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EN COUVERTURE Emploi : au-delà des 55 ans

34 Une carrière de 28,4 ans en

moyenne
Pourquoi les Belges quittent trop tôt le mar-
ché du travail. Première évaluation du Pacte
de solidarité entre générations

36 Augmenter l'âge de la pension

légale ?
D’autres pays l’ont fait. Focus sur les réformes
mises en place ailleurs en Europe et en parti-
culier aux Pays-Bas

40 Accompagner sans stigmatiser

La balle est aussi dans le camp des entrepri-
ses. Témoignages

32 • OCTOBRE 2009
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Emploi : au-delà des 55 ans
Deux tiers des plus de 55 ans sont inactifs
Pourquoi il faudra travailler
plus longtemps
L
e taux d'emploi des travailleurs de plus de 55
ans reste largement insuffisant en Belgique.
Certes, la situation s'est légèrement améliorée
ces dernières années sous l'effet de mesures comme
le rehaussement progressif de l'âge légal de la
retraite pour les femmes (65 ans) et plus récemment,
l'entrée en vigueur en 2006 du Contrat de solidarité
entre générations (ou Pacte des générations). Mais
avec un taux d'emploi des plus de 55 ans d'à peine
34 pour cent, la Belgique fait toujours pâle figure
face à une moyenne européenne de 45 pour cent. Le
Belge quitte en moyenne le marché du travail à 59
ans, contre environ 61 ans pour l'Europe
Il n'est pas facile de s'attaquer à la question de la fin
de carrière, au risque de passer pour un impopulaire
pourfendeur d'acquis sociaux. La FEB veut toutefois
jouer les empêcheurs de tourner en rond. L'intérêt
constaté lors du colloque qu'elle a organisé mi-sep-
tembre prouve en tout cas l'importance de cette
matière pour quiconque suit, de près ou de loin, la
politique socio-économique et le marché du travail.
Le risque d'un conflit
intergénérationnel
L'immobilisme, ou le ‘court-termisme’, n'est pas une
option car à terme, c'est tout notre système de sécu-
rité sociale qui est en danger. En effet, maintenir les
gens plus longtemps actifs est une piste essentielle
pour faire face au défi du vieillissement de la popu-
lation. C'est en tout cas la seule option si nous vou-
lons éviter une augmentation drastique des impôts,
des coupes massives dans les dépenses, ou une
EN COUVERTURE
explosion des dettes. A en croire le ministre du Bud-
get, le paiement des pensions reste assuré jusqu'en
2015. Mais après ? Ne rien faire risque de reporter le
poids des déficits publics sur les épaules des jeunes
générations. Le risque d'un conflit intergénération-
nel ne peut être écarté. Il serait injuste que la jeune
génération paie le report d'indispensables mesures
d'économies. Comme l'a accentué l'économiste
Etienne de Callataÿ lors du colloque, notre futur sys-
tème de sécurité social ne doit pas s'apparenter à
une sorte de pillage collectif des plus jeunes par les
aînés : "Entre transmettre la facture aux générations
futures, augmenter les taxes et les cotisations socia-
les, réduire les allocations et se retirer plus tard du
marché du travail, la dernière option est clairement
la moins mauvaise."
La sensibilité politique du dossier n'empêche pas
d'autres pays européens de prendre le taureau par
les cornes. De profondes réformes y sont visible-
ment possibles. Pourquoi pas chez nous ?
Dans le dossier qui suit, nous dressons une évalua-
tion chiffrée du Pacte des générations et lançons le
débat sur l'opportunité d'un 2e pacte. Nous nous
interrogeons sur les obstacles belges à un meilleur
taux d'emploi des travailleurs de plus de 55 ans et
nous intéressons aux stratégies mises en place dans
d'autres pays européens. Enfin, nous donnons la
parole à des entreprises qui jouent un rôle de pré-
curseurs en matière de politique du personnel adap-
tée à l'âge. 
OCTOBRE 2009 • 33
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EN COUVERTURE Emploi : au-delà des 55 ans

Une carrière de 28,4 ans en moyenne

Pourquoi les Belges quittent trop tôt

le marché du travail
En Belgique, un adolescent de 15 ans peut en
moyenne s'attendre à travailler pendant …
28,4 ans. C'est donc beaucoup moins que les
ESPÉRANCE DE VIE ACTIVE À L’ÂGE DE 15 ANS
(source : Kela-Fpa, traitement par le SPF Emploi)
60

45 ans de services théoriquement nécessaires 50

pour bénéficier d'une retraite complète. Chez
40
nos voisins, la carrière effective atteint entre 30
et 36 ans, voire 38 ans au Danemark. Ce chif- 30

fre est l'une des statistiques présentées lors du 20

colloque de la FEB du 10 septembre dernier
10
qui visait à dresser une première évaluation du
Pacte de solidarité entre générations, 4 ans 0
PL MT HUBG IT SK EL ROBE CY LU LT ES FR LV CZ SI EE DE AT FI IE PT UK NL SE DK
après son entrée en vigueur. Actif Chômeur Inactif

