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LES MUTATIONS
DE L’ÉTAT LATINO-AMÉRICAIN
FACE À LA MONDIALISATION
Alain Musset
Bruno Revesz
Norbert Lechner
René Antonio Mayorga
Stéphane Monclaire
Marcelo Cavarozzi
INTERVENTIONNISME,
LIBÉRALISME ET MONDIALISATION :
L’AMÉRIQUE LATINE
DANS TOUS SES ÉTATS
ALAIN MUSSET *
Photographie n°1 : Fresque de la bibliothèque de Tecomitl (Mexico DF). Les grands héros du
Mexique révolutionnaire et institutionnel veillent sur un peuple tout dévoué au travail et à la
patrie. Cliché Alain Musset.
pas permis d’améliorer les conditions de vie, c’est l’idée même de démocratie
qui est remise en cause - et pas seulement son sous-produit apparent, le
néolibéralisme.
Comme on le voit, l’ombre de Keynes flotte sur l’ensemble de ce dossier.
Tour à tour utilisé par la droite ou par la gauche, par des militaires épris de
grandeur nationale ou par des démocrates soucieux de rééquilibrer le corps
social, le vieux penseur britannique est toujours au cœur du débat - même s’il
s’agit de contredire ses idées. Les mêmes causes produisant souvent les
mêmes effets, on ressort des tiroirs ses deux ouvrages les plus connus, publiés
juste après la grande crise mondiale de 1929 : le Traité de la monnaie (1931)
ou la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936). Dans
une Amérique latine « désenchantée » par l’hyper-libéralisme, l’idée d’un
retour de l’État et d’un renforcement des pouvoirs publics fait son chemin.
Certaines réformes « modernisatrices », jugées impératives il y a peu, ont
même été provisoirement enterrées. Nationalisée en 1938, la compagnie
nationale des Pétroles mexicains (PEMEX) a longtemps fonctionné comme
un État dans l’État. Elle a senti passer le vent du boulet sous la présidence de
Carlos Salinas de Gortari, qui voulait non seulement la plier aux règles du
marché, mais surtout réduire son rôle politique et social. Pourtant, son
successeur à la tête de la Fédération, Ernesto Zedillo, empêtré dans la crise
financière de 1994-1995, a dû donner des gages à l’aile dure du PRI, au
syndicat des travailleurs du pétrole, à la gauche mexicaine et aux nationalistes
de tout poil pour garantir l’intangibilité du statut de l’entreprise publique.
L’État est mort, vive l’État ! Le tout est de savoir de quel État on parle :
les auteurs de ce dossier montrent que celui-ci ne peut plus se limiter à des
pratiques autoritaires ou à des fonctions purement formelles. S’il faut tirer
une leçon de l’expérience latino-américaine, c’est qu’au sud du rio Bravo
comme ailleurs dans le monde, un État fort ne se juge pas à l’aune de ses
prises de contrôle dans les grands secteurs de l’économie nationale, mais sur
le respect qu’il inspire à l’ensemble de la société civile.
NOTES
1 Il s’agit bien entendu du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), né en 1929 sous
le nom de Parti national révolutionnaire, puis converti en Parti de la révolution
mexicaine (1938), avant de prendre son nom actuel en 1946.
2 Los Pinos est la résidence officielle du chef de l’État mexicain