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Pers CORK nel og PRU aki e ela Jesuis ~ VOLTAIRE . pee ig Se CeCe 16 pages d’extraits | M02049-555-F:6,20€-AD eee Seen tee eee erat Le dossier un itinéraire intellectuel, les clés d’une ceuvre «Une collection d’entretiens aux choix judicieux, élisant les pensées fortes et exigeantes d’aujourd’ hui.» VINCENT oe Philosophie Magazine Pe feng CTs Prats porig «Des enchantements rares. » LExpress SEAN-LUC NANCY NICOLAS GRIMALDI VINCENT DESCOMBES \ «Une stimulante collection ! “ka Des livres 8 lire hors du temps, pour le plaisir de penser.» ‘Nunc rr ray ‘uanoutr rene AC cry om Arter J.-E MARQUET PIERRE MAGNARD Collection disponible au Salon du livre de Paris (stand D80), chez votre libraire , ones et A la librairie des petits Platons 7, Tue des Fossés Saint-Jacques Prati 75005 Paris Canam 09 81 72 23.49 eat een Peet Diffusion: Harmonia Mundt ISSN collection : 2266-648 ‘LORENZ B. PUNTEL FRANCOISE DASTUR JL. VIEILLARD-BARON AURE ectivain national, revue ‘Médlton, 0 42, janvier mars| 2015, 196p.,16€, L’introuvable Lédito Par Pierre Assouline monument francais ‘est tout de méme un sacré paradoxe : la France, quipasse pourlapluslittéaire des nations européennes, n'a pas de Grand erivain National - dans cet ordre et avec force majuscules. Enfin, pas vraiment. Entendez par ld un écrvain qui, pardela les divages de toute nature, Iincarne et a représente tant par la puissance de son style, lempire exercé par son ceuvre influence de sesidées, le agistére desapersonne. Cela it, soyons sans illusion surle caractére relatif d'une telle entreprise, car on chercherait en vain un écrivain parm les personnalités es plus appréciées des Francais dansle Top 50 du Journal du dimanche. Le miroir national a désormais|a voix dun chanteur et allure dun sporti Pour italien, on dit «la langue de Dante; pour 'anglais, «la langue de Shakespeare»; pour fespagnol, «la langue de Cervantés »; pour allemand, « la langue de Goethe » Crest Regis Debray le directeur de Médium, observant qu'un Garcia Marquez a eu droit « des obséques conti- nentales», tout en révélant que laéroport de Santiago du Chiliporterabientdtlenom du podte Pablo Neruda. Cest Jacques Lecarme, pointant en Patrick Modiano un Sime- non en plus artiste, comparant les versions originale et amendéede son radical premier roman LaPlacedeT Etoile, observant quilse refuse étre parti prenante dansT'his- toi de France et concluant que «ce migrant génial » aura produit une littérature qui se sera faite « parfois contre Ja France telle quelle sincarne », st Paul Soriano rap- pelant & quel point Dante et Machiavel étaient floren- tins, Manzoni milanais, Vico napolitain, pour finir par décréter que, sl n’en reste qu'un, seul capable détre leur médiateur a tous et leur représentant totémique, Cest Virgile! Virgil! Virgle! Et on se prend a réver ce qu'au- raitpu étre une dsputatio entre Haim Gouriet Mahmoud sans jamais douter que chacun deux stn Darwich, Isradlien ete Palestinin, en toute contesté ambassadeur dece quelalangue,la. Quelauteur —tiertépoétique,et non tls quven eux mémes culture, et donc lesprit de son pays ont de pourincarner leurs peuples les ont statufiés. neilleu. Pourle francais, on dit «la langue la France? Tallais oublier le morceau de choix de cet de Molitre », bien que ce soit en réalitéla fipineuse allégre dossier: la déconstruction du mythe >> suntan La Mapai ike = 1 >>> Alaquellesajoutent des soup- cons dlirrégularitésfinanciéres de la part dela cellule de renseignement fi- nancier de Bercy, Tracfin, Pour Fran- cis Triboulet, avocat de Lhéritier, cette prcédure, autorisée parla nou- velleloipénale Taubira est excessive: «est une procédure réservée a des crimes trés graves, &des trafic inter- ‘ationaux. Nous appliquer est dune ‘inexplicable violence.» Escroc a la Madoff ou visionnaire foudroyé? nly a pas de dossier, pas dinstruc- tion, puisque aucunjugera encore été ‘nommé, mais de nombreuses fuites ‘ont permis de savoir un peu mieux ce quiestreproché Gérard Lhéritier. La comparaison avec Madoff est sur toutes les levres: Lhéritier serait en hhaut d'une pyramide de Ponzi ot les arrivées d'argent des derniers arvivés serviraient a rembourser les premiers. Labrigadefinancire pense surestimé ce taux de rendement de 8%, qui ne pouraitétre maintenu qu’au moyen, dune cavalerie pyramidale, suscep- Le ouleau du menusct des Cent VingtJournées de tiblede sécrouler tout moment. Les Sodome, de Sade, tun des leurons du fonds stop liens d’Aristophil avec des experts UN RICHE TRESOR SOUS SCELLES Le musée des Lettres et Manuscitsabrite 4000 & 5000 documents, qui représentent pris de 13 500 feuillets. Parmi eux, quelques joyaux. Son conservateur, Pascal Fulacher, place en tte le manuscit de exposé dela théore de la relativité Albert Einstein, 56 pages écites en 1915 avec le physicien suisse Michele Bess. Puis il évoque la chart impésiale de Corbie,signée & Aixa-Chapelle en 825 par Lous le Pieux et Lothaire I, respectivement fis et petit-fils de Charlemagne. Il s’agit d’une charte de renouvellement de privileges. ‘Récemment acquis pour la somme de 7 millions deuros, le manuscrt des Cent Vingt ounées dle Sodome a une histoire rocambolesque : Sade écit pendant son incacération & a Bastille, le cache dans sa cellule lors de son transfert Charenton. Il sera dérobé par un révolutionnaire le 14jullet 1709, lors dela prise de a forterese, Sade est mort en le croyant perdu. On peut rajouter a cette liste le testament de Louis XVI, texte écrit par le monarque pour exposer& son peuple les raisons de la tragique fuite& Varennes, les deux Moniestes dtu surréolisme André Breton, éritsen 1924 et 1928, le manuscrt du scénaro du film le Cocteau LaBelle ela Béte oré de hut pages de dessins, les potmes écits par Paul Verlane en prison & Mons, les minuscules manuscits,rliés comme de tout petits lives, des premiers érts de Charlotte Bronts... Autant de résors dont Favenie est ui ausst 1ié aux conclusions de Yenquéte préliminair lancée contre Aistophil #2 12 Lenapaine ir S/n 205 <élabres sont aussi mis en cause, ces derniers faisant monter artificiel- lement la valeur des pigces quils vendent au musée. «La société suren- chéritors de ventes publiques impor- tantes, et entretient ainsi une bulle spéculative,estime un commissaire- priseur bordeais spécaliste de biblio- Philie. Mais, derrére ces coups déclat, ‘nlyaphus que des manuscritsdepeu importance dontla cote ne montera jamais beaucoup. » Bien quaffichant un chiffre d'affaires 2013 de166 millions deuros, Aris- tophil avait eu récemment des pro- blémes de trésorerie, compensés par ‘unapport personnel de Gérard Lhéri- tier une dizaine de millions deuros. Dioiivenait cet argent? Cesta quin- tervientI'un des éléments es plusro- cambolesques de histoire. Carbeau- coup sont convaincus que Gérard Lhéritier a aussi gagné en novembre 2012un chéque de 169 millions deu- 10s BuroMillions, information ren- due publique par Charlie Hebdo. Lui assure quil s'agit d'un homonyme. Reviennent alors les souvenirs des précédents démélés de Lhéritie avec Ia justice a Monaco, au Luxembourg ‘ou en Belgique (lire Lentretien ci- contre), affaire dans laquelle maitre ‘Triboulet, son avocat,aréuss, exploit rrissime, faire récuser e jugedins- truction belge. Alors? Gérard Lhéritier, famboyant visionnaire foudroyé par ses enne- mis, ou voyou récidiviste enfin pris au pidge? La justice le dira. Mais, comme le déplore un journaliste de Voxpatrimonia, un journal que Lhéi- tier a cr et dans lequel écrivaient sous pseudonyme des hommes qui Jui étaient dévoués, «les dommages collateaux cultures seront grands » ‘Mame en cas dzbandon des pour- suites, deux musées vont fermer, et soixante-dix personnes se retrouve- ront sans emploi Le modele écono- rmigue inventé par Aristophil va-til luiaussidisparaitre avecles confettis de empire Lhéritier? « GERARD LHERITIER « ON TUE UNE SOCIETE ET DEUX MUSEES » Pour la premiére fois depuis les perquisitions 4 l'Ins- titut des lettres et manuscrits, le patron d’Aristophil répond a un journaliste. I] clame son innocence et dénonce un complot. Propos recueillis par Hubert Prolongeau ‘Comment viver-vous cette période? ‘cérano unteier, Trés mal, évidem- ment. Vingt-cing ans de travail s'écroulent pour une fumisterie. Aristophil vadéposerle bilan, et nous ne savons méme pas avec précision de quoi nous sommes accusés. Diapras le rapport de la répression des fraudes,ce serait a escroquerie en bande ‘organisée » et de « pratique ‘commerciale tompeuse Ce sont des mots. Nous ne savons pas ce quils recouvrent. On @ utilisé contre nous une procédure spéciale, ‘qui autorise un procureur a décider dela mort d'une société. Ilya eu des ‘perquisitions, mes comptes person- nels ainsi que ceux de mes enfants [également actionnaires dAristophill cet ceux dela société ont été bloqués. Un administrateur judiciaire a été nommé pour essayer de débloquerles fonds permettant de payer le person- nel. Soixante-dix personnes sont mises la rue, et nous sommes en train de mourir. ‘Vous étes déja en procs avec les [Archives nationales. Pensez-vous ‘aurelles sont derrire cette attaque? Je ne le sais pas précisément. Mais, ‘Mme Rouge-Ducos, responsable de fonds aux Archives nationales, adit ‘ouvertement quielle prenait sa re- vanche et réglait des comptes avec. ‘moi, Nousnousentendions bien avec ‘Mame de Boisdeffre, la directrice des. Archives nationales jusqu‘en 2010. ‘Avec M. Lemoine, directeur général des patrimoines chargé des Archives de France, et Mme Rouge-Ducos, est devenu trés difficile. ‘Quand les Archives nationales sont venues saisr les télégrammes écrts par le général de Gaulle, vous aver remplacé les originaux par des photocopies couleur... Cela waide pas a se faire des ami Elles es ont emportées comme étant les vrais, sans sen apercevoir. Ga en ditlong sur leur expertise. Officiellement, cest YAutorté des smarchés financiers qui est & Torigine de Vaction contre vous? Je ne comprends pas leurs motiva- tions. Regardez! (I sort des lettres, lesdomned lire. Son avocat, qui assist entretin, sinterroge vsilementsurla pertinence du geste.) En 2003, a COB [Commission des opérations de Lesprit du temps Enquéte Bourse), prédécesseur de TAME, se déclaraitincompétente pour juger de notre produit financier, Coraly’s. En 2008, IAMF réitéait cette postion. Et aujourd'hui ces elle qui nous envoie la répression des fraudes... Elle est donc devenue compétente? Ce terme de escroquetie » est tr fort. Daprés ce que e sais du dossier, ue, je le répéte, nous n'avons pas vu, ‘Tracfin [Traitement du renseigne- ‘ment et action contre les circuits f- nanciers dandestins] évoque nos re- lations avec la libraiie Vrain, & qui nous achetonsles manuscrts quelle ‘nous propose, ce qui est une trans- action tout a fait normale. (On a aussi évoqué Madoff et les fameuses pyramides de Ponzi... ‘Mais, chez Madoff, tout reposat sur du vent. Aristophil posséde des mil- liers de documents vépartis dans cing chambres fortes. Ces atifssontla ils existent, til ont leur valeur, Vous étes-vous engagé & racheter au bout de cing ans les euvres ‘que vous vender, en totalté ‘ou en indivision, & vos clients? Jamais. Btnos clients, qui sont fonc- tionnaires ou hommes daffaires et non de naifs gogos, ont signé une clause confirmant quis avaient let compris les contrats. Ce qui existe, est une promesse de vente, une sorte de droit de préemption Aristophil surles euvres aubout de >> satan 018 Mapaio ie = TS Lesprit du temps >>> trds cher des ceuvres que vos accusateurs disent surestimées? Je Iai animé, pas perturbé. Je tens beaucoup A ce terme. Aristophil r- présente 3% 5% des transactions, st tout. Nous ne controlons pas le marché, Mais nous avons rendu vi- sibles nos acquisitions en créant deux rusées, Est-ce mal? La peinture et art contemporain sont mis en vente Ades prixrecordet se montrent dans des musées. Pourquoi pas les lettres et manuscrits? Lentreprise Arstophil allait-lle bien? Comme toute entreprse, elle a des huts et des bas. Nous avons eu une baisse de chiffe d'affaires en 2013. ‘ai réinvesti a titre personnel pour préparer fachat du rouleau de Sade, fleuron de notre exposition actuelle, aujourd'hui sous scellés. J'ai donc aidé ma société a se sortir d'une passe de trésorerie fragile avec mon argent personnel : les escrocs font cexactement inverse, non? Qui plus est, nous avions des projets bien en- gagés pour surmonter ce moment difficile: la création d'un fonds Mapa -¥°SS/na 205 investissement alternatif avec la Société générale, eta création d'une société de vente aux enchéres. Tous ces projets ont été tués dans Voeuf, Cet investissement personnel nous améne & run des aspects les plus rocambolesques de ce qui vous arrive :le brut court que vous ‘aurier gagné & FEuroMilions? Crest du dalire Jele nie totalement. ‘ous aver déj eu des soucis avec la justice : au Luxembourg, ily prés de dix ans, les douanes {rancaises vous avaient condamné ‘une amende pour « non- déclaration de flux financiers» Nous avions une agence au Luxem- Dbourg, qui avait demandé une auto- risation ATAME Cette autorisation lui avait été refusée, et JAME a signaléle dossier au parquet. Cest tout. En Belgique, des perquisitions ont eu lieu en novembre 2012 au sidge du musée & Bruxelles, dans le cadre d'une enquéte pour ‘escroquerie et blanchiment.. Nous avons eu en 2008 des pro- blemes de retrait despéces, car une employée indélicate tapait dans la caisse et avait détourné 500.000 eu- 10s, Nous avons porté plainte contre cette employée. Aucune suiten’a donnée a cette plainte. Cest trés bizarre. Mais il n'y a eu aucune inculpation. En 1996, vous aviex été mis en examen et incarcéré dans Faffaire des faux timbres monégasques ‘avant tre blanchi en 2005. Vous aver écrit li-dessus un live, Intime corruption. Aujourd hui aver-vous le sentiment que cest Ja méme chose qui recommence? Exactement. J'ai Impression de revivre cela, mais une échelle beau- coup plus importante. Comment voyer-vous Favenir? Soit tout s'arréte faute de preuve, soit on nous renvoie en correction- nelle, sot e parquet nomme un juge instruction, et ily aura un procés dans quatre ans. Dans tous les cas, Aristophil sera morte. Et les collections? I faudra sans doute les vendre, avec un commissaire-priseur et sur plu- sieurs années. Sauf sion meTinterdit, bien sir. Gérard thier, en 2010, ADAPTATION PYNCHON | ENFIN FILME Lécrivain - connu pour fuir les objectifs - est adapté pour la premiére fois au cinéma. On ne s‘étonnera pas que ce soit le cérébral et fantasque Paul Thomas Anderson qui s’y colle, pour un film souriant comme un sphinx. Par Emmanuel Burdeau ice caché est le premier ro- | pynchonien se prétaitaisémentades | ALIRE ‘mane Thomas Pynchon 4 volutes avon Bg Lebowsk, leilmdes | Vee cache, ‘étreadaptéau cinéma. Para Coen auquel il fut comparé asa Sor- | PyNcHON, ‘en 2009, ila la réputation tie. Lecinéaste apréféré procéderaun | tduitdetangais aétre le livre le plus accessible de | décapage. Le match au sommet nva | tats-Unis) par TAméricain, Lintrigue ren est pas | donc pas lieu, Ou plutt si, mais sur | gamma moins embrouiée, wire indéroul- | un autre mode qutenda. ‘Srp. ai0€ lable Hdl dans la Californie de | Joaquin Phoenizchange bien deci | AVOIR 1970,undétectiveprivéasimutésur- | fure et c’hallucinogéne a chaque | herent rnommé Doc, un promoteurhésitant | scine. Les nevis tatoués sont ies ANDERSON, wes entre nazisme et