P
our rappel, l'un des objectifs majeurs
du Pacte de solidarité entre les géné-
rations, matérialisé par la loi du 23 dé-
cembre 2005, était d'augmenter le taux
d'emploi des plus de 55 ans. Jan Vanthuyne
et Tom Bevers, respectivement directeur gé-
néral et attaché du Service public fédéral
Emploi, ont présenté une série de chiffres
qui attestent que le taux d'emploi des plus
de 55 ans s'est légèrement amélioré ces der-
nières années, passant de 31,8% à 34,5% en-
tre 2005 et 2008, mais insuffisamment que
pour combler le déficit par rapport aux aut-
res pays européens (47,4% de moyenne). Se-
lon les deux experts, le principal mérite du
Pacte aura été de lancer une phase de cons-
cientisation (dans la presse, chez les parte-
naires sociaux). Le Pacte s'est également tra-
duit par un réel progrès, sur le terrain, en
matière de généralisation des cellules d'em-
ploi en cas de licenciement collectif (outpla-
cement).
Pour le reste, les résultats du Pacte sont à ce
stade largement insuffisants et il est peut pro-
bable que la situation change sensiblement
d'ici l'échéance de 2011. "Le Pacte stipulait
que le taux d'emploi des plus de 55 ans
de 2,7%, alors qu'il a augmenté de 3,2% pour
l'Europe des 15. L'objectif de 2011 ne pourra
donc pas être atteint", fait remarquer Bart
2 Lela prépension
recours trop facile à
Le Belge prend en moyenne sa préretraite à
Buysse, directeur adjoint du département so- 57,5 ans, alors que la préretraite n'est légale-
cial de la FEB. En fait, le Pacte continue de se ment autorisée qu'à partir de 60 ans, sauf en
heurter à quatre handicaps majeurs. cas de restructurations. Le recours massif à la
prépension en cas de licenciements collectifs,
socialement bien acceptée et perçue comme
1Le coût (la rémunération)
Le salaire d'un travailleur de 63 ans est plus
'coulant de source' par nombre de travail-
leurs explique ce décalage. Malgré le Pacte
des générations, environ 16.000 travailleurs
du double de celui d'un travailleur de 25 ans. se sont ajoutés aux rangs des prépensionnés
Le coût des travailleurs âgés est fréquem- en 2008 (voir graphique ci-dessous), soit un
ment cité par les employeurs comme le prin- petit peu plus qu'en 2004 (15.000). Il convient
cipal point noir pour le maintien à l'emploi ou en outre d'être attentif à un glissement de
l'embauche des plus de 55 ans. La plupart formules de prépension vers diverses possibi-
des employeurs sont en faveur d'une sup- lités de crédit-temps et interruption de car-
pression d'un lien automatique entre l'âge et rière, trop souvent utilisées pour 'boucher le
le niveau de salaire, donnant la préférence trou' qui sépare le travailleur de l'âge légal de
aux compétences et à
l'expérience. Sous la
pression de l'Europe, NOMBRE DE NOUVEAUX PRÉPENSIONNÉS (source : SPF ETCS)
nombre de secteurs au-
raient dû théoriquement 2003
avoir remplacé au 1er
2004
janvier 2009 les barèmes
liés à l'âge par des barè- 2005

devrait augmenter 1,5 fois plus vite en Belgi- mes liés à l'expérience, 2006
que que dans l'Europe des 15 entre 2005 et mais dans les faits, c'est
2007
2011. En 2008, le taux d'emploi a progressé loin d'être le cas.
2008

