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L'ÉVANGILE

SOOIAL

PAR

C. HUMANN
AUTEUR

DB LA NOUVBLLB-JÉRUSALBM:

PARIS

LIBRAIRIE SWEDENBORGlENNE

'12, rue Thouln, t2.

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.L'ÉVANGILE

SOCIAL

PAR

C, HUMANN
AUTEUR
DE LA NOUVELLE-JÉRUSALEM

PARIS

LIBRAIRIE SWEDENBORGIENNE

12, rue Thouin, 12.

- I~~
.,.
TA.BLE DES MÂTInES

Avant-Propos.
1ntroduction.
CHAPI'l'RE 1. Le Règne de Dieu comme danale'
Ciel aussi sur la Terre •. de 1 à 12
Il. La Pratique des enseignements
reiigieU'r...."."." .•.•.•.••..•• 13- 20
11l. La loi du progrès . 2i- 30
IV. La "Parole-ré'l"élée . 31- 40
v. L'âme vivante et îmmortellê ..••
41- 50
VI. La Trinité ... , .. , ..... , ••..•..
51- 56
Vil. La Liberté......•...••••••....
58- 66
VIII. L'Autorité " ~
67- 72
IX. Les demeures dan. 1eR Cieux. '"
73- 82
x. Le selltiment du beau . 83- 91
XI. L·Homme..•... , . 92- 98
XII. Le grand monde . 99-107
A:III. Le lans..age des nombres ......• 108-118-_
XIV. Le langage des couleurs. , ..... 119-126
xv. La loi du mariage....•........
i27-133
XVI. Le Décalogue .. ~ . 131-140
XVII. Les fJces de Jéhovah et la T<ible
de Dieu . 141-144
XVJll. L'Amour du prochain et la Table
de l'Homme.•........••.•..• 145-150
XIX. La Prière•..••.•." , ....• 151-157
xx. L'Oraison Dominicale .•••••...• 158-167
XXI. La statue de Nabuchodnetzar ..• 168-176
xxu. De la Mort, du Jugement dernier
et de la Résurrection .•....•• 177-185
XXlll. De l'Esprit-Saint •............ , 186-191
XXIV. Les Préadamites ••....•••.•..• 192-203
xxv. Le Jardin de la Sagesse..•••.• , 204-24J
TABLE DES MATlÈal':S

XXVI. Le déclin d'un beau Jour.... .•. 215-224


XXVIJ. La 'chute de l'homme et la Ré-
demption. . . • • . . • . • • •• • . . . .• 225-23 2
UVllI. Le Délug e....... .... .. ..... .• 2:i3-23
8
XXIX. L'Arche de Noé.. ........ ...... 239-24 5
xxx. Le Signe de l'Alliance enlre Dieu
et l'Hom me.... ......... .... 246-25 4
XXXI. L'Ivresse de Noé.. ......... .... 255-26 0
XUIl. La Tour de Babel ......... .. ..• 261-26
9
XXXIl1. Les Hébreux et le Culte des Sa-
crifices• •. '.' •.•.•.•• .••.•• " 270 - 278
XXXIV. L'Eglise Chrétienne et le Royau-
me du ~~igneur............. 279-'<:87
xxxv. Î./Eglise chrétienne etles miracles 288-29 3
UVI. La Bible écrite et la Bible de la
nature ........ ........ ...... 294-~99
XXXVII. L'Eglise de l'Avenir , 300-30 5
XXXVllI. La Question sociale ...... 360-31 0
AVANT-PROPOS.

Nous sommes à Pépoque de l'ouverture de


l'Exposition universelle de Chicago dans l'an­
née 1.893. Le Congrès universel des Représen­
hints de toutes les religions doit s'y réunir
durant le mois de septembre. Ce Congrès a
été qualifié dans les journaux anglais et amé­
ricains de Parlement des religions; il l'a été
aussi et à plus juste titre, de premier Concile
réellement œcuménique.
:1 Mais ce Congrès ne peut produire des ré~
'1
\1 sultats assez utiles pour mériter ce dernier
1
titre, qu'à ta condition de proclamer au monde,
les principes communs à· toutes les religions
sous une forme assez frappante pour les popu­
lariser, et pour mettre l'opinion publique en
demeure de poser les premières assises de
PEglise de l'Avenir.
Il faudrait que ces premières assises de l'E­
glise, soient présentées par le Congrès des
religions comme susceptibles d'établir la
fraternité daus les sociétés humaines. Cette
proclamation de n()s principes religieux uni­
versels se présenterait comme une manifes­
tation solennelle de la possibilité de la vic­
toire de l'humanité sur l'esprit sectaire des
Eglises du passé; peut·être, serait·elle capable
Il AVANT-PROPOS

de renverser les obstades qui s'opposent, dans


le monde des nations, à la solution de toutes
les questions sociales.
Celte vICtoire d~ l'humanité sur l'antago­
nisme des classes, ne peut être attendue que
par ceux qui pensent qu'il existe def:! traits
d'union sérieux dans les tendances de l'es­
prit nouveau, tendances qui auront pQur oL­
jet de motiver une fédération de toutes les
Eglises dans le sens d'un adoucissement d~s
mœurs publiques et internationales. Mais
comme il est généralement reconnu depuis le
dix-huitième siècle que tous les hommes peu­
vent obtenir le salut de leurs âmes, dans quel­
que religion qu'ils soient nés, on peut en con­
clure qu'il existe des principes communs à
toutes les Eglises. Leur proclamation contri­
buerait donc à rallier les hommes dans l'ac­
complissement d'une union humanitaire com­
mune, malgré leurs différences de cultes.
Alors les Eglises rivaliseraient PQur mettre en
avant ces principes com~uns, tandis qu'eiles
laisseraient à l'arrière-plan tout ce qui ne
peut être considéré comme susceptible d'uue
application universelle.
A cette occasion, il nous a paru utile de pu­
blier sous le titre d'Evangile social, un livre
qui présentera l'ensemble des principes reli­
gieux que nous croyons les mieux adaptables
au progrès des idées modernes dans leurs
tendances humanitaires.
Les tendances humanitaires nous paraissent
seules susceptibles d'inspirer le corps du droit
divin de l'Eglise de l'avenir et par suite, p~r
AVANT-PROPOS III

voie de conséquence, le corps du droit positif


humain de la civilisation de l'avenir.
Nous ne pouvons pas ici rechercher et déga­
ger un par un, ·chaque principè commun à
toutes les religions; d'ailleurs c'est à chaque
Eglise qu'il appartient dE'! juger pour elle·
môme. Dès lors, en effet, qu'il est reconnu que
le criterium de chaque Eglise est d'aspirer
à r6alisHr dans tous les rapports sociaux,
les applicalions de l'amour de Dieu et de
l'ameur du prochain, en d'autres termes, les
applications de la justice et de la fraternité,
toute fausse doctrine:se trouvera en con tradic­
tion avec ce principe fondamental et univer­
sel; elle se corrigera donc d'elle·même dans
les applications sinon dans ses conséquences
logiques.
Nous nous sommes efforcé de présenter dans
..Jlotre Evangile social, un enchaînement
logique et en même temps biblique de ce prin­
cipe fondamental et universel de toutes les
religions. De plus, nous avons voulu montrer
les applications de ce principe religieux uni­
versel dans une étude également biblique
d'une petite philosophie de l'histoire; nous 1
avons, par conséquent, voulu encorê montrer,
quelle a été l'évolution de l'idée religieuse
dans le passé et quelle elle doit être dans
l'avenir.
C'est aux diflérentes communions qui se
partagent le monde religieux, à proclamer ce
qu'elles peuvent accepter et ce qu'elles en
tendent rejeter de l'ensemble de ces doc­
trines qui sont comme les prin_cipes èo,l'!.S­
(1 titutifs de l'Eglise de l'Avenir.
IV ATANT-PROPOS

Les femmes, en même temps que les


hommes, devant être convoquées au Congrès
universel des religions,il y a lieu d'espérer que
cela produira de bons rësult\ts. En effet, ll'.ls
Eglises du passé ont eu le tort, selon nous, de
ne pas appeler les femmes à coopérer à l'œuvre
missionnaire commune : la fraternité existe
en théorie ou en principe dans nos aspirations
sociales et politiques modernes, beaucoup plus
que dans nos mœurs et dans nos institutions.
L'œuvre de la femme est toute de cœur; elle
doit s'inspirer de l'amour divin, de même quo
l'homme doit s'inspirer de la sagesse divine:
tous deux, l'hômme et la femme, coopèrent
ainsi à l'établissemtJnt de la justice et de la
fraternité dans les mœurs et dans les institu­
tions.
Lorsque l'union sera réellement établie sur
le fondement de la charité et de la solidarité
sociales, les ditl'érentes communions pourront
sans inconvénient accuser des ditl'érences de
doctrines et de cultes, mais elles n'en seront
pas moins unies et liées par l'unité du but qui
est de régénérer les âmes et les mœurs par des
moyens aussi variés que les individualités
elle-mêmes. Par le choc et le frottement de
toutes ces différences, les angles trop aigus
s'useront d~ux-mêmes et t1ntront par coïnci­
der exactement; les ressemblances prendront
alors un développement de plus en plus ac­
centué par les applications des principes de
justice et de fraternité dans le monde des
affaires et dans les rapports sociaux.
Notre travail n'a pas d'autre objet que de
montrer àquel point l'enseignement de la Bible
AVANT-PROPOS V

peut apparaître comme la source originaire de


toutes les autres littératures sacrées; de mon­
trer à quel point aussi, cet enseignement de la
sagesse divine, peut trouver ses applica­
tions dans toutes les bl'anches des sciences
sociales, et ainsi devenir susceptible de rallier
Jes hommes dans un même sentiment clejus­
tice et de fraternité, bien que cet ensei~nement
sacré ne soit pas encore compris ni goüté par
le plus grand nombre et qu'il ne soit pas
même reconnu généralement, comme renfer­
mant une telle etl'icacité.
Puisse le Congrès de toutes les religions
aboutir à un résultat utile et réussir à hâter la
victoire de l'1IUmanité sur l'esprit sectaire des
Eglises du passé. Puisse-t-il inaugurer offi­
ciellement la nouvelle ère de l'Eglise de
l'Avenir.
INTRODUCTIO~

Sommaire

1. L'Evangile l;ocial. - 11 Le socialisme. - III Le spiritisme.


- IV. L'Eglise de l'Avenir. - V. Emmanuel Swedenborg.
- VI. De l'autol'ité en matière religieuee.-VIl, Le lit de
Procuste.

Depuis dix· huit siècles, l'3s différentes Egli­


ses chrétiennes ont proclamé que la Bible était
un livre divin; mais en faisan t cela, elles n'on t
rempli que la moitié de leur lâche; elles n'ont
pas su pénétrer suftiisamment l'esprit de ses
textes à travers le voile de leur leUre, et elles
n'ont pas réussi jusqu'à présent à la popula­
riser comme un livre humain autant que divin,
ou comme un Evangile social·
L'insuffisance de nos Eglises actuelles pour
l'achèvement de leur mission daus le monùe,
ticnt aux abus du pouvoir sacerdotal; celui­
ci s'cst mon'ré sectaire et intolérant, parce
qu'il a beaucoup plus songé à llominer sur les
VIIi INTRODUCTION

consciences par ses dogmes qui, cependant.


s'écartent trop souvent de l'cnseignem.cnt de
la Bible, qu'à resserrer les liens fraternels qui
doivent unir Jes hommes entre eux.
Les Eglises ge sont mises en dehor~ de l'hu­
manité en prêchant 'la charité sous la seule
forme de l'aumône du riche à l'égard du
pauvre, au lieu de la présenter sous la formo
d'une affection réelle et fraternelle pour le
1 semblable, que tous, riches comme pauvres,
\ doivent éprouver les uns pour les autres. C'est
cette affection qui doi t nous porter à remplir
toutes nos fonctions avec un esprit de justico
et d'amour qui constitue la vraie charité.
De cette méprise vient. que la mendicité est
devenue un métier don t on fait parade à la
porte des églises, et elle s'est pour ainsi dire
élevée à la hauteur d'une institution ou d'un
mal nécessaire. De là aussi est née la rivalité
des classes, les riches n'étant plus considérés
autrement que comme des oppresseurs par les
., pauvres et les pauvres comme des importuns
'\\' erdes fainéants par les riches. De là enfin, est
, né l'antigonisme du capital et du travail.

