthodoxes » imposées par la BNR pour restreindre le crédit ont été progressivement abolies.
Les banques commerciales imposent leurs propres normes pour l’attribution des crédits, mais
ces normes doivent être acceptées par l’autorité de surveillance. Sur fond du déclenchement
de la crise financière globale, la BNR a pris de nouvelles mesures pour réduire l’expansion du
crédit, à partir du deuxième semestre 2008.
Dans le contexte de l’expansion du crédit non-gouvernemental, par l’intermédiaire
de ses rapports de stabilité financière, la BNR analyse aussi la capacité de la population et des
entreprises à honorer leurs obligations envers le secteur bancaire. Le fait que les entreprises et
la population de la Roumanie font de plus en plus appel aux crédits bancaires soulève le
problème de leur capacité à rembourser leurs dettes. L’augmentation de l’incapacité de
paiement due à un degré élevé d’endettement, à une faible profitabilité ou à une forte
dépréciation de la monnaie nationale mettrait en danger la stabilité financière, détériorant la
situation bilancielle des banques.
Mircea et al. (2006) ont réalisé une analyse des implications que la détérioration de
la situation des entreprises pourrait avoir sur la stabilité financière. Ils se sont concentrés sur
la capacité des sociétés non financières à faire face à un choc négatif, à ne pas l’amplifier ou à
ne pas générer à leur tour un tel choc, et sur l’efficacité du système financier dans l’allocation
des ressources vers le secteur des entreprises. Leur étude montre que la situation des
entreprises ne présente pas un risque systémique en Roumanie.
On considère en général que le secteur des particuliers est celui qui épargne plus
(secteur structurellement excédentaire) et que celui des entreprises investit (secteur
structurellement déficitaire). Au cours des dernières années, la situation s’est inversée en
Roumanie, fait qui peut être interprété comme un manque d’opportunités d’investissement et,
en même temps, comme une consommation insoutenable de la population. Les agents
économiques sont devenus au niveau interne, des créditeurs nets à la fin du premier semestre
2005. Neagu et Mărgărit (2006) attribuent ce phénomène à l’amélioration de la capacité
d’autofinancement des sociétés, aux dettes externes et au placement de ces sommes sur des
dépôts en monnaie nationale (c’est le cas de certaines entreprises qui ont spéculé sur le
différentiel de taux d’intérêt et sur l’appréciation de la monnaie nationale), aux contraintes
légales liées à la participation aux enchères publiques qui obligent les sociétés à bloquer des

214
sommes importantes sur des dépôts collatéraux, ainsi que la dynamique croissante des
financements provenant des fonds européens.
Le secteur des entreprises a été considéré comme un secteur stable dans les
rapports de stabilité élaborés par la BNR en 2006 et 2007. En 2008, on a cependant constaté
que la liquidité ainsi que le taux des arriérés des sociétés, se sont détériorés, tandis que la
profitabilité et l’effet de levier (la part des dettes dans les capitaux) sont restés presque
inchangés.
Quant au secteur des particuliers, les difficultés sont plus nombreuses parce que le
taux d’endettement de la population est beaucoup plus élevé que celui des entreprises. Une
croissance insoutenable de la consommation, alimentée par les crédits, peut devenir
insoutenable même si le taux d’endettement est faible par rapport aux autres états européens
(Figure 39).
Les risques générés par le secteur des particuliers sur la stabilité financière ont
augmenté au cours des dernières années, sans causer pour autant des problèmes systémiques
(BNR, 2007; la BNR, 2008). Les éventuels chocs négatifs sur le taux d’intérêt, les revenus, le
taux de change ou sur les prix des actifs peuvent cependant affecter la capacité de la
population à rembourser ses dettes. La liquidité réduite du marché immobilier et le
pourcentage élevé d’actifs non-financiers dans la richesse nette totale peuvent diminuer de
façon significative la capacité de la population de contrer à un éventuel choc systémique.

Figure 39 : Le crédit pour la population au niveau de l’année 2007 (% du PIB)

80 74

70

60
52
50
41
38
40 36
2007
30
22 21 22 22 21
18 19
20

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Source : BNR (2008)

Du point de vue de la stabilité financière, l’accent est mis à présent sur les
changements dans l’évolution et la structure de la consommation, pour pouvoir en détacher
les tendances liées au niveau et à la dynamique du degré d’endettement de la population.

215
Même si le taux de croissance des créances douteuses a significativement diminué ces
dernières années, leur volume a augmenté de manière significative, ce qui devrait représenter
un motif d’inquiétude.

3.3.4. La surveillance des institutions financières non bancaires

Une autre direction dans l’assurance de la stabilité financière a été la surveillance


faite par la BNR sur les institutions financières non bancaires (IFN), cette activité étant une
des préoccupations de la Délégation du FMI en Roumanie dès 2003. La législation nécessaire
pour la surveillance de ces institutions qui présentent un potentiel risque systémique, a été
élaborée et, en même temps, les règles spécifiques pour ces institutions ont été développées,
bénéficiant des conseils de la Commission Bancaire de la Banque de France.
En 2006, l’Ordonnance no. 28/2006 portant sur l’activité de crédit des institutions
financières non bancaires a été promulguée84. La mention suivante apparaît dans l’Art. 34 (1)
de l’Ordonnance : « pour accomplir ses objectifs liés à la stabilité financière, la Banque
Nationale de Roumanie surveille les institutions financières non bancaires inscrites dans le
Registre général et fait une surveillance prudentielle des institutions financières non
bancaires inscrites dans le Registre spécial, et qui exercent leur activité en Roumanie ». Les
IFN doivent respecter les demandes prudentielles qui font références aux aspects suivants,
sans y être cependant limitées : les fonds propres ; l’exposition envers un débiteur et
l’exposition agrégée ; l’exposition aux personnes qui entretiennent des relations particulières
avec des institutions financières non bancaires ; la qualité des actifs, la constitution et l’usage
des provisions de risque ; l’organisation et le contrôle interne. Les stipulations prudentielles
les plus importantes de cette loi sont la constitution d’un capital social minimal de 200.000
EUR et la constitution et l’utilisation des provisions.
La BNR pourra établir des niveaux différenciés de capital social minimal en
fonction du type d’activité de l’institution financière non bancaire, et les IFN sont obligées de
rapporter à la Banque Nationale de Roumanie la structure du portefeuille des crédits et tout
autre information sollicitée par la banque centrale à des fins statistiques ou pour l’analyse, en
conformité avec les demandes établies par les réglementations de celle-ci.

84
Les institutions financières non bancaires représentent, en conformité avec cette loi, « les personnes juridiques
constituées pour exercer, à titre professionnel, des activités de crédit et dont les sources de financement
proviennent de leurs propres ressources ou sont empruntées des établissements de crédit, des autres institutions
financières, ou, selon le cas, d’autres sources stipulées dans des lois spéciales ». Les IFN ne sont pas autorisées
à collecter des dépôts.

216
La surveillance des IFN est nécessaire parce que ces institutions sont devenues des
sources de crédits de plus en plus importantes. Les IFN bénéficient pratiquement presque du
même traitement que les banques commerciales : elles ont accès direct aux sources de
financement de la BNR, accès aux systèmes de paiements et au marché interbancaire. En
même temps, les IFN doivent cotiser au Fonds pour l’Assurance-Dépôts. Les conditions
spécifiques aux IFN sont liées aux demandes de leur actionnariat ou au capital minimal
réglementaire. Le respect des certaines exigences de solvabilité ou de liquidité est demandé,
mais il y a aussi des spécifications liées au contrôle interne et aux rapports pour un registre de
crédit ou pour la protection des consommateurs.
Les risques possibles impliqués par les IFN sur la stabilité du secteur financier
roumain ont été analysés dans les rapports sur la stabilité financière de la BNR. Les sociétés
de leasing (les IFN les plus représentatives en Roumanie) ont connu une puissante dynamique
de leur activité ces dernières années. Leur liaison avec le système bancaire est étroite, fait
démontré tant par la structure de leur actionnariat que par l’origine des ressources collectées.
La BNR (2006) affirmait que l’activité de leasing n’est pas un facteur potentiel de chocs sur
le marché financier mais, au contraire, elle diminue, dans la limite du volume relatif du
marché, le risque de crédit évalué au niveau agrégé.
Selon la BNR, la probabilité que les chocs provenant du secteur des sociétés de
crédit (d’autres institutions financières non bancaires et sociétés de crédit de consommation)
génèrent un potentiel risque systémique est aussi très réduite. Les principales raisons en
seraient le volume réduit des actifs des sociétés de crédit et le fait qu’une partie importante du
financement soit assurée par des ressources empruntées à l’étranger ou avec des garanties de
l’étranger, fait qui transfère le risque sur les crédits en cause en dehors du système bancaire.

3.3.5. L’application de l’Accord Bâle II en Roumanie

L’application de Bâle II représente une de plus importantes actions entreprises par


la BNR pour assurer la stabilité financière. L’avantage du nouvel accord porte sur une
contrainte plus élevée de capital au fur et à mesure que le risque augmente, ce qui représente
une garantie de la réactivité, de la gradualité et de la stabilité financière (Vo Thi, 2004).
Les objectifs de la BNR liés au Bâle II comprennent trois éléments principaux
(Georgescu, 2006) : (a) la transposition de nouvelles exigences prudentielles dans la
législation primaire ; (b) le développement des moyens de surveillance prudentielle adéquats

217
pour le nouveau contexte et (c) le développement des systèmes de management du risque au
niveau des établissements de crédit.
Pour appliquer Bâle II, la BNR a établi en 2002, avec l’Association Roumaine des
Banques (ARB), une stratégie de mise en œuvre de l’Accord en quatre étapes. Ces étapes ont
été partiellement décalées par rapport au plan initial du fait de la complexité du cadre mais
aussi car sa transposition dans la législation européenne s’est seulement faite en juin 2006.
La première étape (mai–novembre 2005) est représentée par l’initiation du
dialogue et la réalisation de l’échange d’informations avec le secteur bancaire et les entités
nationales impliquées dans le processus Bâle II. Les principales activités de cette étape sont :
(a) l’accomplissement d’une évaluation générale portant sur les instruments de gestion du
risque et sur l’appréhension de la position des établissements de crédit concernant les
opérations nationales ; (b) l’information et l’engagement du dialogue avec d’autres autorités
nationales et internationales et (c) l’évaluation des nécessités liées à la formation
professionnelle au niveau du secteur bancaire, y compris au niveau des autorités centrales.
La deuxième étape (décembre 2005–mai 2006) a supposé le développement des
moyens nécessaires pour surveiller le secteur bancaire aux standards imposés par Bâle II, en
particulier par : (a) la transposition des directives dans la législation nationale et l’adaptation
du système des rapports prudentiels ; (b) l’élaboration des guides de validation des modèles
internes et (c) la réalisation de missions d’évaluation des conditions d’application de Bâle II
au siège des établissements de crédit. Toujours dans cette étape, les prémisses de la stabilité
financière lors de l’application de l’Accord Bâle II ont été mises en place par la réalisation de
l’étude d’impact quantitatif85, des activités de surveillance des institutions de crédit au siège
de la banque centrale (off-site) et des missions d’évaluation des conditions de l’application de
Bâle II au siège des établissements de crédit (on-site).
La troisième étape (juin–octobre 2006) couvre le processus de validation, faite par
la Banque Nationale de Roumanie, en ce qui concerne les modèles internes de notation
utilisés par les institutions de crédit pour évaluer les clients et le portefeuille des crédits
existants. Cette étape se prolongera, la BNR n’étant pas tenue d’autoriser de tels modèles.

85
La BNR n’a pas participé aux études d’impact quantitatif (Quantitative Impact Studies – QIS) faites par la BRI
en coopération avec les banques centrales nationales. Pourtant, une telle étude a été menée par la BNR dans
l’étape de construction de l’Accord, mais les résultats portant sur la modification des fonds propres
réglementaires n’ont pas été significatifs. A présent, la BNR a des difficultés en ce qui concerne la reprise d’un
tel exercice à cause de la complexité de la forme finale de l’Accord.

218
Finalement, la quatrième étape, initialement estimée à commencer le 1 janvier
2007, supposait le développement d’un processus de contrôle de la mise en pratique des
stipulations de Bâle II dans le secteur bancaire.
La BNR a envoyé aux banques commerciales un questionnaire portant sur la
méthode de calcul appliquée pour la gestion du risque de crédit et du risque opérationnel. On
peut observer Tableau 13 que le niveau d’optimisme des banques commerciales concernant
l’usage des méthodes avancées pour le management du risque, a diminué progressivement.

Tableau 13 : Les options des établissements de crédit face à Bâle II


Le nombre d’établissements de crédit*
Le risque de crédit 07/2005 11/2005 05/2006 12/2007
Approche standard 13 30 31 31
IRB – approche de base 3 2 2 1**
IRB – approche avancée 1 0 0 0
Etablissements de crédit indécis 17 2 0 0
Le risque opérationnel 07/2005 11/2005 05/2006 12/2007
Approche de base 11 17 20 22
Approche standard 10 13 13 9
Approche avancée 4 2 0 1
Etablissements de crédit indécis 9 2 0 0
* Les banques qui ont déclaré qu’elles utiliseront Bâle I en 2007 sont aussi incluses
** Seulement dans le cas de l’exposition face aux entités souveraines et aux banques
Source : BNR (2006), Georgescu (2007)

Même si on croyait initialement que certaines banques adopteraient des modèles


internes de gestion du risque, ce ne sera pas le cas pour les raisons suivantes (la BNR, 2006) :
le capital des banques est significativement supérieur au niveau minimum réglementaire,
l’incitation à « épargner » des fonds propres en utilisant des méthodologies plus avancées
n’existant alors pas ; le marché bancaire roumain pourrait être considéré comme trop petit au
sein du groupe pour justifier les coûts imposés par les approches avancées de Bâle II ; la
qualité des données statistiques pour alimenter des modèles internes peut être insatisfaisante ;
le cadre de régulation permettra aux banques d’utiliser l’approche présente pour le calcul des
demandes de capital (Bâle I) jusqu’en 2008, de sorte que l’horizon pour la mise en œuvre de
Bâle II soit considéré encore plus éloigné.

219
L’application de Bâle II en Roumanie conduit à des défis pour la banque centrale,
ainsi que pour les établissements de crédit. L’agenda de 2006 a été dominé, pour le secteur
bancaire et pour celui du marché du capital, par la transposition des documents
communautaires qui assurent l’application des standards de Bâle II dans la législation
nationale. La transposition de la Directive 2006/48/EC sur l'accès à ? et l’exercice de l'activité
des établissements de crédit et de la Directive 2006/49/EC sur l'adéquation des fonds propres
des entreprises d'investissements et des établissements de crédit ont eu une envergure tout à
fait particulière86. Le nouveau cadre de régulation correspondant aux standards de Bâle II est
entré en vigueur le 1 janvier 2007.
2007 a été considérée comme une année transitoire, Bâle II débutant en Roumanie
le 1 janvier 2008. Au cours de cette année, les autorités ont pris quelques mesures concernant
les demandes liées aux rapports ainsi que les exigences qui portent sur les systèmes IT
(Georgescu, 2007).
En ce qui concerne les rapports, ont été utilisés et adaptés les rapports élaborés par
le Comité des Surveillants Bancaires d’Europe qui, conformément au Bâle II, représentent des
instruments pour la surveillance bancaire : COREP (COmmon solvency ratio REPorting
framework) et FINREP (FINancial REPorting). Les rapports COREP prévoient la
transmission d’informations qui attestent que les établissements de crédit respectent, tant au
niveau individuel qu’au niveau consolidé, les exigences prudentielles pour la composition des
fonds propres et les demandes de capital, le risque de crédit, le risque de marché et le risque
opérationnel. Les rapports FINREP représentent une méthode d’intermédiation entre
l’information comptable et l’information prudentielle, mais aussi un instrument auquel les
surveillants font appel pour vérifier l’information prudentielle.
Bâle II a un impact significatif sur la gestion de l’information au niveau de chaque
institution de crédit et il nécessite par conséquent l’adaptation des systèmes IT. Les contrôles
effectués par la BNR ont mis en évidence que les établissements de crédit ont généralement
opté, dans la perspective d’adapter les systèmes informatiques aux nouvelles exigences, pour

86
Il y a quelques différences entre l’Accord Bâle II et sa transposition dans les Directives Européennes
concernant l’aire d’application. Une première différence consiste dans le fait que l’Accord Bâle II sera mis en
œuvre seulement par les banques actives au niveau international, tandis que dans les états membres de l’UE les
standards de capital sont imposés à toutes les banques et à toutes les sociétés d’investissements,
indépendamment de leur dimension ou de la zone géographique où elles exercent leur activité. Une autre
différence portant sur le secteur d’application résulte du fait que l’Accord Bâle II est appliqué aux groupes
bancaires au niveau consolidé et sous-consolidé, tandis que la législation communautaire s’applique en principe
tant au niveau individuel qu’au niveau consolidé, instituant la possibilité d’invoquer l’exception à la règle
générale pour les situations réglementées de façon expresse.

220
l’une des approches suivantes: (a) l’implémentation des solutions fournies par les groupes
financiers dont ils font partie ; (b) l’acquisition d’une nouvelle solution software; (c)
l’extension de la fonctionnalité des systèmes disponibles ou (d) le développement des
solutions « in house ». Ces activités ont mobilisé un volume important de ressources.
Pour appliquer Bâle II, les institutions de crédit ont dû adapter leurs stratégies et les
meilleures pratiques de gouvernance corporative. En même temps, une reconfiguration des
objectifs liés à la clientèle, aux produits et aux services bancaires, mais aussi l’assurance d’un
personnel à haute qualification sont nécessaires.
L’application des méthodes avancées pour calculer les exigences en capital pour le
risque de crédit et pour le risque opérationnel nécessite (Georgescu, 2007) : l’amélioration des
systèmes de notation ; l’existence des séries de données (internes et externes) ; le
développement des modèles internes ; la précision des données ; le back-testing ; l’intégration
des systèmes de contrôle du risque.
Tous ces éléments sont nécessaires pour que les modèles internes soient validés
par l’autorité de surveillance. La BNR se propose d’élaborer des guides de validation pour
chaque type de risque du Pilier I : risques de crédit, de marché et opérationnel. Les principes
sur lesquels s’appuiera le processus de validation sont :
- la responsabilité primaire dans le processus de validation revient aux institutions
de crédit, l’autorité de surveillance évaluant seulement la façon dont la banque a fait elle-
même la validation ;
- la validation représente essentiellement l’évaluation de la capacité prédictive des
estimations du risque effectuées par une banque, étant un processus itératif fondé sur des
éléments quantitatifs et qualitatifs.
Selon nous, l’application de Bâle II en Roumanie présente de nombreux avantages.
D’abord, la diversification des méthodes utilisées pour évaluer les risques et pour établir les
exigences en capital est assurée, partant d’un niveau simplifié jusqu’à un niveau sophistiqué.
L’Accord stimule la transparence et la discipline de marché et suppose le perfectionnement
des ressources humaines utilisées pour la gestion du risque. L’Accord implique certains
risques mais aussi des coûts importants. Ceux-ci peuvent être classés en risques spécifiques
aux conditions du système bancaire de la Roumanie et risques spécifiques au Bâle II.
L’étude menée par la société Ernst&Young pour identifier les problèmes auxquels
les banques seront confrontées dans la perspective de Bâle II est basée sur deux objectifs
majeurs (Bărglăzan et al., 2007) : mesurer le degré général de préparation des institutions
financières pour appliquer l’Accord et identifier les principaux problèmes et risques à sa mise

221
en œuvre. Pour les banques roumaines, l’étude a relevé qu’une appréhension adéquate des
stipulations de l’Accord manque, que les données internes sur l’historique des crédits
manquent, que les lignes directrices tracées par les organismes de surveillance sont
insuffisantes et que peu de banques ont un système transparent de rating.
Concernant les risques spécifiques de l’Accord, nous pouvons affirmer qu’ils ne
posent pas de problèmes majeurs. L’impact sur le capital réglementaire ne sera pas
significatif, le degré de solvabilité des banques de Roumanie étant assez élevé, même s’il a
enregistré une détérioration ces dernières années. Compte tenu du fait que la plupart des
crédits accordés aux banques sont des crédits retail et, qu’après l’application de Bâle II, le
coefficient de pondération passera de 100% à 75% (voir Tableau 11), nous estimons que
l’Accord amènera une moindre exigence en capital réglementaire. Cependant, nous
observons, toujours dans la matrice de pondération des risques, une augmentation
significative du coefficient de pondération du risque pour les crédits attribués aux
administrations publiques. Compte tenu du fait que les administrations devront accéder aux
crédits pour co-financer les projets menés avec des fonds européens, le capital réglementaire
pour ce segment augmentera et il compensera la réduction du segment retail. En conclusion,
en absence d’étude d’impact quantitatif, il est difficile d’estimer exactement les implications
de l’Accord concernant le capital réglementaire supplémentaire.
Le risque de distorsion de concurrence dans l’industrie bancaire n’est pas à son
tour le risque le plus important parce que toutes les banques ont entièrement opté pour
l’approche standard de gestion du risque de crédit. Une certaine distorsion de concurrence
peut cependant apparaître à cause des coûts entraînés par l’application de l’Accord, coûts qui
seront significatifs pour les petites banques. De même, l’accès des petites banques aux crédits
externes sera plus difficile parce qu’elles présentent une notation plus faible. Les créditeurs
internationaux visent à accorder des prêts aux sociétés avec un bon rating afin d’éviter d’avoir
à mobiliser un capital réglementaire supplémentaire.
Quant à la critique le plus souvent formulée contre l’Accord, celle liée à
l’amplification du cycle économique, nous pensons qu’il n’y a pas de soucis majeurs. Le fait
que les banques aient choisi l’approche standard pour la gestion du risque de crédit et que les
notations des agences externes ne prennent pas en considération les étapes du cycle
économique montre que la procyclicité de l’accord ne représente pas un risque majeur pour la
Roumanie. De l’autre côté, on a constaté ces dernières années une croissance continue des
crédits et les banques sont suffisamment capitalisées.

222
Conclusion du chapitre

Le rôle des banques centrales dans la recherche de stabilité financière a une


composante historique ainsi qu’une composante fonctionnelle. Les fonctions traditionnelles
des banques centrales, telles celles de prêteur en dernier ressort, de gardien des systèmes de
paiement ou de contrôleur des banques, sont de fonctions de stabilité. La modification du
cadre de régulation et de surveillance prudentielle ne peut pas avoir lieu sans la participation
active des banques centrales.
La BNR représente l’institution de régulation et de surveillance avec la plus
grande responsabilité pour la stabilité du secteur financier roumain, celle-ci devenant son
deuxième objectif. Les actions entreprises par la banque centrale dans le domaine de la
stabilité du secteur financier roumain ont été importantes. Parmi les safety nets de la stabilité
et dont la BNR dispose, l’activité de surveillance prudentielle joue un rôle tout à fait
particulier et l’application de Bâle II est très importante dans la réussite de cette activité.
Les banques roumaines n’ont pas été suffisamment préparées à l’Accord Bâle II.
Cela est une des explications du retard enregistré par rapport aux termes initialement établis
pour l’application de l’Accord. Il faudra que les banques fassent un effort considérable pour
l’acquisition des systèmes IT performants, mais aussi pour la formation du personnel. Dans
les premières étapes, l’enthousiasme était fondé sur la faible connaissance de nouvelles
normes prudentielles. Il s’est pourtant avéré ensuite qu’aucune banque n’était capable
d’utiliser les approches avancées pour la gestion du risque de crédit.
Notre analyse montre que l’impact de Bâle II en Roumanie sera positif. Il ne
conduira ni à l’amplification du cycle économique, ni à une distorsion sévère de la
concurrence. La contribution nette de Bâle II sera positive pour la stabilité financière car les
pratiques de gestion des risques seront améliorées.
L’application de Bâle II répond cependant dans une faible mesure aux nouvelles
menaces pour la stabilité. Les fluctuations des prix des actifs, l’apparition des conglomérats
financiers (qui rend le processus de surveillance plus difficile) et l’augmentation du nombre
de transactions sur produits dérivés, en particulier sur les marchés de grè-à-gré, représentent
des motifs sérieux d’inquiétude pour les banques centrales. Même si l’utilisation des dérivés
en est encore à ses débuts en Roumanie, ces produits devront être réglementés de manière
appropriée et la surveillance des opérations sur ces produits doit être sévère.

223
IV. Les nouveaux défis pour la stabilité du secteur
financier roumain

Les institutions et les marchés financiers se trouvent dans un processus continu de


changement, d’adaptation et d’interaction qui rend nécessaire un remodelage de la régulation
de leur fonctionnement. Ces processus sont à la base de l’émergence de nouveaux risques
financiers, induits par l’apparition de nouvelles institutions et de nouveaux marchés, ainsi que
par de nouveaux produits financiers. Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre,
l’ensemble de ces processus a été influencé par le phénomène de globalisation.
Parmi les risques relativement récents qui se sont manifestés au niveau global et
ont entraîné la déstabilisation du système financier, on trouve le développement des
conglomérats financiers, la volatilité excessive des prix des actifs et l’apparition de nouveaux
produits financiers dont la modalité de fonctionnement n’est pas très bien comprise par les
acteurs économiques. Pour le système financier roumain, les risques énumérés représentent
plutôt une provocation, car ces risques ne se sont pas manifestés évidemment jusqu’à présent.
Dans le contexte de l’intégration dans le système financier européen et global, ces risques
deviendront plus visibles. Par conséquent, une identification précoce de ces menaces est
nécessaire et il faut aussi prendre de mesures préventives pour limiter leurs effets.
La première section du chapitre met en évidence les risques à l’adresse de la
stabilité financière, associés au developpement des conglomérats financiers. La deuxième
section souligne l’importance de la baisse de la volatilité des prix des actifs pour la stabilité.
Et enfin, la troisième section analyse les défis pour la stabilité, engendrés par l’utilisation à
des fins spéculatives des produits financiers complexes.

4.1. Le développement des conglomérats financiers

Suite à la globalisation des marchés financiers, le phénomène d’érosion des


barrières traditionnelles entre les activités financières s’est accentué et des structures
nouvelles sont apparues, les conglomérats financiers. L’apparition des conglomérats qui
exercent leur activité à la fois dans le secteur bancaire, sur le marché du capital et dans le

224
secteur des assurances (fournissant donc toute la gamme de services financiers) a engendré
l’effacement progressif des frontières entre les banques commerciales, les banques
d’investissements, les sociétés d’assurances et le marché du capital (« blurring effect »).
Cette tendance à l’interpénétration entre le secteur bancaire, le marché du capital et
le marché des assurances sous l’impulsion de l’évolution des marchés financiers entraîne des
exigences supplémentaires pour la régulation et la surveillance prudentielle. Au sein de l’UE
où les démarches pour harmoniser les pratiques financières sont favorables au développement
des conglomérats, la surveillance efficace de ces institutions est encore plus problématique.
De cette façon, le développement de ces structures financières représente un péril potentiel
pour la stabilité des systèmes financiers.

4.1.1. L’apparition des conglomérats financiers

Les conglomérats se sont développés dans le contexte du processus de


dérégulation survenu autour des années 70. Sur fond d’intensification des innovations
financières et de l’apparition des produits qui se trouvent à la frontière de l’activité des
banques d’investissements et de détail, un processus progressif de dérégulation s’est
enclenché, commençant tout d’abord en Europe par l’apparition des banques universelles, et
continuant ensuite aux Etats-Unis, suite aux pressions concurrentielles. Les activités des
banques universelles se sont peu à peu orientées vers le secteur des assurances.
Les conglomérats financiers sont de façon traditionnelle définis comme des
groupes d’institutions qui exercent des activités au moins dans deux des secteurs suivants :
banques, assurances, marché du capital. Ils « combinent des services bancaires, d’assurances
ou d’investissements dans une seule entreprise » (Morrison, 2002). Les conglomérats
financiers offrent pratiquement la plupart des services disponibles dans le secteur financier,
« réunissant plusieurs entreprises sous un seul toit » (Schinasi, 2003).
Une définition technique des conglomérats financiers apparaît dans la Directive
Européenne 2002/87/EC sur la surveillance complémentaire des institutions appartenant à un
conglomérat financier. Cette définition prévoit plusieurs seuils à atteindre par une grande
compagnie pour qu’elle puisse être considérée comme un conglomérat financier :
• un seuil de 40% qui détermine l’importance des entreprises financières au sein
du groupe (le rapport entre le bilan des sociétés financières et le total du bilan) ;

225
• un seuil de 10% qui évalue l’importance de chaque activité financière du
groupe (l’activité bancaire, d’assurances, d’investissements) à l’intérieur du secteur financier
du groupe. Effectivement, l’activité financière la plus restreinte du groupe doit dépasser 10%
de toutes les activités financières du groupe ;
• un seuil de risque systémique, lorsque les actifs bilanciels associés à l’activité
financière la plus réduite du groupe dépassent 6 milliards d’euro.
L’apparition des conglomérats est le résultat du renforcement de la concurrence
internationale et du développement du processus de fusions-acquisitions (F&A), favorisé par
la dérégulation des marchés financiers. Le développement de ces organisations permet le
transfert du risque d’un système financier à un autre, mais aussi le transfert du risque d’une
économie à une autre, lorsqu’il s’agit des conglomérats transnationaux. L’importance
systémique des conglomérats peut être mise en évidence en analysant le volume des F&A au
niveau international sur la dernière décennie (Tableau 14).

Tableau 14 : Les fusions et les acquisitions de l’industrie financière (1996-2006)


1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Par régions (mld. de dollars)
Pays développés* 76,4 238,9 477,5 362,0 495,5 306,0 215,0 302,1 442,1 513,0 778,5
Reste du monde 2,7 4,8 23,7 16,2 42,5 70,2 44,1 28,8 57,3 85,3 124,1
Total 79,1 243,7 501,2 378,2 502,0 376,1 259,1 330,9 499,4 598,2 902,5
F&A transnationales (% du total)
Pays développés 0,3 0,0 1,7 1,3 11,2 21,2 35,9 24,2 23,6 29,2 30,3
Reste du monde 0,0 0,1 0,0 0,5 1,7 7,8 6,8 4,5 4,5 9,1 9,5
Total 0,3 0,1 1,7 1,8 12,9 29,0 42,7 28,7 28,1 38,4 39,8
*Australie, Canada, Japon, Nouvelle Zélande, Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest
Source : FMI (2007)

On remarque que, au cours des 10 dernières années, le volume de F&A a connu


une croissance exponentielle, de 79,1 mld. de $ en 1996 à 902,5 mld. de $ en 2006. Une autre
observation porte sur l’importance des F&A transnationales à partir des années 2000, qui
représentent presque 40% du total.
Une étude similaire qui présente une statistique des valeurs des fusions-
acquisitions en particulier au niveau européen, a été menée par Dierick (2004). Il analyse le
phénomène de « bancassurance » (en s’appuyant sur le volume des F&A) et observe que les
banques ont généralement été la cible dans le processus de F&A (surtout en ce qui concerne
les F&A transfrontalières à l’intérieur de l’UE), tandis que les sociétés d’assurances sont les

226
acquéreurs87. Le résultat est cependant influencé par les acquisitions réalisées dans le secteur
bancaire par le groupe d’assurances Allianz (Tableau 15).

Tableau 15 : F&A entre établissements de crédit et institutions d’assurances au sein de l’UE


Mld. EUR L’acheteur – l’établissement de crédit L’acheteur – la société d’assurances
La cible – la société d’assurances La cible – l’établissement de crédit
Domestiques Au sein de En dehors Domestiques Au sein de En dehors de
l’UE de l’UE l’UE l’UE
1990 0,0 - - 1,4 1,5 0,2
1991 0,4 0,4 - 5,6 0,0 0,0
1992 1,6 0,0 - 0,5 0,3 -
1993 0,6 - 0,0 0,5 0,1 0,0
1994 0,4 0,2 0,1 1,0 - 0,0
1995 1,2 - - 0,1 0,8 0,1
1996 3,1 - - 0,1 - 0,2
1997 2,8 - 0,1 1,1 6,4 0,0
1998 0,1 0,6 0,3 12,9 2,6 1,3
1999 6,1 0,0 0,7 1,8 6,2 0,5
2000 16,0 3,1 3,4 3,7 1,9 1,1
2001 5,7 - 0,0 22,7 0,1 0,3
2002 0,9 - 0,6 0,2 0,3 0,2
2003 1,6 - - 0,7 - -
1990-2003 40,7 4,3 5,1 52,3 20,2 3,9
La source : Dierick (2004)

Les éléments qui contribuent au développement des conglomérats sont :


- Les synergies en matière de coûts et de revenus. Les coûts diminuent du fait des
économies d’échelle88 ou de gamme89. Ces synergies sont aussi obtenues par l’utilisation à
grande échelle des méthodes de management des risques.
- La diversification. Elle aide à réduire la variation du cash-flow, qui détermine de
cette façon une réduction de la probabilité d’apparition des déséquilibres financiers. La
diversification fait baisser le besoin de financement externe.
- Les motifs d’agence. Par le fait qu’ils s’engagent dans l’activité de F&A, les
managers désirent satisfaire leurs intérêts personnels qui ne coïncident pas toujours avec les
objectifs des actionnaires.
Bien que les avantages de ces structures financières ne soient pas à négliger, leur
surveillance devient extrêmement nécessaire copte tenu de leur caractère systémique,

87
Le phénomène « bancassurance » est compris comme une transition des banques vers des services
d’assurances, comme conséquence de la concurrence exercée par les sociétés d’assurance-vie. Le passage des
banques vers l’activité de « bancassurance » est en augmentation continue au niveau de l’UE, en particulier dans
des pays comme la France et l’Allemagne, ce qui constitue un argument solide en faveur de la surveillance
unifiée des deux secteurs financiers. Cependant, l’auteur montre qu’au niveau européen, l’acquisition des
institutions bancaires par les grandes sociétés d’assurances prédomine, et non pas l’inverse.
88
Plusieurs produits et plusieurs clients avec la même consommation des ressources.
89
Une gamme plus large de produits pour le même nombre de clients.

227
surveillance qui s’avère en même temps extrêmement difficile. L’apparition des conglomérats
pose trois questions : l’approche sectorielle (institutionnelle) versus l’approche fonctionnelle ;
le modèle de surveillance unique ou des autorités multiples ; une surveillance centralisée ou
décentralisée au niveau de l’UE.

4.1.2. Des défis pour la stabilité engendrés par l’apparition des


conglomérats

Les groupes du type conglomérats financiers ont des effets profonds. Il est très
difficile de les surveiller, en particulier lorsqu’il s’agit des conglomérats transnationaux qui
ont une importance systémique considérable, du fait de leur participation aux systèmes
internationaux de paiements. Sauver les conglomérats de la faillite suppose la matérialisation
de l’effet « too big to fail » et la surveillance consolidée pourrait s’avérer inefficiente pour
pouvoir détecter tous les risques associés.
Concernant le dernier argument, Morrison (2002) offre un exemple pertinent. Si
l’activité d’assurances enregistre des pertes significatives, une agrégation des risques
implique que la banque du conglomérat doit couvrir les pertes. Aussi, lorsque l’autorité de
régulation évalue les risques sur une base consolidée, elle impose un capital réglementaire
plus faible que celui nécessaire, avec des conséquences systémiques90.
Les risques associés à la difficulté de l’activité de régulation et de surveillance des
conglomérats ne sont pas les seuls risques liés à ces organisations (Majaha-Jartby et Olafsson,
2005). Les principales zones de risque systémique des conglomérats sont :
• la concentration et l’internationalisation des risques de crédit, de marché, de
liquidité et technique ;
• la forte exposition des systèmes des paiements et des règlements par rapport à
ces institutions ;
• la gestion du risque ;
• une transparence réduite du faite de l’absence d’harmonisation des pratiques
comptables et de celles utilisées dans les rapports ;
• les différences qui apparaissent entre les politiques de régulation prudentielle,
les politiques monétaires et l’encouragement à l’arbitrage.

90
Les pertes de la société d’assurances devraient impliquer un capital réglementaire supplémentaire, même si au
niveau du conglomérat la situation reste dans le cadre des standards. C’est pourquoi, la surveillance consolidée
devrait représenter une activité supplémentaire par rapport à la surveillance sectorielle.

228
Les risques qui correspondent à l’activité financière peuvent être distribués à
l’intérieur des conglomérats, mais ils peuvent être en même temps concentrés au sein d’une
certaine activité financière. De cette façon, même si les conglomérats peuvent sembler solides
en général, les problèmes d’un certain secteur financier peuvent déstabiliser leur activité. Par
conséquent, nous avons besoin d’une surveillance à base consolidée, mais aussi de la
surveillance de chaque activité financière.
Exerçant une activité financière importante, les conglomérats utilisent des
systèmes de paiements et de règlements qui peuvent devenir extrêmement vulnérables si un
client ne peut pas honorer ses obligations envers ses partenaires. Les actifs des conglomérats
qui exercent leur activité dans le secteur bancaire et dans le secteur des assurances au niveau
de l’UE sont impressionnants (Tableau 16). Les seuls 20 premiers conglomérats détenaient en
2004 des actifs correspondant au PIB des états de l’UE (soit 170 fois le PIB de la Roumanie).

Tableau 16 : Les principaux groupes mixtes banques - assurances de l’UE (2004)


No. Nom Pays Actifs No. Nom Pays Actifs
(mld. €) (mld. €)
1. Deutsche Bank Allemagne 917,7 11. Fortis Belgique 475,4
2. Allianz Allemagne 911,9 12. AXA France 474,0
3. BNP Paribas France 825,3 13. Santander Espagne 355,9
4. HSBC Holdings Royaume-Uni 778,6 14. Dexia Belgique 351,3
5. ING Group Hollande 705,1 15. Banca Intesa Italie 313,2
6. ABN Amro Hollande 597,4 16. Lloyds TSB Royaume-Uni 312,9
7. The Royal Bank of Royaume-Uni 590,0 17. Banco Bilbao Espagne 305,5
Scotland Group Argentaria
8. Barclays Royaume-Uni 573,5 18. Abbey National Royaume-Uni 303,3
9. Crédit Agricole France 563,3 19. Aviva Royaume-Uni 300,9
10. Société Générale France 512,5 20. Group Caisse France 285,9
d’Epargne
La source : extrait à partir de Dierick (2004)

Compte tenu de l’ampleur de leur activité, les conglomérats sont peu transparents.
Le management du risque au sein de ces organisations est difficile à mettre en œuvre et
l’arbitrage en matière de régulation et de surveillance est souvent pratiqué, i.e. que les
activités sont transférées aux institutions financières du conglomérat pour lesquelles la
surveillance est plus laxiste. Tous ces risques ont contribué à la reformulation du cadre de
régulation et de surveillance des conglomérats de l’UE.

229
4.1.3. La régulation et la surveillance des conglomérats financiers
au sein de l’UE

L’augmentation du nombre des conglomérats où opèrent divers groupes


d’établissements financiers tant autochtones qu’internationaux, a incité les autorités de
régulation à chercher des modalités efficaces pour les surveiller. L’émergence des certains
groupes financiers et bancaires importants, le haut volume des flux financiers et
l’augmentation de l’intermédiation directe par le marché, témoignent d’une amplification des
canaux potentiels de contagion, en particulier au sein de l’UE.
C’est pourquoi, pour Tordjman (2004), le développement des structures
financières sous la forme des conglomérats représente un défi prudentiel. Le Comité de Bâle
et le Forum Conjoint (Joint Forum) se sont proposés de développer une approche pour la
gestion centralisée des risques et d’élaborer des méthodes agrégées au niveau du groupe, par
le calcul du capital économique. Le nouvel Accord Bâle II prévoit pour les conglomérats la
surveillance sur une base consolidée.
Comme nous l’avons déjà dit, la surveillance consolidée ne doit cependant pas
éliminer l’activité de surveillance sectorielle, justement du fait des différences qui existent
entre les diverses activités financières. Si nous prenons comme exemple l’activité bancaire et
l’activité d’assurances, nous voyons que la surveillance en est différente et le rôle joué par le
capital réglementaire est aussi différent. Si nous faisons référence aux banques, la plupart des
déposants peuvent bénéficier de l’assurance-dépôts. Dans une société d’assurances, ceux qui
détiennent des polices occupent presque la même position, sans bénéficier pourtant de la
même protection de la part de l’état. Cela suggère un rôle moins important du capital
réglementaire dans les compagnies d’assurances.
Au-delà des aspects qui portent sur l’activité de surveillance, il faut aussi analyser
les questions liées à la nature des institutions impliquées dans cette activité. L’expérience a
montré que la surveillance effective des conglomérats financiers diversifiés impose certaines
exigences concernant les organismes de surveillance. Ces entités doivent avoir un système
efficace pour se transmettre rapidement les informations liées à chaque établissement et
doivent en même temps garantir un certain degré de confidentialité.
Au niveau de l’UE, le problème de la surveillance des conglomérats est d’autant
plus important que la législation européenne favorise le déploiement de l’activité des
institutions financières dans tous les états membres. Par conséquent, l’apparition et le

230
développement des conglomérats financiers supposent l’existence d’un cadre centralisé de
régulation et de surveillance. De cette façon et pour compléter l’Accord de Bâle, différents
memoranda de compréhension ont été signés, au niveau européen entre les acteurs impliqués
dans la surveillance des conglomérats, et une Directive européenne (2002/87/EC) portant sur
la surveillance des conglomérats financiers a été publiée en 2002.
Cette Directive est fondée sur trois piliers :
- la surveillance des conglomérats financiers ne doit pas affecter les
responsabilités de surveillance sectorielle et celles qui résultent des directives sectorielles ;
- les directives sectorielles ont été complétées pour assurer la cohérence
nécessaire pour définir les principes de la surveillance dans chaque secteur et pour assurer un
traitement égal en relation avec le capital réglementaire et pour les groupes financiers qui ne
sont pas considérés comme des conglomérats ;
- les règles liées à la coopération et à l’échange d’informations doivent assurer
une coordination optimale au sein des groupes financiers.
La Directive Européenne portant sur les conglomérats financiers considère comme
des groupes financiers non seulement les groupes où il y a une relation mère-fille, mais aussi
les sociétés qui peuvent exercer une grande influence à l’intérieur du système. Le groupe doit
inclure au moins un membre réglementé en UE. Si le groupe n’est pas conduit par une société
réglementée, il garde son nom seulement si la majorité des activités s’exercent dans le secteur
financier.
Selon la Banque de France (2002b), avant l’apparition de la Directive en 2002, le
cadre de régulation et de surveillance répondait en grande partie aux exigences imposées par
l’existence des conglomérats financiers. Les établissements de crédit (leurs centrales) faisaient
déjà l’objet d’une surveillance consolidée par les Directives 92/30/EC et 00/12/EC. Quant aux
compagnies d’assurances appartenant à un groupe financier, elles faisaient aussi l’objet d’une
surveillance complémentaire (la Directive 98/78/EC).
Comme nous l’avons déjà dit, de nombreux memoranda de coopération ont été
conclus aussi bien pour la surveillance des conglomérats financiers que pour la surveillance
des groupes bancaires qui exercent leur activité dans plusieurs pays. En 2003, un MoU a été
signé au sein de l’UE, entre le SEBC (représenté par la BCE) d’un côté et la BCN et l’AUS
des pays nordiques de l’autre côté (pays où de nombreux conglomérats financiers exercent
leur activité, l’un des plus importants étant Nordea).
Le contenu détaillé des MoU est généralement confidentiel. Seules les idées
générales sur la structure des MoU sont présentées au public. Majaha-Jartby et Olafsson

231
(2005) ont analysé ce MoU et soutiennent que son objectif est de fournir un guide sur les
étapes à suivre en matière de coopération entre les surveillants bancaires, pour partager les
informations et les procédures en vue d’assurer : a) l’échange rapide d’information lorsque le
moindre signe de crise potentielle apparaît ; b) l’échange régulière d’informations même s’il
n’y a pas de danger immédiat. Le MoU contient les aspects représentatifs suivants :
• les surveillants et les banques centrales doivent recevoir des informations
révélatrices ;
• des accords entre les surveillants et les banques centrales doivent être signés
ex-ante, pour les groupes bancaires ou les composantes bancaires des groupes financiers, pour
définir les responsabilités et l’organisation des flux d’informations et, s’il est nécessaire, les
mécanismes de coordination des actions ;
• les informations doivent inclure une évaluation des implications potentielles au
niveau du risque systémique, une délégation complète des responsabilités et une information
complexe, un échange d’informations strictement confidentielle, la constitution d’un registre
d’information et une révision des MoU tous les trois ans.
Quant aux stratégies nécessaires pour gérer les crises, elles doivent contenir les
bonnes pratiques inspirées par l’expérience internationale. Pour cela, il est nécessaire :
• d’établir l’importance systémique des conglomérats financiers dans le pays
d’origine et des succursales des conglomérats financiers dans le pays de destination ;
• de développer des mécanismes de coopération entre les surveillants des
différents secteurs et d’assurer de la liquidité en cas d’urgence ;
• de définir des règles légales en cas de fermeture de banques insolvables.
Compte tenu de la dimension des conglomérats qui exercent leur activité au niveau
européen et de la difficulté à les surveiller, des efforts importants ont été réalisés pour
renforcer la transparence et la discipline de marché, pour développer et implémenter les codes
et les standards internationaux voués à prévenir l’apparition des crises.
Le Conseil de l’UE a approuvé un ensemble de principes communs sur lesquels
doit se fonder la coopération entre les autorités nationales pour maintenir la stabilité
financière dans l’Union. Il faut respecter ces principes lorsqu’on gère toute crise financière
transfrontalière qui peut avoir des implications systémiques, à savoir les crises qui impliquent
au moins un groupe bancaire qui : (a) exerce une activité transfrontalière substantielle ; (b) est
confronté à des problèmes sévères qui pourraient produire des effets systémiques au moins

232
dans un état membre et (c) est considéré comme présentant un risque potentiel de devenir
insolvable. Les principes communs stipulent que (la BNR, 2008) :
• l’objectif du management des crises est de protéger la stabilité du système
financier dans tous les états impliqués et du système financier de l’UE dans son ensemble,
ainsi que de minimiser l’impact économique négatif avec un coût total collectif le plus faible ;
• les fonds publics sont utilisés pour traiter une crise seulement lorsque l’objectif
de l’intervention est de remédier à de graves perturbations de l’économie et seulement
lorsqu’on estime que les bénéfices sociaux généraux dépassent les coûts de la recapitalisation
faite avec des fonds publics. Les circonstances ainsi que le moment d’une potentielle
intervention publique ne peuvent pas être établis à l’avance ;
• la participation totale dans la gestion d’une crise sera assurée, dans une étape
inchoative, par les états membres qui pourraient être affectés par l’intermédiaire des
institutions individuelles ou des infrastructures.
Cependant, le maintien de la stabilité financière ne peut pas être réalisé seulement
en signant un MoU, parce que nous avons besoin d’accords internationaux solides. Il est
nécessaire d’avoir un accès commun à une base de données portant sur les sociétés
transnationales et sur les participants à la surveillance pour que les surveillants nationaux
puissent détecter à temps les signaux d’une crise possible. Cela signifie plus que la signature
d’un MoU et n’implique pas nécessairement des changements dans la structure de la
surveillance, mais plutôt dans la manière dont les institutions concernées travaillent.
L’organisation de la surveillance au niveau européen demande un système législatif qui
dépasse significativement les limites d’une Directive. Une harmonisation de la loi sur la
faillite est aussi nécessaire. Au niveau de l’UE, un élément systémique d’un pays doit être mis
en balance avec les éléments non systémiques des autres pays.

4.1.4. La présence des conglomérats en Roumanie et leur


surveillance

Le Groupe Technique Mixte, responsable pour la régulation et la surveillance au


niveau de l’UE, a réalisé en avril 2006 un inventaire des conglomérats financiers actifs dans
l’Union Européenne. Parmi les conglomérats qui exercent leur activité au niveau européen et
qui sont présents en Roumanie, nous rappelons : Erste Bank, ABN Amro, Société Générale,
OTP, San Paolo, UniCredit, Alpha Bank et ING. Comme le montre aussi une étude de Merrill

233
Lynch (2008), ces conglomérats sont présents dans la plupart des pays est-européens et un
problème survenant sur l’un de ces marchés peut facilement se propager au niveau européen.
La Figure 40 présente l’exposition des conglomérats actifs sur les marchés de l’Europe de
l’Est en ce qui concerne l’activité bancaire.
Nous observons que deux conglomérats ont une présence significative en
Roumanie. Nous parlons ici d’Erste et de la Société Générale. Aussi, la coopération des
autorités roumaines avec les autorités similaires d’Autriche, de France, mais aussi de Grèce
(voir aussi la présence de Piraeus et d’Alpha) est extrêmement importante.

Figure 40 : Le portefeuille de crédits des conglomérats en Europe de l’Est (mil. EUR)


90000
80000
70000
60000
50000
40000
30000
20000
10000
0
Unicredit Raiffeisen Erste Soc Gén OTP Piraeus Alpha

Ukraine Hongrie Roumanie Bulgarie Tchéquie Slovaquie Pologne Russie Turquie Autres

Source : Merrill Lynch (2008)

La BNR a pris quelques mesures pour prévenir le risque systémique généré par les
conglomérats financiers. En adaptant la législation à l’acquis communautaire, la BNR a la
possibilité d’échanger des informations avec les autorités de surveillance des pays partenaires.
Cependant, ces échanges d’informations se limitent seulement à la surveillance des
succursales des banques étrangères.
De cette façon, la Loi no. 58/1998 prévoit que pour le contrôle des succursales
ouvertes par les banques de personnalité juridique roumaine, dans les états membres, « la
Banque Nationale de Roumanie peut effectuer des inspections au siège de ces succursales
après avoir informé en préalable les autorités compétentes des pays membres où les
succursales exercent leur activité ou peut demander à ces autorités de réaliser le contrôle ».
De l’autre côté, si les autorités compétentes des pays membres, responsables pour la
surveillance consolidée des établissements de crédit, filiales d’un holding financier qui a son
siège en Roumanie, lui demandent, la Banque Nationale de Roumanie est autorisée à solliciter

234
des holdings toutes les informations pertinentes pour réaliser une surveillance consolidée,
informations qu’elle enverra ensuite aux autorités qui les ont demandées.
A la fin 2006, l’Ordonnance d’Urgence du Gouvernement no. 98/2006 portant sur
la surveillance supplémentaire des institutions de crédit, des sociétés d’assurances et/ou de
réassurance, des sociétés d’investissements financiers et des sociétés d’administration des
investissements dans un conglomérat financier a été publiée (en effet, la Directive
2002/87/EC a été appliquée). En même temps, la législation secondaire qui assure la
transposition des stipulations de nature technique présentes dans les régulations
communautaires concernant les conglomérats financiers, a été achevée et publiée.
Quant à la coopération avec les institutions de surveillance des états européens, la
BNR a signé quelques MoU avec les autorités de régulation et de surveillance des pays tels :
le Chypre, la Grèce, l’Italie, l’Allemagne, l’Hollande, la France, l’Hongrie. La structure des
MoU est similaire, faisant référence à l’échange d’informations concernant l’autorisation des
institutions, l’assistance accordée, les inspections et les audits, la surveillance continue, la
confidentialité de l’information ou le support technique.
De tels MoU ont été aussi conclus par l’autorité de surveillance du marché du
capital. La CNVM a signé des accords avec les autorités de surveillance de différents pays
européens, et pas seulement avec eux, pour n’en donner que quelques exemples : la Grèce, le
Portugal, Chypre, la Turquie, la Moldavie, le Luxemburg, l’Italie, la Pologne, la Bulgarie, la
Chine, la Lituanie, la Croatie, la République Chèque, la Hongrie, l’Espagne, l’Albanie, etc.
Ces accords prévoient des consultations entre les parties et la confidentialité.
Les MoU signés par la CNVM font référence :
• à la manipulation du marché et aux autres pratiques frauduleuses ;
• à l’application des lois, des règles et des réglementations liées à l’émission, la
transaction, la négociation, l’administration et la consultation en relation avec les valeurs
mobilières ;
• aux demandes liées à l’expérience professionnelle et la bonne réputation des
personnes physiques et juridiques autorisées à dérouler des activités sur le marché de capital ;
• aux obligations des émetteurs et de ceux qui font des offres pour les valeurs
mobilières de fournir des informations pertinentes pour les investisseurs.
La CSA n’a pas signé des MoU avec les autorités de surveillance des autres pays
européens. Une des raisons est que le marché est faiblement développé et que le risque
systémique est jusqu’à présent réduit. Mais, compte tenu du développement de ce marché et

235
du fait que la majorité des conglomérats financiers présents en Roumanie pratiquent aussi des
activités dans les secteurs des assurances, les autorités roumaines devraient être conduites à
signer des accords internationaux.

4.2. La surveillance de l’évolution des prix des actifs

Les bulles spéculatives des prix des actifs financiers et immobiliers, mais surtout
l’éclatement de ces bulles, ont des implications négatives tant sur la stabilité financière que
sur la stabilité des prix , les objectifs principaux des banques centrales. Par conséquent, une
surveillance plus attentive de l’évolution des prix des actifs s’avère nécessaire parce que leur
volatilité élevée représente un autre défi important pour la stabilité financière.
Les opinions sur ce sujet sont variés dans la littérature, allant de l’ignorence totale
de l’évolution des prix des actifs par les banques centrales à la solution extrême où les prix
des actifs sont considérés comme l’objectif ultime de la politique monétaire. Si l’opportunité
de l’intervention est intensément analysée, les débats sur le choix des instruments
d’intervention en fonction de la nature des actifs, sont presque inexistants. Dans cette section
nous ne proposons à analyser ces aspects et de voir en même temps si la politique monétaire
de la BNR peut influencer l’évolution des prix des actifs financiers. Une telle analyse est
importante parce que le problème de la volatilité des prix des actifs devient essentiel avec le
développement du marché du capital en Roumanie.
La majorité des observateurs s’accordent sur le fait que les krachs des prix des
actifs représentent des sources d’instabilité financière qui peuvent souvent dégénérer dans une
crise financière. Par contre, la plupart des études se sont concentrées sur les implications des
booms des prix des actifs sur la stabilité des prix. La stabilité des prix peut être affectée par
une instabilité financière dégénérant en crises financières. Ces crises sont fondées sur des
déséquilibres dans le secteur bancaire, sur le marché du capital ou dans l’économie réelle. On
voit donc pourquoi, à côté de la solidité du secteur bancaire, l’évolution des prix des actifs est
très importante pour la stabilité financière systémique. Quelques remarques concernant
l’évolution des prix des actifs sont cependant nécessaires : le problème n’est pas généré par le
boom lui-même, mais par le krach éventuel qui peut le suivre ; les bulles spéculatives sont

236
généralement celles qui entraînent des krachs violents, les booms de prix étant plutôt associés
à une évolution des prix des actifs à moyen et long terme91.
La littérature sur ce thème est scindée en deux. Certaines études analysent la
nécessité d’inclure l’évolution des prix des actifs dans les stratégies de politique monétaire
des banques centrales, pour accomplir l’objectif de stabilité des prix. D’autres études se
concentrent sur la nécessite des banques centrales de prendre en considération l’évolution des
prix des actifs pour éviter l’instabilité financière92.
Notre objectif est d’analyser les implications de l’évolution des prix des actifs sur
la stabilité financière, sans faire abstraction de son impact sur la stabilité des prix. La stabilité
des prix représentant une condition pour atteindre la stabilité financière, tous les éléments
analysés de la perspective de la stabilité des prix sont dignes d’être pris en considération pour
garantir la stabilité financière. Autrement dit, nous soutenons le fait que la banque centrale
doit prêter attention à l’évolution des prix des actifs tant du point de vue de la stabilité
monétaire que du point de vue de la stabilité financière. Même si le taux d’intérêt n’est pas le
meilleur instrument d’intervention pour corriger les déséquilibres dans les prix des actifs, la
banque centrale a la possibilité d’utiliser d’autres mécanismes ou instruments dont elle
dispose : des messages envoyés au marché, des rapports ou même des mesures pour la
contraction du crédit lorsqu’on constate que l’endettement excessif sur le marché du crédit
engendre la formation de bulles spéculatives sur le marché du capital. Cependant, l’usage de
ces instruments doit tenir compte des caractéristiques du système financier de chaque pays et
du type d’actifs dont les prix sont surveillés.
Nous nous concentrons sur l’analyse des éléments qui, à notre avis, sont très
importants pour l’accomplissement des deux objectifs des banques centrales, de stabilité des
prix et de stabilité financière : le moment de l’intervention et les instruments utilisés pour
corriger les bulles sur les prix des actifs. En fontion de la nature des bulles spéculatives, les
instruments d’intervention des banques centrales peuvent varier et il faut faire une distinction
entre le marché des actions et le marché des actifs immobiliers. A la fin du sous-chapitre,
nous analysons les aspects qui caractérisent la façon dont on approche la problématique des
prix des actifs au niveau de la BCE et au niveau national, démontrant que l’évolution de

91
Illing (2001) définit la « bulle » de la manière suivante : « à cause des surinvestissements dans le secteur
risqué, le prix des actifs de ce secteurs (ou la rente) s’éloigne des valeurs fondamentales ». De cette façon, la
bulle est considérée comme une « distorsion du prix relatif d’un actif ».
92
Il s’agit des actifs financiers (représentés surtout par les actions des sociétés cotées en bourse), mais aussi des
actifs réels (où les prix des immeubles soulèvent un problème important).

237
l’indice BET n’a pas été considérablement influencée par les décisions de politique monétaire
de la BNR (par exemple, le pilotage des taux d’intérêt)93.

4.2.1. Prix des actifs et stabilité financière

Nous commençons avec l’analyse des implications des prix des actifs sur la
stabilité financière. La volatilité des prix des actifs représente l’une des quatre grandes
catégories de facteurs qui déterminent l’instabilité financière, à côté de l’augmentation des
taux d’intérêt, de l’augmentation de l’incertitude et des problèmes dans le secteur bancaire
(Mishkin, 1997). Les crises des marchés d’actions jouent un rôle très important parce qu’elles
mènent à une baisse de la valeur de marché des firmes, ce qui se traduit par une diminution
des investissements. Les bulles des prix d’actifs peuvent affecter la stabilité financière et
réduire le bien-être collectif (Weber, 2005).
Même si les corrections importantes et brusques des prix d’actifs financiers n’ont
pas toujours des implications systémiques, les institutions financières fortement endettées
peuvent être affectées de façon directe. Les créditeurs en seront implicitement touchés parce
que la valeur des garanties diminue. Trichet (2003) soutient que l’ampleur d’une crise
systémique dépend de l’importance de l’écart entre les prix des actifs et leurs valeurs réelles
(qui ont à la base des fondements économiques). Les crises financières sont souvent
engendrées par les bulles spéculatives qui apparaissent à cause du manque de transparence du
marché, des conflits d’intérêt ou des stratégies déstabilisantes.
Cependant, des avis contraires ou nuancés sont avancés. Allen et Wood (2006) ne
considèrent pas que la volatilité des prix des actifs caractérise l’instabilité financière. Ils
soutiennent que, même si les fluctuations affectent l’efficacité du marché financier, ce n’est
pas la même chose de dire que la stabilité des prix d’actifs est une caractéristique de la
stabilité financière. Une variation significative des prix d’actifs peut entraîner l’instabilité
financière, mais elle n’équivaut pas à un épisode d’instabilité financière. Ils considèrent que le
maintien de la stabilité financière aurait des coûts élevés si la stabilité des prix d’actifs était
une composante de la stabilité financière. De plus, ils argumentent que les participants au
marché ne peuvent pas savoir si la variation des prix d’actifs est justifiée ou non.

93
Le taux d’intérêt de référence se calcule conformément à la BNR, comme une moyenne arithmétique pondérée
par le volume des transactions, des taux d’intérêt pour les dépôts collectés par la BNR et des opérations reverse
repo (cession–rétrocession) du mois précédent au mois pour lequel on fait l’annonce. La notion de « taux
d’intérêt de politique monétaire » est le plafond des taux d’intérêt auquel la BNR attire du marché interbancaire
des dépôts à deux semaines (même à un mois par le passé).

238
Ces auteurs ne donnent pas de définition de la stabilité des prix des actifs. Il ne
faut pas considerer la stabilité des prix au sens de leur fixation, mais plutôt une réduction de la
volatilité élevée qui peut se transformer en krach aux implications sévères sur la stabilité
financière. « La stabilité des prix ne signifie pas que les prix des actifs sont fixés » (Schinasi,
2003). En général, la stabilité signifie l’absence de fluctuations qui peuvent avoir des
conséquences négatives sur l’économie réelle. Trop de volatilité dans le prix des actifs
conduit généralement à une augmentation de la volatilité des marchés financiers ou à
l’instabilité. Néanmoins, dans des limites normales, la volatilité apporte sa contribution au
réglage des déséquilibres du marché.
Conscients des implications négatives de la volatilité élevée des prix des actifs,
certains poussent encore plus loin leur analyse et identifient les facteurs qui se trouvent à la
base de l’apparition des bulles sur les prix d’actifs. De cette manière, Borja et Goyeau (2007)
montrent que l’augmentation de la liquidité internationale et certaines décisions de politique
monétaire ont entraîné une augmentation exponentielle des prix, mais seulement pour les
Etats-Unis et la zone euro. Quant aux pays ASEAN (l’Association des Nations des l’Asie de
Sud–Est), les prix d’actifs n’ont pas été affectés par la liquidité internationale. Une étude
similaire est celle menée par Aubin et al. (2006) qui montre que la réduction de la vitesse de
circulation de la monnaie sur ces dernières années a eu comme conséquence une
augmentation de la demande de monnaie et un excès de liquidité qui ont entraîné une
augmentation exponentielle du prix des actifs réels et financiers.