0 5000 10000 15000 20000

34 • OCTOBRE 2009
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la (pré)retraite. "Tant que le départ anticipé
bénéficie d'un traitement aussi favorable
(autant pour les employeurs que les tra-
vailleurs), c'est peine perdue de vouloir sen-
siblement augmenter le taux d'emploi des
plus de 55 ans", constate Jan Vanthuyne du
SPF Emploi, qui pointe qu'un autre défi pour
l'avenir sera de faire accepter l'idée que le
montant de la pension sera moins élevé si
celle-ci est anticipée (neutralité actuarielle ou
système bonus-malus).
3 L’employabilité
Même si les mentalités ont un peu évolué ces
dernières années en raison de la pénurie de
certaines fonctions critiques ou sous l'effet de
primes (en Flandre) à l'embauche des plus de
50 ans, les entreprises rechignent toujours à
embaucher les travailleurs plus âgés, princi-
palement pour les raisons de coût évoquées
ci-dessus. Les statistiques du SPF Emploi in-
diquent que seulement 2,5% des chômeurs
de plus de 55 ans retrouvent le chemin du tra-
vail (contre 14,7% de moyenne européenne).
Et à peine 1,1% des 'inactifs' (préretraités) re-
deviennent 'actifs' (contre 3,4% en Europe).
Les entreprises elles-mêmes ont leur part de
responsabilité, souligne Jan Vanthuyne, "car
on constate une stagnation dans les efforts
de formation par les employeurs. Les objec-
tifs du bilan social (ndrl : engagement des en-
treprises à consacrer un peu plus de 2% de
leur coût salarial à la formation) ne sont pas
atteints." Le SPF Emploi a par exemple cal-
culé que seulement 5% des travailleurs âgés
bénéficient de formations professionnelles in-
dividuelles. Or, la formation est indispensable
au maintien de l'employabilité du travailleur.
4 La motivation
L'allongement de l'espérance de vie n'y chan-
ge pas grand-chose : rares sont les gens qui
prennent plaisir à travailler plus longtemps.
Une enquête du SD Worx Kenniscentrum in-
dique que l'âge souhaité de la retraite est un
peu moins de 58 ans (58,5 pour les hommes
et 57 pour les femmes). Garder les travailleurs
motivés, surtout au-delà de 60 ans, n'est donc
pas une sinécure et le gouvernement a enco-
re des efforts à faire pour encourager à tra-
vailler plus longtemps. Parmi les évolutions
positives, les experts du SPF Emploi épin-
glent notamment la communication automa-
tique du montant de la pension à partir de 55
9:35 Page 35
Emploi : au-delà des 55 ans
ans ou l'apparition de nouvelles formules de
temps partiel et crédit-temps (pour autant
qu'elles ne s'assimilent pas à de la prépen-
sion). Au rayon des échecs, la conversion de
parties de rémunération (par exemple la
prime de fin d'année) en jours de congé sup-
plémentaires peine à entrer dans les moeurs.
Toujours d'après l'enquête de SD Worx,
35,2% des travailleurs âgés se disent prêts à
“Grand temps de prendre des mesures
plus contraignantes”
Commençons par l'évaluation. Le (1er)
Pacte de solidarité entre les générations,
lancé fin 2005, est-il un échec ? Et premier
constat de désaccord … "Le Pacte des
générations n'est pas un échec. Attendons
2011 comme prévu pour faire l'évaluation
finale, car la période la plus difficile arri-
ve", affirme Luc Cortebeeck sur le banc
syndical. "Il y a 4 ans, nous pensions
que ce pacte allait être un grand pas
en avant, mais nous nous retrouvons
aujourd'hui avec un tout autre senti-
ment : les progrès qui ont été réalisés
sont minimes et il est nécessaire de
redoubler d'efforts", contredit Pieter
Timmermans, côté patronal. "Vous
allez dire que j'ai une réponse de
Normand", ironise Michel Jadot, qui
ne parle donc ni d'un échec total ni
d'une réussite étincelante : "En tout
cas, l'un des objectifs clés, à savoir
empêcher les départs à la retraite an-
ticipée, n'a pas été atteint. La problé-
matique des prépensions reste plus
modérateur du débat), Pieter Timmermans (FEB)
vivace que jamais." Son collègue de
la fonction publique Henri Bogaert in-
siste sur la nécessité de trouver un
consensus social à long terme sur les fins
de carrière, pour contrer les effets du vieil-
lissement. Mais il estime qu'il faut attendre
2011 pour tirer les conclusions du Pacte
des générations, car la crise économique
actuelle fausse les statistiques.
Le degré d'urgence
On constate sans surprise une forte oppo-
sition entre syndicat et patronat sur les
mesures à prendre. "Nous avons jusqu'à
présent pris des mesures douces, mais
leur impact limité fait que la Belgique a
environ 10 ans de retard sur le reste de
l'Europe en matière d'emploi des plus
âgés. Il convient certes d'exécuter le Pacte
des générations existant, mais n'est-il pas
grand temps de prendre des mesures plus
contraignantes ?", lance Pieter
EN COUVERTURE
convertir du salaire en du temps. Cela reste
une minorité donc. Si les travailleurs plus âgés
veulent de la flexibilité, ce n'est pas à n'im-
porte quel prix. Notons enfin que seulement
10% des entreprises interrogées par SD Worx
déclarent avoir mis en place une politique
GRH spécifique (planification de carrière,
coaching, etc.) pour les plus âgés. 
Olivier Fabes
Timmermans. "Exécutons d'abord les
accords qui ont été pris, nous ne voulons
pas d'un deuxième Pacte des générations.
Vous savez, je constate que les gens veu-
lent travailler plus longtemps, mais que les
entreprises ne veulent pas les garder",
rétorque Luc Cortebeeck. "Chacun doit
prendre ses responsabilités", répond
Faut-il applaudir les résultats du Pacte des
générations ? De gauche à droite, Henri
Bogaert (Bureau fédéral du plan), Luc
Cortebeeck (CSC), Jean Blavier (journaliste et
et Michel Jadot (ex-SPF Emploi et coordinateur
de la Conférence nationale des pensions).
Pieter Timmermans, "mais je ne suis pas
d'accord pour dire qu'il ne faut rien faire,
au prétexte que la situation économique
actuelle est trop difficile." Se posant en
quelque sorte en arbitre, Michel Jadot, qui
coordonne actuellement la Conférence
nationale des pensions, estime que des
réformes bien nécessaires peuvent se faire
en douceur. "Il doit quand même être pos-
sible de tendre vers un an ou deux d'acti-
vité supplémentaire. Cela peut se faire par
un étalement progressif. On l'a bien fait
pour l'âge de la retraite des femmes (ndlr :
65 ans depuis le 1er janvier de cette année)
sans que cela provoque de conflit social."
Henri Bogaert va dans le même sens :
"Pourquoi ne pas par exemple augmenter
d'un mois par an la sortie légale de la vie
active ?"
35
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EN COUVERTURE Emploi : au-delà des 55 ans

Au vu des réformes mises en place ailleurs en Europe

“Augmenter l’âge de la pension légale

semble être la seule piste envisageable”
Certains pays européens ont, très tôt ou plus récemment, pris des mesures en faveur de l'emploi de
leurs travailleurs âgés. Ce qui fonctionne chez les uns, ne réussit pas forcément chez les autres. Mais il
y a certainement des leçons à tirer des stratégies de chacun. Paul Vandermeeren, directeur général pour
l'emploi et les affaires sociales auprès de la Commission européenne, dresse un bilan de diverses réfor-
mes entreprises dans d'autres pays européens.