II

Il en est résulté que les principaux chefs des


écoles socialistes se sont éloignés de toute
1doctrine religieuse, parce qu'ils ont vu que la
plupart des chrétiens étaient satisfaits de l'état
actuel de la société. La religion, voilà donc
INrRODUCTI0N IX
l'écueil devant lequel se heurtent même ceux
qui professent dans leur écrits, que le socia- \
Hsme exige pour devenir pratique, une éthi- 1
que bien supérieure à celle qui distingue nos
mœurs actuelles.
Ces derniers prétendent pouvoir créer une
morale, indépendante de tout lien religieux;
ils nient que les liens fraternels des hommes
doivent dériver, par voie de conséquence, de
leurs liens religieux. Ils admettent que tous
les hommes sont frères, mais ils méconnais­
sent que cette fraternité dérive de ce fait,
.qu'il sont enfants d'un même Dieu.
On peut donc accuser le socialisme anti­
religieux, d'être l'expression d'une humanité
vieillie, et qui menace de tomber en décrépi­
tude, parce qu'il s'abandonne trop à l'amour
du côté externe des choses, à l'exclusion des
vérités intérieures qui f(}nt l'âme et la vie des
vérités purement externes.
Nous pensons que le socialisme ne pourra
réussir, qu"à la condition de renaître à la vie
de l'âme, en se rattachant à l'amour des vérités
intérieures,-sans pour cela exclure son zè1eet
ses progrès dans la connaissance des vérités
externes et scientifiques.
Le socialisme vise à substituer au règne de
la bourgeoisie le règne du quatrième Etat celui
de prolétariat. Mais la paix sociale ne pourra
s'obtenir que par le règne d'un Etat, qui admet­
tra dans son sein et sur le pied de l'égalité,
les quatre états ou les quatre classes qui cons­
tituent le corps social tout entier, sans exclu­
sion aucune: ce sera la victoire de l'humanit6
x . INTRODUCTION

sur l'esprit étroit d'exclusivisme, la victoire dé


la démocratie libérale sur la démagogie.
Cette victoire de l'humanité ne pout se
réaliser qu'en évitant de tomber daIis le travers
de chacun des quatre Etats, que l'histoiro nous
montre tous comme ayant été tour à tour des­
potiques, fanatiques et sectaires, tontes les
fois qu'il$ ont eu en main la puissance politique.
La victoire de l'humanité sur les' tendancos
exclusives, suppose donc l'existence d'ua ciIi~
quième Etat social, qui n'opprimera ni Je
clergé, ni la noblesse, ni la bourgeoisie, ni le
prolétariat; en effet, lorsque ces classes se
trouveront relevées de leur déchéance mo­
rale, par le progrès des mœl1rs publiques,
elles vivront toutes ensemble, sur le pied
d'une é6'alité fraternelle, en considération
des services qu'elles sont aptes à se ~endre
mutuellement.
C'est dans l'établissement de cette harmonie
sociale, que doit consister le progrès de notre
civilisation moderne, et par suite la mission
ùe l'enseignement des préceptes de l'Evan­
gi le social.

lU

Le spiritiûme a été adopté par quelques so­


cialistes et par la plupart de ceux qui, par
suite du milieu sceptique dans lequol ils vi·
vaient, étaient resté3 étrangers à la Blble et à
ses enseignements. en ce qui concerne parti·
Il"TRODUOnON XI

cutièrement la croyance à l'immortalité de


l'âme et à la continuation de notre existence
dans le monde spirituel.
Il n'est pas douteux pour celui qui a ap­
profondi l'esprit de la Bible, ou même pour
eelui qui a seulement vécu dans un milieu re­
ligie_llx, sans avoir poussé très loin l'étude de
la Pal'ob révélée, que l'homme est en con­
soeiation avec de bons et de mauvais esprits.
Il est eR rapports constants avec les soci~tés
~géliques et les ~ociétés -internalës, --de-ma·
niere à pouvoir rester libre, durant sa vie ter­
restre, de s'attacher soit aux unes soit aux au­
tres.
Les semblables attirent leurs semblables,
particulièrement dans ce monde du sentiment,
qui. est celui des sympathies ou des antipa­
thies et qui constitue aussi le monde spirituel.
Ce n'est certes pas par la vue de notre corps
physique que nous correspondons avec ce
monde spirituel, mais c'est par la vue inté­
rieure de nos pensées et la chaleur de nos
affections. Selon le cours que nous donnons à
nos pensées et à nos afl'ections particulières,
nous caractérisons les diff"érences d'humeur
de chacnn de nous. Mais ce monde du senti­
ment et de la pensée, est le monde de l'infini;
il est en dehors des espaces et des temps, par­
ce qu'il est en dehors et au-dessus de la nature
à laquelle seule, les espaces et les temps sont
inhérents. C'est ce qui ülÏt aussi qu'on l'ap­
pelle le monde surnaturel.
Croire au surnaturel, c'est se sentir vivre
de la vie de l'esprit. Tous vivent de la vie de
t'esprit, bien qu'ils n'aient pas eu durant la vie
:IU INTRODUCTION

terrestre t leur vue spirituelle ouverle t et ainsi


la faculté de voir ce qui se passe dans le
monde spirituel. Cela est ari'ivé cependant aux
prophètes tels que Daniel, Ezéchiel, Zacharie t
Jean t etc. dont il est dit dans la Bible t qu'ils
ont été « en esprit» ou en vision.
Le spiritisme prétend obtenir pour ses
adeptes des communications édifiantes avec
le monde des esprits sans même avoir l'aide
4e cette ouverture de la vue spirituelle.
De tels hommes qui sont le plus souvent
dénués de toute connaissance des vérités ré.
vélées t n'ont d'autre ressource pour satis­
faire aux besoins spirituels de leurs âmes,
qu'un retour à l'amour du merveilleux, des
miracles et des pratiques magiques du moyen
âge. Ils ont donc protité du spiritisme t parce
que celui·ci leur a inspiré certaines terreurs, ou
quelquefois certaines réflexions salutaires,
qui leur ont fait acquérir la foi à l'existence du
monde spirituel et par suite la crainte de
Dieu..
La crainte de Dieu est le premier pas vers
la sagesse. Pour faire ce premier pas t le spiri­
tisme a ainsi pu remplir l'office de la religion
juive, dont c'était le principe dominant. Mais
làs'arrête son utilité t car il est facile de mon­
trer que le spiritisme ne peut nous aider à
nous élever plus haut, et que même très souvent
il devient nuisible.
Le second pas vers la sagesse est de trans­
former dans le cœur des hommes, cette
crainte de Dieu en un sentiment d'amour de
Dieu. On sait que la supériorité de la religion
chrétienne sur l'Eglise juive, consiste surtou
INTRODUCTION :xin
en cette transformation opérée par elle, dans
l'esprit des hommes, de l'idée d'un Dieu ter­
rible et vengeur, en un Dieu d'amour et de
miséricorde.
Le troisième pas vers la sagesse, sera l'œu­
vre de l'Eglise de l'avenir; celle-ci doit changer
la face du monde, en transportant de la sphère
allstraite dos idées doctrinales, dans la sphère
pratique des idées sociales, les principes de
l'union fraternelle des hommes. Mais pour y
arriver, cette religion universelle du bien qui
remue déjà les cœurs de notre monde moderne,
doit s'éclairer de connaissances n0 11velles sur
Dieu et sur l'homme.
Ce n'est pas dans le spiritisme qu'on trouvera
ces connaissances nouvelles adaptables aux
idées modernes, car le spiritisme s'abandonne
aux pratiques magiques du moyen-âge, au
lieu de rechercher la sagflsse où elle se trouve,
c'est-à-dire, dans les enseignements de la
Parole révélée de Dieu. Ses principaux doc­
teurs, acceptent à la lettre, la doctrine de
la métempsycose, ou des réincarnations suc­
cessives ; ne serait-il pas plus intelligent,
de chercher à expliquer cette doctrine re­
nouvelée de Pythagore et de la religion des
Hindous 1 Elle a un sens significatif qui est
caché sous le voile du langage symbolique
familier aux anciens. L'idée ùe métamorphose
qui enveloppe la doctrine de la métempsycose
n'a pu prendre naissance que dans la doctrine
de la repon tance. Celle-ci suppose. en eU'et,
une conversion,et suivant le sens exact du mot
grec, META li: 01 A employé dans le texte des évan­
40
XIV INTRonUCTION

gUes, une véritable métamorphose de l'esprit,


un retour à la lumière de la vérite. La repen­
tance a pour objet de transformer les différen­
tes phases de la régénération del'âme humaine,
en autan t d'atI'ections nouvelles et successives,
qui ont été représentées symboliquement
dans les religions antiques par différentes
sortes d'animaux; les instincts di1:téreuts. do
ceux-ci, snivant leur espèces, sont le dévelop­
pement de ces affections particulières dans les·
quelles ils uaissent. Comme il y a de bons et
de mauvais instincts, il y a aussi de-bons et
de mauvais animaux; ces derniers symboli­
saient pour les anciens les mauvaises affections
qui s'emparent du cœur de l'homme méchant,
et qui peuvent le conduire d'abîme en abîme
jusqu'à la folie.
Les phases diverses de l'existence ùe l'âme.
humaine dans un corps terrestre, - se trou­
vant représentées par autant de transforma­
tions successives, soit vers des éJ.évations
dans le bien, soit vers des abaissements dans
le mal, - figurent aussi des voyages spirituels
de l'âme humaine, et constituent, conformé·
ment à la croyance des anciens peuples à la
métempsycose, de véritables métamorphoses
ou transformations de nous·mêmes,
Lors de la décadence de la sagesse antique
on vénérait encore les traditions de cette
ancienne symbolique, mais on ne les enten­
dait plus que dans leur sens littéral; de là
toutes les fables des anciennes mythologies.
·Platon reconnaissait cependant, que la doc­
trine de Pythagore était plutôt un mythe
qU'une opinion philosophique.
INTRODUCTION xv
Dans la sagesse antique. ces voyages spIn
tuels de la transmigration des âmes, avaient
leur itinéraire tout tracé. comme on en trouve
aes preuves dans le déchiffrement des textes
hiéroglyphiques. Ii y avai t dondà un véri table
programme d'éducation pour la jeunesse, d'une
profondeur bien autrement grande que celui
de notre éducation moderne.
En réalité, il n'y a pas d'autre métempsy­
cose, que celle qui consiste dans la méta­
morphost' de nous-mêmes. Nous transfor­
mons successivement nos croyances, à mesure
que nous nous élevons dans l'amour du bien
et du vrai, par la repentance de nos péchés
contre Dieu et contre le prochain. Or, cfltte
métamorphose de nous-mômes, regarrle l'âme
et non le corps; pour celui·ci il y a seulement
la métamorphose de la matière qui passe fata­
lement et indéfiniment par un circulus de
formes nouvelles; celles-ci servent d'enve­
loppes successives aux créations si intIlllment
variées des trois règnes de la nature.
Le spiritisme menace de nous égarer dans
des erreurs dignes des croyances supersti­
tieuses du moyen-âge, dans des erreurs tout
aussi graves que sa doctrine des réincarna­
tions successives; il peut même nous mener à
l'aliénation men tale, ainsi qu'on en a vu déjà
trop d'exemples. Ce dernier danger du spiri­
tismo peut s'expliquer par le caractère de nos
rapports avec le monde spirituel,
Les hommes naissent dans le naturalisme
et par suite dans l'amour exclusif des choses
externes; mais ils doivent naître à nouveau
dans le spiritualisme pour pouvoir se préparer
XVi iNTRODUCTION