4.2.2. Le rôle des banques centrales sur le marché des actifs

La liaison entre bulles des prix d’actifs et politique monétaire représente « un des
plus grands défis du début du XXIème siècle pour les banques centrales modernes » (Trichet,
2005). Le maintien de la stabilité des prix pendant les crises financières est difficile. Il est
important pour une banque centrale qu’elle sache si un certain mouvement des agrégats
monétaires ou du crédit reflète le phénomène inflationniste des bulles financières.
Les opinions diffèrent lorsqu’il s’agit du rôle des banques centrales dans la gestion
de l’évolution des prix d’actifs. Il y a aussi des divergences liées à la pertinence des
interventions des banques centrales, aux instruments utilisés et aux conditions où ces
interventions peuvent être faites.

239
Dans ce qui suit, nous présentons les opinions de quelques auteurs qui pensent que
la banque centrale ne doit pas tenir compte de l’évolution des prix des actifs. Illing (2001)
construit un modèle théorique partant du lien entre fragilité financière, marchés des actifs et
politique monétaire et montre que justement les préoccupations de la banque centrale liées
aux coûts de quelques graves turbulences financières peuvent générer une réponse
asymétrique qui contribue à la création d’une bulle des prix d’actifs. Dans une économie où
l’endettement est élevé (high leverage), la banque centrale est incitée à prévenir la « ruée aux
guichets » en injectant des liquidités lorsque les prix d’actifs baissent de façon significative.
Les investisseurs qui ont contracté des dettes pour investir, anticipent de façon rationnelle
cette injection de liquidités et provoquent une croissance du prix des actifs au-delà de leur
valeur fondamentale. Il considère qu’il n’est jamais bénéfique de contraindre la banque
centrale à mettre en pratique une règle mécanique, en l’obligeant à donner une réponse
symétrique, prédéterminée, au changement de prix des actifs.
De même, Bernanke et Gertler (2001) et Davis (2003) et montrent qu’il n’est pas
nécessaire que la banque centrale réponde aux mouvements des prix des actifs. Ils soutiennent
que, du point de vue historique, de tels essais par les banques centrales ont influencé la
psychologie du marché, ce qui peut s’avérer dangereux. Illing (2006) adopte la même
position. Il soutient que les interventions des banques centrales des booms des actifs
immobiliers à l’aide du taux d’intérêt, n’éliminent pas la fragilité financière, mais au
contraire, elles les amplifient.
Mishkin (2001) n’est pas convaincu par le fait que les autorités monétaires peuvent
améliorer leurs performances en tentant d’intervenir lors d’une bulle. Un problème qui peut
apparaître en cas d’intervention est, selon lui, la perte de la crédibilité de la banque centrale.
La majorité des fluctuations des prix d’actifs ne sont pas provoquées par des changements des
décisions de politique monétaire, mais plutôt par un effet moutonnier.
De l’autre côté, on trouve aussi de nombreux observateurs favorable à la prise en
considération des prix d’actifs dans l’élaboration des stratégies de politique monétaire, mais
seulement une partie d’entre eux soutient l’idée extrême, celle que la surveillance des prix
d’actifs doit devenir l’objectif principal des banques centrales. Ces auteurs considèrent que les
liaisons entre politique monétaire et marchés du capital sont devenues de plus en plus étroites
et les banques centrales ne surveillent pas seulement le secteur bancaire, mais tous les risques
qui menacent la stabilité financière.
Pour Patat (2000), une croissance exagérée des prix des actifs financiers peut
représenter un risque pour la stabilité financière et pour la stabilité monétaire. Borio et al.

240
(2001) considèrent que si les prix des actifs sont peu volatils, les pertes de crédit seront aussi
plus réduites.
Les prix des actifs financiers et immobiliers influencent le taux de l’inflation mais
l’effet est inégal dans des pays différents (Icard, 2006). De plus, le prix des actifs influence la
solvabilité des banques, et une analyse des prix d’actifs permet une meilleure connaissance
des interactions entre les sphères réelle et financière. Malgré tout cela, l’intégration des prix
d’actifs dans l’indice des prix de consommation, pour une meilleure prédiction de l’évolution
des prix, soulève une série de problèmes, et le gain est discutable. Une meilleure solution est
de regarder parallèlement les prix d’actifs et les agrégés de crédit. Icard soutient le fait que les
prix d’actifs ne peuvent pas constituer l’objectif final de la politique monétaire, mais ils
doivent figurer dans la multitude des variables observées par les banques centrales.
Parmi ceux qui soutiennent la nécessité de l’implication des banques centrales
dans l’analyse de l’évolution des prix d’actifs se trouvent aussi Goodhart et Hofmann (2002),
qui montrent à l’aide d’un modèle théorique que la demande future et l’inflation de G7 sont
influencées aussi bien par le taux de change que par les prix des actifs financiers et
immobiliers. Selon eux, l’exclusion des prix d’actifs des variables prises en considération
dans les décisions de politique monétaire conduit à un résultat sous-optimal en termes
d’inflation et de variabilité de l’écart de production. Le résultat s’explique par une corrélation
positive entre le taux d’intérêt réel et les prix d’actifs, qui apparaît lorsque la banque centrale
réagit aux fluctuations des prix d’actifs (par une augmentation du taux d’intérêt) pour
stabiliser le l’écart de production. Dans le cas du taux de change, l’explication réside dans le
fait qu’une croissance des prix d’actifs entraîne une augmentation des entrées de capital, ce
qui conduit à une appréciation de la monnaie. Ils proposent même l’introduction des prix
d’actifs dans l’Indice des Prix de Consommation, ce qui représente une solution extrême.
De nombreuses études groupent ces prises de position au sein de certaines
théories. Tymoigne (2006) compare le cadre d’analyse post-keynésien et le « nouveau
consensus ».
L’approche dominante dans le cadre du « nouveau consensus » est la négligence
bénigne (benign neglect). L’inclusion des prix d’actifs dans la prise des décisions de politique
monétaire n’est alors pas nécessaire et, de plus, peut devenir contre-productive. Les
déséquilibres financiers de l’économie sont importants. La banque centrale devrait s’occuper
de l’inflation et des déséquilibres financiers et non pas directement de l’observation et de la
correction de l’évolution des prix d’actifs. L’autre approche dans le cadre du « nouveau
consensus », cependant minoritaire, porte sur la nécessité de l’intervention de la banque

241
centrale pour stopper le développement d’une bulle des prix d’actifs. Cette approche dépasse
le cadre de la stabilité des prix. La gestion des prix d’actifs ne doit pas représenter une règle,
mais une « tâche additionnelle » pour les banques centrales. L’observation de l’évolution des
prix d’actifs ne doit pas être journalière si ces informations ne contribuent pas à l’amélioration
des attentes liées à l’inflation.
De l’autre côté, les post-keynésiens montrent que les trois éléments sont
complémentaires. En assurant une structure financière stable, la banque centrale promeut la
stabilité des prix et maintient facilement un niveau d’emploi acceptable. La fonction
principale de la politique monétaire se dirige dans ce cas vers la stabilisation des prix des
actifs.
Par l’intermédiaire d’une autre classification des théories, Detken et Smets (2004)
distinguent une approche réactive et une approche préventive des banques centrales vis-à-vis
de l’évolution des prix des actifs. Dans le premier cas, l’autorité monétaire attend d’identifier
le péril d’un éventuel effondrement et intervient ensuite. Dans le cas de la politique
préventive, l’intervention se produit au moment de l’apparition du boom et de l’expansion du
crédit. Greenspan, l’ancien président du FED, optait pour la réactivité, son argument étant
qu’il est difficile de prévoir ex-ante le risque et le moment de l’intervention en pourra être
retardé. En même temps, une intervention ex-ante pourrait conduire à un effet plus fort qu’il
est nécessaire. Une approche opposée serait la prévention, qui se manifeste par une politique
monétaire restrictive au moment de la montée des déséquilibres, même si une telle
intervention entraîne un taux d’inflation inférieur à celui souhaité.
Trichet (2005) distingue à son tour quatre approches concernant la nécessité de
l’intervention de la banque centrale sur les prix des actifs, affirmant que seules les approches
modérées sont dignes d’être prises en considération :
• L’approche orthodoxe, qui n’attribue pas un rôle particulier aux prix d’actifs.
Dans sa version la plus solide, la stabilité des prix est suffisante pour assurer la stabilité
financière, mais elle est généralement rejetée ou infirmée par les tests empiriques. Une
version un peu plus modérée soutient qu’à long terme la stabilité des prix contribue à la
stabilité financière et cette version a beaucoup d’adeptes parmi les banquiers centraux. Elle
avance l’idée que les prix des actifs devraient être ignorés, sauf s’ils présentent un potentiel
impact sur la stabilité des prix.
• Le ciblage des prix des actifs est une vision extrême de cette approche qui
propose d’intégrer les prix d’actifs dans l’IPC. Cette idée n’est pas tout à fait adéquate parce

242
que les prix d’actifs sont volatils et font référence à la consommation future. La pression sur
les banques centrales est alors considérable, donc la solution est considérée comme extrême.
• De courtes interventions sur les bulles des prix des actifs (pricking the bubble)
est une approche qui fait partie de l’approche « liquidationiste » (liquidationist view) et qui a
quelques avocats parmi le conseil des gouverneurs de la FED. Ils plaident pour une forte
réaction de la politique monétaire sur les mouvements du marché qui entraînera la liquidation
des positions risquées.
• La tendance à agir contre le vent est une approche qui, pour résumer,
représente une modification à court terme du taux d’intérêt pour assurer la stabilité financière,
chaque fois qu’on observe la montée d’un boom des prix. Le motif de l’intervention tient au
fait qu’un éventuel éclatement d’une bulle peut affecter le processus d’intermédiation dans
son ensemble parce que la baisse de la valeur des garanties affecte le crédit (ce qui s’est
d’ailleurs produit récemment pendant la crise immobilière des Etats-Unis, de septembre
2007). Cette approche est plausible seulement si la possibilité de dégonfler la bulle est réduite
à court terme et si les bulles sont assez sensibles au changement des taux d’intérêt.
Une dernière classification des approches sur les prix des actifs est proposée par
Caruana (2005) qui s’applique à son tour à distinguer deux écoles de pensée différentes. La
première école, représentée par Bernanke et Gertler (2001), argumente que la banque centrale
doit intervenir lorsqu’il y a des changements dans les prix d’actifs seulement si les objectifs
de politique monétaire en sont affectés. Il s’agit d’une approche pessimiste liée à la capacité
de la banque centrale à identifier les déviations des prix des actifs de leurs fondamentaux.
Ensuite, même si une telle déviation peut être identifiée, la capacité de la banque centrale à
intervenir sur la bulle est mise en question. Selon cette approche, toute action préventive
serait difficile à expliquer au public parce qu’elle supposerait un éloignement par rapport aux
objectifs de politique monétaire et pourrait s’avérer coûteuse en terme de réputation. Puis, si
la bulle est sur le point d’entraîner un krach, une politique monétaire restrictive peut aggraver
les impulsions de récession pour corriger les prix d’actifs.
La deuxième approche regroupe ceux qui recommandent un environnement plus
flexible où la banque centrale essaie d’identifier et de répondre au non-alignement des prix,
pour améliorer les performances macroéconomiques (Cecchetti et al., 2002). Selon cette
théorie, les prix des actifs ne doivent pas être ciblés de façon directe, et la réponse de la
politique monétaire ne doit pas être mécanique, mais doit prendre en considération la nature
des sources qui ont généré la déviation des prix. Par exemple, si la modification des prix est
provoquée par une modification des fondamentaux (de la productivité par exemple), une

243
réaction de la part des banques centrales ne serait pas utile. Cependant, si les modifications ne
s’expliquent pas à l’aide des fondamentaux, une politique monétaire restrictive dans la phase
de création de la bulle (upswing) amortira l’impact de la bulle sur les investissements et sur la
consommation et conduira à la stabilité macroéconomique.
Au total, on constate que la relation entre prix d’actifs et la politique monétaire est
ambiguë. Certains auteurs soutiennent qu’une évolution inappropriée des prix d’actifs affecte
la politique monétaire, d’autres adoptent l’idée que les interventions seraient risquées car elles
généreraient la fragilité financière au lieu de l’éliminer. Ces études n’ont pas analysé de façon
détaillée les conditions où il faut intervenir, le moment choisi ou les instruments à utiliser. En
même temps, on doit distinguer les prix des actifs financiers des prix des actifs immobiliers.
Selon nous, la banque centrale doit prendre en considération l’évolution des prix des
actifs lorsqu’elle développe ses stratégies de politique monétaire94. En même temps, nous
croyons que la banque centrale doit intervenir sur une évolution défavorable des prix lorsque
la stabilité du système est menacée, même si le taux d’intérêt n’est pas le meilleur instrument
dans ce sens. Il faut que les banques centrales agissent de manière préventive et utilisent les
instruments permettant d’assurer, à moyen et long terme, l’équilibre entre stabilité des prix et
stabilité financière.

4.2.3. Les conditions d’intervention des banques centrales et les


instruments disponibles

Nous parlons d’abord des conditions qui doivent exister sur les marchés pour que
l’intervention de la banque centrale soit opportune, et ensuite nous analysons brièvement les
moyens possibles à l’aide desquels cette intervention peut être mise en pratique, tout en
distinguant en même temps les actifs financiers des actifs immobiliers.
Dans une petite économie ouverte, la probabilité que la banque centrale puisse
s’opposer à une tendance générale des prix des actifs est réduite. Cette idée est aussi avancée
par Trichet (2005). Une banque centrale, surtout dans une petite économie, n’a pas la capacité
de s’opposer à une évolution générale des prix d’actifs qui sont influencés par les évolutions
des prix au niveau international. Trichet affirme qu’il faut identifier les bulles parce que
seules les bulles nécessitent une éventuelle intervention. On distingue ici une première

94
Nous soutenons l’approche « d’agir contre le vent » présentée par Trichet. Pratiquement, en adoptant cette
stratégie on peut aussi agir sur la procyclicité, par une réponse symétrique de la politique monétaire.

244
condition pour le succès d’une intervention : une grande économie, avec une banque centrale
puissante et crédible.
Il faut aussi distinguer boom et bulle. Ce ne sont pas les booms qui sont dangereux,
mais les bulles spéculatives qui entraînent des krachs. Ensuite, il est nécessaire de voir si les
bulles des prix d’actifs affectent l’objectif de politique monétaire à long terme, mais aussi la
stabilité du secteur financier qui est tout aussi importante. Les bulles se développent plus
facilement en cas de surliquidité et d’expansion du crédit. Il est vrai aussi qu’une politique
monétaire centrée sur la stabilité réduit la probabilité d’apparition de bulles.
Detken et Smets (2004) préfèrent cependant parler seulement des booms et
distinguent les booms à coûts élevés de ceux à coûts réduits, en analysant les caractéristiques
des politiques monétaires dans le contexte de ces types de booms (les changements dans le
taux d’intérêt à court terme, la déviation des agrégats monétaires et de crédit par rapport aux
cibles établies). Ils soutiennent la nécessité d’une intervention seulement dans le cas de booms
à coûts élevés, qui sont suivis d’une récession longue. Leurs résultats ont cependant montré
que le taux d’intérêt ne donne pas une réponse significative aux booms des prix d’actifs.
Un autre aspect qui influence l’intervention, est le poids du marché du capital au
sein du système. Dans une économie où le marché du capital est réduit, les effets de bien-être
des prix d’actifs ne devraient pas avoir un impact significatif sur les mécanismes de
transmission de la politique monétaire (Illing, 2001). Les effets bilanciels, les plus importants
propagateurs de l’influence des prix d’actifs sur l’économie réelle, perdent une partie de leur
importance dans une économie fondée sur des relations d’intermédiation, parce que celles-ci
réduisent dans une certaine mesure les asymétries d’information, un élément central de la
naissance des bulles. Pour des raisons similaires, l’exposition au risque systémique provoqué
par un effondrement des prix d’actifs semble être plus réduite dans la zone euro qu’aux Etats-
Unis. En divisant les pays en fonction de la structure de leur secteur financier, market-based
ou bank-based, Cecchetti (2006) parvient à la conclusion que les pays où le financement est
passe de façon prépondérante par l’intermédiaire du marché du capital, ont une adversité plus
grande au risque lié au boom des actifs financiers, mais cette différence n’a pas pu être établie
pour le boom des prix des actifs immobiliers.
De l’autre côté, dans le cas d’une économie où l’endettement est élevé, économie
caractérisée par une forte exposition des intermédiaires, un krach peut entraîner une « ruée
aux guichets », provoquant ainsi une perturbation de l’intermédiation et une liquidation rapide
et coûteuse des actifs réels, en absence d’intervention de la banque centrale. En conclusion,
les économies où l’activité boursière est intense, ou celles où les agents économiques

245
contractent des dettes excessives pour réaliser des investissements immobiliers, sont plus
exposées aux chocs éventuels dans les prix d’actifs. Bohl et al. (2007) partagent aussi cette
position.
En même temps, il est très important de distinguer les prix des actifs financiers des
prix des actifs immobiliers lorsqu’on analyse l’opportunité de l’intervention de la banque
centrale. Dans la littérature, on fait rarement la différence entre prix des actifs financiers et
prix des actifs immobiliers, lorsqu’on parle de la relation entre politique monétaire et prix des
actifs et, par transitivité, lorsqu’on parle de stabilité financière. Cette distinction est
extrêmement importante parce que les instruments d’intervention sont généralement
différents. Même si la majorité des études se concentrent sur les prix d’actions parce que les
krachs boursiers sont souvent à l’origine des crises financières, les spéculations sur le marché
immobilier peuvent s’avérer tout aussi importantes. Une baisse brutale des prix mettrait le
système bancaire en danger, par la réduction de la valeur des garanties. Deuxièmement, l’effet
de bien-être disparaîtrait et la consommation et l’investissement chuteront, affectant ainsi la
croissance économique. Pour les actifs immobiliers, les hypothèses d’un marché parfait
n’existent plus. L’achat immobilier est souvent accompagné d’endettement. De l’autre côté,
les investisseurs en bourse ont généralement des revenus supérieurs à la moyenne et une
possible baisse des prix n’affecterait pas leur consommation dans la même mesure.
Les prix des immeubles sont certainement plus sensibles aux taux d’intérêt tandis
que les prix des actions sont plus sensibles aux rumeurs. Les booms des prix d’actifs
immobiliers sont moins fréquents et le recul en est plus réduit. Malgré tout cela, en analysant
les données historiques, on observe que les krachs sur le marché immobilier suivent 40% des
booms tandis que, sur le marché des titres, le pourcentage n’est que de 25% (Trichet, 2005).
Les études de Gjedrem (2005) et Cecchetti (2006) montrent que les prix d’actifs
immobiliers affectent la croissance et l’inflation tandis que les booms des prix des actions ont
un impact plus réduit. Les effets de bien-être entraînés par le boom provoquent une
augmentation de la consommation qui génère des pressions inflationnistes, ce qui peut
affecter la stabilité financière. Les garanties des crédits sont surévaluées et lorsque
l’effondrement se produit, les bilans des intermédiaires financiers en sont affectés. Cette
situation demande l’intervention de la banque centrale.
Nous considérons que les banques centrales doivent intervenir pour tempérer la
croissance des prix sur le marché immobilier. Si la croissance des prix est fondée sur un
endettement élevé du secteur privé, les banques centrales peuvent intervenir en imposant des

246
restrictions directes sur le crédit, en augmentant les réserves minimales obligatoires ou en
majorant le taux d’intérêt. Dans cette situation, le dernier instrument peut s’avérer efficace95.
De l’autre côté, les investisseurs sur le marché des actifs financiers ont
généralement des revenus supérieurs à la moyenne. Dans une économie avec un marché
financier faiblement développé, comme c’est le cas de la Roumanie, les investissements
boursiers n’impliquent généralement pas d’endettement des investisseurs auprès du secteur
bancaire. Ces investissements sont réalisés à court ou à moyen terme et la spéculation joue un
rôle important. Dans cette situation, les instruments de politique monétaire ne sont pas trop
efficaces, la place boursière étant largement influencée par le contexte externe. Dans ces
conditions, nous recommandons de présenter des analyses qui permettent une plus grande
transparence du marché et qui peuvent ainsi apporter leur contribution à une légère correction
des prix.
Après avoir vu que les moyens d’intervention des banques centrales doivent tenir
compte de la nature des actifs, nous procédons à l’analyse de ces instruments. Le taux
d’intérêt représente effectivement un instrument important à la portée des autorités
monétaires. Même si certains auteurs soutiennent que cet instrument peut être utilisé pour
corriger les déséquilibres des prix des actifs, les risques adjacents à son emploi sont
importants96. Il est pourtant à regretter que la plupart des études de la littérature se concentrent
sur le taux d’intérêt comme seul instrument d’intervention. Son application peut être utile au
cas de booms des prix immobiliers, mais cet instrument est moins efficace lorsqu’il s’agit des
actifs financiers (des actions)97.
Trichet (2002) reconnaît le double intérêt des études sur les évolutions des prix des
actifs : « Les variations importantes dans les prix des actifs concrétisées par l’apparition des
bulles financières sont susceptibles de compromettre l’objectif majeur des banques centrales,
mais elles peuvent affecter en même temps la stabilité financière, un autre objectif
important ». Il met en évidence plusieurs canaux possibles par l’intermédiaire desquels le taux
d’intérêt de référence peut influencer les prix des actifs :
- les variations du taux d’intérêt modifient les anticipations des agents sur la
croissance économique et sur les bénéfices qui peuvent être obtenus ;

95
L’utilisation du taux d’intérêt pour prévenir les bulles sur les marchés des actifs peut être utile pendant les
périodes à inflation élevée.
96
Ces risques dépendent aussi des conditions macroéconomiques de la période respective (le niveau de
l’inflation, le processus de croissance économique, etc.).
97
Lorsqu’on parle d’actifs financiers nous faisons référence en principal aux actions. Le taux d’intérêt a
certainement une influence significative sur les prix des obligations, mais, ayant en vue la dimension réduite du
marché des obligations de Roumanie, nous préférons associer les prix des actifs financiers aux prix des actions.

247
- les décisions de politique monétaire peuvent modifier différents taux
d’actualisation qui sont appliqués par les agents dans la formation des anticipations ;
- les variations du taux d’intérêt engendrent des modifications dans les
portefeuilles d’actifs, ce qui provoque des variations de leurs prix relatifs.
Pour Weber (2005), il n’est pas clair si la politique monétaire peut lutter contre les
bulles des prix d’actifs. L’augmentation des taux d’intérêt, le principal instrument de politique
monétaire, peut avoir des effets négatifs dans l’économie. Il constate que la politique
monétaire n’est pas suffisamment puissante pour prévenir l’apparition des bulles. Une
augmentation du taux d’intérêt de 2-3% n’affecte pas les options des investisseurs qui
s’attendent à une croissance des prix d’actifs de 10-20% mais, par contre, peut sérieusement
affecter la croissance économique. Selon lui, les banques centrales ne sont pas capables de
détecter les bulles en temps réel, d’autant plus au début du gonflement des bulles, lorsque la
politique monétaire pourrait intervenir de manière efficace. Cependant, « Le fait que nous ne
puissions pas détecter les bulles ne signifie pas que ce qui se passe sur le marché des actifs ne
présente pas d’intérêt pour nous ».
Nous considérons que les évolutions inappropriées des prix d’actifs affectent
d’abord la stabilité financière, une intervention préventive s’imposant ici pour corriger les
déséquilibres de prix. Nous sommes en même temps conscients de la difficulté à identifier un
seul instrument qui puisse empêcher l’apparition d’une bulle financière, mais l’intervention
peut être faite avec plusieurs types d’instruments (la politique monétaire, la politique de
surveillance, l’amélioration de la transparence, la politique fiscale et structurelle).
Outre le taux d’intérêt, un autre instrument d’intervention sur les déséquilibres de
prix d’actifs est la politique de régulation et de surveillance98. Lorsque les booms
économiques sont accompagnés par des croissances déséquilibrées sur le marché du crédit,
provoquant la croissance des prix d’actifs, il y a le risque que le niveau des prix des actifs
dépasse le niveau justifié par les fondamentaux économiques, nécessitant donc des corrections
qui peuvent parfois produire une crise financière. Les politiques adéquates de régulation et de
surveillance peuvent apporter leur contribution au maintien de la stabilité financière, non
seulement en minimisant les risques supportés par les institutions financières, mais aussi en
freinant la montée des déséquilibres et en réduisant la probabilité de chocs adverses.
Les bulles financières nécessitent une attention particulière parce qu’elles
impliquent une correction rapide et puissante des prix avec des répercussions sur la stabilité

98
La régulation et la surveillance peuvent être considérées comme une politique complémentaire à la politique
monétaire pour corriger les déséquilibres des prix des actifs.

248
financière. Leur création est cependant fondée sur l’effet moutonnier des investisseurs ainsi
que sur le manque de transparence du marché. L’amélioration de la transparence est une autre
stratégie qui peut être retenue par les autorités pour prévenir la formation des bulles et cette
stratégie doit être basée sur des analyses pour orienter et corriger le comportement des
investisseurs. Il faut que les institutions censées effectuer ces analyses jouissent de la
crédibilité et de l’indépendance nécessaires pour éviter les pressions des marchés. La banque
centrale est une telle institution.
La question qui apparaît est est-ce que la banque centrale est mieux informée que
le marché et peut-elle détecter une bulle. Une augmentation des prix d’actifs de 10-20% par
mois n’est certainement pas due à une situation économique favorable. Même le marché
observe cela, mais il continue à spéculer. De plus, nous considérons que la banque centrale est
mieux informée que la plupart des acteurs du marché. Ces analyses ne doivent pas constituer
un pari pour cette institution, de sorte qu’il mette sa crédibilité en danger.
En même temps, concernant le premier type d’instruments, c'est-à-dire les
instruments monétaires, ils doivent être utilisés en préservant les objectifs de long terme.
Nous ne sommes pas forcement en faveur d’une politique monétaire discrétionnaire,
appliquée de façon séquentielle, en fonction de la situation momentanée, mais dans certaines
conditions, la déviation par rapport à la cible d’inflation à court terme est recommandée.
L’utilisation des instruments de politique monétaire implique souvent un compromis à court
terme entre stabilité des prix et stabilité financière. Le compromis n’est pas aussi évident
lorsque l’horizon de temps pris en considération est plus long. Il faut en même temps
reconnaître qu’il y a des situations où l’utilisation d’un instrument de politique monétaire, tel
le taux d’intérêt, mène à la réalisation des deux objectifs des banques centrales : la stabilité
des prix et la stabilité financière. Par exemple, si l’économie est caractérisée par une
croissance soutenue, par un boom du crédit, par un boom des prix d’actifs et par un taux
d’inflation au-dessus la moyenne, une augmentation du taux d’intérêt contribue à la fois à la
stabilité des prix et à la stabilité financière. La politique monétaire peut être soutenue par la
politique fiscale dans les deux cas : boom des prix des actifs financiers et boom des prix des
actifs immobiliers. Les politiques structurelles peuvent aussi représenter une solution lorsqu’il
s’agit d’un boom des prix des actifs immobiliers.
En réalisant un tour de la littérature sur ce sujet, nous avons constaté que
l’intervention sur les prix des actifs n’est pas clairement définie et ne fait pas partie pour
l’instant des fonctions habituelles des banques centrales en matière de stabilité, mais elle

249
s’avère un nouveau défi pour la stabilité financière. Ce défi est encore plus élevé au sein de
l’Union Européenne.

4.2.4. Les débats au niveau de la Banque Centrale Européenne

Au niveau central, le problème des bulles des prix des actifs devient encore plus
crucial parce que la politique monétaire unique ne trouve pas de soutien dans les politiques
fiscales et structurelles. L’utilisation du taux d’intérêt comme instrument d’intervention peut
avoir des effets différents dans les états membres. Les études détaillées de la BCE pour
améliorer l’information du marché implique un travail considérable. De plus, le marché est
encore influencé de manière significative par les décisions des autorités nationales. Une autre
question qui apparaît est de savoir si la BCE a un rôle à jouer dans la prévention des bulles
spéculatives sur les marchés des états membres.
La stratégie de politique monétaire de la BCE tient pourtant compte de l’évolution
des prix des actifs comme partie des analyses économiques, en l’incluant parmi les indicateurs
économiques et financiers choisis pour évaluer les risques à court et à moyen terme qui
menacent la stabilité des prix. Certains auteurs soutiennent que la surveillance de l’évolution
de la masse monétaire et du crédit et que l’orientation à moyen terme de la politique
monétaire de l’Eurosystème offrent une flexibilité suffisante pour évaluer les implications des
bulles des prix des actifs.
De cette façon, la Banque de France (2002a) considère que l’introduction par la
BCE des prix des actifs directement dans la conduite de la politique monétaire unique n’est
pas justifiée. « La Banque Centrale Européenne doit s‘occuper du mauvais fonctionnement
des marchés financiers seulement parce que celui-ci peut compromettre la stabilité des prix
des biens et des services ».
La politique monétaire de la BCE est fondée sur deux piliers. Le premier fait
référence à l’analyse de la liquidité de la zone euro (l’écart entre les agrégats monétaires et
leur valeur référentielle) et à la façon dont elle est utilisée. Le deuxième pilier représente
l’analyse d’une série importante d’indicateurs économiques et financiers parmi lesquels on
retrouve les valeurs des actions et des obligations, les prix de l’immobilier résidentiel et les
taux de change. Leur évaluation est faite dans un contexte de stabilité des prix et la BCE
intervient seulement si cette stabilité est menacée.

250
« Si la banque centrale est préoccupée par les déséquilibres du marché financier,
ce n’est pas pour intégrer le prix des actifs directement dans la conduite de politique
monétaire, mais parce que leur distorsion peut compromettre la stabilité des prix des biens et
des services et parce qu’elle peut affecter la stabilité financière » (Trichet, 2002). Au niveau
européen, il propose comme pistes d’action : la consolidation et le renforcement de la
discipline de marché par une plus grande transparence, une analyse à moyen et à long terme,
ainsi que par la diversification des instruments de gestion des risques dans le cas des sociétés
financières individuelles.
L’interdépendance entre les politiques monétaires, fiscales et de stabilité est source
de complications dans le cadre européen actuel. Malgré tout cela, cet environnement doit être
maintenu jusqu’au moment où une convergence réelle élevée sera atteinte. A présent, le
système financier européen est de façon prépondérante un système bank-based99, mais un
développement rapide des marchés du capital est attendu. Aussi, le processus de collecte et
d’interprétation des données liées au marché est important.
Une étroite coopération entre les autorités nationales et la BCE représenterait
certainement une solution, à court terme, dans la prise d’une décision commune concernant
l’opportunité d’une intervention sur le marché, la dimension d’une telle intervention et le
moment où cette intervention pourrait être mise en pratique. La BCE ne s’est pas impliquée
dans la correction des déséquilibres des prix des actifs sur les marchés nationaux. Compte
tenu du phénomène de contagion sur ces marchés, phénomène mis en évidence pendant la
crise globale récente, la possibilité de repenser la surveillance de l’évolution du prix des actifs
au niveau européen pourrait être prise en considération.

4.2.5. La BNR et l’évolution des prix des actifs

Dans cette section, nous analysons le rôle de la BNR dans la surveillance des prix
des actifs immobiliers et financiers, ainsi que la capacité de l’instrument principal de politique
monétaire, le taux d’intérêt, à influencer l’évolution du prix des actifs financiers.

99
Comme nous l’avons vu, dans un système bank-based, la probabilité de bulles spéculatives est plus faible. En
même temps, l’intervention n’est pas recommandée si les objectifs de stabilité des prix et de stabilité financière
ne sont pas menacés. Nous considérons le système financier européen comme un système bank-based parce que
le financement se fait de manière prépondérante par l’intermédiaire des banques, mais nous sommes conscients
du fait que tous les systèmes financiers sont aujourd’hui entrés dans un processus d’hybridation entre les
étiquettes classiques « bank-based » et « market-based ».

251
Dans le cas de la Roumanie, comme d’ailleurs dans la majorité des pays
européens, les évolutions des prix des actifs immobiliers peuvent entraîner un problème
important concernant la stabilité financière. La valeur de l’immobilier a augmenté de façon
considérable ces dernières années, amplifiant l’effet de bien-être ou la capacité d’endettement
par l’usage des actifs non-financiers comme des garanties. L’augmentation des prix sur ce
marché est considérée comme une croissance « artificielle » devenant un motif sérieux
d’inquiétude. La liquidité réduite du marché immobilier et le pourcentage significatif des
actifs non-financiers dans la richesse nette totale peuvent diminuer considérablement la
capacité des particuliers à faire face à un éventuel choc systémique. Le phénomène a aussi été
soutenu par la politique des banques commerciales qui ont étendues les périodes de
remboursement des crédits pour gagner des parts de marché.
A long terme, le processus de convergence soutiendra le développement du crédit
hypothécaire, conditionné par la croissance des revenus et de l’offre de biens immobiliers. Un
alignement inapproprié de l’offre à la demande existante peut entraîner des problèmes de
stabilité financière du fait de la forte augmentation des prix de ces actifs non-financiers.
Le rapport de stabilité financière de la BNR de 2006 mentionnait que l’évolution
des prix des actifs immobiliers peut engendrer le problème de l’existence d’une expansion
insoutenable ou d’une bulle, mais une telle bulle des prix ne peut pas être détectée pour
l’instant. « Dans le contexte des facteurs structuraux analysés, la dynamique des prix en
Roumanie ne signale pas forcément l’existence d’une bulle sur le marché immobilier,
s’agissant pourtant d’un ajustement vers un équilibre attendu du marché » (la BNR, 2006).
La BNR affirmait en même temps que le rôle du financement bancaire était modeste, en
s’appuyant sur le volume des crédits hypothécaires accordés, et que le risque direct de la
modification de la valeur des actions était aussi réduit pour le système bancaire roumain,
parce que les établissements de crédit ne détenaient pas de placements ou de participations
substantiels et ne dégageaient pas non plus de revenus importants des transactions sur actions.
Malgré tout cela, si nous analysons l’évolution de la valeur des réserves minimales
obligatoires et des mesures « non orthodoxes » utilisées par la BNR pour restreindre le crédit,
il semble que la BNR s’inquiétait du boom des prix des actifs sur ce marché. Aussi, les
mesures prises pour assurer la stabilité des prix et la stabilité financière convergent. La
soutenabilité de la croissance dans un contexte de taux d’intérêts élevés est problématique.
La politique fiscale a, elle aussi, contribué à la réduction du boom des prix des
immeubles, en appliquant des impôts sur les transactions immobilières spéculatives. Aussi, la
politique budgétaire a atteint deux objectifs : l’augmentation de recettes fiscales et la

252
réduction de l’inflation immobilière. Cependant, les politiques structurelles devraient être
utilisées plus souvent à l’avenir pour apporter leur contribution au contrôle des prix
immobiliers. Les bâtiments sociaux ou le transfert de terres agricoles en zones constructibles
pourraient représenter des solutions.
Après le déclenchement de la crise financière internationale, une correction des
prix de l’immobilier qui risque malheureusement de générer un blocage du marché, s’est faite
sentir. Dans ce contexte caractérisé par une politique monétaire restrictive et par un blocage
du marché des crédits, les autorités essaient relancer le processus d’attribution des crédits.
Nous observons que le marché de l’immobilier est un marché sensible aux conditions du
marché et que le succès de la banque centrale dans le contrôle de ce marché est discutable.
La BNR a pris des mesures destinées à modérer l’augmentation des prix de
l’immobilier, mesures qui réduisent l’impact actuel de la correction des prix. La constitution
d’une base de données destinée à suivre l’évolution des actifs immobiliers a été proposée avec
un certain retard.
Quant aux prix des actions, la BNR fait une analyse des évolutions boursières dans
les bulletins mensuels de la banque. Le marché boursier a subi une analyse plus détaillée dans
les Rapports sur la Stabilité Financière de la BNR. Le rapport pour 2006, mentionne qu’une
croissance de la capitalisation du marché est une conséquence de la stabilisation
macroéconomique et de l’amélioration des régulations applicables au marché.
Le marché boursier roumain, même s’il a connu une croissance soutenue de sa
capitalisation, reste encore très étroit par rapport aux autres marchés de la région ou au
marché bancaire. Après l’adhésion de la Roumanie à l’UE, la confiance des investisseurs
étrangers dans son marché financier a augmenté, contribuant à l’appréciation du prix des
actions. Malheureusement, la correction des prix après le déclenchement de la crise des
marchés financiers a été l’une des plus importantes de la région. Même si le poids du marché
du capital a diminué, le choc sur les marchés de change n’a pas été à négliger, ce qui
représente un motif de plus pour que la BNR prête une plus grande attention au marché
financier.
Nous voulons tester si le taux d’intérêt peut représenter un instrument efficace
pour influencer l’évolution des prix des actions, en nous appuyant sur les données historiques.
Andersson et Lauvsnes (2007) mènent une étude similaire pour la Norvège et montrent que le
taux d’intérêt est un des déterminants de l’évolution de l’indice boursier. Pour cela, nous
considérons l’influence du taux d’intérêt sur l’évolution des actions (exprimée par l’évolution
de l’indice BET, présentée Figure 41).

253
Figure 41 : L’évolution de l’indice BET

BET
12000

10000

8000

6000

4000

2000

0
av 02

oc 2

av 03

oc 03

av 04

oc 4

av 05

oc 5

av 06

oc 06

av 07

oc 7

av 08

8
ju 2

ja -0 2

ju 3

ja -0 3

ju 4

ja -0 4

ju 5

ja -0 5

ju 6

ja -0 6

ju 7

ja -0 7

ju 8
-0

-0

-0

-0

-0
0

0
-

il. -
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r.-

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il.

il.

il.
t.

t.

t.

t.

t.

t.
nv

nv

nv

nv

nv

nv

nv
ja

Source : graphique construit à partir des données fournies par la Bourse des Valeurs Bucarest

Le test économétrique est réalisé sur données mensuelles alors que le taux d’intérêt
de référence (dref) peut rester inchangé sur plusieurs mois. Nous avons donc testé l’influence
du taux d’intérêt du marché interbancaire à trois mois (bubid3) sur l’indice BET. Le taux
d’intérêt sur le marché interbancaire étant fortement corrélé avec le taux d’intérêt de
référence, il peut être utilisé comme une proxy de celui-ci (Figure 42).

Figure 42 : Le taux d’intérêt de référence et BUBID 3


40

35

30
25

20

15

10
5

0
av 02

av 03

av 04

av 05

av 06

av 07

av 08
oc 2

oc 03

oc 4

oc 5

oc 6

oc 7

8
ju 2

ja -0 2

ju 3

ja -0 3

ju 4

ja -0 4

ju 5

ja -0 5

ju 6

ja -0 6

ju 7

ja -0 7

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-0

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-0

-0

-0

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0

0
-
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t.
nv

nv

nv

nv

nv

nv

nv
ja

dref bubid3

Source : graphique construit à partir des bases de données du Bulletins Mensuels de la BNR

Par ailleurs, une série de variables de contrôle, telles le crédit non gouvernemental
(cn), le revenu salarial net (csn) ou la production industrielle (pi), ont été introduites dans
l’équation pour prendre en compte l’évolution de la situation économique réelle. Cependant,
elles ne sont pas apparues de façon significative.
Aussi, l’équation finale présentée prend la forme suivante :

254
∆logbett = c + α * ∆tirbubid3t + β * pi t-1 + εt

où : ∆, c, tirbubid3t et εt représentent respectivement la variation, la constante, le taux


d’intérêt réel sur le marché interbancaire à 3 mois et les erreurs du modèle.
L’équation est testée sur la période janvier 2003 – août 2008. Les résultats sont
présentés Tableau 17.

Tableau 17 : Les résultats économétriques BET – BUBID3


La variable dépendante : ∆logbett
Les variables explicatives Le coefficient t-Statistic
c 0.0140 0.6468
∆tirbubid3t -0.0180** -2.1991
pi t-1 0.0010 0.2250
R2 0.0748
DW 1.9690
Nombre d’observations 67
Seuil de signification: (***) pour 1%; (**) pour 5% et (*) pour 10%.
Source : calculs EViews

On observe que le pouvoir explicatif du modèle est faible (R2 = 0,07) mais les
erreurs du modèle sont indépendantes (Durbin-Watson est proche de 2).
Malgré la simplicité de l’équation estimée, les résultats montrent que l’évolution
de l’indice BET est négativement influencée par l’évolution du taux d’intérêt réel sur le
marché interbancaire à trois mois. Cependant, la situation économique réelle représentée ici
par le taux de croissance de la production industrielle retardé d’un mois n’apparaît pas
significativement.
L’introduction du prix des actifs financiers (et immobiliers) parmi les indicateurs
retenus pour définir la statégie de la banque centrale est plus opportune que leur prise en
considération dans l’IPC. L’évolution des prix des actifs représente un élément qui doit
compléter l’analyse des autorités monétaires. Pourtant, cette préoccupation des banques
centrales pour l’évolution du prix des actifs financiers ne doit pas les inciter à intervenir sur
les marchés de façon automatique pour stabiliser le cours du prix des actifs. Une telle
orientation serait désastreuse, d’abord à cause de la profondeur des marchés d’aujourd’hui par
rapport à la capacité réduite d’intervention des banques centrales et ensuite à cause du fait que
tout échec ne manquerait pas d’affecter sa réputation.

255
Une politique d’intervention préventive serait pourtant plus efficace. Les banques
centrales doivent empêcher l’apparition de ces déséquilibres sur les marchés des actifs, par
l’intermédiaire des instruments dont elles disposent. Cela entraîne la nécessité de mener des
études et des analyses complexes pour détecter d’abord la formation de bulles financières. Il
faut choisir les instruments en distinguant, d’une part, appréciation du marché et bulle
spéculative et, d’autre part, marché des actifs financiers et marché des actifs immobiliers,
même si les évolutions de ces marchés sont étroitement liées.
Même si le taux d’intérêt reste le plus important instrument d’intervention, ses
effets sur l’évolution des prix des actifs ne sont pas toujours ceux attendus. Les autorités
doivent donc intervenir à l’aide de différents instruments pour corriger les déséquilibres. La
politique de régulation et de surveillance, à côté de la réduction des asymétries d’information,
représente des facteurs importants pour prévenir la formation de bulles spéculatives. De
l’autre côté, la politique fiscale, ainsi que la politique structurelle, peuvent contribuer aussi à
la réduction des déséquilibres des prix des actifs, surtout dans le cas des actifs immobiliers.
Le rôle de la BNR dans la correction des déséquilibres des prix des actifs doit
devenir plus important. La BNR a jusqu’à présent suivi surtout les prix des actifs immobiliers
et elle a essayé d’éviter la formation de bulles spéculatives par des mesures visant à
restreindre le crédit. Le marché du capital n’a pas gagné une importance particulière, la BNR
n’ayant aucune réaction à l’évolution de l’indice BET dans la période précédant la crise des
subprimes. Comme nous l’avons déjà vu, la BNR peut intervenir pour stopper le gonflement
de bulles spéculatives en favorisant la transparence du marché, par les messages transmis
mais aussi à l’aide des instruments monétaires. Mais, dans cette perspective, le soutien du
gouvernent est aussi essentiel.

4.3. Produits financiers dérivés et stabilité financière

Les produits financiers dérivés, à côté de l’apparition des conglomérats et de la


surveillance du prix des actifs, représente l’un des défis pour la stabilité financière au niveau
international mais, en même temps, pour les autorités de surveillance roumaines. L’utilisation
de ces produits est largement débattue depuis le déclenchement de la crise des subprimes aux
Etats-Unis.
Les instruments financiers dérivés ont été utilisés par les commerçants dès les
temps plus anciens. Jamais au cours de l’histoire ces produits ne se sont vus attribués

256
l’importance dont ils jouissent à présent. Ils sont considérés aujourd’hui comme instruments
financiers les plus prolifiques depuis la fin du XXème siècle. La littérature leur a prêté une
attention tout à fait particulière du fait des risques auxquels leurs utilisateurs s’exposent,
notamment en termes de risque systémique.
Bien sûr, leur rôle bénéfique sur l’économie ne peut pas être remis en question
(voir Froot et al. (1993), Beau et al. (1994), Siems (1997) et Stulz (2004)). Ces produits
permettent aux participants aux marchés financiers de mieux gérer leurs risques financiers.
Les instruments dérivés contribuent améliorer la transparence des marchés, en fournissant des
informations supplémentaires sur le prix des actifs support. L’existence d’une liaison entre
l’utilisation des produits dérivés et la réduction de la volatilité de la croissance économique a
aussi été mise en évidence.
Néanmoins, leur utilisation ne présente pas que des aspects positifs. Les risques
qui caractérisent ces marchés, sont des risques financiers généraux, tels que le risque de
crédit, le risque de marché et le risque opérationnel, ainsi que des risques spécifiques qui
tiennent à la nature particulière de ces produits. D’abord, il y a un risque qui découle de la
complexité des instruments dérivés. La combinaison de ces produits avec l’activité de
titrisation s’est trouvée à la base des crises récentes des marchés financiers. Puis, il y a un
risque de volatilité élevée sur les marchés des produits dérivés. Ce risque se manifeste lors des
périodes de turbulences, lorsque les dérivés ne font qu’amplifier la volatilité des prix des
actifs support. Ensuite, il y un risque légal et de régulation de nouveaux produits financiers. Il
n’y a pas une activité de régulation et de surveillance adéquate pour tous les instruments
dérivés et pour tous les marchés. Finalement, mais pas en dernier lieu, il y a un risque
systémique induit par le volume et par la concentration des transactions sur produits dérivés
sur différents marchés.
La manifestation du risque systémique a conduit au cours des deux dernières
décennies à quelques crises financières internationales. Les produits dérivés ne sont pas
étrangers à ces événements, ceux-ci se retrouvent à la base des phénomènes de crises ou au
moins les amplifient. C’est pourquoi une surveillance plus attentive de ces produits est
nécessaire, d’autant plus qu’ils sont considérés dans certains cas comme une menace pour la
stabilité financière.
Dans le cas de la Roumanie, l’utilisation des instruments financiers dérivés ne
représente pas encore une source de risque systémique. Compte tenu du faible développement
du marché des produits financiers au début des années 2000, les autorités ont même pris une
série de mesures pour stimuler l’usage de ces produits. Les résultats ont été encourageants,

257
mais ce marché reste encore faiblement développé par rapport aux marchés des pays de cette
région. Toutefois, compte tenu du fait que les indicateurs de profitabilité et de risque ont
dernièrement connu une tendance baissière au sein du secteur bancaire roumain, nous sommes
autorisés à croire que les opérations avec des produits dérivés s’intensifieront, une fois le
marché stabilisé. L’impulsion peut être donnée par les grands groupes bancaires présents en
Roumanie et qui exercent des activités intenses sur ces marchés.
Dans ce contexte, les produits dérivés peuvent constituer un défi pour la future
stabilité financière de la Roumanie. Il faut surveiller plus attentivement ces produits, compte
tenu des déséquilibres qu’ils peuvent provoquer. En ce sens, le rôle de la Banque Nationale de
Roumanie n’est pas à négliger.

4.3.1. Les produits dérivés et leurs marchés

4.3.1.1. L’apparition des produits dérivés et la définition du concept

En économie, un contrat de produits dérivés est valorisé à partir du prix d’un actif
support, tel une marchandise, un actif financier ou un indice. La notion de produit dérivé n’est
pas rencontrée seulement dans le secteur économique. Par exemple, en chimie, le dictionnaire
Merriam-Webster définit un produit dérivé comme étant « une substance liée structurellement
à une autre substance de laquelle elle dérive théoriquement » ou « une substance qui peut
être faite à partir d’une autre substance » (Stulz, 2004).
L’utilisation des produits dérivés ne représente pas une pratique nouvelle. Les
premières transactions avec ce type de produits datent de l’antiquité et elles sont décrites par
des auteurs comme Siems (1997) et Swan (2000). Pourtant, des informations sur les
transactions avec des produits dérivés dans un cadre établi et avec des règles clairement
définies, se retrouvent seulement au XIIème siècle à Venise (Dodd, 2004). Plus tard, vers la fin
du XVIème siècle, des contrats forward et options pour des marchandises et pour des titres
financiers étaient conclus à Amsterdam100. Aux Etats-Unis, les premiers contrats forward et
futures ont été conclus sur le marché boursier de Chicago, à partir de 1849.
Les marchés des produits dérivés ont gardé des dimensions réduites jusqu’aux
années 70 lorsque les conditions économiques et le développement des systèmes
d’évaluations de ces produits ont contribué à une croissance spectaculaire de ces marchés. Les

100
Stulz (2004) rappelle les options liées au prix des bulbes de tulipes en Hollande et les transactions sur futures
au Japon, entre les dépôts de riz, dans les années 1700.

258
agents économiques, tant privés que publics, ont fait appel à ces produits dérivés pour se
protéger contre les fluctuations des prix (Coleman, 2001). Ces produits ont représenté la
classe d’actifs financiers qui a connu le plus grand succès de l’histoire des marchés financiers
(Emma et Ince, 2006).

4.3.1.2. Les marchés des produits dérivés

Les produits financiers dérivés font l’objet des transactions sur deux catégories de
marchés : le marché standardisé et le marché de gré à gré.

A) Le marché standardisé

Sur ce marché s’échangent des produits dérivés définis par des contrats type et le
nombre important de participants y assure une bonne liquidité. L’évaluation sur ce marché est
quotidienne (mark-to-market). En outre, les positions des partenaires et les variations par
rapport à la position initiale, qui demandent une garantie en numéraire si les écarts sont
significatifs, sont analysées chaque jour.
Ce marché offre aussi une plate-forme de transaction et un système de règlement.
La plate-forme de transaction représente un mécanisme par lequel les acheteurs et les
vendeurs de ces produits entrent en contact. Il y a deux possibilités pour réaliser une
transaction : vente (enchères) à la criée et transaction électronique. Dans le premier cas, la
transaction dépend de l’habileté de ceux qui participe à la transaction à trouver une
contrepartie dans le plus court délai. Dans le deuxième cas, la transaction est réalisée par
l’intermédiaire d’un algorithme de calcul.
Le système de compensation (clearing system) se caractérise par la procédure où la
chambre de compensation (clearing house) devient l’acheteur et le vendeur de chaque contrat
futures ou options qui fait l’objet d’une transaction. Pour réduire les risques supportés dans ce
cas par la chambre de compensation, il y a cinq niveaux de contrôle (EIA, 2002) : a) au
premier niveau, le risque de crédit supporté par la chambre de compensation est contrôlé, en
autorisant pour les transactions seulement les seuls partenaires à situation économique solide
et crédibles, ces partenaires étant des membres de la chambre de compensation ; b) au
deuxième niveau de contrôle, des limites sur les positions ouvertes par les participants
peuvent être imposées pour réduire la perte potentielle ; c) le troisième niveau de contrôle
(margining system) est établi pour la protection contre les risques supportés par les

259
participants ; d) le quatrième niveau est la définition des procédures de faillite lorsqu’un
participant se trouve dans l’incapacité de payer et e) le cinquième niveau est la constitution
des ressources supplémentaires pour les situations où les garanties ne suffisent pas pour
couvrir les pertes.
Deux catégories de produits sont sujettes aux transactions sur ce marché : les
contrats à terme (concernant les devises, le taux d’intérêt, les valeurs immobilières réelles ou
synthétiques et les indices boursiers) et les contrats à options négociables (Beau et al., 1994).

B) Le marché de gré à gré

Les instruments dérivés, qui ont suscité le plus grand intérêt dans la littérature,
sont des instruments du type gré à gré (over-the-counter – OTC). Les contrats conclus sur ce
marché, qui n’a pas de localisation géographique, sont négociés de façon bilatérale, et
supposent des accords de règlement bilatéral. Ce marché présente l’avantage d’offrir aux
utilisateurs des opérations parfaitement adaptées à leurs besoins. L’inconvénient est une
moindre possibilité de transaction et donc une faible liquidité.
Du point de vue technique, les produits dérivés de gré à gré peuvent être conclus
entre n’importe quels partenaires. En pratique pourtant, le marché est structuré comme un
marché entre dealers. Au sein d’un tel marché, les utilisateurs finaux des produits cherchent à
conclure des transactions avec les sociétés (les dealers) qui particularisent les contrats en
fonction des nécessités économiques des participants. De l’autre côté, les investisseurs
préfèrent conclure des transactions seulement avec des intermédiaires bien cotés pour
minimiser ainsi le risque de contrepartie (Heath, 1998).
Dans la plupart de cas, il y a sur le marché de gré à gré trois niveaux d’accès aux
informations ou aux transactions et souscriptions de la part des intermédiaires et des
investisseurs. Le plus haut niveau, le niveau 3, est le niveau où les sociétés de brokers du type
dealers ou formateurs de marché (market-makers) se situent. Le niveau 2 est un niveau
intermédiaire qui est accessible seulement pour recevoir les informations affichées par les
formateurs de marché, c'est-à-dire que ceux qui ont accès à ce niveau entrent en possession
d’une liste de cotations bid/ask pour chaque valeur mobilière ainsi que de la liste des
formateurs de marché qui offrent les cotations indiquées. Le niveau 1 est le niveau où les
participants reçoivent une information moins détaillée : pour ces investisseurs, seule la
cotation bid/ask moyenne ou la cotation considérée comme représentative pour chaque valeur
mobilière cotée sur le marché de gré à gré est disponible.

260
Même s’il s’agit d’un marché non réglementé, le marché de gré à gré se caractérise
par certaines modalités de contrôle. D’abord, l’activité de règlement a comme support à
présent une documentation fournie par l’ISDA101, qui limite la compensation des positions
avec le même partenaire. Les participants au marché de gré à gré des swaps demandent aux
partenaires de déposer une marge initiale dans un compte bloqué (escrow fund) ou de fournir
des garanties, souvent sous la forme des titres financiers. De plus, on recourt à des pratiques
de révision du taux d’intérêt (recouponing) qui consistent à modifier périodiquement le
coupon d’un swap pour ramener sa valeur de marché à zéro, ou on « ancre le crédit » (credit
triggers) pour les transactions à long terme, instrument qui offre une protection à cause du
règlement par avance du swap par le transfert d’une liquidité si un événement imprévu se
produit (par exemple la dégradation du rating).
Il y quelques différences importantes par rapport aux systèmes standard pour les
transactions :
• Les instruments du marché de gré à gré ne sont pas réglementés ou ils sont peu
réglementés, même s’ils sont concernés par la législation nationale, par d’autres régulations,
par la surveillance bancaire et par le contrôle des marchés.
• L’accès au marché à l’intérieur de la bourse est limité aux membres de la place
boursière et aux titres acceptés en bourse. Pourtant, pour le marché de gré à gré, l’accès est
plus large, tant pour les clients que pour les titres qui font l’objet des transactions.
• Sur la place boursière, la négociation et l’exécution des contrats sont faites par
des spécialistes, par l’intermédiaire de différents systèmes utilisés pour les transactions aux
enchères à la criée. Les marchés de gré à gré se caractérisent par des transactions réalisées par
l’intermédiaire des négociations directes entre le vendeur et l’acheteur, le rôle de contrapartie
dans la transaction étant joué par le dealer.
• Du fait de la concentration des ordres et du mécanisme de transactions, un
cours unique est établi pour les titres négiciés sur la place boursière. Sur le marché de gré à
gré, les prix pour un certain titre financier peuvent varier de dealer à dealer parce qu’ils sont
les résultats des négociations isolées.
Les défis de ces marchés pour la stabilité financière ont deux dimensions.
Premièrement, les marchés sont vraiment globaux, dépassant les frontières nationales
(Scholte, 2000). Aussi, les marchés des produits dérivés gré à gré ne font pas partie de la
juridiction d’un seul état. Deuxièmement, ces marchés sont dominés et contrôlés par un

101
International Swaps and Derivatives Association.

261
nombre relativement restreint de sociétés complexes, de services financiers, qui exercent leur
activité dans la plupart de principaux centres financiers du monde (Coleman, 2001).
Les participants aux marchés de produits dérivés financiers peuvent être groupés,
en fonction de la qualité qu’ils détiennent sur le marché, en utilisateurs finaux et dealers
(teneurs de marché ou market makers). Les dealers représentent les participants clé sur les
marchés de gré à gré. Leur activité est de conclure des contrats portant sur les produits dérivés
avec les utilisateurs finaux ou avec d’autres dealers (Emma et Gaya, 2003 et Emma et Ince,
2006). A la différence des utilisateurs finaux, les teneurs de marché sont intéressés par leur
réputation102.
Il y a trois grandes catégories de dealers qui partagent à présent le marché de ces
produits (Bruyère, 1998) :
• les grandes banques commerciales américaines ou canadiennes (J.P. Morgan,
Chase Manhattan, Bankers Trust, Bank of America, etc.) ;
• les principales sociétés d’investissements financiers – les maisons américaines
des titres (Merrill Lynch, Morgan Stanley, Goldman Sachs, etc.) ;
• les banques universelles européennes qui se sont fortement lancées sur le
marché à partir de 1997 (Warburg Dillon Read, Barclays Capital, Deutsche Morgan Grenfell,
Société Générale, Dresdner Kleinworth Benson – DKB, etc.).
Chacun des participants au marché a un rôle spécifique. Les spéculateurs jouent un
rôle critique, celui qui suppose la prise des risques évités par ceux qui se protègent (hedgers).
Le marché ne peut pas exister sans spéculateurs (EIA, 2002). Le prix du risque est déterminé
par l’interaction entre les intérêts de ceux qui cherchent à se protéger (combien sont-ils prêts
à payer pour réduire leur risque) et les intérêts de ceux qui offrent la protection (quelle
compensation exigent-ils pour assumer le risque des autres). De l’autre côté, les arbitragistes
veillent à ce que le prix de chaque instrument individuel de transfert soit en concordance avec
le marché. Pour fonctionner, un marché des produits dérivés suppose l’existence de ces trois
catégories de participants.
Le domaine d’activité des participants à ces marchés est extrêmement varié (voir
King et Lipin (1994), Stulz (2004), Mefteh (2004) et Bartram et al. (2006)). Les participants
les plus importants sont les sociétés financières, et surtout les banques. Au-delà des banques
et des sociétés financières, un nombre important d’institutions non-financières utilise les
102
Même si les contrats de produits dérives sont souvent considérés comme des transactions à « valeur zéro »,
les produits dérivés de gré à gré se caractérisent par un risque légal asymétrique, en faveur des utilisateurs finaux
(Wilmarth, 2002).

262
produits dérivés. Une dernière catégorie d’utilisateurs des produits dérivés est représentée par
les personnes physiques. Le volume des contrats est dans ce cas beaucoup plus réduit103.

4.3.1.3 Les catégories de produits financiers dérivés

Il y a deux grandes catégories de produits financiers dérivés qui font l’objet de


transactions, sur les marchés standardisés ainsi que sur les marchés de gré à gré : les produits
dérivés traditionnels et les nouveaux produits financiers dérivés – les dérivés de crédit104.
Si les produits financiers dérivés classiques (forward, futures, options et swap) et
leur mode de fonctionnement sont familiers aux spécialistes en finance, on ne peut pas
affirmer la même chose sur l’autre catégorie de produits dérivés qui est apparue et qui s’est
développée relativement récemment, les produits dérivés de crédit. Notre analyse met l’accent
sur ces produits parce qu’ils sont les produits qui constituent principalement le nouveau défi
pour la stabilité financière. « Défi » car il s’agit de réaliser des transactions sur le risque de
crédit, l’un des plus importants risques financiers, et en même temps parce que ces nouveaux
produits présentent une complexité tout à fait particulière, puisque peu réglementés.
« Nouveau » car, pour l’instant, comme nous le verrons, le volume des produits dérivés de
crédit est relativement faible par rapport au volume des produits dérivés classiques.
Un instrument dérivé de crédit est un produit financier qui permet le transfert du
risque, sous une forme synthétique, d’un partenaire qui achète une protection (protection
buyer) vers un autre qui subit le risque jusqu’à l’échéance du contrat (protection seller). La
partie qui achète une protection paie régulièrement une prime appelée le « spread de contrat »
(Braouézec et Brun, 2007). Les dérivés de crédit permettent un transfert total ou partiel du
risque de crédit (Prato, 2002).
Parmi les facteurs à l’origine des dérivés de crédit, on retrouve (Bruyère, 1998):
• le désir des intermédiaires financiers de se protéger efficacement contre le
risque de crédit ;
• l’observation d’une différence de plus en plus importante entre les méthodes de
gestion du risque de marché, qui sont devenues extrêmement sophistiquées, et les méthodes
de gestion du risque de crédit ;
103
La Banque des Règlements Internationaux élabore des rapports périodiques sur les utilisateurs des produits
dérivés sur les marchés de gré à gré.
104
Une autre classification fait la distinction entre les produits dérivés du type plain vanilla et les produits
dérivés exotiques (exotic derivatives) Stulz (2004). Plain vanilla incluent les contrats du type futures, forward et
options et ceux exotiques incluent tous les autres produits dérivés. Enfin, une distinction peut être faite entre les
produits à terme et les produits conditionnels (Cătinianu et al., 2008).

