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Par
Stéphane COTTIN
Maître de conférences à l’IEP de Paris
Didier RIBES
Allocataire de recherche - moniteur à l’Université d’Aix-Marseille III (1*)
1(*) Stéphane Cottin a établi l’ensemble des documents, encadrés et graphiques ; Didier Ribes a rédigé le reste du
commentaire.
2 G. Orsoni, L’interventionnisme fiscal, PUF, 1995, p. 295.
3 Cf. G. Sainteny, « Quelle fiscalité de l’environnement ? », Rev. fr. fin. publ., n° 63, 1998, p. 109 et s.
4 J.O. 31 décembre 2000, p. 21204.
I - LA CONSTITUTIONNALITÉ DE L’OBJECTIF DU LÉGISLATEUR :
LA LÉGITIMITÉ DE LA FISCALITÉ ÉCOLOGIQUE
Une catégorisation des mesures fiscales de nature à assurer une meilleure protection de
l’environnement peut conduire à distinguer deux types de fiscalité : l’une négative, l’autre
positive16.
La fiscalité négative, tout d’abord, est constituée par les avantages fiscaux, les
dégrèvements et les exonérations. Ils constituent, au sens strict, des incitations fiscales au
développement de certains comportements ou activités. La loi de finances pour 1999 contient
ainsi de nombreuses mesures visant à encourager l’utilisation de carburants « propres ». Dans
le même sens, la loi de finances pour 2001 crée un crédit d’impôt pour dépenses
d’équipements de production d’énergies renouvelables17.
La fiscalité positive, ensuite, repose sur le principe de la taxation. L’imposition de
comportements ou d’activités doit conduire à réduire voire supprimer leur réalisation. Cette
logique, cette fois, de dissuasion fiscale prend la forme d’une augmentation ciblée d’un impôt
existant ou d’une création d’un nouvel impôt. L’application de la TGAP aux consommations
intermédiaires d’énergie se place dans ce cadre.
Au-delà des caractéristiques particulières, toutes ces mesures fiscales sont soumises à
une même interrogation, celle de leur constitutionnalité et plus précisément de leur conformité
au regard du principe d’égalité. En effet, « la disposition d’incitation fiscale est par essence
dérogatoire et conséquemment génératrice de discrimination »18.
La configuration du principe d’égalité en matière fiscale repose sur l’article 13 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Celui-ci dispose que « pour
l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution
commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison
de leurs facultés ». L’égalité fiscale marque ainsi sa spécificité en droit constitutionnel
français dès lors qu’elle doit s’exprimer par la différenciation. Pour autant, elle ne confère pas
au législateur un libre pouvoir de différenciation. Une lecture stricte du texte constitutionnel
conduit même à exclure tout autre critère que les facultés contributives pour répartir l’impôt.
De façon très pragmatique, le Conseil constitutionnel a refusé l’invocation exclusive
de l’article 13 de la Déclaration de 1789 en matière fiscale. L’application du principe général
d’égalité lui a permis d’admettre de nombreuses différenciations fiscales basées sur des
critères autres que la capacité contributive. En effet, ce principe, fondé sur l’article 6 de la
Déclaration des droits de 1789 « ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt
général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en
rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »19.
En 1984, le Conseil constitutionnel a dû se prononcer sur la constitutionnalité de la
déduction du bénéfice imposable des entreprises des dons faits à des fondations ou
associations d’intérêt général culturel. Il a jugé que « le principe d’égalité ne fait pas obstacle
à ce que le législateur édicte, par l’octroi d’avantages fiscaux, des mesures d’incitation à la
création et au développement d’un secteur d’activité concourant à l’intérêt général »20. Par la
16 L. Grammatico et I. Meca, « Les perspectives de la fiscalité positive de l’eau et de l’air : l’amorce d’une
fiscalité écologique », Revue juridique de l’environnement, 2000, n° 1, p. 53 et s.