à la vie dans le monde spirituel et aboutir à la


régénération de leurs âmes qui constituent
leurs corps spirituels. Ils n' y arrivent qu'en
appropriant à ceux-ci le bien et le vrai; mais
ils meurent spirituellement lorsqu'ils s'appro­
prient le mal et le faux.
Pour se régénérer, les hommes doivent
donc, après s'être instruits par les vérités
externes et scientifiques, s'élever à l'amour
des vérités intérieures et supérieures ;' mais
l'amour des vérités externes à l'exclusion des
vérités spirituelles, caractérise l'esprit du tuai
et associe les hommes aux sociétés mauvaises
de l'enfer. S'ils persistent dans cet amour ex­
cessif du côté externe des choses, les mauvais
esprits qui sont dans ce même amour, s'asso­
cient à eux, parce que les semblables attirent
leu( 8 semblables; ils pénètrent dans lem' vo­
lonté, s'en emparent, et les conduisent gra­
duellement à l'aliénation mentale, c'est-'à·di:'
re, à la perte de leur libre arbitre, par suite de
la rupture de tous les liens de conscience avec
le bien et le vrai, Ils deviennent alors ce que
l'Evangile appelle des possédés, et ainsi des
instruments aveugles et inconscients des
esprits infernaux.
Les pratiques dn spiritisme ne peuvent que
hâter cet asservissement de nos âmes aux
espri:s infernaux, car tant que nous ne som­
mes pas entièrement régénérés, nous ne pou­
vons attirer à nous, en vertu de la loi des
semblables, que des âmes non régénérées, et
par suite, de mauvais esprits.
Swédenborg avait été préparé par la Provi­
dence pendant toute sa vie à cette ouverture
INTRODUCTION XVlI

de la vie spirituelle. C'est pourquoi sa raison


n'en souffrit pas et fut au contraire perfec­
tionnée; mais il écrivait lui-même à son ami
Robsahm qui lui demandait si d'autres que lui
ne pouvaient pas jouir du commerce avec les
esprits: « Prenez garde, c'est le chemin qui
mène à l'hôpital des fous ».

IV

Les Eglises ont perdu leur popularité en


méconnaissant les principes qui découlent de
la sagesse enseignée dans la Bible. Il en est
résulté qu'il a surgi en dehors d'elles, une
religion de la pi tié pour les malheureux, qui
est destinée, avec les progès des temps, à nous
débarrasser de toutes nos misères ~ociales.
Cette religion da monde moderne est tout ce
qui 3 survécu au dlX-huitième siècle de la
décadence des religions du passé: elle est la
religion universelie du bien. C'est grâce à elle
que le sentiment de fraternité appartient de­
puis un siècle à la devise républicaine, et
qu'elle fait place dans le langag~ économique
à la notion plus concrète de la loi de solida­
rité.
Nous sommes maintenant appelés à for­
muler cette religion nouvelle dans ses lois:
celles-ci doivent toutes se déduire rationnel·
lement de l'amour de Dieu et l'amour du pro·
chain.
Cette religion qui vient de a'afftrmer danSl
XV111 INTRODUCTION

le monde depuis le dix-huitième siècle est


encore toute de $entiment; elle ost dans l'igno­
rance de la vérité qui peut la rendre vIable et
adaptable à nos idées modernes; elle n'est pas
même connue de la généralité des hommes
sons sa forme rationnBll0, la seul~ fOI'me qui
convienne aux idées de notre siècle; celles-ci
aspirent principalement à se montrer pra­
tiques.
CJ.Iégeba écrit que Lout ce qui est rationu~l
est réel, et que tout ee qui est réel est
rationnel. Cela est vrai. Il faut au monde mo­
derne la v.erité réelle, la seule qui soit prati­
que, parce qu'elle se présente sous une forme
rationnelle.
Cette religion du bien ne peut s'édifier d'une
m::1l1ièro durable que sur les textes de la Bible;
mais il est nécessaire qu'on en ait une intel­
ligence plus élevée que celle que possédaient
les Eglises du p:Jssé. Le génie du monde mo­
derne sera, en effet, aussi diŒérent du génie
du monde ancien, que le règne du Ohrist en
esprit est différent du règne du Christ cn
chair, c'est·à-dire, de son règne dans 10 sens
de la lettre de la Bible.
C'est à cause de cette différence de génie
entre l'esprit ancien et l'esprit nouveau quo
le Seignenr a dit: « Moi, je vous ai envoyé
« moissonner ce à quoi vous n'aviez point
« travaillé, et vous dans leur travail vous ôtes
« entrés ». (Jean IV. 38).
L'Eglise chrétienne du passé travaille à son
insu depuis dix-huit siècles à l'enfantement
de celte Eglise chl'étienne do l'avenir, et ne
réussira à la produire dans tous ses dévelop.
INTRODtlCTION XIX

pements, qu'au prix de sa propre ruine, tan­


elle s'est écartée par son organisation ecclé­
siastique et cléricale de l'espl'Ït évangélique.
De même, le grain de froment tombant en
t'3rre, meurt. pour porter beaucoup de fruit.
(Jean, XII. 24).
L'esprit nouveau est le ferment qui fait
tomber en dissolution les Eglises du passé:
cet esprit nouveau a réussi à percer les té­
nèbres du moyen-âge, à triompher des bû·
chers de l'inquisition et de toutes les supers­
titions sorties du sein de J'Eglise chrétienne
du passé: c'est ainsi qu'il a produit, en dehors
de celle-ci, cet adoucissement des mœurs et
cet esprit de tolérance dont s'honore le monde
moderne.

1 L'Eglise de l'avenir s'écartera donc du mys·


ticisme de l'Eglise du passé, en recherchant
une conception rationnelle de la doctrine chré·
tiénne, et une clef pour ouvrir Je sens spi!'Ï­
tuel de Ja symbolique sacrée.
Or, il y a peu de personnes encore qui
savent, que cette conceQtion r~tionnel1e de la
doctrine c1}.r~tienne et que cette clefdtrsens
spirituel existent déjà, toutes préparées, dans \
les nombrenx ouvrages écrits en latin, au \
XVIIIO siècle, pal" le savant philosophe suédois
Emmanuel Swedenborg.
C'est également dans la langue latine qu'a
été formulée la fraternité chrétienne, telle
xx INTRODUCTION

que la comprenait l'Eglise primitive, et elle


est devenue la langue universelle commune
à tous les peuples.
Les livres d'Emmanuel Swedenborg se
trouvent déjà traduits dans presque toutes
les langues et il8 font l'objet spécial des
études de petits centres 'tl:hommes religieux
et lettrés; qui sont dissémi~dans les cinq
parties du monde. Nous avons résumé ·l'his­
toire des progrès de l'Eglise cie l'avenir,
depuis un siècle qu'elle existe, dans un tra­
vail spéci al (1),
Les livres de Swedenborg sont, il est
vrai, encore très peu connus en France;
mais ils sont déja très répandus en Angle­
terre et aux Etats-Unis d'Amérique,
Les explications lumineuses que nous y
trouvons des textes bibliques, s'adaptent
parfaitement à cette religion universelle du
bien, qui n'est ni l'"Eglise juive, ni l'Eglise
grecque, ni l'Egliso romaine, ni aucune des
Eglises protestantes du passé, mais l'Eglise
de l'avenir. Elle est amplement développée
dans une théologie facile à comprendre, parce
qu'elle est logiquement déduite du sentimen t
d'amour de Dieu et du prochain; elle est
puisée dans le sens littéral des textes de la
Bible, et elledevi611t ainsi une religion par­

(1) LA NOUVELLE JÉRUSALEM, d'uprès les en.seigne­


ments d'E. Swedenborg. Se>' progrès dans le !monde,
Ses principes de droit di'vin et leurs applications so­
ciales. Paris, 1889, Librairie du Temple de la rue
Th n llh.1'.',
iNTRODUCTioN XXi

faitement adaptable aux progrès des idées


modernes; celles-ci sont trop souvent en­
rayées par les tendances mystiques et auto­
ritaires, lorsqu'elles ne le sont pas par les
tendances opposées du scepticisme.
Cette religion du bon sens, si bien dégagée
des textes bibliques par E. Swedenborg,
enseigne l'amour et la sagesse indépendam­
ment .des formes de leurs applications; celles­
91 peuven t varier indéfiniment suivan t les
temps et les lieux.
Enseigner ainsi la vérité pour l'amour d'elle·
même, n'est pas plus une œuvre sectaire, que
d'enseigner les lettres dans les universités.
Cette religion nouvelle est présentée au
monde avec la prétention parfaitement justi­
fiée, pour tous ceux qui l'ont étudiée à fond,
d'inaugurer la Jérusalem nouvelle, telle qu'elle
est annoncée dans Daniel, (chap. II,44.VII. 13
14.) et dans l'Apocalypse. Elle ouvre aux
érudits un vaste champ d'études, non pas seu­
lement au point de vue d'une théologie puisée
directement dans les textes de la Bible, mais
eu;ore au [oint de vue de la symbolique sacrée:
celle·ci a été qualifiée avec raison par Swe­
denborg, de « Science des corresDondances. »
En etl'et, toutes les vérités de faits, sont des
vérités qui peuvent être traitées de scienti­
fiques; elles sont destinées à servir d'enve­
IOPP,es, de formules, de représentatifs et de
signes éloquents des vérités intérieures et
supérieures; celles-ci sont des vérités spiri­
tuelles cachées sous l'écorce du sens littéral,
ce qui fai t que Ip, sens in terne, qui est la chose
véritablement signifiée, est la correspondance
xxii INTRODUCTIO:-l

du sens externe et littéral; ce dernier est le


représentatif et le premier est le significatif.
Ces véri tés spirituelles doiven t former le
corps du droit divin nouveau, qui est destiné
au dève1oJ)pement du progrès de la eivilisation
modetne: on deSCel}dant dans los applications,
lIes se transforment en principes de ùroit
positif humain, parfaitement adaptables à
toute.:' les branches des sciences sociales.
Ces doctrines de la philosophie et de la
science chrétiennes, bien loin d'être des rêve­
l'ios, bien loin de mettre leurs adlOirateurs en
dehors ùe l'humanité, ainsi que l'ont prélendu
ceux qui nlen avaient qu'uno notion s\lpE'rti­
cielle, SOtlt destinées à devenir l'expression ]a
plu!-1 élevée de ln.civilisation de l'avenir.
Tous ceux qUlles éluùieut consciencieuse­
ment, acquièrent la conviction qu'elles ont
pour objet de réaliser,sous leurs formes phllo·
saphiques et scientifiques, le programme de
toutes les amëliorations sociales, devant
lesquelles ont échoué les Eglises et les insti­
tutions du passé, parce qu'en se rendant sec­
'aires et intolérantes, elles &0 sont elles­
mêmes rejelées en dehors de l'h~manit6, en
dehors de la science el en dehors de la civili­
sation moderne,

VI

Des écrivains, appartenant à di11'érenlcs


communions chrétiennes i ont discuté sur l'ori·
IN1'RODUOTION XXlll

gine ct la nature de l'autodté religieuse.