philanthropie, un | infirmiersvéreuxet es fics brataux, | Joaquin Phoenix, flic aux grands pieds ennemi des | les dentistes sous coke ets standar- | 26h Brolin. droits cvs, un voiieret quelques | distes sexy. Mais leur présence per- | jortieie 4 mars. rymphes, &commencer par Shasta, | turbepeulaligneclare defensemble, cexfiancée de Doc, dontla ispartion qui gardedebout en bout unemanidre signe le début des hosts. objectvité photographique. La ca- | Joaquin Phoenix Larencontre du vétéran des lettres, | méraes fie, lesplansvolontersfron- | et Jordan aussifameuxpourson géniequepour | taux,lesolel bile Seulela musique, | Chrsion Hear. son anonymat, et du nouveau sphinx dela cnéphile mondiale était atten- due de pied ferme. Quilt sortir du branchement entre deux person- nalités ausi cérébrales et fantasques Tune que lautre? Une variation sup- plémentaire sur le rapport entre rattre et lave, apres There Wil Be Blood (2008) et The Master (2012) ?Le résultat est déroutant. Pas déceptif Taffreuemot- mais déroutant. Paul ‘Thomas Anderson a lagué il n’avait pasle choix. Ila surtout prisun auda ieux contre-pied. Le faux polar Lesprit du temps Cinéma la fois variée,diseréte et omnipré- sente, fait planer un arviére-fond de menace, de délire ou de reverie. Dans le live, une inftigable inven- tion langagiére emportait tout dans ‘un méme mouvement, Anderson a coupé ce flux. Ila recherché la plus grande diftérence, cest-a-dire la plus grande indifférence, entre des pip ties a peine croyables et une mise en scene demeurant coite. Est-ce a dis- tance de celui que cette agitation ne concerne pas? Ou au contraire le karma supérieur du hippie ayant franchi les portes dela perception? Onnesait. Lefilm enchainelestableauxet les vi- sions sans quitter son sourit, préfé- rant les chuchotements aux hauts «tis, Drogues et délires,certes, mais bas bruit. Et suavement : Joaquin Phoenix estidéal en ahuri gentiment stone, Owen Wilson joue & merveille de sa voix ltée, et Katherine Water- ston apporte une douceur ensorce- leuse. Une voix off due une amie du Doc apparait par intermittence ‘comme uneberceusedeplus. Lereste >> Nélida Pion. Antonio Toes. Bernardo anvalho. Milton Hatoum, Paulo Coelho. Salon du livre de Patis, parc des expositions, portede Versailles, Paris 15, srw sslondulivrepars com! Sont également aux cotés du Bree Jesvilles de Cracovie ft de Wroclaw Toceasion de découvrir la littérature polonaise ontemporaine sso 205-Le Mapai = 19 >>> comme un sixiéme person- | 1.femanda _ Gallimard), tableau de la vie déin- nage. Célebre au Brésl pour sa pro- | Tomes. quante dans les favelas de Rio, a ins: duction hétérogéne, la pote et pro- | 2.Paulo tins. __piré le film du méme titre. A travers satrice Marina Colasanti n'a qu'un | 3. Matina ses nombreux personages aux livre traduit en France, Une idéecou- | Colasant. touches dostoievskiennes, Paulo Lins leur dazur (UHarmattan, 1990), des- 4. Edney Sivestre. livre, de ces quartiers, un tableau tin€ aux enfants. Son mari, journa- vibrant de violence et de lyrisme. liste et podte Affonso Romano de Ferré, écrivain de la nouvelle géné- Sant’Anna, est lui aussi invité au ration, se présente comme un auteur Salon, Publiéen France chez Orizons {sou de la périphérie prt aller par- (CEnigme vide, 2013), i est conn, au tout dans lemonde pour défendre ses Brési, comme le successeur du grand origines. «Btre respecté chez moi, en poste Carlos Drummond de Andrade banlieue, cest plu difficile que d@tre ~ dont le public frangais ne connait respecté en Europe », résume lécr ‘que deux petites anthologies parues vain, profondément attaché a la chez Gallimard. culture hip-hop bréslienne. Son Ma- ‘mel pratique de Ia haine est édité chez Echos de la favela ‘Anacaona (2013). Issu de la périphérie de Rio, fécrivain Paulo Lins est aujourd'hui reconnu Pottes méconnus comme un grand romancier. Son Laplupart des invités quime sont pas ceuvre majeure, Laitéde Diew (2003, traduits en France sont podtes, tels LA CHARGE DE L’AUTEUR LUIZ RUFFATO CONTRE SON PROPRE PAYS A oceasion du discours ouverture dela Fire du lire de Francfort en 2015, Lut Ruflato sest lancé dans une diatribe sur a situation de sn pays Refusant image d'un Grésil paradisiaque, ila dénoncé Finégalt, homophobic, la violence, le passé esciavagiste du Brésl« Nous sommes un pays paradoxal. Le Brési est représenté ou bien comme une région exotique, de plages paradisiaques, fréts den, camava,capocia et football; ou bien comme un i cexécrable, de violence urbane, d’expotaton dela prostitution enfantine, du non-espect des droits de Thomme et du dédain envers a nature.» La violence de Fallocution de Vécrvain a suscité un grand malaise et a divisé les auteurs brésiiens ~ entre adhésion et condamnation. Le dessinateu Zraldo se serait levé avant afin de son intervention et aurait hulé que, 5 Luiz Ruffatowtat pas content il avait qua quitter le Brésil La polémique a valu & "écrivain une critique plus subtile de Néida Pin: « fai deux prncipes. Je ne dis jamais du smal de mon pays en dehors des frontiées brésiliennes, et ene ctque pas mes collgues.» Mais d'autres écrivains ont soutenu Luiz Ruffto, comme le romancier Paulo Lins. « 20--Lenapine ire 55/2005 Ricardo Aleixo ct Lu Menezes, dont lepublicfrangais ne comnait que quelques poémes parus chez Chan- deigne dans La Poésie du Brésl, an thoogiebilingue du xv au x sil, dirigée par Max de Carvalho. Littérature jeunesse et BD ‘Quatre nouveaux auteurs - Adriana Lisboa, Daniel Manduruka, Roger Melloct Angela Lago accompagne- ront fauteur reconnue Ana Maria Machado, qui publié Bisa Béa, Bisa Bel, considéré comme un dassique de Ialitérature enfantine (Chandeigne), Quelle fete et Réve nord lapin blanc (Went dAilleurs, prix Hans-Christian- ‘Andersen 2000). La bande dessinée pour adultes aura aussi la part belle MalgeéTabsence de dessinateurs em: blématiques comme Laerte ou ‘Lourenco Mutareli a nouvelle géné- ration sera représentée par Fabio Moon, lauréat du prix Will-Eisner, dite en France chez Delcourt et Ur ban Comics, ou encore Marcello Quintanitha (au Lombard). Génération 90 Le Salon de 2015 permettra de faire connaitre quelques auteurs appar tenant au groupe de Sao Paulo Géné- ration 90, réunis, pendant cette dé&- cennie, dans fanthologie intitulée « Manuscrits de fordinateur ». Parmi ceux, Jodo Anzanello Carra coza, auteur sensible et proifique d sept et @ quarante ans (Anacaona, 2015). Ou le choquant Marcelino Freire (Nos os, Anacaona, 2014), qui figure a coté de Ferréz dans Lesprit du temps Salon du évolution postive et fait éoge des | LA [MIALEDICTION programmes sociaux de lutte contre Japauvreté.Lalittératurebrésiienne DU BIKINI estun miroir dela complesité du pays, Ainsi Jorge Amado, invité honneur Pas facile pou il de se dissocier de son auSalon de 1998, auteur duclassique | image de « Pays du Carnaval » - pour citer le titre Bahia de tus ies saints, figure emblé- | ironique du premier roman de Jorge Amado. rmatique de ce Brésl exotique, fa ja- mais cessé pour autant de dénoncer oppression, la violence et linégalite Selon le ministére dela Culture brési- is jaune et vert, brandissant un drapeau Yanthologie Je suis favela (Anacoana, | lien, le coiit de la participation au | du Brésil. Aprés protestations, image a vite été Le jour de annonce de la liste des auteu 2011).Enfin,signalonsla présence de Salons'éevera,2maillio deuros... _changée, mais a laissé une impression déplorable. Luiz Ruffato,le membre de Généra-lachargedefinvité, Unesommeim- Paula Anacaona, des éditions du méme nom, tion 90dont onaleplusparlécesder-_portante pour un pays ot le salaire | qualifiéYépisode de « désespérant ». Le journal nigres années en Europe et quia pro- | minimum est de 222 euros. Les écri- 0 Globo a regretté la publication d’« une image noncéala Foire de Francforten2013._vains brésiliens espérent que cet in- qui n‘a pas de rapport avec la litérature et qui un discours polémique (tre encadré vestissement contribueraau dévelop- _renforce des a priori sur le Brésll». « Cest comme p.20). Son invitation & Paris est un pement de la littérature bréslienne __ si, déclaa la romanciére Carola Saavedra, signederespect dela pluralitédes pi contemporaine, méme sion peine A | pour illustrer lap niions. Mais Luiz Ruffato, contraire- _imaginer quil era, dans Timmédiat, | _un événement au ‘ment. ce que pouvait laiser penser _progresserlalectureau Brésl.Certai- | danseuses de cancan. » « Nous aurons du boulat son discours, nest pas qu'un pessi- nement moins quelenseignement et | au Salon pour essayer de changer ce cliché », iste, Tout en dénongant les pro- _éducation pourlesquelsles investis- | eonelut Iécrivaine Tatiana Salem-Levy. Dlémes du Brésil, il reconnait une | sements sefont attendte... © Une veritable allegoie de la perversion coloniale, cc dans le sillage de Faulkner on ATi MONG Aree HU ec Ten ae ui os ena a oa Livees Lesprit du temps Récit 25 MILLIONS DE NORD-COREENS ET MOIX Fasciné par la Corée du Nord, lécrivain y séjourne réguliérement, avec en téte un film et un livre. En avant-premiére, son initiation aux subtilités des Kim, par un redoutable rhétoricien. Par Yann Moix En 1996, un jeune de26 ans se signalait par un roman d'amour foudroyant, vers le cel (4. Grasset. Depuis également ddevenu réalisateur (Podium), Yann Moxa publis de nombreux autres texts, ami lesquels (6d. Grasset, prix Renaudot 2013). Son roman scorden » paraftra sous lettre Nord chez Grasset en septembre 2016. ‘est un Pyongyang froid qui rmaccueille:un Pyongyang de fever. Les dégradés de couleurs sétalent d'un gris vers un bleu métallique, un impec- cable et dur et pur bleu. Dans a voi ture, mon guide, M. Kim Ki-cheol, souritauxanges :ilest heureux qu'un écrivain frangas, doté du Goncourt (Cestle Renaudot), porteautantdin- térét& son pays, son pays en guerre, son pays-guerre. = Jevous aiapporté un exemplaire du Rodong Sinmun, le journal du Parti des travailleurs. Vous allez voir, ly a unexcellent article surle jeune cama- rade, Grand successeur, Grandleader et Nouveau commandant supréme Kim Jong Un. Ilestalléhier apporter un téléviseur dans une famille ’ou- riers et apassé une parte delajour- née a regarder des dessins animés avec des camarades enfants, melance 'M. Kim dans un frangais tres spécial cit se mélent des imperfections de grand débutant etla pureté de Vauve- argues (pour recourir & une méta- phore sportiv, il faudrait imaginer 22 -Lenapane ir $5 2005 ‘un athléte handicapé, une sorte de Pistorius de la langue francaise). ~Dans les années 1970, en France, il yyavait des encarts publicitaires pour votre pays avec le portrait souriant du Grand leader Kim Il Sung, dis}. = Oooh, je lis souvent Le Monde, M. Yann. Mais seulement pourles ar- ticles de Philippe Pons. Philippe Pons cst un trés bon élément. Ila compris, la philosophie du Juche, selon la- quelle homme es le maitre dela na- ture et dela société tle facteurprin- cipal qui décide de tout. Cejournalste cexemplaire est un ami de la répu- blique populaire démocratique de Co- rée, comme Guillaume Apollinaire quia écrit ses meilleurs poémes sur nous. Il adore venir chez le coiffeur, ii lest honnéte. Cest un tre social dotéd'unespritdindépendanceeet de cxéativté. Bt il fadopte pas envers notre pays le ton paternaliste, le ton de fatuité, que vos amis emploient. ~Mes amis? Quels amis? ~ Leciel est trés grand, ce matin. ‘Avant de déposer mes affaires: tel, M, Kim me propose dallervsiter - = Ja maison natale de feu le Grand lea- der Kim Il Sung. ~Le«pére de la nation», dis. ~On peut voir cela de cette maniére, M.Yann, ~Pardon. Je Favais hu dans un livre. ~Cette appellation nest pas erronée, jevousrassure Etje suis ort aise que vous la connaissiez Elle est simple ment lacunaire et propice, éventuel- lement, a irrter les Coréens si vous nela complétezpas par uneautre qui Inst consubstantiele. Mais encore? = Notre camarade Kim Il Sung, pré- sident éternel, n'est pas seulement notre pére lest notre grande mare. Votre grand-mére? — Non. Notre grande mére. Notre rére, quiest grande, ~Jene comprends pas, M. Kim. Ooh, M. Yann, vous tes d'une nai veté appointée! Comment pouraiton se passer dela primauté primordiale delamére? Cest le lien maternel qui assure la pureté du sang, ete sang, son tour, la pureté de notre race. [6 nous ne mélangeons pas les sangs, M. Yann, Nous laissons les sangs se mélange ailleurs. Sans nous. Ga, i faut bien que vous le notiez afin de progresser dans Intelligence de notre pays = Il fait froid. On dirait qu'il va neiger. ~Laneige, M. Yann, ici estincompa- tible avec la temporalité dont vous venez d'user. ~Jene comprends pas, M. Kim. Ooh, M. Yann, vous étes pourtant déja veru chee nous, hein. Quaves- ‘vous donc appris lors de votre précé dent séjour? Vous semblez avoir acu- rmulé un certain retard quant & la compréhension des fondements dela Corée. Cette méconnaissance peut vous entrainer a proférer des re marques erratiques Je vous explique la neige. La neige, dans notre pays, niest pas n'importe quelle neige. La neige coréennenest pasla neige fran- «aise. Elle estle symbole dela pureté etrappelle quenotre race provient des cimes du mont Paektu, montagne sa crée dela évolution, au sein duquel la victoire contre impérilisme aponais ‘a été menée par les forces du généra- lissime Kim Il Sung, Cest dailleurs dans cette montagne, ot la neige ne peut stempécher de scintiller de tous ses feux,jusqu’a aveugler le monde, Des mariés aux que notre camarade et Grand leader _pieds de la statue Kim JongeHla vu leout. de Kim I Sung, ~Cenfestpasen URSS? Javaisluque _& Pyongyang, était & Vladivostok, puisque votre _en 2008. président était alors hébergé par les Russes qui ~Olala! M. Yann! Olala! Pourquoias- séner de telles élucubrations? Vous parlez trés manifestement comme quelgu'un quine comprend pas ce que est que notre neige. Je viens pour- tant de vous donner de précieusesin- dications 4 son sujet. Je vous ai trés nettement mis sur la voi. La neige qui tombe au-dela de nos frontires, cette neigela ne nous intéresse pas. CChacun sa neige. La neige coréenne cst la plus pure qui soit parce quelle est semblable& des morceaux >>> NSS 205 Le Maia = 28 Lesprit du temps Récit >>> delumiére, dela umigre que on peut toucher. Lorsque notre ca ‘marade, Commandant supréme etSo- leilduxxr side, Grand successeuret Phare de Vespoir Kim Jong-ll est mort, il neigeait. Comme il neigera demain, Et comme il a neigé hier, avant que vous narrvie. Cet pour- quoi votre emploi du conditionnel ne peut étre pertinent: lexpression « on dirait » est incompatible avec cette ‘neige qui sai, au contair, ce quelle veut. I neige, ou bien ilne nege pas. On ne « drait » pas qui va neiger. Anion ne « drat »pas non plus que lavictoire est proche. On dit tout im- plement: « La victoire est proche.» ~Lavictoire dela révolution ~ Notre souci, ca vous le saver, cest la réunification. Nous détestons étre des moitiés. Notre peuple est un. IL ra jamais été considéré par vous autres, Occidentaux, comme un peuple digne de ce nom. Mais lest un, Vivre dans une moitié de pays, cela fest pas compatible avec la na- ture des Coréens. Nous sommes en- tiers. Tout ce qui est coupé, cassé en deux, divisé,scindé, contribuea nous ‘auser beaucoup de chagrin. Nous ‘sommes des victimes, Nous aspirons ‘nous réunifer. ~ Mais comment cela esti possible, techniquement? ~ Olala, M. Yann. Cela, cest tres simple, I sufi de fare un Btatf6dé- ral avec deux capitales, Séoul