17 Art. 67 de la loi n° 1352 du 30 décembre 2000, JO 31 décembre 2000, p. 21119.
18 G. Orsoni, op. cit., p. 18.
19 Par exemple, 98-403 DC du 29 juillet 1998, Taxe d’inhabitation, cons. 9, RJC I-765.
20 Décision 84-184 DC du 29 décembre 1984, Loi de finances pour 1985, cons. 25, RJC I-212, notes R. Etien,
RA, 1985, p. 140 ; L. Favoreu, RDP, 1985, p. 395 ; L. Philip, RDP, 1985, p. 651.
suite, il a confirmé à plusieurs reprises cette jurisprudence en réaffirmant que « le principe
d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général
des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux »21.
Le juge constitutionnel admet donc, au regard du principe d’égalité, le principe de
mesures fiscales incitatives au sens strict. Il admet également, mais de manière moins
explicite, les dispositions fiscales à portée dissuasive. Il a jugé en 1989 que ne méconnaissait
pas l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme l’institution de la taxe forfaitaire de
3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n’y
ayant pas leur siège social, dès lors qu’elle tend, « dans l’intention du législateur, à dissuader
les contribuables assujettis initialement à l’impôt de solidarité sur la fortune d’échapper à une
telle imposition en créant dans des États n’ayant pas conclu avec la France une convention
fiscale (…) des sociétés qui deviennent propriétaires d’immeubles situés en France »22. Plus
récemment, la Haute juridiction a déclaré conforme à la Constitution l’institution d’une taxe
dissuasive dont l’objet est « d’inciter les [propriétaires] à mettre en location des logements
(…) habitables, vacants et dont la vacance tient à la seule volonté de leur détenteur »23.
La décision du 28 décembre 2000 a été l’occasion pour le Conseil constitutionnel
d’affirmer, dans un considérant de principe, la constitutionnalité de la fiscalité positive ou,
autrement dit, des dispositifs fiscaux à finalité dissuasive. Les juges de l'aile Montpensier du
Palais Royal ont indiqué en effet que « le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que
soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter les redevables à adopter
des comportements conformes à des objectifs d’intérêt général, pourvu que les règles qu’il
fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ». Cette décision s’inscrit ainsi dans
une lignée jurisprudentielle claire marquant une appréhension réaliste du droit fiscal par le
juge constitutionnel.
Concernant plus précisément l’écotaxe, la question qui s’est posée au juge de la loi a
été celle de savoir si des considérations écologiques peuvent justifier une différence de
traitement fiscal. La Cour de justice des communautés européennes a déjà eu l’occasion de
considérer, pour admettre une différenciation fiscale à visée écologique, que la protection de
l’environnement est « un objectif essentiel de la Communauté »24. Le Conseil constitutionnel,
pour sa part, a considéré en l’espèce que la volonté du législateur fiscal de renforcer la lutte
contre l’effet de serre constitue un objectif d’intérêt général. La constitutionnalité de la
fiscalité écologique se trouve ainsi affirmée.
Mais si l’intention est reconnue légitime, la manière n’est pas nécessairement
21 Décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993, Loi de finances rectificative pour 1993, cons. 18, RJC I-526, notes
B. Mathieu, Petites affiches, 1994, n° 2, p. 16 ; L. Philip, RFDC, 15-1993, p. 576 ; X. Prétot, Dr. soc., 1993,
9/10, p. 787 ; Décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995, Aménagement et développement du territoire,
cons. 34, RJC I-624, notes E. Alfandari, RTDSS, 1995, p. 579; B. Mathieu, RFDA, 1995, p. 780; D. Rousseau,
RFDA, 1995, p. 876 ; J. Tremeau, J. Pini, F. Mélin-Soucramanien, RFDC, 24-1995, p. 787 ; Décision n° 95-
369 DC du 28 décembre 1995, Loi de finances pour 1996, cons. 9, RJC I-646, notes J. Coillot, Petites affiches,
1996, n° 10, p. 4; J.-P. Lay, D., 1996, chron., p. 193; F. Mélin-Soucramanien, D., 1997, som. com., n° 17,
p. 140 ; L. Philip, RFDC, 25-1996, p. 119 ; O. Schrameck, AJDA, 1996, p. 369 ; Décision n° 96-385 DC du 30
décembre 1996, Loi de finances pour 1997, cons. 4, RJC I-691, notes J. Hauser, RTDC, 1997, n° 2, p. 412 ;
F. Luchaire, RDP, 1997, p. 289 ; B. Mathieu, Petites affiches, 1997, n° 29, p. 5 ; J. Mestre, RTDC, 1997, p. 416 ;
L. Philip, RFDC, 29-1997, p. 119 ; O. Schrameck, AJDA, 1997, n° 2, p. 161 ; Décision n° 97-388 DC du 20 mars
1997, Fonds de pension, cons. 25, RJC I-701, notes B. Mathieu et M. Verpeaux, Petites affiches, 1997, n° 125,
p. 13 ; L. Favoreu et F. Mélin-Soucramanien, RFDC 30-1997, p. 328 ; X. Prétot, Dr. soc. 1997, n° 5, p. 476 ;
Décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000, Loi de finances pour 2001, JO 31 décembre 2000, p. 21194,
note J.-E. Schoettl, Petites affiches, 4 janvier 2001, n° 3, p. 13.