Tous font remonter l'origine de l'autorité reli-
gieuse à l'Ecn ture sainte; celie-ci a été pré-
servée dans son intégrité par le soin dé la
nation juive pour 06 qui concerne l'Ancien
Testament, et, pour ce qui concerne le Nou-
veau Testament, par l'Egliso chrétienne.
La ùifficuité est de savoir à qui appartient
l'interpr6talion des saintes Ecritures. L'Eglise
l'omaine pretend avoir le monopole dp, celte
intorprétation par ses conciles et son sacer-
doce, tandis que les Eglises protestantes sou-
tiennent que cette interprétation appartient à
la conscience de Cl1aCUl1. •
L'Eglise de la Nouvelle Jérusalem, qui est
l'Eglise de l'aveu il', considère la question
comme résolue pour elle, depuis le dix-hui-
tième siècle, par le dévoilement du sens spi-
rituel des saintes Ecritures. Elle ajoute lIUO
cette révélation cIe la Vérité chrétienne est}
dans la Bible, à la portée de tous ceux qui la
cherchent, avec la volonté de la trouver. Los
légères variantes que relève la saine critique
dans les Ecritures saintes ne touchan t pas au
Bens intcrne.Il a été pourvu à cela par laDivine
Providence; de même que certaines lois phy-
siques, ont assuré la durée de la lumière phy-
tique du soleil, de même certaines lois spiri-
Buellas ont assuré la durée ùes ùiverses révé-
lations qui ont constitué la lumière-. ~D\Tiluelle
destinée à éclairer tout 11.omme vonant au
monde. (Jean, 1. 9.)
La Nouvelle Eg;li:"'(l cllrélil)nne écrit sur 10
frontispiQ~.i.e ses temples: Nunc licet, pour
annoOCer au monde qU'lI est permis mainte-
xxIV INTRODUCTtON

nant de pénétrer par l'entendement dans tous


secrets de la Parole, et cela parce que les doc­
trines chrétiennes forment une chaîne de
vérités que le Seigneur a eu soin de révéler
dans certains passages de la lettre même de
la Bible. En d'autres termes, dans la Nouvelle
Eglise chrétienne, l'entendement ne doit plus
être mis sous l'obéissance de la foi, comme
dans les Eglises du passé; de plus, les parties
doctrinales de la Parole doivent être puisées
directement dans le sens littéral, car dans
ce sens, nne partie est pleinement compréhen­
sible, et une autre partie est voilée; Swe­
denborg exprime ainsi cette différence:« la
Parole, dit-il, es t comme un homme vêtu
dont la face est nue et les mains sont nues;
toutes les choses qui appartiennent à la foi
et à la vie de l'homme, ainsi que celles qui ap­
partiennent à son salut sont nues, mais toutes
les autres y sont vt"tues; elles sont vues à tra­
vers leur vêtement comme on voit une femme à
travers une gaze lég ère placée devant sa face. "
l V. Vraie Religion chrétienne, n' 229).
Le même auteur écrit encore: c Qu'est-ce
que croire et ne pas voir si la. chose est vraIe?
Et si quelqu'un dit néanmoins qu'il faut croire
aveuglément sans comprendre pour avoir la
foi, il s'attire cette réponse: T'imagines-tu être
Ull Dieu en qui je croirai, ou me prends-tu
pour un' iIl.s~nsé, en demandant une assertion
dans laquelle je ne vois pas le vrai? Fais que
je voie.:; (Doctrine de la. Nouvelle~Jérusalem sur
la Foi, no 4. )
On sait, en effet, que la sagesse consiste

U'

lNTRODUCTlON xxv
uniquement à voir et à comprendre les choses
qu'on pense.
Ainsi, bien qu'il y ait des vérités au-dessus
de la raison humaine, qui, par conséquent, ne
peuvent être connues des hommes que par une
révélation divine, ces vérités ne sont nulle-
ment contraires à la raison, car on peut en dé-
dui!'e to"ut un enchaînement de conséquences,
et même tout le corps du droit divin, c'est·à·dire
une religion démontrée.
Ainsi, par exemple, comment saurions-nous
que Dieu est l'Amour même et la sagesse
même, si cela ne nous avait pas été révélé?
L'homme sait bien, en effet, comme l'observe
encore Swpdenborg, que l'amour existe,
mais il ignore ce que c'est que l'amour, car 11
iguore que c'est la vie même.
«. Si tu éloignes l'affection qui appartient à
l'amour, peux-tu penser quelque chose, et
peux-tu faire quelque chose? La pensée, la
parole et l'action ne se refroidissent-elles pas
selon que se refroidit l'aff'ection qui appartient
à l'amour, et ne s'échauff'ent-elles pas selon
que cette affection s'échauffe? Mais le sage le
perçoit, non d'après la connjlÏssance que l'a-
mour est la vie de l'homme, mais d'après l'es-
pérance que cela arrive ainsi.» (La Sagesse
angélique SUI' le Divin Amour, n' 1).
Ce qui précède nous montre qu'il n'y a plus
d'autorité humaine qui puisse nous imposer
une loi commune en matière de foi religieuse;
et par suite qui puisse nous imposer cette foi.
C'est seulement la lumière de la vérité que
chacun de nous peut acquénr dans la Bible,
.Ii

j
XXVI iNTRODUCTION

par les efforts individuels de notre peusée, qui


nous donne une foi salvifique.
C'est la lumière de cette vérité, dont Jean
nous dit, qu'elle« éclaire tout h')mme venan t
au monde. l> (Jean I. 9.)
La Vérité porte donc en elle son propre té·
moignage; elle n'a besoin d'aucune autorité
humaine pour faire toute seule son chemin
dans le monde avec le progrès des mœurs pu­
bliques.
Il y a un pouvoir qui n'est pas en nous·
mêmes et qui fait tôt ou tard prévaloir la Vé­
rité et·la Justice aux yeux de tous. Les idées
humaines passent et changent, mais cette
Vérlté et cette Justice divines sont contenues
et enveloppées dans la Parole de Dieu qui ne
passe jamais.
Swedenborg nous donne les moyens de les
mettre à nu par la rccherclte du sens spiri­
tuel de l'Ecriture Sainte. Cette mise à nu de
la sage,:,se de l'enseignement divin, lors­
qu'elle apparaît sous son caractère rationnel,
nous fournit en même temps, la véritable
preuve de l'inspIration divine des Saintes
Ecritures et nous montre aussi combien celles­
ci sont différentes des écrits des hommes.
Il ne faut pas croire quo ce dévoilement de
la réalité de l'inspiration des Ecritures Sain­
tes, nous empêche de reconnaître, avec la
critique moderne, qu'une large portion de ces
textes sacrés contient des contradiciions quant
à leur sens littéral. Nous accordons égale­
ment que certains passages paraîssent être,
dans leur sens llttéral, en opposition avec la
morale.
INTRODUCTION XXVII

Malgré cela, Swedenborg et ses disci­


ples maintiennent que les livres inspirés
l'ont été dans chaque phrase, dans chaque
mot et dans chaque syllabe, toujours en mon­
trant qu'ils contiennent un sens interne. De
plus, ils professont que ces contradictions
n'existent que dans les apparences, et que, de
plus, elles existent précisément parce qlle
tout en étant divinement inspirés, ces écrils
devaient s'adapter au génie barbare des
hommes auxquels ils ont été directement
adressés; ces hommes étaient, en effet, par
leurs principes et leurs actes, en contradlc­
tion avec eux-mêmes; il leur fallait donc un
langage approprié à l'état de leurs àmes; au­
trement, ils ne l'auraient pas accepté.
Il était nécessaire que, par la Divine Pro­
vidEHlce du Seigneur, le texte des livres ins­
pirés de la Bible fut consorvé intact ·substan­
tiellement à travers les âges, tel que l'Egliso
ra eu en tout temps; car la Parole divine
contient un sens interne qui doit révéler aux
l10rnmes les vérités spirituelles à mesure qu'ils
arrivent à être en état de les comprendre.
La Divine Parole est donc une parabole, de­
puis son cOl:nmencement jusqu'à sa fjn, ainsi,
chaque image naturelle est une expression
qui correspond à une vérité spirituelle qui
en est l'âme.
Ce qui satisfait l'esprit dans ]a doctrine de
la Nouvelle Jérus3lem sur l'Ecriture sainte,
en le mettant au-dessus des agitations et des
discussions de la critique biblique, est donc
précisément la confiance que la sainteté de la
Parole et son immense supériorité sur tous

1
XXVIII lN1RODUonON

les écrits des hommes, consiste dans l'exis­


tence du sens interne. Les incOrrections de la
lettre du texte, incorrrections qui, en réalité,
ne sont que dans les apparences, perdent ainsi
leur importance parce qu'il a été pourvu par la
divine Providence à ce qu'elles n'altérâssent
pas ce sens interne.
Nous avons, pour mieux expliquer notre
doctrine, cité quelques passages des écrits de
Swedenborg et de l'enseignement de cet auteur
à l'appui de la vraie solution de cette ques­
tion de l'autorité en matière religieuse; mais
ce n'est pas que nous considérions Swedenborg
comme une autorité qui s'impose à tous, car,
en réalité, il n'a et ne prétend [nullement
imposer son autorité en matière de foi.
En effet, ses écrits ne sont destinés qu'à nous
montrerla possibilité d'une conceplion ration­
nelle de toute la doctrine chrétienne, puisée
directement dans la Bible, et à nous donner la
clef du style des correspondances dans lequel
la Parole révélée a été écrite. Il en résulte
que, croire que les écrits de Swedenborg cons­
ti tuent une autorité qui doit nous être i~posée
forcément, parce qu'il reçût la mission de les
écrire par divine autorité, ce n'est pas y crOlre,
mais c'est les pervertir; Sweclcnbor-g' s'adresse
constamment à la raison de chacun de nous;
il nous guide comme par la main, pour nous
aider à dégager nous-même la doctrine chré­
tienne de certains passages épars ça et là dans
la Bible, et qui peuvent être acceptés dans
leur sens littéral.
Une fois en possession de cette doctrine,
qui se trouve entièrement écrite dans les
lNTRODtiCTlON XXIX
textes de la Bible, nous sommes en posses­
sion d'une clef qui peut nous servir à p{,né­
trer le sens spirituel caché derrIère lè voile
de la lettre. Gette doctrine nons montre aussi,
en somme, que les contradictions de la lettre
des textes, ne sont qu'apparentes et que,
toute la Parole qui est réellement d'inspira­
tion divine, n'est, dans son sens spirituel,
qu'un chant d'amour de Dieu et du prochain,
destiné à mettre à notre portée tous les élé­
ments nécessaires, pour que nous puissions
introduire graduellement, dans tous nos rap­
ports sociaux, la fraternité et la justice.
Mais sans la doctrine, la Parole ne peut être
comprise dans son sens interne, car, avant de
devenir spirituel, l'homme doit commencer
par être rationnel et avoir une conception
rationnelle de l'enseignement divin. Or, une
conception rationnelle de tout le corps du droit
divin, sera un don supérieur à ce don des mi­
racles que possédaient les chrétiens de la pri­
mitive Eglise du Christ. Ce don des miracles
a été aussi nécessaire à la fondation de la pre­
mière Eglise chrétienne qu'à la fondation de
l'Eglise Juive.
Mais, en ce qui concerne l'Eglise de l'avenir,
l'autorité en matière religieuse ne sera plus
fondée sur le souvenir du don des miracles,
ni sur la foi mystique on aveugle, parce que
personne ne croira plus ce qu'il ne compren­
dra pas rationnellement. La seule autorité en
en matière religieuse sera donc la vérité,
telle qu'elle se manifeste dans l'entendement
de tous cèux qui la cherchent avec la volonté
de la trouver.Lp. règne du Ohrist en esprit,suc·
,

xxx INTRODUCTION

cède maintenant au règne du Christ en chair;


celui-ci a été le règne du sens de la lettre
qu'on acceptait mystiquement et par esprit
d'obéissance, lors même qu'on ne la compre­
nait pas.
Ce nouveau règne du Christ nous est annoncé
par l'Evangile dans les termes suivants:
Cl On verra le Fils de l'homme venant« dans

les nuées du Ciel avec puissance et Cl gloire. 1>


(Mathieu, XXIV. 30).
Par « les nuées du Ciel» il est entendu la
Parole dans le sens de la lettre, parce que la
lettre cache souvent la vérité nue qui est ainsi
voilée comme la nuée voile la splendeur de la
lumière du Ciel. Par", la puissance et la gloire.
dans laquelle le Seigneur doit venir, il faut
entendre le sens spirituel de la Parole.
Le second Avènement du Christ qui doit
inaugurer l'ère de la seconde Eglise chré­
tenne, dite Nouvelle Jérusalem, est donc un
Avènement qui a lieu, non pas en personne,
mais en esprit et dans la Parole qui procède
de Lui. Cette Parole sera comprise alors dans
son sens spiri tueI, et la généralité des homme s
pourra s'approprier la vraie doctrine chré­
tienne, puisée dans le sens naturel des textes
de la Bible.