263
• l’application de l’Accord de Bâle I qui imposait aux intermédiaires une
meilleure connaissance du rapport risque–rentabilité, surtout en ce qui concerne la
consommation de capital ;
• la croissance significative des marchés de gré à gré et l’implication active des
banques ont conduit à des dépassements des limites d’autorisation par contrepartie, ce qui a
amené les institutions financières à trouver de solutions afin de générer de nouvelles lignes de
crédit ;
• pour les intermédiaires sophistiqués, ces produits ont répondu à un objectif
stratégique d’innovation et d’exploitation de ces parties du marché qui procurent des profits
significatifs.
Ces produits dont le marché est relativement étroit par rapport au marché des
produits traditionnels (Kiff, 2000), peuvent être classés de plusieurs manières. Bruyère
(1998), Prato (2002) et De Servigny et Zelenko (2003) proposent une classification basée sur
perspective comptable :
a) Les produits hors bilan (ou « unfunded credit derivatives ») :
• Credit default swap (CDS). Celui-ci est un contrat par l’intermédiaire duquel
l’acheteur de protection paie régulièrement un commission fixe (up-front fee) ou une prime au
vendeur de protection en échange de l’engagement pris par le vendeur de lui payer une
certaine somme au cas où un tiers, appelé sujet de référence (reference entity) est affecté par
un événement de crédit.
• Total rate of return swaps (TRRS) sont aussi appelés contrats d’échange du
rendement total. Ce type de swap représente un élément hors bilan qui permet aux
investisseurs de répliquer synthétiquement l’exposition à un actif de référence (créance ou
obligations) ou bien à un indice de crédit. Les contrats impliquent un accord entre deux
parties par l’intermédiaire duquel elles s’engagent à échanger des flux qui représentent d’un
côté la rémunération d’un actif qui revient au vendeur du risque si la valeur de l’actif s’accroît
et, de l’autre côté, une prime périodique qui est reçue par l’acheteur du risque si la valeur de
l’actif se déprécie. Celui qui investit dans ce type de produits prend tout le risque et reçoit
tous les flux afférents au crédit support.
• Credit spread options (CSO) ou les options sur le spread de crédit sont des
contrats par lesquels une partie s’engage vis-à-vis de son partenaire de contrat à verser
régulièrement une prime, tandis que l’autre partenaire du contrat prend l’engagement

264
d’acheter (credit spread call) ou de vendre (credit spread put) à un niveau établi (strike) un
actif de référence. Ce produit ressemble beaucoup aux options classiques.
• First-to-default contracts (FTD) sont des swaps qui s’exercent lorsque la
première situation de non remboursement d’un actif qui fait partie d’un portefeuille de
créances se produit. Une société s’engage envers son partenaire à lui transférer régulièrement
une prime, en échange de l’engagement de son partenaire de l’indemniser en cas d’apparition
d’un événement de crédit lié à un actif qui fait partie d’un portefeuille de créances.
b) Les produits bilanciels (ou « funded credit derivatives »)
• Credit-linked notes (CLN) sont des obligations structurées qui associent un
contrat dérivé de crédit, généralement un credit default swap, à une obligation. Ce sont en fait
« des titres indexés sur le risque de crédit » (Constantin, 2007). Conformément à l’APRA
(1999), l’utilisation de ces produits peut être expliquée ainsi : le vendeur de protection achète
un titre qui fait référence à un tiers, entité différente de l’acheteur de protection, et si
l’événement se produit, il paie à l’acheteur le principal du titre (la valeur nominale), en
échange d’une série d’intérêts et en échange de la valeur nominale du titre lorsque
l’événement ne se produit pas.

4.3.1.4. Les avantages de l’utilisation des produits dérivés

L’existence des produits dérivés trouve son origine dans la volatilité et


l’incertitude qui affectent les marchés. L’extension de l’utilisation des produits dérivés offre
une plus grande capacité de régénération et de récupération dans l’industrie des services
financiers, une meilleure allocation des risques sur les marchés financiers, une meilleure
diversification entre les marchés et au niveau international, ainsi qu’une réduction de la
volatilité de l’activité économique. De plus, les produits dérivés contribuent à la diminution
des coûts liés aux transactions et à la couverture contre les risques et ils apportent aussi leur
contribution à la croissance de la liquidité du marché.
Concernant la capacité des produits dérivés à distribuer les risques dans
l’économie, Culcescu (2005) affirme que : a) l’utilisation des produits dérivés facilite
l’élimination des risques économiques (les évidences statistiques montrent que la majorité des
contrats de produits dérivés servent à diriger les expositions d’un utilisateur final vers un autre
en une position inverse, générant ainsi des expositions agrégées très réduites) ; b) les produits
dérivés offrent les moyens d’obtenir une répartition plus efficace des risques entre les agents

265
privés ; c) des risques nouveaux sont générés par l’utilisation des produits dérivés, si les deux
parties d’un contrat sont des spéculateurs, en ayant des anticipations différentes.
La protection contre les risques offerte par les produits dérivés et la réduction des
coûts relatifs aux transactions créent un climat plus favorable aux échanges et aux
investissements. En diminuant l’incertitude sur les marchés, les produits dérivés offrent aux
compagnies la possibilité d’initier des activités de protection qui ne seront pas mises en œuvre
dans un autre contexte. Les produits dérivés peuvent contribuer à l’augmentation de
l’efficacité des marchés des actifs support (Stulz, 2004) car le marché des produits dérivés
améliore l’accès à l’information et les investisseurs peuvent conclure des transactions
impossibles autrement du fait des prix élevés ou même prohibitifs de l’accès à l’information.
Les institutions qui utilisent des produits dérivés, peuvent améliorer le management de leur
liquidité et peuvent détenir ainsi des fonds suffisants pour atteindre leurs objectifs (Siems,
1997).
En outre, ces contrats permettent aux personnes physiques et aux entreprises
d’obtenir « des rendements élevés à prix réduit » (Schneeweis et al., 2003). La protection
assurée par les dérivés peut être considérée comme une modalité moins coûteuse d’assurance
contre une forte volatilité des prix.
Les produits dérivés peuvent contribuer à la réduction de la volatilité des prix des
actifs support. Cette relation a été souvent étudiée et les résultats, à quelques exceptions,
montrent que les produits dérivés participent à la réduction de la volatilité ou n’ont aucun
effet sur celle-ci (EIA, 2002). Beau et al. (1994) soulignent le fait que, lorsque les produits
dérivés offrent une protection contre les risques, les investisseurs sont tentés d’investir
davantage dans les actifs support, ce qui concourt au développement des marchés financiers.
Froot et al. (1993) et Mefteh (2004) montrent que la protection donnée par les produits
dérivés aide les entreprises à détenir des fonds suffisants pour tirer profit des opportunités
d’investissement. Les instruments de protection peuvent augmenter la valeur d’une entreprise
en réduisant la probabilité qu’elle soit confrontée aux coûts directs et indirects de faillite.
« Les produits dérivés expriment la façon dont l’innovation financière encourage
la croissance et atténue les fluctuations de l’activité économique » (Solans, 2003). Dans un
article récent sur la liaison entre l’utilisation des produits dérivés et la réduction des
fluctuations de l’activité économique, Albulescu et Goyeau (2008) montrent que cette relation
existe et qu’elle se manifeste de manière prépondérante par la diminution des fluctuations des
investissements.

266
Un autre avantage de l’utilisation des produits dérivés de crédit est la flexibilité
qu’ils confèrent au système financier. Acharya et Johnson (2007) citent Alan Greenspan qui
disait : « les nouveaux instruments de dispersion du risque donnent aux banques les plus
grandes et les plus sophistiquées, qui jouent un rôle important dans le processus de crédit, la
possibilité de se débarrasser d’une partie du risque de crédit en le transférant vers des
institutions à degré d’endettement beaucoup plus réduit. Ces instruments de plus en plus
complexes ont surtout contribué, sur la dernière période, au développement d’un système
financier plus flexible et plus efficace que celui existant il y a un quart de siècle ».
Les investisseurs utilisent ces produits pour différentes raisons
comme l’opportunité de gérer le risque de crédit des investissements, l’incapacité des
institutions traditionnelles d’investissements et des gestionnaires d’actifs à participer au
marché du crédit et l’habileté à créer des arbitrages dans l’évaluation du risque de crédit et
entre des secteurs différents du marché. Pourtant, à côté des avantages liés à l’usage des
produits dérivés, il y a aussi un ensemble d’inconvénients, en particulier ceux qui
correspondent au risque systémique. Ces produits se sont souvent retrouvés à l’origine des
crises financières ou ont amplifié les turbulences sur les marchés financiers.

4.3.2. Turbulences financières et spéculation sur les produits


dérivés

Nous présentons dans cette section, dans l’ordre chronologique, quelques épisodes
de crise qui ont été générés par les produits dérivés à des fins spéculatives ou qui ont été
amplifiés par les produits dérivés. Les facteurs de risque associés à l’utilisation des produits
dérivés seront analysés en détail dans la section suivante.
Les marchés des produits dérivés ont souvent représenté le théâtre des
spéculateurs. Le volume des transactions et la difficulté de la régulation des marchés
constituent des éléments qui amplifient le risque systémique et le phénomène de contagion sur
ces marchés. Au cours des dernières années, les produits dérivés ont rendu les systèmes
financiers de plus en plus vulnérables devant l’apparition des crises financières.
Dodd (2004), Stulz (2004) et Emma et Ince (2006) présentent quelques
événements liés à l’utilisation des produits dérivés. Un premier événement porte sur la faillite
d’Orange County Investment Pool, au Californie. Au début des années 90, le management de
ce fonds d’investissements a décidé d’investir ses liquidités dans des obligations à long terme.

267
Lorsque le taux d’intérêt a baissé sur le marché et le prix des obligations a monté, le fonds a
enregistré des rendements supérieurs au marché. Mais, en 1993, anticipant la poursuite de la
baisse des taux, le management du fonds a adopté une stratégie agressive d’investissements,
achetant des « inverse floaters »105, dont le rendement était inversement corrélé au London
Interbank Offer Rate (LIBOR). Les instruments du type « reverse repo » ont été aussi
intensément utilisés. Cette stratégie d’investissements suppose l’acquisition des bons de trésor
« on margin », leur vente ultérieure conduisant dans notre exemple à la croissance du
rendement si le taux d’intérêt baisse et à une augmentation des pertes si le taux d’intérêt
s’accroît. Cependant, en février 1994, la FED a décidé d’augmenter ses taux d’intérêt à six
reprises jusqu’à la fin de la même année. Le LIBOR a monté de 3,6% à 6,8% et le fonds a
perdu environ 1,7 milliard de $, ce qui a conduit à sa faillite.
Un autre événement est représenté par la faillite de Barings PLC survenu début
1995106. Un trader qui travaillait pour Barings Future Singapore a négocié des calls et des
puts sur l’indice du marché japonais, le Nikkei 225, de même prix strike. Cette stratégie
appelée « straddle »107 n’était pas autorisée. La logique d’un acheteur (vendeur) de straddle
repose sur l’anticipation d’une forte (faible) variation de l’actif support, sans connaître
cependant le sens de la variation mais variation qui doit être suffisamment importante pour
l’acheteur pour couvrir la valeur des deux primes. Néanmoins, le trader concerné, vendeur
d’un straddle sur le Nikkei 225, a été victime d’une chute substantielle de la bourse japonaise
et Barings a perdu presque 1,5 milliard de $. Cet événement montre ce qui peut arriver
lorsqu’il n’y a pas d’instruments adéquats pour contrôler des risques.
L’effondrement du fonds d’investissements Long Term Capital Management
108
(LTCM) fut un événement intensément médiatisé, expliqué par le syntagme : « l’histoire ne
se répète pas ». Le LTCM était un fonds spéculatif qui a beaucoup investi sur les produits
dérivés (la participation à ce fonds était conditionnée à 300.000 de $). La stratégie utilisée
était fondée sur un modèle mathématique détaillé, dont les relations s’appuyaient surtout sur
l’historique des marchés des produits dérivés. La clé était le spread des prix entre les
obligations non-gouvernementales des pays développés et de celles des pays en

105
Un instrument financier à revenu fixe dont le coupon fluctue en sens opposé à un taux de référence.
106
Barings était la plus ancienne banque du commerce extérieur (merchant bank) de Londres.
107
C’est une stratégie boursière qui consiste dans l’achat ou la vente du même nombre d’options put et call, avec
la même valeur de l’actif support, la même date et le même prix pour l’exercice. Une alternative à cette stratégie
s’appelle « strangle » et consiste dans l’achat ou la vente d’un même nombre de puts et de calls, sur le même
actif support, de même échéance mais avec des prix d’exercice différents.
108
Un fonds spéculatif dans son essence (LTCM hedge fund), créé en 1994, par deux de futurs lauréats du prix
Nobel pour l’économie : Myron Scholes et Robert Merton. Un autre spécialiste de ce domaine, David Mullins, a
démissionné de la position de vice-président du FED pour devenir l’un des actionnaires du fonds.

268
développement avec un effet retour à la moyenne. Le LTCM détenait en juillet 1998 des actifs
d’une valeur de 125 milliards de $, financés par des fonds propres (4,1 milliards de $) mais
surtout par des emprunts.
Vers mi 1998, lorsque le gouvernement russe a dévalué le rouble et a déclaré le
moratoire sur le remboursement de ses dettes, le spread a augmenté, contrairement aux
prévisions. Les capitaux du fonds LTCM se sont alors passés de 4,8 milliards de $ à 600
millions de $. Les pertes ont créé un cercle vicieux car LTCM procédait à la vente de certains
actifs, exerçant des pressions sur les prix mais, en même temps, le marché sentait que la
liquidation des positions du fonds était de plus en plus probable.
Les institutions financières n’ont pas été les seules à être impliquées dans des
événements liés aux produits dérivés (Stulz, 2004). En 1993, Procter & Gamble (P&G) était
cotée comme 12ème parmi les plus grandes compagnies industrielles des Etats-Unis. Au début
des années 90, P&G signait régulièrement des swaps sur taux d’intérêt et sur taux de change
avec les grandes banques américaines, comme par exemple J.P. Morgan et Bankers Trust
(BT), pour réduire ses coûts. Beaucoup de ces contrats étaient considérés comme
« exotiques » et implicitement complexes. Par exemple, en 1993 et au début 1994, P&G est
entré dans sept contrats swap avec la banque BT pour minimiser les coûts, swaps financés par
des emprunts (leveraged swap109). Les contrats conclus en 1994 ont entraîné des pertes
significatives pour P&G au moment où le FED a décidé, pour la première fois après cinq ans,
d’augmenter le taux d’intérêt de court terme. P&G a annoncé une perte de 157 millions de $
liés aux contrats swap.
D’autres cas où des institutions individuelles ont été négativement affectées par le
marché des produits dérivés ont été : Enron, Allied Irish Bank's Allfirst, New York Attorney
General Elliot Spitzer, The Metallgesellschaft, etc.
L’utilisation inadéquate des produits dérivés n’a pas seulement entraîné la
déstabilisation ou la faillite de certaines institutions individuelles, mais elle a aussi généré ou
amplifié les phénomènes de crise systémique. Une première crise importante des années 90 où
les produits dérivés ont joué un rôle important a été la crise du Système Monétaire Européen,
déclenchée en septembre 1992 et dont nous avons parlé dans le premier chapitre de la thèse.

109
Un swap financé par emprunt est utilisé d’abord pour minimiser les coûts « d’engagement » de l’émetteur
d’une obligation structurée (structured note) qui sert comme véhicule de transport (carrier vehicle) pour la
structure du swap. L’émetteur fixe (embedding) le swap dans une forme d’emprunt (leveraged form),
concentrant la réduction du coût de financement sur une base plus faible, réduisant ainsi le coût total de la
création de l’instrument.

269
Dans cette situation, les stratégies de protection contre le risque ont abusé des options de
change, contribuant à l’amplification de la crise.
L’histoire de cet événement de crise reflète d’abord sa complexité. Au début des
années 90, le gouvernement italien a décidé d’adopter la bande de fluctuation étroite du
mécanisme de change européen et les investisseurs internationaux ont été attirés par un pays à
croissance économique élevée, mais avec une inflation tout aussi importante, qui joignait le
processus de convergence. Les flux de capitaux ont continué à augmenter aussi bien en Italie,
qu’en Espagne. Mais comme les résultats du Traité de Maastricht n’ont pas été tout à fait les
résultats attendus, les investisseurs internationaux attirés par les rendements du taux d’intérêt
se sont protégés contre le risque de change. Par conséquent, ils ont acheté des options put à un
prix d’exercice à la limite supérieure de la bande de fluctuation. Aussi longtemps que la bande
restait crédible, les options étaient considérées « hors la monnaie », donc sans valeur.
Cependant, après le référendum danois, des pressions sur les plus faibles monnaies se sont fait
sentir. Le moment où la bande de fluctuation a perdu sa crédibilité, le taux d’intérêt sur la
livre sterling a augmenté avec l’écart entre le taux de change à vue (spot) et la parité centrale.
Plus le taux de change spot approchait de la limite supérieure de la bande de fluctuation, plus
la différence entre les taux d’intérêt à court terme, en Italie et en Allemagne par exemple,
augmentait. Lorsque le taux de change livre sterling-deutsche mark a dépassé les limites de la
bande, les options sont devenues « dans la monnaie » et ont été intensément exercées. On fut
confronté au phénomène où la livre sterling était vendue sur le marché au comptant en
échange de la livre sterling qui devrait être achetée aux partenaires des contrats options. Cette
stratégie de protection contre le risque a retardé la crise, mais elle l’a aussi transformée dans
une crise beaucoup plus violente. Le marché de change est devenu illiquide à cause des
attaques spéculatives. Un phénomène identique s’est produit pendant la crise du dollar de
1995, crise où les options complexes (des options call sur dollar du type « knock-out ») ont
joué un rôle décisif.
Les produits dérivés n’ont pas non plus été étrangers à la crise mexicaine. Sans
présenter les causes fondamentales de la crise mexicaine (que nous avons décrites dans la
première partie du travail), Pisani-Ferry et Sgard (1995) montrent la façon dont les ingénieries
financières ont conduit au déclenchement de la crise. Les investisseurs étaient enthousiasmés
par la libéralisation des marchés de capitaux des économies émergentes, tels que le marché
mexicain. La dette publique de ce pays a été titrisée à l’aide des obligations Brady
(Tesobonos), exprimées en dollars et garanties avec des bons de Trésor américain. Ces
instruments ont été tout de suite acceptés par les fonds spéculatifs et par les banques

270
d’investissements, car les transactions sur ce type d’instruments se font sur des marchés
étroits qui facilitent la création artificielle de la volatilité des prix. La stratégie a été du type
collar et, avec cette stratégie, les investisseurs achetaient à la fois des calls que des puts sur le
même actif support et attendaient l’augmentation de la volatilité du prix de l’actif concerné
(procédé semblable à celui du cas Barings). Les fonds spéculatifs ont alors commencé à
acheter l’actif support pour augmenter la volatilité du marché et, indirectement, la volatilité
des calls. Les banques qui avaient vendu les options, s’empressaient d’acheter des obligations
Brady, pour couvrir leurs positions courtes.
Vers la fin 1994, les autorités mexicaines se sont rendues compte des problèmes de
liquidité avec lesquelles elles ont été confrontées au début 1995 (Sachs et al., 1995). La prime
de risque pour les Tesobonos était de 2% au début du déclin du peso mexicain, en décembre
1994, et elle a même atteint 20% en février 1995. Dans ce contexte, lorsque les sources
officielles ont été épuisées, le déficit de liquidité nécessaire au Mexique était de 55 milliards
de dollars au début 1995, ce qui indiquait l’apparition d’une crise financière de grande
ampleur, avec des implications systémiques au niveau international. Dans cette situation,
l’utilisation des produits dérivés a aidé à cacher les problèmes qui existaient dans les
fondamentaux économiques, amplifiant ainsi le phénomène de crise.
La crise asiatique de 1997 s’est avérée un terrain propice pour étudier les risques
générés par l’usage inadéquat des produits dérivés. Dans ce cas, il ne s’agit pas de la dette
publique, mais de la dette bancaire qui a été souvent rééchelonnée. Les instruments dérivés à
l’origine des problèmes sont les swaps de risque de défaut qui, à la différence d’autres
instruments, s’exerce lorsque le risque survient, et non pas seulement si l’acheteur de
protection le décide (Bruyère, 1998). Il donne l’exemple de la banque Korean Development
Bank (KDB). En novembre-décembre 1997, la valeur notionnelle des produits dérivés de
risque de défaut était pour la banque coréenne quatre - cinq fois plus grande que la valeur
nominale des obligations issues sur le marché. Les opérateurs se sont vite rendus compte que,
si les contrats étaient exercés, les acheteurs de protection devront acheter les obligations avant
de pouvoir les livrer. Si les contrats étaient massivement exercés, les obligations de KDB
seraient négociées à un prix inférieur à leur valeur réelle. Celui qui achète une protection par
l’intermédiaire d’un default swap à exercice automatique peut enregistrer une perte sur le
contrat qui résulte de l’achat sur le marché secondaire d’un titre à un prix qui est supérieur au
prix réel. Par contre, celui qui achète une protection par l’intermédiaire d’une option de risque
de défaut peut se défendre contre un tel scénario s’il n’exerce pas le contrat. Cela montre que

271
toute catégorie de produits financiers dérivés peut être considérée, dans un certain contexte,
comme une menace pour la stabilité financière.
Les instruments dérivés furent aussi présents dans la crise d’Argentine de 2001. La
crise a représenté un test important pour les produits dérivés de crédit sur un émetteur
souverain. Si vers la fin de février 2002, la plupart de credit default swaps sur la capacité de
paiement du gouvernement d’Argentine (11,5 milliards d’euro) a fait l’objet d’une régulation,
un certain nombre de contrats se sont dénoués en justice. Pour les contrats avec l’échéance
avant le 24 décembre 2001 (le jour où l’Argentine a annoncé son incapacité de payer sa dette),
certains vendeurs de protection considéraient qu’ils ne devraient pas honorer la dette envers
ceux qui avaient acheté une protection. Le malentendu est apparu du fait du processus de
restructuration de la dette interne de l’Argentine, processus qui s’est produit avant cette date,
pendant la période où les contrats n’étaient pas encore arrivés à échéance. « Cet événement a
mis en évidence que, malgré une plus grande standardisation et malgré une moindre liberté
d’interprétation des contrats, les produits dérivés de crédit cachent encore beaucoup de
secrets pour leurs utilisateurs » (Prato, 2002).
Les produits dérivés de crédit se sont aussi faits remarquer pendant la récente crise
immobilière aux Etats-Unis en 2007. Par la titrisation des crédits les plus exposés au risque de
non remboursement (les subprimes), les établissements de crédit hypothécaire en ont
largement profité, contournant en même temps les régulations concernant l’adéquation des
fonds propres. Les produits dérivés de crédit permettent aux banques de sortir de leur bilan
une partie importante du portefeuille de crédits (Léonard, 2008). Les banques ont cédé la
propriété de ces crédits, sous la forme des titres négociables (mortgage backed securities), à
des investisseurs intéressés pour prendre ce risque de crédit. Les produits dérivés de crédit ont
permis aussi aux investisseurs qui ont pris le risque de crédit de se couvrir contre ce risque.
Ainsi, il faut dire que les produits dérivés ne présentent pas des risques majeurs en
eux-mêmes, mais plutôt l’utilisation défectueuse ou spéculative de ces produits est une source
importante de risque systémique. La faible qualité de la gestion du risque et du contrôle
interne, ainsi que l’erreur humaine viennent s’ajouter à ces éléments. La sévérité des crises
produites ces dernières décennies a souligné l’importance de l’analyse détaillée de ces
instruments financiers et de l’analyse des risques auxquels s’exposent les agents économiques
qui utilisent les produits dérivés financiers.

272
4.3.3. Les risques associés à l’usage des produits financiers dérivés

Les produits financiers dérivés doivent contribuer à la réduction des risques


financiers. Malgré cela, ils génèrent souvent de nouveaux risques. « Aucun risque ne se perd,
aucun risque ne se crée, tout risque se transforme », affirmait Lavoisier110 (Bruyère, 1998).
On retrouve aujourd’hui cette phrase au centre des finances modernes et elle relève le fait que
les produits dérivés n’annulent pas les risques financiers qui affectent de plus en plus les
participants aux marchés financiers, mais plutôt ils les transforment ou les transfèrent.
Parce qu’il s’agit des produits nouveaux, qui demandent aux utilisateurs des efforts
pour comprendre leurs mécanismes de fonctionnement et qui donnent en même temps de
nouvelles valeurs aux risques financiers, les produits dérivés de crédit représentent « les
instruments les plus ésotériques au sein des finances globales » (Coleman, 2001).
Les utilisateurs des produits dérivés sont beaucoup plus prédisposés aux risques
financiers que les utilisateurs d’autres instruments financiers et ce pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, les transactions avec des produits dérivés ne supposent pas des investissements
initiaux importants et, par conséquent, l’activité de surveillance des risques est plus faible.
Une deuxième raison qui conduit à la sous-estimation des risques entraînés par l’utilisation
des produits dérivés, est liée aux pertes potentielles. Dans un contrat sur produits dérivés, la
perte d’une partie représente le gain de l’autre partie. Pour que la perte supportée par un
partenaire crée un coût social, elle doit correspondre à un coût final important (Stulz, 2004).
Les risques associés à l’utilisation des produits dérivés sont des risques financiers
généraux, qui caractérisent d’autres instruments financiers aussi, ainsi que des risques
spécifiques à ces instruments.

4.3.3.1. Les risques généraux associés à l’utilisation des produits dérivés

Les risques généraux sont intensément analysés dans la littérature de spécialité


(voir De Servigny et Zelenko (2003), EIA (2002), Dodd (2004), Bruyère (1998) et Prato
(2002)). Dans le cas des produits dérivés, et surtout des produits dérivés de crédit, ces risques
acquièrent de nouvelles dimensions.
Un premier risque est le risque de crédit, qui apparaît au moment où un vendeur de
protection conclut un contrat qui implique des produits dérivés de crédit. Ce risque diffère

110
Antoine Laurent de Lavoisier (1743 - 1794) a été un chimiste, philosophe et économiste français.

273
lorsqu’il s’agit des produits dérivés, car il n’est pas égal à la valeur de l’actif support, mais au
coût du remplacement du contrat si le partenaire de contrat ne respecte pas ses obligations. Ce
risque inclut donc le risque habituel de contrepartie, enregistré en cas de défaut du premier
débiteur.
Un deuxième risque général est le risque de liquidité. Le besoin de liquidité est
limité, étant donné le fait que les produits dérivés de crédit servent à couvrir des positions
différentes sur le marché du crédit, positions envers lesquelles les banques se sont exposées
(Matsushita, 1996 et Aglietta, 1996). Par contre, lorsque les partenaires désirent se séparer des
contrats avant l’échéance, l’absence de liquidité sur le marché des produits dérivés de crédit
peut représenter une source importante de contagion.
Les produits dérivés n’impliquent pas le même risque de liquidité. L’un des
marchés les plus exposés au risque de liquidité est le marché des swaps de taux d’intérêt. En
revanche, comme l’affirme Chan-Lau (2006), les credit default swaps sont les contrats les
plus liquides, ressemblant aux contrats d’assurance contre la probabilité de défaut des
partenaires.
Il y a aussi des risques légaux et des risques de régulation. On ne sait pas
exactement s’il faut inclure les produits dérivés de crédit dans la catégorie des contrats
financiers, des assurances ou des titres négociables. Même si les définitions des termes et des
expressions utilisés dans les contrats ont été données en 1999 par l’ISDA, permettant un
certain degré de standardisation des marchés, il y a encore des marges d’interprétations quant
aux clauses des contrats. Ces risques se manifestent surtout sur les marchés de gré à gré, où il
n’y a pas de chambre de compensation et où la documentation n’est pas standardisée (Gray et
Place, 1999).
Le risque opérationnel est le risque de perte suite à un échec humain ou technique.
Ces risques sont causés par le manque des systèmes de contrôle pour surveiller l’activité des
opérateurs. Pour réduire ces risques, la FED a par exemple recommandé qu’aucune institution
ne s’engage dans des transactions sur dérivés de crédit si son management ne connaît pas
suffisamment ces instruments et les risques associés.
Le risque de marché est lié à la modification des positions du bilan des institutions,
comme conséquence de la variation des prix du marché (actions, taux d’intérêt, taux de
change, spreads de crédit). Outre le risque de marché, on retrouve aussi un risque de modèle
qui apparaît surtout du fait de l’absence de cotations sur le marché pour certains instruments,
les banques étant obligées à faire appel aux modèles internes d’évaluation. De cette façon, un
risque important au sein des risques du marché est le risque spécifique à l’entité de référence.

274
Ce risque est associé, d’un côté, à la méthode appropriée pour mesurer le risque (en particulier
pour les instruments complexes, qui ont comme support un portefeuille d’actifs) et porte, de
l’autre côté, sur un processus adéquat de compensation des risques spécifiques.
Le risque le plus important qui apparaît surtout sur les marchés de gré à gré est le
risque systémique. Le risque systémique fait référence à un événement brusque, qui n’est pas
anticipé et qui déstabilise le système financier de sorte que toute l’activité économique en
souffre. Les fortes liaisons entre marchés des dérivés et marchés des actifs support se
retrouvent à la base de ce risque. Les produits dérivés peuvent favoriser la spéculation, de la
même façon qu’ils contribuent à la réduction des coûts pour la protection contre les risques.
Ces instruments peuvent générer des opportunités pour des activités destructrices, comme par
exemple la fraude et la manipulation, et ils peuvent favoriser les activités non - productives,
telles la soustraction aux régulations prudentielles, la manipulation des normes comptables et
la défiscalisation.
Tous ces risques financiers généraux doivent être approchés d’une manière
particulière lorsqu’il s’agit des instruments dérivés. De plus, il y a plusieurs risques
spécifiques à ces produits que nous analysons dans les sections suivantes.

4.3.3.2. Les produits dérivés et le processus de titrisation

La titrisation peut être définie comme la transformation d’actifs à niveau réduit de


liquidité en actifs négociables. Cette transformation, accompagnée par le transfert des actifs
sur le marché, ne se produit pas directement, mais par l’intermédiaire de certaines entités. Les
principaux schémas d’exercice de cette activité sont appelés pass-through et pay-through. Au-
delà des entités qui viennent d’être mentionnées, les participants au processus de titrisation
sont la société qui cède les actifs financiers, appelée originateur, sponsor ou cessionnaire, et
les investisseurs111.

111
En principe, les deux schémas se distinguent par la manière de cession des titres financiers. Pour le schéma
pass-through, les actifs sont transférés vers une institution appelée trust qui les gère. Elle émet des quotas des
actifs titrisés qui seront souscrits par les investisseurs finaux qui deviennent les possesseurs des titres de
propriété sur les actifs transférés. On peut remarquer qu’au sein du schéma pass-through le risque de crédit des
actifs titrisés est maintenu. Le schéma pay-through suppose la présence d’un « véhicule » particulier, appelé
société de titrisation ou véhicule spécial, qui diffère du trust par ce qu’il achète des actifs et émet des titres
nommés Asset Backed Securities (ABS). Il faut remarquer que la société de titrisation est indépendante de la
compagnie sponsor, ce qui ne permet pas théoriquement l’implication de la société cessionnaire dans son
activité. En outre, elle prend la forme d’une compagnie qui peut réaliser exclusivement des opérations de
titrisation, fait qui réduit le risque de défaut de la société de titrisation (Constantin, 2006).

275
L’activité de titrisation suit généralement le mécanisme suivant. L’institution
financière (le sponsor) déclenche la procédure de titrisation des actifs et les vend par
l’intermédiaire d’un mécanisme de cession (true sale) par lequel le risque est totalement
transféré à un véhicule spécial, véhicule d’investissements ou société de titrisation, une
structure créée ad hoc et gérée par un sponsor. Ce véhicule spécial finance l’achat des actifs
en émettant sur le marché des titres qui utilisent des actifs comme garanties. Les flux générés
par ces actifs sont collectés par les institutions financières qui les transfèrent aux investisseurs
par l’intermédiaire des SPV. Les véhicules spéciaux jouissent des facilités bancaires du type
stand-by en cas de crise de liquidité.
Pour compléter le processus de titrisation, le développement des dérivés de crédit
ouvre de nouvelles opportunités : la cession ou l’échange du risque de crédit, sans un transfert
de monnaie (De Servigny et Zelenko, 2003). Les produits dérivés de crédit représentent,
comme nous l’avons vu, des contrats bilatéraux conclus de gré à gré. Leur utilité est fondée
sur la protection contre un risque spécifique – le risque qui porte sur la qualité d’un débiteur
ou d’un émetteur. Les banques ont commencé à utiliser de plus en plus ces instruments dans
les opérations de titrisation. La titrisation des créances utilise de plus en plus souvent des
structures appelées « synthétiques », qui sont formés sur les produits dérivés de crédit.
Ce mélange entre le processus de titrisation et les dérivés de crédit représente un
véritable risque pour la stabilité financière. A la différence des opérations de titrisation en
numéraire, les opérations synthétiques permettent à la banque de conserver, du point de vue
juridique, la propriété du portefeuille de créances transférant seulement le risque de crédit
vers un tiers, par l’intermédiaire des dérivés de crédit. Cette structure synthétique, appelée
collateralised debt obligation, permet à la banque d’acheter une protection, sans céder la
propriété du portefeuille des crédits, en procédant de la manière suivante (Prato, 2002) :
- conclure un contrat avec des dérivés de crédit de haute qualité, A (rang senior),
avec en général comme partenaire une autre banque, contrat qui couvre environ 90% du
portefeuille ;
- conclure un contrat avec des dérivés de crédit de qualité plus faible, B, C (rang
junior), avec en général comme partenaire un véhicule ad hoc qui couvre les autres 10% du
portefeuille112.

112
Chaque tranche (senior ou junior) a un niveau différent de protection contre le risque. La classe A est la
première qui manifeste ses droits sur les cash-flows collectés par le SPV (nous parlons donc d’un système de
cash-flow de type cascade).

276
Une autre menace est que certaines banques enregistrent une partie des opérations
sur dérivés de crédit dans des véhicules spécialisés situés dans la zone off-shore. Le but
poursuivi est de nature fiscale, mais est aussi de bénéficier d’une régulation comptable et
prudentielle plus laxiste. Dans les centres off-shore, les SPV peuvent aussi souvent conclure
des contrats d’assurance, à côté des opérations classiques. Par conséquent, les banques
utilisent ces véhicules (appelés aussi « transformer ») pour transformer les dérivés de crédit
en contrats d’assurance (Prato, 2002). Ainsi, la mission des autorités de contrôle concernant
l’évaluation du risque réel inhérent à ces opérations entre des sphères géographiques et
sectorielles diverses de l’économie est de plus en plus difficile.

4.3.3.3. Les risques associés à la complexité des dérivés de crédit

La majorité des désastres financiers à l’origine desquels on retrouve les produits


dérivés impliquent l’utilisation des produits complexes dont le fonctionnement n’est pas bien
compris par les utilisateurs finaux. Du fait de leur complexité, ces produits représentent un
défi pour les managers et les autorités de régulation, ainsi que pour les opérateurs de marché.
La complexité de ces produits réside dans les méthodes d’évaluation et de
compensation utilisées, mais aussi dans les garanties choisies. « Elle est suffisamment élevée
pour que les sociétés d’investissements et les banques engagent des personnes avec un
doctorat en mathématique, en physique ou en économie financière pour faire des analyses »
(Coleman, 2001).
S’il existe des principes de valorisation communs pour tous les opérateurs du
marché dans le cas des dérivés traditionnels113, cela n’est pas le cas pour les dérivés de crédit.
Par exemple, l’évaluation des dérivés sur spread de crédit est fondée sur des
principes différents : en cas de valorisation d’un contrat à terme sur spread de crédit, on
détermine la structure à terme du spread de crédit, tandis que pour les options sur spread de
crédit, on modélise le comportement de l’actif support. Au-delà de l’évolution de l’actif
support ou du spread de crédit, il y a d’autres facteurs qui contribuent à l’évaluation d’un
dérivé de crédit :
- « la séniorité » de l’actif de référence : en cas de défaut, l’espérance
mathématique des pertes est plus faible pour un titre senior que pour un titre de rang inférieur;

113
Un produit dérivé peut être reproduit ou dupliqué de façon synthétique, par des positions longues ou courtes
de l’actif support ou de l’actif sans risque, méthodologie dérivée du modèle Black & Scholes.

277
- la liquidité du produit : un titre synthétique sur un risque de crédit existant sur le
marché sous la forme d’une obligation doit présenter une prime de risque qui reflète une
liquidité réduite et, par conséquent, doit avoir un rendement en conséquence ;
- l’échéance de la transaction.
Une autre méthode d’évaluation des dérivés de crédit est fondée sur les swaps des
actifs (asset swaps). Les swaps de taux d’intérêt se sont développés comme des instruments
de gestion du passif, mais les participants aux marchés des produits dérivés ont constaté qu’ils
peuvent être utilisés aussi pour la gestion des flux financiers des obligations qui se trouvent à
l’actif du bilan (Bruyère, 1998). Si un swap de taux d’intérêt peut être défini comme un
simple contrat d’échange des flux futurs, un asset swap peut être défini comme une
combinaison entre un swap classique de taux d’intérêt et un titre obligataire acheté sur le
marché secondaire.
Les produits financiers dérivés sont essentiels aujourd’hui pour le bon
fonctionnement des marchés financiers développés. Pour limiter les effets systémiques qui
pourraient être entraînés par le blocage financier d’une institution active sur un marché de
dérivés, il faut procéder à des opérations de compensation réduisant l’exposition par une
position longue ou courte sur un certain produit (généralement par la conclusion d’une
transaction opposée), mais il faut en même temps bénéficier d’une protection fournie par des
garanties adéquates.
Nous parlons d’abord de l’activité de compensation, sans laquelle l’ampleur
actuelle du marché des dérivés, sa liquidité et sa concentration ne pourraient pas exister. La
compensation permet d’ajuster les positions en risque, en signant avec le même partenaire des
contrats pouvant contrebalancer une position. Cependant, compte tenu du fait que les
nouveaux contrats sont généralement émis à valeur nulle, la position longue ou courte ne peut
être ajustée sans qu’une des parties enregistre immédiatement des flux de numéraire. La
technique utilisée ne met pas en évidence le besoin de négocier la valeur finale des contrats
existants. Le risque qui apparaît dans ce cas, caractérise les marchés de gré à gré. En absence
de chambre de compensation, une société qui désire réviser sa position sur un contrat dérivé
est dans une position défavorable vis-à-vis des partenaires initiaux du contrat (Culcescu,
2005).
Les garanties représentent un autre élément important pour la stabilité. Au début
du développement du marché des dérivés, le problème était lié à l’identification des
partenaires à niveau de remboursement satisfaisant, ou à rating convenable de crédit. Les
partenaires potentiels qui ne présentaient pas un rating de crédit acceptable, étaient exclus ou

278
étaient obligés de payer une prime substantielle. A présent, les garanties permettent la gestion
du risque de crédit et l’expansion du marché de sorte que des partenaires moins solides soient
aussi inclus. Les garanties totales déposées pour les contrats dérivés en 2004 ont dépassé 1
milliard de dollars, en progression de 40% sur un an (Bliss et Kaufman, 2006).
En conclusion, la compensation, les garanties et la réduction des expositions
n’impliquent pas directement une réduction du risque systémique, mais ces éléments sont tous
nécessaires pour un bon fonctionnement du marché.

4.3.3.4. Le risque d’amplification de la volatilité des marchés financiers

Une volatilité excessive est surtout rencontrée sur les marchés avec une asymétrie
d’information élevée, tels les marchés de gré à gré. Les spéculateurs amplifient la volatilité
des prix en achetant à la hausse et en vendant à la baisse. Les investissements sur dérivés
impliquent souvent un endettement important (highly leveraged investments) qui favorise la
spéculation. Ainsi, si la spéculation est déstabilisatrice, les dérivés renforcent la volatilité.
De l’autre côté, les dérivés favorisent aussi la propagation de l’information sur les
fondamentaux d’un produit, reflétés par son prix. Par conséquent, les prix répondent
beaucoup plus rapidement aux nouvelles informations sur les marchés des contrats dérivés, ce
qui entraîne une augmentation de la volatilité des marchés des actifs support. Un exemple
simple est celui de la sphère des options de taux de change. Si une devise fait l’objet de
spéculation, on observe une augmentation de la volatilité anticipée de la devise concernée via
le prix des options (volatilité implicite), même si les fluctuations du taux de change (volatilité
historique) restent dans la ligne des évolutions précédentes. Ce décalage entre la volatilité
implicite et la volatilité historique peut engendrer une augmentation des prix qui peut
entraîner dans certaines circonstances un blocage du marché.
La volatilité générée par des dérivés est fréquemment associée à une faible
transparence de ces marchés (Acharya et Johnson, 2007). La volatilité est aussi influencée par
le traitement comptable des produits dérivés. L’enregistrement des produits dérivés dans
l’actif ou le passif du bilan n’est pas toujours clair114. Le marquage au marché conduit aussi à

114
Essayant de clarifier quelques aspects liés à l’enregistrement des produits dérivés en comptabilité, Heath
(1998) donne comme exemple les contrats forward. Si la valeur présente des contrats forward est positive (c'est-
à-dire la valeur présente des sommes à recevoir est plus considérable que la valeur présente des sommes à
payer), le contrat est un actif financier. Dans la situation inverse, il est considéré comme un élément du passif du
bilan.

279
l’augmentation de la volatilité des gains des actionnaires et implicitement à l’augmentation de
la volatilité du prix des actions (EIA, 2002).
La majorité des études empiriques montrent que l’utilisation des produits dérivés
réduit ou n’a aucun effet sur la volatilité du marché. Ces études testent cependant la relation
entre produits dérivés et réduction de la volatilité de l’activité économique. La volatilité du
prix des actifs (ou la volatilité financière) peut être amplifiée, comme nous l’avons vu, par
l’utilisation de dérivés à des fins spéculatives. Les traders sur dérivés, en tant qu’opérateurs
engagés dans des opérations risquées, créent un surplus de volatilité au niveau du prix des
actifs, des taux d’intérêt ou des taux de change, augmentant le degré de risque des
investisseurs et affectant le fonctionnement normal des marchés.

4.3.3.5. Le risque associé à l’activité de régulation et de surveillance

Les autorités de régulation doivent prêter une attention accrue aux positions des
banques qui reflètent l’utilisation de dérivés pour s’assurer que ces institutions disposent du
capital adéquat. Compte tenu des implications des dérivés sur la stabilité financière, il est
important de vérifier les pratiques liées à la gestion des risques associés à ces produits.
Les dérivés sont souvent utilisés pour éviter ou contrer la régulation des marchés
financiers, régulation établie pour assurer la stabilité financière. Comme nous l’avons déjà vu
dans une section précédente, une partie significative des crises financières a été provoquée ou
amplifiée par l’usage inapproprié des produits dérivés. Les dérivés peuvent aussi contribuer à
une réduction de la fiscalité et à la manipulation des régulations comptables par le remodelage
des flux des paiements de sorte que les gains soient reportés à une période plus favorable.
Les autorités doivent avoir aussi en vue la qualité de la protection assurée par les
produits dérivés. Si cette protection est imparfaite, elle peut entraîner pour son acheteur, soit
un risque à l’échéance, résultant de l’absence de correspondance entre les échéances ou par le
décalage entre l’échéance de l’exposition et celle de la protection (maturity mismatch), soit un
risque de base, qui correspond à l’absence de corrélation des actifs (asset mismatch). Il y a
aussi un troisième risque, celui de l’absence de corrélation des devises (currency mismatch),
un risque de change qui apparaît lorsque l’instrument pour lequel la protection offerte est
libellée dans une devise différente de celle de l’instrument de protection.
La qualité de la protection montre si l’instrument concerné fait partie de la
catégorie d’instruments de protection ou d’instruments utilisés à des fins spéculatives.
L’APRA (1999) énumère trois possibilités pour la gestion de l’absence de correspondance

280
entre les échéances, plus exactement : la négation de la protection, sa reconnaissance partielle
ou sa reconnaissance complète. La première option n’est pas viable parce qu’elle ignore
totalement la présence de la protection. La dernière n’est pas plus désirable parce qu’elle
ignore les décalages ou l’absence de corrélation. Par conséquent, la meilleure solution semble
être la reconnaissance partielle de la protection.
De plus, un autre problème important pour les dérivés est représenté par la façon
dont un produit dérivé est encadré dans le portefeuille bancaire ou dans le portefeuille de
négociations car le capital réglementaire concerné est sensiblement plus élevé pour le
portefeuille bancaire. Les critères d’encadrement diffèrent d’un pays à un autre, les critères de
classification les plus importants étant l’intention d’en faire des transactions et l’exigence que
l’instrument soit valorisé à sa valeur de marché.
Pour le portefeuille bancaire (banking book), le traitement des produits dérivés
ressemble à celui appliqué aux garanties. Celui qui vend la protection et prend le risque de
crédit auquel l’entité de référence est exposée, doit enregistrer ce risque comme un risque qui
l’affecte directement. Celui qui achète la protection peut à son tour bénéficier d’une réduction
de la demande en fonds propres relatifs à l’actif objet de la protection.
Lorsqu’il s’agit du portefeuille de négociation ou de celui afférent aux transactions
(trading book), le vendeur de la protection doit respecter les exigences en fonds propres qui
correspondent à certains risques de marché généraux ou spécifiques qui caractérisent les actifs
support, mais aussi au risque de contrepartie qui résulte du contrat conclu avec l’acheteur de
la protection. Les fonds propres afférents au portefeuille de négociation ou de celui des
transactions sont plus faibles que ceux exigés pour les produits dérivés du portefeuille
bancaire. Néanmoins, pour pouvoir être enregistrées dans le portefeuille de négociation, les
opérations avec des dérivés doivent remplir deux critères : (a) un premier critère est lié au
produit dérivé lui-même, qui doit faire l’objet d’une intention de négociation prouvée et (b)
un deuxième critère porte sur l’institution concernée qui doit démontrer qu’elle a une
expérience satisfaisante sur ce type d’opérations et qu’elle détient des systèmes de contrôle
adéquats.
Si on considère qu’un certain instrument financier dérivé est utilisé en couverture,
selon l’IAS 39, trois méthodes d’enregistrement comptable sont possibles (Bukovac et al.
2008) : (a) protection de la valeur réelle (fair value hedge), (b) protection du cash-flow (cash
flow hedge) et (c) protection des investissements nets dans une opération sur devises (hedge of
net investment in a foreign operation). Chaque type d’enregistrement comptable de la
protection suppose des méthodes d’évaluation différentes.

281
Les autorités de régulation et de surveillance jouent un rôle important dans la
gestion des opérations sur dérivés. Si la première ligne de défense contre les risques associés à
l’usage des produits dérivés de crédit reste la solidité des systèmes de gestion des risques qui
sont utilisés par les institutions individuelles, une deuxième ligne de défense est représentée
par les exigences prudentielles établies par les autorités tutélaires115.
Aux Etats-Unis, où la culture politique a été toujours contre la concentration du
pouvoir, l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC) au sein de la Trésorerie est
soutenu par quelques agences « indépendantes » de régulation: Federal Reserve (FED),
Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), National Credit Union Administration
(NCUA), Commodity Futures Trading Commission (CFTC), et Securities and Exchange
Commission (SEC). La régulation porte aux Etats-Unis sur les banques, les brokers et les
dealers de produits dérivés, mais non pas sur les sociétés qui agissent comme des institutions
financières sans pourtant être classées comme telles (Dodd, 2004).
A la différence du système américain de régulation, qui est formel et centré sur des
institutions d’état, le système anglais est plus informel, fondé sur la pratique et
l’autorégulation (Coleman, 2001). D’abord, par la réformation de la politique des marchés
financiers en 1986 (Financial Services Act), la régulation a été étendue pour couvrir toutes les
compagnies, sans exception. Ensuite, par la constitution de la FSA en 1999, les dealers sur les
marchés de gré à gré devraient faire preuve de solidité et de professionnalisme, devraient
adopter un ensemble de règles établies en amont par la Banque d’Angleterre et devraient en
même temps contribuer à un système de compensation pour la protection des investisseurs
contre le risque de contrepartie.
Au niveau international, quelques institutions ont contribué à la régulation des
opérations sur dérivés. En 1998, l’Institut International de Finances a avancé les propositions
suivantes : (a) la modification des pondérations de risque au moment concerné ; (b) la
reconnaissance des modèles internes de gestion du risque de crédit ; (c) la définition des
principes de modélisation du risque de crédit (des systèmes de rating interne, etc.). De l’autre
côté, l’ISDA a donné ses propositions et a demandé au Comité de Bâle de tenir compte de ces

115
Ce sont les forces du marché qui doivent donner l’équilibre réel de la régulation, en agissant par la discipline
(Sheng, 2005) : l’autodiscipline, la discipline dans la régulation et la discipline de marché. L’autodiscipline
signifie la conscientisation des participants au marché concernant l’autorégulation, en utilisant des standards
internes adéquats. La discipline par la régulation, accompagnée par des sanctions civiles ou pénales, est
nécessaire dans les domaines où il y a une interprétation fausse ou erronée des libertés (disclosure). La discipline
de marché apparaît sous la forme des standards élevés de liberté, dans le contexte de la discipline contractuelle,
d’une concurrence loyale et des mécanismes clairs pour le fonctionnement du marché.

282
propositions et d’agir en conformité avec ces démarches. Ces propositions se sont trouvées à
la base de la modification de l’Accord de Bâle. Il fallait reconnaître les innovations
financières et les méthodes de gestion du risque utilisées par les grandes banques
internationales. Cependant, contrairement aux prévisions, la forme finale de Bâle II semble
être assez laxiste par rapport aux rigueurs associées à l’usage des dérivés de crédit, le
potentiel risque systémique n’étant pas éliminé.
Il faut dire que cette croissance spectaculaire du marché des produits dérivés de
gré à gré représente un défi pour les modalités traditionnelles de régulation. Premièrement, les
marchés sont vraiment globaux par le fait qu’ils dépassent les frontières et n’entrent pas dans
la juridiction d’un certain état. Deuxièmement, ces marchés sont contrôlés et dominés par un
nombre restreint de sociétés financières complexes qui sont actives, surtout dans les grands
centres financiers du monde.
Seules quelques autorités de surveillance bancaire ont élaboré des guides
complexes sur la façon dont il faut traiter les dérivés de crédit pour définir le capital
réglementaire. L’évaluation indépendante des positions dans les transactions sur dérivés
représente un aspect important pour le contrôle interne. Lorsqu’une banque valorise à valeur
de marché, l’évaluation de tout produit OTC peut être difficile au moment où les prix du
marché ne sont pas disponibles immédiatement. Le risque de contrepartie est à son tour
important. Pour les produits dérivés, il dépend de la dimension de l’exposition, de la
probabilité de défaut et de la valeur de la couverture en cas de non remboursement (Gray şi
Place, 1999).
En conclusion, les autorités de régulation doivent surveiller attentivement les
sociétés financières fortement exposées sur les marchés de dérivés. Cependant, la surveillance
devrait être étendue pour couvrir, à côté des banques et des sociétés d’investissements, les
autres utilisateurs des produits dérivés.

4.3.3.6. Le volume des transactions, la concentration du marché et le risque de


contagion

L’estimation de la dimension des marchés de gré à gré est une activité ambitieuse
et difficile en même temps. Ces marchés sont décentralises et, à cause du manque de la
régulation, les participants ne sont pas contraints de publier leurs transactions. Pourtant, la
plupart des transactions sur ces marchés impliquent la participation d’une banque ou d’un
broker, ce qui peut représenter un point de départ pour estimer le volume des transactions. La

283
Banque des Règlements Internationaux a commencé en 1998 une activité de surveillance des
opérations des institutions financières sur dérivés. La BRI demande à un nombre important de
dealers et des banques du G10 des données sur dérivés et traite la question du double
enregistrement des dérivés au sein des institutions surveillées.
La BRI élabore des rapports sur la dimension des marchés de gré à gré, cumulant
la valeur notionnelle des dérivés en cours (outstanding derivatives). Cette valeur notionnelle
(ou nominale) représente une proxy pour la valeur des contrats liés aux transactions avec des
actifs support. Elle peut être définie aussi comme la valeur nominale brute de tous les contrats
conclus non arrivés à échéance au moment de la préparation du rapport. Pour les contrats dont
le principal a une valeur nominale variable, la base du rapport est donnée par la valeur
notionnelle du principal au moment de la préparation du rapport (la BRI, 2007).
Une autre possibilité d’identifier la dimension des marchés des produits dérivés est
de déterminer la valeur brute de marché (gross market value). La BRI définit la valeur brute
de marché comme étant la somme des valeurs réelles de marché (fair market values),
positives ou négatives, de tous les contrats avec des produits dérivés, en une position ouverte.
Autrement dit, les gains ou les pertes d’une institution liés aux contrats dérivés, sont évalués.
Une valeur brute positive de marché mesure le risque de crédit brut qui apparaît si le
partenaire n’honore pas son contrat. Par exemple, si un dealer A détient un contrat avec une
autre institution financière B et le contrat est « dans la monnaie » avec 10 millions de $, A
enregistre un risque de crédit égal à 10 millions de $ si B n’honore pas son contrat. De
manière alternative, A détient un contrat sur dérivés dont la valeur brute de marché est de 10
millions de $. Ces sommes sont plus faibles que les valeurs notionnelles des contrats en cours.
Finalement, la troisième possibilité d’évaluer les marchés des produits dérivés est
la quantification des transactions. Mais, ces informations sont disponibles régulièrement
seulement pour certaines catégories de produits dérivés.
Pour présenter l’évolution des transactions sur dérivés sur les marchés de gré à gré,
nous avons choisi de retenir la valeur notionnelle des contrats. L’évolution des dérivés par
catégories de produits financiers dérivés est présentée Figure 43, telle qu’elle apparaît dans
l’investigation menée par la BRI.
Ces données semestrielles ont été collectées régulièrement par la BRI depuis 1998.
La période de 10 années analysée indique une croissance significative du volume des contrats.
Sur la seule année 2007, une croissance de plus de 40% a été enregistrée.

284
Figure 43 : L’évolution des produits dérivés par catégories de contrats
(valeurs notionnelles – mld.$)

700000

600000
Autres
500000
Credit default sw aps
400000
Contrats sur
300000 marchandises
Contrats sur actions
200000 Contrats sur le taux
d'intérêt
100000 Contrats sur le taux de
change
0
19 s1
19 s2
19 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
s2
98
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19

Source : Base de données de la BRI

Deux catégories de contrats attirent l’attention : les contrats sur taux d’intérêt
(environ 60% du total des dérivés) et les dérivés de crédit (les produits qui ont enregistré la
plus forte croissance au cours des trois dernières années). Parmi des dérivés sur taux d’intérêt,
les swaps occupent une position significative, atteignant presque 80% du total (Figure 44).
Ceux-ci représentent la catégorie la plus importante des dérivés de gré à gré qui ont enregistré
une forte croissance ces dernières années. L’évolution des dérivés sur taux d’intérêt pour les
principales devises et la structure des partenaires de contrat en 2007 sont présentées dans
l’Annexe 4. Les dealers et les autres institutions financières ont enregistré le plus grand
nombre des contrats.

Figure 44 : L’évolution des swaps sur taux d’intérêt et des credit default swaps
Swap de taux d'intérêt (mld.$) Credit default swaps (mld.$)

350000 70000

300000 60000

250000 50000

200000 40000

150000 30000

100000 20000

50000 10000

0 0
s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2
98

98

99

99

00

00

01

01

02

02

03

03

04

04

05

05

06

06

07

07

04

05

05

06

06

07

07
19

19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

Source : Base de données de la BRI

La valeur notionnelle des dérivés de crédit, représentés par les credit default
swaps, a été multipliée par 10 fois sur ces trois dernières années. Même si par rapport au total
des dérivés de gré à gré, les dérivés de crédit ne représentent que 9,5%, comme nous l’avons

285
vu, ils engendrent un risque systémique élevé. Les estimations antérieures du développement
de ces produits ont largement sous-estimé la réalité. Par exemple, British Bankers’
Association (BBA) estimait en 2004 que le marché des dérivés de crédit atteindrait 8.200
milliards de $ en 2006, mais en réalité ce marché a dépassé 20.000 milliards de $. En 2007, la
valeur notionnelle des dérivés de crédit a doublé, dépassant même les estimations de la BBA
pour 2008, plus exactement la valeur de 33.120 milliards de $ (BBA, 2006). La diversité des
produits a augmenté aussi.
Les marchés standardisés ont quant à eux connu une croissance important. World
Exchange Federation (WEF) entreprend une analyse complexe des produits dérivés qui font
l’objet des transactions sur 56 places boursières. La Figure 45 montre l’évolution de la valeur
notionnelle des contrats dérivés pour les marchés les plus représentatifs et pour les trois
marchés les plus actifs : Chicago Mercantile Exchange, Eurex et Liffe.
En 2004, on a constaté une réduction de la valeur notionnelle des contrats qui n’a
pourtant pas été accompagnée par une diminution du nombre des contrats. Chicago
Mercantile Exchange est le marché le plus important pour les transactions, surtout de contrats
futures et d’options sur taux d’intérêt de court terme et sur les indices boursiers. Le Liffe,
marché actif à Londres, Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne, est devenu en 2007 le
deuxième marché, après l’acquisition d’Euronext.liffe par le NYSE Euronext Group. La
plupart des transactions sur ce marché impliquent des contrats sur dérivés standardisés.

Figure 45 : L’évolution de la valeur notionnelle des dérivés sur les marchés standardisés
La valeur notionnelle de toutes les catégories des produits sur les marchés L'évolution de la valeur notionnelle des contrats sur les principaux places
boursiers (mld.$) boursiers (mld.$)

1200000
2000000
1800000 1000000
1600000
800000
1400000
1200000 600000
1000000 400000
800000
200000
600000
400000 0
200000
02

03

04

05

06

07
20

20

20

20

20

20

0
02

03

04

05

06

07

Chicago Mercantile Exchange Liffe Eurex


20

20

20

20

20

20

Source : Base de données de WEF

Même s’ils n’ont pas connu une croissance exponentielle similaire à celle des
marchés de gré à gré, les marchés standardisés restent les plus importants en ce qui concerne
le volume des transactions. Mais, pour nous rendre compte de l’ampleur des transactions sur
dérivés et du potentiel risque systémique, nous avons comparé la valeur notionnelle des

286
contrats avec le PIB global, le PIB de l’UE et le PIB des Etats-Unis, en utilisant les données
du Central Intelligence Agency (CIA), WEF et BRI (Figure 46).

Figure 46 : Le PIB par rapport aux opérations avec des produits dérivés en 2007
30,00%

25,00%

20,00%

15,00%

10,00%

5,00%

0,00%
PIB Global/ PIB UE/ PIB Etats- PIB Global/ PIB UE/ OTC PIB Etats- PIB UE/ PIB Etats-
Standardisés Standardisés Unis/ OTC Unis/ OTC Dérivés de Unis/ Dérivés
Standardisés crédit (CDS) de crédit
(CDS)

Source : Bases de données de CIA, WEF et BRI

Trois catégories d’indicateurs sont présentées : le PIB rapporté à la valeur


notionnelle des produits standardisés, des dérivés de gré à gré et des dérivés de crédit. On
observe l’ampleur des marchés des dérivés standardisés. Le PIB mondial ne représente que
3,45% de la valeur notionnelle de ces produits, tandis que le PIB de l’UE et le PIB des Etats-
Unis n’en représentent que 0,76% et respectivement 0,73%. La valeur notionnelle des
produits dérivés de gré à gré est beaucoup plus faible, mais est elle-aussi importante puisque
car le PIB mondial ne représente que 10,86% de cette valeur en 2007. Les dérivés de crédit ne
sont pas non plus à négliger puisque le PIB de l’UE ou celui des Etats Unis ne dépassent pas
25% de leur valeur notionnelle.
Nous avons observé l’ampleur de ces marchés, mais leur degré de concentration
est tout aussi important pour l’évaluation du risque systémique. Le risque est beaucoup plus
important sur les marchés de gré à gré lorsque le nombre de teneurs de marché est faible.
Compte tenu du fait que les mécanismes institutionnels de protection sur ces marchés
manquent, leur fonctionnement adéquat dépend de teneurs de marché qui doivent être en
mesure d’assurer la liquidité. Un haut degré de concentration accroît la probabilité de
contagion116.

116
Le risque systémique s’accroît lorsqu’un participant au marché devient trop important par rapport au marché
(Stulz, 2004).

287
Pour mesurer le degré de concentration des marchés de gré à gré, la BRI utilise
l’indice Herfindahl117 en distinguant les marchés des dérivés de change, de taux d’intérêt et
d’actions. La Figure 47 présente l’évolution de l’indice Herfindahl pour les dérivés de
change.