22 Décision 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990, cons. 78, RJC I-382, notes R. Etien,
RA, 1990, p. 426 ; B. Genevois, RFDA, 1990, p. 143 et AIJC V-1989, p. 476 et s. ; L. Philip, Dr. fisc. 1990,
n° 12, p. 464 et RFDC 1-1990, p. 122.
23 Décision 98-403 DC du 29 juillet 1998, précitée, cons. 16
24 CJCE, 2 avril 1998, Outokumpu Oy, Rec. p. 1801.
satisfaisante. En l’occurrence, l’inadéquation des moyens à l’objectif affiché a contraint le
Conseil constitutionnel à déclarer inconstitutionnel le dispositif de TGAP-Energie.
Le droit fiscal est, par essence, un droit de différenciation, le législateur devant répartir
l’impôt en fonction des facultés contributives des citoyens. La jurisprudence récente du
Conseil constitutionnel a montré que cette prise en compte de la capacité contribuable des
citoyens et la différenciation qu’elle implique dans le régime d’imposition constituent pour le
Parlement une obligation positive25.
Mais le législateur dispose également en matière fiscale, comme dans toute
autre matière, de la faculté de différencier le régime juridique qu’il crée ou modifie en
fonction du but qu’il poursuit. La fiscalité incitative génère ainsi sa propre logique de
différenciation. En effet, les différences de traitement fiscal sont alors l’instrument de
réalisation de l’objectif spécifique du législateur.
Lorsqu’il établit une imposition, le Parlement peut librement en déterminer l’assiette.
Toutefois, il est soumis à un certain nombre de contraintes constitutionnelles dans
l’élaboration de la loi fiscale. Le Conseil constitutionnel a précisé qu’en particulier, pour
assurer le respect du principe d’égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères
objectifs et rationnels26. Cette exigence s’impose particulièrement pour les impositions à
finalité incitative ou dissuasive. En effet, le juge constitutionnel doit vérifier s’il existe une
corrélation suffisante entre les moyens utilisés et le but particulier poursuivi. Il exerce un
contrôle de la rationalité des choix du législateur au regard de la logique de différenciation
que ce dernier a déterminée dans son exposé des motifs.
La logique incitative peut impliquer des différenciations nécessaires. Le Conseil
constitutionnel doit vérifier, en conséquence, que le législateur ne crée pas de discrimination
passive en appliquant un traitement uniforme à des situations ou des redevables distincts au
regard de l’objectif poursuivi. A ce titre, il a censuré une disposition de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999 qui imposait à tous les médecins conventionnés, quel que soit
leur comportement, d’acquitter une contribution proportionnelle à leurs revenus
25 Décisions 99-424 DC du 29 décembre 1999, Loi de finances pour 2000, sur la taxe Bonrepaux et 2000-
437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, sur la réduction dégressive
de la contribution sociale généralisée.
26 G. Eveillard, « L’exigence de critères objectifs et rationnels dans le contrôle de l’égalité devant l’impôt par le
Conseil constitutionnel », Petites affiches, 28 janvier 2000 (20), p. 8 et s.
professionnels en cas de dépassement de l’objectif de dépenses médicales27. Ce dispositif
indifférencié ne pouvait permettre d’atteindre le but affiché, la maîtrise des dépenses, faute de
comporter le moindre élément d’incitation individuelle.
