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3F
a UlnZalne
littéraire Numéro 85 Du 15 au 31 décembre 1969
Klee et le visible
SOMMAIRE
8 ROMANS rRANçAIS Rafaël Pividal Tentative de visite à une base par Jean Wagner
étrangère
., Louis Calaferte
Jean-Claude Montel
Portrait de l'enfant
Le Carnaval
par J. W.
par Joseph Guglielmi
8 Roger Curel Brancula par Michel-Claude J alard
21 HISTOIRE Peter Laslett Le monde que nous avons perdu par Philippe Aries
2
LE LIVRE DB
Jean Rhys ce souterraine et obstinée, durcies « avide. désespérée, plein!' d'es- gnante, calme, indifférente
Bonjour minuit en méfiance désespérée. poir, complètement dingue ». Ce cette paix amère très proche de
trad. de l'anglais On verra comment, dans ce ré· qui a été tué, c'est la foi en la la mort. de la haine ».
par Jacqueline Bernard cit admirable de véracité et d~ Beauté, la foi en l'Attente dont
Les Lettres Nouvelles violence qu'est Bonjour Minuit, on devine qu'elles sont mortes Charlotte Brontë était, elle
Denoël éd., 224 p. cette méfiance conduit Sasha d'avoir été trop grandes: main· aussi fascinée par l'inégal COol'
vers l'horreur d'une parodie qui tenant, à la monstruosité du Olé· bat entre victimes et bourreaux.
Les tigres sont affirme la beauté des illusions diocre, ces femmes opposent le Sa protagoniste, Jane Eyre, petite
I
plus beaux à voir perdues. Si le désespoir des fem· refus du non·être, la fuite en sur- gouvernante « sans relations.
trad. de l'anglais mes dépeintes par Jean Rhys trahit face, l'absolu de la mort. C'est sans fortune, sans beauté » au·
par Pierre Leyris un intense et romantique désir des ici qu'intervient l'absence dont rait pu si facilement devenir la
Mercure de France éd., 240 p. choses, si grand qu'il plonge par· on parlait tout à l'heure, avec ses proie de la belle fiancée de Ro-
fois de l'autre côté, cependant il aliénations diverses: boisson, chester, « Blanche la parfaite,
s'agit ici d'une désespérance qui sommeil drogué, masque grotes· dame de qualité ». C'est précisé.
crève tous les cadres, descend là que du vêtement, catastrophes ment d'un autre personnage de
Francis Wyndham (1), à qui où les personnages de Virginia accueillies. « Après tout », dit Jane E~'re que Jean Rhys va s'é·
nous devons de mieux connaÎ- Woolf et de Katherine Mansfield Sasha dans Bonjour Minuit, Il l'a- prendre: la première femme de
tre Jean Rhys, cette roman- ne s'aventurent que peu, là où gitation n'est qu'en surface. Au Rochester, créole devenue folle,
cière anglaise découverte l'amour vénal, les ravages de l'al· fond, je sui.~ indifférente. Au enfermée, brisée, être humain
dans les années 30 par Ford cool, le détraquement de la machi- fond, il y a toujours l'eau sta· dont le destin a fait une bête à
Madox Ford, redécouverte ne humaine, le suicide raté et fur·
trente ans plus tard grâce à tif dans les toilettes, le visage ra-
ce roman cruel et poétique viné d'une femme que la boisson
qu'est Wide Sargasso Sea console et vieillit, nous entraînent
(1966) (2), note que cette dans une chute vertigineuse au
œuvre insolite met en scène bout de laquelle il n'y a, bien sûr.
une héroïne, toujours la mê- que la mort.
me, « à différentes étapes de Morts subites comme celle de
la vie ». De plus, qu'elle soit la Grosse Fifi assassinée par son
danseuse, comme dans Voya· gigolo (les Tigres sont plus beaI/x
ge in the Dark (1934), ou à voir) ou le suicide d'Antoinet-
riche héritière créole devenue te Cosway dans les flammes, (Wi-
folle comme dans Wide Sar- de Sargasso Sea), morts contem·
gasso Sea, qu'elle soit mûre plées par ceux qui survivent.
et blessée, lucide et aliénée vues la plupart du temps à tra-
comme dans Bonjour Minuit vers ces monstres que sont les
(1939), cette héroïne ne res- femmes pour les autres femmes.
semble à aucune autre. « sales petites bêtes sarcasti-
ques ». Ou bien, morts à petit
feu, imposées par les « gens res-
pectables », dont la « cruauté ro-
Sa singularité vient de la for- se, figée, innocente » déchire
me très particulière que prend mieux que les griffes des félins.
son désespoir: une sorte d'ab- comme cette lente agonie d'une
sence. Non qu'elle soit absente femme âgée et chauve à qui sa
au monde dont elle continue d'at· fille refuse une perruque, ou le
tendre le meilleur, ou plutôt le coma de cette autre qui s'est en·
pire, mais que, dressée à se quit. fuie à demi-folle et nue dans la
ter, elle se projette en surface, nuit, tandis que sa voisine se ter·
dans l'espoir de n'être plus attein· re douillettement dans le lit con-
te. jugal.
Encore jeune, cette absente est Peut-être aucun écrivain fem-
une femme qui rêve, pour qui les me n'a-t-il parlé tout à fait com-
visages sont des masques, les vil- me cela des femmes, denonçant
les des chambres, les chambres à la fois la cruauté qui leur est
des numéros. Retranchée derrière propre et la cruauté de leur sort.
la tromperie qu'exerce le vête- Quelque chose en elles a été as-
ment, elle utilise les apparences, sassiné: ce n'est pas l'innocence
les méprise, les accepte dans une dont Jean Rhys montre combien
cynique humilité, pour leur qua· elle se confond avec l'instinct vi-
lité nécessaire de protection et tal, nouvelle peau toujours prête
de piège: le vêtement lui tient à se reformer comme le prouve
lieu d'identité. On devine que l'espoir, malgré la vieillesse, de
très tôt. peur, pudeur et pureté connaître encore le plaisir pas-
furent chez elle saisies à la gorge, sionné ou l'obstination à survivre
mais non pas étranglées, car on qui pousse une femme vers un
les retrouve plus tard, chez l'hé- chapeau comme vers un miracle,
roïne vieillie, après une croissan- tendue vers cet objet risible, Jean Rhys
~JeaD Rhys
CClDlere grisonnante et dont Jean suffisamment averties au sein de Eric Losfeld C'est pour avoir refusé de subir
Rhys fera l'héroïne de Wide Sar- leur détachement pour savoie une censure qui n'ose pas dire son
en correctionnelle nom qu'Eric Losfeld risque aujour·
gasso Sea. Ford Madox Ford combien les buts des hommes d'hui la prison. Nous nous joignons
avait noté chez la romancière sont obliques, qu'ils s'attachent à aux éditeurs, écrivains, intellectuels
cette « formidable peesque sinise elles par vanité, peur d'être seuls, Dans trois jours, le 18 décembre, qui se portent garants de l'honora·
tre passion d'exposer le cas du désir charnel ou besoin d'argent. Eric Losfeld, directeur des Editions bilité d'Eric Losfeld pour demander
du Terrain Vague, comparaîtra devant l'acquittement de l'éditeur et la ré-
pauvee bougre ». Mais juste. vision d'une loi à la fois odieuse et
le tribunal correctionnel de la Seine
ment: l'épave, cette autee « ab· Le thème de l'œuvre est celui pour infraction à la loi du 4 janvier ridicule.
sente », n'a plus rien à opposer d'une dégradation fatale, dégra- 1967 sur les publications destinées En liaison avec cette affaire Mme
à la cruauté d'autrui: détruite, dation qui menace les femmes en à la jeunesse. Selon les dispositions Lise Deharme, auteur de Oh! Vio-
elle tient la destruction en échec. quête de cette perte de soi per- de cette loi, le prévenu risque une lètte, publié au Terrain Vague et
peine d'emprisonnement «de deux frappé de trois interdictions : vente
Le thème d'une force féminine mise au poète, au saint, à tous mois à deux ans et une amende de aux mineurs, exposition, publicité,
entravée, abîmée, dénaturée, vi· ceux qui coïncident parfaitement 3.000 à 30.000 F... le Tribunal pouvant s'étonne que son ouvrage, signé de
dée, revient sans cesse dans cette avec l'objet de leur passion. Mys. en outre ordonner la fermeture tota- son nom (et, ajouterons-nous, un
tiques, ces passionnées se vou· le ou partielle, à titre temporaire ou nom d'écrivain honorablement
œuvre, notamment dans Bonjour définitif, de l'entreprise éditrice-. connu), illustré par Leonor Fini, soit
Minuit où Sasha avoue parfois draient consumées, semblables à jugé plus subversif • que, par exem-
« être triste comme une lionne Louise Labbé, mais doivent au Eric Losfeld avait été en effet ple, les œuvres majeures du marquis
de cirque ». L'intelligence n'of. contraire se prêter à des comé· averti qu'en vertu de cette loi et de Sade dont je me réjouis qu'elles
fre guère de consolations à ces dies, l'œil ouvert sur ce qu'on pour avoir publié un certain nombre soient diffusées massivement dans
d'ouvrages comme ceux d'Emma- la jeunesse de ce pays - (Lise De-
femmes pour qui des compensa- leur prend. Cet univers est tissé nuelle Arsan, il était tenu de remet- harme fait allusion à des publica-
tions restent des compensations de scandales dont les plus cho- tre au ministère de la Justice «trois tions d'ouvrages de Sade en format
et les sublimations, des sublima· quants sont les plus quotidiens : exemplaires de toute publication ana- de poche). En conclusion de sa pro-
tions. L'enfance n'offre pas da- la vieillesse, la cruauté. C'est logue à celles déjà frappées d'inter- testation elle rappelle que Saint-Just
dit, et d'en différer la mise en vente avait formulé une • loi fondamentale
vantage son paradis : même si pourquoi il dérange. Mais Jean durant les trois mois suivant le récé- de la République - dont le libellé fera
Jean Rhys se réfère souvent à la Rhys écrit pour ceux qui aiment pissé de leur dépôt -. Curieusement aujourd'hui sourire : «à savoir que
beauté brûlante de ces Antilles la vérité implacable. Ceux-là re- cette mesure ne porte pas le nom les gouvernants sont les domesti-
connaîtront dans ce monde brutal de censure préalable. ques du peuple et non ses maîtres".
où elle a grandi, pourtant la na·
ture qu'elle dépeint - avec un et poétique l'envers d'eux-mêmes
prodigieux talent - est aussi car· soigneusement dissimulé par le
nivore et destructrice que celle vêtement, l'habitude, la décence
d'un Richard Hughes dans Cyclo- - cet envers où se cache non
ne à la Jamaïque. Vue de loin, pas l'attrait voluptueux de la dé-
l'enfance reste un mirage; vue de chéance si souvent décrit, mais
près, elle épouvante, avec ses ri- une tentation plus rare, celle d'un
tes magiques, ses filtres, ses appa· pur désespoir comme alternative
ritions comme celle des deux rats de l'amour.
aux yeux de feu qui, sur le rebord
d'une fenêtre, contemplent fixe- Diane Fernandez
ment la créole de W.ide Sargasso
Sea. On le voit: ces héroïnes
n'appartiennent à aucun lieu ni à (1) Francis Wyndham. Jean Rhys,
personne; elles sont sans recours. « Les lettres nouvelles Il. Avril 68.
C'est en spectatrices étonnées (2) ...Wide Sargasso sea. Penguin
d'elles-mêmes qu'elles flotttent, Books, prochainement traduit.
M.
A~
vm.
Daw
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La Quinzaine IlU'raln
4
Soljenitsyne, la Russie, l'exil
Ce «Graal» insaisissable spontanée viennent la pureté et protégeait Pasternak. Mais Sol-
la foi des Kostoglotov et des jenitsyne est solidaire d'un com-
Est-ce le même drame qui se Le portrait qu'en fait Soljenit- Nerjine. Soljenitsyne affirme et bat que mène avec lui toute une
rejoue? Il Y a douze ans déjà, syne est infini, toujours inache- démontre que la vérité est l'ob- intelligentsia soviétique qui
au terme d'une longue cam- vé, toujours lyrique. Elle est ce jet même de la littérature. veut la libéralisation du socia-
pagne de dénigrement, Boris « Graal. mystique et insaisis- lisme. La dernière lettre de Sol-
Pasternak se voyait offrir sable qu'entrevoit le peintre jenitsyne à l'Union des Ecri-
l'exil, et, dans une lettre pa- Kondrachov, elle est ce pays
L'admiration vains en est la preuve, puisque
thétique adressée au chef du pour Tolstoï Soljenitsyne lui-même lie son
doux des hautes eaux printaniè-
gouvernement soviétique, qui res dont rêvent les compagnons cas à celui de Lidya Tchoukovs-
était alors Nikita Serguéïé- De là son admiration pour kaïa (auteur d'un récit très pur
de misère de Kostoglotov, mais
vitch Khrouchtchev, il sup- Tolstoï et son mépris pour une sur la Russie terrorisée de 1937.
elle est aussi ce paysage vio-
pliait qu'une mesure si extrê- certaine littérature servile qui la Maison désertée) et Léon
lent, plus violent que ne l'ont
me ne fût point prise à son se soumet toujours au dernier Kopelev (germaniste connu et
peint les Lévitan, et qui a pro- mort d'ordre politique. Dans le
égard. Car s'il existe des écri- duit, outre les interminables li- compagnon de captivité de Sol-
vains «transportables. d'un Pavillon des Cancéreux, Solje- jenitsyne). D'autres encore, non
gnées de Matriona résignées,
pays à l'autre, voire même nitsyne, à plusieurs reprises, nommés, sont certainement pré-
les suicidés du feu qu'étaient
des écrivains migrateurs, fait le procès de cette littératu- sents à la pensée de Soljenitsy-
les premiers Vieux Croyants, les
pour d'autres, l'exil équivaut re asservie. Or, c'est cette lit- ne. Soljenitsyne ne se sent pas
terroristes purs et indompta-
à la mort. térature-là qui, aujourd'hui, se seul; il affirme que « les temps
bles qu'étaient les Jéliabov ou
venge, l'injurie aussi grossiè- frileux. des années 50 où l'on
les Décembristes... Comment
rement qu'elle avait injurié Pas- pourchassait Pasternak, sont dé·
Soljenitsyne pourrait-il abandon- ternak, et l'anathématise sans
ner ce pays? Non, certes, que passés. Il sent à ses côtés qu'u-
même avoir lu ses œuvres. ne communauté si lencieuse le
l'amour de Soljenitsyne pour la
C'est à ces écrivains-aboyeurs soutient et l'aide.