et Pyongyang, Une république fédérale cet démocratique de Korys. Mais, & internationale, il n'y aura qu'une seule capital. -Séoul? Non. Pyongyang ~Etpolitiquement? ~Aucun probléme. Ceux quivoudront vivre dans un systéme ot les masses populaires représentent a force dela nation viendront au nord dela Corée, cet ceux quivoudront davantagede ca pitalisme pourront aller vers le sud. Ce sera comme deux régions colées. Des régions joyeuses! On pourra 2A Lenape ire S/n 2005 aller de une autre. Mais econnais bienlamentalité des Coréenset, dans leur immense majorite, ils préfére- ront Fexpérience du peuple révolu- tionnaire. Car nos fréres du Sud vvivent comme des chiens. Is sont ty- rannisés parle systéme impérialiste et scélératédicté parlessalauds japo- nais et ces vermines que sontles Amé- ricains, Nous savons bien quilsvien- dront rejoindre la lutte avec nous, contreles agresseurs étranger. Is op- teront pour la véritable démocratie celle qu’édicte la Constitution de notre République. Limportant, pour la population sud-coréenne, cest de commencer a se prépare. ~Mais encore? ~Eh bien, mais de commencer & dé- velopperactivementlalutte antiamé- ricaine, d'une part, et, autre part, la Iutte de masse contre la domination colonial et la tyranniefasciste. Pour lemoment, is se comportent comme des laquais. Et nous haissons les la- quais, Actuellement, le monde entier sait que la situation, globalement, évolue en faveur de notre révolution. Notre arsenal nucléaire,trésimpor- tant, va contribuer & donner a cette révolution la dimension mondiale quellerédlame. Nous sommes un pays de paix, M. Yann, jene vous apprends rien, Ce n'est pas de notre faute si nous sommes en guerre. Nous, nous avons ratifié le traité de paix en juil- let 1953, Panmunjom. Le ud, ui,a refusé, Le Sud est en guerre contre notre pays de paix. Vous étes donc un pays attaque, et non un pays attaquant... = Oulala, vous commencez progres- ser, hein. Nous sommes des résis- tants. Btle Grand dirgeant, Lumire du genre humain, président éternel, notre amarade Kim Il Sung, est qui valent pour nous, mais en beaucoup rmieus, de votre général de Gaulle ~ En beaucoup mieux? = Oooh oui, oulala, M. Yann! De Gaulle alibéré la France d'une occu- pation allemande qui a duré quatre ans. Le général Kim IlSungalibéréla Corée d'une occupation japonaise qui a duré trente-cing ans. Les Coréens avaient Iobligation de parler japo- nais, et de nombreux traitres ont nip- ponisé leurnom, commele dictateur sud-coréen Park Chung hee, quiaas- servi et martyrisé nos fréres entre 1962 et 1979. Bt puis le générali sime Kim Il Sung réussilépuration. Le général de Gaulle a minaudé. 1a 446 d'une douceur de petit agneau tendre avec les déchets humains qui avaient collaboré avec les impéria- listes nazis. Le présidentissime Kim Il Sungn’a pas eufroid auxyeux. Laneige n’a jamais roi. = Ce qui est fascinant, dans votre pays, et queles Occidentauxne com- prennent pas toujours, esta trans- mission du pouvoir parle sang, Vous tesla fois dans une nation detsars et de communistes. = Nous trouvons, pour commencer, que le mot de « communiste » est daté. Nous préférons parler de «so- alisme ». Tenez, cest pour vous. ‘M. Kimme tend un ouvrage du Grand leader Kim Jong Un, inttulé Luttons ferme pour la victoire finale en portant encore plus haut Uétendard du Songun. ~Mais esta notion de Songun, cest- adie de la primauté du re de fAr- 1mée populaire, qui présentement nous importe, comme vous aurez le plaisir de le découvrir dans la minu- tieuse et respectueuse transcription de ce dscours prononcé parnotrema- réchalissime lors de la revue consa- crée au centenaire de la naissance du généralissime Kim Il Sung, Grand leader le 15 avrilde an 101 du Juche ~ cest ide 2012. Comme lindique notre camaradissime, histoire de notre armée a commencé avec deux pistolets eta évolué en armée sans r- vales, inspirant de la terreur aux agresseurs impérialistes, reste sans précédent dans lesannales mondiales de Védification de nos forces mili taires. Quant votre étonnement sur Taspect dynastique de notre nation, Kim Jong Un ‘au second meeting des «familes de soldats cexemplares de 'aamée populaire coréenne », ‘a Pyongyang, le ‘9 décembre 2014, ARE La Vie volde un Do, [ADAM JOHNSON, ‘adult deTanglais (Etats-Unis) par Antoine Cazé, 44 de 'Olvier, il me fait sourire d'un sourire qui sétend vers les astres. Les Bush, ce test pasune dynastic, Vousavezeule pére,lefis,et vous aurez peut tre un jourle frére de ce fils. Etsivousn‘avez, pas le frre de ce fils, vous aurez ma- dame Clinton, qui appartient je le ‘roisbien la stricte mémefamilleque ‘monsieur Clinton Sivousaimez pas mon exemple, nous pouvons tout aussi bien évoquer Bachar al-Assad, ‘qui, sie suis ausi bien informé que ‘vous, descend trés directement, des- ‘end complétement directement de ‘son pére, Hafez al-Assad, Disons que nous, nous fassumons. Et nous foff- alisons, puisque, Yannée demiére, notre Parti des travailleurs solennel- lement déibéré aux fins Coffcialiser laremise inconditionnelle du pouvoir ssupréme aux mains de la glorieuse lignée des Kim, glorieuse lignée du mont Paektu, En Corée, on ne fit ja- raises choses en cachette, M. Yann. Si vous n'en étes pas convaincu, je peux également vous fournir un autre ‘ouvrage,trés important. = Vous ne dites jamais «a Corée du Nord», mais «la Corée» ~ Cela rectifie un équilibre, M. Yann. Lorsque vous ites « la Corée », vous autres Francais, pensez-vous ila Co- rée du Sud ou la Corée du Nord? Jefayote ~ Heu... Moi, personnellement, je pense autant ala Corée du Sud quia la Corée du Nord. ~ Vous étes bien le seul! Oooh, je ne ‘vous en veux pas personnellement. Je sais que vous avez. besoin de fabriquer des méchants pour donner du carburant votre systime des La- miéres. Quand vous dites par exemple que la Corée du Nord a envahi la Corée du Sud le dimanche, carclétaitun dimanche, 25 juin 1950 Taube, ar cétait& Yaube, vous ne vous percever pas deTimmensité de Vimbécillité que vous proférez. Le général Kim Il Sung était coréen, mest-ce pas? = Oui. ~ Bt vous trouvez que cela a du sens, vous, de dire qu'un Coréen a envahi la Corée? Vous trouvez que cela est pertinent, que cela est intelligent affirmer que le nati d'un pays en- vahisse sa terre natale? Ce que vous Inttulez la Libération, est-ce Finva- sion de la France par le général de Gaulle? Quand vous essayez de nous juger, vous vous trompez sans arrét. Cest comme si, nous, nous affir- ions que Jean Moulin était Fincar- nation du Mal. Dites-vous bien que notre dynastie, est comme si notre paysavat été dirigé par Jean Moulin, lefils de Jean Moulin et le fils du fis de Jean Moulin. Votre probleme, & vous autres Francais ~ et je ne vous cache pas que nous n’aimons pas beaucoup les Francais, qui ont com- battu contre nous pendant la guerre de Corée -, cest que vous méprisez Tautre. Dés que quelqu'un est incom- patible avec votre musée déologique, vousen faites un monstre. Mais votre rmusée est égocentrique et poussié- reux. Vos Lumiéres ont voulu tuerle pére, car votre Dieu état un pete, le pére de votre Jésus. Nous, n’aimons pas tuer le pére. Votre Dieu était un pére, nous cest notre pére qui est un Dieu. Notre pére, cest le président Kim Il Sung. Bt son fis nest pas Jé- sus. Son fils est le maréchal Kim Jong-ll. Qui na pas tué son pére. Bt aquimva pas été tué par son fils, le ma- réchal Kim Jong Un. Ici, les fils rendent hommage aux péres. Sinon, Jemaréchal Kim Jong Un aurait pas intitulé un des meilleurs ouvrages Menons a un brillant achévement Teewvrerévolutionnaire Juche en hono rant le Grand camarade Kim Jong-Il comme secétaire général de notre parti, nfest-ce pas? Notre maréchal a été clair ce sujet: « Nous devons hono- rerle Grand général Kim Jong-Ilpour toujours sinous voulons promouvoir comme parle passéla évolution ete développement du pays et mener ainsi Veeuvre révolutionnaire du Juche a un brillant achévement. Les sgénérations se succéderont, mais le général Kim Jong-II doit étre tou- jours le seul porterlettre de secré- {aire général du Parti du travail de Co- 1ée, Cest pourquoi nous prévoyons de faire adopter, lors dela conférence du Part, la décision de portée histo- rique de Thonorer comme secrétaire général étermel - éternel, M. Yann! — denotre partiet leader éternel de ce Iuici et de notre peuple et de stipu- lercepoint dans es statuts du Parti.» ‘Magnifique, non? i. Ou, oui ~ Les gens qui tuent leur pére sont des gens qui tuent le passé. Crest <étrange, parce que vous étes obsédés par Favenir, mais vous vivez dans le passé, Nous, nous sommes obsédés parle passé, mais nous vivons davan- tage dans avenir. Vous autres, Fran- «ais, devriez instamment abandon- nerce quest arriéré et ractionnaire dans votre patrimoine culture natio- nal. Vous devries privilégier ce qui dans votre société est progresssteet populaire. M. Yann, !hommene peut pas se passer de Dieu, mais fnale- rent, vous me Faccorderez, le Diew de Thomme, cest homme, Que croyez-vous que Dieu, s'il vit dans une sorte de ciel, puisse faire en fa- vveur de a loi surYapplication du sys- teme de Fimpot agricole? Les jeunes files sont tes belle, en Corée. ‘AuNord, oui. Elles sont magnifiques. ‘Au Sud, elles le sont moins. @ aan 018 -Le Mapuo ie = 25 Lesprit du temps Portfolio EXPOSITION LEURS DESSINS, SE SONT CROISES De Victor Hugo a Reiser, un parcours sans ceilléres dans l’histoire du dessin, concu par Frédéric Pajak. Morceaux choisis. Par Hervé Aubron ‘besoin en était, nous ve- nons de mesurer combien Tacte de dessiner nétait en rien devenu gratuit, encore ‘moins désuet. Bouclée avant le mas- sacre de Charlie Hebdo et venant tout juste de souvrir, une exposition rend agrce ala lamme qui couve toujours dans ce geste, quel que soit son re- gistre.Ledessinateur-écrivain Frédé- ric Pajak en est ’héte, sous la ban- nidre de ladmirable travail éditorial qulméne depuis treize ans chez Bu- chet-Chastel, la fois sous la forme une evueet d'une collection, «Les Cahiers dessinés». Un cabinet decu- riosités in progress, rassemblant des dessinateurs de tout registre et pedi- sree, disparus ou contemporain i lustres ou méconnus, « profession- nels » ou «amateurs »(sitantest que la distinction valle en la matiére). exposition que Frédéric Pajak pro- posedila halle Saint-Pierre estaave- nant : quelque 70 dessinateurs, prés de 700 ceuvres, depuis des encres de ‘Victor Hugo jusqu’a la scatologie ba- riolée de Vuillemin, en passant par des chiens fous surgis de nulle part, 26 Lenape S/n 2005 iia de discrets ascates tentés par Fabs- traction ou des dessinateurs de presse dans leurs travaux les moins tributaires de Factualité immédiate (Gébé, Willem, Reiser -un «expres- sionniste » selon Pajak i), afin que leur puissance graphique ne victor Huco_ (102-1885), La Lonterne ‘magique, 1833. disparaisse pas sous le masque de Téditorialiste. Le Cahier exposé nest pas un simple herbier ou une collec- tion de trophées :siensemble se rit de tout didactisme surjoué (cest un parcours libre, non une these), sil se refuse a toute restriction dans les inspirations ou techniques (mais oui, ‘on peut dessiner en peinture ou en collage), il ne se réduit pas a un pat- chwork. D’un dessinateurTautre, des, reflets, des échos, des passages se- crets, serévdlent. Parmi tous ces sil- Tons creusés :le spectre deTécriture, letrat étant souvent, dans ledessin, tenté parla graphie, et inversement, Frédéric Pajak accole lui-méme images et textes dans ses lives, tis- sant autobiographie et histoire lit rare. Le tout dernier dentre eux, Manifeste incertain 3 (€d. Noir sur blanc), été fatypique réipiendaire duprix Medicis essai: ilinvoque une nouvelle fois la figure de Vécrivain Walter Benjamin, traqueur d'images qui se considérait comme un « fia neur»et un «chiffonnier » dela mo- dernité une autre maniére de résu- ‘mer la souveraine liberté de cette exposition. « (0 Noonsdileus que Fredric ask 1 tds sa cllecion, en 2008, 86, Iméchant et hebdomadare. Une histare de ‘Chale Hebdo (1969-1982, par Stéphane Marui, 6. Buchet Chast «Les Cahiers dessins» 512. Frédéric Pajale et Philippe Garnier, sontextraite de celive ROLAND TOPOR (93e-997), La Scéne de ménage, 1975. «Topor invente ‘un monde bien pire que le pire des mondes possibles, laissant loin dertiére li les croquemitaines dela vaie vie. Quel soulagement » SAUL STEINBERG (1914-1998), Erotica Series: Hotel France et Choiseut, 1961. Yun des pilers de The New Yorker « Labstraction demeure comme ‘une possibilté permanente, toujours en isitre de la figuration. Ses personages sont sue point de se transformer en higroglyphes idéogrammes.» suntan 018 -Le Mapaio ie = 27 Lesprit du temps > Les Choses de moi, 1995. «Fred Deux dessine des chiméres comme sil {es avait radiographiées. Il en connalt non seulement cee anes titre, 1964. Tol dese ester pour enfants, es la rontiére entre a peintur, le dessin dhumour et vilonst promis au sucks aux Etats-Unis il event bratalement illustration [..} entre expressionisme et comic strip » une vie de vagabond jsqu’a son ntermement~ durant leque i Leaps ine LouIs PONS (1927), La Rencontre incongrue, 1968. «|..] le regard es attire par la pat la plus inexticable, qui peut aller d'un simple entrelacs de tentaculs et de ners 8 un vértable brouillaed de tras. [.] Cest dans ce compost que se forment les éléments favoris qui jilissent dela plume ou du burn :animalcule, globule, radcele,artériole, mais ausi sein, cl, crdne, fetus et enfin organisme enter, anima, oiseau, corps humain, » Rendez-vous DURAS REFAIT LA BETE « NOT I/FOOTFALLS/ ROCKABY » La Béte dans la jungle/La Maladie de la mort, DE HENRY JAMES ET DE MARGUERTTE DURAS, rise en sine de Cli Pauthe,Thétre de a Coline, 15, rue Malte-Brun, Pars (20) « KAFKA- Du 26 fevrier au 22 mar. FRAGMENTE » lest rare de lite dans La Pléiade un texte issu non d'un manuscrit, mais d'une improvisation orale. est pourtant ecaspourla« traduction » de La Bete dans a jungle de Henry James par Mar- gueriteDuras.Entendons-nous :dans«LaPléiade i Duras». En 1962, un écrivain américain, James Lord, demande a Duras de contribuer a Tadapta- tion théatrale en francais dela longue nouvelle de Henry James. Prés de vingt ans plus tard, Duras reprend le texte de cette adaptation et improvise a Toral une nouvelle version, nettement plus « durassienne», Elle est enregistrée par Alfredo Arias, qui monte la pie avec Delphine Seyrg et Sami Frey. Lannée suivante, en 1982, Duras rit LaMaladie dela mort Dans es deux euvres,un homme, une femme, et leu distance iréductible. Clie Pauthe a relu ces textes et ena fait un seul et méme spectacle Commeuune poupée russe, La Maladie de la mort sort de La Béte dans lajungle. Valérie Dréville sort de scéne, John Arnold reste seul, et Tespace se dilate autour de hui, comme sile décor souvrait pour las ser passer dans le second texte ce qu était refoulé dans le premier. Leduo cédela place un tio ot instance narrative adresse au per sonnage masculin qu'elle désigne par un « vous ,tandis quille raconteles fits et gestes du personnage féminin en la désignant par un «elle». Valérie Drévilledevient alors le «je » qui sadresse a John ‘Amold et narre les mouvements de Mélodie Richard. Pour Denis Loubaton, collaborateur artistique, si Henry James a caché sa vie, une pudeur qui vira souvent a Fobsession, Duras a fait de sa vie tune ceuvre d'une impudeur revendiquée et pourtant, tous deux frappentlaméme porte, ellequisépareThomme ela femme, sur