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d'avoir raison
mentateur ne fait pas les pieds au mur, ne songe surréalistes à Klossowski et de Barthes à Sol-
• par Claude Roy pas à démontrer combien il est lui même beau,
- lers, Sade demeure un dieu noir à la mode, on
intéressant, original, nouveau et malin, c'est peut considérer qu'il est assez sage d'avoir dit
Il y a trente ans, déjà, Camus qui l'intéresse et c'est à cela qu'il nous comme Camus en 1950 que Sade « a souffert et
l'auteur de (i.. la Peste» intéresse. Ce Camus qui dit un jour, parlant de est mort pour échauffer l'imagination des
son enfance et adolescence : « Personne autour beaux quartiers et des cafés littéraires » et qu'il
receùait le Nobel. de moi ne savait lire. Mesurez bien cela. » reste un écrivain « secondaire ».
Aujourd'hui, Camus eut raison d'être communiste (ce que Roger Grenier rappelle que seul en France,
lui conseillait son maître Jean Grenier, qui se et même en Europe Camus condamna sur-le-
une biographie gardait bien d'adhérer, lui) tant qu'il crut que le champ l'explosion d'Hiroshima dans un texte
intellectuelle lui est parti défendait les pauvres et les Arabes. Ca- admirable. Où il constatait : « La civilisation
mus eut raison de quitter le parti quand il mécanique vient de parvenir à son dernier
consacrée. découvrit, en 1937, que ce n'était pas vrai. degré de sauvagerie... Il y a quelque indécence
Un modèle du genre - Camus avait raison ensuite, contre les com- à célébrer ainsi une découverte qui se met
munistes ultras et les résistants naïfs et compa- d'abord au service de la plus formidable rage de
(am) n a souvent tort d'avoir raison. gnons de toute, d'affirmer que la Russie de destruction dont l'homme ait fait preuve de-
Avoir raison trop tôt est réputé Staline n'était pas une colonie de vacances puis des siècles. » A l'heure où Camus, à peu
vain. Et plus tard, avoir eu rai- modèle. (Il fut beaucoup injurié pour cela.) Il près seul contre la France et l'Europe entière,
son, c'est déjà de l'histoire an- avait raison contre les communistes optimistes rédigeait ce texte, j'ai vu Paul Eluard en rédiger
cienne, faite pour l'oubli. L'ar- qui promettaient que « chez nous », ça se pas- le frère, écrire une protestation presque sem-
tiste que fut avant tout Camus, serait autrement et mieux : le même arbre blable. Deux heures plus tard le parti commu-
dans ses plus beaux moments, très nombreux donne Partout les mêmes fruits. Camus avait niste interdisait à Eluard, qui einclinait, de
(ceux où il oublie Montherlant, les pompes et raison contre les progressistes de toutes encres rendre public son texte. La morale de cette
les marbres de la Méditertanée) sauvera l'écri- qui disaient que les camps soviétiques étaient histoire, c'est qu'il ne faut pas adhérer au parti
vain d'idées du tort d'avàir eu à peu près raison une invention américaine, et contre les sartriens communiste, si on a fait la bêtise d'adhérer,
sur toute la ligne. Son aini ét collaborateur qui soutinrent un temps que les accusés des qu'il faut le quitter le plus vite possible et en
Roger Grenier, qui ne fut pas de ceux, comme grands procès étaient innocents du crime de attendant ne jamais s'incliner.
trop d'entre nous, qui le contredirent, a relu trahison mais coupables du crime d'opposi- En lisant « Albert Camus soleil et ombre »,
tout Camus. Il rapporte de cette lecture un livre tion. - on reste saisi de la somme de travail accomplie
qui surprendra : on y parle du Sujet traité (et de On n'en finirait pas d'énumérer un à un les en quarante-deux ans par l'artiste, l'homme de
lui seul), avec précision et•SirnpliCité. Le corn- points où Camus eut raison. Et même si, des théâtre, le jounaliste-moraliste. Le plus admi-
rable, c'est que toute la partie de morale politi-
que de rceuvre de Camus est écrite à chaud,
pour les journaux, sur le marbre, sans ce fa-
meux recùl dont on prétend que les penseurs et
les canons ont tellement besoin, ou rédigée
parmi les criailleries de l'intelligentsia, la
mal-nommée, qui s'égosillait comme les oies
du Capitole, mais à moins bon escient, en
général.
On écoute vivre et penser un homme dans
cette « lecture » désormais indispensable. On y
rencontre aussi des personnes bien intéressan-
tes, dont l'auteur tire le portrait en tireur
d'élite Jean Grenier l'ambigu, Pascal Pia le
vrai nihiliste, et beaucoup d'autres par la
bande. Il y a même parfois un jeune homme '

silencieux qui traverse la salle de rédaction de


« Combat », va prendre un café bien serré avec
Camus, et rappelle timidement et intelligem-
ment un propos de celui-ci. Ce passant discret,
c'est Roger Grenier lui-même. Il pratique
l'amitié comme l'art des beaux secrets bien
gardés, avec une pudeur attentive. Et sachant
réserver la part de l'ombre, il éclaire Camus du
soleil de la vérité. C. R.
« Albert Camus soleil et ombre », par Roger
Albert- Camus dans son bureau à « Combat » Grenier, Gallimard, 342 pages, 95F.
112 LE NOUVEL OBSERVATEUR /LIVRES

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