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L'immortellejeunesse.
,{ Autour de nous.
,.i Sans doute, le ceur a des ressourcesiné-
il i1 puisableset la vie dessurprisesinattendues
tr a nature tout particuliérement exhale ;
ii pal moment ce souffle de l'au'delá. il serait injuste de limiter le bonheurá cer.-
Il y a dans l'intimité des foréús, dans la taines conditions terrestres. Élareissons
gloire du co'.rchant,dairs le recueiilement plutót son domaine jusqu'á la derníére li-
d'une nuit d'été, dans la paix silencieuse rnite du possible. Ce qúi n,empécherapas
des cimes, dans l'éclosion miraculeuse du gu'á un moment donné, l'áge, 1a malaáie,
printemps etle subtil mystérede l'automne, les sacrifices réitérés de la vie viennentfa-
ie pressentimentd'une grandeur éternelle, üalement bar.rer le chemin á l,espérance.
,¡ui remplit notre áme d'une telle espérance Nous pouvons encore exister, nous ne pou-
r34 A U SEUIL D' UN M ONDE NOUVEAU l,'llt,vont¡,LltÉ 135
vons plus vivre, car l'espérance est le seul Ce que les chrétiensentendentpar le sa-
-
stimulant du devenir. lut, n'est auüreque le passagede la vision
Si nous ne voulons pas nous éteindre avec matérielle á la visibn spirituelle. L'homme
le crépuscule, il devient dés lors indispen' est sauvé, non quand il est parfait, mais
sable de substituer aux biens terrestres, de- quand il est devenu capablede voir la per-
venus inaccessibles,d'autres biens équiva- fection, de discernerDieu.
lents et capables d'évoquer en nous les Dés qu'il s'est rendu compúedu monde
mémes sentiments. Les biens immortels ne invisible qui de tout temps a existé en lui
sont pas autre chose que des biens terres- et autour de lui, il possédel'éternité, il est
tres vus sous une autre face. En effet, tout entré dans le paradis, aucune desüructionne
objet possédedeux faces: I'une matérielle peut plus I'atteindre.
et passagére,I'autre astrale et éternelle. Il
s'agit donc moins, quand la vie nous a dé- tra mort.
pouillés, de changerI'obiet de nos désirs,
que la fagondont nous Percevonsces obiets Pour se rendre compte de la vie cl'outre-
tombe, il faut faire un pas de plus. Ici-bas,
et d'apprenclre ü discerner á, travers leur
la réalité immortelle était comme úne par-
apparence ordinaire, l'áme des choses qui
celle d'or ,enfouiedans un bloc de matiére;
nous entourent.
il fallait un ceil d'expert pour la découvrir ;
Ce n'est pas parce que Ie ceur perd ses
li-bas, l'or sera l'élément général, la réalité
facultés d'amour et d'enthousiasme que
palpable qui s'impose á. tous. < Nous ne
I'homme vieillit, mais parce que le ieu de la
verrons plus comme á travers un voile > dit
vie a cesséde lui offrir des jouissancesdi-
saint Paul, ( nous verrons face á face,
gnes de ses ambitions. Pour celui qui voit
comme nous sommes vus )), et ce que nous
le cóté profond des choses cette privation
verrons sera le cóté lumineux mais agrandi
u'existe.pas,car il trouvera toujours dansIa
des réalités spirituelles, dé¡e pergues du-
réalité invisible de quoi entretenir sou im-
rant notre vie tenestre. Le changementsera
mortelleieunesse.
136 au s E U rLD ' u N Mo N D EN o u v E AU f , 't r t n <l t t t ¡ , r . , I t É 137
l
peu sensible, gradué comme fut le passage i' familiers pour [ui, il tend ses petites mains
de la vision matérielle á la vision spiri- iri pour les saisir.