Q
uels sont les pays européens qui
emploient le plus de travailleurs
de plus de 55 ans ?
"A sein de l'Europe des 15, la Suède
(70,1%), le Royaume-Uni (58%), le Danemark
(57%) et la Finlande (56,5%) enregistrent les
plus beaux résultats."
Comment ont-ils obtenu
ces résultats ?
"Ces pays ont adopté une
approche globale et intégrée
qui encourage les travailleurs
à rester plus longtemps actifs
sur le marché du travail. Une
approche qui privilégie sur-
tout de s'attaquer au défi du
vieillissement des effectifs
suffisamment tôt dans la vie
professionnelle. Le profil salarial de ces pays
est aussi intéressant. Dans les pays scandi-
naves, les salaires évoluent de manière hori-
zontale au cours de la carrière. Dans les
pays anglo-saxons, la courbe évolue même
à la baisse. Plutôt qu'un système de barèmes
liés à l'âge, il semble donc important de pri-
vilégier un modèle barémique lié à l'expé-
rience. Par ailleurs, les quatre pays 'cham-
pions' que je viens de citer ont fortement dé-
veloppé une politique de formation continue
grâce à laquelle les compétences
des travailleurs âgés sont tou-
jours maintenues à niveau; ce qui
les rend bien entendu plus attrac-
tifs sur le marché du travail."
“sement
S'attaquer au défi du vieillis-
des effectifs suffisam-
ment tôt dans la vie profession-
nelle” Paul Vandermeeren
Ce taux élevé d'emploi des plus de 55 ans
se fait-il au détriment de l'emploi des jeu-
nes ?
"Au contraire. Toutes les études montrent
qu'il existe une corrélation positive entre ces
deux données. Plusieurs pays européens en
ont fait l'expérience. Dans les années sep-
tante, les Pays-Bas et l'Allemagne ont intro-
duit une politique qui avait pour but d'é-
changer les emplois des plus âgés contre
des emplois pour les plus jeunes. Ils se sont
vite aperçus que, souvent, les emplois sup-
posés laissés vacants par des personnes
préretraitées disparaissaient en fait."
L'objectif de Lisbonne vise un taux d'em-
ploi de 50% des travailleurs de plus de 55
ans d'ici 2010 dans
l'Union européenne.
Qu'en est-il aujour-
d'hui ?
"Nous n'y sommes
pas encore. Mais,
l'Europe des 15 a
connu une belle évo-
lution : de 2000 à 2008, l'emploi des plus
âgés y est passé de 37,5% à 47,4%. Au sein
de l'UE, le taux d'emploi des plus de 55 ans
était de 45,6% en 2008. Il reste du travail,
c'est certain. D'autant plus que l'on peut
craindre que la crise économique fasse bais-

Les pays
La France
Cotiser pendant 41 ans
A première vue, la situation de la France n'est
pas des plus brillantes. Son taux d'emploi des
plus de 55 ans est encore assez bas (38,3%) et
c'est l'un des pays de l'EU où l'âge de sortie du
marché du travail est le plus bas (59,4 ans), com-
parable au nôtre. La France a cependant décidé
de prendre le taureau par les cornes et sa courbe d'emploi des plus âgés
connaît une hausse significative depuis 2000.
La réforme des pensions a surtout connu un coup d'accélérateur en
2003. Il a alors notamment été décidé d'allonger la période de cotisa-
tion pour l'ensemble des actifs à 41 ans en 2012 et de coupler la durée
de cette période de cotisation à l'évolution de l'espérance de vie dans
les prochaines années. Un système de surcote/décote du montant de
la pension en fonction de l'âge de sortie du marché du travail a été
instauré. Le pays a par ailleurs durci les conditions d'octroi de la prépen-
sion et la cotisation patronale a fortement augmenté en cas de pension
anticipée.
Et tout récemment, il a été décidé que, d'ici le 1er janvier 2010, toutes
les entreprises de plus de 50 salariés devront avoir communiqué un plan
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Emploi : au-delà des 55 ans EN COUVERTURE