lemotif de limpossibilité dimer. © Christophe Bent 30 Leeper S/n 2005 GYMNASTIQUES BECKETTIENNES Not /Footfalls/Rockaby, DE SAMUEL BECKETT, mise en scine de Walter Asmus, ‘Thédtre de TAthénée, square de Opéra Louis Jouvet, Paris (@). Dal au 15 mars autour des pidces courtes de Beckett. En voic trois, ’ages et de provenances diverses, Beckett écrit NotI (@asmoi) en 1972, de retour d'un voyage Malte ot ila vwune Déco- lation de saint Jean-Baptiste du Caravage : la scéne montre une Douche située a trois métres de hauteur, enveloppée dobscurit, parlant a un auditeur, simple silhouette indéterminée. En 1975, Beckett confi Fotfals (Pas) son actrce britannique prférée, Bil lie Whitelaw (morte le 21 décembre demier), pour un dialogue ala limite dela folie entre une femme etsa veile mére, sur fond de pas nrvoubliera jamais Godot. Maisily a ces dont lascansion rythme les échanges de paroles. En 1980, enfin, a Tinvitation d'un professeur américain, Beckett érit Rockaby (Ber ceuse), oi une ferme vieile se balance en écoutant sa voix enre- sgistrée: un nouveau réle pour Billie Whitelaw. Uannée suivante, Beckett écrit a Walter Asmus, qui fut son assistant sur la mise en scéne allemande de Godot: « Physiquement je vais plus ou moins bien - mais ai Tesprit dans un sale état.» La scene aussi, pour les comédiennes est une épreuve physique et mentale. On nele cro rait pasa la lecture, qui peut donner une impression de neutralité Lisa Dwan actrice irlandaise qui reprend iciles rles de Bille Whi- telaw sousla direction de Walter Asmus,confieainsi:« Peude gens saventce quecest davoir tout son systéme nerveux écartlé ainsi. Peu de gens savent ce que cest d@tre suspendue dans le noir com- plet, et encore moins Phorrible diffculté que représente Fappren: tissage d'un texte tel que Not! ou de jouer une des pices les plus diffciles jamais écrites. » Bille Whitelaw avouait avoir attaché sa tétea un fauteuil dentaie pour répéter; Lisa Dwan coingala sienne entre deux barreaux de sa rampe en bredouillant pendant des heures ~ «afin d’entrainer ma bouche et mon diaphragme a parler A lavitesse dela pensée sans bouger d'un millimétre », Alors, Bec- ett, grand écarteleu, bourreau sublime? « J'aurais marché sur du verre pour cet homme », dit encore Billie Whitelaw, qui donne de la pigce un point de vue absolument performatif: « 'y ai perdu une partie de mon moi, et ga ne st jamais arrange. RENCONTRES L’ESCALE DE BORDEAUX 13° Escale du ive, Bordeaux, worw.escaledlivrecom/ Dul0au12 ava. "Escale du livre, un salon ittéraire? Certes, on ytrouvede nom- breux auteurs des rentrées automnales et hivernales venus présenterles fruits de leurs deniers efforts, mails rencontres| ‘ysont trop nombreuses pour queTévénement soit réduit asa dimen- sion commerciale, Sagitil d'un festival? Oui, et non : sles ren- contres abondent, les libraires ne sont pasrelégués au second plan. « Jaitoujoursrefusé de choisir entre salon et festival, etnous avons réussi a faire tenir cela ensemble, explique Pierre Mazet, président de ces rencontre. J'ai voulu un salon généraliste ola bande des singe et la littérature jeunesse tiendraient une place importante ‘pour décloisonner les public et les générations.» Pari gagné: non seulement FEscale du livrea rencontré un vaste public (42000 vis teurs Yan demier), mais elle est devenue un jalon important dans Ja promotion d'un livre, reconnu comme tel par les auteurs, qui y reviennent volontiers. « Amaud Cathrine, Anne Wiazemski, Lau rent Gaudé, Michal Lesbre, éonor de Recondo, Laurent Mauvignier, qui seront la cette année, sont un peu, aujourdhui, des compagnons de route. De méme, Timothée de Fombelle en jeunesse ou Régis Lejoncen bande dessinée.» Cecompagnonnageconcemne aussi les maisons d'édition. « Leur confiance nous permet d'inviter des auteurs étrangers assez rare. Milena Agus, par exemple, qui se ees { <éplace tris peu, et qui sera chez nous. De méme pour Lidia Jorge. Btje suis tes fier derecevoirla romancire sradlienne ZeruyaSha- lev. » Les invitations ont été lancées bien avant queactualité nim: pposeles themes dela iberté expression, mais cehut-ciserabien au eur de certaines rencontres.« Nous sommes en train de finaliser un débat sur la question de la ibertédopinion, en la confrontant Aa liberté de religion, sans réduire bien stir cette question a Fis Jam, » De méme, Tactualité sera incarnée, en quelque sorte, par le ‘and écrivainet alpiniste italien Eri De Luca, qui, le 16 mars, aura ‘yu commencer son procés pour incitation au sabotage de la ligne de TGV Lyon-Turin. Enfin, notons le got de a transdisciptinarité caltivé par cette Escale. Arnaud Cathrine, spécalste de Fexercce, livrera une lecture de son dernier recuell de nouvelles le dessina teurRégis Lejoncse retrouveraau centre d'un concert-performance, Léonorde Recondo, romancire et viloniste,feraentendre son ins piration musicale et littéraire. Logique:: Cestlors des escales que Ton jette des passerelles..e Jeon etn SALON CONNEXIONS A BRON 29" Fate du live de Bron, hippodrome de Parl, entrée ibre, ‘wor feteduliedebron.com/ Du 6 a4 8 mats semble, cest tout, écrivait Anna Gavalda. Bt« Quest-cequon en commun? », se demande la Féte du live de Bron pour savingt-neuviéme éition. Une question dactualité,aPheure des interrogations identitaires, laquelle le festival fournit, par Vintermédiaire de ses invités et des rencontres, de multiples xéponseslttérares. Vendredi6 mars, 17 heures, Jérdme Ferrari et Laurent Mauvignier sintéresserontla place quelion occupeen cemonde. Lelendemain, 14 heures, Hubert Mingareli, Antoine Choplin et Dov Lynch regarderont «la guerre dans le viseur». A 17 heures, Florence Aubenas présentera sa « France & hauteur homme», Dimanche, Olivier Adam et Donal Ryan s'intéresse- ront, quant & eux, au roman choral (tl le dernier Olivier Adam, Peine perdu) et son adéquation avec le roman socal. Citons 6ga- lement la rencontre rassemblant John Burnside et José Carlos Somoza sur Técriture noire « Se donner un genre») et celle qui réunira deux auteurs quise connaissent bien - Virginie Despentes ct Philippe Djian - autour d'un théme quis maftrisent parfaite- rent («Les illusions perdues »). Et notons les présences Bric Reinhardt, Francois Cusset, Serge Joncour, Simonetta Greggio, Olivier Cadiot et Minh Tran Huy, entre autres. © oH @ HPPELFELD DES MOTS POUR LA WHE: 1019 MARS, HISTOIRE D'UNE VIE THEATRE71.COM 0155 48 9100 ATS ua No HAC PM ATEAT BE Vaves NSS 205-Le Maine innie “31 Grand entretien KAMEL ; DAOUD de ee hs is Le caustique chroniqueur du Quotidien d’Oran a frélé le dernier prix Goncourt. Test depuis décembre la cible d’une fatwa, émise par un imam salafiste. Rencontre avec un ancien islamiste converti a L’Homme révolté de Camus. Propos recueillis par Pierre Assouline Photo Richard Dumas pour Le Magazine littéraire ‘Vous aussi, vous étes Charlie? aoe ovo. tre Charlie oune pastétre? Pourmoilechoix est clair. Jai méme été lynché médiatiquement pour ¢a par la presse islamo-conservatrice. Pour avoir écrit quentre un dessinateur et un tueure choiss le dessinateur. Charlie tendance Voltaire? Lallberté demeure & mes yeux la valeur fondamentale. Je sfadmets pas que quelqu'un quine meurt pas ma place pré- tende ive maplace. Mon fantasme de bert, quiest pro- fond, particpe certesphusde motif que dela éflexionintel- lectuelle. Latteinte aux libertés, la mienne comme celle autrui,est un spectacle quia le don de provoquerma cole. a,cestintolérable, car ma liberté est toutce que je posséde. Nul ale droit de a négocier a ma place. Mais, le Voltaire du Traité sur la tolérance,il vous touche? n'a jamais été un totem dans ma construction. Parfois on se revendique de généalogies fctives, parfois on subit des influences notre insu Jai croiséetrecroisé Voltaire au fur et mesure de mon évolution. Ilest dans mes parages sans que jen fasse une idole pour ma vision du monde. Il est 32 Lenape ire 855/205 ailleurs curieux de constater la renaissance de certains philosophes, phénoméne lié & notre vécu des crises. Pus qu'une actualisation de leur pensée, cest une véritable résurrection, ‘Vous &tes autodidacte? Sai été a Técolealgérienne arabophone. J'ai appris le fran- ‘ais presque tout seul, en procédantparrecoupements, dans mon village, prs de Mostaganem. Jentretiens un rapport de dissidence avecla langue car, pour réver et fantasmer, jai choisitrés jeune le francais. Pour les générations qui mont précédé, ctait la langue de la domination, alors que, pour moi, Cest farabe qui représente lautorité. La langue fran- aise m’a révélé le comps féminin : « lle savanga vers moi nue. » Quel choc quand jai lu ga! Mon premier rapport &la langue francaise fut érotique, méme si cette phrase se trou- vait dans un roman policer. En fait, jen’ pas eu de maitre: je suis fenfant d'une bibliothéque désordonnée. Pas daccés aux lives, pas de librairie. Juste une petite bibliothéque a école. Btune quinzaine de livres ches mes grands-parents chez qui je viva. AURE ‘Meursault, contre- fenquéte, KAMEL aouD, (64. Actes Sud, 160,19 Kamel Daoud & Pai, jorwier 2015, De toute facon, la raie patre d'un écrivain, est sa langue, non? On peutle dire ‘Alors vous &tes frangais? Algérien, Je ne suis pas francais, et je ne veux pas suisreconnaissant ala langue francaise de avoir fait décou- vrirnon seulement sa culture mais|e reste du monde. C'est suis bilingue. Mais il tes de fiction en cette ouverture qui est importante. est vrai que je né arabe, Le marché en langue francaise est tout de méme plus porteur, alors quilest maigreet fragile en arabe. Hemingway disait quon écrit toujours sous le regard de quelqu'un, quill ue Ton déteste ou qu soit mort ou vivant, fon aime. On écrit aussi pour séduire des gens dont on veut attirer le regard. Cette séduction fait partie du jeu sans étre la force ‘motrice de lécriture, car on écrit aussi pour fabriquer du ut de méme. -on traité de « trate », quelqu’un quifuit >>> Grand entretien KAMEL 2 DAOUD >>> sarace comme le narrateur de votre nouvelle « Yami dAthénes »? ‘Traitte, Juif, hark... Le catalogue habituel! Dans les jour- naux, surla Toile et les réseaux sociaux. En Algérie, je pro- vogue des passions contrastées. Quand un imam allancé un appelau meurtre contre moi, ily aeu des manifestations de rue pour me soutenir, ce qui est trés rare, Etle régime? laisse faire, quil Sagisse desislamistes, des conservateurs, des jalowx, des nationalistes, des communistes, de ceux qui sont dans une posture de modernité mais narrivent pas a choisir, sans oublierles lites de gauche algéroises horrifiges Tide qu’a Oran un éerivain serichisse avec sa plume! Le régime veut cairement me pousser Tex, Quand on écrit, comme e le fais, plusieurs chroniques par jour tous les jours sur tousles fronts avec un esprit critique, on perd desalégi- timité et de son influence deés lors quion le fait depuis la France. Alors pas question que je parte. Il faut partager la rue et la poussire de ceux auxquels on s'adresse. Leur seul ‘moyen de me pousser a partir, est de me faire peur, donc de licher la meute sur moi. En fait, ce que tous ces gens de tous bords politiques ne supportent pas cesta singular. (Gadepasse leur entendement clanique quel'on émerge seul en défendant les valeurs de individu. West vrai que le « je » est maudit par les mosquées.. Quandon pense que, pour répondreau slogan «Jesuis Char- lie» ilsontlancé « Nous sommes Muhammad »(Mahomet)! (Cavveut tout dire. ls sont dans le collectf. Le régime aussi refuse le je. Or mon narvateur, dans tous mes textes de fic tion, sexprime toujours a la premiére personne. Le je est devenu un enjeu. Surtout sion ose toucher aux trois dieux trés susceptibles de TAlgérie : Histoire, Islam, FArabité. ‘On vous en veut écrre en francais, et non en arabe, et avoir rompu avec la fameuse proposition de Kateb Yacine ‘qui voyait dans Ia langue francaise « un butin de guerre »? Entreautres choses... ly ace quise dit couramment en Algé- rie, ete qufonm'apasle droit de dire quand on est en France. Je veux vivre le présent et je ne crois pas que la France soit responsable de tout. Lislam? Je nai pas de probléme avec Ji. Mais je me pose la question en quoia-tilétéutilefhu- ‘manité? Que on soit musulman de conviction, de foi ou de culture, que luia-ton apporté? Quant a Tarabité, elle m‘ap- partient mais je ne ui appartiens pa. ‘Vous étes un musulman identitaire? Disons un musulman culturel. Mais je refuse les dogmes et les rites. Mes rapports avec Dieu ne concernent que lui et ‘moi. Quand ele verrai, elu dirai:« Trop de médisanceentre nous deux.» ‘Vous aver passé huit ans parm les Fréres musulmans dans votre jeunesse. Qu’est-ce qui vous en reste? (Cétaitun mouvement clandestin a Mostaganem, quia pré- cédéle FIS. Cette expérience mide mieux comprendre les Lenape ire 55/2005 islamistes: ai lu leurs auteurs et je connais parfaitement leurs références religieuses. Jen ai gardé de la core, parce que ce qui état pour moi une quéte d’ame participat d'une sorte desournciserie générale is poursuivaient un but pol- tique.Ily a quelque chose de fondamentalement insincére la-dedans. Jen parleavecaisancecarjeaivécu deFintérieu. Jen‘ai aucune culpabilitévis&-vis de islamisme. Queest-ce qui vous a permis d'en sortit? La lecture, beaucoup de lecture. Des grands poétes soufis publié par les éditions Sindbad, chez Actes Sud, qui inon- daient [Algérie alépoque, la poésie de Vage dr, celle des al- ‘Mutanabbi,al-Ghazal, Abit Ala al-Ma‘ai. Je vivais comme tun compromis de lie un texte musulman de prestige mais en langue frangaise. Pusily aeules poétes francais, Baude- laire notamment pour sa morbidité chantante qui ma vrai- ‘ment marqué. Et surtout un texte philosophique de Camus, L-Hommerévleé, qui m‘avait vraiment bouleversé I arrvait point nommé et mapportait des réponses. Je suisallé vers Juipourassurermon salut,enavais vraiment besoin, Sicette urgence, cette nécessité de ie et décrre venat disparaitre en moi, eh bien je me remettrais au dessin! Mais, question audience, vous trouver qu’un écivain fait le poids face & un imam? (a dépend de ce quion cherche et du désir quon aen so. Si ‘onveut juste se soumettre et abdiquer, un imam suffit. Mais, pour interroger Dieu, il faut des podtes, des écrivains, des philosophes. «ll tuent au nom un livre, je me défends au nom des autres livres », aver-vous écrit dans une chronique. est aussi simple que cela? Pas str que ce sot tellement plus complexe. Ca correspond ala réalité. Pour Boko Haram, iln'y a qu'un live, et tout y est contenu. os éditeurs, Sofiane Hadjadj et son épouse Selma Hella, vous ont offert un séjour & Tikjda, dans les montagnes du Djurdjura. Mais quest-ce que ca a changé? Je suis un chroniqueur compulsif. 