Itr.
tuelle. De mórne lc lt':vtlil de l'eil spirituel
,ir'
Nous nous trouveronsressuscitéseomme l s'opéreen nolls par rlcgréset passesucces-
nous nous sommestrouvés un jour adoles- il sivementdu prcsscnLiment au désir, á. la vo-
.',
cents puis adultes, par une suite logigue et i1: lonté, á la possessiou.De sorte qu'á un
't,. ' momenf donnó il parvient non seulementá
naturelle du devenir. La mort ne sera pas
un étonnement,une illumination soudaine, ',iii,.,
\$' saisir I'irmc des ciroses,mais á vivre, dés
un saut dans le paradis, mais une évolution : 'i t, ici-bas, comme dirns un royaume immortel.
lente et g'raduéedu devenir intérieur. Sans ',..:\:::.' Considéréeá ce point de vue et mises il
iiii, parü les souffrancesqu'eile entralue, je ne
doute nous nous trouverons en présence
d'une scénenouvelle, mais qui sera telle- :i'
:i l
vois pas ce que la morü peut avoir de si
ment amenéepar la scéne précédenteque ,ih tragique.
ii,
rl l ' L'existence terrestle n'a-t-elle pas été
nous y assisteronssanspresque nous aper- .i :
cevoir du changementdu décor, comm€ au if,'"
¡i
l'éteignoir de nos réves, la prison de notre
théAtre quand, absorbés par le déroulement t: c@ur, Ie tombeau de notre vraie vie, dans
de I'action, nous perdons de vue les trans- 1t Ieguel, par une volorté héroiquede vivre,
formations de la scéne. ,í{,$fur'rr, nousnous sommesmaintenusquelquetemps,
lI
agonisants.
Voir. La résurrection doit étre semblable au
I ,i, iil.,,,
:,1t..:' renouveauque le prisonnier éprouve au cor-
..1
L'enfant dont le reEard s'éveille aux cho- :.ti',:, tnet de la lumiére aprés une longue réclu-
ses qui I'entoureilt t{.hu d" sortir du réve ,f:
sion" L'espéranceétoufféerenait, le réve ou-
;ii,ri ,
de I'inconscience,pour üsccrner et différen- blié reprend corps, toutes les vibrations de
i..
cier les objets qu'on lui présente; il veuü ,i,i':¡: la jeuuessesecouentl'áme engourdieet I'on
'tii , .
comprendre leur forme, savoir leur utilité 8e retrouve,et I'on s'atfirme,et I'on osevivre
,."Íú,I,.
jusqu'á ce que, ces objets devenus réels et ' '
.1"1: enñn saus entravestout ce que I'on est.
il r.
t'
-irli '.
'rliil¡,|r.
:ir.
rli;ifll.
138 au srurr, D'uN n¡oNDENouvEAU
entrainepar de lourds matins vers le de- La vie modernecst une coursefolle vers
voir salutaile, celui sur qui I'on déverseles un loint¿tinbrumcux, morcelé, chaotique,si
ardeurs improductives,les tendressesmé- v¿rgueque personne ne peut le nommer et
connues,les larmesinconsolées, qui endosse que toutes les loutes y ménent. II y a une
toutes nos décevancespour en faire un ca- épidémie de travail comme il y a une épi-
pital d'économiespsychiques,de connais- démie de grippe, dont on ne peut mesurer
sancesutiles, de vertus solidesdont les re- lcs ravages.Que d'étreshumainsauraientpu
venus nous permettront un jour de vivle éüreheureux,utiles á leur prochain,auraient
dans I'aisance de I'ii.me ¡ru étre sáuvés, si l'on était parvenu á les
NIais le travail qui était le signe de la vie aruéter une heure dans la poursuite de leur
est devenu, de nos jours, un instrument de enjeu; mais une heure d'inactivité est égale
mort, une tension maladive vers un but illu- i¡.une heure de lucidité morale; mieux vaut
soire, se tuer i la course que d'entrevoir le
Pour mainúenir en mouvement le formi- néant.
dable rouage de I'arrivisme on a imaginé le L'activité est un dieu redoutable, qui,
moteur de [a volonté, espdcede monstre qui aous le mauteau du devoir, paralysetoutes
broie tout sur son passage: les montag'nes, les sensibilités,ies intuitions, les recueille-
les fleurs et le ceur des hommes. On n'es- uents et ies réveils de l'áme. Il a appauvri
tirne plus sa qualite ; sa force, seule, im- *t vidé I'hommemoderne.
porte; on la tend démesurémentau risque
dc faire sauter tout l'arsenal humain. sr.t*il devenu une malédiction ?
