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, utoportait de Bruce Chatwin MICHEL FOUCAULT / ee a Le Magazine littéraire a lu en avant-premiére L’Usage des plaisirs et Le Souci de soi, les deux prochains tomes de LHistoire de Ia sexualité a paraitre aux éditions Gallimard. Le lecteur y découvrira un autre visage de Foucault. Nouveau style d’écriture, découverte d'un _ autre champ de réflexion. A travers la morale sexuelle de la Gréce antique et de la Rome des I* et II* siécles, Foucault adjoint 4 son ceuvre jusqu’alors principalement épistémologique et politique, le continent de léthique. Le paysage de l'enfermement céde la place a la lumineuse liberté du sujet. Au-dela du « Connais-toi toiméme » de la pensée grecque, Foucault propose la philosophie comme maniére de «se déprendre de soi-méme ». DOSSIER Wait yp de» syste Foun appara Vevidence de la lecture de PUsage des plaisirs et du Souci de soi. Evidence d'un style d’abord, & la fois limpide et serein od le « je », singuliérement, fait sa réapparition, Différence ensuite du domaine historique considéreé: les, portes de Pasile, les murs de la prison disparaissent au profit de ces lieux de libre parole 08 Grecs et Romains débattaient des meilleures maniéres de conduire leur vie, Surveiller et Punir (1975) navait pas troublé fa fami- liarité avec la pensée de Foucault que te lecteur avait acquise depuis L’Histoire de 1a Folie (1961). Le théme des rapports savoir-pouvoir, la méthode de la micro- physique, pour inédits qu’ils étaient, apparaissaient comme Fapprofondissment d'une méme problémati- que. La force et la minutie de la description des techni- ques de pouvoir, lige aux passions politiques du moment, firent basculer image de Foucault du cété d'une sorte @historien et de sociologue du pouvoir dans les sociétés modernes. Foucault devint le théoricien de Penfermement, du contrdle social et du pouvoir de nor- malisation, On oubliait que le centre de son projet était bien ailleurs : « une histoire critique de la pensée , c'est a-dire « une analyse des conditions dans lesquelles sont formées ou modifiées certaines relations de sujet a objet, dans la mesure oi celles-ci sont constitutives un savoir possible » T:. vite, dés la volonté de savoir (1976), Foucault rappelait que « Panalytique du pouvoir » ne visait pas la constitution d’une théorie du pouvoir, mais était un moyen d’analyser a maniére dont le sujet occidental se constitue comme objet de savoir pour lui-méme. Recen- trement donc sur le théme du sujet, mais qui restait encore pris dans une problématique du pouvoir dont Foucault, selon une spirale caractéristique du mouve- ment de sa pensée, allait précisément se déprendre pro- gressivement. Non pas pour la nier, mais en quelque sorte pour la contourner et la reformuler dans une autre perspective, La Volonté de savoir confondait deux pro- grammes qui allaient se scinder : d’une part celui d'une histoire de la subjectivité déliée des thémes de la loi et d'interdit, trame de Phistoire de la sexualité ; d’autre part la superbe esquisse de ce que pourrait étre une analyse du mode d’exercice du pouvoir qui a ses points inscription dans le corps, la population, la sexualité, — le « pouvoir sur la vie » caractéristique des sociétés contemporaines, Les années qui suivirent ne furent pas, malgré le retard pris dans le programme de publications annoncé, des années de silence, Foucault entamait ce long travail sur lui-méme et sa propre pensée dont ses cours au College de France portaient, semaine aprés semaine, le témoignage. Premiere inflexion, das le cours de 1978, le théme du pouvoir cide devant la problématique du «gouvernement », que Foucault ne quittera plus depuis lors: on passe ainsi du theme de la domination, de ses techniques et de ses modalités, & celui de la conduite, «indissolublement conduite de soi et conduite de la conduite des autres ; la problématique politique se dou- ble alors dune composante éthique ; il devient possible et nécessaire de penser l'articulation de la politique et de Péthique. Foucault I’a d’abord abordée du point de vue du « gouvernement des autres » dans deux cours magis- traux, malheureusement inédits, consacrés, pour le pre- mier au gouvernement selon la Raison @’Etat — art de gouverner de ’Age classique — Ie second a la rationalité gouvernementale libérale. Puis, seconde inflexion, Fou- cault passait de la problématique du gouvernement des autres & celle du gouvernement de soi-méme. Il s’atta- qua alors & ce corpus historique qui constitue la matiére de L Usage des plaisirs et du Souct de soi : la philosophie et la morale antique dont le lecteur verra qu’il en pro- pose une lecture sans doute inédite. Ss et Punir envisageait la question du sujet du point de vue du pouvoir et des assujettissements 5 il sagissait d'une histoire du sujet centrée sur les procé. dures d'objectivation. L’Usage des plaisirs et le Souci de soi renversent Ia perspective : les deux ouvrages analy- sent la maniére dont le sujet se constitue comme sujet dans un champ oi il est libre & Végard des codes et des interdits, selon les procédures de subjectivation qui sont celles de l’éthique. Il n'est plus question d’enferme- ment, @incarcération, de ségrégation ; les mécanismes de pouvoir dont Surveiller et Punir décrivait les agence- ‘ments minutieux font place a des