ser les chiffres. Mais à long terme, le der- pays. On peut par exemple imaginer Les pays
nier 'Ageing report' prévoit que d'ici d'augmenter l'âge de la pension d'un
2020, le taux d'emploi des 55-64 ans mois par an et d'étaler alors la période
dans l'UE atteindra les 54,5%." de transition sur 24 ans. Ce type de réfor-
La Finlande
me ne sera cependant efficace que si
Entre 63 et 68 ans,
Comment évaluez-vous la situation de elle s'accompagne d'une politique en-
avec système de bonus/malus
la Belgique dans ce domaine ? courageant à continuer à travailler et
La Finlande a
"Ce ne sera vraiment pas facile pour la d'un taux d'emploi global plus élevé. En
un des taux
Belgique d'atteindre cette norme de d'autres termes, il faut fermer la porte d'emploi des
50%, même à long terme. Il n'y a pas aux possibilités de départs anticipés, au plus de 55 ans
beaucoup d'alternatives pour y parvenir. risque de perdre tout le bénéfice de ces les plus élevés
Augmenter l'âge de la pension légale mesures. Il est important d'élaborer une de l'Union euro-
semble presque être la seule piste envi- 'stratégie de participation' où la fin de péenne (56,5%).
La réforme du système de pensions finlan-
dais en 2005 n'a fait que renforcer la crois-
sance annuelle de ce taux. Une des princi-
TAUX D’EMPLOI DES 15-64 ANS, DES FEMMES ET DES 55-64 ANS EN 2008 (source: Eurostat)
pales décisions a été de supprimer le prin-
78,1 77,2 cipe d'une pension à l'âge fixe de 65 ans
80%
74,3 pour le remplacer par un âge flexible de la
Pourcentage du groupe de population qui travaille

72,1 71,5 70,9

71,1 70,769,8 68,6
70% 68,6 68,2 66,6 retraite entre 63 et 68 ans auquel est
65,9 64,3 64,3
67,6 65,2 63,4
62,4 61,9
64,0
62,3 59,2 58,7 adjoint un système de bonus/malus. Par
60% 56,755,2
59,0
ailleurs, le niveau de cotisations pour la
50% pension a été couplé à l'âge. S'il reste en-
40% dessous de la barre des 2% en-dessous de
63 ans, à partir de cet âge, il grimpe à 4,5%.
30% Enfin, la réforme prévoit de réévaluer le
20%
montant de la pension en fonction de l'évo-
lution de l'espérance de vie.
10%

0% Ces aspects financiers ayant pour but de

DK NL SE AT UK FI CY DE EE SI LV PT IE CZ FR LT ES BG LU BE SK EL PL RO IT HU MT
EU-27

ralentir les départs anticipés font partie

Total Femmes 55-64 ans
sageable. C'est en tout cas la stratégie
qu'ont adoptée le Danemark, l'Allema-
gne et la Finlande. Aux Pays-Bas (ndlr :
lire aussi page suivante), les partenaires
sociaux sont aussi en train d'y réfléchir.
Au vu de l'évolution de l'espérance de
vie, il est logique de vouloir y coupler
l'âge de la pension. Mais l'augmentation
de l'âge de la retraite ne doit pas être
brusque. Mieux vaut privilégier une ap-
proche progressive comme l'on fait ces
carrière active se prépare relativement
tôt dans la vie professionnelle. Par ail-
leurs, il est essentiel que les travailleurs
âgés licenciés continuent à garder un
lien avec le marché du travail. Dans les
pays européens qui ont un taux d'emploi
élevé des plus de 50 ans, le lien entre
'activation' et 'obligation de rechercher
un emploi' est beaucoup plus fort qu'en
Belgique."  celui des 35-45 ans.
Florence Delhove
d'une approche intégrée de la politique des
pensions de la Finlande. Ils vont de pair
avec des campagnes de conscientisation et
des réformes pour l'amélioration des condi-
tions de travail, des équipements de santé
et de l'employabilité des travailleurs âgés.
Dans cette perspective, la Finlande a déve-
loppé le programme FINPAW. Ce program-
me fait l’objet d’un dialogue continu entre
les partenaires sociaux et s’axe principale-
ment sur le bien-être au travail. Son objectif
à terme est très précis : obtenir un taux
d'emploi des plus de 45 ans équivalent à