VII

Il est écrit dans Esaïe, XXVIII. 20 :


. « Le lit sera trop court pour s'y étendre et
INTRODUCTION XXXI
« la couverture trop étroite pour qu'on s'y
« ctlveloppe.))
Le lit dans le sens spiritnel signifie la doc­
trine: la raison en est, qlle le corps so repo se
sur un lit, de mêm~ que l'esprit sc repose sur
uue doctrine qui lui paraît satisfaisante. La
couverture siguille les vér'ilés rationnelles qUi
sont comme une couverture pour les vérités
spirituelles, (Voir« Arcanes célestes )l,de Swe~
denborg, no 2570).
Cette signification du lit se con.firme surtout
par l'étude du sens spirituel des ditlérents
passages de la Bible dans lesquels lé lit est
nommé,
tious savons que la mythologie(~;que' )
renferme des symbolos et des enseignements
qui avaient été puises en~le; là, re langage
dos correspondances, transmis par les sages
rÉthi.opiens qui faisaient partie de 1'TI:gUse des
temps deJ'âg-8 d'ar@nt, et qui possèaaient \
une Parole révéLée, avait été soigneusemen. t
et longtemps conservé par la caste sacerdotale
qui en avait fait une science cachée. Cette
science fut peu à peu perdue, Mais il ne faut
pas nous étonner de retrouver quelquefois
dans les mythologies anciennes des symboles
et vôrités qui concorden t avec ceux- de la Bible.
L'esprit fanatique et sectaire qui divIse --=--­
encore de nos jours les différentes :Eglises qui
se partagent le monde religieux, a eu ses ex­
Q.ressions symboliques dans l'histoire deQ?ro­
cus~~, brigand fameux üe l'Attique. On raconte
que ee:ui-ci avait l'habitude d'attacher les
voyageurs sur son propl'e lit, et de les adapter
à sa longueur; s'ils étaient trop. petits, ils
XXXH INTRODUCTION

étaient allongés et torturés pour être amenés


à la grandeur vonlue; s'i ls étaient trop grands,
ils étaient raccourcis par la section des pieds
et de la partie des jambes qui dépassaient la
longueur du lit. Les voyageurs, qui étaient
ainSi torturés, représentent les hommes qui
voudraient se régénérer, mais qui eu sont
\ empêchés et détournés par le fanatisme du
pouvoir sacerdotal. Celui-ci est ~mffisamment
caractérisé par une Eglise qui s'impose en
disant: « Hors de moi ou en dehors de mes
dogmes, pas de salut ».
( Thésé~ qui passe pour avoir délivré la terre
ete-Pr-6cu !'l te, personnifie un des héros de l'âge
d'airain, dit âge héroïque. Dans ce dernier
âge, ceux qu'on qualifie de hér'os, sont des
personnages mythiques; il est probable qu'ils
représentent des associations humaines de la
fin de l'âge d'argent, qui eurent la réputation
de relever l'humanité da la décaience où elle
tombait, en inaugurant une nouvelle ère de
justice et de fraternité sur la terre.
Cette nouvelle ère de paix et de prospérité
dura jusqu'à ce que les crimes des hommes,
tombés dans l'âge de fer, chassèrent de la
terr(Astréj}, la déesse de la justice, qui re­
monta au Ciel.
On voit que cette histoire mythologique de
--- ( Procusfe, renferme un grand enseignement,
car"etfe nous dépeint, sous de vives couleurs,
Ies excès de toute nature auxquels peuvent

l
être entraînés les hommes qui recherchent la
justice dans une égalité superficielle; en
d'autres termes, -elle dépeint ceux qui recher­
ohent l'unité dans une uniformité purement ,
INTRODUCTioN XXXIll
extérieure, au lieu de la rechercher dans la
variété des différentes parties d'un ensemble
harmonieux et bien proportionné.
Dans le passage d'Esaïe que nous avons cité,
le lit est trop court et la couverture trop étroite,
pour nous enseigner que toute doctrine reli­
gieuse est nécessairement en concordance
exacte avec l'état et la condition de celui qui
la professe. Si l'esprit est étroit, la doctrine
qui s'adapte à cet .esprit, sera ègalement
étroite.
Il est donc à désirer que l'esprit s'élargisse
par l'amour mutuel; en effet, la doctrine qui
est destinée à se présenter comme le dévelop­
pement rationnel de l'amour de Dieu et de
l'amour du prochain, trouve ses déductions
logiques et ses applications dans tous nos
rapports sociaux, et non pas seulement dans
les rapports nécessairement restreints et
limités des membres d'une Eglise particulière.
Les hommes, en général, autant ceux des
temps de l'Eglise Israélite que ceux de nos
jours, sont captivés par leurs doctrines parti­
culières, lors mêma que celles-ci n'ont pas été
ép-rouvées dans leurs dérivations autant que
leurs applications sociales, comme étant réel­
lement les expressions pratiques du sentiment
de fraternité ou d'amour mutuel, qui doit faire
le fondement essentiel de la vraie religion,
Chacun s'efforce donc de faire accepter sa
propre doctrine, pa,rce que celie-ci est un lit
qui est à sa mesure ou à sa taille; mais on ne
s'inquiète guère de la question de savoir si
elle est réellement adaptable à l'état et' à la
condition d'esprit de la généralité des hommes.
XXXIV INTRODUCTION

Nous devons soigneusement disting uer


les vérités fondamentales qui son t de l'es­
sence même de toutes les religions et qui
sont destinées à leur servir de lien commun,
des vérités particulières qui découlent·des
premi ères; ces vérités particu lières sont au­
tant d'applications va.riées suivant les temps
et les lieux, de ce fonds commun destiné à
leur servir de lien fédéral.
Les rites et les liturgies particu lières de
chaque Eglise, ne sont, en définitive, que
des formes variées du culte universel de
l'amour de Dieu et d~ l'amou r du prochain.
de méme que les langtH'S qui son t si varia­
bles, bien qu'elles soient destinées à expri­
mer les mêmes idées et les mêmes senti­
ments.
Mais ceux qui ne veulent voir la religion
que dans le cercle étroit des rapports de
sacrist ie de l'Eglise particulière à laquelle
ils se rattachent, contrib uent à mainte nir
J'ignorance sur la portée réelle du christi a­
nisme, et ainsi à éloigner les hommes du
désir de s'instr uire eux-mêmes des beauté s
de la littéra ture sacrée. Ils s'en rappor tent,
pour le saint de leurs âmes, à de préten dus
directe urs de conscience ou à des formules
toutes faites de prière s et de confessions de
foi, dont on répète machinalement les vai­
nes redites , sans pouvoir les reconn aître de
cœur et encore moins se les assimiler.
La révolution religieuse, qui est en train
ae se réalise r dans le monde depuis le dix­
hnitiém e siècle, tend à faire prédominer le
cllristianisme de la cllarité sur celui de la
INTRODUCTION xxxv
foi. Ce dernier christianisme ne pourra plus
être accepté qu'autant qu'il apparaîtra
comme une dérivation du premier.
La théologie de la charité, qui est le déve­
loppement de l'amour mutuel des hommes,
doit produire l'affranchissement des masses
de la tuteUe sacerdotale j par cela même que
cet amour mutuel rétablira l'égalité, la paix,
la justice et la liberté dans tous nos rapports
sociaux, il doit réaliser jusque dans les œU 4

vres d'utilité sociale, cette belle unité de l'es­


prit humain entièrement brisée depuis la
décadence de la sagesse antique.
La théologie de la charité, bien loiD d'être
sectaire et intolérant.e, comme celle de la foi
seule, doit régénérer celle-ci, la rendre
vivante, de morte qu'elle était; elle est des­
tinée, non-seulement à vivifier nos sciences
sociales, mais elle peut encore rendre les
sciences exactes plus attrayantes; celles-ci
ont été jusqu'à présent montrées sous une
forme aride et abstraite des plus incompati­
b les avec les choses de sentiment qu'elles
renferment, sous le voile tout symbolique des
créat.ions de la nature. 1
Les lois naturélles et scientifiques, ne son t,
en effet, comme vérités de fait, ou comme
vérités particulières, que des expressions
externes, matérielles et symboliques des lois
spirituelles qui sont les vérités universelles.
En d'autres termes, la connaissance du sens
spirituel de notre Bible écrite, doit nous
dévoiler la connaissance du sens spirituel de
la Bible de la nature.
La théologie de là charité, est la perception
XXXVI INTRODUCTlON

des choses de sentiment, la clef des mystères


du symbolisme de la littérature sacrée; elle
est donc bien différente de la théologie abs­
traite et stérile de la foi seule. Celle-ci ne
peut que nous faire goûter aux fruits de l'aère
de la science, tandis que celle··là nous fera
goûter aux fruits de l'arbre de vie placé au
milieu dujardin de la sagesse divine. En effet,
cette théologie de la charité est destlOée à
transformer la vérité scientifique en utilité
morale et en sagesse pratique parce qu'elle doit
nous rendre compte des lois du monde des fins
qui est le monde spIrituel; or, les influences
de celui·ci se font sentir matériellement dans
notre mondd terrestre; elle substituera par­
tout le spiritualisme au naturalisme de la
science moderne, celle·ci est destinée â servir
de vêtement à la religion.
La théologie de la chari té nous inspirera
une théologie vivante de la foi qui doit refléter
la première comme dans un miroir, et éclairer
celle-ci eu la représentant sous une forme ra­
tionnelle compréhensible à tous.
Les deux théologies, par leur union étroite,
s'aùressent au cœur, tout en éclairant la rai­
son. et plus leur union sera étroite, mieux
elles nous afl'ranchiront du danger .d'être bru­
talement étendus sur le lit de Procuste, qui est
resté fatal aux progrès des mœurs publiques
jusque dans les temps de notre monde mo­
derne.
C'est surtout dans la lecture des œuvres
théologiques d'Emmanuel Swedenborg. qu'on
se pénétrera mieux de la nécessité d'élargir
nos cœurs et nos esprits, pour aboutir à l'écra­
1NTRODUCTION XXXVII
sement de toute tendance sectaire, et à la pré­
dominance du principe de liberté sur le prin­
cipe d'autorité.
Ce n'est pas à dire que ceux qui ne connais­
sent pas les écrits de Swedenborg, ou qui ne
se plaisent pas dans leur étude, ne puissent
pas néanmoins travailler aussi au déveIOppe-)\
~.~octrill~~L~~ I~Eglise deJ~~r, "
qUi est la Nouvelle Jérusalem annoncée dans
Daniel et dans l'Apocalypse.
Mais ceux qui sauront tirer parti des tra­
vaux de nos devanciers, surtout lorsque ces
travaux, comme ceux de Swedenborg, sont
inspirés par la Révélation, en même temp s
qu'ils le sont par la raison, ceux-là avanceront
plus loin dans la vérité et feront des progrès
plus rapides que ceux qui chercheront à con­
naître la vérité sans autre secours que leur
propre génie.
Aidons-nous donc les uns les autres, élar­
gissons nos cœurs et nos esprits en buvant
aux sources mêmes de la vérité telle qu'elle
nous a été directement révélée dans la Bible,
pour fonder l'J~glise de l'avenir. Celltci res­
tera ouverte à tous, pour que, suivant les pa­
roles d'Esaïe;«nos lits ne soient pas trop courts
et nos couvertures trop étroites pour que nous
nous en enveloppions. ))