Figure 47 : L’évolution de l’indice Herfindahl pour les dérivés de taux de change

700

600

500

400

300

200

100

0
s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2

s1

s2
98

99

99

00

00

01

01

02

02

03

03

04

04

05

05

06

06

07

07
19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
Forw ard, sw aps de taux de change et sw aps sur la monnaie Options

Source : Base de données de la BRI

Quant au marché de gré à gré des dérivés de change, on observe un niveau faible
de concentration et à faible croissance. La BRI (2007) explique les valeurs de l’indice H et
soutient qu’un marché avec neuf sociétés dominantes enregistre un indice H peu supérieur à
700 tandis qu’une valeur de 500 pour l’indice H correspond à une situation avec environ 13
firmes dominantes (ne supposant que le reste de 20% du marché est partagé de manière égale
par les autres dealers).
Le degré de concentration du marché des dérivés de taux d’intérêt est plus élevé.
La concentration est calculée par devise. Nous présentons Figure 48 l’évolution du degré de
concentration de ce marché pour les transactions sur les principales monnaies.

117
Celui-ci représente une mesure de la dimension d’une entreprise par rapport à l’industrie ou au marché dont
elle fait partie. La formule de calcul est la suivante :
n
H = ∑ si2
i =1
où : si est la part de marché de l’entreprise i et n représente le nombre d’entreprise.
L’indice Herfindahl (H) prend des valeurs de 1/n à 1 pour les nombres, allant jusqu’à 10.000 si on utilise des
pourcentages.

288
Figure 48 : L’évolution de l’indice Herfindahl pour les produits dérivés de taux d’intérêt
Dérivativés de taux d'intérêt (EUR) Dérivativés de taux d'intérêt (USD)

1400
1200
1200
1000
Forw ard rate 1000
800 agreements Forw ard rate
800 agreements
Sw aps de
600 taux d'intérêt 600 Sw aps de
taux d'intérêt
Options
400 400 Options

200
200
0
0

19 s2
19 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
s2
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19 s2
19 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
s2

19
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19

Dérivativés de taux d'intérêt (JPY) Dérivativés de taux d'intérêt (GBP)

4000 1600

3500 1400

3000 1200

2500 Forw ard rate 1000 Forw ard rate


2000 agreements 800 agreements

1500 Sw aps de 600 Sw aps de


taux d'intérêt taux d'intérêt
1000 400
Options Options
500 200

0 0
1 9 s2
1 9 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
s2

1 9 s2
1 9 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
s2
98
99
99
00
00
01
01
02
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03
03
04
04
05
05
06
06
07
07

98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19

19

Source : Base de données de la BRI

A l’exception des dérivés de taux d’intérêt pour les contrats exprimés en euro, tous
les autres marchés connaissent un indice H en augmentation. Généralement, plus un marché
est étroit, plus le degré de concentration est élevé118. L’indice H enregistre des valeurs
moyennes pour le marché des dérivés de taux d’intérêt. Ces valeurs connaissent aussi une
faible croissance. Une troisième catégorie d’analyses fondées sur l’évolution de l’indice H sur
les marchés des dérivés d’actions est présentée dans l’Annexe 5.
Certains considèrent que les craintes liées aux marchés et aux dealers de dérivés
ne sont pas suffisamment fondées. Hentschel et Smith (1997) pensent que le degré de
concentration des dérivés est acceptable. Selon eux, les dérivés ont renforcé les liaisons entre
les marchés, mais il n’est pas évident que ces liaisons augmentent la probabilité d’apparition
du risque systémique. Bien sûr, il y a quelques années, le développement des marchés des
dérivés était plus faible et le degré de concentration était aussi faible. Pourtant, dans le
contexte présent et les perspectives de développement des marchés et des produits, des signes
d’inquiétude se font ressentir.
Il y a des sources importantes de risque pour les teneurs de marché. Lorsqu’ils ne
sont pas en mesure d’accorder de protection ou lorsqu’ils ne détiennent pas de liquidités
118
Pour le yen japonais, on remarque une situation tout à fait particulière, semblable à la situation de monopole
en 2006 pour le forward rate agreement.

289
suffisantes, ils transmettent des déséquilibres vers leurs contreparties ou même vers d’autres
marchés, se transformant ainsi en vecteur du risque systémique. Cela est la façon dont la
liaison entre la concentration des marchés et le risque de contagion se manifeste.
La probabilité de manifestation du risque systémique est d’autant plus élevée que
ces banques importantes jouent un rôle significatif tant sur le marché interbancaire qu’au sein
des systèmes de paiements. Compte tenu du fait que ces institutions représentent des acteurs
mondiaux, l’économie dans son ensemble peut devenir une victime des turbulences sur ces
marchés. La crise peut éclater rapidement car la négociation de contrats sur dérivés est source
de revenus récurrents, et non pas simplement ponctuels.
Plusieurs auteurs ont tenté d’identifier les éléments à l’origine de l’amplification
de l’effet de contagion sur les marchés des dérivés. Concernant les swaps, selon Aglietta
(1996), la vulnérabilité envers la contagion s’accroît avec la durée du swap (la probabilité que
le partenaire ne respecte pas le contrat est plus élevée), avec la volatilité du prix des actifs
support, avec l’amplitude des variations de prix et avec le nombre des partenaires pour chaque
dealer (la corrélation positive).
Emma et Ince (2006) considèrent quant à eux que les variables spécifiques jouent
un rôle important en tant que déterminants de la réaction du marché aux annonces liées aux
pertes de certaines sociétés, suite aux transactions sur produits financiers dérivés. L’ampleur
des pertes ainsi que la durée de la période où la perte se produit, contribuent à l’augmentation
de la réaction du marché.
Une opinion contraire est exprimée par Culcescu (2005) qui soutient que les
incapacités de paiement des participants aux marchés des dérivés ne semblent pas être
corrélées car : (a) les dealers sont motivés à évaluer correctement le risque de crédit des
contreparties et (b) les institutions qui utilisent des dérivés pour couvrir leurs expositions,
présentent une plus grande probabilité de devenir insolvables si leurs positions sont dans la
monnaie (sont exercées). Ainsi, les chocs de prix de l’actif support d’un contrat dérivé
n’entraînent pas ces institutions à la faillite.
En conclusion, la dimension des marchés des produits dérivés ainsi que leur
niveau de concentration augmentent. Cela ne peut que contribuer à l’amplification du risque
systémique potentiel. Si le risque est plus faible sur les marchés standardisés du fait des
régulations en vigueur et de l’existence d’une chambre de compensation, sur les marchés de
gré à gré le risque peut se matérialiser sans que les autorités essaient de réglementer et de
surveiller les opérations sur dérivés. Les banques centrales auront un rôle important dans cette
direction car elles s’intéressent au maintien de l’efficacité des mécanismes de transmission de

290
la politique monétaire ainsi qu’à la recherche de stabilité financière. Un rôle important revient
aussi aux autorités de régulation par les spécifications de l’Accord Bâle II.

4.3.4. Le rôle des banques centrales dans la surveillance des


opérations sur dérivés

L’intérêt des banques centrales pour les produits dérivés tend à être beaucoup plus
significatif et beaucoup plus complexe que celui des banques commerciales, des brokers ou
des institutions non financières, à cause de leurs multiples responsabilités dans la recherche de
stabilité financière. Il y a quelques domaines au sein de la politique monétaire qui pourraient
être affectés par les dérivés. De plus, les activités de régulation et de surveillance menées par
certaines banques centrales doivent être adaptées pour prendre en considération les risques
associés à ces instruments financiers.
Les dérivés offrent un riche support informationnel aux banques centrales. Par
exemple, le calcul du taux d’intérêt des contrats forward offre des informations sur
l’évolution et sur les anticipations du marché concernant le taux d’intérêt, de manière
semblable à la courbe des rendements. Connaissant ou anticipant les réactions et les attentes
du marché, la banque centrale peut accroître l’efficacité de la politique monétaire (cependant,
il faut tenir compte du fait que le marché peut se tromper sur l’évolution du taux d’intérêt, les
dérivés ne représentant plus dans ce cas des anticipations rationnelles du marché).
On rencontre la même situation en ce qui concerne le taux de change. Le cours
forward donne à la banque centrale la possibilité d’estimer les résultats de la politique menée.
Si le cours forward se trouve en dehors d’une bande cible, cela traduit le fait que le marché
n’a pas une confiance totale dans cette bande ou que la bande ne peut pas être soutenue.
Les dérivés ont des effets importants sur les stratégies de politique monétaire, en
influençant surtout la demande de monnaie. En fournissant un management du risque efficace
et en offrant de nouvelles stratégies d’investissements, les dérivés réduisent la demande de
monnaie pour les transactions, pour la thésaurisation ou pour la spéculation. Les agrégats
monétaires au sens large et indirectement les stratégies de politique monétaire sont influencés
par le développement du marché des dérivés. Aussi, les dérivés rendent la conduite de la
politique monétaire plus complexe.
L’utilisation des dérivés, associée à la plus grande complexité de la politique
monétaire, peut réduire l’impact de celle-ci sur l’économie réelle. Par exemple, les dérivés de

291
change peuvent réduire la capacité des banques centrales à influencer le taux de change. De
l’autre côté, le développement des dérivés diminue l’efficacité de la politique monétaire
lorsqu’elle se veut contra-cyclique (les dérivés contribuent à la stabilisation des prix par le
surplus d’informations mais aussi à l’amplification de leur volatilité en périodes de
turbulences).
Les produits dérivés influencent aussi les mécanismes de transmission de la
politique monétaire. Les recherches menées par les institutions financières internationales
telle le FMI ou la BRI (le Comité Hannoun) il y a une décennie, ont montré que les études de
marché ne mettent pas en évidence un impact significatif des dérivés sur les mécanismes de
transmission de la politique monétaire. De l’autre côté, on acceptait déjà à ce moment-là, au
niveau théorique, l’idée que les dérivés accélèrent la transmission des informations vers et de
la part des prix des actifs.
Compte tenu du développement des marchés et des approches théoriques, il
apparaît que les dérivés ont un certain impact sur les mécanismes de transmission de la
politique monétaire. D’un côté, les dérivés réduisent l’effet de la variation du taux d’intérêt de
la politique monétaire et l’élasticité de la demande d’investissements par rapport au taux
d’intérêt diminue. Sur un marché financier plus complet, la banque centrale anticipe plus
difficilement une certaine impulsion de politique monétaire sur l’économie réelle, même si les
informations dont elle dispose sont plus complexes. De l’autre côté, tout en augmentant la
liquidité, la flexibilité et l’efficacité des marchés financiers, les dérivés augmentent la vitesse
avec laquelle les mesures de politique monétaire sont transmises au système financier.
Les dérivés peuvent aussi influencer de façon indirecte les mécanismes de
transmission, en générant deux effets sur le comportement des agents économiques non
financiers (Beau et al., 1994) : (a) une modification de la demande de monnaie peut apparaître
dans la gestion des actifs financiers dans la mesure où les actifs financiers présente des
caractéristiques proches des actifs monétaires et (b) la diversification entraîne finalement une
relaxation des contraintes de liquidité dans la gestion des passifs financiers. Selon eux, ces
deux facteurs, un de nature conjoncturelle et l’autre structurelle, ont plus tendance à retarder
qu’à accélérer l’impact de la politique monétaire sur la demande interne.
Néanmoins, les dérivés peuvent aussi être utilisés comme des instruments de
politique monétaire. Certaines banques centrales ont utilisé les swaps de change comme des
instruments de politique monétaire. Le Conseil d’administration de la Banque de Japon a
envisagé, il y a quelques années, la possibilité d’utiliser ces asset-backed securities pour
soutenir la stratégie de politique monétaire de la banque centrale (Ueda, 2003).

292
Si au niveau théorique les dérivés peuvent être utilisés pour soutenir une stratégie
de politique monétaire, ces instruments ne doivent avoir aucun impact sur la base monétaire et
leur usage doit être considéré comme « risqué et incertain ». Lorsque la banque centrale veut
bénéficier d’arbitrages sur dérivés (par exemple dans la gestion des réserves internationales),
elle ne doit retenir que des stratégies classiques et contrôler ses risques. Quelques
considérations en ce sens sont formulées par Latter (2001). Premièrement, même si les
banques centrales ont confiance dans la politique monétaire qu’elles mènent et désirent la
soutenir par des moyens différents, elles doivent réfléchir à deux fois si l’endettement sur le
marché des dérivés ne devient pas extrêmement risqué. Deuxièmement, les opérations des
banques centrales sont devenues de plus en plus transparentes et les dérivés peuvent être un
moyen pour déguiser leurs stratégies. Cependant, le déguisement représente rarement une
raison solide dans le choix d’une stratégie. Troisièmement, le sentiment lié au fait que les
dérivés sont risqués, persiste encore et les banques centrales essaient au contraire d’inculquer
dans la perception du public l’idée de conservatisme et de sécurité. Quatrièmement, si on
recherche des canaux moins coûteux pour les opérations monétaires, il faut prendre en
considération le fait que les marchés des dérivés peuvent devenir volatils et moins liquides, et
cela souvent juste au moment où l’on est tenté d’y recourir.
Il n’y a donc pas d’arguments convaincants pour que les banques centrales
utilisent les dérivés comme instruments de politique monétaire. Cela ne signifie pas cependant
que les banques centrales ne doivent pas s’impliquer dans la surveillance des activités liées à
l’utilisation des dérivés.
Les standards actuels de régulation veulent assurer la solvabilité des institutions
financières par le maintien d’une capitalisation suffisante. Cette capitalisation assure les
créanciers contre les fluctuations adverses de la valeur du portefeuille d’actifs. Néanmoins,
tout en se concentrant sur les indicateurs bilanciels, on perd de vue d’autres aspects
importants pour la gestion bancaire, comme par exemple le contrôle interne des risques et la
consolidation du management.
Le problème de la régulation des marchés a été intensément discuté la décennie
précédente aux Etats-Unis. Le rapport General Accounting Office de 1994 tirait la conclusion
qu’il y a des raisons pour croire que les dérivés sont à l’origine de perturbations du système
financier et qu’un cadre supplémentaire de régulation est nécessaire. Au contraire, Greenspan
(l’ancien gouverneur du FED) affirmait que l’extension des régulations peut créer la fausse
impression qu’on couvre ainsi tous les risques, incitant ainsi les opérateurs à s’engager dans
des activités encore plus risquées.

293
Les crises financières ultérieures allaient confirmer la nécessite d’une régulation
supplémentaire pour ces produits. La crise récente a démontré encore une fois le caractère
pervers d’assemblages de produits dérivés dans le processus de titrisation.

4.3.5. L’utilisation des produits financiers dérivés en Roumanie

Les premières négociations de produits financiers dérivés ont été réalisées en


Roumanie sur le marché standardisé de Sibiu. Des contrats futures de change y ont été
conclus pour la première fois vers le milieu de 1997, suivi peu de temps après par les contrats
d’options. Par rapport aux autres pays européens voisins, le volume des transactions sur
dérivés conclues par les banques était faible. Une étude de la BNR de 2002 montre que les
instruments financiers dérivés standardisés ainsi que les instruments de gré à gré atteignent un
volume beaucoup plus faible que celui des pays voisins, la Hongrie par exemple (Figure 49).

Figure 49 : Le volume des instruments financiers dérivés utilisés par les banques
Instruments OTC - forward et swap de taux de change (mil.$) Instruments standardisés (mil.$)

60,00
2000,00
1800,00 50,00
1600,00
1400,00 40,00
1200,00 Romania Romania
1000,00 30,00
800,00 Ungaria Ungaria
600,00 20,00
400,00
200,00 10,00
0,00
0,00
2

2
2
01

02

2
-0

-0
.- 0
-0

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-0

ju 2

ao - 02
ju 2
.-

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f é 02
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no 1
dé 1
ja 0 1

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dé 2
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c-

v-
c-
il
ai
-
se

se

nv
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ût
pt
vr
ja

ar
se

Source : BNR (2002)

Le volume des instruments de gré à gré est beaucoup plus important que celui des
instruments standardisés, les produits de gré à gré étant impliqués dans des transactions
conclues en général par les banques étrangères localisées dans les pays de l’Europe de l’Est.
Pour la République Tchèque, un autre état qui fait partie de l’étude de la BNR, il n’y a que
des données pour la fin de 2001 et pour 2002. Le volume des produits dérivés de gré à gré en
République Tchèque a atteint, en décembre 2001, 1.337,4 millions de $, étant suivi par une
baisse vers la fin 2002, avec 1.090,3 millions de $. Malgré cela, le volume des transactions
était considérablement supérieur aux transactions enregistrées en Roumanie. Quant aux
instruments standardisés, la République Tchèque a enregistré un volume de 58,1 millions de $
à la fin 2001 et 127 millions de $ en 2002, soit plusieurs fois supérieur au volume enregistré
en Roumanie.

294
Le développement du marché des dérivés en République Tchèque, mais aussi en
Hongrie, a principalement été influencé par l’implication de plus en plus active des banques
étrangères et de leurs succursales sur ces marchés. Le marché des dérivés de la République
Tchèque a aussi été influencé par le renforcement de la concentration du secteur bancaire avec
le développement de banques à dimensions moyennes.
Selon l’étude de la BNR, le volume des transactions sur instruments financiers
dérivés réalisées par les banques de Roumanie atteignait, le 31 décembre 2002, 562 millions
de lei (l’équivalent de 170 millions de dollars), valeur incomparablement plus faible que la
valeur enregistrée en République Tchèque. La contribution du marché organisé au total des
transactions était à son tour faible (Tableau 18).

Tableau 18 : La contribution du marché organisé au total des transactions sur dérivés dans le
système bancaire roumain (mil. RON)
Total De gré à gré Bousier De gré à gré (%) Bousier (%)
30.09.2001 438,804 438,804 0,000 100,0 0,0
31.12.2001 283,694 279,868 3,826 98,7 1,3
31.03.2002 686,008 590,305 95,703 86,1 13,9
30.06.2002 998,146 833,653 164,488 83,5 16,5
30.09.2002 665,177 665,165 0,012 99,9 0,1
31.12.2002 561,999 561,999 0,000 100,0 0,0
Source : BNR (2002)

Ces analyses ont incité les autorités roumaines à identifier les causes du faible
développement des marchés des produits dérivés, pour pouvoir ainsi proposer des solutions
pour stimuler le marché.
Parmi les causes de la sous utilisation des dérivés, on compte : (a) la perception
inadéquate de la dimension des risques financiers au niveau des agents économiques, (b) le
degré réduit de liquidité du marché, (c) l’inexistence de méthodes appropriées pour la gestion
du risque, (d) le personnel des banques n’était pas suffisamment formé pour utiliser des
instruments financiers complexes et (e) les lacunes du cadre de régulation.
Plusieurs mesures ont été proposées par les autorités pour stimuler le marché des
produits dérivés (BNR, 2002) :
- Accélérer l’adoption de l’IAS et des principes de gouvernance des entreprises
par les agents économiques, afin d’identifier et d’évaluer de façon adéquate les risques de
change et d’intérêt.

295
- Allouer des ressources (budgétaires et extrabudgétaires) pour la formation
continue des utilisateurs de produits financiers (par l’Association Roumaine des Banques et
l’Association des Exportateurs et Importateurs de Roumanie).
- Rendre les banques conscientes des mouvements irréversibles liés à la
globalisation des services financiers et de l’importance de la technologie moderne, surtout de
la technologie informationnelle. L’acquisition et l’implémentation, en fonction des nécessités
et des conditions spécifiques de chaque institution, des applications informatiques destinées à
la gestion des risques financiers qui deviennent une composante de plus en plus importante de
la stratégie pour le management du risque dans un établissement de crédit.
- Consolider les marchés financiers et accélérer la modification du cadre légal de
sorte que les banques puissent réaliser directement des transactions sur ces marchés.
- Rendre le cadre de régulation flexible : la modification de la Norme BNR no.
10/2002 sur les instruments financiers dérivés, de sorte que les transactions spéculatives
soient permises, en respectant certaines limites prudence, et la modification de la Norme BNR
no. 8/1999 portant sur la limitation du risque de crédit des banques, dans la direction de
recommandations communautaires sur le netting contractuel.
Le contexte législatif institué par la Norme no. 10/2002 émise par la BNR était
assez restrictif, les seuls instruments que les banques aient droit d’utiliser étant les contrats
futures, forward, swap (de taux de change ou de taux d’intérêt). La modification de la norme
par les régulations liées à l’adéquation du capital des institutions de crédit, régulations inclues
dans la Norme BNR no. 5/2004, a eu une importance particulière pour le développement des
marchés des dérivés. La prise en considération des risques relatifs aux portefeuilles de
transactions pour calculer les expositions des banques s’est avérée une nécessité dans le
contexte actuel et dans la perspective de l’utilisation des innovations financières dans
l’activité bancaire (BNR, 2002).
Suite à l’amélioration du cadre législatif et à la conscientisation des institutions
bancaires par rapport aux risques financiers, le marché des dérivés s’est développé jusqu’à la
mi 2008119. L’évolution du nombre de contrats futures (échelle gauche) et d’options (échelle
droite) liés aux transactions sur la BMFMS sur 10 années est présentée Figure 50.

119
Après l’éclatement de la crise financière en 2007, l’utilisation de dérivés s’est avérée une activité risquée.
Aussi, après de nombreuses mesures législatives visant à stimuler le développement des transactions sur ces
produits, le Gouverneur de la BNR disait dans un discours public, le 26 septembre 2008, que « Les banques
roumaines se sont tenues loin de ces produits toxiques car, d’un côté, les normes de la banque nationale ont été
plus sévères et, de l’autre côté, elles n’avaient pas besoin de chercher de tels produits sophistiqués dans la
mesure où le marché roumain, en pleine expansion, offrait des opportunités de gain suffisantes avec des produits
classiques ».

296
Figure 50 : L’évolution du nombre de contrats futures et options sur la BMFMS

900000 25000
800000
700000 20000

600000
15000
500000
400000
10000
300000
200000 5000
100000
0 0
ja 97

ja 8

ja 9

ja 0

ja 1

ja 2

ja 3

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7
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7
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ju

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ju

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ju

ju

ju

ju

ju
Futures Options

Source : Base de données de la BMFMS

On remarque une forte fluctuation des transactions IFD sur ce marché. Les
contrats futures, de loin les contrats les plus importants, ont connu un boom à partir de 2006.
Les transactions ont été multipliées par 9 en 2006. Les contrats futures ont connu un
développement remarquable tant des volumes des transactions que du nombre des positions
ouvertes. En 2006, un nombre total de 4.232.059 contrats futures a été conclu, le marché de
Sibiu rejoignant la place boursière de Pologne (BNR, 2007).
Le volume des transactions avec des instruments financiers dérivés sur la BMFMS
a diminué de 18,2% en 2007. Cette diminution du nombre des contrats a été toutefois
compensée par une augmentation du prix des instruments dérivés cotés, la valeur totale des
contrats conclus augmentant de 20% par rapport à 2006 (BNR, 2008). L’évolution des
contrats futures et options en 2005 et 2006 est présentée Figure 48.

Figure 51 : L’évolution de la valeur des contrats futures et options – BMFMS (mil. RON)

3000,0 3,0

2500,0 2,5

2000,0 2,0

1500,0 1,5

1000,0 1,0

500,0 0,5

0,0 0,0
ju 5

ju 6
5

ao 05

ao 06
fé 5

fé 6
05

se 5

06

se 6

6
dé 5

ja 5

dé 6
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5

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m 5

m 6
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m

m
ja

Futures Options (échelle droite)

Source : la CNVM (2006)

297
Malheureusement, les données fournies par la Commission Nationale des Valeurs
Mobilières ne permettent pas d’analyser la valeur des transactions sur les IDF en 2007, après
l’éclatement de la crise financière globale.
Le nombre des transactions fondées sur des contrats options a connu un progrès
important au dernier trimestre 2006, atteignant un total de 36.651 contrats, ce qui représente
une croissance moyenne de 200% sur un an. Malgré cela, le marché de Sibiu reste à des
niveaux modestes pour ce type d’instruments financiers par rapport aux marchés de la région.
Si nous analysons le nombre des contrats, ainsi que leur valeur, nous observons
que les transactions sur options atteignent un nombre beaucoup plus faible que celui des
contrats futures. Une explication possible est donnée par Vancea (2008) qui considère que la
notoriété de ces produits parmi les investisseurs est assez faible. De plus, il y a une tolérance
réduite concernant l’acceptation du risque relatif aux transactions sur produits sophistiqués.
Début 2008, le volume des transactions a augmenté par rapport à la fin 2007,
reflétant un intérêt accru pour le marché des produits dérivés. Cependant, le début de la crise
sur les marchés internationaux a fortement affecté le marché des futures de Sibiu, les
investisseurs réduisant brusquement les anticipations d’évolution du marché spot.
Un pas important pour l’extension des marchés dérivés en Roumanie est
l’introduction, le 14 septembre 2007, à la Bourse des Valeurs Bucarest du premier instrument
financier dérivé, le contrat BET Index Futures. Cet instrument a comme actif support l’indice
BET, qui est l’indice de référence de la Bourse des Valeurs Bucarest (BVB, 2007). Comme
nous l’observons Figure 52, cette introduction n’a pas connu immédiatement le succès espéré
puisqu’il a fallu attendre le deuxième trimestre 2008 pour que les transactions ne décollent
véritablement.

Figure 52 : L’évolution du nombre et la valeur des transactions du BET Index Futures

10000 10
9000 9
8000 8
7000 7
6000 6
5000 5
4000 4
3000 3
2000 2
1000 1
0 0
8

8
8

8
7

07

07

8
8

-0

-0
-0

-0
-0

r-0
-0

-0
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oc

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ar
no

ju
se


ja

Volume (no.) Valeur de transaction (mil. RON) - échelle droite

Source : Base de données de la BVB

298
Le marché des dérivés de Roumanie est encore en phase de lancement. Il est
cependant intéressant d’analyser les perspectives concernant son développement au niveau
des institutions de crédit de Roumanie, les seules disposant des ressources nécessaires pour
donner une impulsion à ce marché.
L’utilisation de dérivés par les banques s’est renforcée dans les pays développés,
comme nous l’avons vu, dans un contexte de diminution de la profitabilité des opérations
bancaires traditionnelles et d’augmentation des risques liés à ces opérations. Jusqu’à présent,
le secteur bancaire de Roumanie a bénéficié d’une rentabilité élevée et de risque faible. La
forte profitabilité et le faible niveau de risque des portefeuilles bancaires constitués d’actifs
traditionnels (des crédits) semblent expliquer la faiblesse du recourt aux dérivés des banques
soi pour gérer leurs propres risques, soit pour permettre aux dealers de se couvrir.
La structure du secteur bancaire semble être un facteur déterminant de l’utilisation
des produits dérivés. Kiff et Morrow (2000) soutiennent que les banques canadiennes ne sont
pas très bien représentées sur les marchés globaux des produits dérivés parce qu’elles
détiennent de nombreuses succursales au niveau national qui leur permettent de diversifier les
risques sans faire appel aux IFD. Analysant le degré d’utilisation des produits dérivés par les
banques de la République Tchèque, Culcescu (2005) est arrivé à la conclusion que l’évolution
encourageante de ces produits a été due à un autre facteur, plus exactement à la part élevée
des banques à capital majoritairement étranger dans ce pays.
Les banques à capital étranger ont une présence importante en Roumanie aussi, en
particulier après la privatisation du plus grand acteur sur le marché bancaire roumain, la
Banque Commerciale Roumaine. Les groupes bancaires internationaux ont une riche
expérience dans les transactions sur ces instruments, tant pour eux-mêmes que pour leurs
clientèles. De plus, l’évolution des indicateurs de profitabilité et de risque du système
bancaire roumain semble se détériorer et les banques pourraient être tentées, d’un côté, de
chercher de nouvelles sources de profit et, de l’autre côté, de mieux se protéger dans la
mesure où les risques liés aux activités traditionnelles augmentent.
Si nous prenons en considération toutes ces réalités, nous pouvons anticiper une
utilisation accrue des IFD en Roumanie, mais cette perspective dépend aussi des régulations
internationales qui seront imposées sur ces produits suite à la crise financière actuelle.
En conclusion, si le rôle bénéfique des produits dérivés dans le développement des
systèmes financiers ne peut pas être mis en question, on ne peut pas non plus contester les
risques auxquels leurs utilisateurs s’exposent. La matérialisation de ces risques a entraîné des
déséquilibres financiers individuels (voir le cas Enron, P&G ou LTCM) mais aussi

299
systémiques (la crise du SME, la crise du Mexique, la crise asiatique ou celle d’Argentine).
Pratiquement, les produits dérivés ont rôle dans toutes les turbulences financières majeures
des deux dernières décennies. La crise des subprimes aux Etats-Unis n’a pas été étrangère à
l’usage inapproprié des produits dérivés (la combinaison des produits dérivés de crédit avec le
processus de titrisation est à l’origine de l’accumulation des risques sur le marché
hypothécaire aux Etats-Unis).
Les autorités jouent bien sûr un rôle important dans la gestion de ce processus et
doivent trouver un équilibre entre sévérité de la régulation et développement de nouveaux
instruments financiers, mieux adaptés aux exigences des investisseurs. Le volume important
de dérivés qui excède de quelques dizaines de fois le PIB mondial, représente une source
d’inquiétude. Il augmente de façon exponentielle et le degré de concentration est de plus en
plus élevé alors, dans ce contexte, le phénomène de contagion ne peut que s’amplifier.

300
Conclusion du chapitre

Les autorités roumaines ne peuvent pas rester passives devant ces défis pour la
stabilité financière. Le développement des conglomérats financiers demande une adaptation
du cadre de surveillance prudentielle. Même si quelques mesures ont été prises au niveau
européen dans ce sens, les autorités nationales ont une mission importante. En Roumanie, la
présence de conglomérats n’est pas à négliger. Le fait que, pendant des périodes de graves
turbulences financières, un choc sur une partie du conglomérat puisse se propage facilement à
l’ensemble de son activité, met en évidence l’importance d’une coopération entre les autorités
de régulation et de surveillance au niveau national mais aussi au niveau international. Cette
collaboration se limite jusqu’à présent à l’échange réciproque d’informations. Cependant, à
l’avenir, il faut prendre des mesures claires concernant les modalités d’intervention pour
corriger les déséquilibres de ces institutions, mais il faut en même temps assigner des tâches
précises pour la gestion des crises financières.
Un deuxième défi pour la stabilité financière résulte de l’interdépendance
significative entre la sphère réelle et la sphère financière. La volatilité élevée des prix des
actifs représente une source de risque systémique qui doit être surveillée en permanence.
Aussi, des mesures préventives s’imposent pour réduire la volatilité des prix et pour limiter
leur décalage par rapport aux fondamentaux économiques. L’efficacité de telles mesures
dépend de la structure du système financier, de la nature des actifs et des instruments
d’intervention à la disposition des autorités. Le taux d’intérêt est devenu ces dernières années
l’un des instruments de politique monétaire le plus important, mais sa manipulation ne s’avère
pas toujours efficace. Par conséquent, l’amélioration de la transparence et de la discipline de
marché, ainsi que l’implication des politiques fiscales et structurelles dans la correction des
déséquilibres des prix des actifs sont incontournables.
Un autre défi vient des innovations financières, en particulier des produits
financiers dérivés. Même si le marché des IFD reste encore étroit et ne constitue pas un
potentiel risque systémique en Roumanie, l’existence de grands groupes bancaires sur le
marché et la création d’un cadre législatif favorable à ces produits conduiront à l’avenir au
développement des marchés. La compétition de plus en plus acerbe sur le marché bancaire
incitera les banques à chercher de nouvelles sources de profit. Les autorités ne doivent pas
avoir en vue seulement les bénéfices tirés des dérivés, mais doivent prêter attention aussi aux

301
risques qu’ils portent. De plus, par l’application de l’Accord Bâle II, la BNR doit être capable
d’évaluer correctement les expositions des établissements de crédit par rapport à ces
instruments financiers.
Enfin, une autre catégorie de risques financiers non abordés dans notre analyse est
représentée par les risques relatifs aux hedge funds. Ces structures qui recherchent des profits
de court terme, ne sont ni incitées à, ni contraintes de pratiquer un management sérieux du
risque. En analysant la crise financière récente, nous observons que les fonds spéculatifs ont
investi dans des produits financiers à haut niveau de risque et le blocage financier du marché a
été aussi provoqué par ces institutions. Leur présence en Roumanie est faible pour l’instant,
mais il faut mieux réglementer l’activité de ces fonds à l’avenir.

302
V. Méthodes de mesure de la stabilité financière
systémique

A côté de l’analyse de la solidité des institutions financières, du cadre de


régulation et de surveillance et des risques potentiels, un problème particulier pour
l’évaluation de la stabilité financière systémique réside dans les possibilités d’estimer ce
phénomène du point de vue quantitatif.
Cette estimation est complexe du fait de sa nature multidimensionnelle (la solidité
des institutions, le fonctionnement des marchés financiers et des systèmes de paiements,
l’existence des safety nets, etc.), qui rend délicate la concentration du concept dans un seul
indicateur. De plus, il est difficile d’estimer l’évolution des facteurs qui influencent la
stabilité. On a démontré qu’un système financier peut devenir instable, même si ses
mécanismes fonctionnent correctement, suite à l’apparition des chocs externes. L’évaluation
de la stabilité ne doit pas se résumer aux déséquilibres tels qu’ils émergent, mais il faut aussi
identifier les risques et les vulnérabilités qui peuvent conduire au déséquilibre futur du
système financier.
Certains considèrent que la quantification de la stabilité financière est difficile,
mais pas impossible. Johston et al. (2000) distinguent quatre modalités complémentaires pour
évaluer la stabilité du système financier :
- une approche économique qui s’intéresse aux sources de vulnérabilité dans le
système financier (asymétrie de l’information, hasard moral, etc.)
- une approche par l’évaluation des risques qui essaie de quantifier les risques et
les expositions des institutions financières individuelles (les techniques de management du
risque, les indicateurs macro prudentiels, les stress-tests, etc.)
- une approche par la surveillance qui implique un cadre de surveillance et de
réglementation adéquat (les standards internationaux, les meilleures pratiques, etc.) ;
- une approche qui s’intéresse à l’évaluation de la vulnérabilité systémique (la
capacité du système à gérer les risques).
Dans notre étude, nous nous penchons sur cette quatrième approche qui traduit
l’interdépendance entre les performances macroéconomiques et la solidité du système
financier (les indicateurs macro prudentiels, les macro stress-tests, les systèmes d’alerte

303
précoce, etc.). Une telle approche donne principalement la possibilité d’identifier les risques
systémiques qui peuvent déstabiliser le système financier.
Pratiquement, un système financier est caractérisé par deux sources de
vulnérabilité. La première source est associée à une faible diversification du risque présent
dans le bilan et hors bilan des institutions financières, risque qui se matérialise en risque de
crédit, opérationnel, de liquidité, etc. Une deuxième source de vulnérabilité concerne
l’ensemble du système financier et est représentée par le dit risque systémique. Un système
financier est vulnérable aux crises s’il a une capacité réduite à résister aux chocs endogènes
ou réels.
Les techniques utilisées pour mesurer la vulnérabilité systémique ont été
développées après l’évaluation des coûts élevés des crises financières survenues dans les
dernières décennies. Ces coûts directs et indirects sont significatifs (Davis et Karim, 2008).
Dans ce chapitre, nous présentons tout d’abord des techniques quantitatives
d’évaluation de la stabilité financière, en soulignant leur complémentarité. Ensuite, nous
construisons un indice agrégé de stabilité financière pour le secteur financier roumain.
Ainsi, dans une première partie, nous analysons les indicateurs qui fournissent des
informations sur la stabilité du système et présentons les tests de résistance aux chocs (stress-
tests), les systèmes d’alerte précoce qui donnent la possibilité d’estimer le moment
d’apparition d’une crise et aussi le autres techniques quantitatives utilisées pour évaluer la
stabilité (les analyses discriminantes et les Z-scores). Dans la deuxième partie, nous
proposons la construction d’un indice agrégé de stabilité comme une méthode
complémentaire qui donne la possibilité d’analyser la dynamique du niveau de stabilité et
d’identifier les épisodes de graves turbulences ou de crise financière.

5.1. Les techniques quantitatives

5.1.1. Les indicateurs complexes utilisés pour évaluer la stabilité


financière

5.1.1.1. Le rôle et l’évolution des indicateurs

L’analyse des indicateurs de solidité financière (FSI) a commencé simultanément


avec la construction des modèles théoriques qui expliquent l’apparition des crises. Ces

304
indicateurs ont connu une importance particulière avec le perfectionnement des techniques
quantitatives d’évaluation de la stabilité, car ils ont été utilisés dans les systèmes d’alerte
précoce (Early Warning Systems – EWS) et dans les stress-tests. Ces indicateurs individuels
de stabilité peuvent certes offrir des informations sur la santé financière du système, mais pas
sur sa capacité de résistance aux chocs.
Les indicateurs usuels utilisés dans les EWS – méthodes qui seront présentées dans
la section suivante – sont : le taux de croissance du crédit réel ; l’évolution du PIB ; le rapport
entre le crédit privé et le PIB ; la liquidité et les réserves bancaires / le total des actifs des
banques ; les termes de échanges ; le rapport M2/ les réserves en devises ; le taux d’intérêt
réel ; l’inflation ; la dépréciation de la monnaie, etc.
Davis et Karim (2008) ont groupé les indicateurs utilisés par Demirguc-Kunt et
Detragiache dans leurs analyses de 1998, en trois catégories (Tableau 19) :

Tableau 19 : Les indicateurs utilisés par Demirguc-Kunt et Detragiache dans les EWS
1. La croissance du PIB réel (%)
2. La modification des termes des échanges (%)
3. La dépréciation nominale de la monnaie (%)
Variables macroéconomiques
4. Le taux d’intérêt réel (%)
5. L’inflation (%)
6. Le solde budgétaire / PIB (%)
7. M2 / réserves en devises (%)
8. Le crédit privé / PIB (%)
Variables financières
9. La liquidité bancaire / actif total (%)
10. La croissance du crédit réel domestique (%)
11. Le PIB réel / tête
Variables institutionnelles
12. L’assurance - dépôts (variable muette)
Source : Davis et Karim (2008)

Le principal but des FSI est de permettre d’établir une comparaison au niveau
international et de suivre l’évolution des éléments qui caractérisent le niveau de stabilité
financière d’un pays. L’intérêt pour ces indicateurs a augmenté sur la période récente parce
que l’agrégation des indicateurs individuels offre la possibilité d’obtenir un indice global de
stabilité financière. De cette façon, les indicateurs de stabilité sont pratiquement utilisés dans
la majorité des techniques quantitatives d’évaluation de la stabilité, ce qui a incité les
institutions financières internationales de proposer un ensemble d’indicateurs de référence.

305
5.1.1.2. Les FSI dans les manuels

Le FMI, la Banque Mondiale et la BERD ont proposé, dans leur manuel


(handbook) sur les méthodologies d’évaluation du secteur financier, plusieurs ensembles
d’indicateurs de solidité financière qui peuvent être utilisés dans les analyses individuelles et,
en particulier, dans celles systémiques. Ces indicateurs sont caractéristiques pour toutes les
catégories d’activités de la sphère financière : banques, assurances, marchés des capitaux, etc.
Les IFI encouragent l’analyse de principaux indicateurs de stabilité, mais aussi l’analyse des
variables supplémentaires.

Tableau 20 : L’ensemble de base (core set) des FSI relatifs aux institutions bancaires
Indicateur Domaine Commentaires
Capital réglementaire divisé par Adéquation du Porte sur le capital au sens large, y inclus des
actifs pondérés en fonction du capital éléments qui offrent une moindre protection
risque contre les risques – la dette subordonnée par
exemple.
Tier 1 réglementaire par rapport Adéquation du Reflète la haute qualité du capital (capital social et
aux actifs pondérés en fonction du capital réserves) par rapport aux actifs pondérés en
risque fonction du risque.
Créances douteuses nettes / Adéquation du Indique le montant potentiel des provisions
Provisions de capital capital nécessaires par rapport au capital.
Créances douteuses / Crédits Qualité des Indique la qualité des crédits bancaires.
totaux bruts actifs
Distribution sectorielle des crédits Qualité des Identifie la concentration des expositions.
/ Crédits totaux actifs
Rendement des actifs et rendement Revenus et Estime la façon dont les rendements dépassent les
du capital profitabilité pertes relatives au capital ou aux actifs.
Marges d’intérêt / Revenu brut Revenus et Indique l’importance du revenu net afférent aux
profitabilité intérêts dans le but de couvrir les pertes.
Dépenses, autres que les intérêts / Revenus et Indique la mesure dans laquelle les dépenses,
Revenu brut profitabilité autres que les intérêts, fragilisent les revenus.
Actifs liquides / Actifs totaux et Liquidité Estime la vulnérabilité du secteur par rapport à
Actifs liquides / Dette à court l’absence de l’accès aux financements sur le
terme marché, ou une ruée aux guichets.
Position ouverte nette en devises / Exposition au Mesure le manque de concordance entre les
Capital risque de change maturités des actifs et des passifs en devises
étrangères.
Source : BERD, BM et FMI (2005)

306
Il y a des indicateurs caractéristiques pour chaque secteur financier – marché des
assurances, marché de capitaux, institutions financières non bancaires, etc. – et aussi des
indicateurs de développement financier qui caractérisent le secteur financier dans son
ensemble et qui peuvent offrir de bons repères sur son degré de stabilité : le nombre total des
banques ; les dépôts bancaires / PIB ; les primes brutes / PIB (pour les compagnies
d’assurance) ; la capitalisation boursière / PIB (pour les marchés de capitaux), etc.
L’objectif central est la construction d’un indice agrégé de stabilité financière,
mission qui n’est pas du tout aisée du fait de la multitude d’éléments qui peuvent être pris en
compte, de la complexité des systèmes financières ou du manque des données appropriées (ce
problème détermine l’orientation de la majorité des analyses vers le secteur bancaire qui
présente une meilleure disponibilité des données statistiques).

5.1.2. Les systèmes d’alerte précoce

Une autre technique quantitative est représentée par les systèmes d’alerte précoce,
méthode développée après le déclenchement de crises financières de dernières décennies qui
ont mis en évidence les effets des perturbations du système financier sur les performances des
économies émergentes. Ces crises ont souligné la nécessité d’identifier les indicateurs d’alerte
qui permettent d’évaluer la solidité du système pour établir des mesures politiques destinées à
réduire le risque systémique.

5.1.2.1. L’objectif des EWS

Les systèmes d’alerte précoce permettent l’identification rapide des difficultés


dans l’économie, à l’aide des indicateurs qui émettent des signaux, ce qui facilite la prise
rapide de mesures pour prévenir les crises. Ainsi, la capacité prédictive de chaque indicateur
présenté dans la section précédente est testée pour faciliter le choix des variables adéquates.
Les systèmes d’alerte précoce peuvent être définis comme « un ensemble de
processus, procédés, modèles, indicateurs, etc., qui synthétisent les informations et les
données nécessaires pour identifier les institutions financières risquées et les risques qui
affectent ces institutions, leurs clients, d’autres institutions et le système financier en général,
et qui permettent d’anticiper l'apparition d’une crise future » (Lutton, 2006).

307
L’objectif de ces modalités de quantification de la stabilité est de fournir une
structure cohérente pour analyser les problèmes de stabilité, pour rendre possible
l’identification précoce des vulnérabilités, pour favoriser les politiques préventives et de
correction nécessaires pour éviter l’instabilité financière et pour ramener le système à l’état de
stabilité lorsque les mesures préventives et de redressement ont échoué.
Généralement, les EWS sont utilisées pour leur capacité à anticiper l’apparition
d’une crise, mais elles peuvent avoir aussi une autre destination. Ces techniques sont
également utilisées par les régulateurs pour identifier les banques plus exposées aux risques.
Dans ce cas, il y a un processus d’évaluation on-site des modèles internes des banques, ainsi
qu’un processus externe (off-site) pour synthétiser les informations et les données. Une telle
approche combine les caractéristiques d’une analyse discriminante (identifier les banques
fragiles en fonction de certaines variables) avec des éléments d’un stress-test (évaluer les
modèles internes et l’incidence de chocs) comme nous le verrons plus tard.
Grâce à cette capacité prédictive des EWS, bien des banques d’investissement
utilisent ces méthodes (Abiad, 2003). Autrement dit, ces méthodes peuvent être utilisées aussi
par les institutions individuelles120. L’horizon de temps utilisé par le secteur privé est plus
court et les hypothèses en sont un petit peu différentes, pourtant il est utile de prendre en
considération ces résultats pour analyser la vulnérabilité du système (Berg et al., 2005).
Comme nous l’avons vu, la majorité des études emploient des EWS pour analyser
les vulnérabilités systémiques et pour vérifier la possibilité d’apparition d’une crise. Il y a
deux grandes catégories d’EWS qui font partie de cette approche : la méthode des signaux
(signal-based approach) et les modèles logit ou probit (limited dependent variable). La
majorité des études testent les deux méthodes pour comparer leurs résultats. Une autre raison
pour laquelle les deux techniques sont explorées ensemble est la possibilité d’utiliser les
résultats de la première méthode pour augmenter la précision des résultats de la deuxième
méthode121.

120
Pour les institutions individuelles, Jackson et Madura (2004) font une distinction entre les signaux liés au
montant du profit et les signaux liés à la faillite et affirment que la première catégorie offre des informations plus
importantes et plus puissantes. Les avertissements concernant le niveau du profit peuvent servir d’information
sur l’évolution de l’industrie bancaire. Ces avertissements fournissent une actualisation de toutes les
performances d’une banque, performances influencées par des forces externes qui peuvent infléchir les
performances d’autres banques.
121
La méthode des signaux permet l’identification des variables qui indiquent l’apparition d’une crise.

308
5.1.2.2. La méthode des signaux

Cette méthode est l’une de premières méthodes utilisées dans le développement


des EWS. Elle a été mise en place par Eichengreen en 1995, et a connu un véritable succès
avec les travaux de Kaminsky et Reinhart (1999) – la méthode KLR. De cette façon, une
grande partie des études qui utilisent des méthodes différentes dans le cadre des EWS,
comparent leurs résultats à ceux obtenus à l’aide du modèle KLR.
La méthode du signal d’alerte précoce analyse le comportement des indicateurs
financiers avant et pendant les périodes de crise, par rapport à leur comportement dans les
périodes normales (Călin, 2004). Si le comportement d’une variable analysée diffère dans les
périodes normales, dans les périodes d’avant la crise et lors du déclenchement de la crise,
alors on considère que cette variable émet un signal et peut être utilisée pour l’identification
des crises futures. Cette méthode transforme chaque indicateur dans un signal binaire : si un
indicateur dépasse un certain seuil, il prend la valeur 1 et il fournit donc un avertissement sur
l’apparition d’une crise. Dans le cas contraire, l’indicateur prend la valeur 0.
Cette méthode non paramétrique a un degré de précision assez faible. Les progrès
concernant le développement de la méthode sont liés plutôt à l’utilisation de nouveaux
indicateurs. Par exemple, Krkoska (2000) a évalué les vulnérabilités macroéconomiques dans
quelques pays de l’Europe Centrale et a testé un nouvel indicateur : l’écart entre le déficit de
compte courant et les investissements directs étrangers. Les études récentes reposent sur
l’utilisation des indices composites pour les EWS.
L’analyse de type d’EWS comporte plusieurs étapes : le calcul d’un indicateur de
pression (pour les crises de change) ; le calcul d’un indicateur de crise ; l’identification d’un
seuil et la minimisation de la fonction des pertes.

A) L’indicateur de pression spéculative (emp – exchange market pressure) est


construit lorsqu’on veut identifier une crise de change. Une crise de change est définie comme
une période où la monnaie se déprécie, le taux d’intérêt augmente fortement pour prévenir la
sortie des capitaux et les réserves internationales en devises diminuent pour défendre la
monnaie. De cette façon, l’emp est construit comme une moyenne pondérée de la volatilité
mensuelle du taux de change122 (e), de la variation mensuelle du taux d’intérêt (r) et de la
variation mensuelle des réserves internationales sauf l’or et les devises non convertibles (ir) :

122
Généralement, une volatilité mensuelle est retenue, mais les choix peuvent être influencés par la disponibilité
des données.

309
empt = w1*e + w2*r + w3*ir.

Dans certains travaux, les pondérations sont standardisées : w1 = w2 = w3 = 1


(Eichengreen, 1996).
Bussières et Fratzscher (2006) parlent d’un « indicateur de pression du marché de
change » (currency crisis exchange market pressure indicator). Selon eux, les pondérations
(w) représentent la précision relative de chaque variable. Ainsi, une pondération plus
importante est attribuée aux variables à volatilité faible. Ils considèrent que l’avantage de cet
indicateur réside dans le fait qu’il permet de capturer aussi bien les attaques spéculatives
réussies, que les attaques échouées.

B) Après la construction de l’indicateur de pression, l’étape suivante vise à définir


la crise et à calculer un indicateur de crise. Par exemple, les crises de change (CCi,t) sont
définies comme un événement pendant lequel l’emp dépasse (ou est égale à) deux écarts types
au-dessus la moyenne relative au pays i.

1, si empi,t>empi + 2σempi
CCi,t =
0, dans les autres cas

Pour estimer l’apparition des crises futures, il est nécessaire de transformer la


variable CCi,t actuelle dans une variable prévisionnelle Yi,t, qui est définie comme :

1, s’il y a k = 1, 2…., 12, pour que CCi,t = 1


Yi,t =
0, dans les autres cas

Une fois l’indicateur de crise défini de cette manière, le modèle peut estimer si une
crise apparaît dans les 12 mois (Bussières et Fratzscher, 2006).
Vlaar (2000) apporte une contribution importante au développement de la notion
« d’indicateur de crise » et à la clarification du rôle de cette variable dans les modèles. Il a
pris en compte le taux de dépréciation mensuelle de la monnaie et la variation des réserves en
devises. Il a ensuite déterminé les poids de ces deux variables dans l’indicateur total à l’aide
d’un modèle empirique. Les avantages de cette méthode sont qu’elle permet de prendre en
compte la sévérité de la crise, que cet indicateur est une variable continue, qu’elle évite la
nécessité d’inclure mécaniquement dans l’échantillon les périodes de crise et qu’elle permet

310
de distinguer les variables qui affectent la sévérité de la crise de celles qui affectent leur
probabilité de son apparition. Cet indice ressemble à l’indice de pression – emp – présenté
précédemment.

C) L’identification du seuil (threshold) et de la fonction de perte (loss function) est


effectuée à l’aide des observations empiriques antérieures. Ainsi, pendant une période de
volatilité excessive, l’indicateur de pression dépasse un certain seuil établi à partir des
observations antérieures :

empt > µn + t(n,q) * σn,

où : - µn est la moyenne de l’échantillon


- σn est l’écart type de l’indice basé sur les observations
- t(n,q) représente le t–statistique pour le quantile « q » sur la base de « n »
observations.
Le seuil est choisi tel que le rapport entre les faux signaux et le total de signaux de
crise soit minimisé, à l’aide de la méthode « noise-to-ratio » proposée par Kaminsky et
Reinhart (1999). Si le seuil est établi à un niveau bas, l’indicateur transmettra beaucoup de
signaux. Dans les travaux de Răcaru et al. (2006) par exemple, si l’indicateur émet un signal
sur la période donnée et qu’une crise apparaît dans les 12 mois suivants, alors le signal est
bon. Dans le cas contraire, le signal est considéré comme faux :

Tableau 21 : L’analyse des signaux émis en fonction des périodes de crise identifiées
Crise dans les 12 mois Pas de crise dans les 12
suivants mois suivants
Signal de crise A B
Pas de signal de crise C D
Source : Răcaru et al. (2006)

L’indicateur noise-to-ratio est défini comme :

NtR = [B/(B+D)] / [A/(A+C)],

où : - B/(B+D) est le rapport entre le nombre de signaux de crise qui ne se sont pas
produites et le nombre des périodes sans crise (signaux faux / signaux possibles) ;

311
- A/(A+C) est le rapport entre le nombre de signaux de crise corrects et le nombre de
périodes de crise (probabilité conditionnelle d’une crise).
La méthode des signaux est couramment utilisée pour sélectionner les
déterminants d’une crise (Krznar, 2004). Pour définir le seuil à partir duquel un événement
peut être considéré comme une crise, il utilise la méthode des probabilités conditionnelles123.
Les résultats obtenus indiquent les relations suivantes entre les probabilités conditionnelles et
l’intervalle de l’indicateur composite de la crise124 :

Tableau 22 : Probabilité conditionnelle pour un intervalle donné de l’indicateur composite


Valeur de l’indicateur composite Probabilité conditionnelle
0 – 0,10 0,02
0,10 – 0,20 0,09
0,20 – 0,30 0,14
0,30 – 0,40 0,50
0,40 – 0,50 0,78
0,50 – 0,60 1,00
0,60 – 0,70 1,00
0,70 – 0,80 1,00
Source : Krznar (2004)

La probabilité de 0,50 (la valeur de l’indicateur composite se situe dans l’intervalle


0,30 – 0,40) est choisie comme une probabilité seuil (cut-off probability). Si la valeur de
l’indicateur composite dépasse 0,35, la probabilité de la crise devient très importante.
Toutes ces études montrent que la méthode des signaux est souvent utilisée pour
identifier les facteurs déterminants d’une crise. L’avantage de la méthode des signaux consiste
dans le fait que chaque indicateur est analysé individuellement pour déterminer sa capacité
prédictive (Schardax, 2002). Ses inconvénients sont qu’elle ne prend pas en considération les
interactions entre les indicateurs, qu’elle suppose une relation fonctionnelle spécifique entre
les variables explicatives et les variables dépendantes et qu’elle permet difficilement une
évaluation sur la base des méthodes statistiques standard.

123
Une approche alternative à celle de Kaminsky et Reinhart (1999), utilisée aussi par Berg et al. (2005).
124
On observe dans ce cas l’utilisation d’un indicateur composite de crise, et non pas d’indicateurs individuels.

312
5.1.2.3. Les modèles logit et probit, binomial et multinomial

Pour la construction des systèmes d’alerte précoce, on peut faire appel à une
régression de type logit ou probit (non linéaire), qui donne la possibilité d’établir une relation
entre les différents indicateurs choisis et la probabilité d’apparition d’une crise. Ces
indicateurs ne sont pas différents de ceux utilisés dans l’approche des signaux, mais
l’inconvénient de la réponse binaire est éliminé, car la méthode prend en considération la
valeur des variables.
Comme nous l’avons déjà dit, la majorité des études sur la construction des EWS
commencent avec la méthode des signaux et continuent avec la méthode logit ou probit
binomial et multinomial. Nous présentons tout d’abord la méthode logit et les résultats de
quelques études qui emploient cette technique.

A) Le modèle logit

Bussières et Fratzscher (2006) et Krkoska (2000) ont utilisé un modèle logit


binomial pour estimer la probabilité d’apparition d’une crise. Nous présentons cette méthode
en détail. Par exemple, on prend en compte N pays i = 1,…N et les observations pour
plusieurs périodes T, où t = 1,…T. On observe la variable dépendante linéaire Y relatives à
chaque pays et à chaque mois.

1, avec la probabilité Pr(Y = 1) = P


Y=
0, avec la probabilité Pr(Y = 0) = 1-P

Ensuite, il faut expliquer l’indicateur de crise Y à l’aide de K variables


indépendantes. Ainsi, X devient une matrice d’observations KN x T. Le but du modèle est
d’estimer les effets de l’indicateur X sur la probabilité P de déclenchement de la crise.
Une autre possibilité est l’utilisation de la méthode logit multinomial qui permet
d’estimer les effets d’un vecteur de n variables explicatives sur la probabilité d’apparition ou
non de la crise. Davis et Karim (2008) analysent à l’aide de cette méthode la probabilité
d’apparition d’une crise bancaire. La probabilité qu’une variable muette (dummy) bancaire
reçoive la valeur 1 à un moment donné (certifiant l’apparition de la crise) est donnée par une
fonction de distribution logistique cumulative, estimée à base des données et paramètres
disponibles à un instant :

313
Prob (Yit = 1) = F(β*Xit) = eβ’Xit / ( 1 + eβ’Xit),

où : - Yit est la dummy de crise bancaire pour le pays i à l’instant t,


- β est le vecteur des coefficients,
- Xit est le vecteur des variables explicatives, et
- F(β*Xit) est la distribution logistique cumulative.
Par rapport au modèle logit binomial, le biais d’après la crise est éliminé dans le
modèle logit multinomial125. Il y a deux possibilités pour éliminer les biais. La première
consiste à éliminer directement les observations post-crise. La deuxième possibilité réside
dans une approche qui prend en considération une variable – dépendante discrète, sous la
forme d’un modèle logit multinomial.

1, si existe k = 1, 2….,12, pour que CCi,t+k = 1


Yi,t = 2, si existe k = 0, 1….,p , pour que CCi,t-k = 1
0, dans les autres cas

Dans cet exemple fourni par les auteurs, la période de 12 mois avant le début de la
crise est considérée comme un régime pré crise (Yi,t = 1) ; le régime post crise, de
redressement, débute après la crise et finit avec le début de la période de normalité (Yi,t = 2) ;
et il y a aussi le régime pour les périodes normales (Yi,t = 0).
Les résultats obtenus par Bussières et Fratzscher (2006), après comparaison du
logit binomial et du logit multinomial, sont en faveur du deuxième modèle. Ils font des tests
avec des prévisions sur l’échantillon de pays choisis (in-the-sample), ainsi qu’avec des
prévisions sur un autre échantillon de pays (out-of-sample).
Les différentes étapes d’un modèle logit multinomial sont (Răcaru et al., 2006) :
- le calcul d’un indicateur de pression du marché de change, pour définir la période
de crise et pour inclure les attaques réussies (l’obligation de la banque centrale de renoncer au
régime de change fixe), ainsi que les périodes de vulnérabilité évités ;
- le calcul de l’indicateur de crise de change qui caractérise un modèle logit
multinomial ;
- l’estimation économétrique du modèle ;
- l’estimation du seuil optimal pour le signal de crise.

125
Le fait que les indicateurs aient un comportement différent dans la période d’après crise, par rapport à une
période normale, peut biaiser les résultats.

314
Răcaru et al. (2006) obtiennent à leur tour de meilleurs résultats avec le logit
multinomial. Ils testent d’abord la méthode des signaux et le logit binomial. L’analyse du type
logit multinomial est réalisée sur un échantillon de 21 économies émergentes. Le choix des
indicateurs est fait à l’aide de la méthode noise-to-signals qui montre que les indicateurs à
valeur faible pour ce rapport ont une meilleure capacité prédictive.
Le logit multinomial montre que les variables avec un impact significatif sur la
prédictibilité des crises sont : (a) la sur-appréciation de la monnaie domestique (calculée
comme un écart type du taux de change réel effectif vis-à-vis d’un trend linéaire) ; (b) le
rythme de croissance du crédit non-gouvernemental (exprimé comme pourcentage du PIB) ;
(c) le déficit courant par rapport au PIB ; (d) M2 / réserves et (e) le rythme de croissance des
exportations.

B) Le modèle probit

Le probit représente pour beaucoup une alternative au logit. Ainsi, Berg et Patillo
(1999) reprennent l’étude de Kaminsky et Reinhart (1999) utilisant le même échantillon de 20
pays et la même période. Ils testent le modèle KLR initial et obtiennent presque les mêmes
résultats. Dans une deuxième étape, ils modifient l’échantillon de pays et, dans une troisième
étape, ils utilisent un probit comme alternative à la méthode des signaux. La période retenue
d’observation de l’apparition d’une crise est de 24 mois. Cette dernière méthode présente,
selon eux, trois avantages par rapport au modèle KLR. Elle permet de tester l’utilité du
concept de seuil, d’agréger les variables prédictives dans un indice composite et de prendre en
considération les corrélations entre différentes variables et de tester si les variables sont
statistiquement significatives ou non.
Berg et Pattillo choisissent une fonction gradient (step-function) pour mettre en
évidence la relation entre les variables explicatives et la probabilité d’apparition d’une crise.
Puis, ils testent une régression probit bivariate sur un panel de données. Ils estiment pour
chaque indicateur une équation sous la forme :

Prob (c = 1) = f(0 + α1p(x) + α2I + α3I (p(x)-T)),

où : - c24 = 1 s’il y a une crise dans les 24 mois suivants,


- p(x) = le percentile de la variable x, et
- I = 1 si le centile se trouve au-dessus du seuil T et I = 0 dans l’autre cas.