expériences, celles de Ja vie sexuelle, of le sujet doit conduire sa vie en fonc- tion de certaines formes de réflexion sur soi. La régle ne disparait pas, mais au lieu qu’elle s’impose au sujet, celui-ci se la donne en fonction d’un certain art de vivre, Pune stylistique de existence, Bes csciptions micropnysinus de Sire e Punir pouvaient s'acharner & détruire Pimage d’un pou- voir omnipotent, son spectre restait comme maintenu Phorizon. L’écriture de L’Usage des plaisirs et du Souct de soi atteint une maitrise qui dissipe toute illusion des, arrigre-mondes. Ces ouvrages respirent un merveilleux parfum de liberté. A la fin de la Volonté de savoir, Fou- cault soulignait les illusions que pouvait contenir le theme de la « libération », dans la mesure od il reste pris, dans les termes mémes que le pouvoir qu’il dénonce lui impose. Avec P'idée du Souci éthique, dune esthétique de Pexistence, Foucault indique aujourd’hui une manigre de sortir des impasses que contenait sa problé- matique des « libérations » Il reste Pessentiel : avec L’Usage des plaisirs et le Souci de soi, Foucault fait la preuve qu’il posséde cette qualité du philosophe : étre capable de s'affranchir de sa propre pensée tout en restant fidéle soi-méme. Francois Ewald 7 DOSSIER LE SOUCI DE LA VERITE propos recueillis par Francois Ewald Foucault raconte lhistoire de /‘Histoire de la sexualité, dissipe les malentendus, définit sa problématique de la vérité, et précise quel peut @tre, dans le rapport du savoir et du pouvoir, le réle de l'intellectuel. Ba, vreone de seo. enon sour demain une Histoire dela sesualté. La suite parit uit ans apres et selon wn tout autre. plan gue celui qui était meal change d’avis, Un tava quand il n'est pas en méme temps une tentative pour modifier ce qu'on pense ct méme ce qu'on est, lest pas tes famusant. Jravuis ‘commence éerie deux livres conformément 4 mon plan primitif; mais trés vite, je me suis Ennuye. C’etitimprudent'de ma part et ontraire @ mes habitudes — Pourquoi done Vavair fait? —Par paresse. Jai révé qu'un jour viendrat Ot je saurais &'avance ce que ie voudeais dire et ot fe auras pls qu’a le dire, Ga a été un reflexe de vieil~ Hissement. at imaging que jéais arrive enfin & Pg ot Pon n'a plus qu’a dérou- ler ce quel'on a dans la téte. C'était la fois une forme de présomption et une réaction d'abandon. Or, travailler, Cest ‘entreprendre de penser autre chose que ce quion pensait avant . —Le lecteur, tui, y a orm. = Vis-a-vis de lui,’ai& la fois un pew de scrupule et passablement de confiance, Le lecteur est comme laudi- teur d’un cours. I} sait parfaitement reconnaitre quand on a travaillé et quand on s'est contenté de raconter ce que Pon a dans la téte. Peut-dtre sera-t- il décu, mais pas par le fait que je n'ai rien dit d’autre que ce que je disais déja — L’Usage des Plaisirs et Le Souci dde Soi se donnent d’abord comme wn tra= vail d'historien positif, une systématisa- tion des morales sexuelles de ?Antiguité. SPagit-il bien de cela? —Clest un travail dhistorien, mais en précisant que ces livres comme les autres sont un travail d'histoire de la pensée. Histoire de la pensée, ca veut dire non pas simplement histoire des idées ou des représentations, mais aussi 18 Ia tentative de répondre & cette ques- tion comment est-ce qu’un savoir peut se constituer ? Comment est-ce que la pensée, en tant qu'elle a rapport avec la SKE peut avoir asst un sie? ila la question qui est posée. [essaie de répondre a un probleme précis: nais- sance d'une morale, d'une morale en tant qu'elle est une réflexion sur la sexualité, sur le désir, le plaisir. Quil soit bien entendu que je ne fais pas une histoire des mecurs, des com- ortements, une histoire sociale de la pratique sexuelle, mais une histoire de fe maniére dont le plaisir, les désirs, les ‘comportements sexuels ont été problé- matisés, réfléchis, et pensés dans PAnti- ‘quité en rapport avec un certain art de vvivee, Il est évident que cet art de vivre n'a été mis en ceuvre que par un petit groupe de gens. Il serait ridicule de penser que ce que Sénéque, Epictéte ou ‘Musonius Rufus peuvent dire & propos du comportement sexuel représentait une maniére ou d'une autre la prati- que générale des Grecs et des Rmains ‘Mais je tiens que le fait que ces choses- Tiaient été dites sur la sexualité, qu'elles aient constitué une tradition qu’on retrouve transposée,_métamorphosée, profondément remaniée dans le chris- tianisme, constitue un fait historique La pensée a également une histoire ; la pensée est un fait historique, méme si elle a bien d’autres dimensions que cel- Tela. Bn cela, ces livres sont tout a fait semblables & ceux que jai écrits sur la folie ou sur la pénalité. Dans Surveiller ‘er Punir, je n’si pas voulu faire histoire de institution prison, ce qui aurait demandé un tout autre matériel, et un autre type d’analyse. En revanche, je me suis demandé comment Ia pensée de la punition a eu, a Ja fin du XVIII sigcle et au début du XIX, une certaine his toe, Ce que essai de faire, cst his toire des rapports que la pensée entre~ tiene avec la veri; store d= Ta pensée en tant qu’elle est pensée de la vérité, Tous ceux qui disent que pour moi_ia vérité n'existe pas sont des esprits simplistes. —La vérité, toutefois, prend dans L'Usages des Plaisirs et Le Souci de soi tune forme bien différente de celle