42

L'ÉVANGILE SOCIAL

CHAPITRE PREMIER

Le règne de Dieu, comme dans le ciel, aussi sur


la terre (Matth. VI, 9, 10).
SO~lMAIRF.
1. Le règne de Dieu sur la terl'e et l'Evangile social. ­
2. La liberté de ne croire que ce qui peut être compris
rationnellement dans les mystères de la foi, amène à
une liberté anillogue dans le domaine de l'ordre politique,
de même que dans la pratique sociale. - 3. Le gouver­
nement par la raison d'Etat et le gouvernement par la
justice. - 4. L'Eglise de l'avenir devra devenir une fédé­
ration de tous les cultes pour l'organisation des sociétés
humaines dans le sens de la coopération de tous au bien­
être de chacun, - 5, La Jéru~alem céleste doit, d'après
l'Apocalypse, descendre du Ciel pOUl' se réaliser aussi
sur la terre. - 6. Le nouveau règne de Dieu, parmi les
hommes, suppose le~ mœurs de la fraternité, l'~e
.de toutesrit sectaire et une vue synthétique de toùtes
les branc es des connaissances humaines. - 7. L'union
étroite de la science, de la philosophie et de la religion,
doit exister également entre les représentants de ces
différentes branches du savoir humain, - 8, Les vérités
révélées sont surnaturelles: la philosophie et la sciencd
peuvent 'servir à les confirmer, mais Don à les découvrir.
- 9. L<I, Bible écrite et la Bible de la nature nous révè­
lent la Symbolique sacrée; celle·ci nous montre les cor­
re"pondances entre les vérités spirituelles et les véritélllla­
turelles. - 10. La philosophie est destinée à tenir lieu de
trait-d'union entre la religion et la science; celle-ci doit
servir de manteau à la religion. - 11. Les différents
points de vue suivant lesquels la vérité de fait peut être
envisagée. - 12. Les liens des différentes branches du
savoir humain sont aussi étroits que les liens fraternels
qui doivent unir les hommes entre eux. C'est la mécon­
nais sance de cette vérité qui éloigne de nous le règne
de la fraternité et la solution de la question sociale.

1. Le règne de Dieu sur la terre suppose le rè­


gne de la liberté, de la justice et de la frater­
nité existant ehez les hommes, n.on pas seule­
1
2 LE RÈGNE DE DIEU

ment dans leur enseignement religieux, mais


bien aussi dans tous leurs rapports sociaux.
La religion, en effet, n'est pas tant dans la
doctrine que dans la vie suivant la doctri Ile.
Cela nous est ainsi enseigné dans les versets
2 et 3 du chapt XXII de Matthieu, où il est dit :
4: Sur la chaire de Moïse sont assemblés les
scribes et les pharisiens; faites toutes les
choses qu'ils vous disent d'observer, observez­
les et faites-les, mais selon leurs œuvres ne
faites poinl, car ils disent et ne font point! »
Il résulte de ce texte et de bien d'autres, que Ja
pratique des enseignements de Jésus-Christ,
peut d'autant mieux étre qualifiée d'Evangile
social, que le Maître nous recommande l'appli­
cation dans nos rapports sociaux, des principes
de la sagesse divine.
2. Avant le dix-huitième siècle, on ne pouvait
obtenir une intelligence rationnelle des mys­
tères de la foi, à cause de l'obstacle opposé par
le pouvoir sacerdotal,qui était intéressé à main­
tenir une croyance aveugle dans des dogmes,
qu'il ne pouvait plus comprendre lui-même,
sinon par suite de leur falsification intéressée,
t'out au moins par la perte de leur signHlcàtion
originaire.
Cette permission ou celte liberté nouvelle à
laquelle aspire le monùe moderne, de ne plus
croire que ce qu'il lui est possible de com­
prendre rationnellement, nous amène insensi­
blement à la conquête d'une liberté analogue,
dans le domaine de l'ordre politique, de me!ne
que dans le monde des affaires.
En effet, l'accroissement des lumières do la
généralité des hommes dans la connaissance
des affaires religieuses, politiques et sociales,
devient un progrès qui équivaut, pour les gou­
verna nts et pour tous les diri gean ts, à la néces­
sité de ne plus pouvoir se conduire autrement
SUR LÀ TERRE 3

qu'en qualité de mandataires des gouvernés, et


par suite, qui équivaut à l'obligation de rendre
compte de leurs actes; ainsi, ce nouveau Urait de
contrôle que le public exerce wr eux, les rend
moralement responsables devant l'opinion pu-
blique, qui représente la masse des gouvernés.
3. Le gouvernement despotique par la raison
d'Etat, doit, en conséquence, faire place progres-
sivement an gouvernement par lajustice, le seul
légitime et le seul durable. La même émanci-
pation doit s'opérer dans le gouvernement
ecclésiastique. Les progrès de la liberté de
conscience sultiront pour émanciper et laïciser'
insensiblement les cultes de toutes les Eglises,
car on ne s'en rapportera plus au prêtre seu-
lement, pour l'orthodoxie de l'enseignement des
doctrines religieuses, mais aux lumières puisées
directement par le bon sens public dans la
connaissance de la littérature sacrée.
Il en résultera, dès 101'S, une impossibilité de
plus en plus grande, pour le monda officiel, de
continuer à se retrancher derrière una pré-
tenùue infaillibilité du principe d'autorité gou-
vel'nementale.
La reconnaissance franche et ouverte de l'é-
tatde faillibilité des institutions humaines, vau-
tll'a centfois mieux que cette prételltion outre-
cuidante à l'infaillibilité, dontse pare le. vieux
monde officiel, bien qu'elle ne soit plus décem-
ment de mi~e devant le progrès de l'esprit mo-
d erne.
Ce progrès exige que tout acte officiel, soit
de l'autorité religieuse, soit de l'autorité politi.
que, puisse être compris et reconnu être con·
forme à l'esprit de vérité et de justice; qu'ainsi
rien ne puisse plus être accepté aveuglément,
soit au nom de la l'aison d'Etat, soit au nom du
sacerdoce, soit au nom des autorités humaines.
C'est seulement ainsj, qu'on verra poindre à
4 LE RÈGNE DE DiEU

l'horizon de nos progrès futurs, la lumière d'une


nouvelle ère, qui percera les ténèbres de l'igno­
rance des âges passés.
Cette lumièl'tl nouvelle fera disparaître iu­
sensiblement le caractère mystique des ancien­
nes croyances.
4. L'Eglise de l'avenir dèvra donc devenir
une fédération de tous les cultes qui se parta­
geront le monde religieux, pour l'organisation
des sociétés humaines dans le sens de la coopé­
ration de tous au développement du bien-être
de chacun. Or, cette fédération de tous les cul­
les, reste impossible, aussi longtemps que cha­
que Eglise se renferme exclusivement dans la
sphère restreinte de l'enseignement de ses doc·
trines théo 1ogiquts particulières, et aussi long·
temps qu'elle les présente comme l'unique mo­
yen de salut, au lieu d'émanciper ces mêmes
doctrines, en les présentant au contraire, sous
la forme toute nouvelle, d'instruments de réali­
sation de la fraternité et de la justice parmi les
hommes. On aboutira ainsi à reconnaitre l'o~
bligation de justifier de le14r caractère salvifi­
que, non pas seulement au peint de vue de la
vie dans l'autre monde, mais aussi au point de
vue de la vie dans notre monde terrestre.
5. La Jérusalem céleste, telle qu'elle est pré­
dite dans lellvro de l'Apocalypse, doit descen­
dre du ciel sur la lerre, et ainsi se réaliser sur
la terre comme aussi dans le ciel, suivant le
passage même de l'Oraison dominicale qui sert
de titre à ce chapitre.
La vérité est une, mais elle doit se présenter
dans ses applications infiniment variées, sous
des formes plus intérieures, ou plus extérieures,
suivant qu'elle plane dans les hauteurs des so­
ciétés célestes, ou suivant qu'ell~ descend dans
le monde des hommes, pour revêtir des formes
SUR LA TERRE 5

externes, terrestres et même mondaines.


Les doctrines de foi prêchées au nom de la
fraternité, dans les différents cultes, sont desti­
nées avec le progrès des lumières, à s'unifier
graduellement de manière à pouvoir se mani­
fester dans des applications sociales, ainsi à se
séculariser ou à se laïciser dans des actes de so­
lidarité et de justice sociale.
Il est, en effet, généralement reconnu, par
l'histoire même det; dogmes ou de leur évolu­
tion dans les différents cultes, que les Eglises
de toutes les dénominations avec le progrès des
idées modernes, s'écartent graduellement de
leurs confessions de foi origiuaires: celles·ci
tendent toujours à étouffer la religion dans un
cadre trop étroit. Mais les formes et les dogmes
s'usent peu à peu, ets'etlacent dans leurs carac­
tères trop accentués, pour se fondre dans un
selltiment universel de charité ou de fraternité
socialement pratique, tel qu'on le trouve si sa­
vamment développé dans les œuvres d'Emma­
nueI8wédenborg(1}.
JI est vrai que si chaque Eglise particulière a
une mission speciale à remplir pour l'humanité,
il ne s'ensuit pas que toutes les Eglises so!ent
également aptes à procurt:lr par "leur enseigne­
mentie même degré d'élévation morale, la même
qualité dans la ri>génération de l'âme humaine,
et de la société en gélH~ral, car la qualité de la
régénération varie sll.ivant la qualité de la foi
religieuse, de même que le travail de l'ouvrier
est plus p,'omptement réalisé et mieux t'ait sui­
vant la qualité des instruments, Mais les hom­
mes ont, trop souvent, l'orguf.il de croire que la
religion dans laqublle ils sont nés, est la seule

(1) VOil' notre livre intitulé. La N(lLtvellc Jérus'llem,


d'l&près les enseignements d'Et Swédenbol'g. Ses progr'ès
dans le monde, ses principes de droit di vin et leurs appli­
6 LE RÈONE OE OiEU