'écris jusqu’a cing chroniques par our. ls mfont fait suspendrema production, mont dédommagé et mont envoyé dans cette ville de Kaby- lie 8 1600 metres daltitude juste pour écrire mon roman, tout prés du chalet ob a été assassiné récemmentIalpiniste frangais. est la que fai écrit la premiére matrice de Mew sat, contre-enquéte. Estil préférable avoir lu Lftranger avant de ire ‘Meursault. contre-enquéte? (Ca dépend du lecteur. Un message recu sur Facebook ma beaucoup intéressé, Celui d'une femme qui navait pas lu LEtranger avant, Ya fait aprés avoir lu Meursault, contre- enquéte, et m'a écrit: « Derriére chaque mot de Camus, je pensais & fautre famille.» Ce qui m'a touché, cest quelle nit pas dit « Tautre fiction » ou «autre livre», mais « autre famille», preuve que javais eréé un monde et des personnages. Au fond, cest une expérience Dg liberté ma aidé A avoir confiance en alittéra- assez perverse de partir de mon roman pour fiirsr9] ture, Jelisas n'importe quoi, nimporte com- aller vers LBtranger. ry) ‘ment, tout en découvrantla langue tout seul Pourtant, Cest moins LEtranger que eam Jerclisaisavidement des dizaines defois Le 1a Chute que vous aimez? [i397] ystrieuse de Jules Verne. Oui, car cestle roman le plus «sincére», si ESM EEAEES Mais qu’est-ce que vous placer au plus toutefois cette valeur correspond. Ine faut [CREAM haut jusqu’a le reir régulirement? ‘as y voir un jugement littéraire, mais une réaction démotion, Cest son roman le plus religiewx, celuiodilaparlédesoname.LBtran- _gerest une construction fabuleuse, insolente, ensorcelante aussi. LaPesteest également une ‘magnifique construction, Alors que La Chute estune confession oi laquestion dusalutest [Mfzors] cengagée; la, on est dans la douleur, pas dans interrogation philosophique; est un roman qui ma bouleversé tout en me fascinant par son style. Les livres de Camus vous ont aidé? Ala sortie d'une grande période religieuse dans ma vie, la lecture du Mythe de isyphe et surtout cellede Homme révoltém‘ont étéd'un grand secours. Ils m‘ont aidé a sortir, & construire quelque chose dautre.Leslivres ont a vertu dentretenir des conver- sations is se parlent, un renvoie autre, tains de suite; il suft alors de préter foreille pour découvrir que chaque livreen raconteunautre. Quandétaisgaminet quejen‘avais plus rena lire, jinventais des histoires uniquement partir des titres au dos des livres signalant les «A paraitre » ou les ««Défa parus ». Btaprés, eles cherchais pendant toute fan- née. La premitre fois que je suis venu en France, je me suis précipité la Fnac, mais y avait tellement de livres que ¢a ria donné mal au ventre : tous les lies que je voulas lire depuis silongtemps étaient a ‘Quy ail dans votre panthéon litéraire? Taime cette question car, sion ne choisit passes parents, on ala Foccasion de trouver sa famille esprit. En général, les <écrivains se donnent une parenté prestigieuse, ou étudiée; ilsmentent. I faut bien trente ans pour voir que es auteurs dont on se réclame et ceux qui nous ont forgés ne sont pas toujours les mémes. La sincérité vient avecTge. Jai aiméla profusion de styles chez Henry Miller, cet Américain quinous parlait de Paris. 'Albert Camus, que j'ai beaucoup lu, je n'ai pas tout lu, carjen‘aipasréussi tout trouver. Des écrivains arabes, la littérature d’Burope de IEst. Je lisais dans un désordee absolu en fonction de ce que e trouvais. ilu En um combat doutewx de John Steinbeck sans savoir que était deluicarilmanquait a couverture etles cinquante premiéres pages. J'ai lu nombre de classiques en commengant par le troisiéme tome par exemple, en fonction de ce qui avait été abandonné jadis par les Francais dans les maisons, que les villageois avaient trouvé et quils me rapportaient. Cette Doni} Petree reer ad ern ey Ported Sabine Wespieser. Ce tinaaa eat chez Barzakh & Ages, tet) eer Se etiabea! rons Sanshéster: Mémoiresd'Hadren. Une immen- sité. Je le range parm les cing livres sacrés aprés la Torah, la Bible, etc. A 30 ans, cest Lure au noir qui male plus bouleversé. Quand ailu histoire de cethommené entre deux époques, une qui meurt et une quim'ar- rive pas naire, le poids du lergé, cette petite bourgeoisie, ces monarchies montantes, les falgurantes intuitions sur Yavenir, une dis- céte vision de a liberté que le héros fnit par payer de sa propre vie, fi été convaincu que Marguerite Yourcenar parait de notre temps cetnon du Moyen Age. Cest denous quis agit, aujourd'hui. Cest curiewx mais jy puise dela foi. J’aimerais tant parvenir a sa précision dans e style. Le mot qu'il faut, la oi lle faut. ‘Alice Kaplan, qui a consacré son séminaire & université de Yale Yan demier & Meursoul,contre-enquéte, ‘est live & un examen comparatif précis de Iédition algérienne et de Vdition francaise de votre live, et les différences ne sont pas anodines.. Eneffet. Dans édition originale, ily avait des phrases entre- tenant une confusion délibérée entre Albert Camuset Meur- sault, J'ai di les supprimer dans Védition frangaise & la demande des ayants droit de Camus, car Meursault est eur propriété Ila fallu passer un accord, ainsi jai pu me servir de Camus. La question centrale du roman, cest bien: Que faire dela mémoire coloniale? Plutét : Comment sen ibérer. Sans point d'interrogation. Dans une de vos récentes chroniques, « Nimexiler rime prosterner », vous dites pourtant votre aversion ‘pour la mémoire, la nostalgie, le souvenir qui scérosent ‘os sociétés. Uhistoire aussi? (Cestvraiquela colonisation a été un crime, maisje suis fati- gué de porter ¢a. Toute cette mémoire franco-algérienne faussele présent et notre présence aumonde. Jevisles choses ‘maintenant, je vis les choses maintenant, et sijeles perds, est moi qui les perds, pas les autres. est ma responsabi lité. Je me sens lenfant d'un fantasme de Thistoire depuis école; onnousa intoxiquésavecThistoire, dansles manuels scolares, dans ls lives, la télévision, ily avait trop d’his- toire vécue comme un déniet une dévalorisation duprésent. ‘Jaifini par comprendre quecétait uncle dela mort. his- toire est morbide. Je Tai détestée parce quille me >>> aan 018 -LeMapao ie = 38 Grand entretien KAMEL DAOUD >>> clpabilisait. Elle me dsait: tout cela,on fa fat pour toi. Onme demandait de mexcuser d’trené aprésla guerre. ‘Taicompris que allaispasser ma vied rembourser unedette ‘que Javaiscontractée avant méme de venir au monde alors que je ne dois rien a personne. Quelle arnaque! Jadmire le ‘courage des hérosquise sontbattus pour ibérerle pays, mais jene veuxpasle payer toutema vie. Latristesse quiimprégne Algérie vient de ceculte dela mort, de histoire et du cime- tier, un cute construit politiquement et culturellement. Meme les islamistes vous disent que a ve ic-bas ne vaut rien et quil faut tout miser surla vieau-del Tout lemonde cherche a vous voler votre présent. ‘Vous n‘aver pas eu le Goncourt mais presque. Comment Faver-vous ressenti? ‘Mon roman avait connu une trés belle aventureilavaitren- contré un beau succés; pour moi, cétait plus que suffisant. ‘avais eu plusieurs prix. Et puis 100000 exemplaires, est defordre du miracle. Mon seul regret, est quen ne hi don- nant pasleGoncourtlejuryalaissé échapper foccasion d'en- voyer un message trés fort aux éltes francophones un peu partout dans le monde. Jétaisrécemment au Sénégal et jai t8 stupéfié de voir que les lycéens et les étudiants avaient suivitousles épisodes du Goncourt avec un grand espoir. Je miattendais dune telle déception en Algérie, pas ailleurs. Etvous? Franchement, non. Je nai pas été dégu parce que esais que, pourun premierroman, une tlle écompense peutaussiétre destructrce. D'étre arivé si prés du prix va méencourager A écrireencore.Leplusdréle,cest quaprés le résutatjaipassé toute la semaine a consoler les lecteurs au téléphone ou sur Facebook. Au fond, e n'a pas réagi en auteur du live mais en journaliste engagé. Jeme sus dt : quel dommagel fran- chement : quel dommage! Le Goncourt pour ce livre qui énonce fabsurdité dela vengeance de’Arabe contrele Fran- ‘ais, a aurat pris tout son sens vis-a-vis des islamistes et des conservateurs qui me harcélent. Ils n‘apprécient pas vraiment votre marque de fabrique : la causticité, ue ce soit dans vos chroniques du Quotidien ‘Oran ou dans vos textes de fiction. est vai, cest le mot. 'aimelles formules dures, coupantes, percutantes. Léconomie du mot, ca s'apprend a Fécole dela chronique, quand ona 3400 signes et pasun de plus. Jaime secouer le lecteur, déranger les gens qui sont dans le mythe dela vanité nationale ’avoirvaincu la France. «Alger la Blanche? Il n'y a rien de blanc dans cette vill, le drap d'une pute nest jamais blanc », ériver-vous dans Le Minotoure 504... Et, dans une autre de vos nouvelles, « Gibrl au kéroséne », vous écriver:« Un vai verset satanique que celui qui me trote dans la tte : “Un Arabe est toujours plus célébre lorsqull détourne tun avion que lorsquil le fabrique!” » CCaustique et ludique! Le journalisme nous a appris que le 36 Lenape re SS 2005 QUAND J‘ETAIS PETIT, JE VOULAIS ETRE COSMONAUTE. AVEC LE TEMPS, J'AI COMPRIS QU’UN ARABE, Co We na) Ae lecteur était un fainéant. Il hésite entre huit articles dans tune double page. I fautFattraper par le col, ui proposer une réflexion, si possible intelligente, tout en le faisant sourre, mais sans jeux de mots gratuits. ‘Vous sembler animé par un absolu de la littérature, jamais dans le compromis. Cesta, le plus important? ui, carla vie est trop courte. On na pas le temps de transi- ger sur ce & quoi on croit. Ma vie m‘appartient! ‘Vous sembler toujours en colére! Crest vrai, Et ma core est aujourd'hui mon moteur. Ca me met en colére quion me demande de me justifer, on me somme de mexpliquer. Je ne fais quécrie, je vattente pas Alavie desautres. Quelle époque désastreuse oti faut mettre des polciers armés entrée une libraire pour qu'un écr- vain puissey dédicacer des livres en sécurité! Je suisné dans tun pays étouffant, qui est rest, et jen suis désenchanté, Quand étas petit je voulasétrecosmonaute. Avecle temps, fai compris qu'un Arabe, ca ne décolle pas. Ete prochain livre? I parat que vous travaller actuellement autour des cimetiéres en Algérie. ‘Trop tot pour en parler. Je ne préfére pas, par superstition et pour garder ma capacité de séduire. Ona tous connu des hommes quiracontaient tellement. leursamis quilsallaient séduire une certaine femme, et finalement rien ne se pas- sait, Je ne voudrais pas étre dans ce cas. Cela dit, cest vrai, cela tournera autour des cimetiéresen Algérie, mais pour se débarrasser dela mémoire. ‘Vous écriviez pour votre pére, pour quil soit fer de vous. Il est mort en octobre demier. Et maintenant, pour qui écriver-vous? Jevous jure que le probléme se pose depuis ce moment a. En le perdant, jai perdu mon ressort. Cétait quelqu'un de particulier, militaire depuis son adolescence, quiparlattrés peu. On ne se parait pas, on s'écrivait. Un jour, aprés une dispute familiale, pour sexpliquer, il mavait écrit, carl ne pouvait mele dre; jeluiairépondu;ilm’arenvoyémalettre avec toutes les fautes 'orthographe soulignées, Jairetenu 1a legon. Il ne m’a jamais montré sa tendresse jusqu’a ses derniets jours. Ilétaittrés content du succds demon roman. De toute notre tribu, il était le seul a savoir lie et écrire, a comprendire ce que cela pouvait signifier qu’on parle de moi dans un journal francais. Quandil est mort, jai perdu mon seul lecteur. ESCALE LiIVRE avril 2015 BORDEAUX www.escaledulivre.com oe : Saat: ray Cay ara a a ee aha Fst ma gag Apres Charlie : Voltaire, le retour Lattaque de Charlie Hebdo a décidément de surprenants effets : le Traité sur la tolérance de Voltaire bat depuis tous les records de vente. L’ceuvre philosophique de lécrivain était pourtant mise au placard, sinon brocardée en France. Tout cela ne va pas sans malentendus, hier comme aujourd'hui. Par André Versaille Fondateur des éditions qui portent son ‘nom, le Belge ‘AndeéVersalle, 66 ans, est aussi cessayiste, auteur d'un Dictionnaire de la pensée de Voltaire par ui-méme (44. complexe, 1994), de Voltaire, un Intlfectue! contre Ie fonatisme (da Renaissance >> Sati 205- Leap e389 >>> protestante était au comur du ‘combat contrefintoléranceet le fana- tisme religieux, et pour le triomphe de « Fesprit philosophique » qu'il voulait voir instaurer en Europe. Li justice dont fut victime Calas étant ui, un Voltaire musulman serait préciewx pour réenclencher un mou- vement des Lumiéres salutaire au monde musulman. Done au monde tout court. «| etre ouverte ‘umonde ‘musulman sur este quebec. hfingtonpostca/ Phosophe et vin rani, Abdennou Bidar ext auteur de phseus ‘sis conc ‘a plosophi de ‘areligion, sotamment patie etades su slam ‘Narepts Femisson «Cures som » Su Fance Cre {prs a dsp deson céater, Abdebshab Madeb, 184 015 -La Mapai ike = Traité sur la tolérance (CHAPITRE PREMIER Histoire abrégée de la mort de Jean Calas cemeurtre de Calas, commis dans Toulouse avecle glaive de 1a justice, le 9 mars 1762, est un des plus singuliers évé- nements qui méritent attention de notre age et de a pos- térité. On oublie bientdt cette foule de morts qui a péri dans des batailles sans nombre, non seulement parce que cest la fatalté inévitable de la guerre, mais parce que ceux qui meurent parle sort des armes pouvaient aussi donner la mort leurs en- nemis, et niont point péri sans se défendre. La oit le danger et Yavantage sont égaur, létonnement cesse, et la pitié meme safaiblit; mais si un pere de famille innocent est livé aux mains de Yerreur, ou de la passion, ou du fanatisme; si Taccusé na de défense que sa vertu sles arbitres de sa vie nont a risquer en égorgeant que de se tromper; sls peuvent tuer impunément par un ar, alors le cri public sve, chacun craint pour soi-méme, on voit que personne nest en streté de sa vie devant un tribunal Grigé pour veiller sur la vie des citoyens, et toutes les voix se réunissent pour demander vengeance. I sagissait, dans cette étrange affair, de religion, de suicide, de paricide; il s'agissait de savoir si un pére et une mére avaient étranglé leur fils pour pair & Dieu, siun free avait étranglé son frére, si un ami avait tranglé son ami, et sls uges avaient& se reprocher davoir fait mourir sur la roue un pére innocent, ou avoir épargné une mére, un frére, un ami coupables. Jean Calas, igé de soixante-huit ans, exercait la profession de négociant & Toulouse depuis plus de quarante années, et était reconnu de tous ceux qui ont vécu avec lui pour un bon pee. I Gat protestant, ainsi que sa ferme et tous ses enfants, excepté tun, qui avait abjuré Thérésie, et a qui le pére faisait une petite pension. Ilparaissait i loigné de cet absurde fanatisme quirompt tous les liens de a société qu'il approuva la conversion de son fils Louis Calas, et ql avait depuis trente ans chez lui une servante 2élée catholique, laquelle avait élevé tous ses enfants. Un des fils de Jean Calas, nommé Marc-Antoine, était un homme de lettres: il passat pour un esprit inquiet, sombre, et violent. Ce jeune homme, ne pouvant réussir ni a entrer dans le négoce, auquelil était pas propre, nia étre regu avocat, parce quilfallait des certificats de catholicité quil ne put obtenir, résolut de finir savie, et fit pressentir ce dessein un de ses amis; il se confirma dans sa résolution par la lecture de tout ce qu’on a jamais érit sure suicide. Enfin, un jour, ayant perdu son argent au jeu, il choisit ce jour la ‘méme pour exécuter son dessein. Un ami de sa famille et le sien, (2 Lenape re S205 nommé Lavaisse, jeune homme de dix-neuf ans, connu par la candeur et la douceur de ses meeurs, fils d'un avocat élébre de Toulouse, était arrvé de Bordeaux ville; il soupa par hasard chez les Calas. Le pére, la mére, Marc-Antoine eur fils ing, Pierre leur second fis, mangérent ensemble. Aprésle souper on se rtira dans un petit salon : Mare-Antoine disparut; enfin, lorsque le jeune Lavaisse voulut partir, Pierre Calas et lui, étant descendus, ‘rouvérent en bas, auprés du magasin, Marc-Antoine en chemise, pendu a une porte, et son habit plié sur le comptoir; sa chemise nétaitpas seulement dérangée; ses cheveux étaient bien peignés ilnavait sur son corps aucune plaie, aucune meurtrissure (On