Quelqu'utile que soit la volonté bien em- 'Ssree que nous en avors défiguré le
pioyée, I'imporiant á ceúteheure n'est pae **ü¡; ¡ous en avons fait un but, au lieu d'un
de vouloir, mais de voir. Ce n'est plus la ' üryF¿o,une manifestationde l'intérét, non de
volonté, mais le regard intérieur qui demande diletuü"
á étre développé.Nous n'avons pas .failli i'.t¡u bt¡t tles maehines est de travaiiler, Ie
par faiblesse,mais par aveuglement. Cnc ¿rresest de vivre.- Dés que Ia ré'
t42 AU SEUIL o'ux MoNrr NouvEAU Not-r \¡ELLtr) ORTENTATION
t43
eüla dépensecessentdes'équilibrer,
:"pt:ol
la vie tarit.
L'homme moderne n,a connu que I'effort
utilitaire, il a complétementpe"du de
vue la
nécessitédu travail intérieur. Cependant,
il
est des valeurs qui ne peuvent se
former li,.i,uoncréteI'idée épuisée, a recours d des
que dans le silence et I'inaction,parce Royens arúificiels : l,ornement abonde,
que le
leur idéveloppementfait appel á táutes geste devient emphaúique,
nos la compositionse
énergiesvitales. La force-étrange surchargepoul. ne laisser en fin de compte
qui nous
frappe chez I'oriental est oo p"ádoii
d" ," gu'"19 forme á effet, vide de toute vie.' .fous
concentrationimmobile. < Time is moneyr, de redressement
,,,1"",:ffg"ls de l,Europeac_
dit le proverbe américain,mais si Ia perte échouent parcequece sonúdesgestes
de temps équivaut á une perüed'argent, elle liutt"^
áme, des gestes égoistes.
représente souvent un gain moral. La vie i',;Xons
i reconsúruirele monde, il
moderne,'compliquée jusqu,á l,excés,a ius- i,, l:"".irriver
est inutile de se servir des anciens
tifié I'erreur de I'effort utilitaire, maté-
lá flaux. Ce n'es-tpas avec des pierres
effri-
son chátiment.Nos ambitions nous"'.ri ont en_
: r!
qtt. nous éIéveronsde nouveauxédifices,
lizés dans un cercle vicieur; pour en sor_ .,,11""
u. *l_u" nos vieux systémes que nous res_
tir, il faudra lutter eontre le double obstacle .
iterons une vie nouvelle. ie travail que
de nos mauvaises habiúudeset des circons- ssite l'heure présente est un travail
tancesfácheuses. ffiórieur, la mise en action de nouvellesva-
Tout travail qui ne procédopas d.'unené- en vue de nouveaux intéréts.
cessiúé intérieure devient inutile et nui_
sible. 11"_o"rnousagitons, plus nous entra_
l'éclosionde cesvaleurset moinsnous
La résultante pratique de notre activiúé rs capablesd'accomplir une @uvre
européenne représente, cerúes, un capital . L'áme a besoin de peu de gestes,
considérable,mais c,est un capital périmé, l'inspiration des archaiqrr",i'uo*ii
IIl.4 AU SEUIL D,UN M ONDN NOUV E A U N OU V E LLE OR IE N TA TION 1,45
besoin .que de peu de lignes pour s'expri- Leur ambition ne dépassait pas la zone de
mer. On pourrait presque dire que le mou- la matiére, leur activité se bornait á I'ex-
vement extérieur diminue en proportion de tension de leurs muscles.
l'évolutionvitale.
L'effort moderne doit viser á réduire le I!éveloppementintellectuel.
geste et á condenserla pensée.
L'homme moderneeeu.tsavoir.
Il est en effet beaucoupde fagons de tra-
L'effort physique a perdu de son utilité.
vailler. Un certain travail anime les bras,
La charrue automatigue a remplacé le tra-
tend Ie cerveau,mais ignore les vibrations
vail du laboureur, le nouvel explosif, décou-
de l'áme. fout, ici-bas, procédepar ér'olu-
vert dans le silence du laboratoire, s'est
tion. A mesure que I'homme se développe,
montré plus efficace que l'endurance d'un
sonbut s'éléve,son action évolue, elle doit
baüaillon.
pftsserdu corps á I'intelligence,de l'intelli-
La civilisation n'a que faire de bras et de
genceá l'áme. jambes, elle demandedes ceiveaux. Arriver
physique.