qu'elle avait dans les oworages precédents cette forme pénible de Vassujettissement, de Pobjectivation. La notion qui sert de forme com= mune aux études que j'ai menées depuis L’Histoire de la folie est celle de probié- matisation, 2 ceci prés que je n'avais pas encore suffisamment isolé cette notion. ‘Mais on va toujours & T'essentiel recu- Tons; ce sont les choses les plus gé rales qui apparaissent en dernier lieu. ‘Crest la rangon et la récompense de tout travail of les enjeux théoriques s'élabo- rent a partir d'un certain domaine empirique. Dans I'Histoire de la folie, 1a question était de savoir comment et pourquoi la folic, un moment donné, @ té problématisée 8 travers une certaine pratique institutionnelle et un certain appareil de connaissance. De méme dans Surzeiller et Punir, il s'agissait dPanalyser les changements dans la pro- blématisation des rapports entre délin- ‘quance et chatiment & travers les prati- ques pénales ct les institutions pénitentiaires & la fin du XVIII sigcle et au début du XIX sidcle. Maintenant comment se problématise l'activité sexuelle? Problématisation ne veut pas. dire représentation d’un objet préexistant, ni non plus création par le discours d'un objet qui n’existe pas. C'est l'ensemble des pratiques discursives ou non discur- sives qui fait entrer quelque chose dans le jeu du vrai et du faux et le constitue ‘comme objet pour la pensée (que ce soit sous la forme de,la réflexion morale, de la connaissance scientifique, de Tana- lyse politique, etc.) — L'Usage des plaisirs et Le Souci de soi ressortissent sans dowte d’ume méme Prong ey appari pa Inns tres differents des omcrages pried dents ie ai em effet « renversé » le front. A propos de la folie, e sus parti du « pro- Bizme » qu'elle powvait constituer dans tun certain contexte socal, politique et Epistémologique le probleme que la folie posait aux autres: Te je suis parti du probleme que la conduite sexuelle Dpouvait poser aus individus eux-mémes Cou du moins aux hommes dans Anti Quite), Dans un cas, il sagissait-en Somme de savoir comment on'« gouver- pit les fous, maintenant comment on ‘tse gouverne »s0i-méme. Mais 'jou- feral aussitdt que dans le cas de Ia folie, j'ai essayé de rejoindre & part de Bla Constitution de. Pexpérience: de soi fméme comme fou, dans le cadre de la Ialadie, mentale, de la pratique Psy- Chiatrique et de Finstication asilaize. Tei je voudrais montrer comment le gol Vernement de soi s'intégre a une prati- gue du gouvernement des autres, Ce sont, en somme, deux voics daccés inverses vers une méme question com tment se forme une, expérience > 0 Sont lies le rapport a sot et le rapport — Ii me semble que le lecteur va éprou- ‘ver tme double éerangeté. La premiére par DOSSIER rapport d vous-méme, é ced quoiils’attend devous. Parfait. J'assume entiérement cette différence. Crest le jeu. —La deuxiéme étrangeté porte sur la sexualité, sur les rapports entre ce que ‘vous décrivea et notre propre évidence de Ta sexualicé. Sur Péteangeté, il ne faut tour de méme pas exagerer. Il est vrai qu'il y a une certaine doxa & propos de l'Anti~ quité et de la morale antique qu'on représente souvent comme « tolé~ rante», libérale et souriante. Mais beaucoup de gens savent tout de méme qu'il y a eu dans PAntiquité une morale isté¥e et tigoureuse, Les Stoiciens étaient en faveur du mariage et de la fidélité conjugele, c’est bien connu. En faisant valoir cette « sévérité» de la morale philosophique, je ne dis rien extraordinaire. —Je parlais d’étrangeté par rapport ux ihiries qui nous sont familiers dans Panalyse de la sexualité : ceux de la loi et de Vinterdit. ne cesse-ton de demander & Foucault comme si dans la réponse 4 la question devail se trouver la vérité de sa philosophie. montré quelles avaient été les pratiques liges & Vexpérience classique de la folie, ou celles selon lesquelles le sujet moderne s'est constitué pour lui-méme comme V'autre du délinquant, Michel Foucault est devenu le théoricien du ‘grand renfermement », de Pomnipo- tence du « pouvoir » et des « socictés disciplinaires ». Mais positivisme criti~ que parce que Pusage que fait Michel Foucault de Phistoire est un usage crti~ ‘que nominaliste il s'agit d’historiciser, dinstabiliser toutes ces objectivités — Ia folie, le pouvoir, la sexualité — dont Tévidence nous’ interdit de nous déprendre de nous-mémes. IL s'agit d’examiner les conditions de production et de validité du savoir. Exa- men que Michel Foucault ne méne pas selon les voies de I’épistémologie classi- que (comment une connaissance corrige ses erreurs et, par cette correction, devient une connaissance vraie), mais de la vérité. Et la vérité n’est pas sans effet. Elle est productrice de régimes d'identité qui sont en méme temps principes dexclusion. Dans le mouve- ment méme ot elle unifie, la vérité tranche. Michel Foucault permet de comprendre comment dans toute pré= tention a Puniversel, il y a le refus, la constitution de certaines particularités, comment donc tout universel est parti= Cculier, comment il ne peut pas y avoir de savoir absolu. Mais le méme geste nous indique que nous ne sommes pas condamnés 4 la particularité des régimes de vérité qui nous contraignent. La fin d'un monde n'est pas la fin du monde. ‘Que faut-il done faire, vouloir? ne cesse-t-on de demander & Foucault, ‘comme si dans la