Sie sind auf Seite 1von 3

Les singularités de l’évolution démographique française

Source : « Industrialisation et croissance de l’économie française », in Maurice Niveau et


Yves Crozet, Histoire des faits économiques contemporains, Paris, PUF, 2008, p.45-91.

Il faut d’abord souligner que l’histoire économique et sociale de la France est davantage
caractérisée par des transformations lentes que par des révolutions. Ainsi, sur le plan des
technique de production comme des structures, l’évolution française se caractérise par une
certaine lenteur plutôt que par un « décollage ».
Pour J.H. Clapham, l’économie française se transforme graduellement au cours du XIXe
siècle. On assiste à « un déplacement progressif de son centre de gravité de l’agriculture vers
l’industrie et [à] une lente évolution des méthodes d’organisation industrielle. La
transformtion accomplie en un siècle a été, à plus d’un égard, moins complète que celle qui a
eu lieu en Allemagne au cours des quarante années qui ont suivi 1871 »1.
Même analyse de Marczewski : « … il est difficile de parler d’un véritable take-off de
l’économie française... La croissance continue que nous observons au XIXe siècle est une
croissance de type industriel… Ce qui apparaît en réalité, c’est un développement continu et
rapide depuis l’avènement du Consulat jusqu’à la Première Guerre mondiale. On peut y
distinguer tout au plus trois “périodes d’accélération” – 1796-1844, 1855-1884, 1895-191 –
séparées par deux périodes de ralentissement – 1845-1854, 1885-1894 »2.
NB : La notion de « take off » est beaucoup trop partielle pour constituer un outil d’analyse
applicable à tous les cas historiques d’industrialisation. Il ne faut par rechercher
incessamment les phases de décollage, faute de quoi on risque d’oublier que
l’industrialisation est le résultat d’un très grand nombre de causes qui n’ont pas eu la même
importance relative dans chaque pays : « Il est impossible de concevoir une théorie de la
croissance qui puisse être appliquée à tous les pays et à toutes les époques, à moins de faire
quelque chose d’extrêmement vague »3.

En France, la pression démographique est beaucoup moins accentuée qu’en Angleterre ou


dans d’autres pays d’Europe : dans le cas français elle n’est donc pas la cause d’une
croissance. Son insuffisance a été plus certainement, sur le temps long, un facteur de freinage.
Cette évolution démographique est un trait essentiel de l’histoire économique de la France du
début du XIXe siècle jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. À ce titre, la France fait figure
d’exception dans la tendance générale qui caractérise l’évolution démographique des grands
pays industrialisés. En dépit de l’accroissement, en valeur absolue, de la population française
au XIXe siècle, il reste impossible de parler véritablement de « pression démographique ».

Dès la fin du XVIIIe siècle, on note une baisse du taux de natalité beaucoup plus
importante en France que dans d’autres pays d’Europe, tandis que le taux de mortalité
diminue moins vite que dans ces mêmes pays. En conséquence, l’accroissement
démographique de la France se trouve ralenti. Jusqu’au début du XIX e siècle, la France est le
2e pays le plus peuplé d’Europe après la Russie, mais elle est bientôt rattrapée par
l’Allemagne (dès 1840) et le Royaume-Uni (à la fin du siècle).

Tableau 1 : Taux de natalité (en ‰)

1
J.H. Clapham, The Economic Development of France and Germany, 1961, p.53.
2
J. Marczewski, « Y a-t-il eu un “take off” en France ? », in Cahiers de l’ISEA, n°111, mars 1961.
3
Op. cit., p.93.
France Grande Bretagne Allemagne
1800-1810 31,7 34 40
1845-1850 27 32,6 36,6
1890-1900 22 29,9 36,1
1900-1910 20,5 27,2 33
1920-1930 18,5 20 14
1930-1940 - 15 20

Comment expliquer cet accroissement de la population des autres pays d’Europe ? S’ils ont
une natalité plus importante, ils sont des pays d’émigration, que l’on quitte donc. En France,
au contraire, l’émigration ne dépasse jamais les quelques milliers chaque année. C’est même
un des rares pays d’Europe a accueillir des migrants chaque année dès le XIX e siècle.
Le taux d’accroissement naturel passe de 5,4 ‰ entre 1800 et 1810, mais il n’est plus que de
4 ‰ au milieu du siècle, et d’environ 1 ‰ à la veille de la Première Guerre mondiale. On
assiste même à une diminution de la population pendant l’entre-deux-guerres.