315
Krznar (2004) choisit lui aussi d’utiliser un probit pour déterminer la probabilité
d’apparition d’une crise de change en Croatie. Il considère qu’un tel exercice (qui fait
référence à un seul pays et non pas à des données de panel) est possible grâce aux modalités
de prévision et au progrès des modèles économétriques. Les résultats pour un seul pays
permettent une meilleure comparaison avec les modèles théoriques et peuvent contribuer à
leur amélioration. De l’autre côté, les analyses sur des données de panel se confrontent aux
problèmes du choix des variables et à l’interprétation des résultats.
Un probit est utilisé par Schardax (2002) pour identifier les crises de change dans
les pays de l’Europe Centrale et de l’Est. Après l’identification des variables significatives à
l’aide de l’approche des signaux, il fait une régression probit pour chaque variable explicative
et analyse les coefficients de la variable dummy de la crise.
Par rapport à la méthode des signaux, les régressions de type logit et probit ont
plusieurs avantages : il est facile d’interpréter la capacité prédictive et de déterminer la
probabilité d’apparition de la crise ; les informations fournies par une nouvelle variable
peuvent être repérées rapidement. La méthode des signaux présente l’inconvénient de la perte
de la qualité des informations, en transformant les variables exogènes dans des variables
binaires. L’un des avantages des techniques qui utilisent les variables dépendantes discrètes
(logit et probit), est l’association des variables exogènes continues à la probabilité de crise. La
variable dépendante reste aussi une variable binaire ou multinomiale, mais les variables
indépendantes sont continues.
En conclusion, il y a plusieurs techniques disponibles et deux possibilités pour
construire un EWS qui utilisent des données de panel pour un groupe de pays ou des données
spécifiques pour un seul pays. La majorité des études se concentrent sur le premier type
d’analyse (un EWS sur un panel de données) parce que les séries longues de données pour un
pays particulier manquent.
L’étude effectuée par Răcaru et al. (2006) à l’aide d’un EWS, pour déterminer la
probabilité d’apparition d’une crise de change en Roumanie, débute par une analyse sur un
panel de données. Dans un deuxième temps, toutes les étapes sont reprises en se référant au
seul au cas de la Roumanie. L’indicateur de pression sur le marché de change indique
correctement les crises passées et les résultats montrent une augmentation de la probabilité de
crise de change en Roumanie en 2005 par rapport à 2004, du fait du déficit de compte courant
et de l’expansion du crédit.

316
5.1.2.4. D’autres modalités pour construire un EWS

Une autre catégorie de modèles – résultat de la combinaison des méthodes


antérieures – est présentée par Vlaar (2002). Ces modèles ne se proposent pas de prévoir les
crises, mais les pays qui seront le plus affectés en cas de déclenchement de la crise dans un
pays quelconque. L’idée est de définir un indicateur de crise (à l’aide de la dépréciation de la
monnaie et des pertes de réserves internationales, par exemple) pour toute la période pendant
laquelle les marchés internationaux se trouvent en situation de stress. Les différences entre les
pays qui se reflètent dans l’amplitude de la crise, sont expliquées par des variables qui
caractérisent la situation économique au moment du déclenchement de la crise. Cet exercice a
été réalisé à l’aide d’une analyse de régression en section transversale (cross-section).
Fuertes et Kalotychou (2007) associent un modèle logit multinomial avec une
méthode récursive de type arbre – K clustering126. Ils améliorent de cette façon les résultats de
l’analyse, après avoir comparé les résultats des méthodes individuelles.
Kaminsky (2006) combine lui aussi la méthode d’extraction des signaux avec une
régression type arbre (regression-tree). Il peut ainsi identifier les crises à l’aide de la première
méthode et peut aussi faire la distinction entre crise de change, crise de la balance des
paiements, crise due aux fragilités économiques, etc., à l’aide de la deuxième méthode.
Chaque variable choisie caractérise un certain type de crise. Par exemple, dans cette étude,
l’augmentation du taux d’intérêt au niveau international est associée aux crises brutales
(sudden-stop crises).
Enfin, le modèle empirique testé par Krkoska (2000) pour construire un EWS,
représente un modèle VAR (Vector Autoregressive Model) standard qui prend en compte des
indicateurs macroéconomiques. Les variables dépendantes proposées sont : l’indicateur de
pression spéculative, le taux de change réel, la production industrielle, le rapport entre les IDE
et le PIB et le déficit du compte courrant comme pourcentage en PIB. Des retards sur ces
variables sont introduits dans le modèle comme des variables explicatives.

Yt = A*Yt-1 + B* Xt-1 + εt

Pour estimer les paramètres A et B du modèle VAR, il impose quelques


restrictions du fait du manque de données. De cette façon, des équations individuelles sont

126
L’avantage de cette méthode est donnée par sa nature non paramétrique (aucune estimation n’est nécessaire).
Les désavantages sont plus nombreux : la méthode ne fournit pas une échelle de notation (scoring) continue et ne
permet pas une distinction claire entre les variables lorsque l’on utilise un nombre important d’indicateurs.

317
testées : une première prend en considération l’indicateur de pression spéculative, une
deuxième inclut le taux de change réel et une troisième le taux de croissance de la production
industrielle. La méthode d’extraction de signaux peut alors être combinée avec la méthode du
vecteur autorégressif.
Comme nous l’avons déjà dit, les EWS sont aussi utilisés pour identifier les
banques plus exposées aux risques. Nous parlons dans ce cas de systèmes d’alerte précoce
pour la détection des dégradations financières des banques (bank financial distress). Ainsi,
Distinguin et al. (2006) ont utilisé un modèle logit pour démontrer l’importance des
indicateurs construits à partir du cours des actions (à coté des indicateurs comptables) dans
l’estimation de la dégradation financière des banques européennes. Cette détérioration de la
situation financière a été identifiée à l’aide des notations fournies par les agences externes de
rating et les résultats concluent à l’apport significatif des indicateurs de marché dans la
détection de la dégradation financière des banques.
Cette méthodologie a été reprise en 2008 pour identifier les changements dans les
conditions financières des banques asiatiques (Distinguin et al., 2008). Dans cette étude, la
variable dépendante (Y) est égale à :
- 1, si la dégradation du rating a été signalée par au moins une agence de notation
et si le rating n’a connu ni une amélioration pendant une certaine année du calendrier, ni une
dégradation / amélioration dans le dernier trimestre de l’année précédente ;
- 0, si le rating reste inchangé ou s’il connaît une amélioration (upgrade) pendant
une certaine année du calendrier ;
- NA (pas disponible), dans les autres cas.
Le modèle logit construit pour estimer la probabilité de dégradation des conditions
financières prend la forme suivante :

 J L 
Prob (Yt = 1) = Φ α + ∑ β j C ji + ∑ γ l M li 
 j =1 l =1 

où : Cji et Mli sont les jème indicateur bilanciel et le lème indicateur de marché, respectivement,
tandis que Φ (.) représente la fonction de distribution logistique cumulative et α, βj et γl sont
les coefficients.
Les résultats montrent l’importance des indicateurs de marché dans l’estimation de
la dégradation financière des banques. Ensuite, les auteurs ont introduit une variable muette
pour souligner l’effet too-big-to-fail mais, cette fois-ci, les indicateurs de marché ne se sont

318
pas prouvés pertinents pour signaler la détérioration de la situation financière des banques
considérées comme too-big-to-fail.
Une analyse analogue est réalisée par Poghosyan et Čihák (2009) qui étudient la
dégradation financière des banques européennes à l’aide d’un modèle logit, en mettant
l’accent dans un premier temps sur les données comptables. Dans un deuxième temps, ils
prennent en compte d’autres variables explicatives comme l’effet de contagion,
l’environnement macroéconomique ou des variables de marché, et ils montrent que les pays
européens sont relativement homogènes en terme de hasard bancaire.
Pour les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les
principaux déterminants de la dégradation financière des banques sont analysés par Powo
Fosso (2000) et par Angora et Tarazi (2009). Si la première étude met l’accent sur les données
comptables, la deuxième trouve des variables macroéconomiques comme principaux facteurs
qui ont fragilisé le système bancaire. Une nouveauté introduite par Angora et Tarazi consiste
dans l’estimation de la durée des crises dans cette région.

5.1.2.5. Système d’alerte précoce pour la détection de la dégradation financière


des banques roumaines

Cerna et al. (2008) et Dardac et Barbu (2005) décrivent un type particulier d’EWS
qui fournit des informations sur la solidité des banques. Il s’agit d’un système de notation
bancaire (rating ou scoring) utilisé par la BNR et qui transmet des signaux sur la fragilité des
institutions de crédit. Nous utilisons cette technique pour analyser l’évolution des ratings
bancaires en Roumanie et pour les confronter avec la taille des banques et la qualité de
l’actionnariat.
La méthode est connue sur le nom de « Système de rating bancaire et d’alerte
précoce – CAAMPL » et représente un EWS micro prudentiel, qui ressemble à celui construit
par Distinguin et al. (2006), mais qui n’utilise cependant que des données comptables et des
informations sur la qualité du management bancaire et de l’actionnariat. Cette méthode fait
partie des « systèmes d’alerte précoce exploités par les autorités de régulation et de
surveillance pour identifier les banques les plus exposées aux risques » (Lutton, 2006).
L’architecture des EWS de type CAAMPL utilisés pour établir les notations
présente deux composantes (Moinescu, 2007) : (a) un modèle statistique d’évaluation des
probabilités de dégradation (downgrade) des ratings bancaires et (b) des estimations
qualitatives réalisées par des experts à l’aide d’informations complémentaires.

319
Le système « CAAMPL » considère six éléments qui caractérisent l’activité et la
solidité d’une banque : l’adéquation du capital (C) ; la qualité des actifs (A) ; la qualité de
l’actionnariat (A) ; le management (M) ; la profitabilité (P) et la liquidité (L). Ces indicateurs
permettent de définir un rating composite. Chacune des six composantes est évaluée sur une
échelle de 1 à 5, où la valeur « 1 » caractérise le niveau le plus performant et « 5 » le niveau le
plus faible.
Quatre composantes (C – l’adéquation du capital, A – la qualité des actifs, P – la
profitabilité et L – la liquidité) sont analysées en fonction d’un ensemble d’indicateurs qui
peuvent recevoir cinq notations différentes. Les autres composantes (A – la qualité de
l’actionnariat et M – la qualité du management) sont appréciées par les experts de la BNR sur
la base d’informations obtenues lors des inspections au siège des banques (on-site).
Après l’évaluation des six composantes spécifiques de la performance
(CAAMPL), le rating composite est établi selon une échelle de notation de 1 à 5. Une
importance particulière est accordée à la qualité du management qui reçoit une pondération
significative dans le rating composite. Si une des composantes a été évaluée avec un rating de 5,
le rating composé ne dépassera pas le niveau « 3 »127.
Les indicateurs utilisés pour l’évaluation des composantes du système CAAMPL
(sauf la qualité de l’actionnariat et du management) sont présentés dans le tableau suivant. Il y
a au total 22 indicateurs individuels qui caractérisent l’adéquation du capital, la qualité des
actifs, la profitabilité et la liquidité des banques.
En simplifiant cette technique (le rating composite est calculé comme la moyenne
arithmétique des ratings individuels), nous réalisons une analyse de la solidité des institutions
bancaires en Roumanie, à l’aide de la base des données Bankscope Fitch IBCA128.

127
En bref, les catégories de rating peuvent être interprétées de la façon suivante : Rating composite 1 – Les
banques sont viables sur tous les aspects et ont en général les cinq composantes évaluées au niveau « 1 » ou
« 2 ». Les déficiences qui existent sont mineures et peuvent être facilement éliminées. Rating composite 2 – Les
banques ont une structure solide. Seules des difficultés mineures qui peuvent être corrigées par les décisions du
Conseil d’Administration ou par le management, peuvent être regrettées. Rating composite 3 – Les banques
nécessitent une attention particulière de la part des autorités de surveillance, pour une ou plusieurs composantes
mentionnées. Rating composite 4 – Les banques se caractérisent par des pratiques risquées et présentent des
problèmes financiers et administratifs sérieux qui conduisent à de faibles résultats. Rating composite 5 – Les
banques ont une activité insatisfaisante et des pratiques risquées. Elles sont déficitaires et les techniques de
gestion des risques sont inadéquates.
128
Cette base de données contient des informations sur toutes les banques avec personnalité juridique roumaine,
à part Porsche Bank et Millennium Bank. L’échantillon retenu inclut 27 institutions bancaires, dont au niveau de
l’année 2006, on retrouve 4 banques à actionnariat majoritaire roumain (2 banques à actionnariat privé et 2
banques à actionnariat public). Les plus importantes banques du système sont la Banque Commerciale Roumaine
- Erste Group et la BRD - Groupe Société Générale, avec un part de marché de 29,37% et respectivement de
17,76% au niveau de l’année 2006.

320
Tableau 23 : Les critères de classification des banques en fonction des indicateurs d’analyse
des composantes quantifiables CAPL

No. Indicateur (la formule) Intervalle Rating


I. L’adéquation du capital (C)

1. Ratio de solvabilité 1 ( > 12%)* > 15% bien capitalisée 1


(fonds propres / actifs pondérés 12 - 14,9% capitalisée adéquatement 2
en fonction de risque) 8 - 11,9% sous-capitalisée 3
5 - 7,9% sous-capitalisée 4
significativement
< 5% sous-capitalisée 5
majoritairement
2. Ratio de solvabilité 2 (> 8%) > 10% bien capitalisée 1
(capital / actifs pondérés en 8 - 9,9% capitalisée adéquatement 2
fonction de risque) 6 - 7,9% sous-capitalisée 3
4 - 5,9% sous-capitalisée 4
significativement
< 4% sous-capitalisée 5
majoritairement
3. Le taux de capital propre (degré > 6% bien capitalisée 1
d’autonomie financière, degré
d’utilisation du capital propre-
gearing ratio) ( > 5%)*
(capital propre / actifs nets 4 - 5,9% capitalisée adéquatement 2
totaux) 3 - 3,9% sous-capitalisée 3
2 - 2,9% sous-capitalisée 4
significativement
< 2% sous-capitalisée 5
majoritairement
4. Capital propre / Capital social > 150% 1
(>100%)* 150 -100,0% 2
80 –99,9% 3
50 – 79,9% 4
< 50% 5
5. Autres conditions Il n’a y pas le danger de maintenir un 1
niveau adéquat du capital propre en 2
conformité avec les régulations. 3
Si le rating pour le ratio de solvabilité est 4
de 4, la composante d’adéquation du capital
ne peut pas recevoir une notation
supérieure à l’indicateur.
Dans le même temps, le rating composé de
la banque est ajusté et la banque recevra un
rating tout au plus égal avec celui de la
composante.

Dans le cas où au moins une des 5


composantes a été évaluée avec un rating
de 5, le rating composé ne dépassera le
niveau « 3 ».

321
II. La qualité des actifs (A)

1. Taux général de risque* < (la moyenne par système ou par « groupe 1
des banques » - 30% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
(actifs bilanciels et hors bilan > (la moyenne par système ou par « groupe 2
pondérés en fonction du risque / des banques » - 30% de la moyenne par
actifs bilanciels et hors bilan à la système ou par « groupe des banques »)
valeur comptable) < (la moyenne par système ou par « groupe
des banques » - 10% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
> (la moyenne par système ou par « groupe 3
des banques » - 10% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
< (la moyenne par système ou par « groupe
des banques » + 10% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
> (la moyenne par système ou par « groupe 4
des banques » + 10% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
< (la moyenne par système ou par « groupe
des banques » + 30% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
> (la moyenne par système ou par « groupe 5
des banques » + 30% de la moyenne par
système ou par « groupe des banques »)
2. Total des encours douteux + < 2% 1
encours compromis / Total du 2,1 - 4% 2
portefeuille de crédit (valeur
nette)* 4,1 - 6% 3
6,1 - 8% 4
>8% 5
3. Taux du risque de crédit « 2 » < 5% 1
exposition non-ajustée
(Crédits et intérêts dans les 5,1 - 10% 2
catégories « encours sains »,
« encours douteux » et « encours 10,1 - 20% 3
douteux compromis » / Total des
crédits et intérêts classés) 20,1 - 30% 4
> 30% 5
4. Le poids des crédits bancaires et < 5% 1
des intérêts afférents classés 5,1 - 15% 2
dans les catégories « encours 15,1 - 30% 3
sains », « douteux » et « douteux 30,1 -50% 4
compromis » - exposition non- > 50% 5
ajustée en capitaux propres et
provisions*
5. Créances restantes + douteuses / < 2% 1
Total actif (valeur nette)*
2,1 - 4% 2
4,1 - 6% 3
6,1 - 8% 4
>8% 5

322
6. Créances douteuses nettes < n% Cri < 30% Cp et Cp > 0 1
Capital propre
(patrimoine net) (Cri < n% Cp) 30% Cp < Cri < 50% Cp et Cp > 0 2

50% Cp < Cri < 70% Cp et Cp > 0 3


70% Cp < Cri < 100% Cp et Cp > 0 4
Cri > Cp ou Cp < 0 5
7. Le degré de couverture par de > 90% 1
provisions (y inclus la réserve
pour les risques bancaires) de
l’exposition pondérée en
fonction de risque, pour les
crédits bancaires, non bancaires
et interbancaires, ainsi que des
intérêts afférents, classés dans
les catégories « sains »,
« douteux » et « autres »*
(réserves pour des risques 80 - 9,9% 2
bancaires + provisions pour les
crédits / exposition ajustée des 60 - 9,9% 3
crédits et placements classés
dans les catégories « sains », 20 - 9,9% 4
« douteux » et « douteux
compromis ») < 20% 5

8. Le taux de couverture des crédits > 8% 1


et placements douteux (fonds
propres – crédits bancaires et 7 - 7,9% 2
non bancaires, placements 5 - 6,9% 3
interbancaires et intérêts
afférents, classifiés dans 2 - 4,9% 4
«douteux» et « restantes »,
< 2% 5
exposition non-ajustée) / Total
actif net
9. Crédits à la clientèle / Total actif < 50% 1
(valeur brute)* 50,1 - 55% 2
55,1 - 60% 3
60,1 - 65% 4
> 65 % 5
10. Crédits à la clientèle / Fonds < 60% 1
attirés et prêtés (valeur brute) 60,1 - 65% 2
65,1 - 70% 3
70,1 - 75% 4
> 75 % 5
III. Profitabilité (P)

1. ROA* > 5% 1
(profit net / total actif net) 4 - 4,9% 2
3 - 3,9% 3
0,6 - 2,9% 4
< 0,6 5

323
2. ROE* > 11% 1
(profit net / capitaux propres) 8 - 10,9% 2
6 - 7,9% 3
4 - 5,9% 4
< 4% 5
3. Le taux de rentabilité de > 150% 1
l’activité de base
(revenus courants - revenus de 125 - 150% 2
provisions) / (dépenses courantes
- dépenses avec les provisions) 115 - 124,9% 3
100 - 114,9% 4
< 100% 5
4. Indice de croissance réelle des > 120% 1
capitaux propres (en fonction
110 -120% 2
d’inflation)*
100 -110% 3
90 -100% 4
<90% 5
IV. Liquidité (L)

1. Indicateur de liquidité > 1,50 1


(liquidité effective / liquidité 1,20 - 1,49 2
nécessaire) 1,00 - 1,19 3
0,80 - 0,99 4
< 0,80 5
2. Liquidité immédiate* > 45% 1
(disponibilités et dépôts auprès 45 - 40% 2
des banques (valeur nette) + 39,9 - 35% 3
titres publics non gagés) / fonds 34,9 - 30% 4
attirés et prêtés) <30% 5
3. Crédits à la clientèle < 85% 1
(valeur brute) / Dépôts des 85 – 104,9% 2
clients* 105 –114,9% 3
115 – 125% 4
> 125% 5
Source : Cerna et al. (2008)

Quatorze indicateurs parmi ceux présentés ci-dessus, qui contiennent des


informations sur l’adéquation du capital (3 indicateurs), sur la qualité des actifs (6
indicateurs), sur la profitabilité (3 indicateurs) et sur la liquidité (2 indicateurs) sont retenus
(voir les indicateurs avec « * » dans le tableau ci-dessus). Pratiquement, ces indicateurs sont
des indicateurs comptables et représentent le système CAPL.
Pour définir le rating composite, nous retenons les hypothèses suivantes :
- le rating composite est calculé, dans une première étape, comme une moyenne
arithmétique des notations individuelles ;

324
- si un des indicateurs individuels présente une note de 5 (le plus mauvais rating),
alors la banque ne peut pas bénéficier d’un rating composite supérieur à « 3 »129 ;
- pour chaque note de 5 à une composante, on ajoute 0,10 point au rating
composite pour pénaliser les performances médiocres correspondantes de la banque ;
- enfin, le rating brut est arrondi (au supérieur ou à l’inférieur).
De cette manière, nous obtenons l’évolution des notations bancaires pour la
période 1998-2006, qui donne la possibilité d’identifier les facteurs qui peuvent influencer la
solidité des banques. Dans une première étape, nous confrontons la qualité des ratings et celle
de l’actionnariat (Figure 53).

Figure 53 : L’évolution des ratings bancaires en fonction de la qualité de l’actionnariat


3,40

3,20

3,00

2,80

2,60

2,40

2,20

2,00
98

99

00

01

02

03

04

05

06
19

19

20

20

20

20

20

20

20
Total des banques Banques avec actionnariat majoritaire étranger Banques avec actionnariat majoritaire roumain

Source : la base de données Bankscope

Les banques à actionnariat étranger devraient être plus solides car ces institutions
disposent d’un cadre adéquat de management des risques. La Figure 53 montre le contraire –
les banques domestiques sont, en moyenne, plus stables (à l’exception des années 2001 et
2005). Cette observation peut avoir plusieurs explications. Premièrement, la Banque
Commerciale Roumaine (la plus grande banque du système qui jouit d’une bonne solidité
financière) fut privatisée seulement fin de 2005. Deuxièmement, la Banque Transilvania,
banque à actionnariat privé majoritaire roumain, dispose du meilleur rating composite sur la
période analysée.
Un autre élément qui influence la qualité des ratings est la taille des banques,
mesurée sous la forme de part de marché défini par le rapport actif de la banque sur actif total

129
Une exception à cette règle porte sur les notes de 5 pour l’indicateur « liquidité immédiate », car cette
variable est équivalente au rating 5 pour la plupart de banques sur la période analysée (1998-2006). L’indicateur
est calculé par Bankscope qui peut utiliser une méthodologie différente de celle de la BNR.

325
du secteur bancaire130. En théorie, les grandes banques sont les plus solides parce qu’elles ont
la capacité de mieux gérer leurs risques et d’attirer des managers compétents. De l’autre côté,
les coûts de la gestion du risque sont importants pour les petites institutions et la lutte acerbe
pour gagner des parts de marché les rend plus vulnérables.
La Figure 54 montre que cette hypothèse est confirmée parce que les banques de
grande taille enregistrent un rating supérieur (la moyenne des ratings composites indique une
situation financière solide pour les banques de cette catégorie en 2005).

Figure 54 : L’évolution des ratings bancaires en fonction du volume des actifs

3,50

3,00

2,50

2,00

1,50

1,00
98

99

00

01

02

03

04

05

06
19

19

20

20

20

20

20

20

20
Catégorie I Catégorie II Catégorie III

Source : la base des données Bankscope

En conclusion, l’identification des facteurs qui influencent la dégradation des


ratings et le calcul des probabilités de détérioration des notations bancaires peuvent être
considérés comme un type particulier de système d’alerte précoce.

5.1.2.6. Les limites des EWS dans l’identification des vulnérabilités

Les EWS ignorent systématiquement la possibilité que les crises soient


autoréalisatrices. Dans les EWS, l’indicateur le plus représentatif pour les crises bancaires est
représenté par les crédits douteux (NPL) qui sont associés au risque de crédit. Il peut y avoir
une corrélation entre les institutions du système concernant le risque de crédit, mais cet aspect
n’est pas analysé dans un EWS. De plus, les risques de crédit et de marché doivent être pris en
considération ensemble, pour identifier les vulnérabilités.

130
En fonction du volume de l’activité, il y a des banques de Catégorie I – part de marché supérieure ou égale à
5% , de Catégorie II – part de marché entre 4,99 et 1% et de Catégorie III – part de marché inférieure à 1%.

326
Les études doivent se concentrer sur l’estimation de la probabilité de crise out-of-
sample (Berg et al., 2005). Il est beaucoup plus facile d’obtenir de bons résultats pour les
estimations in-the-sample, mais des signes d’interrogation apparaissent par rapport à la
capacité prédictive de ces modèles. Bon nombre d’études empiriques ont montré des résultats
satisfaisants seulement pour l’échantillon analysé.
Une autre limite des EWS est liée à l’exactitude des données. Gunter et Moore
(2003) ont repris les méthodes d’un modèle EWS, utilisant des données actualisées, fournies
par le secteur privé. Leurs résultats sont significativement différents des premiers résultats
obtenus sur données publiques non réactualisées. Ils aboutissent à la conclusion que les
données sont fondamentales pour ce type d’exercice. Le développement des techniques et des
méthodes n’a aucune pertinence si les résultats sont biaisés et s’ils ne sont pas utilisés par les
autorités de décision.
Même si la littérature sur l’anticipation des crises à l’aide des systèmes d’alerte
précoce est très développée, en pratique, l’usage des EWS est réduit. En outre, leur capacité
prédictive est assez faible car un nombre important de signaux s’avère faux. Par conséquent, il
est très important d’utiliser cette méthode en parallèle avec d’autres techniques de
quantification de la stabilité financière.

5.1.3. Les stress-tests

Un stress-test (test de résistance aux chocs) répond à la question « qu’est-ce qui se


passerait si » dont le but est d’évaluer l’effet de certains chocs sur l’économie en général et
sur le système financier en particulier (Evjen et al., 2004).
Une autre définition des stress-tests est donnée par Chivakul (2006) pour qui les
stress-tests représentent différentes techniques utilisées par les sociétés financières pour
mesurer leur vulnérabilité potentielle face aux risques.
Ces deux définitions soulignent la nature macroéconomique des stress-tests, ainsi
que leur nature microéconomique, en donnant la possibilité de distinguer les tests de
résistance macro financiers (system-wide stress-tests) des tests de résistance menés par les
institutions individuelles (micro stress-tests).
Les premiers – les stress-tests systémiques – se proposent d’évaluer la stabilité
financière du système dans son ensemble. Ils offrent une gamme d’application plus large,
prennent en compte le risque de contagion et utilisent différentes techniques, du fait de la

327
complexité des calculs (Jones et al., 2004 ; Čihák şi Heřmánek, 2005). Les risques
individuels, tels le risque opérationnel, légal ou la qualité des actifs, ne sont pas pris en
compte. Cependant, au niveau agrégé, les stress-tests fournissent des résultats approximatifs,
qui simplifient la réalité, du fait de la complexité du système financier.
Les seconds ont comme objectif l’identification des vulnérabilités qui menacent
les institutions individuelles. Ce sont les grandes banques internationales qui ont construit
pour la première fois des stress-tests pour évaluer les réactions potentielles de leur
portefeuille à un choc externe131. L’utilisation de ces techniques fut encouragée par l’Accord
Bâle II qui stipule que les institutions qui utilisent des méthodes avancées de calcul du risque
de crédit devaient réaliser des stress-tests.
Une limite des stress-tests réalisés au niveau individuel réside dans la sous-
estimation de la liquidité, lorsque les institutions réduisent leurs expositions simultanément.
Une autre limite est la difficulté d’agréger les résultats des tests effectués par les banques et la
difficulté d’interpréter et de comparer ces résultats car les institutions recourent à des
techniques différentes. Bunn (2005) considère que la simulation d’un choc commun réduit les
problèmes liés à l’interprétation des résultats. Malgré cet effort, les stress-tests systémiques
semblent beaucoup plus appropriés pour évaluer la solidité du système financier.
Les objectifs de ces deux catégories des stress-tests sont donc différents. Les
macro stress-tests aident les autorités de régulation et de surveillance à identifier les
vulnérabilités structurelles de l’ensemble du système, vulnérabilités qui peuvent mener à une
situation d’instabilité. Les stress-tests individuels analysent quant à eux la solidité de chaque
institution.
Nous nous penchons maintenant sur les stress-tests macro financiers. Nous
présentons tout d’abord leur place dans l’analyse macro-prudentielle et ensuite nous classons
ces tests.

5.1.3.1 Le rôle des stress-tests dans l’analyse macro-prudentielle

« Un stress-test agrégé est une méthode utilisée pour mesurer l’exposition au


risque d’un groupe d’institutions, après un scénario prédéfini » (Blaschke et al., 2001). Les
stress-tests systémiques fournissent des informations sur le comportement du système face à

131
« Les stress-tests au niveau des institutions individuelles ont été appliqués par les banques internationales à
partir du début des années 90 » (Sorge et Virolainen, 2006).

328
des « chocs exceptionnels mais plausibles » (Jones et al., 2004). Ces tests aident les décideurs
à évaluer les vulnérabilités du système.
La place des stress-tests dans l’analyse macro-prudentielle est présentée sur la
Figure 55 qui montre que les stress-tests et les FSI ont des attributions complémentaires dans
l’analyse macro-prudentielle. Ainsi, les stress-tests sont des instruments conçus pour analyser
le système financier de manière prévisionnelle (forward-looking), parce qu’ils tentent
d’évaluer l’impact des événements macroéconomiques possibles, mais dont l’apparition est
incertaine. L’analyse effectuée à l’aide des FSI permet, quant à elle, d’identifier les
vulnérabilités du système, en indiquant le type de test qui est le plus approprié. Les stress-
tests peuvent aussi montrer la sensibilité des FSI face à des changements institutionnels ou
législatifs.

Figure 55 : Le cadre de l’analyse macro-prudentielle

Indicateurs de solidité financière

Stress-tests
Données Données relatives aux
macroéconomiques Analyse marchés financiers
Ex : inflation, taux de macroprudentielle Ex : prix des actions, ratings
change, PIB des crédits

Informations qualitatives Informations structurelles


Ex : conformité avec les Ex : importance systémique,
standards et avec les codes structure de l’actionnariat
internationaux

Source : Čihák (2004a)

Malgré cela, il faut souligner que les tests de résistance et les FSI ont un rôle
différent dans l’analyse macro-prudentielle et que la comparabilité et les complémentarités en
sont limitées (Cerna et al., 2008). L’expérience montre que les stress-tests n’ont pas un rôle
décisif dans les discussions sur la santé du système financier. Par contre, ils sont très
importants pour obtenir un consensus concernant les difficultés qui menacent le système et les
mesures qui s’imposent pour limiter les effets potentiels et les coûts associés aux chocs.
Les stress-tests ont été développés surtout dans le cadre des missions FSAP du
FMI. Au début, les stress-tests effectués par les missions FSAP étaient des analyses de

329
sensibilité par rapport à un seul facteur de risque ou à des valeurs historiques extrêmes de
divers facteurs de pression (on parle d’analyses de sensibilité). Aujourd’hui, les analyses se
focalisent sur la construction de scénarios et sur l’implication des autorités (l’utilisation des
modèles macroéconomiques), ainsi que sur la contagion interbancaire et sur l’extension des
stress-tests vers d’autres institutions financières que les banques. Le risque de contagion et les
effets de second ordre ou les effets « en retour » (second-round effects) ne sont généralement
pas considérés dans les stress-tests, mais il y a certains FSAP qui prennent en compte
quelques éléments de contagion interbancaire.

5.1.3.2. La classification des macro stress-tests

La classification de ces méthodes peut être effectuée en fonction de plusieurs


facteurs : la méthode et les modèles utilisés, la typologie des chocs, l’implication des
institutions bancaires individuelles, la couverture, etc.

A) Classification selon les techniques utilisées

Sorge (2004) et Sorge et Virolainen (2006) décrivent deux grandes catégories de


tests, une première qui s’inspire des missions du FMI et une deuxième qui est influencée par
les simulations des institutions individuelles.

a) La première catégorie repose sur une « approche bilancielle » (picewise) qui, en


fait, essaie d’évaluer la sensibilité des bilans bancaires à des changements dans les
fondamentaux macroéconomiques.
L’approche « piecewise » est caractéristique de quelques études qui recourent à
des modèles économétriques et qui, à l’aide des données historiques, estiment une relation
directe entre les fondamentaux et quelques indicateurs de risque. Ces modèles économétriques
se divisent à leur tour en deux grandes catégories :
- des modèles qui estiment une équation en forme réduite (reduced-form) en
utilisant des séries temporelles132 ou des données de panel133 ;

132
Les analyses des séries temporelles utilisent les créances douteuses, les pertes de provisions ou des indices
composites pour évaluer la dynamique de la stabilité du système dans le temps.
133
Les régressions sur des données de panel (modèles statiques ou dynamiques) considèrent comme variable
dépendante les créances douteuses, les pertes de provisions ou la diminution des profits, mais des indicateurs
spécifiques pour le secteur bancaire sont introduits au côté d’indicateurs macroéconomiques comme variables
explicatives.

330
- des modèles qui analysent la vulnérabilité du secteur bancaire face à des
variations de fondamentaux macroéconomiques, dans un contexte de changement structurel
sectoriel ou l’ensemble de l’économie.
Les modèles structuraux de ce type sont souvent utilisés par les banques centrales
pour leurs décisions de politique monétaire. Ces modèles macro économétriques analysent par
exemple l’impact de chocs sur la profitabilité bancaire. Pour cela, plusieurs scénarios sont
considérés. Par exemple, Evjen (2004) simule des chocs de demande et d’offre pour évaluer, à
l’aide du modèle norvégien RIMINI, leur impact sur la stabilité du secteur bancaire. La
Banque de France utilise le modèle MASCOTTE pour évaluer l’impact des chocs sur les
variables macroéconomiques134.
Ces modèles diffèrent du point de vue de leur complexité, des programmes
économétriques utilisés et de la façon dont ils traduisent à la réalité caractéristique de chaque
économie. Les missions FSAP du FMI encouragent les autorités à faire usage de ces pratiques
pour calibrer les chocs. Malheureusement, l’accès du secteur privé ou du milieu académique
aux modèles macro économétriques est réduit. Une alternative est représentée par l’utilisation
des modèles VAR (Vector Autoregressive Models).

b) L’approche « intégrée » associée à la méthode VaR (Value at Risk)


La méthode VaR (valeur à risque) est souvent utilisée au niveau des institutions
individuelles pour évaluer la sensibilité d’un portefeuille aux différentes sources de risque. En
passant de la dimension micro à la dimension macro, plusieurs études développent cette
méthode pour les macro stress-tests et incorporent les fondamentaux macroéconomiques dans
les VaR.
Lors de leur application au niveau des institutions individuelles, un des problèmes
des méthodes VaR a été l’impossibilité d’agréger les résultats. Aussi, bon nombre des études
de ce type sont alors réalisées sur le portefeuille agrégé du secteur bancaire. Ces modèles se
concentrent sur les éléments suivants :
- l’intégration du risque de crédit et du risque de marché dans l’analyse ;
- la modélisation de la probabilité de défaut comme une fonction non - linéaire des
fondamentaux macroéconomiques.
Les modèles VaR s’appuient soit sur la matrice variance–covariance, soit sur des
simulations historiques, soit sur des simulations Monte Carlo (Johston et al., 2000). Les

134
Pour une présentation exhaustive des modèles économétriques utilisés par les banques centrales de la zone
euro, voir les travaux de Fagan et Morgan (2005).

331
modèles VaR qui peuvent intégrer les risques de marché et de crédit, représentent des
instruments d’analyse très utiles. Dans ce cas, le choc initial se propage sur plusieurs variables
macroéconomiques. L’impact combiné du choc sur ces variables peut être utilisé pour évaluer
la capacité des banques à contrer les facteurs perturbateurs.
Les travaux de base dans le cadre de l’approche intégrée appartiennent à Merton
(1974) et Wilson (1998). Ces modèles présentent quatre étapes (Küçüközmen et Yüksel
(2006). Dans la première étape, le taux de défaut moyen est associé aux différentes variables
macroéconomiques. Dans la deuxième étape, l’évolution des variables macroéconomiques est
décrite à l’aide des modèles temporels (time-series models). La troisième étape suppose la
construction d’un modèle de corrélations. Dans l’étape finale, de nouvelles valeurs sont
simulées pour les variables macroéconomiques et pour le taux de défaut moyen, et ensuite la
distribution des pertes du portefeuille est générée.

B) En fonction de la typologie des chocs et de la méthodologie utilisée

En fonction de la typologie des chocs, les stress-tests peuvent être séparés en trois
grandes catégories (Čihák, 2004a).

a) Analyses de sensibilité135
Bon nombre d’analyses de sensibilité consistent à identifier des changements
survenus dans les derniers bilans et comptes de résultats des institutions financières
individuelles (Worrell, 2004).
Les tests à l’aide des facteurs de risque (risk factor test) – une autre appellation
pour les analyses de sensibilité – essaient d’identifier la réponse d’un portefeuille face aux
variations de variables économiques importantes. Les hypothèses supposent que certaines
variables souffrent d’une brutale modification de comportement (une dépréciation soudaine
du taux de change par exemple) mais que les autres variables restent inchangées. Dans ce cas,
les effets « en retour » ne sont pas pris en compte136.

b) Analyses qui reposent sur des scénarios


Les analyses qui prennent en considération des scénarios, essaient d’évaluer la
capacité du système à répondre aux chocs exceptionnels, mais plausibles. Les tests qui

135
D’après Bandt et Oung (2004).
136
Krenn (2006) fait une distinction entre les chocs directs, produits par les facteurs de risque, et les chocs
indirects (indirect stress ou statistical feedback), qui représentent les chocs ressentis par les variables
macroéconomiques et qui sont considérés comme une cause de l’apparition du choc initial.

332
reposent sur des scénarios macroéconomiques, supposent une modification de certaines
variables exogènes qui influencent dans une seconde période la valeur future d’autres
variables macroéconomiques (FMI, 2005). Ce mécanisme aura des effets sur les performances
du secteur financier. Par exemple, une modification du prix mondial du pétrole aura des
répercussions sur la consommation et sur les investissements d’un certain pays. La figure 56
présente la modélisation d’un scénario pour un stress-tests (méthodologie utilisée par la
Banque de France).

Figure 56 : La modélisation macroéconomique d’un scénario de stress

La Choc sur le
distribution niveau du
Scénarios marginale capital

Les variables
Le modèle économiques Choc sur l’indicateur de
macroéconomique qui font l’objet solvabilité
Mascotte du choc

Simulation
Choc sur le
La matrice
niveau des
de
actifs pondérés
transition en fonction du
risque

Source : Thoraval (2006)

c) Analyses de contagion
Ces types de modèles analysent la transmission des chocs relatifs aux expositions
individuelles vers l’ensemble du système financier. Plusieurs mécanismes de contagion
peuvent affecter les institutions individuelles du fait de leurs expositions. Quelques exemples
de tests : tests d’autocorrélation des faillites bancaires ; tests sur les effets des rumeurs sur les
participants au marché et tests qui analysent la diminution de la durée de vie d’un
établissement suite aux mouvements de panique.
En fonction de la nature des chocs, Blaschke et al. (2001) classent à leur tour les
stress-tests en : tests qui mesurent la sensibilité, tests fondés sur des scénarios
macroéconomiques et autre catégorie de tests – qui calculent la perte maximale ou la valeur
extrême par exemple. Cette classification ressemble à celle de Cihak (2004a).

333
C) Classification en fonction du mode dont les tests sont effectués

Même si cette classification paraît la plus simple à première vue (la méthode
« bottom-up » et « top-down »), il n’y a pas de consensus concernant la délimitation des deux
méthodes. Par exemple, les définitions données par Čihák (2007a) aux deux méthodes
diffèrent de celles de la BCE (2006) ou de Krenn (2006). Même si cette divergence
d’opinions n’est pas analysée, elle doit être clarifiée.
Il faut tout d’abord analyser la signification des termes « bottom-up » et « top-
down ». Ces notions font référence au lieu où les tests sont effectués (les sièges des autorités
de surveillance ou des banques), à la direction du flux d’informations (du niveau central vers
les institutions individuelles ou dans le sens inverse) ou aux données analysées (individuelles
ou agrégées).
Čihák distingue les deux catégories, en fonction des données analysées. Ainsi, la
méthode top-down (« de haut en bas ») est utilisée par les autorités centrales pour effectuer un
test sur le bilan agrégé du secteur bancaire. L’autre méthode, bottom-up (« de bas en haut »)
est associée à un test sur les bilans individuels et à l’agrégation des résultats. De cette façon,
si les tests de la dernière catégorie sont effectués par la banque centrale sans la contribution
du secteur privé, on parle d’une méthode bottom-up centralisée et si les tests sont effectués
par les banques selon un scénario fourni par l’autorité centrale, on parle d’une méthode
bottom-up décentralisée.
L’autre distinction possibilité à laquelle nous adhérons aussi, prend en compte le
flux d’informations et la place où les tests sont réalisés. Ainsi, si les tests sont effectués par
l’autorité centrale et les informations sont transmises vers les institutions individuelles, on
parle de l’approche top-down qui peut être à son tour une approche top-down sur des données
agrégées (si les tests sont effectués sur le bilan agrégé du secteur), ou une approche top-down
de type bank-by-bank (si les chocs sont appliqués aux bilans individuels). Dans le cadre de
cette méthode, les institutions individuelles ne participent pas à la mise en œuvre des stress-
tests. Les résultats sont utilisés par les autorités pour prendre des décisions concernant le
niveau d’adéquation du capital pour chaque banque. Le flux d’informations est orienté du
niveau central vers les bilans individuels.
Dans l’autre cas, celui de la méthode bottom-up, les résultats des tests effectués
par les banques sont agrégés par l’autorité centrale et le flux d’information est orienté du
niveau individuel vers le niveau central. Les scénarios de tests sont établis par l’autorité de

334
surveillance, mais les institutions individuelles ont la possibilité de choisir les modèles et les
indicateurs qui caractérisent leur activité.
La confusion peut survenir à cause de la méthode top-down qui utilise des données
individuelles. Cette méthode semble être une méthode hybride mais en même temps très
efficace. Dans ce cas, le flux d’informations est orienté du niveau central vers les bilans
individuels. Ensuite, les résultats des tests et l’impact des chocs sur chaque bilan sont agrégés
pour obtenir une situation financière d’ensemble.
Il ne faut pas associer la méthode bottom-up avec les stress-tests effectués au
niveau micro, par les institutions individuelles. Dans le premier cas, les scénarios sont établis
au niveau central pour arriver à une évaluation de la stabilité du système. Dans le deuxième
cas, le but des stress-tests est d’évaluer l’impact des chocs sur les portefeuilles des banques et
l’autorité centrale n’y joue aucun rôle.
Les approches top-down et bottom-up ont été utilisées dans les macro stress-tests,
mais les responsabilités de régulateurs différents au sein des deux méthodes137. Chaque
méthode présente des avantages et des inconvénients.
La première méthode semble plus adéquate à cause des difficultés concernant la
comparaison de différentes méthodologies utilisées par les institutions individuelles. Après
que les autorités aient obtenu des données sur les portefeuilles individuels des banques, les
stress-tests, selon la méthode top-down, peuvent être appliqués aux bilans des institutions
individuelles, ou à un portefeuille représentatif du système bancaire consolidé. Dans le
premier cas, il est possible de prendre en compte le risque de contagion entre les institutions
du système, mais des problèmes liés à l’interprétation des résultats apparaissent. Dans le
deuxième cas – les stress-tests sur le bilan consolidé du système bancaire – les problèmes
d’agrégation des résultats sont évités mais le risque endogène du système bancaire est négligé.
Le désavantage de cette méthode réside dans l’utilisation des données historiques pour mettre
en évidence la liaison entre les variables macroéconomiques et les provisions bancaires, ce
qui ne fournit pas d’informations sur les risques et la qualité du portefeuille actuel des
banques (Hoggarth et Whitley, 2003).
L’approche bottom-up est caractérisée par le fait que les banques individuelles
mènent les tests selon un scénario commun transmis par les autorités, les résultats étant
ensuite centralisés. Les exercices bottom-up, un élément clé des FSAP, peuvent s’avérer
coûteux pour les institutions participantes (Bunn, 2005). De plus, il est difficile d’évaluer les

137
Selon Cihak (2006), l’approche top-down a été utilisée par la Banque d’Angleterre et par la Banque de
Norvège par exemple, et l’approche bottom-up par les Banques d’Autriche et d’Allemagne.

335
résultats individuels pour obtenir une image d’ensemble. Ensuite, un élément très important,
l’approche bottom-up n’est pas suffisamment flexible pour tester les implications de
différentes considérations basées sur l’expérience des experts (judgements), sur les modalités
de réponse aux chocs dans le cas des ménages, entreprises ou banques. Cette remarque est
faite aussi par la BCE qui affirme que les banques centrales se sont limitées à l’approche top-
down.
Compte tenu du fait que les deux méthodes utilisées présentent des avantages et
des inconvénients, un exercice optimal consiste à comparer leurs résultats obtenus pour le
même système financier. Le choix de la méthode dépend largement de données disponibles.

D) Classification selon la zone couverte par les stress-tests

La grande majorité des études se penchent sur le secteur bancaire, du fait de son
importance dans le système financier. Le stress-test effectué en France a pris aussi en
considération les compagnies d’assurances. L’impact des chocs diffère dans ce cas et il peut
avoir deux effets distincts sur la solvabilité des assureurs : une variation instantanée de la
valeur des actifs et une variation progressive du rendement des actifs.

5.1.3.3. Les étapes d’un macro stress-test

Un test de résistance comporte en général plusieurs étapes : (a) l’évaluation de la


situation actuelle du système financier et l’identification des menaces éventuelles ; (b) le
choix concernant la couverture du stress-test ; (c) le choix des variables et de l’horizon
temporel ; (d) l’identification des chocs possibles ; (e) la formulation des équations des
modèles macroéconomiques ; (f) le calibrage des chocs ; (g) l’identification des programmes
économétriques appropriés ; (h) la conception des scénarios et (i) l’interprétation et la
publications des résultats.

a) Pour effectuer un stress-tests, il faut tout d’abord évaluer la situation présente


du système financier et identifier les éventuelles menaces (risques) qui peuvent arriver138. En
outre, il est nécessaire d’identifier dans cette étape les canaux de transmission des chocs sur
l’économie réelle et la relation entre les variables (BCE, 2006).

138
La section suivante traite en exclusivité des risques analysés à l’aide d’un stress-test.

336
b) Une deuxième étape porte sur la couverture des stress-tests. Les problèmes
pratiques sont liés au type d’institutions qu’il faut analyser (banques, banques et compagnies
d’assurances, autres institutions) et à la manière dont les établissements à actionnariat
étranger sont pris en compte (une solution typique est d’inclure seulement les filiales des
établissements étrangers, et pas les succursales).
On peut prendre en considération toutes les institutions du système ou seulement
une partie – les institutions à importance systémique. Beaucoup d’études analysent toutes les
banques du système, mais la disponibilité des données est décisive. Les stress-tests effectués
par la mission du FMI en collaboration avec la Banque de France couvrent le secteur
bancaire ainsi que le secteur des assurances du fait des interdépendances importantes entre ces
activités en France. Ces tests prennent en considération les seules institutions systémiques :
sept groupes bancaires (qui représentaient 80% du total des actifs en 2003) et 26 compagnies
d’assurance vie de type holding (79% du passif global du secteur des assurances)139.

c) Le choix des variables constitue l’étape suivante. Les variables utilisées pour
mesurer l’impact des chocs sont généralement : le taux de capitalisation, la profitabilité, le
revenu net afférent aux intérêts, les pertes relatives aux crédits, les indicateurs de liquidité, la
probabilité de défaut et les créances douteuses (Čihák, 2007a). Au-delà des variables qui
permettent d’évaluer l’impact du choc, il faut introduire dans le test des variables
macroéconomiques et des indicateurs de solidité qui transmettent l’impact du choc. Les
données bilancielles des institutions doivent être prises en considération pour mettre en
évidence l’impact du choc. Ces données sont individuelles ou agrégées.
Le choix de l’horizon temporel est tout aussi important. L’impact des scénarios de
choc est estimé pour une période d’un an mais en pratique un intervalle plus long est
nécessaire. Une période plus étendue permettrait aux banques de réaliser les ajustements
nécessaires pour limiter les pertes.

d) L’étape suivante est l’identification des facteurs de stress qui peuvent être des
chocs simples ou multiples. Evjen et al. (2004) analysent les chocs sur la demande et sur
l’augmentation des salaires, ainsi que leur impact sur les pertes de crédit sous différentes
réponses de la part de la politique monétaire. Dans cette étude, la réponse de la politique
monétaire suit la règle de Taylor. Selon eux, un régime de ciblage souple de l’inflation où la

139
Les secteurs bancaires et des assurances sont généralement exposés à des risques différents. Toutefois, les
assurances vie font l’objet de risques qui caractérisent aussi les banques.

337
banque centrale prend aussi en compte la croissance, réduit les conflits entre l’objectif de
politique monétaire et celui de stabilité financière.

e) La formulation des équations des modèles macroéconomiques commence avec


l’analyse du comportement des agences économiques et l’identification des relations
macroéconomiques synthétiques.
Les principales caractéristiques d’un modèle construit pour analyser la stabilité
financière sont (Bårdsen et al., 2006) : le phénomène de contagion, l’existence des
imperfections des marchés, la mise en évidence du rôle des banques et de la liquidité,
l’hétérogénéité des agents, la description des conditions macroéconomiques et des aspects
microéconomiques, la possibilité d’utiliser des données réelles et d’appliquer le modèle en
pratique. Les auteurs procèdent à une classification des modèles macroéconomiques utilisés
pour l’analyse de la stabilité financière, en reprenant le diagramme « Pagan ».

Figure 57 : Le diagramme Pagan pour la classification des modèles macroéconomiques


Aspects théoriques

RBC
GE
DSGE
FHGE

DAE

SVAR

VAR

Disponibilité des données

Source : Bårdsen et al. (2006)

Partant des exigences nécessaires pour ces modèles, on constate que les catégories
les plus utilisées sont :
- les Modèles du cycle économique réel (Real Business Cycle –RBC) qui se
caractérisent par un horizon infini et par des fondamentaux microéconomiques très solides ;
ces modèles prennent en considération les prévisions des agents économiques.
- les Modèles d’équilibre général (General Equilibrum –GE) qui sont des modèles
théoriques, pouvant répliquer les fluctuations des cycles économiques. Ces modèles ont une

338
longue tradition dans la science économique, surtout dans la théorie du commerce
international et sont considérés comme des modèles d’équilibre général calculable
« computable general equilibrum models ».
- les Modèles stochastiques d’équilibre général dynamique (Dynamic Stochastic
General Equilibrum –DSGE) qui sont principalement utilisés par les banques centrales pour
prévoir l’inflation et pour l’arrière-plan de la politique monétaire.
Les caractéristiques essentielles et l’avantage majeur des modèles de ce type
résident dans le fait que leurs paramètres reposent sur des fondamentaux microéconomiques
solides. Plus précisément, ces paramètres expriment des relations déduites après l’analyse des
motivations des agents et des contraintes technologiques, éléments relativement stables par
rapport aux relations globales établies entre les variables macroéconomiques. Ces modèles
offrent la possibilité de mettre en évidence une relation entre les variables macroéconomiques
et le choc sur ces variables.
Néanmoins, parce que les modèles macroéconomiques utilisés par les banques
centrales n’intègrent pas de variables caractéristiques du secteur financier, il est nécessaire de
recourir à des modèles satellite, pour mettre en évidence le processus de transmission des
effets de la modification des variables macroéconomiques sur les variables financières (en
particulier sur les variables qui reflètent la qualité des actifs).
- les Modèles d’équilibre général à horizon fini (Finite Horizon General
Equilibrum –FHGE) qui considèrent l’émergence de la fragilité financière comme un
phénomène d’équilibre140.
- les Modèles dynamiques d’agrégation (Dynamic Aggregative Estimated –
DAE) qui ont été les modèles prédominants de la macroéconomie avant la révolution des
anticipations rationnelles. L’actualisation de ces techniques permet de prendre en compte les
anticipations. Ces modèles sont encore utilisés par les banques centrales pour formuler les
décisions de politique monétaire.

140
Le développement de ces modèles a commencé avec les travaux de Tsomocos en 2003. Goodhart et al.
(2004a) présentent la première version améliorée du modèle qui prend en compte quatre marchés (le marché des
biens, du crédit, interbancaire et des capitaux) et un mécanisme de propagation des déséquilibres. La banque
centrale qui fournit de la liquidité aux seules banques qui respectent les normes de capital réglementaire, se
trouve au centre du modèle. Le modèle présente de nombreuses restrictions dont la plus importante est liée à
l’horizon temporel considéré, deux périodes. Ces limites sont partiellement éliminées dans une étude ultérieure
(Goodhart et al., 2004b). En conservant presque les mêmes hypothèses, ils raisonnent sur un horizon infini. Pour
cela, ils font un compromis. La transformation du modèle en un modèle dynamique est réalisée en démontrant
que normalement l’horizon infini se résume à une seule période. 80 variables sont retenues pour le calibrage du
modèle.

339
- les Vecteurs autorégressifs (Vecteur Autoregressions –VAR) et vecteurs
structurels autorégressifs (Structural VAR –SVAR) qui sont apparus dans les années 80 pour
traiter le problème de nombreuses restrictions qui caractérisent d’autres catégories de modèles
et sont devenus très communs à présent. Dans la version restreinte qui est la plus récente
(SVAR), des restrictions sont formulées sur la distribution des résidus afin d’identifier les
chocs et leurs mécanismes de transmission.

f) Le calibrage des chocs est très important pour la mise en scène des scénarios de
stress dans les stress-tests. Il y a plusieurs modalités pour calibrer les chocs et les scénarios
(Čihák, 2004b) :
- l’approche du « scénario pessimiste » (worst case approach) : les facteurs de
risque plausibles qui minimisent la valeur du portefeuille sont identifiés (la méthode
maximum loss) ;
- l’approche « seuil » (threshold approach) : concerne l’identification de la
croissance des créances douteuses qui rendent une banque du système insolvable ;
- l’approche « pratique » (practical approach) : prend en considération les
scénarios historiques extrêmes.

g) Le choix et la vérification des logiciels, dépendent de l’objectif du test, des


propriétés du modèle, des bases de données disponibles, etc. Dans la littérature, la plupart des
stress-tests sont effectués en utilisant le programme Excel ou E-Views (Lei, 2005). En
fonction du logiciel et du type de stress-test, les scénarios – l’étape suivante – sont établis.

h) Le développement des scénarios est alors réalisé en fonction du but et du type


de tests, des bases de données disponibles et du logiciel choisi. L’analyse des facteurs de
risque peut inclure un seul facteur (analyse de sensibilité) ou une combinaison des chocs au
sein des scénarios « multivariés » (Van den End et al., 2006). L’analyse d’un large échantillon
de facteurs de stress accroît la capacité prédictive du stress-test, mais elle augmente en même
temps la complexité des calculs (Sorge, 2004). Par rapport aux analyses de sensibilité, les
résultats des tests à base de scénarios multiples sont plus précis.
Il y a quatre types de scénarios (BCE, 2006) : i) historiques qui reprennent les
épisodes historiques des chocs (la crise asiatique par exemple) ; ii) hypothétiques141 qui ne

141
Chivakul (2006) donne deux exemples de scénarios hypothétiques : a) l’économie se caractérise à présent par
une croissance soutenue et par un taux d’intérêt bas, ce qui engendre une explosion du crédit et une
augmentation du prix des actifs ; b) une récession déterminée par une baisse de la croissance mondiale,

340
prennent pas en compte les événements historiques et ne sont pas déterminés à l’aide des deux
méthodes suivantes ; iii) probabilistiques qui sont construits à l’aide de la distribution
empirique du facteur de risque important ; iv) qui sont construits avec la méthode de la
« marche-arrière » (reverse-engineered) – de sorte qu’ils identifient le montant des pertes que
le système financier est capable d’absorber. Les deux premiers types de scénarios peuvent être
construits à l’aide des modèles macroéconomiques de prévision (l’estimation des variables
macroéconomiques). Les scénarios « probabilistiques » font appel aux simulations
stochastiques142.
Dans le cas des scénarios hypothétiques, macroéconomiques, le point de départ est
représenté par les prévisions des autorités sur les variables macroéconomiques. Ces prévisions
sont ensuite fournies aux banques commerciales pour être utilisées dans leurs tests individuels
(la méthode bottom-up)143 ou sont utilisées par les autorités dans la méthode top-down décrite
précédemment.
Dans les stress-tests présentés par le FMI, les scénarios intègrent même une
modification des variables au niveau international. Par exemple, dans un stress-test mené sur
le système financier français, les scénarios choisis sont les suivants : une baisse de 20% des
exportations françaises et une récession globale ; une augmentation de 50% du prix du pétrole
qui entraîne une baisse du PIB réel de 0,2% et une augmentation de l’inflation ; une
augmentation de 50% du prix du pétrole accompagnée d’une réponse anti-inflationniste de la
politique monétaire ; une dépréciation soutenue du dollar contre l’euro de 32%.
Hoggarth et Whitley (2003) effectuent un stress-test sur le secteur bancaire en
Angleterre et construisent les scénarios suivants : une baisse de 35% du prix des actions au
Royaume-Uni et au niveau international ; une réduction de 12% des prix de l’immobilier et
des propriétés commerciales au Royaume-Uni ; une augmentation non anticipée de 1,5 point
du revenu moyen au Royaume-Uni et enfin, une dépréciation de 15% de la livre sterling.
La prise en compte des effets de second ordre (second round effects) que les chocs
exercent sur d’autres variables économiques est très importante dans la méthode des
scénarios. Les principaux éléments utilisés sont les diverses catégories de modèles
économétriques, mais il faut dire que peu d’études procèdent de la sorte.

accompagnée d’une augmentation du taux d’intérêt, affecteront le niveau du revenu disponible et le service de la
dette des ménages.
142
Une autre méthode de construction des scénarios repose sur la matrice de transition des ratings des crédits.
143
Pour la méthode bottom-up, il est possible que les scénarios soient adéquats pour un portefeuille bancaire,
tandis que pour un autre ils soient seulement des « essais qui ont eu de la chance » (Krenn, 2006).

341
i) L’étape suivante des stress-tests réside dans l’analyse, l’interprétation et la
publication des résultats. Les résultats des stress-tests sont parfois publiés dans les rapports de
stabilité financière des banques centrales. Le nombre des banques centrales qui publient ce
type de rapport a considérablement augmenté dans le dernier temps. Il faut savoir aussi qu’il y
a des banques centrales qui font des analyses du type stress-test, mais elles n’en publient pas
les résultats.
A priori, il est difficile de dire si les banques centrales vont favoriser la stabilité
par la publication des résultats. Par exemple, le fait que certains risques ne sont pas pris en
compte peut biaiser l’image d’ensemble sur la stabilité. Parfois, si les résultats indiquent un
niveau élevé de risque, la publication des données peut être préjudiciable.
Dans ces conditions, les résultats des stress-tests publiés dans des rapports sur la
stabilité financière présentent quelques caractéristiques communes (Čihák et Heřmánek,
2005) :
- dans la plupart des cas, l’intérêt pour le développement d’un stress-test a été
suscité par les missions FSAP ;
- les tests couvrent la majorité des institutions du système bancaire ;
- les tests utilisent généralement des données bilancielles relatives aux banques
individuelles ;
- le risque de crédit est analysé dans la plupart des tests de ce type;
- la majorité des stress-tests sont de simples analyses de sensibilité ;
- la grande majorité des stress-tests présentent des résultats et des estimations
positifs. Ce constat peut être expliqué par le fait qu’au début du siècle, on a traversé une
période de relative tranquillité au niveau global. Une autre explication consiste dans le fait
que les pays avec des difficultés sont les pays qui généralement ne publient pas de tels
rapports et, en principe, les autorités essaient de ne pas publier les mauvais résultats.
La Figure 58 synthétise les principales étapes d’un stress-test.
Le modèle macroéconomique donne la possibilité de mettre en évidence les
relations entre les variables macroéconomiques et l’impact du choc sur ces variables. Parce
que la majorité des modèles macroéconomiques utilisés par les banques centrales n’intègrent
pas de variables financières et ne présentent pas de relations entre ce type de variables, il est
nécessaire d’utiliser un modèle satellite pour présenter les effets de la modification des
variables macroéconomiques sur les variables du secteur financier (en principal sur la qualité
des actifs). Il est possible de construire le modèle satellite à l’aide d’une régression sur des
données de panel qui met en évidence la qualité des actifs des banques individuelles.

342
Figure 58 : Le schéma d’un stress-test

Chocs externes

Modèle macroéconomique Modèle satellite


établit la relation entre les chocs externes et établit la relation entre les variables
les variables macroéconomiques (PIB, taux macroéconomiques et la qualité des
d’intérêt, taux de change, etc.). actifs bancaires (idéal, bank-by-bank)

L’implémentation dans les données


individuelles des banques
transfère les chocs sur les données
financières, bank-by-bank.
Feedback

L’impact
(par exemple, le besoin d’injection de capital)

Source : Čihák (2007a)

Les résultats du modèle macroéconomique et du modèle satellite sont utilisés pour


calibrer les chocs. Les hypothèses formulées de cette façon sont introduites dans un modèle
qui présente l’impact des chocs sur la situation financière des banques. Ce dernier modèle
permet la construction des scénarios et l’évaluation de l’impact des chocs en termes de capital
réglementaire, liquidité nécessaire, etc. L’impact des chocs diffère selon le scénario. La
projection automatique des résultats donne la possibilité d’obtenir une réponse (feedback). De
cette manière, les chocs et les scénarios sont calibrés en fonction des risques analysés.

5.1.3.4. Les risques évalués à l’aide des stress-tests

L’analyse des risques peut être effectuée dans le cadre d’un stress-test ou en
dehors d’un stress-test. Les principaux risques qui menacent le système financier en général et
le secteur bancaire en particulier sont : le risque de crédit, le risque de marché, le risque de
liquidité, le risque de contagion, etc.