réponse a la question, devait se trouver Ia vérité de sa philoso- phie. A vrai dire, ceux qui posent la ‘question témoignent sans doute de leur déserri, certinement ontils besoin d'un guide, mais aussi rontils pas compris que In conjonctore »'appelai pas tant de nouvelles téponses @ d'an= Gennes. questions, qu'une. refornula- tion des questions clles-mémes. Com= ment. Michel Foucault. pourrait-il Eepondre & des questions dont tous ses travaux montrent le carsctere contra Gierore? Il n'y a pes de sens A vouloir alirmer comme unverselles des valeurs Gont on sat quelles ne peuvent tre que particulitres, 1 face aller josqu' com prendre comment dans une conjoncture Eomme la nt, marquée parla disper- Sion des valeurs ct des ident, le telus de a volonté moralsatrice est une Position sage et salutaite Bes wus de sien Pact on Sand ig a eee ode Por atirabte Tsk qh ae ea st EE, gc pede Bese aaa Ra Ek Seales Etats gue EUR te esis upc balan sa ee Pal aa alte tan Bis taunted eee Ts 2 i cath poet Soe ee cere eta pene sedge Mahan es se aceomme bs tbes site Ha ean Sa muti ete ean he eee Concrete eee A tet chee ais Ha pel er Sac ih wes Ratatat spon mat Rae a dal be TS tne gue Hae de endl ove ofall aa eat oregon ss i shlignne eae tae 1 ean a ae we Tat stent aus seas append poo, Seem en WP nes Sh ee ao pn a Sn de uterus ‘mi vaelom nee isto dcbrcguranhietcanr sericea nee ent pono meu be fiber aat nares Ie Petra we phie:: le monde a’est pas lui-méme une Unité; il nexiste que des espaces diffé- renciés, des situations localisées dont Favenie incertain dépend des relations quelles entretiennent aver les autres. Pour un Francais, cesta juste titre que Ja Pologne n'est pas le Chil, L’universel ne peut plus que prendre la forme de liaisons stratégiques ot différentes par~ ticularités, se revendiquant comme telles, se rejoindront pourtant dans des, combats communs. Mais sans. qu'ils Puissent se justifier dans le ciel des {Xées, sans non plus qu'il soient garan- tis par une grande rationalité que Ihis- toire déroulerait sous nos pieds indécis, La philosophie de Foucault est sans doute compatible avec une lecture rela tiviste et seeptigue. Paul Veyne s'est attaché @ la mener du point de vue de la Gonnaissance historique. Chaque figure Ge" Phistoire. serait. irrémédiablement fermée sur elle-méme. L’histoire serait DOSSIER tune succession de radicales discontinui- tés, de programmes de vérité sans doute traductibles 'un pour Pautre, mais dans le sentiment dune irréductible altérité Cela peut sans doute servir une épisté- ‘mologie de Phistoire en quéte d'un pos tivisme radical, mais ne saurait valoir pour le sens de philosophie de Foucault. La. généalogie n'implique aucun scepticisme. Pas plus chez Nietzsche {que chez Foucault. Tracer les limites de Ja raison n’implique pas que 1a raison existe pas, faire Phistoire de la volonté de vérité nlimplique pas qu‘on ne nie existence puisqu’au contraire on la suppose. Il ne peut pas y avoir de relati- visme de Foucault, parce qu'il n'y a pas chez Iui de point de vue totalisateur. TI faut apprendre a distinguer les ordtes. De l'ordre des raisons, & celui de la morale ou de la politique la consé- ‘quence n’est pas bonne, La morale a ses exigences, le savoir,se logique, la politi~ que ses tactiques qui ne dérivent, pas Tune de Pautre selon la régle d'une déduction, Tout n'est pas politique. Et Ja politique ne requiert aucun fonde- ment ontologique. {1 y a tout un aristo~ télisme chez Foucault, une trés grande précaution & distinguer les genres et a préciser Ia manigre de penser qui Convient & chacun que nos habitudes a tout vouloir ramener & Punité d'un principe fondateur nous empéche de comprendre. Me, ccc ves de Rovers, ga ce et ee eee Pexpérience étudige — Pexpérience morale de Vantiquité grecque et romaine — tranchent tant avec les themes auxquels il nous avait habitués, rémoignent d’un saisie de plus en plus fine, économe ct aigué de la singularité de Son projet par Foucault lui-méme. On peut satiendre & ce que certains lui objectent ce qu’ll y dit sur la sexualité. (Objections de ceux qui veulent savoir ce qurest la sexualité, et voudront peut- Gtre jouer Foucault contre Freud ou Lacan, lls prendront sans doute lair entendu de celui qui sait sans s‘aperce- voir que la volonté de savoir qui les anime est celle d’un temps qui n'est déja plus le notre. ‘A la question « Quiest-ce que les Lumigres ? », Kant avait répondu: « La sortie de l'homme de sa Minorité dont il (st ui-méme responsable, Minovité, C'est dire incapacité de se servir de son pro- pre entendement sans la direction d’ trai, minorité dont il est lui-méme responsable, puisque la cause réside non dans un défaut de lentendement, mais dans tun manque de décision et de cou- rage de s'en servir sans la direction GPautrui. Sapere aude. ie le courage de te servir de ton propre entendement. Voila la devise des Lumiéres. » Voila ce qu’exige la conjoncture: que nous sor- tions de cette minorité que constitue Passujettissement persistant & une volonté de savoir depassée. Le travail singulier que Foucault a mené et méne sans jamais céder aux passions du ‘moment, ni aux caprices de la mode, en fen acceptant toutes les tensions nous invite, en nous permettant 2 son instar de nous déprendre de nows-mémes, au courage de nous servir de notre propre entendement, On peut pronostiquer u'll croisera toujours plus les exigences d'une conjoncture qui commence & peine & prendre conscience de la téforme de Pentendement que son ave- nir lui impose. . 