d'action relatif à l'emploi des travailleurs âgés. Faute de quoi, elles se période de transition de 17 ans, entre 2012 et 2029.
verront infliger une amende égale à 1% de leur masse salariale. Pour favoriser le maintien de l'emploi jusqu'à cet
âge et l'embauche des plus âgés, il introduit aussi
une série de mesures favorisant leur employabilité.
L'Allemagne C'est notamment le cas du dispositif "Initiative
50plus" via lequel les entreprises de plus de 250
La retraite à 67 ans salariés voient l'Etat prendre en charge les coûts de
Depuis le début des années 2000, l’Allemagne a connu une forte croissan- formation continue des travailleurs ayant plus de 45
ce de son taux d'activité des plus de 55 ans. De 37,9% en 2001, il est passé ans. Ce dispositif prévoit également que les chô-
à 53,8% en 2008. Et d'ici 2010, le pays veut dépasser la barre des 55%. meurs seniors qui se verront offrir un emploi à un revenu inférieur à leur
Une des décisions importantes de l'Allemagne a été de relever progres- ancien emploi, obtiendront pendant deux ans une compensation qui
sivement l'âge de départ à la retraite de 65 à 67 ans. Cela se fera sur une permettra de rehausser leur salaire au niveau antérieur.
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EN COUVERTURE Emploi : au-delà des 55 ans
La participation au travail des plus
augmente aux Pays-Bas
Pour le gouvernement néerlandais, rester plus longtemps au travail doit devenir tout à fait naturel dans
l'esprit des travailleurs. Il mène dès lors une politique active qui vise à intensifier la participation au tra-
vail des personnes plus âgées. Cette politique passe par des mesures et des dégrèvements fiscaux
repris dans les conventions collectives de travail.
L
e vieillissement de
la population, à un
rythme soutenu,
n'est pas nouveau aux
Pays-Bas. Alors qu'en
1960, il y avait 6 à 7 tra-
vailleurs actifs pour cha-
que personne âgée de
plus de 65 ans, ils sont
aujourd'hui moins de 5
et seront à peine plus
de 2 en 2040. Les tra-
vailleurs sont donc tou-
jours moins nombreux à
devoir payer pour les
coûts en constante aug-
mentation des pen-
sions, de l'AOW – une pension de base qui
ne dépend pas des revenus – et des soins
de santé. Selon le gouvernement néerlan-
dais, cette situation n'est tenable que si l'on
travaille plus longtemps. Jusqu'à présent,
son approche s'est avérée payante : entre
1996 et 2008, la participation au travail des
plus de 55 ans est passée de 27 à 47% et
depuis 2002 déjà, ce pourcentage est plus
élevé que la moyenne européenne.
Deux voies à suivre
Comment les Pays-Bas sont-ils parvenus à
ce résultat ? En 2005, le gouvernement et le
parlement se sont laissés guidés par le So-
ciaal-Economische Raad (Conseil économi-
que et social des Pays-Bas). Le SER conseil-
lait de suivre deux voies. D'une part, mettre
en place des ‘incitants’ dans les conditions
de travail et les régimes de préretraite, et
d'autre part, instaurer directement dans les
entreprises une politique de gestion du per-
sonnel attentive à la problématique de
l'âge. La balle était ensuite dans le camp du
gouvernement. Il fallait d'abord modérer les
généreux ‘régimes de préretraite volontaire’
38 • OCTOBRE 2009
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comme le VUT (Ver-
vroegd Uittreden) et la
prépension. Ces régi-
mes étaient un hérita-
ge de l'époque où les
Pays-Bas souhaitaient
que les travailleurs plus
âgés arrêtent de tra-
vailler le plus possible
avant l'âge légal de la
pension, 65 ans. Dans
les années septante,
c'était un moyen de
lutter contre le chôma-
ge des jeunes : chaque
personne plus âgée
qui quittait le marché
du travail cédait sa place à un plus jeune. En
2006, le gouvernement a décidé de suppri-
mer les avantages fiscaux liés au dispositif
VUT et aux régimes de prépension, et il est
donc devenu moins attrayant de prendre
anticipativement congé du monde du travail.
Des incitants de part
et d'autre
Une série de mesures incitant les employeurs
à engager des personnes plus âgées ont
également été mises en place. Jugés moins
productifs, en moins bonne santé et moins
flexibles que leurs jeunes collègues, ils
coûtent surtout beaucoup plus cher. C'est
pourquoi il a été décidé que les employeurs
qui engagent des allocataires sociaux de 50
ans ou plus, doivent payer moins de prime
de chômage et d'incapacité de travail pour
ces derniers. Il en va de même pour les em-
ployeurs qui maintiennent au travail des per-
sonnes de 62 ans ou plus. Les employeurs
reçoivent en outre un remboursement des
charges salariales lorsqu'ils engagent un
chômeur de 55 ans ou plus, qui tombe ma-
lade dans les 5 ans qui suivent son premier
âgés
jour de travail. Ce système de compensation
ne fonctionne que pour des maladies de lon-
gue durée, soit 13 semaines ou plus.
Dans le même temps, des incitants sont
aussi prévus pour les travailleurs. Tous les
travailleurs de plus de 57 ans ont droit à une
‘verhoogde arbeidskorting’, une sorte de
déduction fiscale. Cette année s'est ajouté
un ‘doorwerkbonus’ (un bonus fiscal de par-
ticipation) pour les travailleurs de plus de 61
ans. Il s'agit d'une diminution des charges
qu'ils doivent payer sur leurs revenus issus
du travail, dont le montant exact dépend de
l'âge et du salaire.
Politique de gestion
du personnel
En 2004, le Ministère des Affaires sociales, en
collaboration avec les organisations des em-