passe ici tous les détails dont les avocats ont rendu compte ‘on ne décrira point la douleur et le désespoir du pére et de la ‘mere; leurs crs furent entendus des voisins. Lavaisse et Pierre Calas, hors ’eux-mémes, coururent chercher des chirurgiens et Tajustice. Pendant quis sacquittaient de ce devoir, pendant quelle pére et lamére étaient dans les sanglots et dans ls larmes, le peuple de ‘Toulouse s'attroupe autour dela maison. Ce peuple est supersti- tieux et emporté; il regarde comme des monstres ses fréres qui ne ont pas dela méme religion que lui. Cesta Toulouse qu’on re- ‘mercia Dieu solennellement de la mort d'Henri I, et qu’on fit serment 'égorger le premier qui parlerait de reconnattre le grand, le bon Henri IV. Cette ville solennise encore tous les ans, par une procession et par des eux de oi, lejour ot elle massacra quatre mille citoyens hérétiques, ily a deux siécles. En vain six aneéts du conseil ont défendu cette odieuseféte, les Toulousains Tont toujours célébrée comme les jeux foraux, ‘Quelque fanatique de la populace s’écria que Jean Calas avait pendu son propre fis Marc-Antoine. Ce ci répété, fut unanime ‘en un moment; d'autres ajoutérent que le mort devait le lende- ‘main faire abjuration; que sa famille etl jeune Lavaisse Yavaient ‘étranglé par haine contre la religion catholique : le moment >> 1 S/tn018- Le Mapai ae = 43 Traité sur la tolérance >>> combat long et violent, sans des cris affreux qui auraient appelé tout le voisinage, sans des coups réitérés, sans des rmeurtrissures, sans des habits déchirés. était évident que, sile parricide avait pu étre commis, tous les accusés étaient également coupables, parce quils ne étaient pas quittés d'un moment; tat evident qu'ls ne étaient pas;il était évident que le pare seul ne pouvaitlétre; et cependant arrét condamna ce pére seul &expirer sur a roue. Le motif de larrét était aussi inconcevable que tout le reste. Les juges qui étaient décidés pour le supplice de Jean Calas persua- rent aux autres que ce vieillard faible ne pourrait résister aux tourments, et quil avouerat sous les coups des bourreaux son crime et celui de ses complices. Is furent confondus, quand ce vieillard, en mourant sur la roue, prit Diew a témoin de son innocence, et le conjura de pardonner ses juges. Is furent obligés de rendre un second arrét contradictoire avecle premier, délargir la mére, son fils Piere, le jeune Lavaisse, et la servante; mais un des conseilles leur ayant fait sentir que cet arrét démentait lautre, quis se condamnaient eux-mémes, que tous les accusés ayant toujours été ensemble dans le temps quvon supposat e parricide, léargissement de tous les survivants prou- vait invinciblement Yinnocence du pére de famille exécut, ils prirent alors le parti de bannir Pierre Calas son fils. Ce bannisse- ‘ment semblait aussi inconséquent, aussi absurde que tout le reste :car Pierre Calas était coupable ou innocent du parricide; si était coupable, i fallait le rer comme son pére; sil était inno- cent, ilnefallait pas le bannir. Maisles juges,effrayés du supplice du pére et de la piété attendrissante avec laquelle il tait mort, imaginérent de sauver leur honneur en lassant croire qui fi- saient grace au fils, comme si ce neat pas été une prévarication nouvelle de faire rice; et ils crurent que le bannissement de ce jeune homme pauvre et sans appui, étant sans conséquence, était pas une grande injustice, aprés celle quils avaient eu le rmalheur de commettre. (On commenga par menacer Pierre Calas, dans son cachot, de le traiter comme son pére sil r’abjurait passa religion. Cest ce que cejeune homme atteste par serment. Pierre Calas, en sortant de la vill, rencontra un abbé convertis- seur qui le fit rentrer dans Toulouse; on Yenferma dans un cou- vent de dominicains, et a on le contraignit & remplir toutes les fonctions dela catholcité était en parte ce quon voulat,cétait le prix du sang de son pére; et la religion, quion avait cru venger, semblat satisfate. Onenlevales filles la mére; elles furent enfermées dans un cou- vent. Cette femme, presque arrosée du sang de son mari ayant tenu son fils ainé mort entre ses bras, voyant autre banni, privée deses filles, dépouillée de tout son bien, était seule dans le monde, sans pain, sans espérance, et mourante de fexcés de son malheur. Quelques personnes, ayant examiné mirement toutes les circonstances de cette aventure horrible, en furent si frappées uellesfirent presser la dame Calas, retirée dans une solitude, >> saan 018 -LeMapan ie = Traité sur la tolérance >>> connues deux que par le trafic des fruits quils alaient vendre, is ignoraient les procés etl guerre; ils ne se défendirent pas: on les égorgea comme des animaux fugitifs qu’on tue dans une enceinte w. Aprésla mort de Francois, prince plus connu cependant parses agalanteries et par ses malheurs que par ses cruautés, le supplice de mille hérétiques, surtout celui du «Crols, ou consellersuparlement Dubourg, et enfin jeCabhorre; Je massacre de Vassy, armérent les persé- crois, ouje cutés, dont la sece s était multiple &la teferaitout _Ineur des bachers et sous le fer des bour- Jemal queje eaux; la rage succéda a la patience; ils ore Seen neuf guerrescviles remplirent la France monstre, fe carnage; une paix plus funeste que la ae Pee guerre produisit la Saint-Barthélemy, religion, tu dont il n'y avait aucun exemple dans les nas donc annales des crimes. point de La Ligue assassina Henri et Henri tv, religion: » par les mains d'un frérejacobin et d'un ‘monstre qui avait étéfrére feuillant. Iya des gens quiprétendent que "humanité, indulgence tla iberté de conscience, sont des choses horribles; mais, en bonne foi, auraient-lles produit des calamités comparables? tl (ls renowelaient sentiment de Benger su Euchaiste; is risen qu'un ‘aps pt een cent mile endo diferent, méme para toute puissance >> Str 2005 Le Magan dee 7 Traité sur la tolérance >>> corrigerons-nous? Ila fallu soixante ans pour nous faire adopter ce que Newton avait démontré; nous commencons & peine oser; sauverla vie nos enfants par inoculation; nousne pratiquons que depuis trés peu de temps les vrais principes de agriculture; quand commencerons-nous a pratiquer les vrais principes de Thumanité? et de que front pouvons-nous reprocher aux paiens d'avoir fait des martyrs, tandis que nous avons été coupables de la méme cruauté dans les mémes circonstances? (1 (CHAPITRE XI Abus de l’intolérance ais quoi! sera-ti permis & chaque citoyen de ne ‘roire que sa raison, et de penser ce que cette raison élairée ou trompée lui dictera? Ile faut bien , pourvu quillne trouble point Fordre:carilne dépend pas deThomme de roire ou de ne pas crire, maisil dépend deli de respecter les usages de sa patie; et si vous disiez que cest un crime de ne pas croire& la religion dominante, vous accuseriez donc vous-méme les premiers chrétiens vos péres, et vous justi fieriex ceux que vous accuser de les avoir livrés aux supplices. Vous répondez que la diftérence est grande, que toutes les reli gions sont les ouvrages des hommes, et que 'fglise catholique, apostolique et romaine, es seule fouvrage de Dieu. Mais en bonne fei, parce que notre religion est divine dot elle régner parla haine, pr les fureurs, par les exils, par fenlévement des biens, les pri- sons, le tortures, les meurtres,et par les actions de grices ren- ‘dues & Dieu pour ces meurtres ? Plus la religion chrétienne est divine, moins il appartient a Thomme de la commander; si Diew Tafaite, Dieua soutiendra sans vous. Vous savez queTintolérance ne produit que des hypocrites ou des rebelles: quelle funeste alternative! Enfin voudriez-vous soutenir par des bourreauxla re ligion d'un Dieu quedes bourreaux ont fait périr et qin’ préché que a douceur et la patience? Voyez, je vous pri, les conséquences affreuses du droit de Vintolérance. $l était permis de dépouiller de ses biens, de jeter dans les cachots, de tuer un citoyen qui, sous un tel degré de la titude, ne professerat pasa religion admise sous ce degré, quelle ‘exception exempterat les premiers de Etat des mémes peines? La religion lie également le monarque et les mendiants : aussi plus de cinquante docteurs ou moines ont affirmé cette horreur ‘monstrueuse qu'il était permis de déposer, de tuerles souverains ‘qui ne penseraient pas comme l'Eglise dominante; et les par- ements du royaume rront cessé de proscrire ces abominables décisions dabominables théologiens a. [..1 On sait que tous nos dogmes niont pas toujours été claire ment expliqués et universellement recus dans notre Eglise. Jésus-Christ ne nous ayant point dit comment procédaitl Saint- Esprit, gle latine crut longtemps avecla grecque quilne pro- cédait que du Pére: enfin elle ajouta au symbole quil procédait ‘aussi du Fils. Je demande si, le lendemain de cette décision, un Gitoyen qui sen serait tenu au symbole de la veille eat été digne de mort? La cruauté, injustice, seraient-lles moins grandes de ‘punir aujourd’hui celui qui penserait comme on pensait autre- fois? Btait-on coupable, du temps d’Honorius I", de croire que Jésus navait pas deux volontés? n'yapas longtemps que 'immaculée conception est établie:les dominicains n'y croient pas encore. Dans quel temps les domini- >> 2 Ssa/tn2005- Ue Magan baa = Ere Traité sur la tolérance >>> CHAPITRE XX S’il est utile d’entretenir le peuple dans la superstition elle estlafaiblesse du genre humain, et tele est sa per- versité, quil vaut mieux sans doute pour hui tre subju- ‘gué par toutes les superstitions possibles, pourvuqulles ne soient point meurtriéres, que de vivre sans religion. homme toujours eu besoin d'un fein, et quoig'l fat ridicule de sacrifieraux faunes, aux syvains, auxnaiades, il était bien plus raisonnable et plus utile d'adorer ces images fantastiques dela Di vinité que de se livrerlathéisme. Un athée qui serait raisonneur, violent et puissant, serait un fiéan aussi funeste qu'un supersti- tieux sanguinaire Quand les hommes niont pas de notions saines de la Divinité, les {dées fausses y suppléent, comme dans les temps malheureux on trafique avec de la mauvaise monnaie, quand on r’en a pas de bonne. Le paien craignat de commettre un crime, de peur détre ppuni par les faux dieux; le Malabare craint d'étre pun par sa pa- gode. Partout ob ily a une société établie, une religion est néces- sire; les ois veillent su les crimes connus, et la religion sur les crimes secrets. Mais lorsqu'une fois les hommes sont parvenus & embrasser une religion pure et sainte la superstition devient non seulement inu- tile, mais trés dangereuse. On ne doit pas chercher a nourrir de sland ceux que Diew daigne nourrir de pain La superstition est la religion ce que Fastrologie est Yastrono- ‘mie, lafille tres folle d'une mére trés sage. Ces deux files ont long- ‘temps subjugué toute a terre. Lorsque, dans nos siécles de barbare, ily avait a peine deux sei- ‘gneurs féodaux qui eussent chez eux un Nouveau Testament, i pouvait étre pardonnable de présenter des fables au vulgaire, Cest-a-dite a ces seigneurs féodaux, leurs femmes imbéciles, et ‘aux brutes leurs vassaux; on leur fisait crore que saint Chris- tophe avait porté fenfant Jésus du bord d'une riviére autre; on les repaissait dhistoires de sorcers et de possédés;ilsimaginaient aisément que saint Genou guérissait de la goutte, et que sainte Claire guérissait les yeux malades. Les enfants croyaient au loup- ¢garou, et les péres au cordon de saint Francois. Le nombre des e- liques était innombrable. La rouille de tant de superstitions a subsisté encore quelque temps chez les peuples, lors méme quenfin a religion fut épurée On sait que quand M. de Noailles, évéque de Chalons fit enlever ct jeter au feu la prétendue relique du saint nombril de Jésus- Christ, toute la ville de Chalons Iui fit un procés; mais il eut autant de courage que de piété, etl parvint bient6t a faire croire aux Champenois qu’on pouvait adorer Jésus-Christ en esprit et en vérité, sans avoir son nombril dans une église. Ceux quon appelaitjansénistes ne contribuérent pas peu a dérac- ner insensiblement dans esprit de la nation la plupart des fausses idées qui déshonoraient la eligion chrétienne. On cessa de croire qui sufisait de réciterforaison des trente jours la vierge Marie pour obtenir tout ce qu’on voulait et pour pécher impunément. Enfin la bourgeoisie a commencé& soupgonner que ce r’était pas sainte Genevieve qui donnait ou arrétaitla pluie, mais que cétait Dieu lui-méme qui disposait des éléments. Les moines ont été étonnés que leurs saints ne fissent plus de miracle; et si les écrivains dela Vie de saint Francois Xaver revenaient au monde, ils oseraient pas écrire que ce saint ressuscita neuf morts, quil se trouva en méme temps sur mer et sur terre, et que son crucifix étant tombé dans la mer, un cancre vint I ui rapporter. ena été de méme des excommunications. Nos historiens nous disent que lorsque le roi Robert eut été excommunié parle pape Grégoire V, pour avoir épousé la princesse Berthe sa commére, ses domestiquesjetaient par les fenétres les viandes qu’on avait servies au roi, et que la reine Berthe accoucha d'une oie en ‘punition de ce mariage incestueux. On doute aujourd'hui que les maitres d’hotel d'un roi de France excommunié jetassent son diner par la fenétre, et que la reine mit au monde un oison en pare cas. Sily a quelques convulsionnaires dans un coin d'un faubourg, Cest une maladie pédiculaire dont iln'ya quela plus vile populace qui soit attaquée. Chaque jour a raison pénétre en France, dans les boutiques Ca des marchands comme dans les hotels leshommes des seigneurs. Il faut donc cultiver les n’ont pas fruits de cette raison, dautant plus quil de notions cestimpossible de les empécher 'éclore. saines de ‘On ne peut gouverner la France, apres laDivinité, quelle a été élairée par les Pascal, les iene Nicole, les Armauld, les Bossuet, les Des- cartes, les Gassendi, les Bayle, les Fon- fausses tenelle, etc., comme on la gouvernait du y suppléent. temps des Garasse et des Menot. Siles mattres erreur, je dis les grands maitres, si longtemps payés et honorés pour abratirFespéce hu- maine, ordonnaient aujourd'hui de crore que le grain doit pour- rir pour germer; que la terre est immobile sur ses fondements, quelle ne tourne point autour du soleil; que les marées ne sont ‘pas un effet naturel de a gravitation, que larc-en-ciel nest pas formé parla réfraction etla réflexion des rayons dela lumizre, etc, et sls se fondaient sur des passages mal entendus de la sainte criture pour appuyer leurs ordonnances, comment seraient ‘ls regardés par tous es hommes instruits? Le terme de bétesserait- iltrop fort? Ets ces sages maitres se servaient dela force et dela 50 Lenape re 55/2005 EXTRAITS persécution pour faire régner leur ignorance insolente, le terme de bétesfarowches serait déplacé? Plus les superstitions des moines sont méprisées, plusles évéques sont respectés, et les curés considérés; ils ne font que du bien, et les superstitions monacalesultramontaines feraient beaucoup de ‘mal, Mais de toutes les superstitions la plus dangereuse,nest-ce pas celle de hair son prochain pour ses opinions? Bt nest-l pas Evident qu'il serait encore pus raisonnable d'adorer le saint nom- bil, le saint prépuce, le lait etla robe de la vierge Marie, que de détester et de persécuter son frére? (CHAPITRE XXI Vertu vaut mieux que science coins de dogmes, moins de disputes; et moins de dis- putes, moins de