33 DOSSIER L’ART DU DIRE VRAI Depuis treize ans, Foucault donne un cours au Collége de _France. A charge pour lui de trouver, seul, la procédure qui permet «de conjurer les pouvoirs et les dangers du discours ». franc parler des Grecs — est ici affran- tie ; seuls quelques ennemis attendent peutétre au tournant d’une phrase. L'eanachorése », collective en occur- rence, cette maniéxe de s'absenter sur place du monde extérieur, de la barbarie Gu quotidien, cette « techné » ancienne, fait tout le charme de ces quelques heures passées en sa compagnie. Pureté de Pinstant, volupté de Poubli de soi, catharsis de Pauditeur, liew d’émer- gence d'une vérité possible dont nul n'escompte (autres avantages que a certitude de pouvoir 'appuyer sur la seule patience d'une recherche solitaire ct obstinée, Lent cheminement de la réflexion. Restitution minuticuse d’un monde révolu, La Gréce, Antiquité, Socrate, Platon, Diogéne, Alcibiade, Sénéque — personnages et décor nous’ parviennent 4 travers tel livre, tel document dans le souci évident de dégager prudemment quelques critéres de vérité envisagea- bles. Avec une désinvolture appliquée, Pauteur de Les Mots et des choses (2) stachemine d'époque en €poque, de theme en théme, dégageant [a « la mar- que de Poriginalité individuelle », ici Sle trésor indéfini des. significations enfouies. » ie eave gs tes tence, Tout est dit de cette tentative de saisir le moment ob le « dire vrai» dans corte modalité d’étre éthique interfere avec le souci d’une vie belle. Dans le fracas des nouvelles de plus en plus sor- dides, dans cette vie quotidienne singu- ligrement dépourvue d’« ceuvres belles » résultant de notre propre faire, apparait cette possibilité autre : Part duu dire vrai» a travers le geste, la conduite ou le courage. La posture du maftre — celui qui en 1970 a déclaré qu’il aurait voulu pou- voir se glisser subrepticement dans le discours qu'il Jui faudra tenir pendant ddes années au Collége de France — sa posture donc, toute de rigueur, est indissociable du charme indéfinissable de ces cours du mercredi matin. Si phi- losopher est un mode de vie, c'est dire relation sociale entre individus, alors Je mode de vie des cours du Col lige de France de Michel Foucault est & inscrire en. priorité sur la longue liste des revendications de notre société éter- nellement en crise ! Sans doute n'en dira-t-il pas tant! Peut-étre pense-til méme ne pas avoir tenu: le pari engagé en 1970, Peut-étre aurait-il aimé que le public — toujours aussi nombreux et étrangement bigarré — partagedt mieux cet exercice péril- Jeux que la volonté de savoir exige de celui qui en est sisi. Nila volonté, nila contrainte, ni ces systémes d’exclusion quill n'a cessé de dénoncer n’ont par ailleurs disparu de notre monde. La parole n’est pas libre ni ne libére néces- sairement celui qui écoute. Mais elle ne nous enchaine que dans ia mesure ob hous exigerons, comme saint Augustin le fit 8 Pégard des cyniques, de changer de doctrine, Foucault nous montre que Te wmode d’étre » est témoignage de veri Katharina von Biilow GL Orde de Dscous. Legon inaugural au Col- lige de France prononcée le décembre 1970, Galimard, 1971. Meme référence pour es autres (2) Gallimard. 196, 34 DOSSIER Premier cours de année 1983 : Foucault interpréte le texte de Kant Was ist A ufkldrung (Qu’est-ce que les Lumieres ?) quil a souvent mentionné comme une sorte d’énigme philosophique. Voici un passage dececours, remanié par lauteur, o8 Foucault explique pourguoi ce texte est, pour lui, un texte « blason » ou « fétiche». Ce de question dans le champ de la réflexion philosophique. Bien SOrcee n'est certainement ni le premier texte dans Phistoire de ta philosophie, ni méme le seul texte de Kant qui thématise Une question gonetmant Piso, On troy chez Kant des textes qui posent A Phistoire une question d'origine: le texte Sur les debuts de histoire elle-méne, le texte sur la définition du concept de race ; autres textes posent 8 histoire la ques- tion de sa forspe d'accomplissement: ainsi dans cette méme année 1784, Lidée d'une histoire univerelle du point de one comopolite. D'autres, enfin, svinterrogent suf la. finalité Sateen organisant les processus historiques, ainsi le texte Constcré &emploi des prineipes téléologigues. Toutes ces Guestions, gui sont @ailleurs étroitement liges, traversent en tte les enalyses de Kant 2 propos de Phistoire. Il me semble {que le texte Sur PAufkldrung est un texte assez diffrent il ne ose directement en tout cas aucune de ces questions, ni celle Ee Perigine, ni maleré Papparence, celle de 'achévement, etl se pose dune fagon relativement diseréte, presque latérale, la Gquestion de la teleologie immanente au processus méme de Phistoire “La question qui me semble apparaitre pour Ia premire fois dans cr texte de Kant, eest la question du présent, la ques- tion de Tactualite: qu’est-ce qui se passe aujourd'hui ? Quiestece qui se passe maintenant ? Et qu'est-ce que est que ce «maintenant» Pinté- fleur duguel nous sommes Tes uns et les autres jet qui définit le moment 00 fPecris? Ce nvest. pas la premiére fois que. 