Tableau 2 : Taux de mortalité (en ‰)

France Grande Bretagne Allemagne


1800-1810 26,3 23,1 -
1845-1850 23 22,4 26,8
1890-1900 21 17 23
1900-1910 19 15,4 18,7
1920-1930 17 12,1 12
1930-1940 - 12,1 11,7

Tableau 3 : Population (en millions)

1800 1850 1900 1930 1950


France 27,3 35,8 39 41,8 41,9
Grande Bretagne 15 22,6 38,7 46 50,6
Allemagne 24,6 35,9 56,4 64,3 69
Russie (puis URSS) 37 60,2 111 156 193
États-Unis 5,3 23,2 76 122,9 151,7

Tableau 4 : Nombre d’émigrants (en milliers)

1846- 1851- 1861- 1871- 1881- 18901- 1901-


1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910
Allemagne 183 622 634 626 1342 527 274
Grande 199 1313 1572 1674 2559 1743 2841
Bretagne
France 11 27 36 66 119 51 53

La France diminue sa natalité plus vite et plus tôt que n’importe quel autre pays d’Europe.
Une partie de l’accroissement naturel résulte du vieillissement démographique plus rapide en
France que dans les autres pays (allongement de la longévité).
Depuis le milieu du XIXe siècle, la proportion de vieillards en France est plus importante que
dans les autres grands pays industriels. Dans La montée des jeunes (1959), Alfred Sauvy
souligne ainsi que la France n’assurerait plus le renouvellement de ses générations à partir de
1850. Plus encore que l’augmentation globale, c’est le renouvellement des générations qui
doit permettre d’éviter le phénomène de vieillissement : « Remplacer indéfiniment des jeunes
par des vieux, grâce à l’allongement de la vie, mène à une chute définitive »4. Il paraît
incontestable de dire que la France subit un déclin jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale.

Tableau 5 : Vieillissement de la population. Groupes d’âges ayant 60 ans et plus

France Allemagne Angleterre Suède États-Unis


1850 10,2 7,5 7,5 7,8 3,8
1880 12,3 7,8 7,4 9,3 5,6
1910 12,6 7,8 7,9 12 7
1930 13,8 10,9 11 ?4 12,9 8,9
1940 15 12,7 13,5 14,7 10,9

Le taux de mortalité français est supérieur à celui de la Grande Bretagne depuis le début du
XIXe siècle et à celui de l’Allemagne depuis le début du XXe siècle. Loin de s’enrichir, la
France s’est appauvrie car l’absence de pression démographique signifie une demande globale
plus faible. Même si l’accroissement de la population n’est pas une cause, mais plutôt une
conséquence de la révolution agricole et de la révolution industrielle, il devient en longue
période un facteur certain de croissance et de développement à condition que le pays ait
franchi le premier seuil de l’industrialisation. Une natalité trop forte peut être un frein au
développement et à la hausse du niveau de vie des pays pauvres, mais dans l’Europe du XIX e
siècle tel ne fut pas le cas. « En refusant l’effort de renouvellement, les générations françaises
ont perdu à la fois le goût de l’effort et celui du renouveau ; en renonçant à créer, elles ont
perdu l’esprit de création, au moment même où tout se créait »5.

Tableau 6 : Taux de croissance annuel de la population (1870-1913) en %

% %
États-Unis 2,1 Suisse 0,9
Canada 1 ?8 Royaume-Uni 0,9
Pays-Bas 1,3 Norvège 0,8
Allemagne 1,1 Suède 0,7
Danemark 1,1 Italie 0,7
Belgique 1 France 0,2

4
Alfred Sauvy, La montée des jeunes, p.18.
5
Alfred Sauvy, op.cit., p.44.

Das könnte Ihnen auch gefallen