Le juge de la loi doit également examiner si les critères de différenciation établis par la
loi sont « objectifs et rationnels », c’est-à-dire s’ils sont suffisamment pertinents au regard de
l’objectif recherché. La corrélation est suffisante lorsque la différence de traitement peut
raisonnablement produire l’effet recherché
Enfin, le contrôle de la proportionnalité des différenciations au but de l’imposition doit
pouvoir permettre de censurer d’éventuelles ruptures caractérisées de l’égalité devant les
charges publiques. L’imposition excessive d’une catégorie de contribuables peut permettre
évidemment d’atteindre l’objectif fixé sans y être pour autant proportionné.
Le but poursuivi par le législateur et la logique de différenciation qu’il produit
constituent ainsi le criterium sur la base duquel le juge constitutionnel déroule tout son
contrôle du respect de l’égalité. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs précisé, en l’espèce,
que c’est en fonction de l’adéquation des dispositions critiquées à l’objectif d’intérêt général
de lutte contre l’effet de serre qu’il convenait pour lui de répondre aux griefs tirés de la
rupture de l’égalité devant l’impôt. Et c’est de la constatation de cette inadéquation qu’il a tiré
la sanction des différenciations établies par la mesure fiscale contestée.
Soit deux sociétés E1 et E2, dans un secteur analogue.E1 et E2 utilise le même unique intrant
énergétique. E2 reçoit 10% de produits énergétiques (soumis à la TGAP) de plus que E1. La
valeur ajoutée, VA = 100 millions de F, est la même pour les deux entreprises.
Le grief avait été soulevé en cours de débat. Il y avait été répondu que la taxe avait comme
objectif de contribuer à faire modifier les comportements individuels de chaque entreprise. Il
est néanmoins constant dans le cas que l'on vient d'étudier que deux entreprises situées dans
des activités analogues voient le montant de leurs taxes différer dans des proportions
inégalitaires, surtout si la moindre consommation de la plus taxée reflète un effort de
dépollution passé.
Note :
Parmi un ensemble d'entreprises utilisant le même intrant énergétique, pour des quantités Q en
TEP et des valeurs ajoutées VA constantes sur les périodes précédentes, à un instant t, le
montant de la TGAP varie comme :
100 Q0
Q ⋅ 1 − − f ( A)
Q Q
100
En négligeant le terme et en remplaçant Q par A x VA, la courbe a donc la forme de
Q
A[1- f ( A) ]
A(1-D)
30
niveau de la TGAP fonction
25
20
de A(1-D)
15
10
0
1 51 101 151 201 251 301 351 401 451 501 551 601
A en TEP/VA
Application pratique avec le fioul lourd :
On se placera ici dans le cas où Q = Q0 (exemple de l'entreprise qui ne modifie pas son
comportement énergétique, ni sa valeur ajoutée)
On suppose que l'entreprise à une VA fixe de 100 M de F.
On retrouve sur ce schéma le cas exposé plus haut :
800 000,00 F
taxe à payer l'année n+1
700 000,00 F
600 000,00 F
500 000,00 F
400 000,00 F
300 000,00 F
200 000,00 F
100 000,00 F
0,00 F
12000
16000
28000
60000
0
20000
24000
32000
36000
40000
44000
48000
52000
56000
4000
8000
Soit deux sociétés E1 et E2, dans un secteur analogue. E2 utilise 10% de produits
énergétiques (soumis à la TGAP) que E1. La valeur ajoutée, VA = 100 millions de F, est la
même pour les deux entreprises.
E1 reçoit 7000 tep l'année n, E2, 7700 tep.
Pour illustrer le cas, on prendra l'exemple du fioul lourd, dont le tarif fiscal est à 245,79 F par
tep reçue.
Pour E1 : le calcul de l'assiette S1 pour l'année n+1 donnera :
S1 = Q1 de l'année n+1 (soit 7000 tep) – 100 (franchise) – (Q0(E1) (référence de l'année n :
7000 tep) x son coefficient d'abattement D1
et S2 = Q2 (7700 tep) – 100 – Q0 (E2) (7700 tep) x D2
Donc S1 = 7000 – 100 – 7000 x 0,62 = 2560 tep soit 629 222,40 F de TGAP
et S2 = 7700 – 100 –7700 x 0,662 = 2506,2 tep soit 615 998,898 F de TGAP,
De surcroît, on va observer dans une analyse diachronique que, pour la même entreprise E1,
le fait de polluer plus encore peut faire baisser le montant de sa taxe.