'on frouve dans. la réflexion Philosophique des rélé- Fences au" présent, au moins comme. situation historique “déterminge et gui peut avoir valeur pour Ib réflexion philosophique Apres tout, quand Des- cartes au début du Discours tie la méthode raconte son propre’ itinraire et Ten Semble des décisions phi- Tosophiques qu'il a prises 8 Ta fois pour lui-meme et pour la" philosophiey il Fefere ‘bien dune fagon explicte a quelque chose Qui peut étte. considerée ormme une situation his- torique dans ordre de la Connaissance, et des sciences asa propre ép0- ue, Mais dans ce genre de felérences, il sagit. {OU jours de trouver dans cette Configuration désignée Comme présente, un motif pour une decision philoso- Phique chez Descares, Yous ne trouverez pas une ae yy reese SoRPE arom’ : yamunauts, ie Fg a 2 celle {on appagie DOSSIER ‘Crest cesnous qui est en train de devenir pour le philosophe objet de sa propre réflexion ; et par la méme s'aftirme Pim- possibilité de faire économie de Pinterrogation par le philo- Foucault au Collége de France. sophe de son appartenance singuliére a ce nous. Tout ceci, la philosophie comme problématisation d'une actualité, et ‘Comme interrogation par Je philosophe de cette actualité dont ilfait partie et par rapport a laquelle ila se situer, pourraitbien caractériser la philosophic comme discours de la modernité, ct sur la modernité. Pour parler trés schématiquement, la question de la moder~ nité avait été posée dans Ia culture classique selon un axe & deux piles, celui de l'antiquité et celui de la modemité ; elle Gtait formulée soit dans les termes dune autorité a aocepter fou a rejeter (quelle autorité accepter ? quel modéle suivre ? ete,), seit encore sous la forme (corrélative d’ailleurs de celle 1a), d'une valorisation comparée : est-ce que les Anciens sont supérieurs aux Modernes ? Est-ce que nous sommes dans une période de décadence, etc. ? On voit affleurer une nouvelle maniére de poser Ia question de la modernité, non plus dans un rapport longitudinal aux Anciens mais dans ce qu’on pourrait appeler un rapport « sagital » & sa propre actualité Le discours a a reprendre en compte son actualité, d'une part, pour y retrouver son lieu propre, d’autre part pour en dire le Sens, enfin pour spécifier le mode action qu’il est capable @exercer Vintérieur de cette actualité Quelle est mon actualité ? Quel est le sens de certe actua~ lité? Et qu'est-ce que je fais lorsque je parle de cette actua- Iité ? Cest cela, me semble-t-il, en quoi consiste cette interro- ion nouvelle sur la modernité. Ce nvest Ia rien de plus qu’une piste qu'il conviendrait explorer dun peu plus prés. Il faudrait essayer de faire la ‘géngalogic, non pas tellement de la notion de modernité, mais de la modernité comme question, Et en tous cas, méme si je prends le texte de Kant comme point d’émergence de cette Question, il est bien entendu qu'il feitlui-méme partie d’un Processus historique plus large dont il faudrait prendre la mesure. Ce serait sans doute un des axes intéressants pour Pétude du XVIIF siécle en général, et plus particuligrement de PAnfildrung, que de sinterroger sur le fait suivant :’Auf- Mlavang s'est appelée elle-méme Auftldrung elle est un pro- cessus culturel sans doute trés singulier qui a pris conscience de lui-méme en se nommant, en se situant par rapport a son passé et par rapport a son avenir, et en désignant les opéra- tions qu’ll doit effectuer & l'intérieur de son propre présent. Beaece eves ors ee po pre Fa ree tee ne cre ame seeaklads Smee Salen ico ou deptcaroe deme seme cn ea eek alee Gh vara ik pate ie Wao was rch see aie ie Sisning Vn cori’ TE ig tune plane rt et ule ei a oe sed en ts Race ae Re See ere end Tika! sce eb ate te Mite Pte pesst es abate re a, SR tne vin dat SSE iecomale Sitan its See tee aut ie lng on ve a ar i tee craigs rma et Buen aatbage Mage sus tea ks Cee ee ee a nt coha oie Silene ete often pester Scabies fe Teac GT DE nce pee Sn port sine I ite de ee modi de paces RS Ses eae el cent aula wclgner perdi gee ce ce ar ae arena murgtonie de se aah enc Fencitan he Tate SUSUR fiat dre ncaajr dy Cpt ee Ree dase tga Fa fo tae cee ae ee Otek cand Sor Readies Rake Dans cette question de TAufklarung, on voit une des premiéres manifestations dune certaine fagon__ de philosopher gui a eu une longue histoire depuis deux siécles. En 1798, Kant va en quelque sorte donner une suite au texte de 1784, En 1784, il essayait de répondre & la question gu’on lui posait : « Qu’est-ce que cette Aufkliérung dont nous. faisons partie?» et en 1798 il répond a une question, que Pactualité lui posait mais qui était formulée depuis 1794 par toute la discussion philosophique en Allemagne. Cette ques- tion était: « Qu’est-ce que c'est que la Révolution ? » ‘Vous savez. que Le conflit des facultés est un recueil de trois dissertations sur les rapports eritre les différentes facultés qui constituent l'Université. La seconde dissertation concerne le conflit entre la Faculté de Philosophie et la Faculté de Droit. (Or tout le domaine des rapports entre philosophic et droit est occupé par la question : «Il y a a-t-il un progrés constant pour le genre humain ? » Etc’est pour répondre & cette ques- fon, que Kant tient au paragraphe V de cette dissertation, le 36 DOSSIER ‘aisonnement suivant: si Pon veut répondte @ la question « y setil un progrés constant pour le genre humain ? » il faut