Nul doute qu'Alexandre Solje- Russie soit exclusif du reste de
nitsyne n'appartienne à cette l'humanité ! Mais c'est par la
seconde catégorie. Lié à la Rus- Russie que passe l'appel de Sol-
sie par tout son être et toute jenitsyne aux autres hommes,
son œuvre, il peut, comme la ce sens de « l'humanité unique
Soljenitsyne est solidaire d'un oombat que mène
poétesse Anna Akhmatova, en et intégrale. auquel il fait allu-
prologue à son inoubliable Re- sion dans sa récente lettre à avec lui toute une intelligentsia soviétique qui
quiem, s'écrier: l'Union des Ecrivains pour pro-
tester contre son exclusion. L'er- veut la libéralisation du sooialisme.
mite de Riazan ne quittera sa ta-
Non, je n'étais pas sous des ble de travail que contraint et
cieux étrangers forcé. Comment ne pas rappe-
Et point niché sous une aile ler les termes de sa lettre de
étrangère! Mai 1967 au Congrès des Ecri- que Soljenitsyne, avec virulen- Il conviendrait peut-être qu'u-
J'étais alors avec tout mon peu- vains : «Je suis tranquille; je ce, dit qu'il est temps de remet- ne autre communauté, celle des
ple, sais que je remplirai mon devoir tre les montres à l'heure. Car écrivains de l'ouest, lui manifes-
Là où mon peuple, pour son d'écrivain en toutes circonstan- Soljenitsyne ne se croit pas te aussi son soutien. Les tou-
malheur, était. ces et peut-être après ma mort seul. Pour lui nul n'est à l'abri tes dernières nouvelles sont, en
avec plus de succès » ? de la voix de la vérité. Qu'elle effet, inquiétantes. Si l'on peut
Or, voici qu'aujourd'hui des s'appuie sur la foi simple des laisser de côté les menaces ha-
voix funestes proposent à Matriona ou sur la foi tourmen- bituelles du tristement célèbre
Alexandre Soljenitsyne de s'exi- Un seul oritère: tée des Chouloubine, la voix du Cholokhov, il reste que les al-
ler, de rejoindre ces pays capi- la vérité jugement moral, la voix de la lusions à on ne sait quelles utili-
talistes « qui l'apprécient tant •. Personne finit toujours par se sations «subversives. de droits
Il n'est pas douteux que Solje- L'œuvre entière de Soljenitsy- faire entendre, même du ca- d'auteurs de Soljenitsyne à l'Oc-
nitsyne, avec plus de fermeté ne nous semble être un Juge- mionneur Poddouïev et même cident sont d'assez funeste pré-
encore que Pasternak, refusera ment de notre Temps par la mé- du diplomate libertin Volodine. sage. Pourtant, il nous semble
cet exil hors de la Russie. La diation de la Russie. Voilà sans difficile de croire que la Russie
De l'Union des Ecrivains, Sol-
Russie ... elle est vraiment l'ob- doute ce qui lui attire tant de puisse persévérer à persécuter
jenitsyne ne recevait plus ni
jet incessant de son enquête, haine. Voilà ce qui certainement ainsi une des grandes voix qui
droits d'auteur ni protection, ses
de son amour, de son exigen- le relie à la grande littérature sont à son honneur, et plus in-
œuvres sont retirées des biblio-
ce morale. D'un bout à l'autre de classique russe et avant tout à vraisemblable encore qu'elle
thèques publiques, ses archives
son œuvre, elle est là, héroïne Tolstoï. Pour ce Jugement, Sol- veuille l'exiler. Car si Soljenit-
lui sont confisquées. Autant di-
muette. C'est elle qu'incarnent jenitsyne n'a qu'un seul critère, syne est un juge rigoureux, voi-
re que son exclusion de l'Union
obstinément le rusé et prodigue mais un critère plus dur que le re sévère, sa rigueur, nul ne
n'ajoute pas grand chose à sa
Ivan Denissovitch, l'humble et diamant : la vérité. De sa dis- l'ignore, vaut pour nous tous, où
courageuse solitude. Avant lui,
désintéressée Matriona, elle torsion sont nés les tourments que nous soyons, car à nous
d'autres illustres écrivains so-
dont rêvent les malades du Pa- dantesques de Chouloubine, le tous il a rendu le sens d'une lit-
viétiques se sont vus ainsi frap-
villon des Cancéreux, elle que bibliothécaire déclassé qui en- térature qui contient, ainsi qu'il
pés d'excommunication. La seu-
chantent en mineur les poèmes fournait sur commande des ar- est dit dans le Pavillon des Can-
le vraie question est : en reste-
en prose, elle que poursuit in- mées de livres dans le poêle: céreux, « la petite question cru·
ra-t-on là ? ou bien est-ce le pré-
lassablement à travers son œu- de sa falsification sont nées les ciale dont la réponse livre
lude à d'autres persécutions?
vre le peintre Kondrachov-Iva- angoisses cauchemardesques l'homme tout entier-.
nov dans sa cellule monacale du de Roussanov, le dénonciateur; Certes sa gloire mondiale pro-
Premier Cercle. de sa recherche incessante et tège Soljenitsyne comme elle Yves Léger
5
La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969
ROMANS
Au delà du désespoir
FRANÇAIS
Rafaël Pividal peine, a survécu à une explosion dien. Si l'humour ne manque pas
1
Tentative de visite suicidaire. John vit d'une vie vé· dans cet ouvrage. c'est tantôt un
à une base étrangère gétative et sa fonction de peintre humour acide et qui ne fait pas
Le Seuil éd. 127 p. relève plus du passe·temps que rire, tantôt un humour lui aussi
de la passion : il peint d'ailleurs plein de dérision qui pousse plus
toujours le même tableau, tableau au haussemeut d'épaules qu'au
qui n'a pour lui aucune significa. rire (il va jusqu'au mauvais ca·
Avec Rafaël Pividal, nous som· tion. lembour : deux de ses héros s'ap.
mes au·delà de la désespérance. Les aventures de John pour· pellent « John et Tan »). Et si,
Kafka et Beckett, ces joyeux lu- raient faire la matière d'un ro· à la dernière ligne, le héros a
rons, sont depuis longtemps en· man picaresque : en l'occurrence, trouvé la paix, c'est une paix qui
terrés. Le monde a basculé et il s'agit d'un roman picaresque à ressemble plus à la mort qu'à
l'homme a trouvé enfin le milieu rebours. Les gens qu'il rencontre l'équilibre : « John aperçut alors
qui convient à sa nature : J'iner· sont des imbéciles, John lui·même dans le ciel, près d'un nuage pe-
tie. Au moins, dans « désespé. n'a rien pour retenir notre atten. tit, sans .forme, éclairé seulement
rance », y a-t·il le mot espérance. tion. La base américaine où il d'un côté, la liberté, le plaisir
Dans l'univers de Rafaël Pividal, aboutit est devenue une bâtisse d'être calme sans raison et sans
on n'a plus lieu d'être désespéré morte, symbole dérisoire d'un hâte ». C'est, en somme, l'inverse
puisque la notion d'espoir est monde englouti et il n'y a plus de la proposition shakespea- Rajaël Pividal
morte. guère qu'un prêtre pour la pren. rienne : le monde est toujours n'appartient qu'à lui. Aux confins
John, le héros, est un peintre dre au sérieux. raconté par un idiot mais il n'y du fantastique et du quotidien,
qui parcourt un monde complè. Bref, d'un ton allègre, M. Pivi- a plus ni bruit ni fureur. il impose sans effets déclamatoi·
tement décalé, un monde, nous dal nous entraîne au niveau le Rafaël Pividal écrit avec une res un univers obsédant.
suggère l'auteur, qui, à grand. plus accessible du néant quoti. p u i s san c e d'envoÎltement qui Jean Wagner
6
La multitude
Jean·Claude Montel la multitude carnavalesque (cOIn- tain, intemporel, hérité d'une
1 Le carnaval
Série « Change »,
Le Seuil éd., 128 p.
me « récriture... portée jusqu'à
son paroxysme ») peut tout re-
mettre en question, tout démys-
tifier et provoquer la dévaluation
de l'ordre imposé. L'étrange, l'im-
caste de loups solitaires et sacrés,
mais le fait d'une pratique, d'une
production sociales aliénantes que
l'écrivain est appelé dans le par-
tage de la peur, de l'exil et de la
Le deuxième livre de Montel possible statut de l'écrivain expul. colère, à transformer...
(1), le Carnaval, constitue le pre· sé de lui-même et dépossédé de
mier titre des « volumes indivi· sa parole, « déjà mort avant de Joseph Guglielmi
duels » de la collection Change naître », tout « silence et immo-
qui nous promet par la suite Jean bilité » n'est pas le privilège hau- 1. Voir le~ Plage~ coll. " Ecrire". Seuil
Paris, Philippe Boyer, Jean.Pierre
Faye...
Dans « le grand renferme·
ment » de la ville, c'est l'émeute
ou le carnaval qui gouverne de»
foules affrontées et malades. Ali
travers de l'oppression et de LETTRES A La Quinzaine IIttt·r.urp
l'ivresse généralisées, un corps Jean-Claude Montel
épie son double féminin ; un Nous avons reçu de M. Brian Crozier, auteur du Franco dont a rendu
corps en rupture d'hôpital ou mime la disparition du « person-
compte M. Herbert Southworth, une lettre que nous publierons dans
d'asile, déchiré par une longue nage », déjà, lui-même raturé par notre prochain numéro, avec la réponse de M. Southworth.
copulation douloureuse et cruelle, son travesti.
toujours répétée et cependant dif·
férente : Hautement politique, la pensée
de Montel vous fascine irrésisti·
« Elle apparaissait la dernière blement en se mouvant toujours
mais était immédiatement reflé. à la limite coupante du roman et
tée par toutes les glaces du café, de l'essai : roman (comme dans
répandue en coulées rutilantes, une certaine mesure les Plages)
peinte, décolletée et mise à sang de l'impossibilité du souvenir,
sur les visages, sur les mains... » essai sur « l'expulsion de soi et
du monde » ; concept sur quoi
Car en ce lieu « d'un inachève· s'ouvre la seconde partie du livre
ment permanent », les rapports - la mieux venue - où la ré-
entre l'individu et la multitude ne flexion la plus abstraite ne s'écarte
sont jamais le reflet d'une oppo· jamais (compte tenu des difficul-
sition commode où il y aurait d'un tés d'accès du livre, qui tiennent
côté l'unique, l'original (le bien) à la complexité des rapports entre
et de l'autre le pluriel, le banal l'homme et la cité, entre l'écri·
(le mal). Au contraire, ici (comme vain et l'écrit) d'une écoute con·
le précise le prière d'insérer), crète des pulsions du/des corps.
« le sujet central, c'est la multi· Autrement dit, l'exigence théori-
tude », le processus excessif qui que ne contrarie en aucune façon
anéantit le signalement du « je ~ la passion narrative qui atteint,
parlant, par des séries de multi. par endroits, une véritable inten-
plications et de variations d'iti. sité « poétique » : HActll:: L MIZRAHI
néraires.
Dans le théâtre urbain, innom-
brable, anonyme, le corps (du « Tu cherchais.
récit) peut se permettre de jouer
tous les rôles qu'une fiction verti.
Tu chercheras, mais quel
visage désormais ?
Harry
gineuse lui dicte comme « le lieu Quel
réel (...) saturé de corps et de vi- corps ? pris, renversé,
sages (...) où tout serait en per- capturé dans son
pétuelle mutation... » Où tout est, sang et une main sur la
sans cesse, scandé par le combat bouche pour que les cris
perpétuel et sanglant du désir ne s'entendent pas ? »
sexuel avec l'extrême douleur liée
à la dissolution de l'être.
Cependant, la dure et exacte
Et l'épuisement, la maladie, la conscience « d'une oppression gé-
mort deviennent les habituels néralisée » (tant policière que
compagnons de route ; on assiste médicale) n'est en rien synonyme
(on participe), en parodie, à la d'une résignation ou d'un décou-
destruction d'une ville, d'un ordre, ragement qui trouverait un bel
d'une civilisation, d'une parole exutoire par la pratique de la
dont l' « impossibilité soudaine ~ seule magie verbale ! Non ! Car
Nazis et nymphomanes
Carlo Cassola
1
Roger Curel ment où. A l'inverse des Il noue des fonds éparpillés après la chute
Brancula veaux romans », la clef, en effet. du Ille Reich, et celui de Solange, Fiorella
Robert Lallont, éd. 503 p. se trouve à la fin, mais ce n'est une nymphomane qui s'est suici· Récits.
pas, comme dans un « policier », dée et dont deux de ses anciens Trad. de l'italien
un lapin que l'auteur tire de son amants tentent de décrypter le par Philippe J accoltet
On termine les meilleures lec- chapeau, mais son roman lui·mê· secret. A ces deux thèmes qui, Le Seuil éd., 190 p.
tures comme une partie de mer me dans la vérité finale de son chacun, mettent en jeu pratique·
à Etretat par exemple: après exercice, à l'issue d'un suspense ment tous les personnages mais
avoir reçu le vent en pleine face, formel. C'est alors que, par la selon des séries et avec des va· «... un sentier herbeux entre
jusqu'à être renversé, avoir fran· bouche d'un de ses personnages. leurs différentes, correspondent deux rangs de vigne. D'autres
chi des enclos de barbelés, s'être il peut présenter son livre comme deux temps, présent pour le pre· rangs, disposés transversalement,
enfoncé dans la boue et les ga- un générique de film : chacun, du mier - c'est le roman d'action - divisaient le champ en autant de
lets, avoir contemplé un os de créateur aux acteurs, est à sa pla. et passé pour le second, quête rectangle.~. Le sentier montait lui
seiche, maîtrisé quelques falaises, ce et reçoit son visage; et le lec· rétrospective et analyse introspec· aussi, légèrement, mais déjà on
au bout de quoi, on se sent harassé teur, à son siège de spectateur, n'a tive (certains personnages n'étant voyait le terrain s'arrondir en une
et heureux. Alors c'est l'heure de plus qu'à applaudir l'aventure qui que présent - Brancula - , d'au- croupe au·delà de laquelle émer·
la récapitulation, où l'on met son s'est jouée pour lui. tres que passé - Jean, Solange). geait la masse obscure d'une col·
bonheur en ordre en reprenant deux tonalités, la première bril- line.
les choses à l'envers. lante et sarcastique, la seconde.