L'intensité énergétique de la richesse produite est définie par la loi par un ratio dont le
dénominateur est constitué par la valeur ajoutée telle que définie au II de l'article 1647 B
sexies du code général des impôts, réalisée au titre du dernier exercice de douze mois clos au
cours de l'année précédant celle au titre de laquelle la taxe est due. En cas de renouvellement
de l'engagement mentionné au I de l'article 266 nonies C, la valeur ajoutée à retenir est celle
réalisée au titre du dernier exercice de douze mois clos au cours de l'année précédant ce
renouvellement.
A noter que ce problème avait été évoqué tant dans le rapport Migaud (Assemblée Nationale,
n° 2275) :
« Le dénominateur a pour référence la valeur ajoutée créée par le redevable, telle qu'elle est
définie aux 1 et 2 de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, soit la valeur ajoutée
définie afin de calculer l'éventuel plafonnement de la taxe professionnelle des entreprises.
Cette définition de la valeur ajoutée est sans doute celle qui est la mieux connue et maîtrisée
par les redevables concernées par l'abattement spécifique aux entreprises dont la
consommation d'énergie est forte. En effet, ils sont en règle générale concernés par le
dispositif de plafonnement du montant de la taxe professionnelle et, à ce titre, suivent avec
attention l'évolution de leur valeur ajoutée ainsi définie.
Celle-ci est calculée au titre du dernier exercice de douze mois clos. Cela signifie que le
décalage entre les références temporelles du dénominateur et du numérateur, qui est définie au
titre de l'année civile précédente, varie potentiellement d'une durée nulle à un écart d'un an.
Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, cet élément, peu satisfaisant,
est cependant incontournable au regard des inconvénients que constituerait la prise en compte
d'autres références temporelles pour les calculs des consommations d'énergie et de la valeur
ajoutée. »
34 Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Allocations familiales, cons. 35, RJC I-721 ; Décision 98-
404 DC du 18 décembre 1998, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, cons. 26 ; Décision 99-
416 DC du 23 juillet 1999, Couverture maladie universelle, cons. 10, RJC I-831.
pour atteindre un niveau d'abattement supérieur et réduire ainsi sa dette fiscale. Le rapporteur
général de l'Assemblée nationale a également souligné ces effets pervers probables du
dispositif. »
Cas n° 1 : au bout de la 2e année d'exercice, elle fait l'effort de descendre à 4000 tep et s'y
maintient pendant les 4 ans restant
Au total elle aura consommé 23000 tep et sera taxée sur 8826,67 tep
Cas n° 2 : toujours au bout de la 2e année, elle fait le même effort de descendre à 4000 l'année
n+1, mais ne s'y maintient pas et remonte à 5000 tep pour les trois années suivantes
Au total elle aura consommé 26000 tep et sera taxée sur 8326,67 tep
Ainsi, malgré l'augmentation de la pollution par rapport au cas n°1, l'assiette de la taxe est
moindre.
Cas n°1
Va en
part taxée
année tep soumise à tgap millions D
(en tep)
tep/va
n-1 (année de
7000 100 70 0,62 NA
référence)
n 7000 100 70 0,62 2560
n+1 4000 100 40 0,333 1566,67
n+2 4000 100 40 0,333 1566,67
n+3 4000 100 40 0,333 1566,67
n+4 4000 100 40 0,333 1566,67
Cas n°2
Va en
part taxée
année tep soumise à tgap millions D
(en tep)
tep/va
n-1 (année de 7000 100 70 0,62 NA
référence)
n 7000 100 70 0,62 2560
n+1 4000 100 40 0,333 1566,67
n+2 5000 100 50 0,5 1400
n+3 5000 100 50 0,5 1400
n+4 5000 100 50 0,5 1400
Soit une gain de 122 895 F pour le cas n° 2 alors que l'entreprise a émis 3000 tep de plus.