A) Le risque de crédit

Le risque de crédit est le risque qu’un débiteur se trouve dans l’incapacité de


rembourser sa dette à l’échéance.

343
Les macro tests de résistance qui analysent le risque de crédit représentent un
élément central de la politique macro-prudentielle (Thoraval, 2006).
Van den End et al., (2006) utilisent deux équations pour modéliser le risque de
crédit dans un stress-test sur le système bancaire des Pays Bas. Une première équation
représente la relation entre le taux de défaut des débiteurs et quelques variables
macroéconomiques clé. La deuxième équation montre que le taux de défaut et les variables
macroéconomiques sont utilisés ensemble pour expliquer le volume des provisions pour
pertes (Loan Loss Provision – LLP) et pour mettre en évidence le mécanisme de
transformation du taux de défaut en pertes.

λ ( Default rate) t = α + β1GDPt + β 2 ( RLt − RS t ) + ν t (1)

 LLP 
λ i, t = fixed effectsi + β1GDPt + β 2 RLt + β 3 λ ( Default rate) t + η t (2)
 CRED 

où : Default ratet représente le nombre d’événements de défaut par rapport au nombre total
d’entreprises ; GDPt est le taux de croissance du PIB réel ; RLt est le taux d’intérêt à long
terme ; RSt est le taux d’intérêt à court terme ; (LLP/CRED)i,t représente le rapport entre les
provisions des pertes et le crédits, pour la banque i.
Les variables explicatives sont choisies à partir d’une gamme étendue de variables
macroéconomiques. En utilisant les effets fixes (fixed effectsi), les auteurs prennent en compte
les différences structurelles concernant le niveau des provisions de chaque banque.
Küçüközmen et Yüksel (2006) développent un modèle macroéconomique pour le
risque de crédit, modèle qu’ils utilisent dans un stress-test mené sur le système financier
turque. Ils intègrent dans le modèle tous les portefeuilles corporate du système bancaire.
L’évolution des variables macroéconomiques est estimée à l’aide d’un modèle ARIMA
(Autoregressive Integrated Moving Average), après le calcul du montant des créances
douteuses à l’aide d’un modèle logit, en fonction de 11 variables macroéconomiques. Les
résidus obtenus dans les premières étapes sont utilisés pour construire la matrice de
covariance pour le système d’équations. Ensuite, une simulation de Monte-Carlo est
entreprise pour le système d’équation et pour la matrice. Leur intention est d’obtenir, à
l’instant t, des informations sur les pertes non conditionnelles du portefeuille à l’instant t+1
(one-step-ahead). Ils utilisent dans le stress-test des chocs historiques pour les variables
macroéconomiques et calculent les pertes conditionnelles du portefeuille agrégé. Le test ne
prend pas en considération les effets de second ordre, mais teste la capacité du système à

344
répondre aux chocs, mesurée en termes de modification des indicateurs des créances
douteuses (Non Performing Loans –NPL) et d’adéquation du capital réglementaire (Capital
Adequacy Ratio –CAR).
Pour évaluer les vulnérabilités du système financier aux chocs inhabituels et aux
conditions de marché, la Banque Centrale d’Autriche a délimité les différentes catégories de
risque dans les stress-tests effectués144. Pour le risque de crédit et le risque de marché, le
capital réglementaire est choisi pour présenter l’impact des chocs. Les chocs sur le capital
réglementaire sont exprimés par la relation :

CARb – CARbSt = OFb/RWAb – (OFb + IbSt)/ RWAb = - IbSt/RWAb,

où : - CARb est l’indicateur de capital réglementaire d’une banque individuelle ou d’un


secteur b,
- CARbSt est le niveau du capital réglementaire après le test et l’application du choc St,
- OFb est la position en capital de la banque (les fonds propres par exemple),
- RWAb représente les actifs de la banque ou du secteur b, pondérés en fonction de
risque (Risk Weighted Assets), et
- IbSt est l’impact du choc St sur la banque b.
Dans le cas du système financier autrichien, le risque de crédit est analysé sur trois
segments différents : le risque de crédit domestique, le risque relatifs aux expositions du
secteur bancaire vis-à-vis des PECO et le risque de crédit sur les prêts en devises. Une
fonction logit est utilisée pour calculer les probabilités de défaut.
Virolainen (2004) effectue quant à lui un stress-tests sur le système financier
finlandais pour évaluer le risque de crédit. Il utilise un modèle macroéconomique pour
modéliser la liaison entre les taux de défaut et les facteurs macroéconomiques. L’étape
suivante présente les simulations sur l’évolution du taux de défaut dans les conditions des
chocs macroéconomiques, exercice qui ressemble aux exercices présentés précédemment.

B) Le risque de marché

Le risque de marché est souvent associé au risque du taux d’intérêt et au risque de


change. Le niveau du taux d’intérêt est très important pour les banques parce qu’il affecte le
niveau du profit bancaire, le montant des positions nettes ouvertes et la valeur de marché des

144
Boss et al. (2004) présentent les hypothèses du test.

345
investissements obligataires. Pour le taux d’intérêt, la majorité des approches estiment
l’exposition au risque en comparant les maturités des actifs et des passifs. La méthode
suppose une séparation des actifs et des passifs en fonction de leur sensibilité. Dans ce cas,
deux modèles dominent :
- le modèle qui mesure l’écart des maturités (repricing ou maturity gap model),
et qui considère les écarts entre le flux d’intérêts à recevoir financière et ceux à payer par une
institution. Pour toute variation du taux d’intérêt ∆Ri, le modèle repricing gap peut être utilisé
pour calculer les variations nettes des revenus relatifs aux intérêts, pour chaque classe d’actifs
i (bucket), et pour tout le portefeuille :

∆ Revenu net d’intérêtsi = GAPi x ∆Ri

- le modèle qui repose sur le concept de duration (duration model). La duration


est définie comme une mesure de la sensibilité du prix d’un actif à tout taux d’intérêt, en
fonction de la maturité de l’actif et de la distribution des cash-flows (timing).
La duration des actifs DA ou des passifs (DL) estime l’élasticité de la valeur de
marché des actifs et des passifs en fonction du rendement (Čihák , 2007a) :

∆A(rA ) − D A ∆rA ∆L(rL ) − D L ∆rL


≅ , ≅ (1)
A(rA ) (1 + rA ) L(rL ) (1 + rL )

où : A(rA) et L(rL) représentent respectivement la valeur de marché des actifs et des passifs, et
rA et rL sont les taux d’intérêt annuels des actifs et des passifs. En dérivant de l’indicateur
d’adéquation du capital par rapport au taux d’intérêt des actifs et en substituant dans
l’équation (1), nous obtenons :
∆ARW C
1−
∆[C (rA , rL ) / ARW (rA )] ( L / ARW )  1 + rA ∆rL  ARW ∆C
≅−  D A − DL  (2)
∆rA 1 + rA  1 + rL ∆rA  ∆A C
1−
A ∆C

Si on suppose que les actifs pondérés en fonction du risque connaissent la même


évolution que celle des actifs totaux, (∆ARW/ARW = ∆A/A), l’équation (2) peut alors être
simplifiée :

∆[C (rA , rL ) / ARW (rA )] ( L / ARW )


≅− GAPD (3)
∆rA 1 + rA

346
où : GAPD est le duration gap, défini comme :

1 + rA ∆rL
GAPD = D A − DL (4)
1 + rL ∆rA

Si l’activité des banques consiste à transformer des passifs de court terme en actifs
de long terme mais avec un taux d’intérêt plus élevé, alors DA > DL, rA > rL et donc GAPD > 0.
L’activité traditionnelle des banques les exposerait alors aux hausses des taux d’intérêt.
Nous avons présenté jusqu’ici le risque direct de taux d’intérêt. Le risque indirect
réside dans ce que les débiteurs rencontrent des difficultés à rembourser leur dette ou à
contracter de nouveaux crédits, lorsque par exemple une augmentation du taux d’intérêt
nominal engendre une croissance du taux réel.
Le risque de change (l’autre composante importante du risque de marché) est le
risque de variation de la valeur d’un actif ou d’un passif du bilan ou hors bilan, entraînée par
une modification du taux de change. Pour le risque de change, une approche commune est de
calculer de l’exposition nette par devise d’une institution (le risque direct). L’exposition doit
être calculée conformément à une méthodologie internationale, recommandée par le Comité
de Bâle par exemple. La position ouverte nette (net open position) par devise peut faire l’objet
d’un choc sous la forme de la variation du taux de change d’une monnaie quelconque (analyse
de sensibilité).
Pour illustrer ce phénomène, notons F –la position ouverte nette, C –le capital,
RWA –les actifs pondérés en fonction du risque (exprimés en monnaie nationale) et e –le taux
de change, exprimé par le nombre d’unités de devise étrangère pour une unité de monnaie
domestique, (Čihák, 2007a). Une baisse du taux de change (dépréciation de la monnaie
domestique) entraîne une baisse de la position ouverte nette exprimée en monnaie
domestique : ∆e/e = ∆F/F (pour F ≠ 0). Supposant que cela aura un effet direct sur la
réduction du capital, nous obtiendrons : ∆C/∆F = 1. L’impact du choc de taux de change sur
le rapport entre le capital et les actifs pondérés en fonction de risque est alors, en supposant
que ∆C/∆e = ∆F/∆e = F/e :
F ∆RWA F
RWA − C
∆[C (e) / RWA(e)] e ∆C e ≅ 1 F C (1 − ∆RWA C
≅ 2
(5)
∆e RWA e C RWA ∆C RWA

L’équation (5) peut être réécrite sous la forme:

347
∆e F C  ∆RWA C 
∆[C (e) / RWA(e)] ≅ 1 −  (6)
e C RWA  ∆C RWA 

Le terme ∆RWA/∆C prend des valeurs comprises entre 0 et 1 et reflète l’évolution


commune du capital et des actifs pondérés en fonction du risque.
Au niveau macro, il faut savoir si une position longue dans une certaine devise
représente une caractéristique d’ensemble des banques du système. Dans ce cas, les scénarios
choisis doivent intégrer une variation du taux de change vis-à-vis de la devise concernée.
Comme pour le risque de taux, le risque de change indirect peut être calculé car il apparaît
lorsqu’une banque détient un portefeuille significatif de crédits domestiques en devises
étrangères.
Il existe par conséquent deux modalités principales pour intégrer le risque de
change dans un stress-test. Dans le premier cas, les effets bilanciels sont testés. Ainsi,
l’impact du taux de change est mesuré en comparant la valeur des actifs et des passifs
exprimés en devises sur les deux périodes, par rapport à la monnaie domestique. Une
deuxième possibilité est d’évaluer les effets de la variation du taux de change sur la qualité
des actifs bancaires. Cette méthode est semblable à la méthode utilisée pour le risque de crédit
et suppose une augmentation des créances douteuses.

C) Le risque de liquidité

Le risque de liquidité réside dans l’indisponibilité des actifs liquides pour satisfaire
une demande de numéraire. L’indicateur de liquidité est calculé comme un rapport entre les
actifs liquides détenus par les banques et le total des dépôts à court terme.
L’évaluation du risque de liquidité à l’aide des stress-tests comporte quelques
limites. Un problème caractéristique est l’ambiguïté de la liaison entre le risque de liquidité et
l’adéquation du capital (Jurča et Rychtárik, 2006). Même si une banque subit des pertes suite
à des difficultés de trésorerie, il n’est pas facile de simuler une telle situation. Le risque de
liquidité est associé au risque de contagion.

D) Le risque de contagion

Le rôle des relations interbancaires dans les stress-tests est de permettre une
évaluation de l’importance systémique des chocs individuels et de leur impact sur les
institutions individuelles via l’effet de domino. L’effet de contagion diffère d’un pays à un

348
autre, en fonction de la concentration bancaire et des expositions des banques. En réalité,
après un choc, les banques essaient de ré-optimiser leurs expositions, mais cet effet n’est pas
incorporé dans les stress-tests.
Les tests empiriques réalisés pour évaluer une contagion interbancaire peuvent être
regroupés en deux grandes catégories (Sorge, 2004). Une première met l’accent sur la
corrélation des probabilités de défaut à long terme. Une seconde estime la matrice des
expositions interbancaires. Les résultats des tests reposant sur la matrice de contagion
montrent comment l’effet de domino se propage, comme résultat de l’impact du risque de
faillite d’une institution, sur l’activité des autres institutions du système.
Degryse et Nguyen (2004) se penchent sur la deuxième approche. La contagion a
lieu dans ce cas lorsque la liquidité totale est insuffisante ou lorsque les anticipations des
marchés créent des effets de propagation des chocs (spillover) ou lorsque la faillite d’une
banque importante induit l’effet de domino. La matrice proposée pour évaluer le risque de
contagion est présentée par la Figure 59 :

Figure 59 : La matrice de contagion


 x11 L x1 j L x1N w11 L w1M 
 
 M O M N M M M 
X =  xi1 L xij L xiN M M 
 
 M O M N M M M 
x w N 1 L w NM 
 N 1 L x Nj L x NN

Source : Degryse et Nguyen (2004)

où : xij est l’exposition de la banque i vis-à-vis de la banque j.

E) Le risque associé à l’évolution des prix des actifs

Le risque associé à l’évolution des prix des actifs peut être défini comme le risque
qui affecte la valeur des actifs, des passifs et des éléments hors bilan d’une institution, du fait
de variations du prix des actions. Le point de départ dans le calcul des expositions au risque
de prix des actions est la position ouverte nette.
Une méthode simple pour insérer le risque de prix des actifs dans un stress-test est
de réévaluer le portefeuille d’actions détenu par chaque institution, suite aux fluctuations de
prix des actions.

349
En conclusion, l’analyse de la stabilité financière est rendue complexe du fait des
non-linéarités et de la nécessité de se concentrer sur des événements exceptionnels mais
plausibles. Une telle analyse doit prendre souvent en considération la distribution des
variables et la manifestation simultanée des risques. Dans ce contexte, les tests de résistance
aux chocs représentent des instruments pour évaluer l’élasticité d’une partie de l’économie
dans des conditions extrêmes. Toutefois, même si les stress-tests sont utilisés pour toutes les
institutions individuelles ou même pour tout le système bancaire, leur utilisation au niveau de
l’ensemble du système financier est limitée.
Le FMI a réalisé de nombreux exercices de ce type, conçus d’abord pour les pays
émergents. Des stress-tests ont été effectués aussi au Japon – 2001, au Royaume-Uni – 2002,
en Allemagne – 2003 et en France – 2004. Cette catégorie de tests représente des éléments
importants pour l’approche macro-prudentielle (Oung et De Bandt, 2004). Néanmoins, ces
techniques ignorent les changements du comportement des acteurs du système et des variables
(FMI, 2005).
Ainsi, en conformité avec les méthodologies concernées, les pertes sont calculées
à partir de l’idée qu’elles se manifestent immédiatement après l’application du scénario mais,
en réalité, les éléments du patrimoine ne sont pas tous évalués à leur valeur de marché. C’est
pourquoi les résultats des stress-tests ne constituent pas une mesure précise des pertes et il est
nécessaire de comparer leurs résultats à ceux obtenus à l’aide d’autres méthodes permettant
aussi d’apprécier les vulnérabilités (Jones et al., 2004).

5.1.4. D’autres méthodes quantitatives d’analyse de la stabilité


financière

Les techniques d’analyse de la stabilité présentées dans cette section sont plutôt
destinées au secteur bancaire et donnent la possibilité d’évaluer la solidité des institutions
individuelles et de classer les banques en fonction d’indicateurs de solidité bancaire. Les
techniques d’analyse de la stabilité du secteur bancaire les plus connues sont les analyses
discriminantes et les Z-scores.

5.1.4.1. Les analyses discriminantes

Les analyses discriminantes (Discriminant Analysis –DA) ou les analyses


discriminantes multiples (Multiple Discriminant Analysis –MDA) sont utilisées pour :

350
- déterminer la part de la variance d’une variable dépendante expliquée par une
variable indépendante ;
- classer les éléments d’une population en groupes à l’aide d’une équation
discriminante (comme les analyses fondées sur des composantes principales) ;
- définir les différences entre les groupes ;
- évaluer l’importance relative d’une variable indépendante dans la classification
d’une variable dépendante ;
- éliminer les variables non importantes pour caractériser les groupes.
L’analyse discriminante représente une technique statistique utilisée pour identifier
les variables discriminantes qui caractérisent deux ou plusieurs groupes (classes ou
populations). La question classique est de savoir si deux ou plusieurs groupes diffèrent
significativement en fonction de la moyenne ou de la dispersion d’une variable. Si la
moyenne et la dispersion de cette variable sont significativement différentes pour divers
groupes, alors cette variable discrimine entre les groupes (ceux-ci ne sont pas homogènes).
L’analyse discriminante (canonical root) est une méthode statistique à variables
multiples utilisée pour estimer la relation linéaire entre une variable non-métrique dépendante
qui caractérise deux ou plusieurs groupes et les combinaisons linéaires de plusieurs variables
métriques indépendantes (Jaba et al., 2006) :

D = b1 X 1 + b2 X 2 + ... + bn X n + c

où : - D est la fonction discriminante ;


- Xi sont les variables indépendantes (les fonctions discriminatoires) ;
- bi sont les coefficients ;
- c est la constante.
En général, l’analyse discriminante est menée en deux étapes :
- l’application d’un test d’homogénéité générale (Wilks' Lambda) pour tester la
significativité du modèle comme partie d’un tout ;
- l’évaluation des variables individuelles indépendantes (si le test montre que le
modèle est significatif) pour voir si leur moyenne et leur dispersion, respectivement diffère
considérablement par rapport aux variables du groupe, pour être ensuite utilisées pour classer
les variables dépendantes.
Altman (2002) décrit lui aussi les étapes d’une DA. On constitue tout d’abord des
groupes (deux ou plusieurs groupes) puis on procède à la collecte des données qui

351
caractérisent ces groupes. Dans une forme simple, l’analyse discriminante cherche une
combinaison linéaire de ces caractéristiques qui « discriminent » très bien les groupes. La
fonction discriminante transforme la valeur des variables individuelles en un score
discriminant (Z-value) qui est ensuite utilisé dans la classification des variables et qui a la
forme suivante :

Z = V1X1 + V2X2 + VnXn

où : - V1, V2, . . . . Vn sont les coefficients de la fonction discriminante ;


- X1, X2, . . . . Xn sont les variables indépendantes.
Dans ce cas, l’analyse discriminante est associée à une analyse de type Z-scores
qui est présentée dans la section suivante.
Pour l’analyse de la stabilité financière, la DA s’applique aux indicateurs
financiers (variables macroéconomiques et prudentielles) pour définir un modèle de prévision
de futures crises de solvabilité pour les entreprises de différents domaines. La méthode permet
aussi d’identifier avec précision les FSI qui signalent la présence d’un déséquilibre financier
(Worrell, 2004).
Par exemple, Worrell et al. (2001) utilisent l’analyse discriminante pour étudier la
solidité du système bancaire des Caraïbes. L’objectif est d’identifier les variables qui
facilitent la classification des épisodes de fragilité bancaire et des périodes normales.
Une méthode identique est utilisée par Polius et Sahely (2003) qui étudient aussi le
système bancaire des Caraïbes et mettent en évidence que les principales variables
explicatives sont les suivantes : (a) crédits douteux / total des crédits ; (b) crédits immobiliers
/ total des crédits ; (c) investissements directs étrangers nets / PIB ; (d) crédits
gouvernementaux / total des crédits ; (e) crédits pour le secteur touristique / total des crédits ;
(f) crédits domestiques / total des crédits ; (g) actifs liquides / (total des dépôts et passifs
liquides) ; (h) crédits pour le secteur des constructions / total des crédits ; (i) profits nets,
avant le paiement des impôts / valeur moyenne des actifs bancaires.
Ces variables ont un comportement différent en période de crise et en période
normale. DA ressemble dans ces conditions à la méthode des signaux utilisée pour les EWS.
L’estimation des probabilités de faillites bancaires à l’aide d’un modèle qui lie les
causes de ces événements aux facteurs macroéconomiques, constitue un pas important dans
l’amélioration des techniques de gestion du risque de crédit (Čihák, 2005). Une classe

352
particulière de ces modèles est l’analyse discriminante multiple qui établit une relation entre
les faillites bancaires et un certain nombre d’indicateurs financiers.
Ces méthodes présentent un potentiel important pour l’analyse du risque de défaut.
Pourtant, elles ont aussi des limites : une faible significativité statistique ; la liaison entre les
données sur les entreprises et les expositions bancaires n’est pas évidente ; les analyses sont
généralement concentrées sur le secteur des entreprises ; ces méthodes doivent être adaptées
pour pouvoir être utilisées dans des stress-test (particulièrement la prise en compte des
variables macroéconomiques). Le traitement des données utilisées dans l’analyse
discriminante est généralement mené à l’aide du logiciel SPSS (Statistical Package for Social
Sciences).
Du fait de ces déficiences, la régression de type logit est considérée comme une
alternative moderne à l’analyse discriminante parce qu’elle ne repose pas sur autant
d’hypothèses que la DA (par exemple, la distribution normale de la variable indépendante, la
colinéarité, des variances identiques au sein du même groupe, etc.).

5.1.4.2. Les Z-scores

Les Z-scores représentent une méthode de quantification des risques qui


caractérisent l’activité des banques. Cette technique simple est devenue une méthode
populaire pour mesurer la solidité des institutions de crédit, parce que les Z-scores sont
inversement corrélés avec la probabilité d’insolvabilité (la probabilité que la valeur des actifs
soit inférieure aux dettes). La formule de calcul des Z-scores est :

Z ≡ (k + µ) / σ

où : k représente les capitaux propres par rapport aux actifs, µ est le rendement moyen des
actifs et σ représente l’écart type du rendement des actifs (un proxy pour la volatilité).
Čihák et Hesse (2008) utilisent cette méthode pour évaluer la solidité financière
des banques islamiques et constatent que les grandes banques commerciales internationales
sont plus solides que les grandes banques islamiques, tandis que les petites banques
islamiques sont plus solides que les grandes banques islamiques. Leurs résultats montrent que
la part de marché des banques islamiques n’influence pas la solidité d’autres banques du
système.
Une étude identique est réalisée par Fungáčová et Solanko (2008) qui testent la
relation entre les caractéristiques des banques en Russie et les risques supportés par ces

353
institutions sur la période 1999-2007. A côté des indicateurs classiques de risque bancaire, ils
utilisent les Z-scores pour évaluer le risque d’insolvabilité et la probabilité de faillite. Leurs
résultats montrent que les banques de province sont plus risquées que celles situées à Moscou
et que les banques à actionnariat majoritaire étranger sont moins risquées que celles à
actionnariat autochtone145.
Certains vont plus loin dans l’analyse des risques à l’aide de Z-scores. Pour
évaluer la fragilité bancaire au sein de l'Europe, Goyeau et Tarazi (1992) montrent que les
défaillances bancaires sont positivement reliées à une forte exposition aux risques de
portefeuille et à une diminution du degré de couverture. Ils proposent une décomposition de
Z-scores en une composante couverture du risque de portefeuille et une composante
performance ajustée du risque. Dans ce cas, c’est le rendement des actifs qui est pris en
compte et non pas le rendement des capitaux. Le « ZP-score » devient :

______
ROA λ
Z= +
σ ROA σ ROA

_____
où : ROA est la moyenne des rendements des actifs, σROA représente l’écart-type du
rendement des actifs et λ représente la moyenne du ratio capitaux propres / actif total.
En reprenant cette technique, Lepetit et al. (2008) étudient la relation entre le
risque bancaire et la diversification des produits bancaires pour les banques européennes. Ils
utilisent à coté de la technique présentée ci-dessus, d’autres méthodes pour construire des Z-
scores, reposant sur des données bilancielles :

______
(100 + ROE )
Z=
σ ROE

ou sur des données de marché :

__
R+ 1
Z=
σ
__
où : R et σ représentent respectivement la moyenne et l’écart-type du rendement
hebdomadaire des actions.

145
Cette méthode ressemble à la technique CAAMPL utilisée au sein des EWS qui permet aussi de tester la
relation entre le rating composite des banques et la qualité de l’actionnariat et l’importance des banques.

354
Les résultats de cette étude montrent que les banques qui mettent l’accent sur des
activités qui ne sont pas génératrices d’intérêts présentent un niveau de risque plus élevé par
rapport aux banques qui déploient des activités traditionnelles d’intermédiation.
Il faut retenir qu’aucune de ces méthodes précédentes ne peut englober tous les
aspects qui caractérisent la stabilité financière. De plus, chacune de ces techniques présente
des avantages et des limites et, par conséquent, il est recommandé de les utiliser comme des
méthodes complémentaires pour évaluer la stabilité. Une méthode différente qui se remarque
par la simplicité et par les informations supplémentaires qu’elle fournit, est la construction
d’un indice agrégé de stabilité financière. Cette technique est dérivée de l’analyse des
indicateurs de solidité financière et offre une image d’ensemble sur la stabilité du système.
Cette méthode offre aussi la possibilité de mettre en évidence les épisodes de crise et de
réaliser des prévisions sur le niveau futur de stabilité. L’indice agrégé de stabilité doit faire
partie de la batterie d’indicateurs et de méthodes utilisés par les banques centrales pour
évaluer et assurer la stabilité financière.

5.2. La stabilité du système financier roumain : analyse à l’aide


d’un indice agrégé

A côté des systèmes d’alerte précoce et des stress-tests, la construction d’indices


agrégés de stabilité financière (IASF) représente l’une des méthodes les plus complètes
utilisées pour apprécier la stabilité d’un système financier. Chaque technique présente des
avantages et des inconvénients concernant la capacité à fournir une information précise sur le
niveau de stabilité. Ainsi, les systèmes d’alerte précoce permettent d’établir une prévision sur
la probabilité d’apparition d’une crise financière (notamment d’une crise de change), mais
n’offrent pas la possibilité de prendre en considération tous les risques encourus par le
système, ni sa capacité de réponse face aux chocs potentiels. Les stress-tests permettent
l’identification des chocs éventuels et estiment la résistance du système financier, mais ils ne
permettent ni une comparaison entre le niveau de stabilité qui caractérise de différentes
périodes, ni une comparaison du point de vue de la stabilité financière, entre deux ou
plusieurs systèmes financiers différents.
En revanche, les indices agrégés permettent une comparaison entre de différentes
étapes et systèmes, et donnent aussi la possibilité d’apprécier l’évolution du niveau de
stabilité. Même si cette technique est considérée comme une méthode simple, rigide et

355
mécanique (et auxiliaire aux EWS – voir Hanschel et Monnin (2005) ; Borio et Drehmann
(2008)), elle présente de nombreux avantages par rapport aux autres méthodes, comme : la
transparence élevée, l’identification plus facile des données statistiques nécessaires et la
simplicité des calculs. Leur construction, qui repose sur un ensemble d’indicateurs de
stabilité, ressemble à la construction de l’indice des prix à la consommation. Si ce dernier
indice mesure la stabilité des prix, le premier est conçu pour apprécier la stabilité financière.
Les principales difficultés rencontrées lors de la construction d’un IASF résident dans le
choix des indicateurs individuels, le choix de la méthode de normalisation, ainsi que dans la
pondération à retenir.
Cet indice permet d’analyser la stabilité de l’ensemble d’un système financier, ou
d’un système bancaire particulier. Cette méthode simple est destinée aux institutions
responsables du maintien de la stabilité financière systémique, ainsi qu’aux investisseurs,
pour faciliter leurs prises des décisions.
Dans ce sous-chapitre, nous présentons la construction d’un IASF pour le système
financier roumain, indice dont le but est de mettre en évidence les périodes historiques
d’instabilité financière et de réaliser des prévisions sur la stabilité financière.
L’analyse de l’évolution de l’indice dans le temps est importante car la stabilité
financière est un processus dynamique. Par conséquent, nous utilisons dans notre analyse
empirique des données trimestrielles qui permettent une analyse plus fine que des données
annuelles et, en fonction de la disponibilité des données, nous considérons différentes
catégories d’indicateurs de stabilité individuels : indicateurs qui caractérisent le niveau de
développement du système, sa vulnérabilité, la solidité de son secteur bancaire (le secteur
dominant dans le système financier roumain), mais aussi des indicateurs qui caractérisent le
climat économique international, indicateurs essentiels pour la confiance des investisseurs
dans le système financier dans un contexte de globalisation financière.
Nous décrivons d’abord les techniques utilisées pour la construction d’un IASF et
nous présentons ensuite la méthode de construction d’un indice de stabilité pour le secteur
financier roumain. Nous analysons également la volatilité de l’indice et nous procédons à la
validation économétrique de l’IASF. Dans la dernière section, nous proposons une prévision
du niveau de stabilité à l’aide d’un modèle qui permet de réaliser des simulations
stochastiques.

356
5.2.1. Les modalités de construction d’un indice agrégé de stabilité
financière

Un indicateur est une variable observable utilisée pour rendre compte d’une réalité
non observable. Pourtant, un phénomène économique multidimensionnel peut être
appréhendé à l’aide d’un seul indicateur synthétique, un indice qui agrège de différents
indicateurs dits « de base ». Concentrer une réalité multidimensionnelle dans un chiffre
unique peut paraître un exercice à plusieurs restrictions, mais la littérature sur la stabilité
propose quelques tentatives.
Ainsi, plusieurs méthodes peuvent être retenues pour construire un indice de
stabilité financière. Une méthode simple qui permet seulement une comparaison mécanique
entre les indicateurs de stabilité de différents systèmes financiers, consiste dans une
hiérarchisation des indicateurs individuels (les composantes de l’indice agrégé).
L’inconvénient de cette méthode réside dans les différences minimales entre les valeurs des
indicateurs, qui ont le même poids dans l’indice agrégé.
Une autre possibilité est d’établir une moyenne pondérée des indicateurs
individuels de stabilité (voir Călin (2004) et Rouabah (2008)). Dans une étude récente sur
l’évaluation de la stabilité du secteur roumain en vue de l’adhésion de la Roumanie à la zone
euro, nous avons aussi utilisé une moyenne pondérée des indicateurs individuels (Albulescu,
2008c).
Une vaste présentation des techniques utilisées pour construire un indice agrégé de
stabilité est effectuée par Gersl et Hermanek (2006), qui construisent un indice de stabilité
pour le secteur bancaire tchèque. Les indicateurs individuels normalisés sont146 : le capital
réglementaire (5%) ; la qualité des actifs (25%) ; la profitabilité des banques (25%) ; la
liquidité (25%) ; le risque de taux (10%) et le risque de change (10%). La sélection des
indicateurs prend en considération les pratiques internationales courantes et leur pondération
est établie selon l’intuition et l’expérience des auteurs (judgements).
La construction de l’IASF à partir des données journalières du marché financier
(les prix des actifs bancaires) représente une troisième méthode. Nelson et Perly (2005)
présentent un tel indice, dit « indice de fragilité financière ». Leur étude concerne le système
financier américain et montre que l’indice global de fragilité financière donne la possibilité
d’estimer la probabilité qu’un système se trouve en situation de choc. L’indice a été construit

146
Leur poids dans l’indice agrégé est donné entre parenthèses.

357
en deux étapes : a) les informations fournies par les 12 variables individuelles sélectionnées
sont groupées dans trois indices composites, prenant en considération leur niveau, leur
volatilité et leur coefficient de corrélation; b) à partir de ces trois indices composites, la
probabilité que les marchés financiers soient confrontés à une situation de crise est ensuite
estimée à l’aide d’un modèle logit :

Pt = L(βO + β1*λt + β2*δt + β3*γt)

où : λ est le niveau de l’indicateur; δ représente la volatilité de l’indicateur et γ est le


coefficient de corrélation.
Illing et Lin (2003) proposent à leur tour un indice de stress pour le système
financier (financial stress index), utilisant des données de marché. Une autre méthode, plus
délicate, est de combiner les données de marché avec les données bilancielles, (Hanschel et
Monnin, 2005). La Banque de Suisse (2006) a procédé de cette façon et elle a construit un
indice de pression pour le secteur bancaire (stress index).
La Banque Centrale des Pays Bas propose une méthode originale de calcul d’un
indice de stabilité. Van den End (2006) choisit comme indicateurs individuels, des indicateurs
qui caractérisent les conditions monétaires : le taux d’intérêt, le taux de change réel, la
volatilité du prix des actifs et la solvabilité des institutions financières. Leur innovation réside
dans l’introduction des limites supérieures et inférieures de ces indicateurs pour identifier de
possibles effets non linéaires. Une valeur très faible de l’indicateur est associée à une
croissance de l’instabilité et, inversement, une valeur trop élevée indique l’accumulation de
déséquilibres. Par conséquent, un parcours idéal de l’indice est celui qui reste à l’intérieur du
couloir de stabilité.
Une dernière méthode est de construire un IASF à partir du risque de défaut de
tout le système financier, en utilisant le modèle de Merton (Van den End et Tabbae, 2005).
Un indice similaire, qui caractérise le risque systémique et qui repose sur la distribution
statistique du risque de défaut des institutions individuelles, a été proposé par Čihák (2007b).
L’interconnexion des problèmes dans le système avec les phases du cycle économique
constitue un avantage de la méthode. Pourtant, il y a aussi des inconvénients, en particulier
pour les systèmes financiers peu développés dans la mesure où l’utilisation de la méthode
suppose l’existence des marchés financiers liquides.
La construction d’un indice ne représente pas un exercice arbitraire et doit être
réalisée en plusieurs étapes bien distinctes. La première étape consiste à identifier les

358
différentes dimensions qui caractérisent le concept, sachant que celui-ci est toujours
multidimensionnel. Par exemple, le crédit total fait référence au crédit gouvernemental et au
crédit privé qui peuvent à leur tour être des crédits en devises étrangères et en monnaie
domestique, crédits aux maturités différentes, etc.
Les différentes dimensions sont ensuite décomposées en variables dont certaines
seront retenues comme indicateurs, soit parce qu’elles paraissent particulièrement pertinentes,
soit parce qu’elles se prêtent plus aisément à la mesure. Par exemple, si le secteur bancaire a
une importance significative dans le système financier par rapport au secteur des assurances et
au marché des capitaux, on retient pour l’analyse plutôt les indicateurs qui caractérisent le
secteur bancaire.
Une fois les indicateurs définis, ils doivent faire l’objet d’une quantification. Il
reste alors à décider à quel niveau de précision, d’exactitude, mais aussi dans quelles unités,
les appréhender. Le plus souvent, les indicateurs n’auront pas le même degré de précision et
ne seront même pas mesurés dans des unités homogènes, ce qui complique évidemment le
processus d’agrégation dans un indice synthétique. Les valeurs des indicateurs doivent donc
être normalisées.
Plusieurs méthodes de normalisation sont envisageables, dont aucune n’est
pleinement satisfaisante. Ces méthodes doivent prendre en considération le nombre et le type
d’indicateurs (quantitatifs ou qualitatifs). Les méthodes les plus connues sont :
- La normalisation statistique qui consiste à exprimer toutes les valeurs en écarts-
types, après avoir centré les variables ;
- La normalisation empirique qui comporte à son tour plusieurs techniques. L’une
des plus courantes consiste à prendre comme base de calcul une année de référence (par
exemple l’année du début de la série statistique) et à exprimer toutes les valeurs subséquentes
en pourcentage de variation par rapport à cette valeur initiale. Une autre méthode consiste à
donner la valeur 0 (min) à la plus mauvaise observation et 1 (ou 10 ou 100, selon le cas) à
celle qui correspond au meilleur score (max). Toutes les valeurs intermédiaires sont alors
calculées selon la formule suivante: Y = X – Min / (Max – Min).
- La normalisation axiologique, avec des bornes min et max, qui se caractérise par
le fait que les bornes ne sont pas dictées par les observations statistiques, mais sont choisies
en fonction du contexte d’action ou en fonction de la situation dont on veut s’éloigner (à
laquelle on attribue généralement la valeur 0) et de celle considérée comme l’idéal à atteindre
(qui peut ou non correspondre à un objectif stratégique) et qui reçoit la valeur 1.

359
- La normalisation mathématique qui consiste à transformer les données à l’aide
d’une fonction mathématique qui encadre les valeurs entre une limite inférieure et une borne
supérieure (par exemple, -1 et +1 ou 0 et 1).
L’étape suivante dans la construction de l’indice est l’agrégation des valeurs
individuelles. Cette étape suppose de trouver une réponse aux questions suivantes : Faut-il
attribuer le même poids à tous les critères pour construire l’indice ou faut-il leur attribuer des
poids différents, et si oui, lesquels ? ; Quel est le rapport entre l’indice et les indicateurs ? ;
S’agit-il d’une somme, d’une moyenne arithmétique ?
Pour répondre aux questions, il faut construire un arbre hiérarchique de décision
qui permet de pondérer les indicateurs en fonction de leur importance. Il s’agit d’ordonner les
m alternatives sur la base, soit d’un critère unique agrégeant n objectifs (ou critères), soit de
différents critères appréhendés dans leur pluralité (approche multicritères), afin de faire
ressortir l’alternative qui s’approche le plus de l’objectif recherché.
Même si la normalisation et les méthodes d’agrégation posent des problèmes
théoriques et pratiques sérieux, c’est surtout au niveau de la pondération que se situent les
défis scientifiques. On a la possibilité d’établir soit la même pondération pour tous les
indicateurs, soit une pondération différente, qui tient compte des critères de décision choisis.
La procédure standard attribue un poids identique à l’ensemble des variables
entrant dans l’indice. Une autre possibilité est la transformation des variables en percentiles, à
l’aide de la fonction de distribution cumulée (Rouabah, 2008). Dans ce cas, les valeurs du
dernier percentile correspondent aux périodes de vulnérabilité élevée tandis que celles du
premier percentile caractérisent un niveau de stress marginal (réduit). Les autres valeurs
localisées autour de la médiane reflètent un niveau moyen de risque. Avant de construire
l’indice de vulnérabilité, les variables transformées sont agrégées dans un indice chaîné dont
les raccords résultent de l’application de deux formules. La première évalue l’indice comme
étant la moyenne arithmétique des variables chaînées, tandis que la seconde est reflétée par
une moyenne géométrique.

∑ (X it w it ) + ∑ ( X it w it −1 )
IASF = i i
- moyenne arithmétique
2

IASF = ∑(X i
it wit ) * ∑ ( X it wit −1 )
i
- moyenne géométrique

où : Xit sont les variables transformées et wit reflètent leurs poids respectifs dans
l’indice à l’instant t. La pondération est définie par le rapport entre la variable transformée et
la somme de l’ensemble de toutes les autres variables observées à l’instant t.

360
Une autre méthode de calcul d’un indice agrégé relève de l’analyse factorielle.
L’analyse en composantes principales est une méthode souvent utilisée pour explorer les
données à caractère multidimensionnel. Le principe de cette méthode est d’identifier les
composantes principales (les axes) qui expliquent l’inertie des variables et qui se trouvent à la
base de la construction de l’indice. Cette méthode ne prend malheureusement en compte que
les seules variables à haute volatilité, laissant de côté les variables dont le comportement
diffère en période de crise et en période de tranquillité, et qui connaissent une transition lente
de leurs valeurs entre ces deux périodes.
Enfin, l’approche liée aux poids du crédit (credit weights approach) considère les
variables en liaison avec la taille du marché auquel elles appartiennent. Plus grande est la part
de marché dans le marché total du crédit, plus important est le poids attribué aux variables qui
représentent une proxy du stress dans ce marché (Illing and Liu, 2006).
Dans ce qui suit, nous présentons une méthode de construction d’un indice de
stabilité pour le secteur financier roumain. Celle retenue suit la logique de Gersl et Hermanek
(2006) et Rouabah (2008). La différence par rapport à ces études se situe au niveau du choix
des indicateurs qui ne caractérisent pas seulement la solidité des institutions bancaires, mais
aussi le niveau de développement et la vulnérabilité du système financier dans son ensemble.
De plus, un ensemble d’autres indicateurs est introduit pour prendre en compte le climat
économique mondial. Nous avons en même temps mis l’accent sur la dynamique du
phénomène, en utilisant des données trimestrielles sur une période de douze années. Nous
avons retenu une méthode empirique de normalisation.

5.2.2. La construction de l’indice agrégé de stabilité pour le


système financier roumain

La construction de l’indice agrégé de stabilité financière s’appuie sur des données


trimestrielles. Les valeurs de référence (benchmark) pour les variables sont la plus mauvaise
et la meilleure valeur enregistrées par la variable sur la période analysée. Une autre solution
aurait été de choisir comme benchmark la valeur des indicateurs en période de crise (par
exemple, la valeur de 1998, année de crise pour le secteur bancaire roumain). Mais cette
méthode nous aurait conduit directement aux résultats, nous avons donc préféré la première.
Après normalisation, les indicateurs présentent des valeurs dans l’intervalle [0;1],
leur agrégation et leur analyse étant ainsi facilitées. La valeur « 1 » signifie une situation de

361
stabilité, correspondant à la meilleure valeur enregistrée par l’indicateur sur la période
analysée, et inversement pour la valeur « 0 ».

I it − Min( I i )
I it n =
Max( I i ) − Min( I i )

où : Iit représente la valeur de l’indicateur i à la période t ; Min(Ii) et Max(Ii) est


respectivement la valeur minimale et la valeur maximale enregistrées par l’indicateur i à la
période analysée ; Iitn est la valeur normalisée de l’indicateur.
Les indicateurs individuels, groupés dans une première étape en quatre catégories
(indices composites) qui reflètent le développement et la vulnérabilité du secteur financier,
ainsi que la solidité des banques et le climat économique mondial, sont présentés dans le
Tableau 24. Une autre possibilité serait de grouper les indicateurs individuels en fonction de
différents domaines d’activité financière : marché des actions, des obligations, bancaire, etc.
(Hadad et al., 2007).

Tableau 24 : Les indicateurs retenus pour évaluer la stabilité financière


Indicateurs individuels
Crédit privé en « lei » / PIB Id1
Marge bancaire Id2 Indice de Développement
Capitalisation boursière / PIB Id3 Financier (IDF)
Réforme bancaire et libéralisation du taux d’intérêt Id4
Taux d’inflation Iv1
Déficit budgétaire / PIB (%) Iv2
Déficit du compte courant / PIB (%) Iv3
Appréciation ou dépréciation excessive du REER Iv4 Indice de Vulnérabilité
(Réserves / Dépôts) / (Numéraire / M2) Iv5 Financière (IVF)
Crédit privé / Crédit total Iv6
Crédits / Dépôts Iv7
Variations des dépôts / Variation de M2 Iv8
Créances douteuses / Crédit total Is1
Capital propre / Actif total Is2
Indice de Solidité
Indicateur de solvabilité Is3
Financière (ISF)
ROA Is4
Taux général de risque Is5
Indice du climat économique CESifo Ic1 Indice du Climat
Taux d’inflation mondial Ic2 Economique Mondial
Taux de croissance économique mondial Ic3 (ICEM)
Source : l’auteur

362
Ces 20 indicateurs retenus sont largement utilisés dans la littérature sur la stabilité
financière. Compte tenu du fait que le secteur bancaire domine le système financier roumain,
la majorité des indicateurs font référence aux banques. Néanmoins, dans la mesure où le
marché financier s’est progressivement développé ces dernières années, nous avons retenu,
parmi les indicateurs, la « capitalisation boursière / PIB » qui caractérise le niveau de
développement de ce marché. Nous n’avons pas pris en compte d’indicateurs relatifs au
marché des assurances car ce marché est encore peu développé en Roumanie et ne peut pas
représenter une source potentielle de risque systémique.
Pour analyser le niveau de développement du système financier, les études
retiennent des indicateurs comme les actifs bancaires rapportés au PIB ou le crédit privé
rapporté au PIB. Nous avons opté pour le deuxième indicateur qui fournit des informations
sur le niveau d’intermédiation bancaire dans le système. Nous considérons que le système est
plus développé et mature au fur et à mesure que le niveau d’intermédiation augmente. Nous
avons pris en compte seulement le crédit privé en « lei » puisqu’une croissance forte des
crédits en devises, notamment supérieure à la croissance économique, peut être considérée
comme une source de vulnérabilité.
La marge bancaire, calculée comme la différence entre le taux d’intérêt créditeur et
le taux d’intérêt débiteur, constitue un autre indicateur qui caractérise le niveau de
développement. Dans le contexte du développement de la concurrence et de l’entrée de grands
groupes bancaires sur le marché roumain, la marge bancaire, assez élevée il y a quelques
années, a récemment connu une tendance à la baisse. Même si une marge réelle élevée
caractérise un taux de profitabilité élevé, nécessaire à la stabilité du secteur bancaire, nous
considérons que cet indicateur tient plus à la maturité du système qu’à sa profitabilité. Une
marge bancaire élevée est aussi observée dans les périodes d’instabilité financière lorsque les
banques recherchent une protection supplémentaire contre les risques pour préserver leur
profitabilité.
La capitalisation boursière par rapport au PIB représente un indicateur qui
caractérise le développement et l’ampleur du marché de capital. En Roumanie, la
capitalisation boursière a fortement augmenté à partir de 2003, ce qui reflète la croissance de
la confiance des investisseurs sur ce marché, dans la perspective de l’adhésion de la
Roumanie à l’Union Européenne147.

147
Il faut noter en même temps le fait que l’interprétation de cet indicateur peut être délicate. Une forte
augmentation du ratio peut traduire une bulle spéculative et, dans ce cas, elle représente un signe de
vulnérabilité. Si on regarde la Figure 33 (Chapitre II), on observe que la volatilité de l’indicateur autour de la

363
Le dernier indicateur retenu dans cette catégorie est un indicateur calculé par la
BERD et qui traduit l’avancement de la réforme bancaire, la libéralisation du taux d’intérêt
(les systèmes financiers ouest-européens sont considérés complètement libéralisés), ainsi que
les réformes menées pour aboutir à un système bancaire compétitif, conforme aux accords
internationaux dans le domaine de la surveillance.
Pour analyser la vulnérabilité financière, le point de départ est l’ensemble des
indicateurs utilisés par le FMI dans ses rapports de pays. Ces indicateurs représentent des
indicateurs qui caractérisent la stabilité macroéconomique et des indicateurs qui offrent des
informations sur la structure du financement. Les investisseurs analysent souvent ce type
d’indicateurs (plus accessibles au public), lorsqu’ils décident d’investir ou de désinvestir dans
un pays. Si ces indicateurs présentent des valeurs adéquates, un système est considéré comme
moins vulnérable face à des chocs potentiels. Les banques centrales recourent aussi à ces
indicateurs dans les modèles macroéconomiques utilisés pour définir leurs stratégies de
politique monétaire ou pour construire les scénarios des stress-tests.
Le premier indicateur retenu est le taux d’inflation, considéré comme un indicateur
de vulnérabilité macroéconomique. L’objectif principal des banques centrales étant de
maintenir un taux d’inflation soutenable, le taux d’inflation observé fournit alors des
informations sur les politiques économiques ; un bas niveau d’inflation augmente la confiance
des investisseurs. A côté de cet indicateur, un autre sert de référence pour la performance de
la politique fiscale. Cet indicateur est le déficit budgétaire rapporté au PIB. Plus le déficit
augmente, plus la confiance est affectée et plus la capacité du système à assurer une
croissance durable est mise en doute.
Le troisième indicateur est le rapport entre le déficit du compte courant et le PIB.
Un déficit élevé du compte courant caractérise un déséquilibre macroéconomique qui suppose
une correction ultérieure, avec un impact négatif sur la stabilité. Ce déficit montre qu’une
économie consomme plus qu’elle ne produit en faisant appel soit aux emprunts, soit aux fonds
externes sous la forme des IDE par exemple. Dans le dernier cas, le système devient
vulnérable si les flux d’investissements directs étrangers diminuent.
A côté de ces trois indicateurs macroéconomiques classiques, nous avons intégré
un indicateur qui reflète la volatilité du taux de change. Il s’agit de l’appréciation ou de la
dépréciation excessive du taux de change effectif réel (Real Effective Exchange Rate –

crise des subprimes est assez importante. Mais, compte tenu du fait que la capitalisation boursière en Roumanie a
été assez réduite par rapport à d’autres marchés européens, on considère qu’une évolution positive de
l’indicateur reflète le développement du marché de capital.

364
REER). Une volatilité excessive du REER montre que l’économie souffre de corrections
majeures par l’intermédiaire du taux de change, ce qui peut affecter la stabilité du système
financier.
Les réserves bancaires représentent une garantie que les banques peuvent faire face
à des retraits massifs aux guichets. En Roumanie, les réserves obligatoires ont été utilisées, et
le sont encore, comme un instrument de politique monétaire pour lutter contre l’inflation. Le
rapport entre les réserves et les dépôts est important pour garantir la stabilité. La préférence
pour la liquidité est tout aussi importante. Plus l’habitude de payer en espèces est grande
(c’est le cas de la Roumanie), plus les chances des retraits massifs en cas de panique
augmentent. Pour prendre en compte ces réalités, nous avons retenu, tout comme Călin
(2004), deux indicateurs, les rapports entre les réserves et les dépôts et entre le numéraire et
M2.
Le sixième indicateur de vulnérabilité retenu est le rapport entre le crédit privé et
le crédit total. Dans notre cas, le crédit privé est représenté par le crédit non-gouvernemental.
Parce qu’en Roumanie les banques ont accordé de nombreux crédits aux entreprises publiques
et parce qu’une bonne partie de ces crédits sont devenus des créances douteuses, une
diminution de ce rapport reflète une situation plus saine pour le système.
Les deux derniers indicateurs choisis pour caractériser la vulnérabilité sont des
indicateurs susceptibles de donner des signaux sur l’apparition d’une crise financière. Une
forte expansion du crédit qui n’est pas soutenue par une augmentation équivalente des dépôts
(et donc de la confiance dans la monnaie), indique un potentiel déséquilibre. Un autre
déséquilibre potentiel est exprimé par la détérioration du rapport entre les dépôts bancaires et
la masse monétaire M2. Ces dernières années, ce rapport a augmenté en Roumanie et une
détérioration du rapport signifie une baisse de l’épargne et une augmentation de la
consommation et des prix.
La troisième catégorie d’indicateurs pris en compte contient des indicateurs de
solidité ou de santé financière, indicateurs proposés par les institutions financières
internationales pour évaluer le niveau de stabilité du système bancaire. Ces données ne sont
pas faciles à obtenir, surtout avec une périodicité trimestrielle.
Le premier indicateur est le rapport entre les créances douteuses et le crédit total
qui reflète la qualité des crédits. Même si le rapport enregistre une évolution favorable en
Roumanie, le volume des créances douteuses a fortement augmenté avec l’essor du crédit et
de la concurrence entre les banques sur le marché. La détérioration de cet indicateur a
commencé avec le déclenchement de la crise des subprimes.

365
Le deuxième indicateur (capital propre/actif total) reflète le niveau de
capitalisation du système. Le secteur bancaire roumain est correctement capitalisé et la BNR a
eu une contribution importante en ce sens, par son activité de régulation.
Le capital réglementaire rapporté aux actifs pondérés en fonction du risque est le
troisième indicateur retenu dans cette catégorie. Cet indicateur offre des informations sur la
solvabilité des institutions du système. La valeur de cet indicateur pour la Roumanie est
largement au-dessus du ratio Cooke (8%), car la BNR a imposé aux banques commerciales un
ratio de solvabilité de 12%.
Le rendement des actifs (Return on Assets – ROA) est aussi un des éléments pris
en considération. Il est relativement élevé en Roumanie, une situation considérée comme
normale pour un pays en transition. Le profit supplémentaire des institutions bancaires doit
rémunérer les risques existants sur le marché. Un ROA élevé indique un secteur bancaire
profitable et solide.
Le dernier indicateur de solidité financière est le taux général de risque du secteur
bancaire, calculé par la BNR et présenté dans ses bulletins mensuels. Les données concernant
cet indicateur ne sont disponibles que depuis 1998.
Le choix des indicateurs de solidité a donc tenu compte de plusieurs aspects de la
santé des banques comme : la performance de l’activité de crédit, la solvabilité, la
profitabilité, la capitalisation et le risque.
La dernière catégorie d’indicateurs individuels de stabilité caractérise le climat
économique mondial. Ce groupe intègre des variables telles que le taux d’inflation et le taux
de croissance mondial, ainsi qu’un indice qui caractérise le climat des affaires, calculé pour le
Centre d’Etudes Economiques et pour l’Institut de Recherche Economique (CESifo)
d’Allemagne, indice qui reflète la perception du milieu d’affaires concernant les opportunités
d’investissement au niveau mondial. Cette catégorie d’indicateurs est importante pour notre
analyse parce que les systèmes financiers sont de plus en plus interconnectés et la
détérioration de ces indicateurs globaux ne peut avoir qu’un impact négatif sur la stabilité
économique et financière au niveau national.
Le renseignement de ces différents indicateurs s’appuie sur plusieurs bases de
données. La majorité des variables sont extraites des bulletins mensuels de la BNR, en
particulier les indicateurs de solidité financière. Le manque des données trimestrielles pour les
créances douteuses du début de la période analysée a représenté un problème particulier. Les
données annuelles des rapports de pays du FMI ont été trimestrialisées par interpolation

366
linéaire148. L’indicateur de réforme bancaire et de libéralisation du taux d’intérêt, calculé par
la BERD, a aussi été trimestrialisé. Toutes les autres variables sont exprimées en fréquence
trimestrielle dans les bases de données Eurostat, International Financial Statistics (FMI), et
CESifo.
Les indicateurs individuels sont groupés en quatre indices partiels149 : un indice de
développement financier (qui intègre quatre indicateurs individuels), un indice de
vulnérabilité financière (huit indicateurs), un indice de solidité financière des banques (cinq
indicateurs) et un indice du climat économique mondial (trois indicateurs).
Après avoir normalisé les indicateurs individuels (ces derniers sont présentés dans
l’Annexe 6), nous avons défini leur poids dans l’indice agrégé. Une possibilité est d’attribuer
le même poids à chaque indicateur (de cette façon, en cas d’indisponibilité des données pour
un certain indicateur, l’indice est calculé comme la moyenne des valeurs disponibles). Celle-
ci est la procédure standard pour le calcul d’un indice agrégé.
4

∑I
i =1
ij
IASF = (1)
20
et
4 4 8 5 3

∑ I ij = ∑ I dj + ∑ I vj + ∑ I sj +∑ I cj
i =1 j =1 j =1 j =1 j =1
(2)

on obtient donc :
__ __ __ __
4 I dj 8 I vj 5 I sj 3 I cj
IASF = + + + (3)
20 20 20 20

où : Iij sont les indices composites de stabilité.


Cette approche dans le cadre de la méthode standard nous permet d’équipondérer
les indicateurs individuels de stabilité. L’IASF est calculé pour toutes les périodes comme la
moyenne arithmétique des données disponibles. La modalité choisie pour construire l’indice
agrégé est quand même critiquable parce que, même si le nombre des indicateurs individuels
inclus dans chaque indice composite reflète l’importance de la catégorie (développement

148
Par exemple, si le rapport entre les créances douteuses et le total de crédits (NPL – Non-performing loans)
pour 2000 était de 2% et pour 2001 de 3%, le NPL trimestriel est : 2000 q4 = 2%; 2001 q1 = 2,25%; 2001 q2 =
2,5%; 2001 q3 = 2,75%; 2001 q4 = 3%.
149
Il ne faut pas confondre l’indice agrégé de stabilité et les indices partiels ou composites. Ces derniers sont
définis à l’aide des indicateurs individuels et composent ensuite l’IASF.

367
financier, vulnérabilité macroéconomique et financière, solidité des banques ou climat
économique mondial), il est difficile à justifier.
Une autre approche de la méthode standard consisterait à donner le même poids
aux indicateurs composites, mais en renonçant à équipondérer les indicateurs individuels150.
L’avantage de cette méthode réside dans l’élimination de l’inconvénient lié au manque des
données au début de la période analysée. Mais, parce que nous considérons importante
l’équipondération des indicateurs individuels, nous retenons la première approche. Toutefois,
le problème du choix reste marginal car il n’y a pas une délimitation stricte entre les différents
d’indicateurs composites (voir par exemple le ratio crédit / dépôts qui peut offrir des
informations à la fois sur la vulnérabilité externe et sur la solidité des banques). Une
comparaison entre les deux approches est présentée dans l’Annexe 7.
La Figure 60 présente l’évolution de l’IASF. Nous observons que l’IASF
augmente à partir de 1999. Il connaît une détérioration avant et pendant la crise bancaire de
1998, mais aussi au second semestre 2001, et surtout après le déclenchement de la crise des
subprimes. Une évolution intéressante est liée à l’ICEM qui connaît des valeurs élevées avant
les épisodes de crise et se dégrade brusquement après le déclenchement de la crise. Au
troisième trimestre 2008, il atteint son plus bas de toute la période considérée. L’ISF se
détériore avant la crise parce que les banques prennent facilement des risques dans les
périodes de croissance et de stabilité. L’IDF connaît une croissance continue après la réforme
du secteur bancaire roumain (1999-2000).

Figure 60 : L’évolution de l’indice agrégé de stabilité et des indices composites


1,200 La crise des
La crise des marchés de
La crise bancaire capitaux et la crise subprimes (2007)
1,000
en Roumanie économique d’Argentine (2001)
(1998-1999)
0,800

0,600

0,400

0,200

0,000
96

Q 96

Q 97

Q 97

Q 98

Q 98

Q 99

Q 99

Q 00

Q 00

Q 01

Q 01

Q 02

Q 02

Q 03

Q 03

Q 04

Q 04

Q 05

Q 05

Q 06

Q 06

Q 07

Q 07

Q 08
08
19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
1

3
Q

IDF IVF ISF ICEM IASF

Source : calculs de l’auteur

150
Il y a aussi des études (Gersl et Hermanek, 2006), qui attribuent des poids différents aux indicateurs
individuels, selon l’expérience (judgement) des auteurs et en fonction du contexte économique. Néanmoins, il est
aussi très difficile de défendre ce type de pondération.

368
A coté de la méthode standard, une autre possibilité pour construire l’indice agrégé
de stabilité est, comme nous l’avons vu, l’agrégation des valeurs dans un indice chaîné, à
l’aide de la moyenne arithmétique et géométrique. Les résultats de ces techniques ne sont pas
très différents par rapport à la méthode standard (Figure 61). Cependant, la méthode standard
présente l’avantage d’identifier l’apparition de la crise financière qui s’est déclenchée au
second semestre 2007 et qui a affecté la stabilité du secteur financier roumain. C’est pourquoi
nous retenons cette méthode standard et nous procédons à la validation économétrique de
l’indice et à sa prévision jusqu’à la fin 2010.

Figure 61 : L’évolution de l’IASF en fonction de différentes méthodes de calcul


0,900

0,800

0,700

0,600

0,500

0,400

0,300

0,200

0,100

0,000
96

Q 96

Q 97

Q 97

Q 98

Q 98

Q 99

Q 99

Q 00

Q 00

Q 01

Q 01

Q 02

Q 02

Q 03

Q 03

Q 04

Q 04

Q 05

Q 05

Q 06

Q 06

Q 07

Q 07

Q 08
08
19

19

19

19

19

19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
1

3
Q

IASF - standard IASF - moyenne arithmétique IASF - moyenne géométrique

Source : calculs de l’auteur


Mais auparavant, nous analysons la volatilité de l’IASF et des indices partiels. La
méthode classique d’analyse de la volatilité consiste à calculer l’évolution des écarts-types sur
une fenêtre glissante (rolling window). Nous avons retenu une fenêtre de douze trimestres
(Figure 62).
Nous observons que la volatilité de l’IASF augmente dans les phases de
turbulences financières. Les indices partiels en font de même, à l’exception de l’indice de
développement qui, au contraire, est plus volatil sur les périodes normales, périodes
favorables à la consolidation des positions sur le marché.

369
Figure 62 : L’évolution des écarts-types des indices de stabilité
0,3

0,25

0,2

0,15

0,1

0,05

0
97

98

98

99

99

00

00

01

01

02

02

03

03

04

04

05

05

06

06

07

07
19

19

19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
4

4
Q

Q
IASF_ET IDF_ET IVF_ET ISF_ET ICEM_ET

Source : calculs de l’auteur

Cette analyse simple de la volatilité ne permet pas l’identification des indicateurs


qui offrent des informations sur une éventuelle apparition des crises. Pour mettre en évidence
ces indicateurs, nous avons utilisé la méthode de Chanut et Laroque (1979), que nous avons
modifiée pour intégrer les poids attribués aux indices composites (pour les détails, voir
l’Annexe 8)151. Cette méthode permet de calculer la contribution des indices composites à la
volatilité de l’IASF (Figure 63).

Figure 63 : Les contributions des indices IDF, IVF, ISF et ICEM à la volatilité de l’IASF

1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
-0,2
-0,4
-0,6
-0,8
8

7
9

0
19

19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
2

4
Q

IDF IVF ISF ICEM

Source : calculs de l’auteur

151
On note que la contribution des indices composites à la volatilité de l’indice agrégé est largement influencée
par le nombre d’indicateurs individuels faisant partie de chaque indice composite.