determiner sil existe une cause possible de ce progrés, mais, tune fois qu’on a établi cette possbilité il faut montrer que cette cause agit effectivement et pour cela dégager un certain Evénement qui montre que la cause agit en réalité. En somme, PPassignation d'une cause ne pourra jamais déterminer que des, effets possibles, ou plus exactement Ia possbilité effet; imais la reali d'un effet ne poutra étre établie que par Pexis tence dun événement. ‘ne suffit done pas de suivre la trame téléologique qui rend possible un progres ji faut isoler & Pintérieur de Phis- toire, un événement qui aura valeur de signe. Signe de quoi? Signe de Pexistence d'une cause, d'une cause permazente qui tout au long de Phistoire elle-méme a uidé {es hommes sur la voie du progrés. Cause constante Gont on doit done montrer qu'elle @agi autrefois, quelle agit maintenant, qu’ele agira pa la suite. L’événement par consé- ‘quent qui pourra nous permettre de décider s'il y a progrés, Sera un signe, « rememorativum, demonstrativum, pronosti= cum »- Tl faut que ce soit un sighe qui montre que ga a bien Toujours été comme ga (Cest le signe remémoratf) un signe Qui montre bien que les choses se passent actuellement aussi, Gest le démonstratif), qui enfin montre que ga se passera bien en permanence comme ca (signe pronostique). Ex c'est ainsi que nous pourrons étre sirs que la cause qui rend possi- ble le_progrés n'a pas agi implement & un moment donné mais qu'elle garantt une tendance générale du genre humain ans sa toralité & marcher dans le sens du progrés. Voili la aueton «ly 4cil autour de nous un événement qu serait femémoratif, démonstraif et pronostique d'un progrés per- fmanent qui emporte le genre humain dans sa totaité ? » ‘La réponse que donne Kent vous Pavez devinée ; mais je voudrais vous lire le passage par lequel il va introduire la Révolution comme événement ayant cette valeur de signe. Nrattendez pas » écrit-il au début du paragraphe VI « que cet événement consiste en hauts gestes ou forfaits importants ‘commis par les hommes a la suite de quoi, ce qui était grand parmi les hommes est rendu petit, ou ce qui était petit rendu grand, ni en d’antiques et brillants édifices qui disparaissent ‘comme par magic pendant qu’a leurs places d'autres surgis sent en quelque sorte des profondeurs de la terre. Non, rien de tout cela.» Faites attention, dit Kant & ses lecteurs, ce ne sont pas dans les grands événemenis ‘gue nous devons chercher le signe’ du progrés mais dans des @vénements beaucoup moins perceptibles. Dans ce texte, Kant fait évidemment allusion aux réflexions traditionnelles qui cherchent les preuves du pro- agrés ou du non progrés de Fespéce humaine, dans le renverse- ment des empires, dans les grandes catastrophes par les quelles les états les micux établis disparaissent, dans les renversements de fortunes qui abaissent les puissances éta- blies et en font apparaitre de nouvelles. Faites attention, dit Kant a ses lecteurs, ce ne sont pas dans les grands événements {que nous devons chercher le signe remémoratif, démonstratif, ronostique du progrés ; c’est dans des événements beaucoup ‘moins grandioses, beaucoup moins perceptibles. On ne peut pas faire cette analyse de notre propre présent dans. ces valeurs significatives sans se livrer a un chiffrement qui per- mmettra de donner & ce qui, apparemment, est sans significa tion et valeur, la signification et la valeur importantes que 37 2 DOSSIER nous cherchons, Or qu’est-ce que c'est que cet événement qui nest done pas un « grand » événement ? Tl y a évidemment tun paradoxe a dire que la Révolution n’est pas un événement bruyant. Est-ce que ce n’est pas Pexemple méme dun événe- ‘ment qui renverse, qui fait que ce qui était grand devient petit, ce qui était petit devient grand, et qui engloutit les, Rfucturesen apparence les ps solides de fa sate et des Etats ? Or, pour Kant, ce n’est pas cet aspect de la Révolution Gul fait sens. Ce qui constitue Févénement A valeur remémo- ative, démonstrative et pronostique, ce n’est pas le drame révolutionnaire lui-méme, ce ne sont pas les exploits révolu- tionnaires, ni la gesticulation qui l'accompagne. Ce qui est significatif, cest fa maniére dont la Révolution fait spectacle, est la maniére dont elle est accueillie tout alentour par des, Spectateurs qui n'y participent pas mais qui la regardent, qui Y assistent ct qui, au mieux ou au pire, se laissent entrainer par elle. Ce n’est pas le bouleversement révolutionnaire qui Constitue Ia preuve du progrés; dabord sans doute parce qu'il ne fait qu’inverser les choses, et aussi parce que si on avait & refsire cette révolution, on ne le referait pas, Hy ala tun texte extrémement intéressant: « Peu importe, dtl sla révolution d'un peuple plein d’esprit, que nous avons vu s’ef- fectuer de nos jours, (Cest donc de la Révolution frangaise qu'l s'agit), peu importe si clle réussit ou échoue, peu importe si elle accumule misére et atrocit, si elle les accu- mille au point qu'un homme sensé qui la referait avec espoir de la mener & bien ne se résoudrait jamais, néanmoins, & tenter lexpérience 8 ce prix. » Ce n'est done pas le processus révolutionnaire qui est Important, peu importe s'il réussit ou Echoue, ceci n’a rien a voir avec le progrés, ou du moins avec lesigne du progrés que nous cherchions. L’échec ou la réussite