Conclusion
Il a pu être reproché aux « Sages » du Palais Royal d’avoir mené en l’espèce, fût-ce
implicitement, un contrôle extrêmement poussé pour censurer le législateur. Mais, sauf à
renoncer à exercer son contrôle, le Conseil constitutionnel, eu égard à la complexité du
dispositif, se devait d’approfondir sa recherche des ruptures d’égalité. En effet, une
complexification excessive des dispositifs fiscaux pourrait constituer une arme redoutable
pour le Gouvernement, en limitant l’examen du Parlement et le contrôle du juge
constitutionnel, notamment dans le cadre de l’adoption de la loi de finances.
Pour autant, cette décision 2000-441 DC ne marque pas une modification substantielle
des limites du contrôle exercé par le juge constitutionnel en matière d’égalité devant l’impôt.
Le juge de la loi n’a notamment pas contrôlé l’efficacité de la mesure. Le pourrait-il d’ailleurs
dans le cadre d’un contrôle a priori et dans le délai d'examen imparti par la Constitution ? La
censure repose assez classiquement sur la révélation de l’inadéquation manifeste du dispositif
fiscal au but recherché. Le caractère manifestement inapproprié de la disposition découle ici
de la gravité de la distorsion entre l’objectif affiché et le moyen utilisé. La mise en évidence
des effets « contre-productifs » de l’imposition suffit à établir l’absence de corrélation
suffisante entre les modalités retenues et le but poursuivi.
Le juge constitutionnel n’a donc pas substitué son appréciation à celle du législateur. Il
n’a surtout pas remis en cause l’objectif promu par ce dernier car il apparaît bien que ce que le
Conseil constitutionnel a censuré dans la TGAP, ce n’est pas son caractère écologique mais,
bien au contraire, son défaut de caractère véritablement écologique…
Document n° 1 :
Il est possible de calculer le coût fiscal théorique d'une TEP de chacun des produits
énergétiques taxables. Par ailleurs, les produits de chacun de ces coûts par le facteur 100
établissent le montant de la franchise de 100 TEP pour chacun des produits énergétiques
taxables. Ces informations figurent dans le tableau suivant :
Tableau 2 :
MONTANT DE LA TAXE DUE
POUR LA RÉCEPTION D'UNE TONNE ÉQUIVALENT PÉTROLE
DE CHAQUE PRODUIT ÉNERGÉTIQUE TAXABLE
Coefficient
Tarif fiscal de conversion
Montant
de la en tonnes Coût fiscal
Désignation du Unités de la franchise
réception équivalent de la réception
produit de perception calculée pour
d'une unité pétrole d'une TEP
chaque produit
de perception de chaque unité
de perception
" Art. 266 octies B. - I. - Les redevables de la taxe bénéficient d'une franchise annuelle de 100
tonnes équivalent pétrole sur les quantités de produits énergétiques effectivement soumis à la
taxe reçus au cours de l'année.
" II. - La conversion en tonnes équivalent pétrole des quantités de chaque catégorie de
produits énergétiques est obtenue par la multiplication des quantités de produits énergétiques
reçues exprimées en mégawattheures, milliers de litres ou tonnes, selon les produits, par des
coefficients fixés par décret en Conseil d'Etat selon les normes usuelles en la matière.
" III. - Pour les redevables autres que ceux soumis aux régimes de taxation prévus aux articles
266 nonies B et 266 nonies C, lorsque les quantités des produits énergétiques reçus viennent à
excéder, au cours d'une année civile, le seuil de la franchise, la taxe est due par le redevable
sur la fraction des tonnes équivalent pétrole excédant le seuil de la franchise répartie au
prorata des produits énergétiques reçus par le redevable. La quantité de chacun des différents
produits énergétiques soumis à la taxe est exprimée dans les unités de perception figurant au
tableau du 1 de l'article 266 nonies.(…)"
En bonne logique, la taxe de l'année n (Tn) aurait dû être fonction de la somme chaque
quantité q(i,n-1) d'intrant énergétique consommée (ou plutôt "reçue" comme le dit la loi) de
l'année précédente.