ployeurs et des travailleurs, a créé le groupe
de coordination ‘Grijs Werkt’. Celui-ci vise à
promouvoir une politique de gestion du per-
sonnel attentive à la problématique de
‘l'âge’. Des accords - les ‘arboconvenanten’ -
ont aussi été conclus entre le gouvernement
et les partenaires sociaux afin de garder ces
travailleurs en bonne santé au travail.
D'autres mesures prévues dans les CCT sont
également destinées à encourager la dispo-
nibilité des travailleurs. Les ‘journées des
seniors’ et la réduction du temps de travail
ont fait place aux formations, au télétravail, à
des horaires de travail flexibles et répartis
différemment sur la semaine. Les entreprises
recourent souvent à des systèmes ‘à la carte’
dans les CCT. Les travailleurs plus âgés peu-
vent ainsi adapter leurs conditions de travail
à leur situation personnelle. 
Dorine van Kesteren, notre correspondante
aux Pays-Bas
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EN COUVERTURE Emploi : au-delà des 55 ans
La balle est aussi dans le camp des entreprises
Accompagner sans stigmatiser
Visiblement, seule une petite minorité d'entreprises ont déjà mis en place une politique de gestion du
personnel en fonction de l'âge (à peine 10% selon le SD Worx Kenniscentrum). Cela rend d'autant plus
intéressants les quelques témoignages d'entreprises qui ont mis en place des mesures spécifiques d'ac-
compagnement de leurs travailleurs âgés.
KBC VEUT CRÉER UNE CULTURE
DE VALORISATION DE L'ÂGE
La problématique des fins de carrière s'ac-
compagne d'un réel 'sentiment d'urgence'
chez KBC. En effet, 22% du personnel a plus
de 50 ans. C'est pourquoi la banque a mis
en place une politique du personnel adap-
tée à l'âge, basée sur trois grands principes
interdépendants : la mesure de l'agilité men-
tale (le travailleur est-il toujours bien dans sa
fonction, a-t-il suffisamment de diversité et
de défis dans son job, etc. ?), des program-
mes de formation axés sur la pratique et la
systématisation des entretiens de carrière à
50 ans (que voulez-vous encore voir réalisé,
quelle expérience souhaitez-vous mettre en
valeur ?, etc.). "Nous avons déjà mené 600
40 • OCTOBRE 2009
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de ces entretiens, qui sont complètement
séparés des entretiens d'évaluation an-
nuels. Ce sont à la fois un droit et un devoir
pour nos collaborateurs. Ils nous permet-
tent une mise
en œuvre opti-
“La fin de carrière se
prépare dès le début
de la vie active”
Ann Gevers (KBC)
male de l'expertise de nos collaborateurs
expérimentés et la sauvegarde de celle-ci
pour leurs successeurs," explique Ann
Gevers, conseillère à la gestion du person-
nel chez KBC.
S'il y a bien un point qu'Ann Gevers juge
prioritaire, c'est la formation dans un souci
de maintenir l'employabilité du travailleur
tout au long de sa carrière. Il est très impor-
tant que les actions entreprises ne soient
pas axées uniquement sur le groupe des
travailleurs plus âgés, mais concernent l'en-
semble du personnel. C'est ainsi que l'outil
de mesure de l'agilité mentale, précieux
pour identifier les lacunes en termes de for-
mation, s'adresse à l'ensemble des 15.000
travailleurs. "Les plus
de 50 ans méritent
une attention particu-
lière, mais il ne faut
pas les stigmatiser. La
fin de carrière se pré-
pare dès le début de
la vie active."
Suppression des barèmes
liés à l'âge
Plus concrètement, KBC a amorcé il y a six
ans, d'abord pour ces cadres, le passage
d'un système de barèmes liés à l'âge à un
système d'augmentation salariale basé sur
les prestations. La transition s'est heurtée à
pas mal de résistance, mais au final, Ann
Gevers estime que c'est un plus pour la
motivation des travailleurs. C'est d'ailleurs
le principal avantage, car KBC ne réalise
pas des économies grâce à cette transi-
tion. "Il faut dire que nous offrons surtout
du travail de bureau pour lequel la pro-
ductivité ne baisse pas avec l'âge. L'âge
constitue même un atout pour certaines
fonctions de private banking, par exem-
ple." Par ailleurs, la banque a mis en place
un système flexible qui permet aux tra-
vailleurs âgés d'échanger une partie de
leur salaire contre des jours de vacances
supplémentaires ou une voiture de socié-
té. "La législation offre un peu plus de sou-
plesse, mais tout cela reste très compli-
qué, notamment d'un point de vue fiscal",
déplore Ann Gevers.
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RÉTENTION PAR
PARRAINAGE CHEZ
VELDEMAN BEDDING
Veldeman Bedding, un fabricant entre autres
de matelas, de sommiers et de 'boxsprings'
verra un grand nombre de ses collaborateurs
quitter l’entreprise au cours des prochaines
années parce qu’ils ont atteint l’âge de la
(pré)pension légale. “Ces dix prochaines an-
nées, nous prévoyons le départ naturel de 54
des 118 ouvriers. Le pic des départs est prévu
entre 2011 et 2014”, explique Petra Van
Sweevelt, manager des ressources humaines
chez Veldeman Bedding. Il s’agit pour la
majorité de professions critiques. “Nous
avons par exemple développé pour la suc-
cession de notre maître tapissier un program-
me de transfert des connaissances entre
lui et son successeur”, précise Petra Van
Sweevelt. Ce projet, qui a été subven-
tionné par le Fonds de l’expérience pro-
fessionnelle et ERSV Limburg, a été pilo-
té par deux consultants externes. “Le
maître et son successeur se réunissent