Béveloppement |$ l" connaissancequi assure la richesse,
$ünserver la vie est bien, l'agrémenter vaut
L'hommeprimitif ueut crottre.'
Ii vise au développement de son corps et se .l Désormais, toutes Ies énergies vitales
dé¡rense enf orcesphysiques.L' ceilauxaguets, Wüt se porter vers les productions de I'in-
le jarret tendu,la hacheá la main, il parcourt . Surcroit d'études.tension de la
la terre saurrage,en quéte de butiu. Puis le ire. Le cerveau est devenu une ma-
soir, las mais rassasié,il regagne sa tribu' ü ernmagasinerde la science,un for-
II a accornplison destin, il est satisfait' De laboratoile, d'oü sortiront toutes
rnéme que la femme accomplit le sien en ions.,les perfectionnements mo-
plocréant,nourrissant et revétant la race á f;'asüI'exploitationIa plus éteudue,
venir. , nmpléte de toutes les facultéshu-
'; ', ' t0
1"46 AU sEUIL n'ux MoNoE NouvEAU NoUvELLE onrENTATtoN
i
t 47
i,i-
ñ
i50 .,rr;sEUrL D'uN NoNDENouvEAU N OT]V E I-LD ON IE NTA TION 151
tit d'étre pour agir: la vérité élaboréeau un jour avec des paroles identiques á celle
fond du sanctuaire émane au deirors un gue vous aviez préparées á son intention;
s,¡ufllerégénérateur. venant de vous directement,ellesI'auraient
Ce que nous pensonssans le dire, d'au- peut-étre froissées; agissant sur lui du de-
tres le sentent.Ce que nous voulons sans hors, elles I'ont convaincu sans qu'il s'en
pouvoir l'accomplir, agit dans I'invisible; apergüt.
ce que nous sommessans pouvoir le vivre, Ou bien vous étes á votre travail, vous
devientréalité universelle. cherchez vainement une solution qui vous
Il peut arriver, par exemple,que votre ami échappe; le lendemain,sansaucun elfort de
prenne une fausse voie. Vous vous sentez votre part, elle vient a votre rencontre en
¡rresséde le prévenir, il suffirail d'un mot une formule touto laite. Fruit de votre tra-
pour I'éclairer; vous pouvezá peineatfendre vail invisible et en apparence inutile de ltr
I'heure de sa visite. Pour calmer votre im- veille. Voyez la force d'une parole modérée,
patience vous condensezvotre impression d'un geste réprimé, d'un silence réproba-
en une idée pr'écise,vous táchez de la pré- teur: Ie regard que Ie Christ jeta sur Pierre
s:nter sous une forme distincte. Au cours renégat, l'atteignit sans doute plus profon-
tle cet exercice,la vérité prend corps en vous, dénent qu'une épée vengeresse. Le sermon
elle dcvient une paltie de vous-méme,une le plus éloquent peut laisser l'áme vide,
réalitc. La nuit se passe, I'ani ne revient mais il est impossible,dit'on, de passerin-
pas, r'otle bonne intention s'émousse,votre sensible á cóté d'un brahme en priére, de-
peine scnrbleperdue.Nullement, car il arri- bout dans les eaux du Gange et qui ne vit
vera lresque infailliblementqu'au moment plus que de sa seule vision intérieure.
oü vous yous y attendrezle moins, oü vous
aurez1lourainsi dire perdu la chosede vue,
votre ami, poussé par des crrusesétran-
gér'es,agila dans le sensdevotle conseil.Il l{ot¡s avons constatéles effets de I'action
n'est nrémepas impossiblequ'il vous aborde *xt¡$rieur¿, nous ne pouYonsencore évaluer
g¡i
flfi
ilü 152 AÜ SEUIL D,ÜN MONDE NOUYEAU
ffi1
i lfi
flfi
la portée du travail intérieur- mais si toute
réalité a sa source dans I'inconnu, l'insai-
sissable,l'immatériel, en sorte gue I'écrqu-
I'i l l lenrent actuel ne serait qu'unemanifestation,
!, $ une transsubstantiation, de nos penséesdé-
ll
constancesne changent que pour autant que
tions personnelles, et qui ne sont en réalité
nous changeonsnous-mémes,et la face du
que des facsimilés de l'opinion publique,
monde ne s'améliorera que lorsque le ceur
préférent poursuivre leur marche aveugle
de l'homme sera devenumeilleur.