malheurs:sicela nest pas rai jaitort. La religion est instituée pour nous rendre heureux dans cette vie et dans Yautre. Que fautil pour étre hheureux dans la vie venir? étre juste. Pour étre heureux dans celle-i, autant que le permet la misére de notre nature, que faut il? étre indulgent. Ce serait le comble de la folie de prétendre amener tous les hommes & penser d'une maniére uniforme sur la métaphysique On pourrait beaucoup plus aisément subjuguer Tunivers entier parles armes que subjuguer tous les esprits d'une seule ville. Eucide est venuaisément about de persuader tous les hommes les vértés de la géométre : pourquoi? parce qu'l ny en apas une 4quine soit un corollare évident de ce petit axiome: deux et dewx font quatre. Inen est pas tout & fait de méme dans le mélange de lamétaphysique et dela théologie. Lorsque Févéque Alexandre et le prétreArios ou Arius commen- «erent. disputer surla maniére dont le Logos étaitune émanation u Pare, fempereur Constantin leur écrvit d'abord ces paroles rapportées par Eusébe et par Socrate : « Vous étes de grands fous de disputer sur des choses que vous ne pouvez entendre.» Siles deux partis avaient été assez sages pour convenir que lem- ppereur avait raison, lemonde chrétienn’aurat pas été ensanglanté pendant trois cents années. Quy atilen effet de plus fou et de plus horrible que de dire aux hhommes :« Mes amis, ce nest pas assez d’tre des suets fides, des enfants soumis, des péres tendres, des voisins équitables, de pratiquer toutes les vertus, de cultiver famitié, de fuir Vingra- titude, d'adorer Jésus-Christ en paix: il faut encore que vous sachiez comment on est engendré de toute éterité; et sivous ne saver pas distinguer Yomousion dans Phypostase, nous vous <énongons que vous serez bralés a jamais; et, en attendant, nous allons commencer par vous gorger »? Si on avait présenté une telle décision a un Archiméde, & un Posidonius, aun Varron, un Caton, dun Cicéron, quauraient ls xépondu? Constantin ne persévéra point dans sa résolution d'imposer si- lence aux deux parts :ilpouvait faire venirles chefs deergotisme dans son palais; il pouvait leur demander par quelle autorité ils troublaient le monde :« Avez-vous les titres de la famille divine? Que vous importe que le Logos soit fait ou engendré, pourvu quvon lui soit fidéle, pourvu qu‘on préche une bonne morale, et quon la pratique sion peut? Jai commis bien des fautes dans ma vie, et ‘vous aussi; vous étes ambitieux, et moi aussi; empire mia coité des fourberies et des cruautés; jai assassiné presque tous mes proches; je mien repens je veux expier mes crimes en rendant Empire romain tranquil, ne m‘empéchez pas de faire seulbien 4uipuisse faire oublier mes anciennes barbaries; aide2-moi fnir mes jours en paix.» Peut-étre n'aurait rien gagné sur les dispu- teurs; peut-éte fut-il latté de présider a un concile en long habit rouge, la téte chargée de pierreries. Voila pourtant ce qui ouvrit la porte a tous ces figaux qui vinrent de Asie inonder lOccident. Il sortit de chaque verset >>> “athénée theatre LouisJouvet Samuel Beckett Walter Asmus Lisa Dwan cael Taare (0153051919 NSS 205-Le apie ini = $1 Traité sur la tolérance >>> contesté une furie armée d'un sophisme et d'un poignard, gui rendit tous les hommes insensés et cruels. Les Huns, les Hérules, les Goths et les Vandales, qui survinrent,firent infini- ‘ment moins de mal, et le plus grand quilsfrent fut de se préter engin eux-mémes aces disputes fatales. (CHAPITRE XXit De la tolérance universelle |Inefautpas un grand art, une éloquence bien recherchée, pour prouver quedes chrétiens doivent se tolérerles unsles autres. Je vais plus loin: je vous dis qu'l faut regarder tous les hommes comme nos fréves. Quoi! mon frére le Ture? mon frérele Chinois? le Juif?le Siamois? Oui, sans doute; ne sommes- ‘nous pas tous enfants duméme pére, et créatures duméme Dieu? ‘Mais ces peuples nous méprisent; mais ils nous traitent d'do- latres! Hé bien! e leur dirai qu'ls ont grand tort. IIme semble que jepourrais étonner au moins Lorgueilleuse opiniatreté d'un iman cou d'un talapoin, si je leur parais a peu prés ainsi: «Ce petit globe, qui nest qu‘un point, roule dans espace, ainsi que tant d autres globes; nous sommes perdus dans cette immen- sité. Chomme, haut denviron cing pieds, est assurément peu de chose dans la création. Un de ces étres imperceptibles dit 4 quelques-uns de ses voisins, dans Arabie ou dans la Cafrerie “Bcoutez-moi, car le Diew de tous ces mondes ma éclaié ly a neuf cents millions de petites fourmis comme nous sur la terre, ‘mais il n'y a que ma fourmiliére qui soit chére a Dieu; toutes les autres lui sont en horreur de toute éternité; elle sera seule heu- reuse, et toutes les autres seront éternellement infortunées” Is marréteraient alors, et me demanderaient quel est le fou qui a dit cette sottise, Je serais obligé de leur répondre : « C'est vous-mémes. » Je tacherais ensuite de les adoucir; mais cela serait bien difficile. Je parlerais maintenant aux chrétiens, et joserais dire, par exemple, un dominicain inqusiteur pour la foi: « Mon frére, vous savez que chaque province d'Italie a son jargon, et quon ne parle point a Venise et a Bergame comme a Florence. LAcadémie de la Crusca a fxé la langue; son dictionnaire est une régle dont con ne doit pas sécarter, et la Grammaire de Buonmattei est un guide infallible quil faut suivre; mais croyez-vous que le consul de fAcadémie, et en son absence Buonmattei, auraient pu en conscience faire couper la langue a tous les Venitiens et a tous les Bergamasques qui auraient persisté dans leur patois? » Linguisiteur me répond: «Il a bien de la difference; il sagit ii du salut de votre ame : est pour votre bien que le directoire de Tinguisition ordonne qu’on vous saisisse sur la déposition d'une seule personne, fit-elle infame et reprise de justice; que vous ‘layer point davocat pour vous défendre; que le nom de votre ac- cusateurne vous sot pas seulement connu:; queTinguisiteur vous promette grce, et ensuite vous condamne; quil vous applique & cing tortures différentes, et quvensuite vous soyer. ou fouetté, ow ‘mis aux galéres, ou bralé en cérémonie.LeP.Ivonet, le docteur Cuchalon, Zanchinus, Campegius, Roias, Felynus, Gomarus, Diabarus, Gemelinus, y sont formels et cette pieuse pratique ne peut souffrir de contradiction. » ‘Je prendrais la liberté de lui répondre : « Mon frére, peut-étre ‘vez-vous raison; je suis convaincu du bien que vous voulez me faire; mais ne pourrais-e pas étre sauvé sans tout cela? » lest vrai que ces horreurs absurdes ne souillent pas tous ls jours la face de a terre; mas elles ont été fréquentes, et on en compo- serait aisément un volume beaucoup plus gros que les évangiles {quiles xéprouvent. Non seulement ilest bien cruel de persécuter dans cette courte vie ceux quine pensent pas comme nous, mais je ne sais s'il nest pas bien hardi de prononcer leur damnation ternelle. I me semble quil nappartient guére a des atomes dun ‘moment, tls que nous sommes, de prévenir ainsi les arts du CCeéateur. Jesus bien loin de combattre cette sentence :« Hors de glise point de salut »; je la respecte, ainsi ue tout ce quelle ‘enseigne, mais, en vérité, onnaissons-nous toutes les voies de Dieu et toute létendue de ses miséri- Je vais plus __ordes? Nestil pas permis despéter en A Iuiautantque dele craindre? Nestce pas p g eS assez détre fidales a 'Bglise? Faudra-t-il is quiil faut gue chaque particulier usurpe les droits regarder dela Divinité, et décide avant elle du sort tous les éternel de tous les hommes? hommes ‘Quand nous portons le deuil d'un roi de commenos _Suéde, oudeDanemark, oudAngleterte, ae ‘ou de Pruss, disons-nous que nous por- tons le deuil dun réprouvé qui brale @ternellement en enfer? Il a dans IEu- rope quarante millions ’habitants quine sont pas de figlise de Rome, dirons-nous chacun eux: « Monsieur, attendu que vous ‘tes infailiblement damné, je ne veux ni manger, ni contracter, ni converser avec vous? » Quel est fambassadeur de France qui tant présenté & Taudience ‘du Grand Seigneur, se dia dans le fond de son corur Sa Hautesse sera infailiblement brilée pendant toute léternité, parce quelle est soumise la circoncision? Sil croyat réellement quele Grand Seigneur est Fennemi mortel de Dieu, et Fobjet de sa vengeance, ppourrat-il lui parler? devrait-il étre envoyé vers lui? Avec quel ‘homme pourait-on commercer, quel devoir de la vie civle pour- rait-on jamais remplir, sien effet on était convaincu de cette idée que fon converse avec des réprouvés? S52 Leeper S/n 2005, EXTRAITS sectateurs d'un Diew clément! si vous aviez un coeur cruel; si, enadorant celui dont toute laloi consistait en ces paroles: « Aimez Dieu et votre prochain », vous aviex surchargé cette loi pure et sainte de sophismes et de disputes incompréhensibles; si vous aviezalluméla discord, tant6t pour un mot nouveau, tantot pour une seule etre de1alphabet; si vous aviez attaché des peines éter- nelles a omission de quelques paroles, de quelques cérémonies que d'autres peuples ne pouvaient connaitre, je vous dirais,enré ppandant des larmes surle genre humain :« Transportez-vousavec ‘moiau jour oi tous les hommes seront jugés, et oii Dieu rendra a chacun selon ses ceuvres. » «Jevois tous les morts des sidcles passés et du notre comparaitre en sa présence, ftes-vous bien sirs que notre Créateur et notre Pre dira au sage et vertueux Confucius, au législateur Solon, & Pythagore, a Zaleucus, a Socrate, a Platon, aux divins Antonins, aubon Trajan, & Titus, les délices du genre humain, a Bpicitéte, a tant dautreshommes, les moddles des hommes: Allez, monstres, alle subir des chatiments infinis en intensité et en durée; que votre supplice soit éternel comme moi! Et vous, mes bien-aimés, Jean Chatel, Ravallac, Damiens, Cartouche, et., qui étes morts avec les formules prescrtes, partagez a jamais & ma droite mon ‘empire et ma flicité.» Vous recilez d’horreur a ces paroles; et, aprés qu‘lles me sont échappées, je nai plus rien vous dir. (01 Vojez Feel ne ttl Le Manvel de iqusiton (CHAPITRE XXt Priére 4 Dieu ceniest donc plus aux hommes que je m’adresse; Cest & toi, Dieu de tous es étres, de tous es mondes et de tous Tes temps: s'est permis de faiblescréatures perdues dans Timmensité et imperceptibles au reste de Tun vers, doser te demander quelque chose, a toi qu as tout donné, toi dontles décrets sontimmuables comme éternels, daigne re sgarder en pitié les erreurs attachées & notre nature; que ces er reurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné tun coeur pour nous hair et des mains pour nous égorger; fais que nous nous aidions mutuellement supporterle fardeau d'une vie pénible et passagére; que les petites differences entre les véte ‘ments qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées a nos yeux, et si gales devant toi; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signauxde haine et de ppersécution; que ceux quiallument des cierges en plein midi pour tecélébrer supportent ceux quise contentent de a lumiére de ton soleil; que ceux qui couvrent leur robe d'une toile blanche pour dire quil faut taimer ne détestent pas ceux qui disent la méme chose sous un manteau de laine noire; qu'il soit égal de tadorer dans un jargon formé dune ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau; que ceux dont Ihabit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d'un petit tas de la boue de ce monde, et qui possédent quelques fragments arron- dis d'un certain métal,jouissent sans orgueil de ce quis appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais quil n'y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quot senorguellr. Puissent tous les hommes se souvenir quils sont fréres! Quis aient en horreur la tyrannie exercée sur les ames, comme ils ont cenexécration le brigandage quiravit parla force le frit du travail cetdellindustrie paisible. Siles fléaux de la guerre sont inévitables, ze nous haissons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la pair, et employons instant de notre existence ‘abénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’a la Californie, ta bonté quinous a donné cet instant. © MI Ce Pee Re era) 1 SS9te 205-Le Mapa i= 5B sophia boutique | Une sélection unique de produits et services culturels Découvrez notre choix de livres et DVD a offrir ou a vous offrir. DVD Partenaires ate arte trenipernasse MEDITIONS Collection NOUVEAUX REGARDS Editée par Le Magazine Littérare, cette collection pose un ceil neuf sur les grands auteurs de la litérature frangaise ou étrangére, Ele rend compte de lectures inédites, de critiques modernes, d'analyses imprévues. 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DIN'S86 octobre 2013, GN'547 septembre 2014 Seger Boerne MAGAZINE a Rt = eae eames 7 Dossier: Diderot Ie philosophe heureux Eniretien : Olivier Rolin et Patrick Deville Dossier: Tolkien, lafabrique d'un monde Enireien: Toni Morrison « Tout at veritable Entretien Jaume Cabreé see aa ; arate renerstucies- Cae «cou glalcnan HORS SERIE Dossier: Tennessee Williams, 'écriture du désir Mon sort se sont souvent suicides» Entretien Alessandro Barieco ON'SS9 janvier 2014 ON‘o1 Fé 2014 Enquéte Quest-ce qu'un chef deruvre ? Doower: Kafka, coupabledrre 100 questions simples et philosophiques Eniretin : Georges DidiHuberman pour aujourd'hu! 11N'529 mars 2013 «Leerture comme le savoir, est un artisanat » DN*02 Octobre 2014 Dossier: Le vampire, méamorphose un immortel_ 5 9549 feyriee 2014 Re ee pee ea ase Dossier: Foucault indi ee so Entretin : Eduardo Mendoza Dossier: Lice doi eromanciest pa *LePee humaine es dif asimer» ery «Le roman nest pas anrivé au bout de son histoire» ON'S41 mars 2014 ‘i Dossier le eyisme nquéte: Internet change ti notre fagon de penser? f eo aoe Entretien: Jonathan Coe « Les Britannigu ON anucesm ‘gardent eps pour les grandes occasions » tien seLavisiefcion, — ON'S42avril201 Enrtn: ee Handle «Lait, er: Wil aroun du tie DNS32juin2013, Eniretin : Edgar Morin « Nous avons bescin DDonsier:Lesromancinesamériaines Fane pensé quirelie» Batten Pa Auners Lengel esesearme ON'S9 mai2014 fatafoqer» Demo ei Doses ta tahison Comprenent pa qui fat ord cers» Entreten : Michel Serres «Jai assistéalavietoire O1N'S44 juin 2014 desfemmes » Dossier: Fetions dela psychanalyse N'S34 a0i¢ 2013 Enlrtien = Davi Carkeet «a inguistque peut ‘SPECIAL: 10 grandes voix de a litérature aides oat cman trangtre ON'S4s juillet 2014 Nes Dossier: Puts vos jeux Deena Ensen: Oran Pk Cesten passant Entretien Richard Ford « Nous ne pensons pas Par Tinfime quion peut se faire une ie du tout» ‘comme des artistes chez nous» Enquét: Les érivainsont-is encore du style? nse ivres de arentre (cpl: LLL LL Pa Jo chisel par: Cl ehiqu & fore de Sophia Puictons Cl carte bance open LL LL Steawntrrionin ‘Sivous sour recevl de fes dene prt via Intel, mere de nous ndquervebe adresse ema: 4,50€ le rue | +0,50€ le numéro supptnotake ° 6185€ reer 8,356 07 13/8,10€ de 435, © | ie commande oe ans de 10ers ae ergtrenet eet ighnet nora Carer et 008736 27 Speci i tar be oa oma commande as portins) Seen Gate fest), Les Monstres qui icanent, DENIS JOHNSON, trad de Tanga (8ats-Unis) parEricChédale, {Ed Bourgois, 265, 18 ‘Trois livres de Denis lohnson 3 lire (cher Bourgois). Jesus’ Son : ses années passées dans la drogue et alcool ~ comme si Bob Dylan éécrvait Hemingway. Pstes : un recueil de reportages chez les demiers hippies, chez les lbertariens extrémiste, dans les guerres les daique de Ouest... Entre quéte spirtuelle et autoportat Arbre de fumée : "National Book Award 2007, ce roman de 600 pages est un live de guerre sans guerre, un live de religion sans Dieu. La guerre du Viginam revue par Beckett. Denis chaos Johnson, debout A quoi encore croire désormais? C'est la lancinante question de lécrivain américain, cette fois-ci a travers de cyniques magouilleurs en Afrique. Retour sur une ceuvre a la fois apre et mystique. Par Marc Weitzmann itué dans le monde incertain de Yaprés-11 Septembre ‘en Afrique de TOuest, Les Monstre qui ricanent est le nouveau roman étrange et dense de Denis Johnson, ce ui est un pléonasme. Auteur d'une dizaine de fictions Jromanesques, de plusieurs recueils de poémes inédits cen frangais, de pices de thédtre et d'un recuel de re- portages, Denis Johnson est fun des écrivains américans ls plus importants aujourd'hui, et surtout un des plus originaux, excel Jant dans tous les genres (roman de guerre roman noir, oman go- thique, nouvelles intimistes, roman tout court). Dans Les Monstres qui ricanent, le narrateur Roland Nair, un Scandinave d'une trentaine d'années muni d'un passeport améri- cain, débarque en Siera Leone pour yretrowver un aventurierafri- cain du nom de Michael Adriko. Voici dix ans, les deux amis ont profité dela guerre civile pour se faire de argent. Depuis,Adriko a peut-tre été soldat au Ghana, eta peut-tre intégré Ia garde rap- prochée de 'émir u Koweit. Sele certitude a Fouverture du livre: ilvient de déserter unité des forces spéciales américainesbaséeen Afrique de fOuest au sein de laquelle il était engagé. «On me pro- imettait la résidence permanente aux Btats-Unis, Mensonge. On me disait que jétais en voie d’obtenir la nationalité américaine. “Mensonge », dt la Roland Nair pour sejustifier-sans trop croire lui-méme, cependant, cette manifestation de révolte naive. En 6 -Lenapne re 55/2005 réalité, Adviko a fuiTarmée pour se lancer dans ce qui essemble 8 dutrafic uranium. Il propose au narateur des'yassocier.