370
La plus forte contribution à la volatilité de l’IASF est celle de l’ICEM, suivie de
celles de l’IVF et de l’ISF. Dans les périodes de crises, nous constatons une baisse de la
volatilité des deux derniers indices et une croissance de la volatilité de l’ICEM (les
indicateurs qui caractérisent le climat économique mondial ne sont pas très efficaces pour
prévoir l’apparition d’une crise, mais ils jouent un rôle important dans l’amplification des
turbulences). L’IDF a une contribution réduite à la volatilité de l’IASF sur toute la période
considérée. Il apparaît que les indicateurs de vulnérabilité offrent les signaux plus importants
de l’apparition de turbulences parce que la volatilité de l’IVF est très élevée avant la crise.

5.2.4. La validation économétrique de l’IASF

L’analyse de la dynamique de l’IASF permet d’identifier les périodes de crise


traversées par le système financier roumain au cours de la dernière décennie. Pour la
validation économétrique de l’IASF, nous avons choisi quelques variables macroéconomiques
dont le comportement est différent en périodes de crise et en périodes de tranquillité. Ces
variables sont : le taux de croissance économique, le taux d’intérêt sur le marché interbancaire
– ROBOR à trois mois (Romanian Interbank Offer Rate), l’indice boursier BET et le rapport
entre le crédit privé en devises et le PIB152. Ce dernier indicateur est très élevé dans les
périodes qui précèdent la crise, et constitue un facteur amplificateur.
Le taux de croissance économique reflète la volatilité du cycle économique et, en
même temps, de l’environnement économique où les institutions financières opèrent153. La
dégradation de l’activité économique est susceptible d’affecter l’activité bancaire et
implicitement la stabilité du système financier. Dans le premier chapitre, nous avons vu que
les crises financières affectent l’activité économique.

152
Dans la construction de l’IASF, nous avons introduit comme variables de vulnérabilité externe quelques
indicateurs macroéconomiques comme le taux d’inflation et le déficit public. Nous considérons que ces variables
ont une influence importante et immédiate sur la perception des investisseurs vis-à-vis de la stabilité d’un
système. En effet, ces indicateurs représentent des déséquilibres qui supposent une correction à implications
négatives sur la stabilité. Pour la validation économétrique du modèle, nous avons toujours pris en compte
quelques variables macroéconomiques. Il s’agit cette fois-ci de variables qui caractérisent plutôt le contexte
macroéconomique de la stabilité financière et non pas la vulnérabilité du système (on peut avoir un système
financier stable même si le taux de croissance reste modeste). Ce choix peut apparaître réducteur, mais il a été
utilisé dans la littérature (Rouabah, 2008). De plus, considérer le taux de croissance ou le taux d’intérêt comme
variables explicatives nous donne la possibilité de faire une prévision sur le niveau de stabilité, car les valeurs
prévues de ces variables sont fournies par plusieurs institutions financières ou gouvernementales (voir la section
suivante).
153
La relation entre le développement économique et le développement financier est largement débattue par
Crouzille et al. (2007).

371
Le taux d’intérêt du marché interbancaire a tendance à augmenter dans les
périodes d’instabilité parce que les institutions financières, en particulier les banques, sont à la
recherche de liquidités dans les périodes difficiles. Cette demande de liquidités sur le marché
interbancaire entraîne une augmentation du taux auquel les emprunts sont réalisés. Par
conséquent, nous anticipons une relation négative entre le taux d’intérêt et l’IASF.
La troisième variable testée est l’indice boursier BET. Même si le marché des
capitaux est peu développé en Roumanie, l’évolution du BET reflète la situation de
l’économie. Une baisse peut représenter un facteur important qui explique une diminution de
la profitabilité des banques ainsi que de la confiance des investisseurs.
La dernière variable testée est le ratio des crédits en devises par rapport au PIB.
Nous avons considéré que le rapport entre le crédit privé en monnaie domestique et le PIB
représente un indicateur de développement financier favorable à la stabilité. Pourtant, un taux
de croissance du crédit supérieur au taux de croissance économique est souvent considéré
comme un facteur de levier qui amplifie la crise, en particulier pour le crédit en devises. Une
activité de crédit excessive suggère que les banques sont moins attentives aux risques, attitude
défavorable à la stabilité.
Apparemment, cet exercice économétrique peut paraître réducteur car la stabilité
financière représente un concept multidimensionnel qui ne dépend pas seulement du contexte
macroéconomique, mais aussi de la solidité des institutions, de la réforme du système ou de la
qualité de la surveillance prudentielle. C’est pourquoi nous avons introduit dans l’équation
testée d’autres variables afin de prendre en compte ces aspects. Les autres variables testées,
dont les effets ne se sont pas avérés significatifs, sont : le taux d’intérêt EURIBOR à trois
mois, l’écart (spread) entre ROBOR à trois mois et ROBID à trois mois (Romanian Interbank
Bid Rate), le taux de croissance du crédit privé en devises, une variable dummy pour souligner
la réforme du système à partir de 2000 et une autre variable dummy pour mettre en évidence la
contribution de la stratégie de ciblage de l’inflation et du flottement « plus libre » de la
monnaie, à partir de 2005 (ces variables ont été éliminées de l’équation finale).
Avant de tester ces déterminants de la stabilité, nous avons vérifié la stationnarité
des données retenues. Pour cela, nous avons utilisé trois types de tests : Augmented Dickey-
Fuller (ADF), Phillips-Perron (PP) et KPSS. Les résultats de ces tests sont présentés dans le
Tableau 25.

372
Tableau 25 : Les tests de racine unitaire et de stationnarité
Variables testées ADF ADF PP PP KPSS KPSS
niveau différence niveau différence niveau différence
L’hypothèse nulle Racine unitaire Racine unitaire Stationnarité
iasf 0.53497 -1.41333 -0.01855 -8.0488*** 0.19018*** 0.21822
robor3 -4.7833*** -6.3722*** -5.5277*** -17.923*** 0.17878*** 0.50000**
tcpib -2.7715 -4.8991*** -3.1703*** -12.453*** 0.12663** 0.13044**
cdpib 0.11952 -4.6074*** -2.85180 -9.6337*** 0.22232 0.11954**
bet -0.2624 -5.7895*** -0.39351 -5.9184*** 0.15650*** 0.16703***
(*) (**) et (***) indique le rejet de l’hypothèse nulle au seuil de confiance de 10%, 5% et 1%.
Source : des calculs EViews

Le Tableau 25 montre que les variables explicatives testées sont stationnaires en


différence première, le test ADF indique au moins une racine unitaire, résultat confirmé par le
test KPSS. Par conséquent, nous avons exprimé ces variables en différence. En revanche, un
conflit entre les tests de stationarité de la variable expliquée IASF apparaît qui témoigne
d’une dynamique particulière de cette variable. Aussi, l’équation finale testée est la
suivante154 :

∆iasft = c + α*iasft-1+ β*∆cdpibt-1 + δ*∆tcpibt + γ*∆robor3t + λ*∆bett + εt

où : iasf représente l’indice agrégé de stabilité, cdpib est le rapport entre les crédits en devises
et le PIB, tcpib est la taux de croissance du PIB, robor3 représente le taux d’intérêt sur le
marché interbancaire et bet est l’indice boursier BET.
Un problème d’autocorrélation peut apparaître à cause du fait que nous avons
retenu le taux de croissance du PIB et le rapport entre le crédit en devises et le PIB parmi les
variables explicatives. Nous avons choisi, par ailleurs, d’introduire la variable endogène
retardée d’une période afin de remédier les erreurs qui caractérisent les résidus de la
régression adoptée dans la présence de l’autocorrélation.
Les résultats de l’estimation sont présentés Tableau 26.

154
Les résultats des tests sont extrêmement sensibles au choix du test et à la formulation de l'équation testée. On
a par exemple une contradiction entre les tests ADF et KPSS lorsqu’on teste les hypothèses de stationnarité pour
le taux de croissance ou le taux d’intérêt. Mais, les tests préliminaires de ces types sur de petits échantillons
aboutissent souvent à une légitime suspicion quant à leur fiabilité (Stock et Watson, 1993). Dans ces conditions,
il est préférable de privilégier la relation théorique au test statistique.

373
Tableau 26 : Les résultats économétriques de l’équation de l’indice agrégé de stabilité
Variable dépendante: ∆iasft
Variables explicatives Coefficients Ecart-type
c 0.046571*** 0.017105
iasft-1 -0.071210** 0.028526
∆cdpibt-1 -0.090959*** 0.031621
∆tcpib t 0.001455* 0.000862
∆robor3 t -0.000546** 0.000244
∆bett 0.009649** 0.004675

R2 0.412450
DW 2.459714
Nombre d’observations 44
Seuil de signification : (***) pour 1%; (**) pour 5% et (*) pour 10%.
Source : des calculs EViews

Les coefficients estimés sont significatifs. Seul celui relatif au taux de croissance
économique ne l’est qu’au seuil de 10%, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’au début de la
période analysée, la volatilité du PIB était très élevée et, concernant les dernières
observations, on peut constater une baisse de l’indice de stabilité alors que le taux de
croissance économique assez élevé. Les signes des coefficients sont ceux attendus et la
puissance explicative du modèle est bonne (R2 = 0,41), même si le nombre d’observations est
réduit. Toutefois, il est clair que d’autres facteurs influencent la stabilité financière. Le signe
négatif du coefficient du retard d’ordre 1 de l’IASF montre que l’évolution de la stabilité
financière n’est pas explosive dans la mesure où une hausse (baisse) de l’IASF suit une
hausse (baisse) mais de moindre ampleur.
Compte tenu de l’ambiguïté sur les tests de stationnarité, pour vérifier la validité
de l’estimation, nous étudions le comportement des résidus. Les résidus suivent une loi
normale, et les erreurs sont indépendantes au regard des tests de Durbin-Watson et de
Breusch-Godfrey. Le test de White atteste que les erreurs sont homoscédastiques. D'autre
part, Phillips (1986) a démontré que dans le cas de résidus non stationnaires, les techniques
usuelles d'estimation et de test ne peuvent pas être utilisées car on obtient des résultats et
interprétations non pertinentes. Les tests de stationnarité montrent enfin que les résidus du
modèle sont stationnaires et donc l’estimation du modèle est correcte (Tableau 27).
Au total, l’équation montre qu’une variation favorable des indicateurs
macroéconomiques contribue à la stabilité, même s’ils ne sont pas les seuls facteurs à
l’entretenir.

374
Tableau 27 : Les tests de racine unitaire et de stationnarité pour les résidus
Variables testées ADF ADF PP PP KPSS KPSS
niveau différence niveau différence niveau différence
L’hypothèse nulle Racine unitaire Racine unitaire Stationnarité
résidus -4.8643*** -8.4575*** -8.5243*** -40.871*** 0.10985*** 0.126743**
(*) (**) et (***) indique le rejet de l’hypothèse nulle au seuil de confiance de 10%, 5% et 1%.
Source : des calculs EViews

5.2.5. Des prévisions sur l’évolution de la stabilité du secteur


financier roumain

La validation de la relation entre l’IASF et plusieurs variables macroéconomiques


nous permet d’établir des prévisions sur la stabilité financière en Roumanie. Si on connaît les
valeurs estimées pour une partie des variables, il est possible d’obtenir les valeurs
prévisionnelles de la variable endogène pour la même période155. Dans ce contexte, les
prévisions de la Commission Européenne nous servent de base d’analyse pour le taux de
croissance du PIB et le taux d’intérêt à court terme (les données prévisionnelles pour le taux
d’intérêt sont obtenues en base annuelle et ont été trimestrialisées par interpolation linéaire).
Une équation spécifique à chaque variable est utilisée pour prolonger les séries des crédits en
devises rapportés au PIB et les séries de l’indice boursier BET. Les taux de croissance de ces
deux variables sont simplement exprimés en fonction d’une constante, des valeurs retardées
d’une période pour les variables endogènes et d’un ensemble de variables exogènes qui sont
les dépôts en devises par rapport au PIB pour les créances et le PIB potentiel (déterminé à
l’aide du filtre HP) pour l’indice boursier. Nous utilisons un modèle à correction d’erreurs
pour les créances en devises et une spécification GARCH (1,1) pour l’indice boursier156.
Enfin, nous employons une méthode de simulation stochastique (50.000
157
itérations) pour estimer les valeurs de l’indice de stabilité, à l’aide d’un modèle composé de
trois équations 158 :

155
Pour des prévisions sur la stabilité financière, nous avons pris en compte le niveau de l’IASF.
156
Les modèles GARCH sont utilisés pour analyser la volatilité des prix des actions et, plus souvent, pour
mesurer la volatilité face à différents chocs (des informations publiques, par exemple).
157
Le choix du nombre d’itérations dépend du nombre et de la fréquence des observations. Pour les données
trimestrielles, 10.000 itérations sont considérées comme suffisantes, mais pour augmenter la précision du calcul
nous avons choisi 50.000 itérations.
158
Le modèle peut être utilisé seulement si on connaît toutes les valeurs futures des variables endogènes ou si on
peut les déterminer à l’aide d’autres variables du système d’équations. Nous avons éliminé du modèle la variable

375
iasft = c + α*iasft-1+ β*∆cdpibt-1 + δ*∆tcpib t + γ*∆robor3 t + λ*∆bett + εt (1)
cdpibt = cdpibt-1 + εt (2)
bett = bett-1 + tcpibhpt + εt (3)

Même si dans la littérature qui porte sur des prévisions financières, la méthode du
vecteur autorégressif est utilisée avec prépondérance (elle présente l’avantage de ne pas faire
appel à des estimations des variables exogènes), nous considérons qu’elle est insuffisante
lorsqu’on utilise plusieurs variables explicatives ou lorsque l’on veut réaliser des prévisions
sur plusieurs périodes. La méthode de la simulation stochastique peut représenter une
alternative dans ce cas159. Cette méthode repose sur un échantillonnage aléatoire et répété,
généralement connu sur le nom de simulation Monte-Carlo.
Contrairement aux simulations déterministes où les données entrant dans le
modèle sont fixées et permettent de calculer une seule trajectoire, dans le cas
d’environnement stochastique, l’incertitude est incorporée dans le modèle, en ajoutant un
élément aléatoire aux coefficients. Une série temporelle est créée pour chaque variable
endogène qui est calculée de manière répétitive avec différents tirages des composantes
stochastiques du modèle.
En outre, pour les modèles qui utilisent des variables endogènes retardées (notre
cas), ces variables peuvent faire référence à des données historiques actuelles, une prévision
statique, ou à des données calculées dans ce sens à la période antérieure, une prévision
dynamique. La solution statique ne peut pas être utilisée pour estimer plus d’une observation
future (one step ahead). Par contre, l’approche dynamique permet d’effectuer des prévisions
sur plusieurs périodes (a multi-step forecast).
Nous ne nous sommes pas restreint aux données fournies par la Commission
Européenne (le scénario de base) et nous construisons deux scénarios supplémentaires, un
scénario pessimiste où nous utilisons les données de la BERD pour le PIB et de ING pour le
taux d’intérêt, et un scénario optimiste avec les données fournies par le FMI en octobre 2008
(World Economic Outlook Database). Toutes ces données prévisionnelles sont
trimestrialisées par interpolation linéaire. Les résultats du modèle sont présentés dans la
Figure 64, qui présente les différents trajets de l’IASF jusqu’à la fin 2010, avec les trois
scénarios considérés : de base, optimiste et pessimiste.

« dépôts en devises / PIB » car son coefficient n’est pas significatif. De même, la constante des deux dernières
équations n’est pas significative.
159
Un modèle de simulation stochastique a été utilisé par Hostland et Karam (2006) pour évaluer la soutenabilité
de la dette publique ou par Rouabah (2008) pour estimer la vulnérabilité du secteur bancaire en Luxembourg.

376
Figure 64 : Les prévisions sur l’évolution de l’IASF

0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2
19 01

19 04

19 03

19 02

19 01

20 04

20 03

20 02

20 01

20 04

20 03

20 02

20 01

20 04

20 03

20 02

20 01

20 04

20 03

2
q0
q

q
96

96

97

98

99

99

00

01

02

02

03

04

05

05

06

07

08

08

09

10
19

IASF standard IASFp_optimist IASFp_de base IASFp_pessimist

Source : graphique construit à partir des résultats du modèle économétrique

Deux conclusions peuvent être tirées. Premièrement, le modèle de prévision est


assez précis parce que les données prévisionnelles reflètent l’évolution de l’IASF (la
simulation stochastique dynamique permet d’obtenir des données prévisionnelles à partir de
premières valeurs de la série). Vers la fin 2007 et le début 2008, les données prévisionnelles
ne reproduisent plus la réalité avec la même fidélité puisque, paradoxalement lors du
déclenchement de la crise, le taux de croissance en Roumanie est resté élevé. Pour 2009, une
réduction substantielle du taux de croissance du PIB est anticipée160.
Deuxièmement, nous observons une baisse significative de l’indice agrégé
jusqu’au troisième trimestre 2009. Le niveau de stabilité de cette année devrait retrouver celui
de 2000, année où le système financier roumain entamait son processus de réforme et de
consolidation. Cette observation met en évidence la sévérité de la crise actuelle. En
conformité avec le scénario pessimiste, l’IASF se retourne seulement à partir de 2010, tous les
scénarios indiquant une amélioration de la stabilité vers la fin de la période analysée. Les
résultats sont influencés par les prévisions des institutions financières internationales
concernant le niveau du PIB et la baisse du taux d’intérêt qui relancera l’activité de crédit. Le
climat économique général s’améliorera lui aussi en 2010 parce que la majorité des
observateurs anticipent que la crise devrait s’estomper fin 2009.

160
Nous n’avons pas pris en compte dans le scénario pessimiste les prévisions des agences de notation qui
prévoyaient une récession économique en Roumanie en 2009, parce que nous considérons que ces prévisions ne
reposaient pas sur des calculs économiques précis, étant plutôt le résultat de l’intuition de certains spécialistes.
C’est pourquoi, dans le cas du PIB, le scénario pessimiste indique une taux de croissance de 3% pour l’année
2009, assez réduit en comparaison avec le taux de presque 8% enregistré en 2008. Il faut mentionner toutefois
que le climat économique s’est détérioré début de 2009 et les scénarios que nous avons choisis peuvent être
considérés comme optimistes.

377
Conclusion du chapitre

L’analyse de la stabilité du secteur financier ne peut pas se prétendre un exercice


complet si elle ne tente pas une évaluation quantitative le phénomène. Dans ce chapitre qui
présente des techniques quantitatives d’évaluation de la stabilité, nous nous sommes proposé
de souligner leurs limites et leur complémentarité. Il n’y a pas de méthodes qui font
l’unanimité.
Parce que la quantification de la stabilité financière systémique suppose la prise en
compte d’un grand nombre de facteurs de risque, nous ne pouvons pas espérer qu’un seul
modèle puisse intégrer tous ces facteurs et toutes les dimensions du problème. Les indicateurs
macro prudentiels et macroéconomiques sont généralement retenus dans les analyses plus
complexes, comme les stress-tests ou les systèmes d’alerte précoce, méthodes qui comportent
des limites (voir Jones et al., 2004 et Boss et al., 2004). Par conséquent, le calcul d’un indice
agrégé de stabilité représente une méthode alternative, simple et claire, pour évaluer la
stabilité. De plus, la construction d’un IASF est une méthode d’analyse dynamique qui permet
des comparaisons de stabilité sur différentes périodes et pour différents systèmes financiers.
En revanche, l’indice agrégé n’offre pas beaucoup d’informations sur la capacité
du système à répondre aux facteurs de stress. Les tests de résistance peuvent constituer des
méthodes complémentaires en ce sens, de même que les EWS qui fournissent des
informations sur la probabilité d’apparition d’une crise, informations qui ne sont pas fournies
par les autres techniques. Une autre méthode complémentaire est l’analyse discriminante qui
permet de classer des institutions en fonction de leur profil de risque.
L’indice agrégé de stabilité ne doit être pas absent de la panoplie des indicateurs et
des méthodes utilisés par les autorités pour évaluer la stabilité systémique. Sa construction
ressemble à celle de l’indice des prix à la consommation. Si ce dernier évalue la stabilité des
prix, l’IASF évalue la stabilité financière.
Cette technique qui se caractérise par sa simplicité, n’est pas arbitraire. Elle
comporte plusieurs étapes dont : le choix des indicateurs individuels, une méthode de
normalisation de ces indicateurs et une méthode d’agrégation. Le choix des indicateurs
dépend des caractéristiques du système, mais aussi malheureusement de la disponibilité des
données.

378
Le calcul de la contribution des indicateurs individuels à la volatilité de l’IASF
permet d’identifier les variables qui émettent des signaux sur l’apparition d’une crise, comme
dans le cas des EWS. La validation économétrique de la relation entre l’indice agrégé et
quelques indicateurs macroéconomiques, ainsi que la construction des scénarios pour des
prévisions, est semblable à la méthode des stress-tests.
L’IASF du secteur financier roumain intègre des variables qui caractérisent le
niveau de développement et la vulnérabilité du système financier, ainsi que des indicateurs
qui reflètent la solidité des banques. Des indicateurs qui traduisent le climat économique
mondial, ont aussi été introduits dans l’analyse. La dynamique de l’IASF montre une
amélioration de la stabilité à partir de 1999 et met en évidence les périodes de turbulences
financières sévères, telles que le déclenchement de la crise financière actuelle.
La validation économétrique de l’indice agrégé montre que le choix des
indicateurs individuels de stabilité est correct et permet en même temps d’effectuer des
prévisions sur l’évolution future de l’indice. La stabilité du système s’est détériorée à partir de
2008 et, compte tenu des prévisions relatives à ses déterminants, la détérioration de la stabilité
devrait continuer jusqu’au deuxième semestre 2009. A partir de 2010, dans un contexte de
relance de l’activité économique, l’indice agrégé devrait repartir à la hausse.
La construction de l’IASF permet, en parallèle à l’évaluation dynamique de la
stabilité et de l’identification des périodes des crises, une analyse comparative entre deux ou
plusieurs systèmes financiers, du point de vue de leur stabilité. Dans le dernier chapitre de la
thèse, nous procédons à un tel exercice comparatif, pour déterminer le niveau de stabilité
souhaitable pour que le système financier roumain adhère à la zone euro.

379
VI. Les implications de l’adoption de l’EURO sur la
stabilité financière de la Roumanie

Ce dernier chapitre a pour objet de proposer une réponse à deux questions qui
portent sur la stabilité financière de la Roumanie et sur l’adoption de la monnaie unique.
Une première question fait référence à l’opportunité d’évaluer la stabilité du
système financier roumain dans la perspective de l’adoption de l’euro. La deuxième question
est liée aux implications que l’adoption de l’euro aura sur la stabilité financière.
Les réponses à la première question sont fondées sur une étude comparée entre la
stabilité financière en Roumanie et la stabilité financière dans d’autres pays est-européens qui
ont adopté la monnaie unique ou qui sont en cours d’adhésion à la zone euro. Les réponses à
la deuxième question reposent sur une analyse des avantages et des inconvénients de
l’adoption de la monnaie unique européenne du point de vue de la stabilité financière.
Dans le contexte de la crise internationale actuelle, il s’est avéré que l’adoption de
la monnaie unique a contribué au maintien de la stabilité financière. En revanche, les
monnaies des états qui n’ont pas encore adhéré à l’euro, ont fait dernièrement l’objet des
attaques spéculatives intenses.
Dans la première section, nous procédons à une courte présentation des pays
retenus dans l’analyse et ensuite nous menons une analyse comparée en termes d’indice
agrégé de stabilité. Dans la deuxième section, nous présentons, les avantages de l’adhésion à
la zone euro, mais aussi les risques potentiels associés à la perte de l’autonomie de la
politique monétaire ou à une convergence économique et financière en retard sur les Etats qui
ont déjà adopté la monnaie unique.

6.1. Le secteur financier est-il assez stable pour adopter la


monnaie unique ? Comparaison avec d’autres pays est-européens

Dans le chapitre précédent, nous avons montré qu’une des méthodes quantitatives
d’analyse de la stabilité financière consiste à construire un indice agrégé de stabilité
financière. Cette méthode est retenue de nouveau dans cette section pour évaluer la stabilité

380
financière de quelques pays de l’Europe de l’Est (la Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, la
Roumanie, la Slovénie et la Slovaquie) qui ont récemment adopté ou qui sont sur le point
d’adopter la monnaie unique

6.1.1. Courte présentation de la situation économique et financière


des pays est-européens

La situation économique et financière des pays analysés est semblable avec celle
de la Roumanie, même s’il y a des différences en termes de développement et des
particularités en ce qui concerne la structure de leurs systèmes financiers. Tous ces pays sont
localisés dans l’Europe Centrale et de l’Est : deux pays sont devenus membres de la zone euro
(la Slovénie en 2007 et la Slovaquie en 2009), un autre (l’Estonie) participe au MTC II, la
Hongrie a annoncé sa participation au MTC II même avant l’adhésion à l’UE, en fixant
unilatéralement une bande de fluctuation de la monnaie de + 15% par rapport à l’euro, mais
n’a jamais fait le pas, et les deux derniers pays, la Bulgarie et la Roumanie, ont adhéré à
l’Union en 2007, présentant un retard plus prononcé par rapport aux pays de la zone euro.
Cet échantillon nous donne la possibilité d’obtenir des informations sur le degré de
préparation de la Roumanie pour adhérer à la zone euro ainsi que sur l’impact de
l’introduction de la monnaie unique en termes de stabilité financière. La présentation de la
situation économique et financière s’appuie sur le Rapport de convergence de la BCE pour
2008161 (BCE, 2008a), ainsi qu’une étude de la BCE sur la structure des systèmes bancaires
des pays européens (BCE, 2008b). Cette présentation commence avec les pays qui ont adopté
la monnaie unique et finit avec la présentation des pays, notamment la Bulgarie et la
Roumanie, pour lesquels des efforts significatifs restent encore à accomplir avant leur
adhésion.

A) Slovénie

Le taux moyen d’inflation, sur une base annuelle, mesuré par l’IPCH s’est établi à
1,8% en 2008, en baisse par rapport à 2007. Cette performance réduit traduit un certain
nombre de choix importants de la part des autorités slovènes, plus particulièrement
l’introduction en 2001 d’un nouveau cadre de politique monétaire avec pour objectif principal

161
Pour la Slovénie on a consulté aussi le rapport de mai 2006 (BCE, 2006b), actualisé avec des données
présentées par la Banque de Slovénie dans son rapport annuel de 2008 (Banque de Slovénie, 2008).

381
la stabilité des prix et l’entrée dans le MCE II en juin 2004 (Banque de Slovénie, 2009). Mais,
une fois les conditions de l’économie globale détériorées, l’économie a enregistré une forte
contraction économique en 2008, après une année 2007 caractérisée par un taux de croissance
de 6,1% (Banque de Slovénie, 2008). Selon les données Eurostat, le taux de croissance pour
2008 a été de 3,5%.
En 2008, la Slovénie a enregistré un excédent budgétaire de 0,2 % du PIB. Le ratio
de dette publique par rapport au PIB s’est situé autour de 22 % du PIB, c’est-à-dire largement
en dessous de la valeur de référence de 60 %, stipulée par le Pacte de Stabilité et de
Croissance. Le déficit du compte courant en 2008 a été de 5,7 % rapporté au PIB. Les taux
d’intérêt à long terme quant lui se situaient à un niveau bien inférieur à la valeur moyenne
enregistrée par les pays européens. Les taux d’intérêt à long terme en Slovénie se sont
régulièrement rapprochés des rendements obligataires moyens dans la zone euro, reflétant en
particulier la confiance dans la politique monétaire et de change menée par la banque centrale
de Slovénie (dont le statut est compatible avec celui de l’Eurosystème).
Le nombre de banques commerciales du système a diminué en 2003 avec 20
institutions, pour remonter en 2007 à 27 institutions. Les actifs bancaires ont progressé de
26% en 2007. En ce qui concerne la structure des crédits aux ménages, environ 65%
représentent des crédits à la consommation, crédits qui ont connu une croissance de 19% en
2007. Quant aux prêts hypothécaires, ils ont enregistré une croissance de 23% en 2007. Le
degré d’intermédiation financière en Slovénie est comparable à celui enregistré dans les pays
de l’Europe de l’Ouest.
En ce qui concerne le parcours pour adopter la monnaie unique, il faut mentionner
que le tolar slovène a participé au MCE II de juin 2004 à décembre 2006, soit une période
supérieure au délai de deux ans précédant l’examen par la BCE. Le régime de change en place
avant l’entrée dans le MTC II était fondé sur un flottement contrôlé. La Slovénie a adhéré à la
zone euro le 1er janvier 2007.

B) Slovaquie

En 2008, la Slovaquie a enregistré un taux moyen d’inflation sur douze mois


mesuré par l’IPCH de 3,5%. La Slovaquie a fait en 2007 l’objet d’une décision du Conseil de
1’UE concernant l’existence d’un déficit excessif. En 2007, la Slovaquie a enregistré un
déficit budgétaire à hauteur de 2,2 % du PIB, déficit qui est arrivé à 0,9% du PIB en 2008. Le

382
ratio de dette publique par rapport au PIB a diminué pour s’inscrire à 27,4% en 2008, soit un
niveau nettement inférieur à la valeur de référence de 60 %.
Après avoir culminé à 8,5% du PIB en 2005, le déficit du compte courant a
diminué, revenant à 4,7 % du PIB en 2007. Les entrées nettes au titre des investissements
directs, ont été souvent supérieures à 5% du PIB et ont presque totalement couvert le déficit
cumulé du compte des transactions courantes et du compte de capital. Le taux de croissance
enregistré en Slovaquie a été de 6,5%, largement supérieur à la moyenne de la zone euro. Le
taux d’intérêt s’est situé autour de la valeur de 3,5% en 2008.
Le système bancaire de la Slovaquie était formé en 2006 de 24 banques. En 2007,
il y a avait 26 banques. Le degré de concentration est similaire aux autres systèmes bancaires
analysés, les trois les plus grandes banques contrôlent environ 50% du marché. Les actifs
bancaires ont connu une croissance de 16% en 2007. Concernant la structure des crédits, les
prêts à la consommation représentent 41%. Les prêts à la consommation ont connu une
croissance de 18% en 2007, tandis que les prêts hypothécaires ont enregistré une croissance
de 30%.
La durée de participation de la couronne slovaque au MCE II a été supérieure au
délai de deux ans imposé. Le cours pivot de la monnaie slovaque dans le MCE II a été tout
d’abord fixé à SKK 38,4550 pour EUR 1, avec une marge de fluctuation standard de ±15 %.
La couronne a été relativement volatile par rapport à l’euro au cours de la période de
référence et a enregistré une appréciation progressive. Le 1er janvier 2009, la Slovaquie a
adopté l’euro comme monnaie officielle.

C) Estonie

En 2008, l’Estonie a enregistré un taux moyen d’inflation sur douze mois mesuré
par l’IPCH de 7,5 %. L’Estonie n’a pas fait l’objet de décision du Conseil de 1’UE concernant
l’existence d’un déficit excessif. En 2007, le pays a enregistré un excédent budgétaire de 2,8
% du PIB tandis qu’en 2008, le solde budgétaire est devenu négatif, soit -2,7% du PIB. Le
ratio de dette publique par rapport au PIB est revenu à 3,4 % en 2007 et devrait se maintenir à
ce niveau en 2008, restant ainsi très nettement inférieur à la valeur de référence de 60 %.
Quant aux évolutions externes, depuis 1998, l’Estonie affiche constamment des
déficits élevés ou très élevés du solde cumulé du compte des transactions courantes et du
compte de capital, atteignant 15,8 % du PIB en 2007.

383
En Estonie, le système bancaire est complètement privatisé (dès 2000) et est
largement contrôlé par des investisseurs étrangers (98% des actifs bancaires et 87% du
capital). A présent, il y a 15 banques commerciales, mais le secteur est contrôlé par six
groupes bancaires nordiques. Le système bancaire estonien est caractérisé par un degré très
élevé de concentration (les trois premières banques contrôlent environ 90% du marché). Les
actifs financiers des banques représentent 127% du PIB et ont enregistré en 2007 une
croissance de 33%. Les prêts à la consommation représentent 61% du total des crédits aux
particuliers et a enregistré une expansion de 48% en 2007.
La durée de participation de la couronne estonienne au MCE II est supérieure au
délai de deux ans précédant l’examen de la convergence par la BCE. L’Estonie a rejoint le
mécanisme de change européen en maintenant son dispositif existant de caisse d’émission,
sous la forme d’un engagement unilatéral, n’imposant ainsi à la BCE aucune obligation
supplémentaire. Au cours de la période de référence de deux ans, du 19 avril 2006 au 18 avril
2008, la couronne est restée stable à son cours pivot de EEK 15,6466 pour EUR 1 (Banque
d’Estonie, 2008). L’Estonie ne fait pas encore partie de la zone euro.

D) La Hongrie

La Hongrie a enregistré un taux moyen d’inflation sur douze mois mesuré par
l’IPCH de 3,5%. Ce pays a fait l’objet d’une décision du Conseil de 1’UE concernant
l’existence d’un déficit excessif. Au cours de l’année de référence 2007, le déficit budgétaire
de ce pays a atteint 5,5% du PIB, niveau très supérieur à la valeur de référence de 3%. Selon
les données d’Eurostat pour 2008, la Hongrie a enregistré un excèdent de 0,8 % (le solde
primaire) et a donc amélioré sa situation des finances publiques. Le ratio de dette publique
s’est établi à 73,0 % du PIB en 2008, restant ainsi supérieur à la valeur de référence de 60 %.
Les taux d’intérêt à long terme sont ressortis à 11,1 % en moyenne sur 2008, soit
un niveau supérieur à la valeur de référence retenue pour le critère de taux d’intérêt. En ce qui
concerne les évolutions externes, la Hongrie a présenté constamment d’importants déficits du
solde cumulé du compte de transactions courantes et du compte de capital. Après avoir atteint
8,1 % du PIB en 2004, le déficit est progressivement revenu à 3,9 % du PIB en 2007, niveau
le plus bas depuis dix ans.
Le secteur bancaire est plus développé que ceux des pays voisins. En 2007, 206
institutions de crédits exercent leurs activités en Hongrie. L’actif total du secteur bancaire a

384
augmenté de 16% tandis que le crédit à la consommation a connu une forte croissance de 50%
en 2007.
Le forint hongrois n’a pas participé au MCE II. Avant la mise en place d’un
régime de change flexible, le 26 février 2008, le forint se négociait au sein d’une marge de
fluctuation définie unilatéralement de ±15 % autour d’un cours pivot.

E) La Bulgarie

La Bulgarie a enregistré en 2008 un taux moyen d’inflation de 7,2%, soit un


niveau largement supérieur à la valeur de référence définie par le Traité, et un taux de
croissance économique de 6,1%. La Bulgarie présente une bonne situation des finances
publiques. Au cours de l’année de référence 2007, ce pays a enregistré un excédent budgétaire
de 3,4% du PIB, excèdent qui est descendu à 2,4% en 2008. Le ratio de dette publique par
rapport au PIB a été de 18,2% en 2007 et a diminué en 2008 pour s’inscrire à 14,1%, restant
ainsi très nettement inférieur à la valeur de référence de 60%. En ce qui concerne les
évolutions externes, le déficit du solde cumulé du compte des transactions courantes et du
compte de capital de la balance des paiements s’est progressivement creusé, passant de 2,4%
du PIB en 2002 à 20,3% en 2007.
Le secteur bancaire en Bulgarie est dominé par des institutions de crédits étrangers
qui contrôlent plus des 82% des actifs. Les actifs bancaires ont augmenté de 33,6% en 2008.
Les cinq les plus grandes banques du système contrôlaient 57,8% du marché (Banque de
Bulgarie, 2008).
Sur la période allant de l’adhésion à l’UE, le 1er janvier 2007, jusqu’à présent, le
lev bulgare n’a pas participé au MCE II. En revanche, il est rattaché à l’euro dans le cadre
d’un dispositif de caisse d’émission.

F) La Roumanie

La situation économique et financière de la Roumanie a été largement présentée


dans les chapitres précédents de la thèse. Il faut mentionner que la Roumanie a enregistré le
plus élevé taux de croissance économique parmi les pays analysés en 2008, soit 7,4%. Même
si la Roumanie n’a pas fait l’objet de décision du Conseil de 1’UE concernant l’existence
d’un déficit excessif, en 2008, le solde primaire s’est situé au niveau de -4,7% du PIB, ce qui
représente un élément d’inquiétude. Le ratio de dette publique par rapport au PIB s’est établi à

385
13,0% en 2007 et à 13,6% en 2008, c’est-à-dire bien au-dessous de la valeur de référence de
60%. La participation au MTC II est prévue pour 2012.
Après cette courte présentation de la situation économique et financière des pays
analysés, nous allons mener une analyse comparative en termes d’indice agrégé de stabilité.
Cette analyse doit nous renseigner sur le niveau de préparation (en termes de stabilité
financière) de la Roumanie pour adhérer à la zone euro.

6.1.2. Le choix des indicateurs individuels et des méthodes de


normalisation

La plupart des indicateurs individuels de stabilité utilisés dans le chapitre


précédent pour apprécier la stabilité du secteur financier de Roumanie sont de nouveau repris
pour mener notre comparaison. Toutefois, une modification importante est l’élimination des
indicateurs qui reflètent le climat économique mondial de la structure de l’indicateur agrégé
parce qu’ils sont des indicateurs généraux, valables pour tous les pays, et les résultats de
l’analyse n’en seraient pas affectés. Une autre différence réside dans le remplacement de
l’indicateur « crédit gouvernemental en lei / PIB » par un autre indicateur – « crédit total /
PIB », du fait du manque des données sur le crédit non gouvernemental, ainsi que dans
l’élimination de l’indicateur « crédit gouvernemental / crédit total » de l’analyse. La dernière
modification porte sur le remplacement du « taux général de risque », indicateur calculé par la
BNR, par « l’indicateur de liquidité » (actifs liquides / actifs totaux), indicateur calculé par le
FMI dans ses rapports de pays, sur une base annuelle162.
Comme méthode de normalisation, nous utilisons cette fois-ci, de manière
prépondérante, la méthode mathématique. Le benchmark est représenté par des indicateurs
relatifs à la zone euro. De cette manière, les indices agrégés de stabilité permettent d’effectuer
une comparaison, du point de vue de la stabilité financière, entre les états de la zone euro et
les pays qui y ont récemment adhéré ou qui sont en cours d’adhésion à l’UEM. La
normalisation des indicateurs est réalisée ainsi :

Iijtn = IF(Iijt>IiZEt; 1; Iijt / IiZEt) (1)

162
L’indicateur de liquidité offre des informations importantes sur la stabilité d’un système financier. Plus la
liquidité des institutions bancaires s’avère bonne, plus leur capacité à faire face à la pénurie de liquidités sur le
marché s’accroît.

386
où : Iijt représente la valeur de l’indicateur i du pays j à l’instant t, IiZEt est la valeur de
l’indicateur i relatif à la zone euro à l’instant t, et Iijtn est la valeur normalisée de l’indicateur.
Cette méthode permet de normaliser chaque indicateur relatif aux pays considérés,
en fonction de la valeur enregistrée à la même année pour l’indicateur correspondant de la
zone euro. Les valeurs normalisées se situent dans l’intervalle (0;1].
Nous utilisons la méthode empirique comme méthode de normalisation lorsque les
données relatives à la zone euro ne sont pas disponibles.

I ijt − Min( I ij )
I ijt n = (2)
Max( I ij ) − Min( I ij )

où : Iijt représente l’indicateur i du pays j à l’instant t, Min(Iij) et Max(Iij) représente


respectivement la valeur minimale et la valeur maximale enregistrées par l’indicateur i du
pays j sur la période analysée (1998-2008) et Iijtn est l’indicateur normalisé.

Tableau 28 : Les méthodes de normalisation des indicateurs individuels


Indicateurs Normalisation
Crédit total / PIB mathématique
Marge bancaire empirique Indice de Développement
Capitalisation boursière / PIB mathématique Financier (IDF)
Reforme bancaire et la libéral. du taux d’intérêt163 mathématique
Taux d’intérêt mathématique
Déficit budgétaire / PIB (%) empirique
Déficit de compte courent / PIB (%) empirique
164 Indice de Vulnérabilité
Appréciation ou dépréciation de REER mathématique
Financière (IVF)
(Réserves / Dépôts) / (Numéraire / M2) empirique
Crédit / Dépôts mathématique
Variation des dépôts / Variation M2 mathématique
Créances douteuses / Crédits totaux empirique
Capital propre / Actifs totaux empirique
Indice de Solidité
Indicateur de solvabilité empirique
Financière (ISF)
ROA empirique
Indicateur de liquidité empirique
Source : l’auteur

163
La libéralisation des taux d’intérêt signifie essentiellement qu’ils sont librement fixés par les banques. Mais,
selon la définition de le BERD, il s’agit aussi d’une activité de crédit bien développée et d’une présence
significative des banques privées.
164
Le taux de change effectif réel représente une mesure du changement de la compétitivité d’un pays, en tenant
compte des modifications des coûts et des prix par rapport à d’autres pays (ici, 41 partenaires commerciaux).

387
La méthode empirique ne prend pas en compte les indicateurs relatifs à la zone
euro, mais elle retient la plus faible et la plus forte valeurs enregistrées par l’indicateur
correspondant sur l’ensemble de la période dans l’ensemble des pays analysés. Les
indicateurs normalisés prennent des valeurs dans l’intervalle [0;1]. Cette méthode est utilisée
surtout pour normaliser les indicateurs de solidité financière (voir le Tableau 28)165.

6.1.3. La construction et l’analyse des indices agrégés de stabilité

L’IASF relatif à chaque pays est calculé comme une moyenne arithmétique des
données disponibles pour les 16 indicateurs individuels normalisés :

∑I
i =1
ij
IASF = (3)
16

Les trois indices composites qui entrent dans la structure de l’indice agrégé de
stabilité calculé pour chaque pays sont : l’indice de développement financier, l’indice de
vulnérabilité financière et l’indice de solidité financière. On a donc :

3 4 7 5

∑I
i =1
ij = ∑ I dj + ∑ I vj + ∑ I sj
j =1 j =1 j =1
(4)

et on obtient :
__ __ __
4 I dj 7 I vj 5 I sj
IASF = + + (5)
16 16 16

où : Iij sont les indices composites (Idj – l’indice de développement IDF ; Ivj – de vulnérabilité
IVF et Isj – l’indice de solidité ISF).
L’évolution de l’indice agrégé de stabilité de chaque pays est présentée Figure 65.
Quelques conclusions peuvent être tirées de l’évolution de différents indices
agrégés de stabilité financière. D’abord, une amélioration de la stabilité financière peut être
constatée sur la période analysée et dans tous les pays. Ensuite, une plus forte convergence
peut être observée, à l’exception des dernières années (2007 et 2008). Cela signifie que la
stabilité financière des systèmes analysés a été différemment affectée par la crise financière.
A l’exception de la Hongrie et de la Slovénie, tous les pays ont connu une baisse de l’indice

165
Les valeurs normalisées des indicateurs, par pays, sont présentées dans l’Annexe 9.

388
agrégé de stabilité en 2008166. Les pays qui ont adhéré à la zone euro, la Slovénie en 2007 et
la Slovaquie en 2009, présentent un niveau plus élevé de stabilité financière, tandis que les
pays qui ont adhéré à l’UE seulement en 2007 (la Roumanie et la Bulgarie), présentent un
IASF plus faible. La plus importante détérioration du niveau de stabilité a été enregistrée par
la Roumanie et par la Bulgarie (une baisse de l’indice d’environ 8% par rapport à l’année
précédente). La diminution de l’IASF en Roumanie a recommencé en 2005, en particulier
sous l’effet de la dégradation des indicateurs de solidité financière167.

Figure 65 : L’évolution de l’IASF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est

0,750

0,700
0,650

0,600

0,550

0,500

0,450

0,400
0,350

0,300
98

99

00

01

02

03

04

05

06

07

08
19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20
IASF_BU IASF_ES IASF_HU IASF_RO IASF_SL IASF_SK

Source : Calculs de l’auteur

Cependant, pour une analyse comparée plus détaillée, il est nécessaire d’observer
l’évolution des indices composites. Ainsi, l’évolution des indices de développement financier
est présentée Figure 66.
La Roumanie et la Bulgarie disposent d’un secteur financier moins développé que
ceux des autres pays est-européens, mais les écarts se sont considérablement réduits en 2007.
Le secteur financier estonien est le plus développé, s’approchant de la moyenne de l’Union.
L’évolution divergente en 2008 est largement influencée par l’activité de crédit et par la
capitalisation boursière.

166
La Hongrie enregistre une légère amélioration de sa stabilité financière sur cette année, mais le résultat est
considérablement influencé par la réduction du déficit budgétaire et du taux d’inflation. Bien que son indice
progresse, ce pays a demandé le soutien du FMI dans le contexte de la crise économique et financière.
167
Nous avons vu au chapitre précédent que la réduction de l’IASF de la Roumanie a débuté seulement en 2007.
Il faut mentionner que cet IASF-là, calculé de manière trimestrielle, prenait en considération seulement les
indicateurs relatifs à la Roumanie. L’indice annuel est obtenu par normalisation des indicateurs en fonction des
valeurs qui correspondent à la zone euro, ainsi qu’en fonction des valeurs enregistrées dans les autres pays.
Ainsi, une dégradation de l’indice annuel peut signifier une dégradation de la stabilité du système plus accentuée
que dans les pays de la zone euro.

389
Figure 66 : L’évolution de l’IDF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est
1,000
0,900
0,800
0,700
0,600
0,500
0,400
0,300
0,200
0,100
0,000
98

99

00

01

02

03

04

05

06

07

08
19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20
IDF_BU IDF_ES IDF_HU IDF_RO IDF_SL IDF_SK

Source : les calculs de l’auteur

Mais, une analyse très importante pour la stabilité est celle des indicateurs de
vulnérabilité financière. Nous avons vu au chapitre précédent que l’indice de vulnérabilité
offrait les signaux les plus importants concernant la détérioration de la stabilité du système
financier. La Figure 67 présente l’évolution des indices de vulnérabilité financière.

Figure 67 : L’évolution de l’IVF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est

1,000

0,900

0,800

0,700

0,600

0,500

0,400

0,300
98

99

00

01

02

03

04

05

06

07

08
19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

IVF_BU IVF_ES IVF_HU IVF_RO IVF_SL IVF_SK

Source : les calculs de l’auteur

Le graphique ci-dessus offre le même constat lorsqu’à partir de 2005, la


vulnérabilité des systèmes financiers des pays analysés s’accentue. Dans cette situation, nous
observons aussi une convergence des indices à l’exception de 2008 où, dans le contexte du
déclenchement de la crise économique, certains systèmes financiers sont devenus plus
vulnérables que d’autres. Si la situation macroéconomique et l’activité de crédit se sont
améliorées dans des pays comme la Slovénie et la Hongrie, il y a d’autres pays (la Roumanie,

390
la Bulgarie et la Slovaquie) dont les systèmes financiers sont devenus plus vulnérables face
aux chocs externes. La stabilité financière de ces derniers pays n’a pas été trop affectée grâce
à la solidité du secteur bancaire.
Le dernier indice composite (l’ISF) reste relativement stable sur la deuxième partie
de la période analysée, à l’exception de la dernière année. Si, dans les années 1998-2000, la
solidité des institutions bancaires de Roumanie et de Slovaquie était faible, après la réforme
du secteur, les indicateurs de la solidité financière ont connu des valeurs supérieures à ceux
des autres pays, au moins en Roumanie. En 2007, nous remarquons une convergence élevée
de ces indices, qui se dégradent toutefois du fait de la forte expansion du crédit et de la
concurrence de plus en plus élevée sur le marché bancaire des pays analysés.
Nous observons en même temps une baisse plus importante de l’indice de solidité
financière en Hongrie et en Slovénie. Pour la Slovénie, les résultats sont largement influencés
par la disponibilité des données (seulement les indicateurs de capitalisation et de profitabilité
sont disponibles). L’ISF présente le niveau le plus élevé de convergence parmi les indicateurs
composites analysés. Cela peut s’expliquer par le fait qu’un processus d’harmonisation des
régulations prudentielles a été enregistré au niveau européen.

Figure 68 : L’évolution de l’ISF dans les pays de l’Europe Centrale et de l’Est


1,000
0,900
0,800
0,700
0,600
0,500
0,400
0,300
0,200
0,100
0,000
98

99

00

01

02

03

04

05

06

07

08
19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

ISF_BU ISF_ES ISF_HU ISF_RO ISF_SL ISF_SK

Source : Calculs de l’auteur

En conclusion, il ressort que les pays qui font déjà partie de la zone euro,
présentent une stabilité financière plus élevée et une meilleure résistance face aux chocs. La
crise a affecté différemment les pays analysés168. Si dans les pays moins développés, comme

168
Même s’il paraît prématuré d’analyser l’impact de la crise sur la stabilité financière des pays de l’Europe
Centrale et Orientale, on peut obtenir quelques premières informations en regardant l’évolution de l’IASF en
2008.

391
la Roumanie et la Bulgarie, ce sont les indicateurs de vulnérabilité qui se sont surtout
détériorés, la Slovénie et la Hongrie ont fait des efforts pour réduire leurs déséquilibres
macroéconomiques. Dans ces pays, la situation des banques s’est détériorée.
La Roumanie n’est pas pour l’instant suffisamment préparée pour adhérer à la
zone euro, l’IASF enregistrant les valeurs les plus faibles par rapport aux autres pays
analysés. Même s’il a enregistré une évolution favorable, le secteur financier n’apparaît pas
suffisamment développé. De plus, la vulnérabilité financière du système a augmenté au cours
des dernières années sous l’effet d’une croissance exponentielle du crédit et du creusement du
déficit budgétaire et du compte courant. Seuls les indicateurs de solidité financière atteignent
des valeurs adéquates, malgré leur diminution observée dans cette situation.
Du point de vue de la stabilité financière, le système financier de la Roumanie sera
suffisamment prêt pour adhérer à la zone euro que lorsque les indicateurs de développement
financier se maintiendront, que les déséquilibres externes seront corrigés et qu’une reprise
soutenable du processus de crédit sera observée.

6.2. La Roumanie et la « zone euro » : implications sur la stabilité


financière

Dans cette dernière section, nous nous proposons d’analyser les implications que
l’adoption de la monnaie unique entraînera sur la stabilité financière de la Roumanie. Nous
analysons ainsi seulement les avantages et les inconvénients de l’adoption de l’euro en termes
de stabilité financière. L’objectif de cette section n’est pas d’estimer la date à laquelle la
Roumanie sera prête pour adopter l’euro, mais de mettre en évidence les conséquences de
l’adhésion à l’union monétaire sur la stabilité financière.
L’élimination du taux de change, l’accès accru à la liquidité du fait de sa
participation au système de paiements TARGET, la coordination des actions de surveillance
et de régulation prudentielle, ainsi que la gestion des crises se trouvent parmi les éléments de
stabilité qui résulteront de l’adoption de la monnaie unique. Néanmoins, la monnaie unique ne
répondra pas à tous les défis auxquels les économies des pays qui adhèrent à la zone euro
dans le contexte de la libéralisation financière doivent faire face. L’euro répond à une partie
de ces défis, mais il peut aussi engendrer de nouveaux. L’un des défis plus importants est la
perte d’autonomie de la politique monétaire. Plus le degré de convergence réelle et financière

392
entre le pays concerné et les autres pays de l’UEM est élevé, plus les avantages de l’adoption
de la monnaie unique sont évidents pour la stabilité.

6.2.1. Introduction de l’euro et la stabilité financière

L’impact de l’introduction de la monnaie unique sur la stabilité financière a été


intensément analysé au cours de ces dernières années et il en ressort que les bénéfices
semblent dominer les inconvénients. Artus (2003), Pawlowski (2006), Draghi (2008) et
Döhring et Temprano-Arroyo (2008) font partie de ceux qui ont alimenté le débat.
L’un des avantages de l’adhésion à l’UEM est l’élimination du risque du taux de
change. La perte de la politique du taux de change comme moyen utilisé pour réguler
l’économie semble être compensée par la réduction de ce risque, compte tenu du fait que la
majorité des transactions commerciales réalisées par les états membres ont lieu à l’intérieur de
l’UEM. De plus, dans le contexte où les marchés financiers des pays de l’UE sont devenus de
plus en plus interdépendants, l’importance des politiques de change pour régler les
déséquilibres économiques s’est réduite dans la mesure où les déterminants des taux de
change sont maintenant avant tout régionaux.
La monnaie unique augmente la confiance des investisseurs et élimine la
possibilité des attaques spéculatives locales. Les pays est-européens ont connu de telles
attaques sur leur propre monnaie, après le déclenchement de la crise économique à l’automne
2008. Mais, comme l’affirme Tomsik (2008), la qualité de membre de l’UEM n’équivaut pas
à un impact plus réduit de la crise. Dans ce contexte, les safety nets de la stabilité, la structure
du crédit, mais aussi une politique fiscale adéquate, sont essentielles. Malgré cela, il est
évident que l’UEM a augmenté la capacité des états membres à faire face aux chocs adverses.
Un élément crucial reste la crédibilité de la politique monétaire de la BCE.
La stabilité financière de la zone euro, par rapport aux États qui adopteront la
monnaie unique, est assurée par le fait que la BCE dispose de la crédibilité et de
l’indépendance nécessaires et que les politiques fiscales doivent respecter le Pacte de Stabilité
et de Croissance. En outre, l’assurance de liquidité sur les marchés et la diversification des
risques en sont facilitées.
Un autre argument qui renforce la relation entre la monnaie unique et la stabilité
financière est avancé par exemple par Maechler et al. (2005) pour qui l’euro favorise l’entrée
de grands groupes bancaires de l’Europe de l’Ouest sur les marchés est-européens, des

393
banques avec un profil de risque plus réduit jouissant d’une meilleure gouvernance et d’une
gestion plus sophistiquée des risques. Pourtant, les études empiriques ne mettent pas toujours
en évidence cette causalité (Smaghi, 2006). Dans le chapitre précédent où nous avons
construit un système CAAMPL pour le secteur bancaire roumain, les résultats montrent que
les succursales des banques étrangères ne se trouvent pas parmi les établissements les plus
solides du système.
D’autres arguments qui démontrent la contribution de la monnaie unique à la
stabilité, sont liés au risque pays et à la solvabilité externe qui sont analysés de manière
totalement différente à l’intérieur de la zone euro. Dans le cas de la Roumanie, par exemple,
nous avons observé que le déclenchement de la crise économique a coïncidé avec la révision
des notations des agences de rating liée à la capacité du gouvernement à honorer ses
engagements.
L’opinion quasi-unanime sur ce sujet est qu’un niveau élevé d’intégration
financière des états membres, renforcé par l’adhésion à la zone euro, contribue à la
consolidation de la capacité de réponse aux chocs et donc à la stabilité. Dans ce qui suit, nous
évoquons deux des principales implications de l’introduction de l’euro : la perte de
l’autonomie de la politique monétaire et l’assurance de la liquidité par la participation au
TARGET.

6.2.2. La perte de l’autonomie de la politique monétaire

La liaison entre politique monétaire et stabilité financière est étudiée dans le


troisième chapitre où nous avons défendu l’idée que ces deux objectifs des banques centrales
sont complémentaires. L’interaction entre stabilité des prix et stabilité financière s’est
dernièrement intensifiée, comme conséquence de profondes transformations des systèmes
financiers sous l’effet du puissant mouvement d’innovation technologique, de libéralisation et
de globalisation. Suite à la perte de l’autonomie de la politique monétaire, la banque centrale
nationale aura moins d’instruments disponibles pour assurer la stabilité financière. Une
politique monétaire unique, comme l’est celle dans la zone euro, ne répond pas de manière
optimale aux réalités économiques de tous les états membres.
Malgré cela, la confiance que la BCE donne aux marchés financiers est beaucoup
plus forte que celle offerte par les BCN. Même si une banque centrale nationale, comme par
exemple la BNR, prend de très bonnes décisions en période d’instabilité, le signal pourrait ne

394
pas être suffisamment fort par rapport à celui transmis par la BCE. La politique monétaire
unique facilite par ailleurs l’accès à la liquidité externe (Borio, 2005).
Un autre aspect porte sur le taux de change. La perte de cet instrument de
régulation de l’économie peut affecter négativement certains pays de la zone euro en cas de
chocs asymétriques. Les pressions sur le taux de change sont considérables du fait que les
pays qui adhéreront à l’UEM, présentent des déficits importants de compte courant (y compris
la Roumanie). L’introduction de l’euro se traduira par une baisse de la compétitivité qui ne
pourra pas être compensée par la dépréciation de la monnaie domestique. De l’autre côté,
comme nous l’avons déjà vu, la monnaie unique élimine le risque d’attaques spéculatives.
L’accomplissement des objectifs de la politique de régulation et de surveillance
prudentielle peut aussi être bouleversé. Le Comité Delors, en définissant le plan UEM, a
décidé après des débats intenses que le SEBC soit déchargée de la surveillance du secteur
financier. Le modèle choisi imite le modèle allemand qui reposait sur trois lignes de défense
(Prati et Schinasi, 1998) : (a) organisme indépendant de surveillance ; (b) assistance pour la
liquidité à court terme accordée par un consortium bancaire et (c) l’assurance dépôts.
Cependant, au niveau de l’UEM, il n’y a ni autorité unique de surveillance, ni consortium
bancaire susceptible d’assurer la liquidité en situation d’urgence. Il n’y a pas pratiquement de
prêteur en dernier ressort, réalité confirmée avec la crise financière actuelle, lorsque les
gouvernements des états membres et la Commission Européenne sont intervenus pour sauver
certaines institutions bancaires de la faillite. On est donc passé directement à la deuxième
étape de la fonction de PDR, celle où c’est le gouvernement qui intervient pour sauver les
établissements, notamment en les nationalisant.

6.2.3. La diminution du risque de liquidité par l’interconnexion


avec TARGET

Dans le cadre du marché unique, les BCN sont engagées dans un programme de
réduction du risque, commençant avec la mise en place d’un système de règlement brut en
temps réel et des facilités de paiement transfrontalières. La conjonction de ces objectifs s’est
produite au début 1999, avec la mise en œuvre du système TARGET et du mécanisme de
paiements de la BCE. Le système TARGET impose une garantie totale pour les ouvertures de
compte intraday des participants au système. Cette garantie permet l’élimination quasi-totale
du risque systémique (La Banque de France, 2002a).

395
Prati et Schinasi (2000) affirment que les deux objectifs principaux de TARGET
sont : (a) la création d’un système efficient de paiements transnationaux, qui intègre les
marchés monétaires et appuie l’implémentation de la politique monétaire unique et (b) la
protection des marchés et des institutions financières contre le risque systémique.
Pratiquement, par l’intermédiaire de TARGET, l’Eurosystème poursuit l’harmonisation des
services de paiements, la réduction des coûts liés aux transactions et l’introduction d’un tarif
unique facilitant les transactions entre les opérateurs.
En garantissant les liquidités, ce système est bénéfique à la stabilité financière.
L’assurance de liquidité est critique pour les transactions courantes et devient difficile en
période de crise, lorsque les participants au marché ferment les lignes de crédit ou/et
augmentent les exigences de marge pour se rémunérer du risque de contrepartie (BNR, 2008).
Le système TARGET ne permet jamais l’attribution de crédits à une institution
tant le débit de l’institution payante n’est pas effectué (Basno et Dardac, 2003). TARGET est
soutenu par les BCN par des facilités spécifiques : l’attribution des crédits intraday qui
généralement n’ont pas d’intérêt, et l’attribution de facilités de crédits overnight qui doivent
être intégralement couverts par des actifs financiers éligibles.
La liste des créances exigibles acceptées comme garantie (colateral) a été étendue,
ce qui montre que la BCE désire une forte liquidité pour TARGET. Certains spécialistes
pensent pourtant que trop de garanties annihilent la sécurité et rendent susceptible l’apparition
d’un risque systémique. Dans l’hypothèse où la Banque Centrale attribue des découverts
intraday aux participants (liquidité), elle peut les soumettre totalement ou partiellement au
processus de titrisation (les transformer en titres de créance). Lorsque l’une des contreparties
de la banque connaît des difficultés, la Banque Centrale perd seulement la partie de liquidité
qui n’est pas couverte169 (et, en conformité avec les règles de la BCE, cette partie est nulle).
TARGET 2 a procuré quelques améliorations au système européen de paiements.
Si TARGET s’est appuyé sur une structure décentralisée construite sur la base de plusieurs
systèmes, TARGET 2 fonctionne sur une plateforme unique partagée (BCE, 2009b). Ce
système a été lancé en novembre 2007 et les utilisateurs de TARGET 2 ont un accès uniforme
à toutes les informations disponibles online et aux mesures de contrôle de la liquidité. Le
processus d’intégration financière a aussi continué par le soutien des initiatives privées,
comme par exemple l’espace unique européen de paiements (SEPA), pour les transactions
transfrontalières en euro (BNR, 2008).

169
Ce raisonnement est développé par Jean Marc Figuet, dans « Le risque systémique dans les systèmes
interbancaires de paiement de gros montant », Revue d’Economie Politique, 109 (1), 1999.