vraie, au lieu d'é.voir assez d'indépendance d'es­


prit pour faire table rase de leurs croyances ir­
réfléchies, et de rechercher le ~ystème reli­
gieux qui s'adapte le mieux il l'esprit moderne
par son caractère rationnel, ainsi qu'à la prati­
que de la vie sociale.
Cependant, toutes le~ Eglises n'en ont pas'
moins cette tendance heureuse de s'unir avec le
progrès des temps dans un sentiment de frater­
nité genel'ale, car leurs doctrines se fusionnent,
sinon dans leurs expreSSlOns quant aux formes
externes du culte, très certainement dans les
principes essentiels: ceux-ci se résument dans
l'amour de Dieu et du prochain, sentiment qui
trouve des applications de plus en plus étendues,
dans les différentes branches des sciences so­
ciales; or, le but final de la religion, qui est loin
encore socialement paI'lant,c1'être realisé dans
notre civilisation moderne, est l'unité dans la va·
riété, c'est-il·dire, la fraternité dans la liberté.
6. Le nouveau lègue de Dieu parmi les hom­
mes suppose, en effet, les mœUl'S de la frater'nilé
dorlt l'absence est la seule cause qui cache, à
nous autres modernes, la vraie solution de la
question sociale.
Mais ces mœurs nouvelles de la justice, de la
liberté et de la fraternité supposent elles-mê­
mes, préalablement, cbez la généralité des homo
mes, un accroissement de lumière suffisant
pour déraciner de leurs cœllrs tout exclusi­
visme, tout fanatisme, tout esprit sectaire.
Cette largeur de vues, ce libéralisme qui doit
progressivement se substituer dans le bon sens
public, à l'esprit etroit des Eglises sectaires et
du fanatisme religieux, suppuse aussi une union
des plus étroites entre la rèligion, la philoso­
cations sociales. Paris, t2, rue Thouio, à la Iibrail'Ïe de
la Nou"clle Jérusalem.
WR LA TERRE 7
phie, la science, l'économie sociale et les beaux­
arls, en un mot, une vue synthétique de toutes
les branches des connaissances humaines.
7. Or, cotte union étroite et en mème temps
cetie vue syothétique de toutes les branches des
connaissances humaines, doit exister également
chez les représent<'lllts de ces connaissances, et
elle doiLs:operer de manière à etouffer tout ~­
prit sedaire, tout exclusivisme.
Cherchons donc à dégager cette synthèse ou
cette idée-mère qui doit leur servir de trait d'u­
nion.
Dans ce bu"t,observons, en premier lieu, que
celui qui, dans la recherche de la vérité, ne re­
connaît d'autre idéal que la science, et qui ne
voit, en conséquence, que le fait matériel, abou­
tit fatalement au matérialisme. En effet, la
science n'embrasse que les lois de la nature
matérielle, et celles-ci sont susceptibles d'être
connues seulement par l'aide de nos sens: Il eu
résulte un danger pour nos savants modernes
qui, lorsqu'ils ne reconnaissent comme vrais
que les faits scientifiquement démontrés, tom­
bent dans le matérialisme, qualifié de natura­
lisme, ou encore qualifié dans sa forme la plus
savante, Ile positivisme.
Observons en second lieu, que celui qui, as­
pirant à un idéal plus élevé que le matérialisme,
ne recherche cet idéal que dans la raison pure,
celui-là abuutit falalement au rationalisme,
et c'est là généralemeut récueil de l'esprit mo­
derne.
Enfin, observons en dernier lieu que celui qui,
aspirant à s'élever plus haut encore, ne 1'e­
cherclle son idéal que dans la connaissance lit­
térale de la vérité révélée sans vouloir s'aider,
en même temps, de la philosophie et de la
science, celui-là absorbe la philosophie et la
science dans la superstition, et il aboutit au
8 LE RÈGNE DE DIEU

mysticisme. C'était là l'écueil des écoles scho­


las tiques, contre lequel se heurtent encore trop
souvent nos Eglises modernes.
8. La religion ne nous est révélée directement
que par la littérature sacrée; elle formule des
vérités telles que celles de l'existence de Dieu,
et de son unité, qu'il nous serait impossible de
découvrir par nous-mêmes, au moyen du se­
cours de la raison seule, ou de la science seule,
car ces vérités révélées sont spirituelles et doi·
vent être qualifiées de surnaturelles; elles
constituent en effd, des principes qui dominent
le monde matériel, planent au-dessus de lui et
au-dessus de la science elle-même.
Si donc la philosophie ou la raison pure ne
peut pas nous servir à découvrir par nous-mê­
mes, ces vérités nouvelles que nous ne pouvons
connaître qu'à mesure que nous apprenons à les
dégager plus clairement des textes de la litté­
rature sacrée, elle peut, tout au moins. nous
servir à leur donner droit de cité parmi les
hommes de notre monde moderne, eu faisant
ressortir leur caractère rationnel.
La philosophie peut, en effet. par le moyen de
la logique, nous servir à présenter rationnelle­
ment certai nes vérités clairement révélées dans
le domaine religieux, ainsi à les rendre vrai- .
semblables, et à leur imprimer un plus grand
cêlractère de certitude.
Ces vérités révélées qui se trouvent placées
au-dessus de la raison humaine, et au-deS~lls
de la science, ne doivent plus cependant, dans
nos idées modernes, rester susceptibles de se
trouver en opposition avec la raison ou avec la
science, ainsi que cela a eu lieu jusqu'en ces
derniers temps, par les inspiratIons d'un pou­
voir sacerdotal, intéressé à assoupir les cons­
ciences et à obscurcir les intelligences, afin de
les dominer et de les asservir.
SUR LA TERRE 9
Si, de son côté, la science seule ne peut nous
servir il. découvrir par nous-mêmes les vérités
révélées, bien qu'elles nousapparai&sentcomme
susceptibles d'être présentées sous un jour
rationnel, et même scielitifique, elle peut, ce­
pendant, servir à les confirmer scientifique­
ment, c'est-à-dire, dacs leurs applications maté·
rielles, ou les plus externes, et même à les
formuler ainsi par voie d'analogie.
9. A côté de la vérité révélée dans notre Bible
écrite, ily a, en effet, la vérité révélée dans la
BiLle de la nature, c'est-à-dire dans les signa­
tures mêmes des créations naturelles.
Il en est question dans notre Bible écrite, car
l'étude de son sens spirituel, nous initie à la
science des correspondances entre les vérités
spirituelles et les vérités naturelles, soit scien­
tifiques, soit simplement historiques. Celles·ci
sont les signes, et celles·là, les choses signi­
fiées, Celles-ci sont des représentatifs et celles­
là les choses représentées. Cette science des cor·
respondances ou cette symbolique sacrée nous
manifeste les signes des vérités spirituelles au­
tant dans les fails de l'histoire sainte, autant
dans les créations humaines que dans les créa­
tions divines. Elle nous initie en même temp:::
aux lois de l'esthétique, c'est-à-dire à la science
du beau, et en même temps elle nous fait tou·
cher du doi gt l'erreur et la folie des artis tes qui
prétendent faire de l'ad pour l'art, au lieu de
voir dans les signatures des choses et dans les
beaux.arts, le langage de la sagesse divine.
La sagesse antique avait cette perception de
la vérité que l'homme spirituel, par le moyen
de ses facuItés rationnelles, voyait les choses
spirituelles dans les sciences et dans les arts,
de même qu'un homme se voit dans un miroir et
s'y recoIJnait.
10. En somme, la philosophip doit nous ap­
10 LE RÈGNE DE DIEO

prendre à être rationnels, religieusement par­


lant, tandis que la science doit nous enseigner,
par voie d'analogie, à confirmer ell nous,la con­
naissance des vérirés spirituelles.
La philo~ophie est donc destinée à servir de
trait d'union entre la religion et la soience.
De son côté, la science est destinee à servir
de manteall à la religion, car elle nous présente
dans les créations de la nature des harmonies et
des beautés, que nous devons imiter ou répéter
sous de Douvelles formes dans nos institutions
sociales.
L'esprit philosophique est une des tendances
de l'esprit moderDl~; c'est celle de la civjlisa­
tion do l'avenir. Cet esprit n'accepte rien qui se
présente comme contraire à 1:1 raison, mais son
caractère libéral, fait qu'il accepte certaines
vérités qui sont au-dessus de la raison humaine,
parce qu'elles échappent à toute investigation
scientifique, bien que, néanmoins, elles soient
llusceptib!es d'être formulées rationnellement.
En s'harmonisant avec la religion, la science
évite de tùmber dans le matérialisme, et elle se
transforme alors en sagesse, ce qui empêche,
d'un autre côté, la religion de tomber dans le
mysticisme. Or, l'un ou l'autre de ces deux mal­
heurs arrive, toutes les fois que la science et la
religion, au lieu de s'harmoniser, vivent isolées,
ou même opposées l'une à l'autre, ou encore
lorsqu'elles sont abwrbées l'une par l'autre.
11. Le fait naturel ou matét'iel fait l'objet de la
science. Or, la vérité de fait, peut être envisa­
gée tour à tour au point de yue du juste et de
l'utile, au pointde vue purement scientifique et
au point de vue purement esthétique. Il y a
donc dans le seul fait matériel, à envisager le
côté des sciences sociales, celui des sciences
exactes et celui des beaux·arls.
Les sciences sociales comprennent le juste et
sun LA TSRRE 1'1
l'utile: il leur cal'act.èJ'e purement scientlflque
et naturaliste, il faut donc ajoutel' uu élément
moral de~tin.é à les t.ransformer eIl sagesse.
Il ya, par conséquent, quatre points de vue de
la vérité de fait ou de la vérité naturelle, qui
fOI'ment les divisions générales, et en même
temps la synthèse de toutes nos connaissances.
Ces quatre points de vue de la vérité de fait,
se lienl en tre eux corn me la fiu, la cause, les
/fets premiers et les effets derniers: ou ellcore,
commele bien, le vrai ,le bon ou l'ulile, eUe beau.
La conclusion de ce qui précède, est que la
religion, la philosophie et la science, doivent
s'équilibrer mutuellement dans leurs applica­
ions social èS, et qu'elles ont chacune leurs li­
mites respectives, tracées d'avance dans les
idées universelles du bien, du vrai, et du fait,
c'est-à-dire, de la fin, de la cause et dos effets.
Ce n'est pas à dire que le bien, le vrai et le
fait, ne concourent pas à la fois à la réalhation
pratique des principes soit religieux, soit phi­
losophiques, soit scientifiques, mais c'est à
dire, que la religion envisage les choses plus
essentiellement au point de vue du bien en lui­
même, que la philosophie les envisage plus
essentiellement au point de vue du vrai dans
ses dérivations rationnelles, enfin que la
science envisage les choses au poi nt de vue du
fait matériel, vu en lui-même.
Il ya donc à la fois de la religion, de la phi­
losophie et de la science dans chacun de ces
trois domaines de la pensée humaine; seule­
ment, il y a, pour la distinction ùe la sphère
respective de chacune de ces branches du sa­
voir humain, la religion proprement dite, la
philosophie proprement dite et la science pro­
ment dite.
12. IL en résulte que les liens des différentes
branches des connaissances humaines, sont
\

i2 LE RÈGNE DE DIEU SUR LA TERRE

aussi étroits que les liens fraternels qui doivant


unir tous les hommes entre eux, comme les
enfants d'un même Dieu.
n en résulte encore que les hommes qui per­
sistent à vivre en castes isolées, dont les unes
se réclament exclusivement de la religion, les
autres aussi exclusivement de la philosophie,
d'autres encore aussi exclusivement de la
science seule, d'autres enfin, de l'utilité seule,
vivent en réalité dans un état de barbarie et
d'exclusivisme qui est le résultat nécessaire de
leur caractère fanatique et sectaire. .
De leur côté, les différentes Eglises qui vi­
vent isolées et opposées les unes aux autres, à
cause de leurs différences théologiques, de­
vraient s'unir au nom de leur principe commun
qui est l'amour de Dieu et l'amour du prochain.
Elles devraient laisser de côté, à l'arrIère.plan,
ce qui les divise pour rechercher de concert les
principes théologiques qui leur sont communs,
parce qu'ils serviront de traits d'union et d'ins­
truments de réalisation des œuvres de charité
et de fraternité sociales, pour l' enseigne men t gé.
néral de la pratique de ces mêmes œuvres.
Mais partout où l'esprit d'exclusivisme et de
division persiste, contrairement à l'enseigne­
ment de Jésus-Christ, qu'il a ainsi formulé:
« Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas
jugés, » (Matth. VII. 1) c'est la force qui prime
le droit, et c'est la raison du plus fort que s'im­
pose toujours comme la meilleure. De là vient
aussi que le règne de Dieu sur la terre, et que
la solution de la question sociale, sont aussi
loin de nous, que la connaissance du nou.vel
Evangile social de l'Eglise et de la civilisation
de l'aveair.
CHAPITRE II
La pratiqne des enseignements religieux
SOMMAIRE

13, La religion qui est au-dessus du domaine de la ma­


tière, doit descendre et senlr à inspil'er même le lan­
gage des affaires. - 14, Distinction à faire entre la
f"tlternité et la wliJarité. - 15, Les Jois qui reglent d
qui gouvernent la distribution des richesses, bien que
purement scientifiques, dépendent d'une cause morale.
Celle-ci est destinee à sc greffer SUI' la science qu'on
nomme maintenant: wciologic, - 16, Les tendances
démocratiques de l'csPI'it modeme nous conduisent à
une évolution, qui tend à substituer le gouvernement
"al' la justice au gouvernement par ia raison d'Etat. ­
11, Parallèle entre la religion et le socialisme.- 18. Les
Eglises ont eu une iDfiuence funeste SUl' l'enseignement
des sciences sociales, tandis que leur mission est d'être
les auxiliaires de cet enseignement. - 19. Le Chl'istia­
nisme a eu cependant, celle influence heul'euse, de faire
naître l'esprit de tolérance et de charité, qui s'est affi, mé
dans nos mœUl'S, à partil' du dix-buitième siècle, mais il
n'a pas su encore s'aff,'anchir de l'esprit sectaire, qui di­
vise les Eglises des di.tfèrentes Communion S.- 20. L'ex­
périence enseigne que l'homme ne reç,oit la vérité qu'en
proportion qu'il cst dans le bien: le bien désire le vrai,
parce que celui-ci l'éclaire el l'équilibre dans ses appli­
cations à tous les actes de la vie sociale.