st inutile que de consulter le sens des réali-
Ainsi le monde á venir sera la manifesta-
üás profondes. Semblables á ces chenilles
tion, la matérialisation de la pensée nou-
1*rocessionnaires qu'une main malicieuse a
velle, de cet idéal encore chaotique, mai$
úSrposéesen rond, ils tournent indéfiniment
vivant, et en travail de devenir que nous
*ü luegu'á l'épuisement de leurs forces dans
sentons chaque iour davantage se former
t n$me cercle vicieux. Il semble presgue
en nous,
plns ils sont versés dans le mécanisme
L54 au sEUrL D'uN MoNDENouvEAU
LE S GR A N D S . R E C O N S TñU C TE U R S 155
des lois de ce monde, plus ils sont adroits,
Car il est des temps oü la production du
prévoyants,platiques,savants,plus ils s'é-
bien devient impossible; alors l'ouvrier fi-
loignentdescausesvéritableset se serventde
déle déposeses outils et attend I'heure pro-
moyensillusoirs. C'est pourquoi les grands
pice. Son travail consistedésormaisá main-
reconstrucüeurs de I'avenir ne ,qontpas ceux
tenir dans l'inaction apparentel'intégrité de
que I'on croit: les organisateurs,les politi-
ses projets entravés. Ce travail de prépara-
ciens, les révolutionnaires,les diplomates,
tion silencieuseest de tous le plus efficace,
ceux qui tiennent les conférences,écrivent
car il représentela gestation et la forma-
les traités, font les lois et proclamentla jus-
tion de l'@uvredont la mise au jour ne sera
tice, tout ce qui á l'heure actuelle représente
plus qt'une conséquencenaturelle et facile.
la force et attire I'attention, mais au con-
Tout ce que nous possédonss'est élaboréen
traire, ceux qu.ele monde ignore et dont le
nous, durant les heures douloureuseset in-
travail parait inutile, tout ce qui doit se
srttisfaisantesde la création cachée, et le
taire, se cacher,tout ce qui souffre injuste-
monde vivra un jour du seul capital que les
rnent et meurt inconr¡u.
humbles ouvriers du bien ont su accumuler
Les vraies forcesreconstructivessont dans
et dérober á la décompositiongénérale.
les bonnesintentions qui échouent,la bonté
dont on abuse, le désintéressement que I'on
forces reconstructivbs.
méprise, I'honnétetédémodée,l'amour ou-
blié et l'áme méconnue.Voici les ouvriers, Le cJésíntér'essen?ent.
- Ce n'est pas du
voilá les matériaux,on ne les voit pas sur le cerveau, mais du cceur, que sortira I'idée
chantier,car ils üravaillentencoredanslessou- magique de la résurrection ; ce ne sont pas
bassements del'édificeet leur mortier n'a pas les savants, mais les bons qui, les premiers,
atteint la consistanee voulue; ils travailient pro:loncerontson nom. Le cer.v'eau a su dé-
en silence,maisleur ceuweestassurée, tanclis molir, le ceur seul esü capablede recons-
que s'agiteau-dessusd'euxla cohortedésor- truire. Aucuneforcequiprocédede l'égoisme
donnéeet bruyante desfaiseursacclamés. ne possédele germe vital.
LEs GRANDS REcoNETRUcTEURS L57
t56 A U SEUIL D.UN M ONDE NOUYEAÜ
que nous avons, mais de ce que nous som- l'humanitéagoniseet que I'Europes'écroule.