9
Tn = ∑
i= 1
q (i ,n − 1) t i
1) Il est d'abord indispensable de tout ramener à l'unité de compte pivot qui est la TEP (tonne
équivalent pétrole, voir tableau 2). Soit Qn-1 la quantité de produits polluants reçus pendant
l'année n-1, exprimée en TEP, et ci le coefficient de conversion en tonne équivalent pétrole
(TEP) de chaque intrant énergétique
Qn-1 = ∑ i= 1
q (i , n − 1) c i
2) La loi (Art. 266 octies B) offre aux redevables une franchise de 100 TEP, à retrancher de ce
total
∑ q(i , n − 1)ci
Soit An-1 = i= 1 (intensité énergétique de la richesse produite de l'année n-1)
VAn − 2
1
0,9
0,8
0,7
Coefficient D
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
0 80 160 240 320 400 480 560
TEP/VA
Ainsi pour calculer la taxe Tn due à l'année n, on devra chercher la quantité Sn d'énergie
polluantes (exprimée en TEP) soumise à la taxe en fonction de la formule suivante :
Sn = Qn - 100 – Dn-1 x Q0
où Q0 est la quantité d'énergie reçue pendant l'année de référence, 100 est la franchise et D n-1
le coefficient d'abattement calculé en fonction du comportement énergétique des années
précédentes, que l'on applique à la quantité de référence .
ou encore Sn = ∑i= 1
q (i , n − 1) c i - 100 - D x Q
n-1 0
("Pour la détermination de la taxe due, cette différence est répartie au prorata des quantités de
produits énergétiques effectivement soumis à la taxe reçus par le redevable, converties dans
les unités de perception figurant au tableau du 1 de l'article 266 nonies." )
Sn est réparti au prorata des q (i ,n − 1) c i (q = quantité d'énergie exprimée dans sa propre unité et
c = coefficient de conversion en TEP) puisque chaque énergie i a un taux de taxe différent.
On a alors autant de Sni exprimées en TEP que de type d'énergie i et Sn sera la somme des
Sni.
q (i ,n − 1) ci
et chaque Sni = Sn x 9
∑
i= 1
q (i ,n − 1) c i
On applique le taux ti (cf. tableau 2) à chaque Sni convertie dans son unité de référence (on
utilisera plus commodément la 5e colonne de ce tableau "coût fiscal de conversion en tep de
chaque unité de perception") ce qui permet de simplifier le c i du numérateur.
En effet, pour calculer le montant de la taxe due pour chaque intrant énergétique, on multiplie
le taux par la quantité exprimée en TEP. Or le tableau 2 donne le coût fiscal ti pour chaque
intrant i dans son unité de perception, ce qui évite de la convertir par l'intermédiaire taux de
conversion ci . On obtient alors la formule :
9 t i q (i ,n − 1)
Tn = ∑ Sn 9
i= 1
∑i= 1
q (i ,n − 1) c i
ou encore :
∑
i= 1
t i q (i ,n − 1)
Tn = S n 9
∑ q (i ,n − 1) c i
i= 1
9
or Sn = ∑
i= 1
q (i , n − 1) c i - 100 - Dn-1 x Q0
donc
∑ t i q (i ,n − 1)
9
Tn = i= 1
9 ∑ q (i ,n − 1) c i - 100 - D n -1 x Q 0
∑ q (i ,n − 1) c i i= 1
i= 1
ou :
9 100 D
Tn = ∑ t i q (i ,n − 1) 1 - 9 - 9 n -1 x Q0
i= 1
∑i= 1
q (i ,n − 1) c i ∑ q (i ,n − 1) c i
i= 1
or Q0 = ∑ q(i ,0 )ci
i= 1
d'où :
9
9 100 ∑ q(i ,0 )ci
Tn = ∑ ti q(i , n − 1) 1 - ( 9 + D n -1 i= 1
9
)
i= 1
∑i = 1 q(i , n − 1)ci ∑i = 1 q(i , n − 1)ci
9
∑
i= 1
q(i , n − 1)ci ∑
i= 1
q(i , n − 1)ci
ou encore
9
9
100 ∑
q(i ,0 )ci ∑ q(i , n − 1)ci
B= 9 + 9 i= 1
.f i= 1
VAn − 2
∑i = 1 q(i, n − 1)ci ∑i = 1 q(i , n − 1)ci
f étant une fonction linéaire par morceau indiquée dans le tableau du I de l'article 266 nonies
A (cf 3)
Cet abattement final B est d'autant plus grand que l'intensité énergétique de la richesse
produite (D) est élevée durant les années n-1 et n-2
**
*
Document n° 2 :