Mais de quel type d'aventure sensible et douloureuse, et, par. FiorelLa s'arrêta au commence·
s'agit.il? Roger Curel n'entend tant, un double éclairage de plu- ment de la descente, dès que la vue
De même pour ce Brancula pas plier sa plume à un argument sieurs des principaux personna· s'élargit. Le coteau était escar-
merveilleusement harassant. Et qui lui préexisterait et qu'il de- ges, tantôt marionnettes à deuJj pé ; de petits champs oblongs,
tant qu'à parler à rebrousse·lec· vrait, par le fait, traiter: en œ dimensions, tantôt, au contraire. avec un rang de vigne OIL une ban-
ture, reportons·nous carrément au sens, cette aventure est fondamen- lourds d'une dimension nouvelle: de de maïs, étaient soutenus par
petit aperçu du dos de couver· talement littéraire. Mais il n'en- d'intériorité, ressourcés à leur des murs de pierre sèche. Plus
ture: le livre y est traité de ro- tend pas, non plus, lui préexister passé. D'où la démarche discon· bas commençait le maquis, en ta·
man-gigogne, considéré successive- et n'affecter de ne voir en lui tinue du livre : bonds en avant. ches toujours plus cialrsemées à
ment comme un roman d'espion- qu'une des virtualités de son écri- récits parallèles, prospections ré· mesure qu'on se rapprochait du
nage, un roman picaresque, un ro- ture. Ses personnages et leurs gressives dans l'épaisseur du lit d'un torrent. Immédiatement
lOan parisien, un double roman engagements romanesques ne sont temps ; d'où surtout la variété de après s'élevait la haute colline
d'amour, heureux et malheu· pas aléatoires ; mais ils ne se dé- ses registres d'écriture, qui soIli· sombre dont le sommet était à
reux... Comment conjuguer ce finissent que dans cet entre-deux tent tour à tour le cocasse langa. contre·jour. »
foisonnement? L'auteur lui·mê- dynamique qu'est, par delà les gier, le délire poétique, la pein.
me nous le suggère aux dernières mots et en deçà des faits, l'espace lUre <le mœurs, le journal intime, Sous le regard de Fiorella, le
pages de son ouvrage: « dans de la narration. Car c'est l'aven- le récit d'aventures, etc. paysage toscan cher à Cassola, à
cette énorme partouze métaphv- ture narrative en elle-même qui son chasseur, à ses personnages
sique, chacun, dans la limite de est, d'abord, la visée de M. Curel:
au cœur aride n'a rien perdu de
ses possibilités, s'est retourné les données romanesques s'y su- Et telle est finalement la par-
sa beauté tranquille. Pourtant la
comme un gant et sacrifié. en bordonnent, en tant que condi- touze : dans cet espace narratif
« maestra ~, la jeune institutri·
somme, à ce que, de près ou de tions du jeu et points d'applica- en incessante mouvance et au gré
ce, « aurait aimé voyager ». A
loin, avec les réserves d'usage. on tion. Mais comme les fonctions des comhinaisons fonctionnelles
vingt-trois ans, bientôt viogt-qua-
peut appeler la vérité... Une gros- narratives, d'autre part, enrichis- qui l'animent, les personnages de
tre, ell~ n'était jamais sortie de
se faute, mes chers amis, il n'y sent progressivement ces données, Brancula ne sont jamais entière-
Toscane, et pour son premier pos-
a pas de héros dans votre histoi- les transforment et les accréditent, ment ce qu'ils sont et, seul, nous
te elle avait « échoué à Métato »,
re! Vous ressemblez à des peti- l'aventure, initialement éparse et l'avons vu, l'achèvement du livre
un petit village primitif et déso-
tes roues d'engrenage et chacun diversement introduite, s'organise immobilisera leur figure. On voit
lé. C'était la guerre. Elle avait
entraîne l'autre: serait-ce donc et se resserre jusqu'au renverse- l'ampleur de l'entreprise et ses
beau se dire : « c'est moi qui ai
vrai que tout le monde se décide ment final, véritable instant de difficultés. Il fallait un tempéra-
demandé la campagne; on se dé-
au hasard et que personne ne vérité où, la narration - et le ment exceptionnel pour la conce·
brouille mieux pour la nourriture
pense ? )~ livre donc - achevés, il ne reste voir et la soutenir. D'évidence,
et par le temps qui court la nour·
plus qu'une histoire qui a été. M. Curel a réussi, avec une géné-
riture c'est r essentiel », elle était
rosité tranquille qui donne, par-
Personne, peut-être, sauf l'au- envahie d'amertume à se retrou·
fois, l'impression inquiétante qu'il
teur. Ainsi le démiurge M. Curel Cette histoire, bien sûr, on peut ver enceinte, avec son petit gar-
pourrait réécrire à lui seul toute
nous fait-il comprendre qu'il res- la raconter: ce n'est pas raconter çon de deux ans et demi, dans la
la littérature française de ces qua-
te maître non seulement de la li· le roman. Or, c'est la lecture qui chambre misérable qu'un châte-
rante dernières années. Il n'en est
berté de ses personnages mais nous importe, ç'est-à-dire la partie lain méprisant lui avait cédée.
plus à son premier livre mais
encore de leurs différents niveaux où l'auteur nous entraîne. On peut Elle avait fui Volterra, un mari
semble, avec celui.ci, avoir épousé
d'existence, c'est·à-dire maître de la déchiffrer, comme une partition insouciant, des hostilités diver·
la totalité de ses dons. On guette
son récit et de ses différents mo- musicale, y suivre le déploiement avec impatience, maintenant, les ses, mais l'entêtement, le courage
des d'écriture. Ce qu'en revanche et le contrepoint subtils des fonc- se payaient. C'était souvent dur,
partis qu'il va lui falloir prendre
il ne dit pas, c'est que dans cette tions narratives dans l'architectu- pour dépasser ses richesses et toujours injuste d'être une fem·
partouze, il nous réserve aussi re qu'elles édifient patiemment. me. Sans doute devait-elle « ins-
troubler le trop entier bonheur
notre place, car, étant de cemt qui On y discernera ainsi deux thèmes crire au passif du mariage de
de lire qu'il vient de nous donner.
racontent plutôt qu'ils ne rappor- dominants : celui d'Ernst von n'avoir pu terminer ses études :t ;
tent, il prend en charge également Brancula, un ancien nazi lancé à sans doute ne pouvait-elle se per-
son lecteur: d'où le plaisir de se la recherche d'un document·code mettre d'entrer seule dans un ca-
sentir conduit sans savoir exacte· qui lui permettra de rassembler Michel-Claude }alard fé ; mais comme Thérèse Des-
8
• •
V lctlme et complice
vir la littérature à la culture, aux
sciençes de notre temps... Je ne
crois pas aux mouvements d'a·
vant-garde ; ce .~ont des maladies
infantiles. »
9
La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969
Une féerie saugrenue
Donald Barthelme seulement le canevas du célèbre posés par l'augmentation des jusqu'à l'enfantillage, mais ce
Blanche.Neige conte de fées, il le travestit. C'est ordures dans notre civilisation ou n'est pas toujours un jeu inno-
1
trad. de l'anglais un genre littéraire bien connu; célébration de la seule vraie cent; dans le roman apparaissent
par Céline Zins pour s'en tenir à un répondant guerre qui mérite pleinement son des personnages dont les nom
Gallimard éd., 214 p. ancien, rappelons comment Scar· nom, celle de 14-18... En liquidant sonnent plus ou moins familière-
ron, en travestissant l'Enéide, cha- les conventions du conte, Bar- ment : à côté d'un bar-restaurant
hutait l'épopée de Virgile, en fai- thelme compte bien liquider nommé La prochaine fois le feu,
Ouvrez le livre à n'importe sant une histoire un peu grosse, aussi celles du roman ou de la Jane Villiers de l'Isle-Adam télé-
quel endroit, vous tomberez sur bourrée d'anachronismes et de dé- poésie : « Les causes profondes phone à Quistgaard ; dans la rue,
un passage de ce type, que ni ce tails farfelus, transformant les de la poésie ont été amplement Fondue et Maeght passent en Vol-
qui précède ni ce qui suit n'éclair- héros en crocheteurs. Mais le ro· mises à jour; et maintenant que kswagen... Parodies, pastiches,
cit davantage : « La meringue man de Barthelme ne chahute pas nous savons qu'il subsiste des provocations (ce questionnaire
géante monta jusqu'au plafond. notre conte, il le saccage à cœur poches de poésie dans notre grand adressé au lecteur qui clot la pre-
Nous étions tous dedans. Dan fer- joie : Blanche-Neige vit avec sept pays, en particulier dans les gros mière partie), néologismes, mots-
ma la télévision. On ne peut pas laveurs de carreaux dont elle est centres urbains, nous devrions être pièges, Barthelme possède tout un
faire la cuisine en suivant les re- la maîtresse, ce qui ne l'empêche en mesure de les liquider totale- arsenal pour inquiéter, voire du-
cettes de cette bonne femme. Les pas de languir après Paul, un ment en une génération si nous per son lecteur.
proportions sont toujours fausses, « prince charmant » hélas ! bien nous y mettons vraiment ». Guerre
et je ne crois pas qu'il faille. met- peu entreprenant. Rien n'arrive à la poésie, donc ; on la rempla- C'est finalement un écrivain
tre du houblon dans la meringue comme dans le conte authentique cera par un composé pop à base connaissant bien les ficelles de la
de toute façon. - Je n'aime pas et le lecteur avait pu le pré- de procédés typographiques et rhétorique et du romanesque qui
votre monde, un point c'est tout, voir : c'est le Prince qui boit le régurgitations de citations tirées peut en deux pages télescoper la
déclara Blanche-Neige. Un monde liquide empoisonné préparé par de Freud ou Emily Dickinson, le Jeanne d'Arc de Dreyer et Hellza-
où de telles choses peuvent arri- la méchante Jane, et les sept tout rehaussé de poudre Ajax, de poppin, avec apparition d'Artaud
ver ». Il ne s'agit ici que de « nains », de plus en plus las de Coca-Cola et de bière Kronen· brandissant un crucifIX. Si l'on
Blanche-Neige préparant des me- Blanche-Neige finissent par la bourg. « Les temps sont mûrs pour voulait placer l'auteur sur quel-
ri~gues aidée par l'un des «nains», planter là. cela ». Est-ce vraiment de l'hu- que relevé de la topographie lit-
et, dans le livre de Donald Bar- Loin d'évoluer dans une atmos- mour noir? téraire, c'est du côté de René de
thelme, de telles choses peuvent phère féerique, le roman saute En fait, ce récit agressif est Obaldia qu'il faudrait regarder.
arriver ! sans cesse de l'incongru au sau- très travaillé. L'auteur joue avec
Blanche-Neige ne reprend pas grenu : discussion des problèmes les mots jusqu'à la préciosité ou Serge Faucherf'nu
L'esprit du mal
James Purdy savoure une revanche en s'imagi- les cœurs, fait à Amos et Daniel nante. Son talent parvient à ren-
Les œuvres d'Eustace nant tirer les ficelles d'un vrai (les deux seuls êtres purs du livre) dre saisissants de vérité un uni-
1
trad. de l'anglais théâtre de la cruauté. de leur amour réciproque, a l'ef- vers et des situations à la fron-
par Suzanne Mayoux On peut très bien considérer, fet d'une agression sauvage: Amos tière du roman noir.
Gallimard éd., 256 p. qu'au delà de la satire d'une mi. sombrera dans la déchéance vé-
norité marginale, James Purdy nale, et Daniel qui s'engage dans La perversité ouverte ou laten-
veut dénoncer, à travers ses stig- l'armée finira dans d'atroces souf- te, comme chez Daniel Haws,
En situant dans le Chicago des mates et ses tares, une société qui frances, après avoir été affreuse- dont les promenades nocturnes
années 35, pendant la grande crise, secrète le mal et expie ses origi. ment mutilé par un tortionnaire, trahissent un déséquilibre nais-
au cœur du quartier noir, la dé- nes. Mais, à notre sens, la matière le Capitaine Stadger, officier re· sant, est pour Purdy l'effet ultime
bâcle d'une minorité de bohèmes essentielle du livre est la peinture foulé. Ici la démence atteint au de la désagrégation de la réalité
et d'homosexuels qui jettent tous d'amours interdites dont l'impas- délire. sociale, une malédiction hérédi-
l'ancre, un jour ou l'autre, chez se, à l'image même du cercle vi· L'homosexualité illustre-t-elle taire vouant les hommes à s'en-
Eustace Chisholm, pédéraste et cieux formé par la chaîne des la malédiction qui condamne le tredéchirer ou à se laisser cor-
parasite qui vit aux dépens de sa sentiments sans issue des person- nouveau monde à tituber au bord rompre par l'argent. Ici, on re-
femme Carla, une hystérique, et nages de l'Andromaque de Racine, du gouffre, ou possède-t-elle par trouve la marque de ce purita-
pose au poète maudit, James dérive vers la démence et la fu· elle-même le pouvoir d'introduire nisme américain dont l'indicible
Purdy a fait un tableau de mœurs reur sadique. Eustace aime en ses adeptes au royaume des téné· réprobation couvre de son ombre
d'une noirceur et d'une cruauté silence l'adolescent Amos Rat· bres et de la chute? Au-delà de et oblitère les passions. La respec-
rarement égalées. Pour nourrir cliffe, fruit d'une union illégiti- la dépression, James Purdy ne tabilité sociale et l'établissement
son grand œuvre, un intermina· me, à la beauté d'ange noir, que jette-t-il pas l'anathème contre de la fortune, que la mère du
ble poème épique dont il écrit la misère oblige à accepter les une civilisation manquée ? A cet milliardaire Ruben Masterson
les brouillons sur de vieux jour- avances et les prodigalités d'un égard, Eustace figure l'esprit du préserve avec un soin jaloux,
naux, Eustace Chisholm se vautre Œdipe milliardaire, Reuben Mas- mal, apprenti sorcier et miroir offrent le seul rempart qu'une
avec l'avidité du vautour et se terson, malgré la passion qui le qui jette un sort à tous ceux qui société inique soit susceptible
repait de confidences qu'il arra- consume pour son logeur, Daniel ont le malheur de se fier à son d'opposer au torrent des passions
che à tous les êtres à la dérive qui Haws, somnambule qui vient mauvais génie. et au naufrage collectif. Est-il
viennent se confier à lui, mendier toutes les nuits lui faire de brèves Tout l'art de l'écrivain tient conclusion d'un plus sombre pes-
un conseil ou un réconfort. Contre et chastes visites. dans l'économie et la densité de simisme ?