mes. La fleur que tu cueillesest-elleplus á L'amour est le plus irrtelligent des conseil-
Loi quand elle est sur ta table que lorsqu'elle lers, car il compreud tout "et discerne la
croit dans les champs? Ce n'est pas lors- cause cacl]óe; la bolté est la suprémesa-
qu'elle est prés de toi, mais lorsque tu es gesse, car elie désarmeI'ennemi sans user
capablede respirer son parfum, qu'ellet'ap- ses propl'esforces. J'ai souvent constatéIa
partient davanüage. solitude de l'égoisme,je n'ai jamais rencon-
La richesse dont on abuse pour servir tré un étre qui eüt perdu quoi que ce soit
son égoisme nous appauvrit en réalité, car ir étre bon. Car Ia bonté attire et proyoque
elle sape en nous la faculté d'en jouir qui, Ia bonté,tandis quel'égoismeéveilleIa haine
seule, pouvait la rcndre précieuse á nos et empoisonnel'air que nous respirons.
yeux, Que servirait I'amour á qui n'a plus Laissons-nous toujours aller aux bons
de jeunesse,ou la lumidre á qui ne voit plus sentimentsqui sont en nous, tout ce qui les
clair ? Il faut ne rien posséderpour savoir réprime nui¡ á nos intéréts. C'est au mo-
que toute choseest á nous. ment oü nous avons su nous contenir,résis-
Ne demandonsjamais á avoir, avoir est ter, renoucer,oü nous avons atteint Ia pas-
rine illusion; mais demandonsá pouvoir, sivité de I'attitude réceptive, que I'objet de
car nous ne possédons. réellement que ce notre désir se forme dans I'invisible er se
rlue peut notre ceur, tluahd il est bon. prepare á venil a notre rencontre. Oh ! la
L' untouret Iu bonte,-Toutes leslumiéres plénitude des jours vides, des gestesapai-
de la tr-'rrene feror¡t pas que }es hommes sés, des désirs assouplis, tles bras déten-
voient, aussi Ii.rrrqtcrul)sque leur átne n'est dus, oü I'on avance sans volonté vers un
pas éclairéu par la fl¿rmmeintérieure de l¡ut inconnu, avec, au c€ur, la calme dignité
l'amour et de lrrbo¡rté.II esüsi faciled'ainrer tlu bon droit et Ia douce tristesse de celui
et d'étre bo¡r: il suffi[ pour cela que le ceur t¡ui accepteIe sacrifice immérité. Fiére et
soit á la bourre place, et cependantc'est dépouillée,l'áme se tient devant Dieu; elle
parceque cette chosesi simple manque,que "se demanderien, elle attend la réponsequi
r60 AU SEUIL D'UN MONDE NOUVEAU
LE S GR A N D S R E C ON S TR U C TE U R S 161
lui est due. Et son silence oblige Dieu á
parler. Sans doute sa réponse n'est jamais souffre et demandeá étre soulagé eüc,est
;
celle que le ceur attend, mais il est si dé- en diminua¡t la peine universelle que nous
pouillé, qu'il sourit au moindre geste bien- allégeons la nótre. Rendre heureux ! non
veillant; il essaye méme de le suivre et dé- pour recevoir le bonheur, mais pour le plai_
couvre alors qu'il méne,contre toute attente, sir de le voir rayonner comme ie soleii s,rr
á. des Edens inconnus. la colline lointaine et inconnue. Le bonheur
Si nous voulons une humanité meilleure, est si rare, il est si nécessaire;le monde se
éveillons cheznotre prochain le plus de sen- meurt de sa disette.Il faut que tous nos ges_
timents nobles dontil est capable.Le moyen üessoient avant tout des gestes qui sément
est simple: soulignons ses mérites, n'enre- Iebonheur.Qu'irnporteoü tombela semence,
.
gistrons pas sesfautes.Passe,oublie, laisse qu'imporüe la fleur qu,elle fera éclore. elle
tomber tout ce qui, réalisé, pourraiü proyo- ,trouvera toujours son chemin
sur cetteierre
quer ton ressentiment.Mais si I'on t'a souri dépouillée, et méme si elle devaiú s'égarer
quand tu étais seul, souligne ce sourire, sur la laude aride et ne profiüer qu,á to-i qui
afin que de ton ceur il en rayonne de la lu- ,l'as lancée, sa mission ne serait pas perdue
miére sur la foule qui passe. Car si toutes l'universel devenir du boulieur par le
. ¡1o"
les forces qui sont dépenséespour soulager ,:lÉen.