396
Toutes les activités de surveillance de TARGET 2 sont conduites et coordonnées
par la BCE, qui agit en étroite coopération avec les BCN participantes. Ces dernières
procèdent à la surveillance des aspects locaux de TARGET 2 et contribuent à la surveillance
des aspects centralisés du système sur la base du volontariat (BCE, 2008b).
En conclusion, les rigueurs imposées par la participation à ce système (l’un des
plus grands systèmes de paiements, avec Fedwire aux Etats-Unis) et l’accès à la liquidité qu’il
offre, contribuent favorablement à la stabilité financière.

6.2.4. La convergence réelle et financière : conditions préalables


pour la stabilité financière

L’intégration monétaire représente plus que la simple adoption d’une monnaie


commune. Ce processus suppose aussi l’intégration des marchés financiers et un degré élevé
de stabilité macroéconomique. Ainsi, de nombreuses études montrent que l’adhésion à la zone
euro produit un impact positif sur la stabilité, surtout lorsqu’une forte convergence réelle et
financière existent.
Les critères de convergence nominale imposés par le Traité de Maastricht
(inflation, taux d’intérêt, déficit budgétaire, dette publique et participation au MTC II), ne
peuvent pas et ne doivent pas être les seuls critères à remplir par une économie pour assurer la
stabilité financière en cas d’adoption de la monnaie unique. La convergence réelle est au
moins aussi importante que la convergence nominale pour absorber des chocs en cas
d’adhésion à l’UEM.
De Nicolò et Tieman (2005) montrent, à l’aide d’un modèle économétrique, qu’un
degré élevé d’intégration réelle et financière contribue à la réduction des risques et donc à la
stabilité financière. Selon Döhring et Temprano-Arroyo (2008), « Par la stabilisation du taux
d’inflation, du taux d’intérêt et de la croissance économique, l’UEM a apporté sa
contribution au maintien de la stabilité ». De même, selon Draghi (2008), les défis de
l’actuelle crise financière nécessitent la poursuite du processus d’intégration et d’ouverture
des marchés.
Par conséquent, les problèmes qui peuvent apparaître après l’adhésion à la zone
euro, sont liés au manque de convergence réelle et au développement inadéquat des systèmes
financiers des pays candidats. La convergence réelle est caractérisée par des rythmes de
croissance économique au-dessus la moyenne de la zone euro (principalement pendant les

397
premières étapes du processus de rattrapage – catching-up), par la croissance du PIB par
habitant, par des entrées massives de capital et par une tendance à l’appréciation réelle de la
monnaie domestique. D’autres éléments spécifiques pour la convergence réelle sont le degré
d’ouverture de l’économie ainsi qu’une infrastructure adéquate pour attirer les investisseurs.
Si la conformité par rapport aux critères de Maastricht permet à un pays d’adhérer à la zone
euro, un haut niveau de convergence réelle contribue au prolongement du respect de ces
conditions pour une période aussi longue que possible après l’adhésion.
La convergence financière est à son tour très importante. La structure des systèmes
financiers de la zone euro doit être aussi homogène que possible pour faciliter le succès de la
politique monétaire unique et des régulations européennes. L’activité de crédit ou le rapport
entre les économies et les investissements sont d’autres éléments très importants aussi. La
pénétration de grands groupes bancaires de l’Europe de l’Ouest sur les marchés des pays
candidats à l’UEM a eu un rôle particulier dans l’assurance de la convergence financière, ces
institutions assurant le transfert du know-how et des pratiques de gestion du risque.
Mais, la convergence financière est principalement assurée par des régulations et
des actions communes en faveur de la stabilité et les autorités européennes y jouent un rôle
important. L’Eurosystème est très attentif à l’intégration financière en Europe dans la mesure
où un système financier bien intégré favorise une transmission rapide et efficace des
impulsions de politique monétaire dans la zone euro et a une incidence sur la mission de
l’Eurosystème consistant à préserver la stabilité financière (BCE, 2008a).
Après le déclenchement de la crise économique et financière, plusieurs mesures
ont été prises pour renforcer l’intégration financière. Le Comité de Bâle sur le contrôle
bancaire a effectué une analyse des pratiques nationales en termes de dispositifs de résolution
des crises bancaires et de gestion des crises transfrontières. Le FSF (Financial Stability
Forum) a défini, en parallèle, un ensemble de grands principes essentiels pour la gestion des
crises financières.
Sur la base de ces principes, en mai 2008, le Conseil Ecofin a actualisé sa feuille
de route de l’UE pour le renforcement des dispositifs en matière de stabilité financière,
adoptée en octobre 2007 (Ecofin, 2008). Conformément à cette feuille de route, le protocole
d’accord sur la stabilité financière transfrontière, conclu par les autorités de contrôle, les
ministères des Finances et les banques centrales de l’UE, est entré en vigueur le 1er juin 2008.
En tenant compte de ce protocole, le Conseil Ecofin a décidé, le 7 octobre, de relever à 50 000
euros, dans l’ensemble de l’UE, le seuil minimum de garantie des dépôts des particuliers
pendant au moins un an. Ensuite, un ensemble de principes communs a été défini et complété

398
par des orientations plus précises qui ont été adoptées, lors du sommet des pays de la zone
euro organisé à Paris, le 12 octobre. Ces principes ont déterminé, notamment, les
caractéristiques communes des interventions des États membres, parmi lesquelles les
garanties appliquées au financement et à la recapitalisation des banques.
S’agissant des mesures visant à soutenir les « banques solvables soumises à des
contraintes de liquidité », il a été convenu que des garanties publiques pourraient être fournies
aux nouvelles émissions de dettes senior à moyen terme des banques (pour des maturités
allant jusqu’à cinq ans). En ce qui concerne les mesures de recapitalisation, les États membres
ont décidé de mettre des fonds propres de base à la disposition des institutions financières
concernées, par exemple par l’acquisition d’actions de préférence.
Afin de renforcer la stabilité du système financier et de maintenir l’égalité des
conditions de concurrence, l’Eurosystème a formulé des recommandations relatives aux
garanties publiques sur la dette bancaire et à la valorisation des instruments de recapitalisation
des banques.
En ce qui concerne la régulation et la surveillance financière, les autorités
européennes ont adopté les conclusions du réexamen du cadre Lamfalussy relatif à la
réglementation et à la surveillance financières. Premièrement, les comités de Niveau 3170 ont
modifié leurs statuts de manière à introduire la possibilité de recourir au vote à la majorité
qualifiée. Deuxièmement, les comités de Niveau 3 ont renforcé leur responsabilité en
commençant à transmettre leurs programmes de travail annuels à la Commission européenne,
au Conseil de l’UE ainsi qu’au Parlement européen afin qu’ils puissent se prononcer sur les
principales priorités et formuler des avis sur la convergence et la coopération en matière de
surveillance. Troisièmement, les États membres ont été invités à introduire une dimension
européenne dans les mandats de leurs autorités nationales de surveillance.
Une autre mesure porte sur la révision de l’activité des agences de rating. Depuis
le début des turbulences sur les marchés de capitaux, les agences de notation ont été
largement critiquées pour les notations qu’elles avaient initialement attribuées aux produits
financiers structurés, perçues comme ne reflétant pas intégralement les risques relatifs à ces
titres. Après le rapport du FSF qui met en lumière certaines faiblesses des modèles de notation
et des méthodologies utilisées, la Commission Européenne a publié, le 31 juillet 2008, dans le
cadre d’une consultation, un projet de règlement relatif aux agences de notation. Tout
règlement de l’UE relatif aux agences de notation devait tendre à accroître le niveau de

170
Voir Tableau 8 (Chapitre II).

399
transparence entourant l’octroi des notations ainsi que le contrôle régulier de ces notations, à
veiller à ce que le cadre réglementaire n’interfère pas avec le contenu des notations, et à
préserver l’intégrité et l’indépendance des agences par la résolution des conflits d’intérêts.
En analysant les aspects présentés ci-dessus, il apparaît que la convergence
financière est très importante pour assurer la stabilité et que l’adhésion à la zone euro renforce
cette convergence. En même temps, la stabilité financière peut être influencée par la période
de participation au MTC II, obligatoire pour les pays qui se préparent pour l’adhésion à la
zone euro.
Toutes les études dans ce domaine montrent qu’immédiatement après l’adoption
de la monnaie unique (participation complète à l’UEM), on constate une réduction de
l’activité, suivie d’une période de croissance due aux effets bénéfiques de l’adoption de la
monnaie unique. On obtient ainsi une courbe en « J ». Du point de vue de la stabilité
financière, la période moins favorable (première partie du « J ») doit être aussi courte que
possible. C’est pourquoi la date d’adoption de la monnaie unique est essentielle. Les états
membres peuvent participer sur une période plus ou moins longue au mécanisme européen de
change (mécanisme qui suppose une volatilité de la monnaie de + 15% maximum par rapport
à un taux de change pivot, établi ex-ante).
Trois alternatives sur le moment d’adhérer à l’UEM sont envisageables :
• une adoption rapide de la monnaie unique, du type « big bang », qui peut
conduire à une première phase du « J » courte, suivie d’une reprise rapide ;
• une période plus longue d’acclimatation au sein du MTC II, dont l’objectif est
la stabilité du taux de change, à des pertes réduites mais aussi à une reprise lente ;
• une approche graduelle, où l’accent est mis premièrement sur la stabilité des
prix (par le ciblage de l’inflation), suivie par une courte transition dans le MTC II.
Même si la première alternative semble la plus favorable du point de vue de la
stabilité, il faut préciser que le niveau de développement, l’ampleur du secteur financier, ainsi
que le degré de convergence réelle et financière avec les pays de la zone euro représentent des
éléments à analyser lors du choix de la stratégie.
Begg (2005) étudie sur les coûts et les bénéfices de l’accession rapide à la zone
euro, dans une perspective de croissance économique réelle. A l’aide de la « courbe en J »
(utilisée pour évaluer les conséquences du changement du régime monétaire, réalignement
monétaire), il montre que l’adhésion précoce au MTC II, et ensuite l’adoption de la monnaie
unique, engendre un risque de volatilité macroéconomique élevée. Dans cette situation, un
haut niveau de convergence réelle s’impose. Une fois entré dans l’UEM, un pays doit

400
repenser son mixte de politiques macroéconomiques parce que l’UEM bouleverse les enjeux
des différents instruments de politique d’ajustement de l’économie. Une adhésion rapide peut
pourtant permettre aux états de bénéficier des avantages adjacents (une plus grande
transparence des prix, une réduction des coûts entraînés par le changement, un cadre
économique plus solide) et peut contribuer à la consolidation des réformes structurelles.
Néanmoins, il reconnaît que l’approche progressive, gérée de manière adéquate, semble être
plus avantageuse que l’adhésion précoce à la zone euro.
La Roumanie, pays à dérogation provisoire pour adopter la monnaie commune, ne
présente pas un degré élevé de convergence réelle et financière avec les pays de la zone euro,
bien que, ces dernières années, les aspects financiers se soient améliorés. Le niveau de
développement du système financier reste modeste ce qui ne recommande pas une adhésion
rapide à la zone euro. Dans le cas de la Roumanie, l’approche graduelle apparaît la plus
favorable à la stabilité.
Isărescu (2007), le Gouverneur de la BNR, présente « la voie vers l’euro » qui
suppose de franchir plusieurs étapes. Une première étape est une stabilisation
macroéconomique qui permette l’accomplissement d’un nombre aussi élevé que possible de
critères de convergence nominale, surtout du critère d’inflation qui s’est avéré jusqu’à présent
le plus difficile à remplir. Cette étape qui concerne la période 2007-2010, implique aussi le
développement du marché interne de capitaux à long terme et la convergence des taux
d’intérêt. Elle est suivie d’une stabilisation de l’évolution du leu sur le marché (dans le
contexte d’une convertibilité totale) et de l’identification du taux de change pivot.
La deuxième étape est la date d’entrée dans le MTC II, prévue pour 2012. Tous les
critères de convergence nominale doivent être atteints au cours de cette période et des progrès
significatifs dans le processus de convergence doivent être réalisés. La période de
participation au MTC II doit être réduite à la durée minimale obligatoire qui est de deux ans.
L’entrée dans la zone euro se produira à l’aube de 2014 et représente l’étape ultime du
processus.
La Roumanie a esquissé une stratégie d’adhésion à l’UEM qui risque pourtant de
ne pouvoir pas être mise en œuvre du fait de la crise financière actuelle. Pour l’instant, le seul
critère de convergence nominale atteint est celui lié au pourcentage de la dette publique dans
le PIB.

401
Conclusion du Chapitre

La Roumanie, de même que d’autres pays est-européens, bénéficie à présent d’une


dérogation temporaire pour adhérer à la zone euro, période pendant laquelle elle doit réaliser
des progrès significatifs afin de limiter les risques que l’adoption de la monnaie unique
implique pour la stabilité financière. L’adhésion à l’UEM n’amène pas seulement des
avantages en matière de stabilité mais elle peut engendrer certains déséquilibres préjudiciables
à la stabilité du système financier. C’est pourquoi, pour éviter ces effets néfastes, la majorité
des observateurs s’accordent sur le fait qu’un haut niveau de convergence réelle et financière
avec les états membres de l’UEM doit être au préalable atteint.
L’analyse en termes d’indice agrégé de stabilité que nous avons menée peut être
considérée comme un baromètre de la convergence des systèmes financiers. Par conséquent,
nous avons choisi de comparer, du point de vue de la stabilité, quelques secteurs financiers
appartenant aux pays est-européens.
L’analyse montre une plus forte convergence de l’IASF au niveau des pays est-
européens, mais nous observons en même temps un écart significatif entre les pays qui ont
récemment adhéré à la zone euro et les pays qui vont y adhérer à l’avenir. De plus, la
convergence reste fragile en périodes de turbulences. Plus un système financier est stable,
plus il est résistant face aux chocs adverses. Les effets négatifs de la crise actuelle sont, par
conséquence, plus importants pour les pays comme la Bulgarie et la Roumanie.
Un cercle vicieux apparaît qui montre qu’un système financier présentant un
niveau insuffisant de stabilité risque, après l’adhésion à l’UEM, d’amplifier sa vulnérabilité et
sa fragilité. Voilà pourquoi un pays comme la Roumanie doit assurer la stabilité de son
système en vue d’adhérer à l’UEM et renforcer ainsi ce safety net. La Roumanie doit faire des
efforts particuliers pour rattraper ce retard dans le contexte de la crise économique actuelle.

402
Conclusion générale

Cette thèse propose une analyse de la stabilité du système financier de la


Roumanie dans la perspective de l’adhésion à l’UEM. Les questions traitées sont : Comment
peut-on analyser un concept multidimensionnel tel la stabilité financière systémique ? Quelles
sont les possibilités d’évaluer ce phénomène d’un point de vue quantitatif ? Le secteur
financier roumain est-il prêt, en termes de stabilité, pour adopter la monnaie unique ?
De nombreuses raisons laissent penser que le sujet est essentiel et d’actualité. Tout
d’abord, nous remarquons une augmentation de la fréquence des crises financières et de leur
impact au niveau international. Leurs coûts économiques et sociaux sont si élevés qu’ils
incitent les autorités à trouver des modalités pour prévenir les déséquilibres. Ensuite, un
changement continu de la nature des risques financiers dans le contexte du processus de
globalisation et d’innovations peut être observé. Une troisième raison résulte de l’adhésion à
l’UE et de la libéralisation du compte de capital, ce qui rend la Roumanie beaucoup plus
vulnérable face aux les attaques spéculatives. Enfin, un degré suffisant de convergence réelle
et financière doit être constaté de sorte que les effets des chocs adverses que le système
financier pourrait subir après l’adhésion à l’euro, soient minimaux.
La thèse est structurée de sorte qu’un ensemble d’éléments liés à l’évaluation de la
stabilité financière systémique soit analysé. Ce n’est pas seulement la solidité des
établissements financiers qui est importante, mais aussi les liaisons entre ces institutions et le
cadre de régulation de leur activité. Il faut connaître en même temps les risques systémiques
pour identifier les moyens qui peuvent être utilisés pour prévenir leur manifestation. Non en
dernier lieu, une mesure empirique du phénomène est nécessaire pour synthétiser les facteurs
qui influencent la stabilité : les conditions macroéconomiques, la solidité des institutions, le
développement du système, le climat des affaires, etc.
Un premier résultat souligne l’intensification du processus de globalisation
financière et des phénomènes de crise. Les crises financières affectent généralement les
économies émergentes, dans un contexte de libéralisation des capitaux et d’un système
financier faiblement développé, mais elles ne contournent pas pour autant les économies
développées. Si nous nous référons la seule crise financière actuelle, nous constatons que son
déclenchement s’est produit aux Etats-Unis alors que les pays de l’Union Européenne se

403
retrouvent parmi les plus affectés. Cette crise résulte moins sur des conditions
macroéconomiques que des liaisons entre les marchés, les activités risquées des
établissements de crédits et l’exubérance des investisseurs.
Par conséquent, l’efficacité du cadre de régulation et surveillance prudentielle
représente une condition nécessaire à la stabilité financière. Cependant, comme nous l’avons
montré dans le deuxième chapitre, l’implémentation d’un certain schéma de surveillance ne
doit pas être mise en œuvre de manière arbitraire. Les autorités de surveillance doivent
remplir les conditions d’indépendance, de crédibilité, de responsabilité et de transparence
pour que leurs actions jouissent du succès espéré. Le cadre de surveillance doit être
compatible avec la structure de l’industrie régulée et, pour la Roumanie, le cadre de régulation
et de surveillance doit être aussi compatible avec le cadre européen. Tous ces éléments sont
nécessaires pour rendre l’activité efficiente et pour faciliter l’échange d’informations entre les
autorités. Même si la constitution d’une AUS peut représenter une meilleure solution dans un
certain contexte, nous soutenons que, pour le secteur financier roumain, le rôle de la BNR
dans la régulation et la surveillance du secteur bancaire est et doit rester important, et
l’activité d’un comité mixte de surveillance peut répondre aux défis liés à la surveillance des
conglomérats.
Un autre résultat met en évidence les progrès enregistrés par la BNR en matière de
stabilité. La banque centrale a eu un rôle important dans l’implémentation de l’acquis
communautaire dans le domaine de la régulation et de la surveillance financière. De plus, par
la stratégie de ciblage de l’inflation et par la flexibilité contrôlée du taux de change, la banque
centrale a contribué à l’amélioration de la stabilité du système. Quant à l’implémentation de
Bâle II, quelques retards sur le programme initial sont observés, retards résultant surtout par le
manque de connaissance face à la complexité de l’Accord.
Le résultat suivant porte sur l’identification des risques systémiques que les
autorités devront confronter à l’avenir et devant lesquels elles ne peuvent pas rester
indifférentes. Le développement des conglomérats financiers impose une adaptation du cadre
de surveillance prudentielle. Même si au niveau européen quelques mesures ont été prises en
ce sens, les autorités nationales conservent une mission importante. Le fait qu’en cas de
graves turbulences financières, un choc sur une activité précise du conglomérat se propage
facilement à l’ensemble de leur activité, souligne l’importance de la coopération entre les
autorités de régulation et de surveillance au niveau tant national qu’international. Cette
collaboration se réduit à présent à l’échange réciproque d’informations. Néanmoins, il faut
adopter des mesures claires à l’avenir concernant les modalités d’intervention pour corriger

404
les déséquilibres survenant dans l’activité de ces institutions, mais il faut aussi tracer des
responsabilités claires dans la gestion des crises financières.
Un autre défi pour la stabilité financière provient de l’interdépendance accrue entre
la sphère réelle et la sphère financière. La volatilité élevée des prix des actifs représente une
source de risque systémique qui doit être en permanence surveillée. Aussi, des mesures
préventives pour réduire la volatilité des prix et pour limiter tout décalage excessif par rapport
aux fondamentaux économiques, sont nécessaires. L’efficacité de telles mesures dépend de la
structure du système financier, de la nature des actifs et des instruments d’intervention
disponibles aux mains des autorités. Le taux d’intérêt est devenu au cours des dernières
années l’un des principaux instruments de politique monétaire des banques centrales, mais
l’utilisation d’un tel instrument n’est pas toujours efficace. Par conséquent, l’amélioration de
la transparence et de la discipline de marché, ainsi que l’implication des politiques fiscales et
structurelles dans la correction des déséquilibres, sont bénéfiques. Nous avons mis en
évidence le rôle de la politique monétaire à l’aide d’un modèle économétrique qui teste la
relation entre le taux d’intérêt sur le marché interbancaire (comme proxy pour le taux d’intérêt
de référence) et l’indice boursier BET. La période testée va de janvier 2003 jusqu’à août
2008. Les coefficients des variables montrent que l’évolution de l’indice BET est
négativement influencée par l’évolution du taux d’intérêt à trois mois sur le marché
interbancaire. Ceci dit, les résultats doivent être interprétés avec précaution parce que, sur la
période analysée, le marché de capital a connu un développement continu tandis que, dans un
contexte de développement du système financier, le taux d’intérêt a diminué, ce qui pourrait
laisser penser que la relation pourrait être fortuite.
Finalement, nous avons analysé les risques associés aux innovations financières
sous la forme des produits financiers dérivés. Même si le marché de ces produits reste encore
réduit et ne présente pas un potentiel risque systémique en Roumanie, la présence de grands
groupes bancaires sur le marché et la création d’un cadre législatif favorable aux transactions
sur des produits dérivés, contribueront au développement futur des marchés. La compétition
de plus en plus acerbe sur le marché bancaire pourra inciter les banques à rechercher de
nouvelles sources de profit. Les autorités ne doivent donc pas avoir en vue les seuls bénéfices
procurés par l’utilisation des produits dérivés, mais aussi les risques qui y sont associés.
Un autre résultat important fait référence à la complémentarité des méthodes
quantitatives d’évaluation de la stabilité financière. Les systèmes d’alerte précoce contribuent
à l’identification des probabilités d’apparition des crises financières. Les stress-tests évaluent
la capacité de réponse du système financier devant les facteurs déstabilisateurs, tandis que les

405
analyses discriminantes permettent de grouper les institutions de crédit en fonction de leur
profil de risque. Ces techniques ont pourtant de nombreuses limites. Par exemple, les
performances des systèmes d’alerte précoce en dehors de l’échantillon sont relativement
modestes. En faisant référence en particulier à la méthode des signaux, nous observons
qu’une partie significative de ceux-ci sont faux, et il n’est pas toujours pertinent pour le calcul
des probabilités d’apparition des turbulences de ne retenir dans l’analyse que les seuls
indicateurs à volatilité élevée pendant les périodes de crise. Les tests de résistance aux chocs
représentent des méthodes complexes d’évaluation de la stabilité qui prennent en
considération la solidité des institutions, ainsi que les relations entre les établissements pour
calculer la résistance du système. Ces méthodes présentent aussi des limites importantes,
comme par exemple l’accès aux données ou la définition de scénarios qui reste le plus
souvent arbitraire.
Néanmoins, aucune des méthodes présentées ne permet ni d’apprécier la
dynamique de la stabilité financière, ni de comparer différents systèmes financiers entre eux.
C’est pourquoi la construction d’un indice agrégé de stabilité qui intègre toutes les
dimensions de ce phénomène (le développement du système financier, sa vulnérabilité aux
facteurs externes, les fondamentaux économiques, la solidité des banques et le climat
économique mondial) représente un exercice qui complète les analyses de stabilité.
Un tel exercice se trouve au centre de la thèse. Nous avons montré, en définissant
un indice agrégé (IASF), que la stabilité du secteur financier de Roumanie s’est renforcée sur
la dernière décennie, même si la crise des subprimes a clairement inversé la tendance. Les
épisodes de crise sont bien mis en évidence, en particulier la crise bancaire des années 1998-
1999 et la crise financière déclenchée en 2007.
L’indice agrégé incorpore 20 indicateurs individuels de stabilité, des variables qui
prennent en compte toutes les dimensions de la stabilité. Nous n’avons pas retenu dans
l’analyse les seules variables qui présentent une volatilité particulière en période de graves
turbulences des marchés parce que nous considérons que certains indicateurs peuvent avoir un
comportement différent lors de deux épisodes différents de crise. Ainsi, l’introduction dans
l’analyse d’un nombre de variables aussi grand que possible offre une image beaucoup plus
complexe mais plus complète de la dynamique de la stabilité.
Pour identifier les différents types d’indicateurs qui ont une volatilité plus élevée
avant et pendant les crises financières, nous avons calculé la contribution de chaque indicateur
à la volatilité de l’IASF. Ainsi, les indicateurs de vulnérabilité financière (les variables
macroéconomiques, la structure du crédit, le ratio crédits sur dépôts) et les indicateurs de

406
solidité des institutions bancaires (le risque, la profitabilité, la capitalisation) contribuent plus
fortement à sa volatilité, tandis que les indicateurs de développement contribuent plus
faiblement à sa volatilité. Les indicateurs du climat économique mondial intensifient sa
volatilité seulement après le déclenchement des épisodes de crise.
La validation économétrique de l’IASF montre que le choix des indicateurs
individuels est pertinent, donnant ainsi la possibilité de proposer des prévisions sur
l’évolution de l’indice dans le temps. Le taux de croissance économique, le taux d’intérêt sur
le marché interbancaire, l’indice boursier BET ainsi que le rapport crédits en devises sur PIB,
rapport qui généralement est extrêmement élevé dans les périodes précédant l’apparition des
crises, et en constitue un facteur amplificateur, ont été choisis comme variables exogènes. Les
coefficients significatifs de ces variables mettent en évidence la relation entre stabilité
financière et conditions macroéconomiques.
La validation économétrique de la relation entre l’IASF et un ensemble de
variables macroéconomiques nous a donné la possibilité de proposer des prévisions sur la
stabilité du secteur financier roumain, en utilisant une méthode stochastique de simulation. La
stabilité du système s’est constamment détériorée à partir de 2008 et, compte tenu des
prévisions sur ses déterminants, la stabilité devrait continuer à se dégrader sur toute l’année
2009, et devrait ensuite légèrement s’améliorer dans un contexte de reprise de l’activité
économique.
Le modèle de prévision apparaît assez précis dans la mesure où il reflète
correctement l’évolution réelle de l’indice agrégé au sein de l’échantillon. Cependant, même
si nous avons sommes appuyé sur différents scénarios de prévision (établis à partir des
prévisions les plus optimistes et les plus pessimistes, mais aussi intermédiaires, des
institutions financières internationales), les résultats doivent être considérés comme
optimistes. En effet, les anticipations de croissance économique et des taux d’intérêt retenues
datent du troisième trimestre 2008 mais elles ont été par la suite révisées, révisions qui
traduisent une vision plus pessimiste de l’évolution de l’activité économique en Roumanie.
Un dernier résultat porte sur une comparaison de la stabilité financière en
Roumanie et de celle observée dans d’autres pays est-européens pour apprécier son état dans
la perspective de l’adoption de l’euro. Trois conclusions principales sont mises en évidence à
l’aide des indices agrégés de stabilité financière. D’abord, on constate une amélioration de la
stabilité financière depuis la fin des années 90 dans tous les états analysés. Ensuite, on
observe un processus de convergence des indices agrégés de stabilité (au moins jusqu’au

407
déclenchement de la crise actuelle. Enfin, il apparaît que les pays récemment entrés dans la
zone euro présentent une plus grande stabilité financière que la Roumanie.
Si on se base sur l’IASF, la Roumanie n’apparaît pas encore suffisamment
préparée pour adopter à l’euro dans la mesure où il reste inférieur à ceux des autres pays
analysés. Même s’il a progressé ces dernières années, le secteur financier n’est pas encore
suffisamment développé (l’indice de réforme est faible, la marge bancaire est élevée et la
capitalisation boursière est modeste). De plus, la vulnérabilité financière du système a
augmenté dans un contexte de croissance exponentielle du crédit et d’amplification des
déficits budgétaire et courant qui, avec la crise, a conduit au ralentissement de l’activité
économique. Par conséquent, il est difficile d’apprécier le moment où la Roumanie atteindra
un niveau de convergence réelle et financière suffisant pour adhérer à l’UEM, même si les
autorités ont retardé à 2012 la date prévue d’entrée dans le MTC II.

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432
xxx Directive 2006/48/CE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son
exercice.
xxx Directive 2006/49/CE sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement
et des établissements de crédit.
xxx Directive 2002/87/CE relative à la surveillance complémentaire des établissements de
crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un
conglomérat financier.
xxx Directive 1994/19/EC sur le cadre d’assurance – dépôts.
xxx Loi no. 47/1991 sur la constitution, l’organisation et le fonctionnement des sociétés
d’assurance et de réassurance.
xxx Loi no. 136/1995 concernant les assurances et les réassurances en Roumanie.
xxx Loi no. 58/1998 concernant l’activité bancaire.
xxx Loi no. 32/2000, concernant la fondation de la Commission de Surveillance des
Assurances.
xxx Loi no. 297/2004 concernant le marché de capital.
xxx Loi no. 312/2004 concernant le statut de la BNR.
xxx Ordonnance no.10 de 22/01/2004 relative à la procédure de réorganisation juridique et à
la faillite des institutions de crédit.
xxx Ordonnance no. 28/2006 sur l’activité de crédit développée par les institutions financière
non bancaires.
xxx Ordonnance gouvernementale no. 98/2006 sur la surveillance supplémentaire des
institutions de crédit, des sociétés d’assurances et/ou réassurances, des institutions de
services financiers et des sociétés d’administration des investissement appartenant à un
conglomérat financier.
xxx La règle nr.1/2000 concernant les opérations monétaires effectuées par la Banque
Nationale de Roumanie.

433
Annexes

Annexe 1 : Le coût des crises bancaires

Coût Coût
Pays Période estimé/PIB Pays Période estimé/PIB
(%) (%)
Finlande 1991-1994 8,4 Indonésie 1987-1988 80,0p
Japon 1990-1995 20,0p Israël 1977-1983 30,0
Espagne 1977-1985 16,8 Corée 1987-1988 60,0p
Suède 1991 6,4 Malaisie 1987-1988 45,0p
Etats-Unis 1980-1990 2,5 Thaïlande 1987-1988 45,0p
Chili 1981-1983 41,2 Uruguay 1981-1984 24,2
Argentine 1980-1982 55,3 Venezuela 1994-1995 18,0
p=prévisionnel
Source : Brealey (2001)

Annexe 2 : Le degré d’indépendance des banques centrales


Degré Degré
No. Pays No. Pays
d’indépendance d’indépendance
1. Pologne 0,89 25. Croatie 0,44
2. Arménie 0,85 26. Irlande 0,44
3. Estonie 0,78 27. Kazakhstan 0,44
4. Lituanie 0,78 28. Pays Bas 0,42
5. Géorgie 0,73 29. Ukraine 0,42
6. Moldavie 0,73 30. Macédoine 0,41
7. Belarus 0,73 31. Australie 0,36
8. République Tchèque 0,73 32. Tadjikistan 0,36
9. Allemagne 0,69 33. Islande 0,34
10. Hongrie 0,67 34. Roumanie 0,34
11. Suisse 0,64 35. Luxembourg 0,33
12. Slovénie 0,63 36. Suède 0,29
13. République Slovaque 0,62 37. Finlande 0,28
14. Autriche 0,61 38. Royaume Uni 0,27
15. Ouzbékistan 0,56 39. Turkménistan 0,26
16. Mongolie 0,55 40. Azerbaïdjan 0,25
17. Bulgarie 0,55 41. Italie 0,25
18. République Kirghiz 0,52 42. France 0,24
19. Albanie 0,51 43. Nouvelle Zélande 0,24
20. Danemark 0,50 44. Espagne 0,23
21. Lettonie 0,49 45. Japon 0,18
22. Russie 0,49 46. Belgique 0,17
23. Etats Unis 0,48 47. Norvège 0,17
24. Canada 0,45
Source : extrait de Cukierman et al. (1992)

434
Annexe 3 : La structure des autorités nationales de surveillance par pays de l’UE

Secteur des
No. Pays Secteur bancaire Marche de capital
assurances
1. Autriche U, CB U U
2. Belgique U U U
3. Bulgarie CB S I
4. Cipre CB S I
5. République Tchèque CB S I
6. Danemark U U U
7. Estonie U U U
8. Finlande BS BS I
9. France BC, B1, B2, B3 CB, S I
10. Allemagne U, CB U U
11. Grèce CB S I
12. Irlande CB CB CB
13. Italie CB, S CB, S I
14. Lettonie U U U
15. Lituanie CB S I
16. Luxembourg BS BS I
17. Malte U U U
18. Pays Bas U U U
19. Pologne CB, S CB, S I, S
20. Portugal B B,S I1, I2
21. Roumanie CB CB, S I
22. Royaume Uni CB S I
23. République Slovaque CB SI SI
24. Slovénie CB S I
25. Espagne CB, Bs (*) CB, S I
26. Suède U U U
27. Hongrie U U U
où: B = Autorité spécialisée dans la surveillance des banques; BI = Autorité spécialisée dans la
surveillance des banques et des assurances; CB = Banque centrale; I = Autorité spécialisée dans la
surveillance des assurances; S = Autorité spécialisée dans la surveillance du marché de capital; U =
Autorité Unique de Surveillance; BS = Autorité spécialisée pour les banques et le marché de capital; SI
= Autorité spécialisée dans la surveillance du marché de capital et du secteur des assurances.
(*) Autorités centrales ou régionales
Source : extrait de Masciandaro (2004)

Annexe 4 : Les produits dérivés de taux d’intérêt

L’évolution des contrats en fonction de différentes monnaies (mld. $ - valeur notionnelle)


160000

140000

120000

100000

80000 EUR

60000 JPY
GBP
40000
USD
20000

0
19 02

20 02

20 01

20 02

20 01

20 02

20 01

20 02

2
s0

s0

s0

s0

s0

s0

s0

s0

s0

s0

s0
s

s
98

99

99

00

00

01

01

02

02

03

03

04

04

05

05

06

06

07

07
19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

Source : la base de données de BRI

435
La structure des produits dérivés de taux d’intérêt en fonction des partenaires des contrats
en 2007 (mld. $)

51497

157245

184396

rapportés par les dealers autres institutions financières clients non financiers

Source : la base de données de la BRI

Annexe 5 : Le degré de concentration du marché OTC – produits dérivés d’actions

L’évolution de l’indice Herfindahl pour des produits dérivés d’actions


Europe Japon

1400 4500

1200 4000
3500
1000
3000
800 Forw ards 2500 Forw ards
et sw aps et sw aps
600 2000
Options Options
1500
400
1000
200
500
0 0
19 s2
19 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
s2
19 s 2
19 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
20 s 2
20 s 1
s2

98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07

19
19

Amerique Latine Autres pays d'Asie

10000 7000
9000
6000
8000
5000
7000
6000 Forw ards 4000 Forw ards
5000 et sw aps et sw aps
3000
4000
Options Options
3000 2000

2000 1000
1000
0
0
1 9 s2
1 9 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
s2
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19 s2
19 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
20 s2
20 s1
s2

19
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19

Etats-Unis

2000
1800
1600
1400
1200
1000 Forw ards
800 et sw aps

600
Options
400
200
0
1 9 s2
1 9 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
2 0 s2
2 0 s1
s2
98
99
99
00
00
01
01
02
02
03
03
04
04
05
05
06
06
07
07
19

Source : la base de données de la BRI

436
Annexe 6 : Les valeurs normalisées des indicateurs individuels

Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2
Indicateurs
1996 1996 1996 1996 1997 1997 1997 1997 1998 1998 1998 1998 1999 1999 1999 1999 2000 2000
IDF
Crédit privé « lei »/PIB 0,670 0,649 0,641 0,692 0,470 0,317 0,223 0,198 0,231 0,183 0,135 0,129 0,240 0,143 0,063 0,031 0,117 0,058
Marge bancaire 0,138 0,207 0,357 0,437 0,627 0,270 0,351 0,046 0,046 0,196 0,455 0,328 0,328 0,305 0,403 0,138 0,000 0,109
Capitalisation bours./ PIB 0,000 0,000 0,005 0,062 0,074 0,065 0,070 0,056 0,023 0,026 0,024 0,028 0,042 0,030 0,027 0,026
La réforme bancaire 0,670 0,670 0,670 0,670 0,588 0,505 0,423 0,340 0,255 0,170 0,085 0,000 0,085 0,170 0,255 0,340 0,340 0,340
IVF
Taux d’inflation 0,862 0,835 0,771 0,732 0,350 0,000 0,093 0,084 0,456 0,691 0,716 0,768 0,816 0,771 0,735 0,714 0,710 0,764
Déficit budgétaire / PIB 0,544 0,434 0,324 0,214 0,167 0,119 0,072 0,025 0,127 0,230 0,332 0,434 0,332 0,230 0,127 0,025 0,017 0,009
Déf. compte courant/PIB 0,830 0,453 0,614 0,459 0,741 0,565 1,039 0,646 0,911 0,660
Appréciation ou 0,973 0,654 0,640 0,570 0,000 0,423 0,555 0,814 0,808 0,727 0,765 0,908 0,831 0,745
dépréciation de REER
(Réserves / Dépôts) / 0,381 0,433 0,415 0,398 0,321 0,259 0,237 0,284 0,085 0,250 0,297 0,347 0,337
(Numéraire / M2)
Crédit privé / Crédit total 0,624 0,653 0,595 0,789 0,810 0,800 0,721 0,574 0,605 0,537 0,489 0,490 0,570 0,281 0,155 0,000 0,090 0,104
Crédits / Dépôts 0,042 0,106 0,127 0,010 0,020 0,269 0,412 0,620 0,624 0,656 0,648 0,607 0,528 0,747 0,863 0,912 0,911 0,912
Variations des dépôts 0,253 0,398 0,476 0,435 0,000 0,013 0,000 0,180 0,638 0,602 0,505 0,438 0,294 0,272 0,412 0,529 0,722 0,740
bancaires/Variation M2
ISF
Créances douteuses / 0,324 0,279 0,233 0,188 0,150 0,112 0,074 0,036 0,027 0,018 0,009 0,000 0,103 0,207 0,310 0,414 0,544 0,674
Crédit total
Capital propre / Actif total 0,000 0,055 0,111 0,166 0,221 0,261 0,302
Indicateur de solvabilité 0,164 0,168 0,173 0,177 0,181 0,135 0,090 0,045 0,000 0,103 0,206 0,309 0,412 0,492 0,571
ROA
Taux général de risque 0,227 0,438 0,649 0,860 0,884 0,909 0,933 0,958 0,968
ICEM
Indice du climat 0,462 0,519 0,558 0,635 0,654 0,692 0,750 0,731 0,538 0,615 0,462 0,096 0,231 0,404 0,654 0,750 1,000 1,000
économique
Taux d’inflation mondial 0,000 0,151 0,267 0,357 0,427 0,541 0,598 0,654 0,657 0,686 0,617 0,469 0,561 0,595 0,677 0,808 0,803 0,822
Taux de croissance 0,422 0,461 0,499 0,538 0,565 0,592 0,619 0,646 0,512 0,378 0,245 0,111 0,200 0,290 0,380 0,469 0,571 0,672
économique mondiale

437
Annexe 6 : Les valeurs normalisées des indicateurs individuels (suite)

Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4
Indicateurs
2000 2000 2001 2001 2001 2001 2002 2002 2002 2002 2003 2003 2003 2003 2004 2004 2004 2004
IDF
Crédit privé « lei »/PIB 0,027 0,005 0,081 0,044 0,027 0,018 0,119 0,063 0,042 0,030 0,157 0,150 0,131 0,131 0,311 0,221 0,151 0,123
Marge bancaire 0,213 0,115 0,109 0,195 0,223 0,311 0,371 0,356 0,361 0,367 0,460 0,483 0,572 0,621 0,590 0,598 0,630 0,665
Capitalisation bours./ PIB 0,036 0,032 0,053 0,066 0,111 0,115 0,113 0,143 0,237 0,204 0,185 0,201 0,205 0,214 0,251 0,316 0,313 0,549
La réforme bancaire 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,340 0,423 0,505 0,588 0,670
IVF
Taux d’inflation 0,761 0,780 0,789 0,808 0,837 0,844 0,866 0,881 0,898 0,915 0,925 0,936 0,935 0,936 0,943 0,951 0,953 0,964
Déficit budgétaire / PIB 0,002 0,403 0,505 0,607 0,709 0,403 0,505 0,607 0,709 0,811 0,851 0,890 0,929 0,969 0,969 0,969 0,969 0,969
Déf. compte courant/PIB 0,911 0,674 0,642 0,449 1,041 0,505 0,825 0,618 0,998 0,767 0,894 0,409 0,864 0,544 0,598 0,359 0,621 0,398
Appréciation ou 0,790 0,846 0,970 0,970 0,992 0,964 0,890 0,987 0,974 0,971 0,919 0,940 1,000 0,962 0,993 0,985 0,993 0,874
dépréciation de REER
(Réserves / Dépôts) / 0,427 0,515 0,632 0,673 0,675 0,731 0,787 0,841 0,846 0,963 0,958 0,824 0,941 0,960 0,954 0,864 0,940 0,926
(Numéraire / M2)
Crédit privé / Crédit total 0,314 0,301 0,388 0,406 0,561 0,583 0,639 0,666 0,719 0,739 0,767 0,793 0,903 0,884 0,904 0,921 0,936 0,959
Crédits / Dépôts 0,946 0,999 0,965 0,947 0,958 0,964 0,927 0,900 0,893 0,918 0,849 0,789 0,718 0,776 0,755 0,724 0,759 0,678
Variations des dépôts 0,791 0,691 0,682 0,727 0,640 0,769 0,751 0,636 0,734 0,692 0,748 0,864 0,847 0,817 0,799 0,758 0,721 0,648
bancaires/Variation M2
ISF
Créances douteuses / 0,804 0,934 0,944 0,954 0,965 0,975 0,981 0,987 0,994 1,000 0,987 0,973 0,960 0,946 0,941 0,936 0,931 0,927
Crédit total
Capital propre / Actif total 0,342 0,382 0,362 0,934 1,000 0,907 0,853 0,907 0,892 0,824 0,898 0,856 0,806 0,735 0,663 0,514 0,451 0,362
Indicateur de solvabilité 0,651 0,730 0,727 0,919 0,957 1,000 0,916 0,908 0,861 0,773 0,796 0,678 0,599 0,525 0,550 0,544 0,512 0,460
ROA 0,923 0,942 0,962 0,981 1,000 0,962 0,923 0,885 0,846
Taux général de risque 0,979 0,989 1,000 0,949 0,948 0,906 0,871 0,847 0,805 0,762 0,683 0,559 0,432 0,392 0,376 0,454 0,497 0,523
ICEM
Indice du climat 0,923 0,788 0,500 0,365 0,288 0,000 0,288 0,654 0,558 0,269 0,327 0,269 0,442 0,635 0,865 0,846 0,827 0,712
économique
Taux d’inflation mondial 0,795 0,809 0,840 0,783 0,841 0,929 0,944 0,979 0,961 0,901 0,837 0,896 0,939 0,953 1,000 0,927 0,876 0,872
Taux de croissance 0,774 0,875 0,657 0,438 0,219 0,001 0,053 0,106 0,158 0,210 0,281 0,351 0,422 0,492 0,612 0,732 0,852 0,972
économique mondiale

438
Annexe 6 : Les valeurs normalisées des indicateurs individuels (suite)

Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2 Q3 Q4 Q1 Q2
Indicateurs
2005 2005 2005 2005 2006 2006 2006 2006 2007 2007 2007 2007 2008 2008 2008 2008 2009 2009
Crédit privé « lei »/PIB
Marge bancaire 0,288 0,254 0,224 0,240 0,564 0,549 0,498 0,436 0,858 0,739 0,609 0,516 1,000 0,844 0,678
Capitalisation bours./ PIB 0,590 0,561 0,627 0,690 0,780 0,785 0,846 0,869 0,883 0,902 0,917 0,923 0,935 0,986 1,000
La réforme bancaire 0,506 0,534 0,694 0,740 0,723 0,641 0,780 0,859 0,738 0,895 0,831 0,759 1,000 0,968 0,742
IVF 0,670 0,670 0,670 0,670 0,670 0,670 0,670 0,670 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000
Taux d’inflation
Déficit budgétaire / PIB 0,971 0,965 0,971 0,973 0,972 0,981 0,987 0,994 1,000 1,000 0,993 0,983 0,976 0,972 0,975
Déf. compte courant/PIB 0,976 0,984 0,992 1,000 0,961 0,921 0,882 0,843 0,796 0,748 0,701 0,654 0,552 0,450 0,347
Appréciation ou 0,552 0,302 0,572 0,451 0,536 0,186 0,397 0,322 0,016 0,000 0,298 0,099 0,066 0,048
dépréciation de REER
(Réserves / Dépôts) / 0,736 0,669 0,644 0,791 0,875 0,879 0,934 0,860 0,862 0,860 0,808 0,931 0,942 0,928
(Numéraire / M2)
Crédit privé / Crédit total 1,000 0,861 0,943 0,931 0,936 0,810 0,758 0,776 0,753 0,602 0,671
Crédits / Dépôts 0,981 0,978 0,972 0,975 0,986 1,000 1,000 0,990 0,963 0,953 0,963 0,965 0,968 0,967 0,970
Variations des dépôts 0,705 0,660 0,622 0,601 0,550 0,479 0,407 0,438 0,351 0,247 0,154 0,200 0,108 0,070 0,000
bancaires/Variation M2
ISF 0,816 0,886 0,929 1,003 0,947 0,936 0,930 0,946 0,901 0,942 0,885 0,911 0,907 0,903 0,901
Créances douteuses /
Crédit total
Capital propre / Actif total 0,930 0,933 0,936 0,900 0,899 0,899 0,898 0,898 0,895 0,892 0,888 0,885 0,883 0,880 0,877
Indicateur de solvabilité 0,304 0,302 0,353 0,466 0,471 0,436 0,438 0,337 0,355 0,323 0,275 0,186 0,149 0,132
ROA 0,478 0,438 0,487 0,583 0,531 0,409 0,410 0,382 0,319 0,258 0,204 0,190 0,148 0,136
Taux général de risque 0,731 0,615 0,500 0,385 0,346 0,308 0,269 0,231 0,173 0,115 0,058 0,000 0,019 0,038 0,058
ICEM 0,619 0,543 0,522 0,509 0,404 0,250 0,194 0,253 0,127 0,057 0,000 0,059 0,060 0,345 0,279
Indice du climat
économique
Taux d’inflation mondial 0,654 0,577 0,577 0,615 0,827 0,865 0,750 0,731 0,769 0,769 0,923 0,615 0,423 0,231 0,058
Taux de croissance 0,903 0,925 0,912 0,906 0,921 0,899 0,918 0,858 0,829 0,800 0,771 0,742
économique mondiale
Crédit privé « lei »/PIB 0,926 0,880 0,835 0,789 0,842 0,894 0,947 1,000 0,993 0,986 0,978 0,971 0,727 0,482 0,238

439
Annexe 7 : La méthode standard du calcul de l’IASF

A) Equipondération des indicateurs individuels (approche retenue)


______ _____ _____ ________
4 IDF 8 IVF 5 ISF 3 ICEM
IASF = + + +
20 20 20 20

B) Equipondération des indices composites


4 __

∑I
i =1
i
IASF =
4

__
où : I i sont les indices composites.

Comparaison des deux approches de la méthode standard

0,800

0,700

0,600

0,500

0,400

0,300

0,200

0,100

0,000
Q 996

Q 96

Q 97

Q 97

Q 98

Q 98

Q 999

Q 99

Q 000

Q 00

Q 001

Q 01
Q 002

Q 02

Q 03

Q 03

Q 04

Q 04

Q 05

Q 05

Q 06

Q 06

Q 007

Q 07

Q 008
08
19

19

19

19

19

19

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20

20
1

2
1

1
3

1
3

3
Q

IASF - approche standard retenue IASF - approche standard alternative

Source : calculs de l’auteur

440
Annexe 8 : Méthode Chanut – Laroque
(Le calcul des contributions des composantes d’un agrégat, à la volatilité de cet agrégat)
Pour T trimestres : t = 1,…..,T, on analyse l’évolution d’un agrégat A(t) et de ses
« m » composantes Ci(t), où i prend des valeurs entre 1 et m :
m
A(t ) = ∑ Ci (t ) (1)
i =1
Le taux de croissance de cet agrégat (l’IASF dans notre cas) est :
x(t ) =
[A(t ) − A(t − 1)] (2)
A(t − 1)
et les contributions xi(t) de chacune de ses composantes à ce taux de croissance sont:
xi (t ) =
[Ci(t ) − Ci (t − 1)] (3), ce qui implique
A(t − 1)
m
x(t ) = ∑ xi (t ) , pour t = 2,….,T (4)
i =1
Le modèle est le suivant : on suppose que [x1(t), …., xm(t), x(t)] est la réalisation à la
date t d’un processus aléatoire stationnaire de second ordre. On note Exi, σxi et corr(xi,xj)
l’espérance mathématique de xi, l’écart type de xi et le coefficient de corrélation entre xi et xj
respectivement. L’identité :
m
x = ∑ xi (5), implique alors :
i =1
m
E ( x) = ∑ Exi (6) et
i =1

σx = ∑ corr ( x, xi ) * σxi (7)

On remplacera dans (6) et (7) les moments des variables aléatoires par les moments
empiriques associés :
_ T
xi = ∑ xi (t ) / T , pour Exi
t =2

_ T _
σi = ∑ [ xi (t ) − xi ]2 / T
t =2
, pour σxi , et
T _ _ _ _

∑ [ x (t ) − x ][ x(t ) − x] / T σ σ
t =2
i i i , pour corr(xi, x).

Les contributions à la croissance et à la volatilité sont donc∗ :


E ( xi )
CC i = (8) – pour la contribution à la croissance, et :
E ( x)
corr ( xi , x) * σxi
CVi = (9) – pour la contribution à la volatilité.
σx


Sous l’hypothèse d’indépendance de contreparties.

441
Annexe 9 : Les valeurs normalisées des indicateurs de stabilité par pays

Bulgarie 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDF
Crédit total / PIB 0,081 0,091 0,093 0,108 0,141 0,188 0,245 0,283 0,296 0,398 0,449
Marge bancaire 0,527 0,547 0,604 0,613 0,694 0,726 0,734 0,779 0,775 0,708
Capitalisat. bours./PIB 0,018 0,010 0,012 0,009 0,017 0,054 0,063 0,082 0,172 0,211 0,136
La réforme bancaire 0,668 0,668 0,750 0,750 0,833 0,833 0,918 0,918 0,918 0,918 0,918
IVF
Taux d’inflation 0,059 0,423 0,204 0,311 0,379 0,913 0,344 0,367 0,297 0,276 0,278
Déf. budgétaire / PIB 0,880 0,797 0,741 0,892 0,766 0,772 0,861 0,886 0,962 0,987 0,924
Déf. compte cour./PIB 0,930 0,732 0,706 0,693 0,864 0,728 0,654 0,404 0,167 0,000 0,162
Appréc.- Déprec.REER 0,145 1,000 1,000 0,253 1,000 1,000 0,899 1,000 0,073 0,647 0,317
(Rés./Dép.)/(Num./M2) 0,305 0,320 0,342 0,305 0,307 0,306 0,315 0,297
Crédits / Dépôts 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,831 1,000 1,000
Var. dépôts / Var.M2 1,000 0,568 0,683 1,000 1,000 1,000 0,920 1,000 1,000 1,000
FSI
Créd. douteux/Créd. tot 0,739 0,871 0,936 0,945 0,958 0,948 0,969 0,965 0,965 0,965 0,962
Cap. propres/Actif total 0,993 0,971 0,801 0,716 0,758 0,439 0,141 0,130 0,236 0,258
Indicateur solvabilité 1,000 0,824 0,696 0,528 0,443 0,284 0,248 0,224 0,222 0,220
ROA 0,674 0,729 0,701 0,593 0,634 0,593 0,581 0,607 0,607 0,593
Indicateur de liquidité 0,993 0,826 0,709 0,568 0,330 0,378 0,434 0,482 0,358 0,174

Estonie 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDF
Crédit total / PIB 0,242 0,247 0,274 0,279 0,306 0,367 0,435 0,486 0,568 0,618 0,783
Marge bancaire 0,655 1,000 0,914 0,738 0,875 0,883 0,815 0,712 0,839 0,812
Capitalisat. bours./PIB 0,238 0,380 0,366 0,345 0,645 0,658 0,815 0,442
La réforme bancaire 0,833 0,918 0,918 0,918 0,918 0,918 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000
IVF
Taux d’inflation 0,125 0,355 0,538 0,411 0,611 1,000 0,700 0,537 0,500 0,313 0,267
Déf. budgétaire / PIB 0,753 0,538 0,734 0,791 0,797 0,886 0,880 0,892 1,000 0,981 0,601
Déf. compte cour./PIB 0,575 0,759 0,719 0,724 0,482 0,452 0,434 0,518 0,215 0,162 0,439
Appréc.- Déprec.REER 0,174 0,686 1,000 0,549 1,000 1,000 1,000 1,000 0,268 0,680 0,434
(Rés./Dép.)/(Num./M2) 0,295 0,301 0,306 0,252 0,249 0,281 0,306
Crédits / Dépôts 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,986 0,842 0,919
Var. dépôts / Var.M2 1,000 0,951 0,878 1,000 1,000 1,000 1,000
FSI
Créd. douteux/Créd. tot 0,979 0,973 0,986 0,981 0,989 0,996 0,998 1,000 0,999 0,995 0,976
Cap. propres/Actif total 1,000 0,694 0,766 0,645 0,556 0,397 0,273 0,248 0,250 0,306
Indicateur solvabilité 0,295 0,270 0,188 0,222 0,247 0,224 0,193 0,180 0,188 0,202 0,334
ROA 0,514 0,468 0,669 0,518 0,539 0,597 0,574 0,539 0,482
Indicateur de liquidité 0,314 0,291 0,271 0,213 0,182 0,234 0,282 0,176 0,158 0,147

442
Annexe 9 : Les valeurs normalisées des indicateurs de stabilité par pays (suite)

Hongrie 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDF
Crédit total / PIB 0,190 0,217 0,234 0,210 0,207 0,242 0,261 0,276 0,324 0,287 0,311
Marge bancaire 0,311 0,434 0,532 0,556 0,653 0,590 0,571 0,763 0,652 0,683
Capitalisat. bours./PIB 0,409 0,286 0,280 0,272 0,337 0,458 0,505 0,528 0,434 0,377
La réforme bancaire 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000
IVF
Taux d’inflation 0,077 0,110 0,210 0,253 0,423 0,447 0,309 0,629 0,550 0,266 0,571
Déf. budgétaire / PIB 0,253 0,424 0,589 0,519 0,203 0,316 0,367 0,278 0,184 0,424 0,551
Déf. compte cour./PIB 0,636 0,610 0,583 0,689 0,645 0,605 0,575 0,618 0,623 0,671 0,693
Appréc.- Déprec.REER 1,000 1,000 1,000 0,200 0,453 1,000 0,620 1,000 0,059 0,281 0,232
(Rés./Dép.)/(Num./M2) 0,702 0,853 0,819 0,865 0,629 0,541 0,637 0,719 0,642 0,543 0,678
Crédits / Dépôts 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000
Var. dépôts / Var.M2 1,000 0,907 0,982 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,910 0,842
FSI
Créd. douteux/Créd. tot 0,867 0,931 0,951 0,957 0,953 0,958 0,957 0,965 0,960 0,962
Cap. propres/Actif total 0,263 0,275 0,316 0,345 0,294 0,256 0,265 0,225 0,207 0,198 0,198
Indicateur solvabilité 0,216 0,202 0,207 0,182 0,148 0,165 0,151 0,125 0,119 0,072
ROA 0,457 0,498 0,498 0,512 0,579 0,596 0,552 0,498 0,484
Indicateur de liquidité 0,401 0,375 0,271 0,182 0,212 0,186 0,191 0,124

Roumanie 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDF
Crédit total / PIB 0,125 0,082 0,071 0,075 0,088 0,100 0,127 0,148 0,184 0,241 0,319

Marge bancaire 0,106 0,013 0,000 0,058 0,223 0,311 0,328 0,371 0,565 0,690
Capitalisat. bours./PIB 0,014 0,011 0,011 0,044 0,116 0,107 0,253 0,310 0,333 0,269 0,298
La réforme bancaire 0,583 0,668 0,668 0,668 0,668 0,668 0,750 0,750 0,750 0,833 0,833
IVF
Taux d’inflation 0,077 0,110 0,210 0,253 0,423 0,447 0,309 0,629 0,550 0,266 0,270
Déf. budgétaire / PIB 0,570 0,487 0,481 0,639 0,646 0,677 0,696 0,696 0,633 0,614 0,475
Déf. compte cour./PIB 0,649 0,794 0,794 0,697 0,803 0,697 0,583 0,504 0,434 0,320 0,338
Appréc.- Déprec.REER 0,081 0,277 0,888 1,000 1,000 1,000 1,000 0,104 0,045 0,371 0,234
(Rés./Dép.)/(Num./M2) 0,175 0,217 0,368 0,518 0,678 0,677 0,653 0,656 0,549 0,476
Crédits / Dépôts 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,981
Var. dépôts / Var.M2 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,948 1,000 0,866 0,855
FSI
Créd. douteux/Créd. tot 0,000 0,396 0,912 0,943 0,963 0,977 0,974 0,974 0,972 0,951 0,943
Cap. propres/Actif total 0,000 0,157 0,271 0,642 0,584 0,428 0,258 0,290 0,300 0,132 0,094
Indicateur solvabilité 0,104 0,321 0,488 0,631 0,511 0,412 0,398 0,411 0,327 0,170 0,176
ROA 0,661 0,674 0,647 0,563 0,539 0,484 0,478
Indicateur de liquidité 0,983 1,000 0,967 0,829 0,716

443
Annexe 9 : Les valeurs normalisées des indicateurs de stabilité par pays (suite)

Slovénie 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDF
Crédit total / PIB 0,167 0,190 0,225 0,262 0,275 0,298 0,336 0,373 0,496 0,574
Marge bancaire 0,742 0,761 0,736 0,759 0,775 0,781 0,779 0,790 0,790 0,903
Capitalisat. bours./PIB 0,201 0,154 0,166 0,248 0,473 0,419 0,468 0,379 0,558 0,799 0,602
La réforme bancaire 0,750 0,833 0,833 0,833 0,833 0,833 0,833 0,833 0,833 0,833 0,833
IVF
Taux d’inflation 0,139 0,180 0,236 0,267 0,293 0,368 0,568 0,880 0,880 0,553 1,000
Déf. budgétaire / PIB 0,728 0,734 0,538 0,519 0,614 0,601 0,633 0,684 0,696 0,804 0,823
Déf. compte cour./PIB 0,921 0,772 0,811 0,961 1,000 0,917 0,833 0,877 0,838 0,768 0,702
Appréc.- Déprec.REER 0,376 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,956 0,405 1,000 0,870
(Rés./Dép.)/(Num./M2) 0,706 0,561 0,621 0,625 0,963 1,000 0,865 0,190 0,000
Crédits / Dépôts 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,957 0,986
Var. dépôts / Var.M2 1,000 1,000 0,976 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 0,878
FSI
Créd. douteux/Créd. tot 0,912 0,915 0,891 0,885 0,936 0,939 0,951 0,960 0,957
Cap. propres/Actif total 0,514 0,459 0,410 0,292 0,245 0,238 0,217 0,143 0,246 0,250 0,049
Indicateur solvabilité 0,247 0,210 0,196 0,151 0,151 0,139 0,148 0,112 0,136
ROA 1,000 0,959 0,457 0,376 0,457 0,444 0,448 0,442 0,478 0,498 0,444
Indicateur de liquidité 0,912 0,915 0,891 0,885 0,936 0,939 0,951 0,960 0,957

République Slovaque 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
IDF
Crédit total / PIB 0,486 0,545 0,390 0,373 0,360 0,394 0,381
Marge bancaire 0,733 0,836 0,794 0,771 0,840 0,863 0,775 0,808 0,815 0,810 0,868
Capitalisat. bours./PIB 0,142 0,170 0,157 0,142 0,116 0,132
La réforme bancaire 0,668 0,668 0,750 0,833 0,833 0,833 0,918 0,918 0,918 0,918 0,918
IVF
Taux d’inflation 0,164 0,106 0,172 0,319 0,629 0,250 0,280 0,786 0,512 1,000 0,571
Déf. budgétaire / PIB 0,456 0,323 0,000 0,361 0,253 0,601 0,620 0,595 0,544 0,633 0,715
Déf. compte cour./PIB 0,548 0,719 0,798 0,588 0,605 0,693 0,610 0,579 0,645 0,719 0,689
Appréc.- Déprec.REER 1,000 1,000 1,000 0,941 1,000 0,917 0,375 0,717 0,058 0,316 0,358
(Rés./Dép.)/(Num./M2) 0,404 0,409
Crédits / Dépôts 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000
Var. dépôts / Var.M2 1,000 1,000 1,000 0,864 0,860
FSI
Créd. douteux/Créd. tot 0,461 0,597 0,741 0,763 0,867 0,939 0,958 0,917 0,948 0,959 0,953
Cap. propres/Actif total 0,173 0,300 0,173 0,386 0,204 0,271 0,383
Indicateur solvabilité 0,000 0,173 0,185 0,372 0,418 0,449 0,344 0,233 0,182 0,194 0,133
ROA 0,243 0,000 0,499 0,453 0,471 0,471 0,471 0,453 0,484 0,436 0,434
Indicateur de liquidité 0,000 0,045 0,156 0,330 0,356 0,132 0,067 0,442 0,497
.

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