sa disgrâce d'intellectuel raté et La révélation qu'Eustace, qui moyens qui, cependant, attei·
d'homosexuel éconduit, Eustace se targue de sonder les reins et gnent à une efficacité halluci· Alain Clerval
10
~ GRAND PRIX
Déchéance DE LA CRITIQUE LITTERAIRE
Maurice Nadeau
Lars Gy llcnsten cil, c'est la djfficulté de vivre de
lnfantilia
Trad. du suédois par
Karl-Axel, son incapacité à pour·
suivre une carrière, à fonder
Gustave Flaubert écrivain
E~3
C. G. Bjurstrom et J. Queval vraiment un foyer, à sortir de
Coll. « Du Monde entier » l'enfance enfin, de ses facilités et
Gallimard éd. 256 p. de ses angoisses. A moitié entre· Dossiers des Lettres Nouvelles
tenu par les femmes ou semi·clo-
chard, il ne sait rien faire de sa
Karl-Axel, le héros d'Infantilia vie que ressasser ses comptines et
est un cousin suédois de Molloy. ses blagues de gamin, redire avec
Cousin et non neveu, encore une sor te d'incompréhension
moins héritier, car s'ils ont des naïve ses désirs vagues et ce re-
points et même, en Joyce, un fus d'agir qui le conduisent. fétu
grand-père commun, leurs arbres (ou fœtus si l'on cède au goÎlt de
généalogiques ne concordent pas Gyllensten pour les mots-valises
branche il branche. Au reste, ils et les analogies révélatrices) hal-
ont à peu de chose près, le même lotté sur les eaux de la vie. d'un
âge et ne se connaissent pas. travail, d'un semblant d'amour il
l'autre.
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l
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Denoël éd., 19,80 F <...v
viennent de la mer se racontent des
Puur les familles où enfants et histoires. C'est un petit livre qui Sempé: Marcellin Caülou
14
Les Dleilleurs livres d'art de l'année
Jean.Pierre Seguin
Canards du siècle passé
80 pl. in-folio en noir.
Pierre Horay, éd., 224 p., 58 F.
2tJ~w.
et de leurs maladresses, des maî-
tres de l'imagerie en noir et blanc
dont la force expressive retrouve
exclusivité weber la saveur des xylographies primi-
tives. (Voir notre nO 76). Modigliani: Béatrice, 1915
16
200 ill. en noir, 11 ill. en coul.
Monographies Collections
Pierre Courthion mentaire et, aussi par une dispu- L'Univers des Formes Kultermann, retrace l'évolution de
Seurat sition graphique et typographiqw' Gallimard éd. 'l'architecture au cours de ces der-
48 pl. en coul., 64 ill. en noir. qui permet de trouver instantané· Deux volumes ont paru cette an- niers cent ans et c( Terres cuites
Cercle d'Art. éd., 162 p., 103 F. ment le renseignement recherché. née dans la collection dirigée par précolombiennes » par Alexander
constitue Un utile instrument de André Malraux et André Parrot, von Wuthenau, analyse l'art mexi·
Texte intéressant, écrit avec n· connaissance et de travail. Pour La Grèce classique, par Jean
cain.
gueur et s'appuyant sur une sé· les auteurs du célèbre Polyptyque Charbonneaux est le troisième to-
rieuse documentation. Il nous fait de Saint·Bavon dont l'histoire est me consacré à la civilisation grec- Giuseppe Tucci
mieuy connaître la vie assez secrète compliquée et fertile en énigmes. que, alors que Rome, centre du Rati-Lila
et l'œuvre si volontaire de celui qui les documents d'enquête sont par- pouvoir, par Bianchi Bandinelli, Nagel éd., 170 p., 202,80 F.
fut le maître du pointillisme, et qu~ ticulièrement intéressants. Parmi inaugll"~ une série de trois voillme.~
dix années de travail suffirent à les plus récents de la collection: consacrés à l'art romain. Texte sÛr Ce titre apparemment mysté.
rendre célèbre. Comme dans tous Raphaël, par Henri Zerner: et J1résentation somptueuse, com· rieux se traduit très simplement
les ouvrages de cette excellente col· Dürer, par Pierre Vaisse; Botti· me d'habitude. pal' les « Jeux de l'amour », Après
lection des « Grands peintres n, celli, par André Chastel; Velas. avoir étudié l'art érotique de la
chaque planche reproduite est ac- quez, par Yves Bottineau. U art dans le Monde Grèce, de Rome, de la Perse, de
compagnée d'un utile commen· Albin Michel éd. l'Inde, du Japon et du Pérou, cette
taire. Parmi les plus récents titres collectioll IWUS conduit cette fois
de la même collection : Klee, de Frank Elgar Deux volumes en 1969, très dif- au Nepal. Un texte savant, des il·
Will Grohmann; Rembrandt. de Cézanne férents par leur sujet : « L'Arch'j. lustrations qui rappellent celles des
Ludwig M ünz; Goya, de José Gu- 108 ill. en noir, 55 ill. en coul. te(:ture contemporaine» par Uelo temples hinclous.
diol; Modigliani, d'Alfred Werner. Somogy, éd., 268 p. 40 F.
18
EXPOSITION
Klee et le visible
L'exposition Paul Klee qui a présentation : Faisant partie du
lieu au Musée d'Art Moderne même geste d'incision ou de dé-
(1) est sans doute, comme le chirure, mais déployé tout au
soulignent les organisateurs, long d'une vie créatrice par - in-
à la fois l'occasion de dissi- volution -, est un deuxième mou-
per un malentendu entre Klee vement, à la fois effet et condi-
et la France, mais aussi celle tion du premier: cette mise en
d'une découverte de ce qu'un question de la représentation
discours de la peinture peut s'accomplit et se présente au
être; ce que, probablement, regard, comme son analyse,
n'a jamais cessé d'être, de- comme l'apparition de ses élé-
puis les origines, ce discours. ments archaïques, primitifs.
Mais cette analyse ne s'effectue
La clarté de la présentation que dans et par la peinture :
des quelques deux cents ta- elle ne se - dit - que dans le
bleaux et dessins, sa logique • geste - pictural fondamental.
chronologique, formelle et thé- Au moment où l'esthétique s'in-
matique est bien faite pour favo- terroge sur les possibilités d'ap-
riser cette découverte, d'autant plication du modèle linguistique
que l'accrochage dessine des ré- à la substance visuelle, Klee,
currences, provoque des rappels par sa peinture, en écrit la sé-
dans la - production - de l'ar- miologie. Le système pictural
tiste, comme dans la - récep- dans son œuvre s'y transpose
tion - du contemplateur, pour et s'y traduit en peinture. Dès
employer le vocabulaire de Klee. lors, l'analyse ne dissout pas
Mis en évidence avec un tact l'objet, mais le montre dans son
et une discrétion dont on ne articulation élémentaire, pour la
saurait trop louer M. Leymarie, raison profonde que l'élément
Mme Françoise Cachin-Nora, et pictural de Klee n'est jamais iso-
Mme Isabelle Fontaine, (ce sont lé, substantiel. mais toujours
ces qualités qui font- du Musée saisi dans sa relation avec d'au-
une vraie pédagogie), le chemi- Klee: La légende du Nil tres éléments : peinture struc-
nement de Klee apparaît dans la peinture. D'où le contre-sens le nom de la représentation dans turale - si l'on veut, ou modèle
son unité, mais à la façon de sur la phrase fameuse, « l'art ne ce lieu second, encadré par les d'une analyse structurale de la
cette «ligne active prenant li· reproduit pas le visible, il rend limites de ce qu'on appelle - un peinture - à la condition de
brement ses ébats; promenade visible .. : contre-sens qui attri- tableau - et que notre percep- comprendre que, pour Klee, la
pour la promenade, sans but par· bue à l'invisible envers des cho- tion habituée· depuis plusieurs structure n'est que la trace
ticulier D, qu'il pose comme ses, le visible pictural. Depuis siècles ne reconnaît plus dans d'une force, le sillage laissé par
J'élément dynamique primitif le premier trait tracé sur une son étrangeté : redondance de une énergie, le jeu d'une acti-
dans ses Esquisses: gratuité de paroi, la première tache colorée la représentation picturale sur vité élémentaire. - Ce serait une
la démarche, variété du chemin posée sur un mur, peut-être la elle-même, par laquelle elle se erreur de penser que l'œuvre
qui admet détours, - formes peinture a-t-elle toujours com- nomme pour ce qu'elle est, non veut une structure d'éléments
d'accompagnement -, points de mencé à se dégager de cette une illusion, mais un simulacre .. seuls. Les éléments doivent pro-
rebroussement, ces formes du appartenance. C'est la représen- La plupart des tableaux de Klee duire des formes ... D la ligne
libre jeu de la - fantaisie - ne tation elle-même que Klee dé- sont ainsi faits d'une première n'est que le sillage du point; le
sont que le phénomène visible nonce comme le lieu unique et surface plastique collée sur une point, grain d'énergie qui est et
d'un nécessaire, d'un inélucta- privilégié de toute figure pictu- deuxième qui comporte le plus ne peut être que ligne; les sur-
ble retour à l' - origine - de la . raie. Comment? De plusieurs souve·nt traits, bandes de cou- faces, des effets de l'énergie
peinture - en son discours. façons : par la fonction signi- leur, texte de la main de Klee, linéaire dont la flèche noire
C'est ici ce qu'il faut dire en fiante donnée à ce que l'on etc ... (Voir, à ce sujet, les préci- - vers là-bas - est le symbole :
trois propositions nées directe- appelle le -support- et qui, chez sions du catalogue). Enfin - - déploiement croissant d'éner-
ment de la visite de cette pré- Klee, est le tableau même: le mais Klee le magicien connaît gie à partir du blanc donné com-
cieuse exposition. tissu de jute accroche la pein- bien d'autres moyens de méta- me présent ou état vers le noir
Klee ou la mise en question ture de la brosse en fines hachu- morphoser les tableaux en simu- émergeant, comme futur, com-
de la représentation: qu'on ne res qui sont celles de la trame lacres - par des coupures, des me action -. (La flèche noire
s'y trompe pas, cette mise en ou de la chaîne, mais qui sont césures qui traversent l'espace dans un jardin, 1929). Tout le
question - parce qu'elle est aussi ombres et volumes. Tout de la représentation, il disjoint système des couleurs tel qu'il
radicale - s'effectue toujours le procès de production est à ce qui était illusoirement conti- apparaît dans l'enseignement
dans les marges du tableau ou découvert dans les traces lais- nu, l'articule arbitrairement en donné au Bauhaus n'est-il pas
du dessin, par un biais. Ce n'est sées par le geste pictural, le ta- l'intégrant dans la surface se- une composition d'énergies tra·
point le représenté du tableau bleau est texte puisqu'il est si- conde qui n'est plus tout à fait versant l'univers et l'homme, et
que Klee délie de son apparte- gnifiant dès le materiau même. celle du tableau, mais point en- dont le tableau est le diagram-
nance immédiate à la visibilité (Ainsi Colonie de cabanes, 1932 core notre espace : césure qui me d'inscription. (Ainsi l'impres-
- au champ réel des apparen- ou Chant d'amour par nouvelle est marque d'une inscription sionnant clair-obscur en rouge
ces. Il n'aurait pu le faire qu'au lune, 1939, etc...). Ou bien Klee plus définitive dont le tableau du Labyrinthe détruit, 1939) ?
nom d'une essence cachée des inscrira la représentation dans est frappé et par laquelle il est C'est pourquoi l'analyse qu'est
choses, d'un arrière-monde, dans un autre espace, lui-même mar- porté (ainsi l'extraordinaire Re- le tableau n'est point morcel-
la description duquel s'engage, qué par deux lignes horizontales gard d'Ahriman, 1920). lante, mortifiante, alors que ce-
pour s'y perdre, le discours sur et par sa fine écriture donnant L'analyse· picturale de la re- pendant s'effectue le retour aux
~
La Quinzaine littéraire, du 15 au 31 décembre 1969 19
~ Klee et le visible
éléments : parce que les élé- . la peinture en écriture, la lente de ce qui est fané 1918, Villa R sa trace, d'une création du mon·
ments sur la surface du tableau invasion des tableaux par les let- 1919, Composition avec la lettre de qui n'est pas chatoiement
frayent des chemins les uns vers tres qui s'y métamorphosent en B. L'ordre du contre ut 1921, d'apparences et de choses, mais
Jes autres, chemins que l'œil du traits et en taches de couleurs, Regard de sorcière 1923 (où le écriture déjà écrite d'un texte
contemplateur retrouve en les en attendant que les tableaux titre est inscrit dans un œil en dont le parcours sans fin consti-
traçant à nouveau : représenta- eux-mêmes redeviennent dans haut et à gauche), Mural 1924, tue la figure, le simulacre en
tion. cc Action humaine (Genèse) leur apparence même des tex- Villas florentines 1926, Détache- surface du tableau.