« Tame ‘eras une vie de roi, ui dil pourle convaincre. Une propriété le long de la plage. Cinquante hommes armés ¢AK47 pour ta sécu- rité. Les villageois sadresseront a toi pour tout. Is Yaméneront leurs filles de 12 ans des vierges, pas de risque de sida.» Mandaté par les services secrets américains pour surveiler son ancien ami aprés sa désertion ~et peut étre pourlexécuter -, Nair accepte. Tel est le point de départ de ce thriller Thorizon métaphysique,et dont es premiéres pages ne sont pas sans évoquer Graham Greene ‘ule Joseph Conrad Au czur des tnébres. « On vit a Fére post-trash, mec » Mais nous ne sommes plus au temps de Greene, justement, ce temps de empire fnissant et des espoirs d'amélioration humaine soulevés parleslttes anticolonales. tsi parbien des cbtés, notre époque ressemble putdt auxromans sombres de Conrad, est que le vent de libération de ces lutes sest dissipé. L'age est celui du chaos moins Yespoir: chez Denis Johnson, le commandant Kurtz du Coeur des téndbres - Yhubris colonial a bout de souffle - est ‘mémeafricain «Les politiques nous baiseront les pied, dit encore ‘Adriko. Tous les quatre ans nous assassinerons le président. - Je larrve pas & crore que cest un Noir qui parle ainsi», répond- Denis Johnson, une quéte entétée, capable de se difacter dans tous les genres et imaginaives : roman de guerre ou roman gothique, poésie, nowelles, reportage. seulement Nair. Autant dire que, au-del, il n'y a rien: fini le réve alterité, pas de liew autre. On songe & la fameuse phrase de V.S. Naipaul: « Le monde est ce quil est les hommes qui ne sont rien, qui se sont lissés aller & ne devenir ren, n'y ont pas leur place.» Comment croire—et en quoi? Comment ne pas céder la désens- hilisation, oi un des personnages anonymes et occasionnels du roman voit «la cause deinhumanité de homme pour homme »? faut étre quelqu'un ~ et cest ce que tente Adriko. On peut pen- ser Orange mécanique ou aux terroristes dawjourd hui. Quant aux raisons pour lesquelle le narrateur poursuitcette mission, elles se révélent ala fois plus profondes et moins daires que ses ordres ne Ie laisseaient croire : «Je sus revenu parce que jadore le bordel. Lanarchie. La démence. Les choses qui seffondrent, écrit: ainsi a ses supérieurs dans un mail dont on ne saitsilenvoie ou non. Mi- chae nest qu'un prétexte. Et sil se figure que'aimerais avoir une armée et un harem, il se méprend lui aussi sur mon compte. Je ne désire pas mener une vie de ri, je veux uniquement vivre. A moi seu, jene peux faire que cla arrive. J'ai tousles ingrédients, mais me faut un sorcier pour touillr la marmite, Jai besoin de Mi- hae.» Lautre« prétexte » pour suivre son ami est la fiancée de ce dernier, Davia, une jeune noire américaine du Colorado illed'un offcir de US Army; Nar e persuade vite quilen est tombéamou- eux. Davidia attire « un certain type de gens » : « Orphelins, ‘magiciens, gens du cirque.» Mais aussi faussaire, au premier rang desquels Adriko lui-méme : « La réalité est une impression, une ‘royance. Nimporte quel prestidigitateur sait ca.» De fait, le pré- ‘tendu trafic 'uranium se révéle nétre qu'une banale escroqueri. Et quandlesacheteurs frustrés se lancent leurs trousses, ls trois faux aventuriers prennent la route en direction du village natal >> Suan 015 Le Magan inne 57 >>> allrdre patriarcal sanctionné par un dogme. Chez un écr- vain américain, est-@-dire né dans un pays sans nostalgie pour la « pureté» d'un monde aristocratique dispar, Tidée méme de déca- dence est sans objet. Denis Johnson, qui se définit aujourd'hui « Gcrivain crétien »,choisit donc une autre vie. Cest post-trash »quil sagt de trouver latranscendance. Denis Johnson est néen 1949 a Munich, d'un pére employé au dé- partement dftat. Ila grandi Tokyo, a Manilleet a Washington, augré des affectations paterelles, entouré d'une petite foulede i- stop, habilléprécipitamment, sans chemise sous mon blouson, avec levent quihurlait dans fanneau quejavaisa foreile. Un bus est r- rivé, Je suis monté et je me suis assis sur le siége en plastique, et jai regardé les vues de notre ville défiler dans les fenétres comme les images d'une machine & sous.» Le vent qui hurle dans Tanneau ~et non dans lorell-, les rues changes en images, mais de ma- chine a sous : comme chez Walt Whitman, comme chez Leonard Cohen, et surtout comme chez Hemingway, cest le détail éaliste dans ce quia de plus trivial qui signale le lieu de Félévation pos- plomateset de ilitares dont certains a : sible Chez Johnson, comme chez He- ae « Pour qu ‘il y ait un ingyen ager et be «haichaque minute» de son éducation . ratoire privilgi de cette alchimie. scolaire dela matemnllejusquason = Cn fer, les habitants onretrowve cette démarche dans ce Bachelor of Arts (téquivalent de notre quiestpeutétre son live pls trans- licence). Dans sajeunesse, il fréquente lesmiliewx hippies, pubic en 1969 son premier recuell de poémes,sinscrt de cet enfer ne doivent étre jamais sressif le recuel de reportages paru en frangais - sous lettre Pstes. Car, aquil écrive sur le Liberia, sur les hip- comeumetmmnés certains quis y icv pee tard, il est interné en service psychia- résident. » qilsagit une quétespirtueleauxl- trique pour la premiére de ses nom- mites de YAmérique et au-dela, En ce breuses cures de désintoxication alcoolique. Johnson boit et se rogue depuis tage de 14 ans et vale faire durantles sept uit an- néessuivantes. Une période quill qualifier plus tard ds hédonisme crime», et quile verra devenir SDE Puis, dans une rue de Phoe- nix, par un beau jour de 1978 - plus ou moins la période a laquelle Dylan se convertitau christianisme i expérimente ce qu'il appel- lera la « trés forte présence du Dieu ». « Iln'ya pas eu de paroles, décrira-til ensuite, cétait comme un silence teinté de lumiére bleue.» Dans la foulée, i reprend un roman commencé au colége, ‘met quatre ans aIachever,lepublie sous le titre Des anges. Le livre Jui vaut admiration instantanée de Don DeLillo et de Philip Roth. ‘Autant dire que, en dépit de lexpérience mystique de son auteur comme de son ttre, Angels n'a rien a voir avec la religion. De bus Greyhound en motels et de quarters miteux en braquage et par- Joirs, met en scéne une petite galerie de perdants-nés, entre perte cetrédemption (certains reparaitront dans Arbre de ume). Suivent deux recueils de poése, trois fictions -le post-apocalyptique Fiske- doro, Des éoles& mid, roman politique situé au Nicaragua, et Un pendu ressuscité, puis, en 1992, i public Jesus’ Son, Tun de ses meil- leurs textes, souvenirs de sa période junkie réunis en nouvelles, ot sa prose paradoxale accomplt des miracles Un minimalisme électrique, agressif et lyrique Plus que es ros romans, ce sont les livres courts de Johnson qui faut lie - Des anges, Jesus’ Son, et Yincroyable Réves de train, por- trait réliste et mystique d'un travailleur de !Ouest américain du début du XX site publiéen 2003, Cesta, dans ces textes ramas- 6s, quisont tous trois des chefs-d’ceuvte, quele minimalisme élec ‘rique,agressif et lyrique de lécriture de Johnson serévéle pour ce aquilest. Comme dans ce passage de Jesus'Son:« Maisily a eu une bagarre. Je me suis retrouvé devant le motel en train de faire du S58 Lenape ire S/n 2005 sens, ces reportages peuvent tous étre us comme des autoportraits spirituels. «Je vs pour instant dans le monde de la Bible, écrit dans le fascinant reportage “Guide de Tanarchiste en Somale", un monde dinfirmes, de monstres et despoirinsensé en un Diew dé- rent, un monde desi, dimpuissance et dattente, et encore at- tente, toujours dattente. Mais aussi un monde de miraces et de i- bération. Ajoutez a ce mélange Vinvention de la kalachnikov en 1947, et la vie devient excitante. » Chez Denis Johnson, Thomme en quétede gracetente de rejoindre un Dieu étrange ». Ile fait en plongeantausein dumonde déchu dans lequel il vit, en 'y compromettant au travers dactions hé- roiques ou misérables, souvent teintées de violence. Cest de cette compromission que nait parfoisla grace, au sens chrétien du terme ~une grace ambigué. Dans Arbre de fumée, Johnson décritsansles juger des soldats de Farmée américaine qui sefforcent de garder, contre toute vaisemblance, a foi dans ce quils font. Plongée dans les oeuvres de Calvin, Kathy Jones, Tévangéliste membre d'une mis- sion humanitaire, les observe et songe::« Pour quily ait un enfer, leshabitants de cet enferne doivent jamais étre certains quilsyr€- sident. Si Dieu leur disait quis y résident, alors is seraient affran- chis du tourment de Fincertitude et de Tespoir et leurs souffrances ne seraient pas competes.» Le titre emprunté a un verse du ivre de Joa (« Ily aura du sang et du feuet des palmiers de fumée ) dit toute Fambiguité de cette vision de Vécrvain la colonne de nuée qui, dans a Bible, signae a présence de Diew est aussilafumée qui monte des enfers - tandis que le palmier, symbole de victoire, sabime dansles lammes. Cest dans ce monde-c, ce monde tombé quiest peut-étre fenfer, ce monde de « prophéties encore non réa- lisées »oitrégne en permanence «la guerre entrele bien etle mal», écrit Denis Johnson, que chacun doit, seul, sans garantie ni cert- tude, prendre sa place eta redéfinie& chaque pas. @ (et LUCIANA CASTELLINA, traduit de italien par Marianne Fourobert ‘et Marguerite Pozzo, Liana Levi, 176 p,17€, ‘Membre dela Nouvelle Vague sarde avec Marcello Fois ou Michela Murgia, milena Agus, 56 ans, a temporté un succs international avec Mal de pierres, paru en France aux éditions Gana Levi, qui ont publié depuis Battement daies, Quand le requin dort, La Comtesse de Ricotta. Luciana Catellna, 76 ans, est une jouraliste et femme politique italienne, ‘exmembre du Pati communiste, exdéputée du Part pour Funitéprolétarienne. Son seul lie traduiten francais, La Découverte du monde (Actes Sud), a recu le pix Stega 2011 Un lynchage a quatre mains Deux méthodes et deux regards se confrontent 4 un massacre perpétré dans Italie du Sud de 1946, Par Juliette Einhorn ue sestil donc passé dans ce village d'talie du Sud, le 77 mars 1946? En fonction du coté par lequel vous ou- vrirez ce Cluedo littéraire, vous nfobtiendrez pas la 1méme réponse. Ouvrez-le a fendroit, tle travail d'ar- chives G23 journalist et écrivaine Luciana Castellina, figure dela gauche italienne, vous mettrasurles pas d'une enquéte de terrain lareconstitution d'un épisode sanglant dela guere vile des Pouiles (1943-1948). Consulter-lea Fenvers, et cette page d’histore ocultée, Te lynchage de quatre aristocrates bi- gotes confites dans leur palais, se don- nera a vous sous Fangle d'une fiction ‘roussée parla Sarde Milena Agus. Ala rudesse, au dénudement des faits remis en contexte répond Iépaisseur ‘onctueuse du roman, Milena Agus don- nant a parole aux victimes de cette jac- aquerie: dans un accés de fli cllee- tive» une foule de paysans, réunie pour écouter le discours d'un syndicaliste, prend pour une provocation un coupde feu quilscroient tre du palais des sours Porro: Luisa, 66.ns, Vincenzina, 60 ans, Stefania, 55 ns, Carolina, 54.ns, seront srifées, giflés, trainées par les che veux, eles cadavres suppliciés de Laisa ct Carolina abandonnés dans la re. Siles fits se ivrent dans leur évidencetragique quia tué qu, ob cet de quelle facon ~, le processus quia pu aboutir cette violence etTétablissement des responsabilité résistaient jusque la aVana- Iyse. Entrant ici en résonance, Texposé journalistique et la focal- sation subjective de Tinvention viennent donc aider au déchi frement d'un fait enfoui, conjonction opaque de phénoménes. Milena Agus coule dans le roman son style fluid, son écriture blanche qui procéde par suggestion et non-dits, mimant le propos Luciana Castelina et Milena Agus, en janvier 2015. documentariste pour mieux le subvertir. Face tinnommable elle formule ainsi une réponse non manichéenne, complexe et nuan- ‘ée. Car siles sours Porro sontles victimes expiatoires d'un confit ‘social qui oppose depuis 1943 le propritaresterrens aux travail- leurs journaliers qui crévent de faim, elles sont aussi « coupables ‘pour des raisons historiques », gardant eles yeuxetles oreiles bien fermésw ala misére quiles entoure- enfants quitravaillent laterre sage de 6 ans, réduits & manger des racnes, ouvriersagricoles vivant en dessous du monde, dans les iusi, souterrains creusés sousles fonda- tions des maisons. Par le jeu des personnages, la tragédie met en scéne une dialectique roma- nesque qui humanise rapport de force dominants/dominés : la narratrice, amie des quatre seers la foisbienveil- lanteet ice, est une représentantede cette classe remise en cause dans ses fondements, mais son extravagance lui confére une possibilité échappée. Etsi toutporte penser queles véritablesas- sassins sont a chercher parmi les te nants d'un ordre dominant séculaie, la collusion dela litérature t du journa lisme sophistique le constat : les vic times ne sont sans doute pas celles 4quon cot, mais fautil pour autant, comme la narratrce, en dé- duire que ele monde est ainsi ait», que rien ne change jamais rai- rent », que «ce sont seulement les res qui séchangent »? est possible, Mais que cela ne fsse pas perdre de vue ce qui est peut- @treladéde oie decette partition inéditea quatre mains ce que lanarratrice cot elle méme dans un désespoirféroce: «En temps

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