sur base régulière en vue de donner du
feed-back et de redresser le cap. Le suc-
cesseur se charge lui-même de la garan-
tie des connaissances, en couchant les
questions critiques sur papier et en en discu-
tant régulièrement.”
Changement de mentalité
Le projet s’inscrit dans le cadre d’une poli-
tique du personnel plus large visant à aborder
de manière proactive le problème de la pyra-
mide des âges inversée. “Nous avons récem-
ment de nouveau fait appel au Fonds de l’ex-
périence professionnelle afin de procéder à
des adaptations ergonomiques sur le lieu de
travail”, affirme Petra Van Sweevelt. Mais il
faut surtout qu’un changement de mentalité
s’opère parmi les travailleurs plus âgés.
“Notre CCT sectorielle prévoit encore le
départ en prépension à 58 ans jusqu’à fin
2010. La plupart des travailleurs font usage
de cette possibilité. Il est très difficile de les
faire changer d’avis. Nous avons pourtant réus-
si à convaincre notre maître tapissier. Il se sen-
tait bien dans son nouveau rôle à mi-temps.”
Le manager des ressources humaines s’at-
tend à du changement. “Dans la CCT que
nous conclurons en 2011, il est fort probable
que l’âge de la prépension augmente.”  expérimentés qui n'arrivent plus à être
Hilde Vereecken & Olivier Fabes
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Emploi : au-delà des 55 ans
Vers un conflit intergénérationnel ?
Regards de jeunes entrepreneurs
Les jeunes du CD&V mettaient récem-
ment en garde contre le risque de ran-
cœur de la part des jeunes générations
si le gouvernement ne prend pas les
mesures d'assainissement des finances
publiques qui s'imposent. L'économiste
Etienne de Callataÿ a également mis
en garde contre le risque de faire payer
la crise à nos enfants ou petits-enfants.
‘Travailler plus longtemps’ apparaît
comme la moins mauvaise solution.
Nous avons recueilli le sentiment de
deux jeunes entrepreneurs à propos de
cette problématique des fins de carrière.
Ni rancœur ni inquiétude majeure dans
leur chef, mais tout de même une
demande ferme.
Pierre De Nayer, 43 ans,
cofondateur et directeur
de Citobi (logiciels CRM
et consultance)
La génération de jeunes en-
trepreneurs va-t-elle devoir
en baver et supporter les
charges laissées par le laxis-
me des aînés ? "Honnête-
ment, ce n'est pas un sujet
dont on parle entre entrepreneurs. On
sait qu'il faudra se battre, mais bien heu-
reusement, il n'y pas le moindre signe de
résignation. On s'interroge plutôt sur l'a-
venir réservé à nos enfants." Car le pre-
mier message que tient à faire passer
Pierre De Nayer est celui de la solidarité
par rapport aux générations futures. Une
solidarité intergénérationnelle essentielle
d'un point de vue moral, mais également
économique : "Financer l'épanouisse-
ment des générations futures, c'est aussi
financer de nouveaux consommateurs."
Au nom de ce principe de solidarité,
Pierre De Nayer estime qu'il est grand
temps de s'attaquer au mythe de la crois-
sance illimitée des salaires jusqu'à la re-
traite. "Il faut accepter qu'à un moment,
notre créativité et notre flexibilité plafon-
nent, tout comme notre salaire." Cet
entrepreneur passionné par la philosophie
pense qu'il arrive un âge où on peut sans
doute donner un peu moins à l'entreprise,
mais davantage à la société. "On constate
déjà qu'un grand nombre de travailleurs
EN COUVERTURE
valorisés au sein d'une hiérarchie se lan-
cent comme consultants indépendants. Ils
perdent en salaire ce qu'ils gagnent en
liberté et flexibilité." Plus concrètement, il
juge que la prépension ne doit plus être
accordée si facilement et que l'âge de la
pension doit être augmenté progressive-
ment. "Des décisions difficiles, en espé-
rant que nos politiques dépasseront des
revendications de lutte des classes, des
classes d'âge en l'occurrence."
Nadia Jansen, 34 ans, directrice de
Building Group Jansen
Nadia Jansen a pris récemment les rênes
de l'entreprise familiale de construction
Building Group Jansen. Elle a remporté le
titre de 'Jonge ondernemer van het jaar’
et est membre de Jong VKW Limburg,
une association de jeunes entrepreneurs.
Son premier sentiment par rapport aux
mesures à prendre pour éviter que les jeu-
nes générations ne paient la crise actuelle
est que "chacun devra apporter sa contri-
bution, jeunes comme vieux, secteur
privé comme secteur public. Il est évident
que ce n'est agréable pour personne de
travailler plus longtemps, mais il n'y a pas
le choix. Il convient maintenant de trouver
des solutions créatives pour que chacun
puisse s'épanouir le plus
longtemps possible dans son
travail. Dans mon entreprise,
nous essayons autant que
faire se peut de réorienter
nos travailleurs âgés vers des
fonctions moins physiques,
par exemple sur des projets
d'innovation où leur expé-
rience est précieuse."
Perçoit-elle des signes de
rancœur par rapport à l'ardoise que les
‘baby boomers’ risquent de laisser ?
"On peut toujours se dire que si on avait
su, on aurait pu prendre des mesures
pour éviter un tel dérapage budgétaire.
C'est un peu comme avec le réchauffe-
ment climatique... Il faut maintenant
accepter la situation, si possible en gar-
dant le sourire. Ma génération est cons-
ciente qu'elle va devoir travailler dur."
Comme Pierre De Nayer, elle pense que
l'augmentation automatique des salaires
en fonction de l'âge n'est plus tenable.
"C'est une évidence."
OF
OCTOBRE 2009 • 41