l'œuvre, qu'il s'agisse de produc· tes, ensembles profonds et di- ment de l'âme 1934, ou Rayon- Le signe de cette découverte,
tion ou de réception, est mouve- versifiés de signes énigmati- nement et Rotation, le livre c'est - et il faut méditer ce
ment (durée) ». Mais il faut
bien comprendre que ce mouve-
/._- ....." titre - le grand échec de 1937
qui est comme la théorie en
ment n'est pas création pure :
le créateur ne coïncide pas avec
l'explosion énergétique de ('élé-
/ peinture de cette remontée à la
source : damier frangé sur les
bords et qui y perd la régularité
mentaire. Le créateur n'est créa-
teur qu'après coup. Si l'œuvre
(J de son système; où trois piè-
ces renversées attendent d'être
est mouvement, cc ceci tient à la jouées. Grand échec, l'ambiguïté
limitation manuelle du créeteur du nom que Klee donne à ce ta·
(il n'a que deux mains) : ceci bleau indique peut-être que la
tient à la limitation de l'œil... langue de la création - le jeu
L'œil doit brouter la surface, d'échecs et ses règles - ne
l'absorber partie par partie et s'invente pas et que le jeu qui
remettre celles-ci au cerveau... s'y joue est un grand échec. En-
L'œil suit les chemins qui lui tendons que le peintre en
ont été ménagés dans l'œuvre », • jouant - le créateur dans le
Genèse, création, l'œuvre, dans double sens du mot jeu, mime,
l'ordre producteur ou dans l'or- dans sa représentation, un jeu
dre récepteur, n'est que l'enche- primordial dont il n'écrit sur le
vêtrement des chemins déjà tra- tableau que les traces qui ne
cés, qu'il faut toujours à nou- sont jamais le vrai jeu: le Grand
veau frayer interminablement. échec auquel font écho Clé brio
(Par exemple, le fou en transe sée 1938 et le Labyrinthe détruit
de 1929, Mural 1924 ou Démon 1939. Echec du parcours complet
au-dessus des bateaux 1916). des chemins de la création parce
C'est pourquoi avec une égale que . le • producteur - et le
lucidité, Klee le créateur se si- • récepteur - n'opèrent jamais
tue-t-i1 toujours après ou avant qu'avec des morceaux de clé,
la création, mais jamais dans le parce que cette écriture a partie
point inassignable de l'origine liée avec la mort. (cc Cette étoile
où pourtant il se trouve, mais enseignée à s'incliner» (1940).)
insaisissable : cc En ce monde. L'ultime tableau inachevé en
nul ne peut me saisir car je porte l'image : la surface blan-
réside aussi bien chez les morts che, funèbre et passive, incisée
que chez ceux qui ne sont pas par une dizaine de • signes -
nés. Un peu plus près du cœur noirs qui, dans la trace de leur
de la création qu'il n'est d'usa- énergie, articulent une platitude,
ge. Et pourtant encore bien trop en la séparant d'avec elle-même;
loin ». en la traversant des marques
d'un énigmatique savoir; des
La peinture-écriture. Cette gestes, un jeu. Et il serait sans
troisième proposition pourrait doute essentiel de noter que les
résulter des deux premières : étapes de cette redécouverte de
avec Klee, on découvre par la la peinture c'omme écriture -
mise en question de la repré- mais dans la représentation -
sentation, que le retour à l'élé- furent deux sorties hors de
mentaire est le retour de la pein- l'. Occident -, la Tunisie en
ture à l'écriture. Sans doute par- 1914, l'Egypte en 1929.
lera-t-on, en ce point, de Klee
Dans Platon, l'homme qui, en
le dessinateur, le poète, le mu- Klee: Groupe de cinq maniant les couleurs et le trait.
sicien, l'illustrateur de génie, de
joue avec l'illusion et crée des
Klee réalisant de subtiles et déli- ques, portant, dans le jeu gra- d'images 1937 et le fantasmati- simulacres, s'appelle le • zoo-
cates alchimies du mot, de la tuit de leurs rapports rigoureux que et scriptural Un visage et graphos -, celui qui écrit le Vi·
lettre, du trait et de la couleur. et fantaisistes, une polyvalence aussi celui d'un corps 1939). Ce
Mais ces remarques resteraient infinie de sens; dont le jeu ou-
vant : jamais ce nom générique
sont alors les dernières œuvres n'aurait mieux convenu à Klee
de surface et ne définiraient que vert est le sens. (On pourrait qui font apparaître ce qu'est la le peintre. l'écrivain.
des procédés, si elles ne se fon- ainsi proposer le parcours sui- peinture en toute simplicité :
daient sur ce qui est à la fois le vant dans l'exposition: X vert à Louis Marin
signes écrits sur une surface,
plus essentiel et le plus appa- gauche et en haut 1915, Minia- c'est-à-dire traces d'un passage (1) du 25· novembre 1969 au 16
rent : la progressive mutation de ture à la .Iettre E 1916, Miniature qui ne peut êtrè saisi que dans février 1970.
20
BI8TOIRB
Un monde perdu
Il Y a sans doute moins de cycliques. Effets d'une population disponible dans l'économie du acceptée comme (impératif mo-
différences entre une commu- égale à quatre fois moins celle groupe, et enfin à cause de l'âge ral de tout chrétien protestant,
nauté médiévale, ou qui sait? de la France. Toute l'Angleterre tardif de la maturité sexuelle. processus sans nul doute terminé
néolithique, et un village du était alors moins peuplée que D'où cette constatation, qui fait r
à époque victorienne ». L'histoire
XVII" siècle, qu'entre ce vil- Londres ou Paris d'aujourd'hui. intervenir des nécessités sociales vraie fourmille ainsi de cocasse-
lage et celuj qu'il est devenu plutôt que des interdits religieux : ries pleines de sens !
de nos jours. Extraordinaire Le monde des litterati était ce- « La chasteté s'imposait pendant
constance, quasi millénaire : lui de notre pensée, de notre art, une plus grande partie de la vie Elle ne sert plus seulement au
elle nous a échappé tant que de notre science : nous le connais- des individus que de nos jours, divertissement de l'honnête hom-
nous avons écouté les seuls sons en long, en large et en tra-
auteurs des documents d'his- vers : « Le monde que nous avons
toire, les Iitterati, qui savaient perdu ~ était celui de nos ancêtres
lire et écrire comme ils par- et nous venons juste de le décou-
Iaient, c'est-à-dire comme vrir en France, il y a une tren-
nous. Aussi, comme nous taine d'années. Peter Laslett l'ex-
changeaient-ils, sollicités par plore en Angleterre, avec la cu-
le mouvement perpétuel de riosité d'un ethnologue et l'esprit
la culture. Mais combien critique d'un historien positif à
étaient-ils au XVII" siècle ? qui on n'en conte point.
1
coll. Nouvelle hiblio- d'éducation scolaire, par les con-
scientifique duites requises, mais il avait une
Flammarion éd., 296 p. autre biologie : l'âge de la pu-
berté y était plus tardif, l'activité
sexuelle plus courte. « Les privi-
,Vers 1680, dans une paroisse légiés (mieux nourris) ont dû être
normande étudiée par Henry et plus grands, plus lourds, plus dé-
Gautier, un époux sur cinq signait, veloppés et plus précoces dans
le registre. Au comté de Surry en leur formation physiologique que
1642, les deux tiers des hommes les autres et muer plus tôt :1>. En
de plus de dix-huit ans étaient Angleterre Chérubin aurait eu
incapables de signer sinon par poil au menton et voix de basse
une marque : « il en était ainsi s'il était gentilhomme ; l'ambi-
- cela laisse rêveur, avoue P. guïté des travestis baroques serait
Laslett - des pères de Shakes- alors un caractère populaire ? On
peare et de Newton ». Même dans sait qu'à l'époque contemporaine, d'une part parce que nombre d'en- me ou à la curiosité gratuite du
les familles de privilégiés, les l'âge de la maturité sexuelle des tre eux étaient trop jeunes pour savant. Elle est la référence né-
hommes souvent lisaient en chan- filles a passé en Suède de quinze se marier... d'autre part parce que cessaire à l'homme d'aujourd'hui
tonnant et en trébuchant, comme ans sept mois en 1905 à quatorze le mariage, s'il leur était jamais pour prendre conscience de son
les e~fants qui apprennent. ans un mois en 1949, et aux Etats- possible (il y avait beaucoup de présent qu'il ne distingue pas
Unis de quatorze ans un mois en célibataires prolongés, en parti- dans la coulée du vécu. Il doit sor-
Ce petit nombre de litterati 1904 à douze ans neuf mois en culier dans le groupe très nom- tir de son temps pour le situer
constituait toute la société poli- 1951. Si on en croit Shakespeare, breux des serviteurs), durait vrai- dans le champ d'une perception
tique et intellectuelle, et plus gé- mais il ne faut pas le prendre à semblablement moins longtemps :1>. objective. Réciproquement d'ail-
néralement, il maintenait et déve- la lettre, les filles de la noblesse leurs, nous ne connaissons pas le
loppait une civilisation déjà anglaise au temps des Tudor On pouvait, certes, avoir des passé total, comme il a été vécu,
ancienne, la civilisation de l'écri- étaient pubères au même âge que relations en dehors du mariage ! mais nous distinguons ce qui dan8
ture, la nôtre. Mais cette civili- celles de nos sociétés industrielles Et le fait est qu'on s'en privait ce passé diffère de notre présent.
sation, familière à l'Histoire, était avancées. moins dans l'Angleterre puritaine P. Laslett a voulu conserver le8
emboîtée dans un autre monde, que dans la France janséniste, deux mouvements: d'abord faire
où les transmissions demeuraient Dans le monde que nous avons quadrillée de missions. Des cou- l'histoire à l'envers, en remontant
toujours orales : le Monde que perdu, on se mariait au contraire tumes médiévales ont persisté jus- du présent vécu et non connu ;
nous avons perdu, titre du livre beaucoup plus tard que Roméo qu'au XVIIIe siècle en certaines ensuite redescendre du passé de-
de P. Laslett, son historien anglais. et Juliette: les femmes vers vingt- ~égions d'Angleterre. qui tolé- venu sensible au présent restruc-
quatre ans, les hommes vers vingt- raient des relations sexuelles turé. Ainsi l'un de8 derniers cha-
Ce titre n'implique aucune huit' : voici des chiffres qui sur- entre les accordailles et le ma- pitres e8t-il consacré à la société
nostalgie - au moins consciente. prendront et qui sont cependant riage : reste d'un temps où, le anglaise au début du xx" siècle, et
P. Laslett sait trop bien comment certains et qui caractérisent mariage s'étendait le long d'une l'étude de la misère du XVIII" siè-
on tombait vite au-dessous du mi- mieux que de longues analyses la durée que le concile de Trente a cle a amené son auteur à poser
nimum de subsistance, combien vie de nos ancêtres. Le retard du réduit à l'instant de la cérémonie. à sa façon le fameux problème
tôt on mourrait. Mais peut-être mariage s'explique parce qu'il Avouons avec P. Laslett qu'il de l'affluent worker et de la classe
l'Anglëterre a-t-elle étê au XVII" était le principal (et je crois, le « faudrait une étude intéressante moyenne. Une société découvre
8iècle moin8 mi8érable que la seul volontaire) moyen de liID.1ter et minutieùse pour déterminer son image dans le « miroir du
France, les « mortalité8 ~ y fu- les naissances, parce qu'il fallait comment la règle établie par temps ~.
rent moins caractérisées, moins attendre pour sé marier une place rE/llise catholique arriva à être Philippe Ariès
Le devenir des
1
Maurice Merleau-Pontv à quel point les six essais conte· une dynamique du « sujet par· l'explosion de la vIsIon classique
La Prose du Monde nus dans « la Prose du Monde ». lant )) que Merleau-Ponty essaie dans la pelDture moderne que
Gallimard. éd.• 211 p. ouvrage inachevé de Maurice Mer· de constituer, dynamique que l'on Malraux expliquait par un retonr
leau-Ponty, anticipent sur l'am· sent se poursuivre avec une remar- au sujet, Merleau-Ponty y voit
pleur considérable qu'a pu prendre quable cohérence théorique dans l'inauguration d'un monde sans
Que le langage soit comme une le problème du langage et celui de les autres textes de la Prose du « a priori II auquel nous convoque
doublure de l'Etre, et que l'homme la communication dans les dix Monde. Ce qui domine ici l'en· la vision du tableau. La peinture
rêve d'un âge d'or où se trouve· dernières années. semble de la réflexion c'est le moderne n'est pas un désordre,
rait réalisée l'adéquation parfaite Dans un temps où tout semble point de vue de la perception du elle est une « logique allusive du
du signe et du sens, voilà qui conspirer à expulser le « sujet )) sujet et celui des relations que ce- monde dans laquelle la vérité ne
rejoint étrangement le souci ma· du texte et à faire de ce dernier lui-ci entretient en tant que corps serait plus de l'ordre de la confor.
jeur qui semble préoccuper le mon- un être en soi qu'on peut sou- avec le monde. Pour Merleau· mité avec les objets ou les modèles
de intellectuel d'aujourd'hui - mettre à une analyse objective - Ponty, il ne saurait y avoir de extérieurs ll. (L'auteur rejoint ici
souci qui va des recherches linguis. et ceci à un tel point que la méta- point de vue de Sirius concernant la distinction que fait Barthes
tiques de Jakobson et de Chomsky physique du signe qu'inaugure la la nature du langage et la recher· entre l'écriture classique et mo-
aux interprétations de l'incons- grammaire générative de Chomsky che d'une « grammaire pUre)l est derne dans le Degré Zéro de
cient comme langage par Lacan, fait figure de « régression subjec. une entreprise vouée à l'échec. Il l'Ecriture).
aux travaux sur l'économie et le tive » - la réflexion de Merleau- faut renoncer à l'algorithme et
procès du texte basés sur les For- Ponty, toute centrée sur le sujet « penser la conscience dans les.
malistes russes et les doctrines Le st~le
vivant et percevant, sur l'expé- hasards du langage ll. Ce dernier
Marxistes, en passant par les théo- rience paradoxale, existentielle et est la pulsation des rapports avec La signification de l'œuvre qui
ries de Mac Luhan sur le « méta- mystérieuse qu'est la communicn- autrui et à ce titre. son ambiWlité permet de reconstituer le schéma
langage » Joycien. C'est assez dire tion, pourra paraître dépassée. demeure entière, car il y a deux intérieur de l'artiste réside dans
Avant d'aborder le contenu dc sortes de langages : celui qui est que ce P. Francastel appelle le
ces essais, il faut dire quelques parlé et qui se fait après-coup dans style. Celui-ci ne pré.existe pas à
mots de l'aventure des œuvres ma· le dialogue disparaissant devant le l'œuvre, il n'est pas non plus une
ESPRIT
nuscrites ou déjà publiées qui les sens dont il est porteur, et le lan- « représentation », il « reprend et
constituent, et dont Claude Lefort ~age parlant qui se fait dans le
dépasse la mise en forme des élé·
tente de retracer l'histoire com- moment de l'expression et permet ments du monde Qui est commen·
plexe dans sa préface. au Il parleur II de glisser des signes
cée dans la perception ll. La signi.
aux sens.
fication se présente comme une
Deux ouvrages Quand il dit à propos de l'œu-
« fécondité indéfinie » (la Stil-
vre littéraire que le lecteur ·apporte
Il semble que dès 1952. Mer- tung husserlienne) qui accompa-
le langage parlé et l'auteur le lan-
L~ guerre du leau-Ponty ait envisagé d'écrire
deux ouvrages dont le propos com-
gage parlant, parce que le premier
~ne la manifestation des signes.
