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LA FRANCE, L'EGYPTE ET L'AFRIQUE DU SUD EN ACCUSATION, LE RWANDA FAIT DE

PLUS EN PLUS FIGURE DE BARIL DE POUDRE

BRAECKMAN,COLETTE

Mercredi 26 janvier 1994

La France, l'Égypte et l'Afrique du Sud en accusation

Le Rwanda fait de plus en plus

figure de baril de poudre

La situation demeure préoccupante au Rwanda: le gouvernement de transition tarde à se mettre


en place, les réfugiés du Burundi et les déplacés de guerre vivent toujours, par centaines de
milliers, dans des conditions très difficiles, la famine menace le sud du pays. Et surtout, la
violence, dans ce pays qui émerge à peine de deux années de guerre, demeure une tentation
d'autant plus vive que les armes affluent.

À cet égard, le rapport publié par l'organisation américaine de défense des droits de l'homme
Human Rights Watch est accablant: il établit que l'importation d'armes, par les deux camps en
présence, a aggravé les violations des droits de l'homme et les souffrances de la population. Le
Rwanda a en quelque sorte vécu une violence au-dessus de ses moyens: l'essentiel de ses
maigres ressources a été consacré, depuis deux ans, à des achats d'armes.

Ces armes ont été amplement utilisées, par toutes les parties en présence: l'armée rwandaise n'a
pas seulement participé aux combats, elle est aussi, selon l'organisation américaine, responsable
de la mort de 2.000 civils au moins, exécutions sommaires, violences contre la minorité tutsi. Plus
récemment, les autorités gouvernementales n'ont pas hésité à distribuer des kalachnikovs à des
groupes de civils, en principe pour qu'ils puissent se défendre en cas d'agression, en fait pour
qu'ils puissent collaborer avec des milices paramilitaires.

Human Right Watch n'est pas plus tendre avec le Front patriotique, accusé d'avoir exécuté des
centaines de personnes sans procédure judiciaire, dont des autorités gouvernementales et des
civils, d'avoir déplacé de force des centaines sinon des milliers de gens vers l'Ouganda afin de
créer des zones de protection, d'avoir volé nourriture et bétail.

DES GARANTIES

DU CRÉDIT LYONNAIS

Plusieurs gouvernements étrangers sont nommément accusés d'être responsables de cette


prolifération d'armes: l'Égypte, la France, l'Afrique du Sud, l'Ouganda. Pour équiper une armée
nationale brusquement passée de 5.000 à 30.000 hommes, un accord a été passé en mars 1992
avec l'Égypte, prévoyant des achats d'armes pour une valeur de 6 millions de dollars. C'est la
banque nationalisée française le Crédit Lyonnais qui apporta sa garantie à la transaction, le
Rwanda s'engageant à payer avec sa production de thé. Malgré l'embargo décrété par les
Nations unies, Pretoria a équipé 3.000 soldats rwandais avec des armes automatiques, des
grenades, des explosifs, des mortiers, pour une valeur de 5,9 millions de dollars. Quant à
l'Ouganda, sans engager ses troupes dans la guerre, il a fourni au Front patriotique sa base
arrière et d'importants équipements militaires dont des lanceurs de roquettes Katioucha et c'est la
diaspora rwandaise qui, par ses envois de fonds, a permis au FPR de s'équiper.

L'ARMÉE FRANÇAISE

DIRECTEMENT DANS LE CONFLIT


C'est à l'égard de la France que l'organisation américaine est la plus critique, une lettre a
d'ailleurs été adressée au président Mitterrand, lui demandant de mettre un moratoire sur toute
fourniture d'armes au Rwanda. Le rapport affirme en effet que la France, même avant la guerre, a
vendu au Rwanda des mortiers, de l'artillerie, des voitures blindées, des hélicoptères et qu'elle a
été jusqu'à fournir un détachement de 680 militaires pendant la guerre.

L'armée française, dit l'organisation, a joué un rôle direct dans le conflit, y compris un appui
d'infanterie aux forces rwandaises durant l'offensive de février 1993, des instructeurs ont encadré
les commandants rwandais au cours des combats tactiques: on est loin ici de la protection des
coopérants et expatriés qui fut toujours la seule justification donnée à la présence de troupes
françaises au Rwanda! Après avoir proposé de transformer ses soldats en Casques bleus
opérant dans le cadre de la Minuar, la France a finalement décidé de retirer ses troupes du
Rwanda en décembre dernier, alors que les Casques bleus belges et du Bangladesh prenaient
leurs quartiers.

Alors que, dans les marchés, on peut se procurer grenades ou explosifs pour le prix de quelques
bières, les mines disséminées dans les régions où s'est déroulée la guerre, hypothèquent
également l'avenir du pays. Ici aussi tout le monde est coupable: le FPR en a posé, entre autres
dans le parc des Volcans où vivent les derniers gorilles de montagne, et selon certaines
informations les mines du FPR viendraient... de Belgique, via la Libye. Les troupes
gouvernementales en ont «semé» également.

Human Rights Watch insiste d'autant plus sur la nécessité de stopper les ventes d'armes au
Rwanda que la tragédie du Burundi, qui a fait de 10 à 50.000 morts, pourrait relancer les luttes
ethniques dans un Rwanda qui se relève à peine de la guerre et où l'accord de paix d'Arusha
demeure extrêmement fragile.

COLETTE BRAECKMAN

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