l'humanité se concentraienten un seul rayon -' La,tolérance.-.Chaque individu, comme
d'amour, la misére humaine en serait illu- ' uttaquepeupre,* yl: vérité particuliérequi
miuée au point de paraitre de la richesse. l Iñ *" rapportequ'á lui, qui est inhérenteá
L'or métal n'a jamais servi qu'á couvrir ¡*fln €ssence,une vérité qu,il a le droit de
le bonheur qui n'est plus, mais I'or moral et que nous avons le devoir de respec_
l,po*,
'l'ffi, al,orsméme que sondéveloppement
couyre toutes les dettes et refaitl'áme neuve. serait
Rendre heureu-x! peu importe que ce soit sppare¡rceinconciliable avec celui des
un parent, un ami ou un ennemi,un animal, ités voisines. Ceux qui contemplentle
un insecte ou u¡re plante; tout ce qui vit menü du sud ou du nord établissent
lrcsition différente des étoiles; leur affir-
1l
*¡i
't!::':
Nous ne pouvons pas faire autre chose á La prise de contactavec la réalité est une
I'heure qu'il esb, mais nous pouvons le tragédie : elle impose la triple obligation
faire et c'est énorme;c'est presquetout, car d'une sincéritéabsolue,d'un courageá toute
celui qui résiste et qui proteste, crée un épreuve, d'une énergie capable de créer un
nouyeau facteur pour Ie bien en devenir. idéal personnel.Devoir mal commodeque
beaucoup essayenúd'éviter en se réfugiant
Évolution. dansI'irréel, l'apparence,le mensongesocial.
Cette crise morale, qui fait de nous des
Il n'est pasnécessaire d'étreprophétepour étres immortels, passepar différentesphases
prédire I'avenír, il suffit de regarder en soi. dont voici les principales :
Celui qui a su marquer les étapes de sa L'étape de la sincérité:
propre évolution, connait Ia marchedu monde L'áme, tourmentéepar la vie, se révolte
en devenir. Il sait par oü l'on passeet com- contreI'inadmissibld, s'accrochedésespéré-
ment on aboutit. L'histoire de notre vie est ment á ce qui n'a plus de consistance;elle.
un résumé de I'histoire humaine, notre áme douted'elle-mémeet souffresans espoir,car
est un univers en miniature. Comme les elle souffredansl'ignorance,ce qui, de toutes
hommes,les peuples ont une á.me,et pour les douleurs, est laplus cruelle. Puis vient:
qu'un homme ou un peuple puisse remplir L'étape de l'endurance:
toute sa mission, il faut que son áme amive On souffre, mais avec moins de sensibi-
á la plénitude de sa conscience,á I'entiére lité ; l'áme a acquis la r'ésistance,elle est
possessi,rn d'elle-méme.< Le mondeactuel devenueplus apte á se défendre, plus habile
p¿rsse par la crise morale que doit traverser & déjouerles ruses du malheur.
tout étle qui s'achenineversun but ébernel.> L'étape de la patience:
En effet nous sommesdes étres naturelle- Elle nouspermetd'endurerplus facilement,
ment inconscients,qui ne parvenons it la ff{rffi que nous avons découvertque tout est
possessionde notre < moi irnmortel > que t*es${Seret relatif et que, du pire, doit fata-
par le choc des circorlstauces, lhmsnt sortir le' mieux,
lin
168 A U SEUIL D,UN M ONDE NOUVEAU LES cRANDS RricoNsrRUcrEURs 169
ii
r
I
174 AU SEUIL D,UN il{ONDE NOUVEAU V IS ION D .A V E N IR 175
chers, mais ils ont commechangé d'áme, et crates de l'intelligence, leurs palais sonüles
font partie d'un monde ressuscité. rnonopoles de la culture. Maitres de la
Oü les monuments du matérialisme se science,ils exercentdans de vasteslabora-
dressaienüjadis, voici paraitre le tróne de toires les connaissancessacrées, sondent
I'Esprit. C'est lui qui régne, qu'on honore I'invisible et dirigent les forcesmystérieuses
et que-sert I'ancien troupeau des esclaves de la nature.
de I'argent. La jeunessea ses droits, elle s'ébatdans
Les hommestravaillent et luttent encorc, les parcs des ieux et des plaisirs. Son pre-
mais leurs ambitions ont pour objet la con- nier devoir est de s'essayeret de s'épanouir,
quéte de l'áme. Car á. la plus haute stature ¡r'puis de développer et d'utiliser á l'école des
morale, est décerné le plus haut rang so- c¡rgesle don particulier de chacun.