E\lpRIT
dans l'œuvre avant la mort de mouvance du réel pour la faire· (voir la distinction barthienne de
19, rue Jacob, Paris 6e l'lIUteur. entrer dans un univers dominé, la Langue et de la Forme) alon
l' C.C.P. Paris 1154-51 Dans le premier essai, « le lan- péremptoire, dans lequel le champ que le peintre, s'il fait, lui aussi,
tôme d'un langage pur », c'est perceptif se recompose. Quant· à sortir la culture de son « cercle
22
•
sIgnes
tacite et mortel », va plus loin en
mettant en suspens toute la pein-
ture qui l'a précédé. Et si l'on re-
connaît dans l'écrivain les trans-
formations qu'il a fait suhir à la
langue, l'expérience du peintre
cesse d'être identifiable en passant
dans ses successeurs. Dans ce sens
la peinture est « muette » et ren-
voie à un esprit situé hors d'elle-
même. Le langage littéraire au
contraire, manifeste un passé qui
a été compris et « récupère les
choses » pour le langage en tant
que tel.
Dans le paradoxe qu'est l'ex-
pression, ce que l'artiste a à dire
« c'est en réalité l'excès de ce qu'il
vit sur ce qui a déjà été dit ». En
face de ce problème, la philosophie
doit se contenter « de montrer du
doigt comment par la déformation
cohérente, l'homme en vient à par-
ler une langue anonyme, et par la
déformation cohérente de cette
langue, à exprimer ce qui n'exis-
tait que pour lui » (2).
Le langage mathématique
L'Arc n° 39 ••
Butor
prose : c'est d'abord celle de la Comme Raymond Roussel (qu'il ne librement l'expression de J. Lacan) n'a richesse à des extraits de Jules Verne,
vérité comme équilibre en moûve- cesse de relire), Butor aime et connaît été mieux mis en lumière. de Fourier (sur la ponctuation), de
les machines. Elles le fascinent. Il a Humboldt, de Regnard, ou du Chinois
ment dans le dillcours : le sens conçu le numéro de l'Arc qui lui était Les textes sont plus ou moins courts. Se Ma Ts'ien.
nouveau y émerge par décentra- confié comme une machine infiniment Très nombreux. Certains constituent
tion et recentration; l'idée nou- complexe. Tout y fonctionne avec pré. des listes de suggestions. Germes de Ce surgissement de l'imaginaire s'ac·
cision. Lorsque, dans le numéro, Roger textes. Graines de discours. c Le som· compagne d'une mise en lumière de
velle organise son propre réseau maire de ce numéro recense une cino J'importance de l'image, trop souvent
Kempf décrit l'Orrington Botel, il pré.
de paroles pour la signifier. Cet cise que c rien n'y est laissé au hasard, quantaine de rubriques dont chacune négligée par les philosophies du lan.
équilibre indique que la vérité est pas même le pire): métaphore d'un pourrait faire fobjet d'une revue pa- gage. Auteur d'un livre appelé lllw-
toujours en sursis dans les struc- numéro où rien n'est laissé au hasard. raissant tous les six mois pendant vingt trations, travaillant avec les peintres,
pas même les lieux où le hasard, les cinq ans.) L'entreprise rappelle celle Butor remet l'image à l'honneur, com.
tures du langage. Mais plus impor- de Queneau mettant dans un seul livre me le fait J.F. Lyotard dans la théorie
jeux combinatoires, les rêveries inter·
tant encore est le fait que pour viennent dans le texte.
Merleau-Ponty le langage est com-
?osé de signifiants quasi corporels, Un scrupuleux souci de perfection
il est assimilé à un geste comme stylistique et typographique vient se
il le dira lui-même (voir Signes), subordonner à une volonté de modi·
fication. Cette volonté porte, de ma·
et comme geste, il est indissocia- nière immédiate, sur l'organisation du
blement lié à notre perception du numéro. Plutôt que de réunir une
monde par le corps. série de textes critiques consacrés à
Kn face des préoccupation~ con- Butor, on a préféré donner carte blan·
che à l'écrivain. Carte blanche comme
temporaines, dominées par des celles que les géographies anciennes
« points aveugles » comme l'im- donnaient des régions encore inexplo-
pensé, l'agonie du « sujet » dans rées. Aidé de ses collaborateurs (en
son propre discours, et les marées particulier H. Ronse et R. Borderie).
Butor y a inscrit cinq grandes régions,
imprévisibles de l'inconscient, la cinq continents: Arts et Métiers;
pensée de Merleau-Ponty réveille Sites; Musées; Spectacles; Livres.
la nostalgie de la cohérence exis- Ainsi se constitue une sorte d'environ·
tentielle de l'homme dans le nement de Butor. Des objets, des espa·
ces qui attendaient d'être repris par
monde - encore qu'il ait inclus lui, sont décrits et le définissent: c Ce
dans sa réflexion un pari pour numéro est r occasion pour moi de
l'envers de la perception et pour demander aux gens de traiter à ma
l'invisible dans ses derniers écrits place un certain nombre de sujets que
Je n'avais pas eu l'occasion JUSqU'alOT.•
(voir le Visible et l'Invisible). A la d'aborder. Leur rôle n'est pas d'en
lecture de ces essais, l'algorithme parler comme 1en aurais parlé moi·
qu'il a lui-même proPosé pour même; le recours à leur participation
1'homme conscience + corps n'est en rien un piso(lller. Au contraire
fintroduction de leur voix dans le mor·
= monde se pare soudain d'une ceau doit finalement apparaîlre comme
séduction que d'aucuns reconnaî- la meilleure façon que lavais de le
tront pour leur. On y trouvera en jouer.>
effet une unité profonde qui tient
Ce procédé de composition a de cu·
à un enracinement des sujets en rieuses et importantes conséquences.
tant que tels dans le monde; Tout d'abord, il vient mettre en ques-
l'accent de la réflexion porte tou· tion la ligne de partage, trop souvent
jours sur un au-delà, sur un. deve- encore acceptée, entre critique et écri·
ture c créatrice). Le texte critique
nir du sens ou de l'homme qui cesse d'être un discours sur un dis-
prend l'apparence d'une ouver- cours; il n'est pas non plus une ma-
ture indéfinie mais positive. Cet nière de parler d'un auteur privilégié.
avenir qui transparaît dans le dis- Il vient continuer un discours préala.
ble, lui apporter des variations; il
cours ou dans la création artis- s'applique à des objets possibles de ce
tique, il est à découvrir et à cons- texte premier. Certains articles sont
truire (dans le sens anglais du des pastiches de Butor, et l'on sait Michel Butor
terme), dans un monde qui le dé- depuis ceux de Proust (pastichant
Sainte·Beuve ou Flaubert) combien le
ploie en une ouverture indéfinie pastiche est compréhension et. explica.
vers d'autres significations. mince la possibilité de multiples poè- philosophique. Chaque section du nu·
tion de l'écrivain pastiché. D'autres mes; elle évoque la machine à penser méro de l'Arc, c a été conçue autour
C'est peut-être dans la mesure textes vont plus loin. Semblables aux de Laputa inventée par Swift. tfrm foyer qm est (image >.
où notre quête de l'irréductible livres imaginaires (d'ailleurs recensés
dans un article du numéro: le livre Le numéro c Butor> de f Arc ins- Ainsi se définit un rapport original
dans l'homme d'aujourd'hui de- blanc mortel des Mille et une nuits, les taure d'autres étonnements encore. Il de Butor avec la culture occidentale.
meure ouverte de la même manière œuvres posthumes d'Aspern évoquées montre l'imaginaire l~ême où l'on La culture est posséd~e, dans tous le.
que celle de Merleau-Ponty, que par H. James, etc.), ils constituent les s'y attend le moins. Dans les machines sens que peut prendre ce verbe. Elle
nos efforts se trouveront coïncider fragments d'œuvres imaginaires, possi. par exemple. N on pas seulement dans est détenue; confrontée aux· culture.
bles de Butor. d'étranges automates orientaux, mais autres. On peut user et abuser d'elle.
naturellement avec le souci fonda·
dans une calculatrice électronique. La pervertir. La· duper aussi et la sé·
mental dont ce philosophe fit le A ce moment se pose avec acuité le Pour Butor, les machines sont aussi duire: la détourner des habitudet
centre de sa réflexion. problème: qui parle? Butor est à la des machines à rêver._ L'imaginaire Ile qu'elle s'est données et qui la stéri·
Anne Fabre-Luce fois l'origine et la fin de chacun des découvre é.galement à l'intérieur de la lisent. On la révèle aussi à elle-même
textes. Généralement, il n'en est pas culture la plus traditionnelle. La lec· comme possédée, hantée par ce qu'elle
(l) Intervention au VI" Colloque de l'auteur; il n'a même pas choisi Je ture attentive des livres révèle d·admi. nie parfois explicitement: l'image plus
Bonneval. L'inconscient, Paris, Des- sujet: une correspondance s'est établie rables délires rationnels chez les au- forte que la parole ; le rationnel lié à
clée de Brouwer, 1966, p. 143. entre le désir de Butor et celui de teurs les plus détériorés par la péda. l'imaginaire ; le nœud qui nuit le tech·
(2) Voir Critique, n° 270, Nov. 69. René Micha ou de Georges Raillard. gogie qui prétend les enseigner: Au· nique et l'onirique.
Article de Louis Marin, Il Le discours Jamais peut·être autant qu'ici le rôle guste Comte par exemple. Une subtile
de la Figure Il. du discours de fautre (pour employer pratique de la citation rend toute leur Gilbert LascaUlt
24
CINEMA
Andrei Roublev
Espaces gigantesques que la
lenteur du • travelling » rend
plus immenses. Un homme qui
s'envole dans un ballon et
l'écran devient plus vertigineux
à force de lenteur et de mouve-
ments en arc de cercle sur la
plaine envahie par les Tartares.
Silhouettes minces et voûtées
dans la pluie torrentielle qui
rend les pélerins plus frileux,
plus vulnérables et comme
inconsistants... Roublev, un
moine du XV' siècle entreprend,
avec deux compagnons, un
voyage qui doit le mener jus-
qu'à Moscou où il doit peindre
les fresques d'une nouvelle
église. Le voyage est long et
pénible parce que devant la
cruauté des hommes le moine
doute. Il ne connaissait pas le
pays et le voilà sorti de son
monastère et livré au monde
et au réel. Il traverse le pays
comme un étranger, ne compre-
nant pas les autres et n'arri-
vant pas à se faire comprendre
par eux.
Pourquoi peindre les fres-
ques ? Surtout comme le sug-
gère le maître de Roublev, un
peintre surnommé le Grec, il Alldreï Roublev
va falloir dessiner un démon ment incite à l'émerveillement. seurs parce qu'elle est fascinée chées tartares inoubliables, en
qui crache du feu! • Il ne faut grâce à la caméra de Yousov, par l'or de leurs tuniques. Cette gros plans lumineux parfois et
pas faire peur au peuple » dit extraordinaire de virtuosité et fête païenne à la gloire de l'a- en plans flous et bougés, une
le moine, mais l'Eglise aussi de maîtrise née de la tradition mour physique et dont il pres- autre fois. Puis après le bruit et
joue un rôle répressif : on tor- du cinéma soviétique. L'image sent la noblesse même s'il la la guerre, encore un cheval
ture à deux pas un homme qui atténue le fracas des idées condamne. La profanation des splendide qui emplit l'écran et
n'a' peut-être pas la foi; ail- églises qu'il décore et à laquel- s'ébat au ralenti: ce n'est que
pour un moment seulement,
leurs, on crucifie un autre sous puis elle les fait éclater, explo- le il assiste impuissant et dé- pour le plaisir de transcender
les yeux terrifiés de sa mère ser. goûté. Tout est échec, mais il l'image. Exultation! Exultation
et de sa femme. Pourquoi créer La dernière partie du film est reste quand même un héros ad- malgré la cruauté et la déchéan-
- Roublev hésite chaque fois consacrée à la fabrication d'une mirable dans la mesure où il ce de l'homme entrevus dès le
qu'on lui demande de peindre cloche - toujours ce thème ob· doute et où il hésite; tout à début du film avec ce fou qui
- si c'est pour terroriser ce sédant de la création chez Tar- fait différent de ces héros cou- fait le clown ou ce clown qui
peuple que ravagent la misère, kowsky - qui est le prétexte à lés d'un bloc, rigides et braves. joue au fou et force une assem-
les invasions tartares et le l'utilisation de plans multiples Lui ne cesse de se remettre et bl-ée inquiète à rire quasi mé·
pouvoir despotique des popes qui se coupent et se recoupent de remettre le monde en ques- caniquement, jusqu'à ce que
et des princes ? Roublev hé- dans un grouillement de foules tion: l'armée vienne l'arrêter et lui
site mais ne se décide jamais et de voix, de cordes, d'écha- Entre temps, tout est prétex- briser sa cithare - encore un
à renoncer. Il est faible. Isolé faudages compliqués, de boue te pour Tarkowsky à création. Il symbole! -
et coupé de ceux qu'il voudrait et de sueur. Hymne à la créa- arrive ainsi .à remplir l'espace On a parlé d'Eisenstein au su-
défendre. Il n'ose pas se révol- tion collective face à l'échec in- de formes et de structures jet de ce film, cela n'a rien à
ter même si sur le visage de dividuel de Roublev? Peut-être. agressives au gré de la nécessi~ voir. Il s'agit d'un film contem-
Solimitzine qui interprète très Mais si le moine est de plus en té du scénario et surtout du porain qui pose des problèmes
sobrement et très efficacement plus déchiré et demeure un plaisir de nous éblouir. Structu- de toujours : l'artiste devant le
le rôle du moine, apparaît quel· un être inutile et négatif, il n'en res et formes. fantastiques ! réel terrible et affligeant, et
que chose entre l'exaspération reste pas moins qu'il est positi- Chaque . séquence est un ta- surtout la difficulté d'être, de
muette et la haine froide. Ré- vement négatif car il est la bleau qui bouge, quasiment abs- croire et de créer. Tarkowsky a
volte individuelle! Jamais ra- conscience· douloureuse et in- trait, quasiment figuratif. Tout une façon précieuse et très per-
menée au niveau de l'expres· quiète du peuple russe. un art que de savoir agencer sonnelle de nous parler de pro-
sion réelle. Auparavant, Roublev avait ac- les visages d'une grande beauté blèmes cruellement actuels, à
Le c'hemin de la renonciation cumulé les échecs : cette jeune • on pense beaucoup à Dreyer - travers l'histoire d'un peintre-
est long et pénible et Roublev fille traumatisée par une atta- et les poutres et les échafauda- moine du XV, siècle. Comme
doute de sa foi et de sa voie. que des Tartares qu'il sauve et ges et le linge qui sèche. La ca· quoi les choses et les hommes
Mais le doute reste inconsis- qui le quitte de son plein gré méra de Yousov fait le reste et ne changent pas - ou si peu.