de la révolution ne sont pas signes de progrés ou un signe Quill n'y a pas progrés, Mais encore s'il y avait possibilité Pour quelqu’un de connaitre la Révolution, de savoir comme fle se déroule, et en méme temps de la mener bien, eh bien, Calculant le prix nécessaire & cette Revolution, cet homme sensé ne la ferait pas. Donc, comme « retournement » comme Pentreprise qui peut réussir ou échouer, comme prix troy Tour payer la Revotution en elle-meme, ne peut re const dérée comme le signe qu'il existe une cause capable de soute- hir a travers l'histoire le progrés constant de Phumanité Ces deux questions Qu'est-ce que! Aufklarang? Orrest-oe que la Revolution ? “Zontles deux formes sous lesquelles Kant_ a posé la question de sa propre actualité En revanche, ce qui fait sens et ce qui ya constituer le signe de progrés c'est que, tout autour de Ia Révolution, ily a, dit Kant «une sympathie d’aspiration qui frise lenthousiasme Ce qui est important dans la Révolution, ce n’est pas la Révo- Iution elle-méme, est ce qui se passe dans la tte de ceux qui ne la font pas ou en tout cas qui n’en sont pas les acteurs principaux, c'est Je rapport quills ont eux-mémes 3 cette Révolution dont ils ne sont pas les agents actif. L’enth siasme pour la Révolution est signe, selon Kant, d'une dispo- sition morale de Phumanité ; cette disposition se manifeste en permanence de deux facons : premiérement dans le droit de fous les peuples de se donner Ja constitution politique qui leur convienne et dans le principe conforme au droit et la morale dune constitution politique telle qu’elle évite, en raison de ses principes mémes, toute guerre offensive. Or c'est bien la disposition portant Fbumanité vers une telle constitution quit est signifiée par lenthousiasme pour la Révolution. La Révo- lution comme spectacle, et non comme gesticulation, comme foyer d’enthousiasme pour ceux qui y assistent et non comme principe de bouleversement pour ceux qui y patticipent, est tun « signton rememoratioun », car elle r6v2le cette disposition présente dés lorigine ; cest_un_« signum demonstrativum » parce qu’elle montre leffacité présente de cette disposition ; et Clest aussi un « signum pronosticum » car s'il y @ bien des résultats de la Révolution qui peuvent étre remis en question, ‘on ne peut pas oublier Ia disposition qui s'est révélée a travers, elle Qa sivinsgienen gvecesoms deo cel constitution politique choiste a leur gré par les hommes et tine Constitution politique qui évite a guerre, cest cela également {ui est le processus meme de l'Aufkldrang, Cest-A-dire que, én elf, 1a révolution est bien ce gui achéve et continue Ie processus méme de I’Aufelarung, et cest dans cette mesure Quiaussi l'Aufkldrung et la Revolution sont des événements Gui ne peuvent plus s’oublier, « Je soutiens, écrit Kant, que je peux prédire au genre humain méme sans esprit prophétique EFapres les apparences et signes précurseurs de notre époque (quil atteindra cette fin, cest-i-dire arriver 2.un état tel que {es hommes pourront se donner la constitution quvils veulent et la constitation qui empéchera une guerre offensive, que dés Tors ces progrés ne seront plus remis en question. Un tel phénoméne dans T'histoire de Phumanité ne s’oublie plus parce quil a révélé dans la nature humaine une disposition, Une faculté de progresser telle qu’aucune politique n’aurait pura force de subtilité la dégager du cours antérieur des évé- ements, seules la nature et la libert€ réunies dans Tespéce hhumaine suivant les. principes interes du droit étaient en mesure de Pannoncer encore que d'une maniére indéterminée etcomme un événement contingent. Mais si le but visé par ‘cet évenement n’était pas encore atteint quand bien méme la Révolution ou la réforme de la constitution dun peuple auraient finalement échoué, ou bien si, passé vn certain laps de temps, tout retombait dans Porniere précédente comme le prédisent maintenant certains politiques, cette prophet phi- {osophique n’en perdrait rien de sa force. Car cet événementest trop important, rop mélé aux intéréts de Vhumanité et une influcnee trop vaste sur toutes les parties du monde pour ne pes devoir étre remis en mémoire au peuple 2 Poceasion, de Eirconstances Tavorables et rappelé lors de Is crise de nou ‘elles tentatives de ce gente, cir dans une affaire aussi impor- tante pour Pespéce humaine il faut bien que la constitution proche atteigne enfin un certain moment cette solidité que Penselgmement d'expériences répétées ne saurait manquer de Jui donner dans tous les esprits. » ‘La Révolution de toute fagon tisquera toujours de retom- ber dans Pornigte, mais comme événement dont Te contenu réme est inimportant, son existence atteste une virtualité permanente et qui ne peut ére oubliée: pour P'histoire future Pest la garantie de la continuité méme d'une démarche vers le progres. ‘Je voulais seulement vous situer ce texte de Kant sur lAuf- Alarung ;jessaierai tout A Pheure de le lire d'un peu plus pres Je voulais aussi voir comment quelque quinze ans plus tard, Kane réfléchissait cette actualité autrement plus dramatique quretait la Révolution frangaise. Avec ces deux textes, on est fen quelque sorte a origine, au point de départ de toute une dynastic de questions philosophiques. Ces deux questions 38

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