cial. ,. La femme a reconquisson rang d'initia-
'triee, elle est vénérée comme les anciennes
L'arrivisme, devenu spirituel, a ses
adeptes,sesfanatiques,ses martyrs. On en tstales, elle console, soigne, dirige et
voit qui cheminent le long des chemins, le r¡.Sroque
le chantdesámes.
corps couyert de haiilons et le front rayon- ta Vérité a sestemples,ils sont éntourés
nant; d'autres jettent leurs rames et con- :& iardins silencieux et ouverts á tous ceux
fient leur barque au seul souffle de l'intui- I s cherchent> dans quelquedomaine que
tion. Il en est dont les mains blanches *oit : á travers les religions, I'art, les
reposentsur des lauriers : ce sont les arti- ieuces et la vie. Ses prétres sont les ado-
sansde la contemplation. 's, les plus désintéressésdu Bien. Son
La mode du jour a ses héros : Princesde se fait par la méditation, la contem-
l'art, ils desserventIe culte de la beauté et de la nature, l'édification de la
vivent dans des demeures qui rappellent , et la communion des ámes. Qar il3
I'ancienne gloire des Indes. Aucun souci Ie bonheur pour tous les hommes.
matériel ne doit troubler leur inspiration, iustice a sesprisons oü les coupables
car tout ce qu'ils font est sacré. Aristo- jugés d'aprés leur valeur morale et la
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176 A U,SEUIL DUN M ONDE NOUVEA U
pour les réunir, et qui séparons celles dont nuellementsansiamais se comprendreet les
I'union est un ob.stacleau progrés. Nous peuples s'entre-tuaient sans savoir pour-
groupons ainsi les étres en familles spiri- quoi. Oü le but de la vie consistait á se
tuelles, pour qu'ils s'entraidentet se libé- tromper soi-méme et les autres... pour
rent par Ie contact silencieux des ámes. rien !... > Et quandla jeunesseeut entendu
Nous accordons la liberté des sens á. tous ee récit d'antan, elle se moqua tellement et
ceux qui sont purs et nous .entretenons la ria si fort, que le vieux pionnier s'en éveil-
flamme de I'enthousiasmesur l'autel du sen- la. Et lorsqu'il eut ouvert les veux il sentit
timent. que, lui aussi, riait. Il resta quelquesins-
Le pionnier Iui tendit la main avec sym- tants le front appuyé dans les mains, car
pathie, et commeil se faisait déjá tard ii prit il ne savait plus bien oü iI avait vu ces
congépour rentrer chezlui. Les rues étaient choses, si c'était dans le passé ou dans
encore fort animées.La jeunessejoyeuse l'avenir, en réve ou en réalité. Puis il se
passait en foule, il en éúait qui se tenaient souvint de sa course inachevée, se leva et
par la main. < Des adeptes de mon beau marcha tóute la nuit. Vers le matin ses
prophéte ), pensa le pionnier, et il voulut forcesi'abandonnérent.Alors immobile, les
passer outre, lorsque son attention fut atti- rnainstenduesdans le vide, les yeux perdus
rée par une vieille femme accroupie-au d.ansles ténébres, conscient d'une réalité
seuil de sa porte et qu'entourait un groupe dijh présente,mais insaisissableencore,il
cl'enfants.Il s'approcha pour écouter. La
l* invoquaI'inconnu:
vieille racontait une légendedu temps ja- it,. < Par deláles haineset les guenres;les
dis < oir I'or > disait-elle, < était adoré '¡' *berrations et les douleurs, s'écria-t-il, á
comme une divinité, oü les hommesétaient lii"tnavers les noires fumées d'une civilisation
des machines remontées par I'état, oü q¡ni se consume et dont le vent emporte au
I'amour était une plaisanterie,la liberté un üoin les cendres mortes, je t'entrevois, ó
synonyme tlc prison et le bonheur un mot ffirulde nouveau, patrie de notle humanité
inconnt. 0ü les hommes parlaient conti- nue, oü notre áme errantr¡ et pour-
1.82 A U SEUIL D- UN M ONDE NOUVEAU
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