tant et irréalisé car l'environne- pour suivre ses propres oppres- crée l'illusion de ces chevau- . Rachid Boudjedra
L'encyclopédie Bordas
Un ne saurait mieux illustrer l'es· nombre de parti·pris qui répondaient l'histoire universelle, à l'épopée de Afrique, Amérique centrale, Amérique
prit de cette encyclopédie en vingt du reste à son tempérament et à sa Gengis Khan alors que la figure de du Sud, Océanie, régions polaires,
volumes dont chacun se présente formation. Plus intéressé par les Jeanne d'Arc n'est évoquée que dans Visages de la terre : géographie géné.
comme un ouvrage complet sur une faits économiques que par les idéo- un court paragraphe, l'auteur jugeant logie, héraldique. Ce classement thé-
question particulière et où l'on trou· logies, par les structures d'ensem- apparemment que l'unification de matique, qui correspond dans ses gran·
vera aussi bien un exposé des thè· ble que par les personnalités, par les l'Asie au XIII" siècle présente plus des lignes à celui de la Classification
ses situationistes que la recette de problèmes d'ordre général que par d'intérêt pour la compréhension des Décimale Universel~ établi par l'Insti-
la paella, les règles du rugby ou l'anecdote, il s'est efforcé d'offrir à problèmes qui se posent actuellement tut International de Documentation de
l'historique du mouvement dada, ses lecteurs des livres moins faits dans le monde que le prurit nationa- La Have et que l'auteur considère
qu'en précisant qu'elle est l'œuvre pour être consultés que pour être liste des Français du XV' siècle. Et comme une solution de pis-aller pré·
nen pas d'une équipe anonyme mais lus et d'où se trouve systématique- si, dans l'Aventure littéraire de l'hu- sente en tout cas l'avantage de per-
d'un seul homme, Roger Caratini. ment élagué tout ce qu'ils seraient manité (S'et 9' volumes de la collec· mettre aux lecteurs d'acheter les volu-
Cette option de départ lui confère assurés de trouver dans les manuels tion), il ne s'appesantit guère sur les mes séparément. Chaque livre est en
tout naturellement une unité et une ou dans les autres publications de ce classiques ou les romantiques, c'est outre pourvu d'un index alphabétique
originalité de ton qui ne la distingue genre. pour mieux approfondir, selon les mé- qui leur permet de retrouver immédia-
thodes de la critique contemporaine, tement un renseignement précis
pas moins des encyclopédies de type
les grands courants qui, à partir de contenu dans le corps de l'ouvrage
académique que des ouvrages de vul· Aussi. quel que soit le domaine Baudelaire et de Rimbaud, allaient nous et un 21' volume est prévu qui rassem·
garisation que l'on nous propose concerné, les données traditionnelles mener jusqu'à Proust, Joyce et blera l'ensemble des index ainsi que
généralement sous cette appellation. sont·elles systématiquement traitées Beckett. des bibliographies et autres rensei-
sous forme de résumés ou de tableaux gnements généraux.
Ancien psychanalyste orienté par synoptiques, ce qui permet à l'auteur Inaugurée en avril 1965, • Bordas En·
goût vers les problèmes psycho- de s'étendre plus longuement sur des cyclopédie. compte aujourd'hui six La présentation des livres posait un
pédagogiques et notamment vers la questions mal connues du public en titres: la Vie animale, Astronomie problème non moins délicat car ce
sociologie de la communication du les analysant sous l'angle des théories (Prix du Meilleur Livre Scientifique n'était pas la moindre des gageures po-
savoir, Roger Caratini a adopté déli- les plus actuelles. On ne s'étonnera 1965), Philisophle et religions, His- sées par une telle entreprise que de
bérément, pour mener à bien cette donc pas, par exemple, de l'importance toire universelle 1 : Histoire ancienne, faire tenir dans le cadre restreint
ambitieuse entreprise, un certain donnée, dans le volume consacré à Histoire universelle Il : Europe, Asie, qu'impose leur prix de vente relative..
FEUILLETON Et ensuite?
Et ensuite quoi?
Que viens-je faire d'autre dans cette histoire que d'y avoir
un homonyme noyé?
- Pour l'instant, rien. Ce serait plutôt à mon tour d'y entrer.
Le bref résumé de ces événements vous a peut-être fait croire que
je connaissais intimement la famille Winckler ou que j'appartenais
au Réseau dont l'aide vous permit de trouver ici-même, sous le
couvert d'une nouvelle identité, une sécurité que, jusqu'à présent,
rien n'est venu menacer. Il n'en est rien. Jusqu'il y a quinze mois,
plus précisément jusqu'au 9 mai de l'année dernière, date la plus
probable du naufrage, votre histoire, comme celle de votre homo·
nyme, m'était inconnue. Bien que médiocre mélomane, le nom
de Caecilia Winckler m'était familier et je crois bien que je l'avais
entendu chanter le rôle de Desdemona au Metropolitan peu de
temps avant la guerre. Par contre, sans avoir jamais été en rela-
tion directe avec elle ni avec aucun de ses membres, je connais-
sais de nom l'Organisation qui vous soutint et j'appréciais le tra·
vail considérable qu'elle faisait sur tous les fronts du globe. C'était
une sympathie en quelque sorte professionnelle : je m'occupe,
en effet, et c'est même à ce titre que j'interviens aujourd'hui dans
l'histoire de Gaspard et par contre-coup dans la vôtre, je m'occupe
d'une Société de Secours aux Naufragés. C'est une association
privée, internationale, qui reçoit des fonds provenant soit d'organi-
sations de bienfaisance, soit de dons privés, soit de quelques
institutions gouvernementales ou municipales, le Ministère de la
Marine Marchande, par exemple, ou l'Union des chambres de
par Georges Perec commerce de la mer du Nord, soit, principalement, des compagnies
d'Assurances. C'était, à l'origine, une sorte d'annexe du Bureau
Veritas. Vous ne savez pas ce qu'est le Bureau Véritas ?
- Non, avouai-je.
- C'est une organisation fondée au début du XIX· siècle et
qui publie chaque année tout un ensemble de statistiques concer·
nant les constructions navales, les naufrages et les avaries. A la
Résumé des chapitres précédents. fin du siècle dernier, un des dirigeants du Bureau émit le vœu,
Réfugié dans une petite ville d'Allemagne, un soldat déserteur, dans son testament, qu'une partie des subventions, alors très
Gaspard Winckler, apprend d'un certain Otto Apfelstahl qu'il tient importantes, que les gouvernements versaient chaque a.nnée à
son nom d'un jeune sourd-muet parti pour faire le tour du monde l'organisation soit consacrée à secourir les naufragés, au lieu de
et dont le yacht a fait naufrage au large de la Terre de Feu. se contenter de les compter. Cette suggestion était parfaitement
26
ment modique (- de 30 F avec un ti· permettant une fois de plus de resi- ture et arts apparentés, dessin et mé- Art de l'ingénieur.
rage de départ de 75.000 exemplaires) tuer tel événement du passé, tel sys- tiers d'art, peinture, photographie, ci· Techniques et métiers (agriculture
un exposé synthétique de toutes les tème philosophique, apparemment dé- néma, musique et danse). et agronomie, économie domestique,
connaissances sur telle ou telle ques- passé, dans le monde d'aujourd'hui. Matière Inerte, matière vivante (géo- communications, industries chimiques
tion. Aussi, chaque volume, limité à logie, biologie, paléontologie). et apparentées, technologie générale,
quelque 180 pages, est-il divisé en A paraître Jeux, Divertissements, Sports. industries et métiers divers, construc·
deux parties, la première réservée au Médecine. tion, industries du bâtiment).
texte, abondamment illustrée et pour-
vue d'une cartographie abondante ainsi Les lois de la nature (physique, chi·
mie).
que de nombreux schémas explica-
tifs, la seconde exclusivement consa- L'aventure littéraire de l'humanité
crée à des renseignements chronolo· (théorie de la littérature, littérature
giques et bibliographiques ainsi qu'à anglaise, allemande, française, italien·
des tableaux synoptiques et des glos-
saires, groupant les informations pures
ne, espagnole et apparentée. littéra-
ture classique grecque et latine. Lit· La Quinzaine
qui ne doivent pas encombrer le cours térature russe. Autres littératures). Iltt'ralre
de l'exposé. Par son antl-conformisme La vie des plantes (botanique).
et sa qualité, l'illustration mérite tous Les nombres et l'espace (Mathéma-
les éloges : miniatures, gravures an·
clennes, photographies modernes en
couleur (comme c'est le cas dans le
tiques) .
Sciences sociales (sociologie, la vie
politique, économie politique, législa-
tion, administration publique, prévoyan.
ABONNEZ-vous
chapitre consacré à la révolution de
abonnez-VOUS
ce, alde-soclale, associations, ensel·
mai 68), œuvres d'artistes contempo- gnement et éducation, la vie commer·
rains, affiches, dessins, voire portraits ciale, les coutumes, philologie et lin-
inédits (comme le portrait du philoso- guistique) .
phe allemand Max Stirner par Engels), Beaux·Arts (urbanisme et aménage·
etc, le tout prolongeant le texte et ment du territoire, architecture, sculp-
étrangère aux statuts du Bureau, mais la mode était alors aux sur une plate-forme de glace qui diminue de jour en jour. C'est à
Sociétés de Sauvetage et le Conseil d'administration décida de des naufragés de ce type que notre aide peut s'appliquer le plus
consacrer 0,5 % de son budget annuel à la création d'un orga- efficacement. Les grands navires suivent des itinéraires connus
nisme philanthropique qui serait chargé de rassembler toutes les et les secours peuvent presque toujours s'organiser très vite,
données concernant les navires en détresse et, dans la mesure même en cas d'avarie grave ou de sinistre criminel. Notre action
~e ses faibles moyens, de leur porter secours. Un peu plus tard, concerne surtout les isolés, les yachts, les petites embarcations de
Je Lloyd's Register of Shipping et l'American Bureau of Shipping, plaisance, les chalutiers désemparés. Grâce à un réseau de corres-
, deux organisations rivales du Bureau Veritas, s'associèrent à cet pondants aujourd'hui mis en place à tous les endroits névralgiques,
effort et la Société de Secours aux Naufragés put se développer nous pouvons, en un tem'ps record, recueillir tous les renseigne-
tant bien que mal. ments nécessaires et coordonner les opérations de sauvetage.
- Je ne vois pas très bien comment vous pouvez opérer; lors- C'est à nos bureaux que parviennent les bouteilles à la mer et leur
qu'un bateau sombre, vous n'êtes évidemment pas sur place! équivalent moderne, les S.O.S. de détresse émis par les navires
Otto Apfelstahl me considéra en silence pendant quelques se- en perdition. Et si, le plus souvent hélas, nos recherches n'aboutis-
condes. Je m'aperçus que le bar était à nouveau déserté; seul, tout sent qu'à la découverte de cadavres à moitié déchiquetés déjà
au fond, un barman en' veste noire - ni celui qui m'avait servi, par les oiseaux de mer, il peut se faire aussi que l'une de nos
ni l'un de ceux qui étaient arrivés ensuite - allumait des bougies vedettes, l'un de nos avions ou de nos hélicoptères, arrive à temps
fichées dans des vieilles bouteilles et en garnissait les tables. sur les lieux du naufrage pour récupérer une ou deux vies humaines.
Je regardai ma montre; il était neuf heures du soir. M'appelais-je - Mais n'avez-vous pas dit tout à l'heure que le naufrage du
encore Gaspard Winckler? Sylvandre remontait à quinze mois?
Ou irais-je le chercher à l'autre bout du monde? - En effet. Pourquoi cette question?
- Lorsqu'un bateau sombre, reprit enfin Otto Apfelstahl (et sa - Je suppose que vous attendez de moi que je participe à cette
voix me paraissait étonnamment proche, et le moindre de ses mots recherche?
m'atteignait comme s'il m'avait parlé de moi), ou bien il y a, pas - C'est exact, dit Otto Apfelstahl, je voudrais que vous partiez
trop loin, un autre navire qui vient lui porter "ecours, c'est ce qui là-bas et que vous retrouviez Gaspard Winckler.
se passe dans le meilleur des cas, ou bien il n'yen a pas, et les - Mais pourquoi?
passagers s'entassent à bord des canots pneumatiques ou sur des - Pourquoi pas?
radeaux de fortune, ou dérivent accrochés à des espars, à des - Non, je veux dire, quel espoir raisonnable pouvez-vous encore
épaves, désemparés, que les courants entraînent. La plupart sont nourrir de retrouver un naufragé quinze mois après?
engloutis dans les trois ou quatre heures qui suivent, mais certains - Nous avons repéré le Sylvandre dix-huit heures seulement
trouvent, dans on ne sait quel espoir, la force de survivre, pendant après qu'il ait envoyé ses signaux de détresse. Il s'était éventré
des jours, pendant des semaines. On en a retrouvé un, il y a sur les brisants d'un minuscule îlot, au sud de l'Ile Santa Ines,
quelques années, à plus de 8000 kms du lieu de son naufrage, par 54° 35' de latitude sud et 73° 14' de longitude ouest. En dépit
amarré à un tonneau à moitié rongé par le sel, mais encore d'un vent extrêmement violent, une équipe de secours de la Pro-
vivant après plus de trois semaines de détresse. Vous savez peut- tection Civile Chilienne a réussi à atteindre le yacht quelques
être qu'un stewart de la marine marchande britannique a survécu heures plus tard, le lendemain matin. A l'intérieur, ils ont trouvé
4 mois et demi, du 23 novembre 1942 au 5 avril 1943, sur un radeau cinq cadavres; ils ont pu les identifier: c'étaient Zeppo et Felipe,
après que son navire eut été coulé dans l'Atlantique au large des Angus Pilgrim, Hugh Barton et Caecilia Winckler. Mais il manquait
Açores. Ces exemples sont rares, mais ils existent, de même qu'il le sixème passager, un enfant d'une dizaine d'années, Gaspard
arrive encore aujourd'hui que des naufragés soient jetés sur un Winckler.
récif, ou sur une île déserte, ou qu'ils trouvent un refuge fragile (à suivre)
28
Livres publiés
du 20 novelllbre au 5 décelDbre 1969
• • • • • • • • •. Poèmes élisabéthains d'un des grands témoins L'Ultra de la révolution
ROMANS POESIE choisis, traduits de ce temps, exécuté Fayard, 378 p., 20 F. HISTOIRE
ETRANGERS et présentés par par les nazis en 1945, Une biographie de ce LITTÉRAIRE
Philippe de Rothschild l'histoire jacobin de la première
Jacques Audiberti Préface d'A. Pieyre de de l'Allemagne heure qui, après avoir
Salvador Elizondo L'Empire et la Trappe Mandiargues et de l'Europe aidé à l'ascension Olga Bernai
Farabœuf ou la Gallimard, 192 p., 20 F. S. Spender. et de "Eglise de Robespierre, fut l'un Langage et fiction
chronique d'un Instant. Edition bilingue sous Hitler. des principaux artisans dans le roman
Trad. de l'espagnol Michelle Loi Seghers, 416 p., 9,90 F. de sa chute.
• Victor Chlovskl de Beckett
par René L.F. Durand Poètes
Léon Tolstoi Lucien Rioux Gallimard, 240 p., 18 F.
1 planche hors-texte du peuple chinois L. S. Senghor
Tome 1 : 1828-1870. Gilles Vigneault L'œuvre de Beckett,
Gallimard, 192 p., 14 F. 128 p., 13,50 F. Elégie des alizés
Trad. du russe Coll. - Poésie et miroir des
Autour du thème Pierre Jean Oswald avec une lithographie
par André Robel. chansons -. transformations
obsessionnel de la Coll. - La poésie des originale de M. Chagall
Tolstoï tel que le Seghers, 192 p., 9,50 F. radicales
torture, une enquête pays sociallstes-. Editions Maritimes
voient ses compatriotes, Un chanteur du Québec de la littérature,
fiévreuse sur l'identité Les -poètes du peuple- et d'Outremer, dift.
les Soviétiques qui fut bûcheron puis de la philosophie
du supplice et de nés du Grand Bond qui Seuil, 32 p., 95 F.
d'aujourd'hui. professeur avant de se et de l'art du XX' siècle.
l'extase. précéda la Révoluti.on (tirage limité).
Culturelle. Paul Claudel lancer dans la chanson.
Journal" Joseph Delteil
• Josef Skvorecky Pablo Neruda Walter S. Ross Ouvrage collectif publié
1933-1955
L'escadron blindé Résidence sur la terre La traversée de sous la direction
BIOGRAPHIES Introduction
Trad. du tchèque par Trad. de l'espagnol l'Atlantique avec de Donato Pelayo
de F. Varillon
François Kérel par Guy Suarès Charles Lindbergh, Edition Subervle, Rodez,
Texte établi et annoté
Gallimard, 288 p., 20 F. Gallimard, 236 p., 18 F. le dernier héros. 216 p.
par F. Varillon
Un livre écrit en 1954, E. Bethge Nombr. illustrations Delteil vu par
et J. Petit.
mais qui, par son • Laco Novomesky Dietrich Bonhoeffer France-Empire, ses contemporains
- Bibliothèque
contenu, rejoint Villa Tereza Vie, pensée, témoignage 310 p, 19,20 F. (voir le n° 58
de la Pléiade-.
les œuvres les plus et autres poèmes Traduction Le portrait d'un homme de la Quinzaine).
Gallimard, 1 388 p., 60 F.
récentes de la 144 p., 13,50 F. de E. de Peyer. Intègre quoique
Les années de la
littérature tchèque où Pierre Jean Oswald Coédition faillible, l'histoire d'une • Northrop Frye
retraite, de la guerre
le Pouvoir est visé. Coll. - La poésie Labor et Fidès vie exceptionnelle aussi Anatomie de la critique
et de l'occupation.
dans ce qu'II a des pays socialistes-. Genève et Le Centurion, bien par ses triomphes Traduit de l'anglais
d'essentiel : son mode Le plus grand poète 900 p., 60 F. Jacques Guilaine publics que par par Guy Durand
d'expression. slovaque contemporain. A travers la biographie Billaud-Varenne ses tragédies privées. - Bibliothèque des
réalisation
29
Livres publiés du 20 novembre au 5 décembre 1969
30
A travers le portrait et répartition, 304 p., 20,20 F. de dessins Gérard Nicolini A. Colin, 368 p., 14,30 F
de quatre dirigeants productivité Les différentes étapes et 14 photos Les bronzes figurés Le mouvement théâtral
du tiers monde, une et justice sociale. de la conquête Arted éd., 132 p., 50 F. des sanctuaires en Angleterre depuis
analyse du • culte de spatiale Beaux dessins de ibériques 1956, illustré de textes
la personnalité ". Louise Weiss depuis l'exploit corps en mouvement, 343 figures, 40 pl. anglais.
Mémoires de Gagarine jusqu'au dont les modèles hors-texte
Les héritiers d'une Européenne programme Apollo. s'appellent P.U.F., 304 p.. 66 F.
du Général Tome Il : 1919-1934 Isadora Duncan
Illustrations de Tim Payot, 360 p., 38-10 F. et Nijinsky. • Erwin Panofsky DIVERS
Denoël, 256 p., 19,80 F Voir le nO 66 L'œuvre d'art
Le portrait de treize de la Ouinzaine. RELIGION Maurice Colinon et ses significations
hommes politiques Guide de la France Trad. de l'anglais Assiac
célèbres brossés religieuse par M. et B. Teyssèdre Plaisir des échecs
par treize journalistes. Christopher Hollis et mystique 80 pl. hors-texte 152 diagrammes
DOCUMENTS Histoire des jésuites 400 illustrations Gallimard, Payot, 244 p.. 15.45 F
• Pannekoek Fayard, 352 p., 25 F. Tchou/Centurion, 332 p., 38 F. Réimpression d'un
et les conseils Une aventure qui 772 p., 45 F. Par l'auteur des des livres les plus
ouvriers couvre Des cathédrales " Essais passinnnants qui aient
Textes choisis, André Coutin quatre siècles et des édifices d'iconographie " pz.ru S été écrits
traduits et présentés La lune n'est d'histoire européenne, les plus célèbres en 1967, un recueil sur les echecs.
par Serge Bricianer pas morte au cours desquels cet aux plus petits de textes
E.D.I., 30li p., 19,20 F, 60 illustrations ordre a joué un rôle centres d'activité fondamentaux Calvi
Anthologie Stock, 320 p., 30 F. aussi brillant religieuse. sur la signification
Mythes et légendes J.-P. Auclert
des principaux textes que controversé des arts visuels. Ah! Ouelle année
du marxisme lunaires : leurs sources • Giacometti
et leurs manifestations Préface de J. Ferniot
hollandais que Lénine Dessins Denoël. 160 p., 17,70 F,
dans les différentes Norbert Lohfink • Laurette Séjourné
cite dans • L'Etat Texte 365 jours de la vie
civilisations. Sciences bibliques par A. du Bouchet Teotihuacan,
et la Révolution" en marche métropole des Français à travers
avant de l'accuser 114 dessins les titres extraits
Bernadette Devlin Trad. de l'allemand de l'Amérique
de • Gauchisme en fac-simile des grands quotidiens
par Hervé Savon 81 dessins
dans • La Maladie Mon âme n'est pas Maeght éd., illustrés par
Casterman, 200 p., 72 photographies,
infantile à vendre 128 p., 100 F. les dessins de Calvi
Trad. de l'anglais 13,50 F. 114 dessins choisis 95 pl. en couleurs
du communisme· La méthode historique
par Jacqueline Simon Maspero
et son application 322 p., 90 F. Capitaine Cook
Coll. • Combats " • Histoire de l'Art
Lester B. Pearson Seuil, 208 p., 18 F. pratique à l'étude Dix années Voyages autour
des données Tome IV : de fouilles du monde
Vers une action L'autobiographie Du réalisme
commune pour bibliques. et de recherches Trad. de "anglais
politique à nos jours
le développement dans l'antique par Gabrielle Rives
de la très jeune leader 52 illustrations
du tiers monde Marc Oraison cité des Nahuatl Préface de P, Sabbagh
du mouvement • Encyclopédie
(Le rapport Pearson) Actualités et des Aztèques. Choix, introduction
de contestation de la Pléiade "
Trad. de l'anglais Fayard, 156 p., 12 F. et notes par Ch. Lloyd,
des catholiques Gallimard, 173 p., 82 F.
par une équipe Un chrétien face Karin Szekessy nomb. illustrations.
irlandais. Les arts plastiques
dirigée par à l'événement. Les filles dans Cercle du Bibliophile,
du milieu 405 p., 32 F.
F.Veillet-Lavallée Jean Dorst l'atelier
du XIX' siècle
Denoël, 512 p.. 25 F L'Amérique du Sud A. Michael Ramsey aux productions de Préface de
Le bilan de vingt et l'Amérique Max Banse Dictionnaire
Dieu, le Christ ces dernières des écrivains
.années d'aide Centrale et le monde, ~nnées, une place
Denoël, 96 p.. 60 F,
au développement 100 pl. en couleurs Une sélection pour la jeunesse
Trad. de l'anglais importante Seghers, 224 p.. 15 F.
du tiers-monde et un 2 cartes coul. par Jacques Potin étant réservée des meilleures
,plan de travail et 24 cartes noires, photographies Un répertoire
Casterman, 144 p., 10 F au cinéma biographique
pour les décennies 120 photos Une analyse et à la photographie de nus parues
à venir. Hachette, 300 p., 80 F. dans le monde. et bibliographique
des courants des auteurs de langue
les plus influents française dont
Jean Ferrandi .'zis
Lucien Scherrer de la théologie Le monde de Chagall les ouvrages
600 jours avec Salan et de l'exégèse
Initiation à la vie et l'O,A.S. Photographies d'Izis TBÉATRB s'adressent
des entreprises contemporaines, Bidermanas et texte à la jeunesse
Fayard, 352 p., 25 F. par le Primat CINEMA
Editions Ouvrières, le • Journal de de Roy McMullen
320 p., 22 F. de la Communion Trad. de "anglais
marche ", Raymond Dumay
Les mécanismes anglicane par Lillian Lassen De la gastronomie
de décembre 1960 Henri Agel
de l'entreprise à avril 1962, Avec une biographie, française
à partir Jean Toulat une bibliographie, Jean Grémillon 80 illustrations
d'un officier 60 ill. in-texte
de sa vie quotidienne. de carrière La bombe ou la vie un index et une table Stock, 300 p., 30 F.
Fayard, 208 p., 15 F. de sources Seghers,
qui partagea 192 p., 9.50 F
Tami Tidafi l'aventure de Salan et de références Claude Malbranke
56 ill. en couleurs La vie et l'œuvre de
L'agriculture et fut arrêté avec lui. Claude Tresmontant ce cinéaste français Guide de la Flandre
algérienne Le problème de la 161 en noir et de l'Artois
Gallimard, 268 p., mort il y a
et ses perspectives Ladislas Michniewicz révélation mystérieux
130 F. exactement 10 ans.
de développement. Opération Haïfa Seuil. 336 p., 24 F. 5 cartes, 300 gravures
Maspero, 224 p., Adapté par J. Helle Les manifestations Une biographie et photographies.
18,80 F. Casterman, 208 p., de la • Révélation visuelle de Chagall Pablo Neruda Tchou, 480 p., 42 F.
Une description 17 F. à travers l'histoire et une analyse Splendeur et mort A la découverte
et une analyse globale Un épisode héroïque humaine. de son œuvre. de Joaquin Murieta de l'insolite
appuyée de la guerre secrète Trad. de ,'espagnol septentrional.
sur une expérience pendant la campagne La Bible par Guy Suarès
directe. d'Italie. de Jérusalem Gallimard/Théâtre Marco Polo
ARTS illustrée du Monde Entier Le livre du devlsement
Jean Ullmo Henri Thilliez par Rembrandt du monde
Le profit La conquête 44 reproductions M.-C. Pasquier Texte établi
Dunod, 264 p., 28 F. de la lune C. Aveline en quadrichromie, N. Rougier par A. rSerstevens
Le profit sous tous avec les pionniers M. Bufet 102 dessins et B. Brugière Préface de P. Sabbagh
s~s aspects, structure du cosmos, Bourdelle et eaux-forêts Le nouveau théâtre Nombr. illustrations
et conjoncture, 24 p. de hors-texte et la danse de Rembrandt anglais Cercle du Bibliophile,
production France-Empire, 98 reproductions Cerf-DDB, 120 F. 9 photos 300 p., 32 F.
31
LES ANNEES 20 LES ANNEES 40 LES ANNEES 50 LES ANNEES 60
K. OLIVER, L. ARMSTRONG, D. ELLINGTON, C. BASIE, M. DAVIS, G. EVANS, C. MINGUS, J. COLTRANE,
J.-R. MORTON, C. CALLOWAY, W. HERMAN, D. BRUBECK, G. MULLIGAN, les JAZZ MESSENGERS,
J.-P. JOHNSON, B. SMITH, L. YOUNG, CH. CHRISTIAN, S. GETZ, B. BROOKMEYER, B. EVANS, A. FRANKLIN,
B. BEIDERBECKE, K. CLARKE, D. GILLESPIE, etc. O. COLEMAN, etc.
F. HENDERSON, etc. 1. MONK, B. POWELL,
LES ANNEES 30 E. GARNER,S.VAUGHAN,etc.
C. HAWKINS, B. CARTER,
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1. WILSON, A. TATUM,
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. .... :
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N° C.C.P. ou Bancaire ..........•.....•
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Adresse bancaire ...................•
•................................•
··•••••••••••••••.
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Signature.D •
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