01', Jéms lUi dit: dans la loi qu'y


a-t-il d'ecrit 1 Comment lis-lu
En répondaut il dit : ~ Tu aime­
ras le Seignenr ton Dieu de tout
ton cœur et de toute ton àm~ et
de toule ta force et de toute ta.
pensée; et ton prochain comme
toi-même, " Alors il lui dit:
Convenablement tu as répondu,
fais cela et tu vivras, (Luc. X,
26, 27, 28.)
13. Ce texte de l'Ecriture sainte forme le som­
maire de toute la Loi, et il pose le principe
.2
14 T.A t'RATIQUE

fondamental de toute religion. L'amour de Dieu


et du prochain n'est pas seulament l'expression
du sentiment de fraternité, qui Juit uuir tou~
les hommes dans leurs rapporls r.eligieux, mais
cet amour est destiné, avec le progrès des mumrs
et de la civilisation, à sa séculariser de ma­
nière à étendre ses ramificatIOns et ses arpli­
cations, à toutes les branches des scieuces socia­
les, ainsi qU'à tous les rapports du monde des
affaires.
Pour laïciser la religion, pour la seculal'iser,
de manière à la rendr'e populaire, en familiari­
sant les hommes avec ses enseignements, il est
nécessaire de montrer son cûté pratique et son
adaptation à tous les acles de la vie sociale,
particulièrement au langage même des affaires.
On arrivera donc à se servir du langage des
économistes, et des hommes d'affaires pour en­
seigner les vérités religieuses dans les actes,
et de manière à manifester clairement le carac­
tère pratique de ces enseignements.
i4.0bservons, à ce propos, que la fraternité,
seul sentiment qui ait survécu à la décadence
des Eglises du passé, appartient depuis un siècle
à la devise républicaine, et qu'elle fait place,
dans le langage économique, à la notion plus
concrète de la solidarité.
Ces deux expressions: la fraternité et la soli­
darité, s'emploient souvent l'une pour l'autre,
bien qu'il soit ulile et même nèce::lsaire de les
distinguer. En effet, la fraternilé existe en théo­
ris ou en principe dans nos aspirations poli ti­
ques, plutôt qULl dans nos mœurs et nos institu­
tions, taiHlis que la solidarité humaine, lors­
qu'elle est reconnue et admise, de manière à
produire de bons, au lieu de mauvais résultats,
suppose cette fraternité comme ayant pénétré
jusque dans la pratique de la vie sociale.
Si, au contraire, nous méconnaissons, dans la
DES ENSEIGNEMENTS RELIGlEliX 15
pratique des affaires, cette solidarite sociale
qui {aille fondement même de la science de
l'économie poli lürue, nous suùissons des crises
économiques et l1uuncièt'es, d'une manière
d'autant plus crueUe, que l'esprit de fraternite
a moiDS imprégné nos mœu)'s.
On s'aper'çoit alors, au prix des souffl'ances
et des misères sociales, que la solidarite s'im­
pose à lous, parce qu'elle fait retomber le mal
des uns sur les autres, de telle sorte que tous
les membres du corps social en souffrent, tan­
dis que (~ette mêm~~ solidarité sociale est, en
réalité, destinée à étendre le bien de chacun à
tous ou de tous à chacun.
15. La société se trouve ùonc en face d'un
grand devoir à remplir: eelUl de découvrir le
l'emède contre tout mal qui afflige l'individu,
parce que ce mal tend a devenir social.
Il faut, pOUl' cela, qu e la société trouve des
procédés scientifiques, qui soient l'expression
juste et en même temps l'inspiration du senti­
ment dé la solidarité fraternelle. Il s'agit donc,
pour tous 1es hommes, de remplir un gl'and de­
voir religieux en même temp.> que social: celui
de s'unir pour conjurer tout mat qui menace ùe
de veuil' social.
Le besoin d'uuiou dans ce sens se fait d'autant
plus sentir, que les crises économiques pt finan­
cières se renouvdlellt plus fréquemment de nos
jours. Or,observons que toutes nuisibles qu'elles
soient, les maux qu'elles caus(~nt fiuisserit par
avoir celte utilite salutait/e, de ré\-eiller àans
le cœul' des hommes l'esprit de justice qui y
sommeillait, et ùe stLmuler en même temps le
progrès des mœurs publiques. lIllles contribuent
aussi à stimuter cet espl'H nouveau du monde
mademe, rrni a soifde véritr. etrle justIce; elles
contribuent, enOo, à accro'itre nÇ>S lu.mlères, li
16 LA PRATI~UE

mesure que cet esprit nouveau s'inspire mieux


du sentiment de la fraternité et de la solidarité
humaines.
Il y a donc lieu de conclure que les lois qui
règlent et qui gouvernent la distribution des ri­
chesses, bien que scientifiques, dépendent d'une
cause morale. Cette nouvelle science qui a surgi
de l'étude de ces lois, et qu'on nomme« laso­
ciologie,» tomberait en décadence, en deve­
nant purement scientifique et matérialiste, si
l'on n'avisait pas aux moyens de greffer sur tous
ses éléments purement scientifi'lues un élément
moral.
Aussi, ce sentiment nouveau de douceur et de
tolérance qui caractérise notre époque, et la
distingue du fanatismereligi.eux desâges passés,
réveille la conscience de l'homme moderne et
le remue de manière à le préparer à se consa­
crer intérieurement, à un nouveau culte d'amour
pour la vérité et lajustice, dans ses applications
sociologiques encore méconnues.
Les réformes sociales que le nouvel âge nous
promet, ne s'obtiendront que par les efforts hé­
roïques de certaines individualités qui auront
reçu la mission toute providentielle, de nettoyer
ce qui reste encore des écuries d'Augias de l'an.
cien monde: époque de tentation::;, époque de
combats incessants pour déblayer le tert'~in, et
permettre à l'esprit nouveau d'édifier des ins­
titutions rénovatrices, au lieu et place des an­
ciennes, tombées en pourriture.
Ces individualités nouvelles, ces héros ou ces
hercules de l'âge héroïque de l'avenir, qui fe­
ront (;e déblaiement de l'ancien monde, ne se­
ront autres que des personnes morales, car l'âge
des héros individuels et des grands despotes
est passé. Ces personnes morales et civiles en
même temps, sous des forilles d'une variét'
infinie de coopérations et d'associalions corpo­
DES ENSEIGNEMENTS RELlGIEUX 17

ratives, rétabliront dans les sociétés humaines,


le culte de la vérité et de la ju~tice, non plus
seulement par de pures déclarations de prin­
cipe." mais par des faits sociaux et economiques,
ainsi par la leçon même des choses.
Ce culte nouveau de la vérité et de la justice
doit avoir encore pour résultat de prévoir, au
moyen de l'u 0 ion par l'association ou la coopéra­
tion,le mal produit par les crises économiques et
financières, en conjurant les excès de la produc­
tion, les désastres de la concurrence et les abus
de laconsommation, sources originaires des mal.
heurs et des injustices qui assaillent les tra­
vailleurs.
Les missionnaires de ce nouvrau culte, ne
sont pas seulement des pasteurs proprement
dits; ce sont aussi ceux qui, dans toutes les bran­
ches du travail humain, profitent de l'accrois­
sement général des lumières, et qui s'en ser­
veutpour contribuer à l'affranchissement des
travailleurs de la misère, à leur relèvement par
la diminution du nombre des heures du travail
physique, afin de leur donner la jouissance
libre des heures du travail de J'esprit. Ils leur
prêcheron t le nouvel Evan gile social, qui doit
grouper autour du drapeau de la fraternité,
tous les hommes indistinctement.
16. Déjà on peut constater, à ce propos, un
grand progrès de l'espri t moderne dans les gou­
vernements des nations: en effet. tout Etat mo­
derne s'éloigne de plus en plus de l'antique ten·
dance, qui consistait à laisser a1,lxEglises ou à
la classe riche le monopole de l'intluencp-. On
vise maintenant à tout laïciser, à tout démocra­
tiser, en développant l'instruction desmasses,et
particulièrement en ce qui concerne l'esprit,
dont doivent s'inspirer les ingtitutions créées
par l'initiative gouvernementale, ou qui appar­
tiennent à la direction de l'Etat.
18 LA PRATIQUE

L'esprit ùes institutions tIc bienfaisa,nce doit·'


également s'élargir, de manièt'e à devenir so­
cial, et à adoucir réellement les souffrances d
la misère, de manière aussi à ne plus compren.
dre le mot charité, autt'ement que comme syno­
nyme de fraternité et de justice.
Dans nos idées mollernes, touLe vérite, pour
être acceptable, doit avoir son utilité pratique,
et cesser d'être présentée au nom Ù'\llle autorité
quèlconque qui prétend l'im poser; cette auto­
rité <loit ètrû assez aimable, et assez imprégnée
de l'esprit de tolérance et de charité, pour se
mettre à la portée de tous indlstinctement er.
se rendant intelligible, et par suite, en presen­
tant 'tous une forme rationnelle toute doctrine
dont elle se prévaut.
c'est à cause de eette émancit)alion de l'es­
prit moderne de la tutelle de l'espdt sacer­
dotal ou de l'esprit purement autoritaire, que
la yérilé religieuse doit deycnir susceptible
d'être propagée en dehors de toule Eglise, et
qu'ainsi elle doit se séculariser comme chose
pratique et d'application sociale. Elle doit êlr
acceptable, autant en dehors qu'en dedans des
Eglises qui l'admettent comme article de foi.
C'est là une éyolution sociale qui tend à sub­
stituer en toutes choses, le gouvernement par
la justice au gouvernement personnol, qui
prend le masque de gouvernement par la rai­
son d'Etat.
La foi aveugle imposée par le pouvoir sacer­
dotal caractéri~e le mysticisme r~ligieux, Le
gouvernement par 13 raison d'Elal. s'impose
également aux sociétés humaines, en dehors de
tout eSprit de juslice, et cal'actérise le mysti­
cisme poli tique ou le socialis me d'Elat.
17. Le Ohristianisme autoritaire ou clérical
doit, de même que le socialisme d'Etat, se t!'all~­
former et subir la même évolulion dans le sellS
IiES ENSElGNEMENTS RELIGIEUX 19

Uoéral, en se présentant sous (Jes formes ration­


nelles comprisos par la généralité des hommes .
. On él sauvent opposé le socialisme à la reli.
glOn, parce qu'on a montré le socialisme de
même qu'on a montl'é la religion, sous un as.
péet aulori,taire, soit comme mysticisme, soit
comme moyen de gouvernement despotique.
C'est ,par suite de ce (aux aspect, sous lequel
on a etouffé leur c::.l.ractère essentiellement li­
béral, qu'on a prétendu, avec quelque apparence
de raison, que la religion serait un jour détrôtlée
par le socialisme, et qu'ainsi le socialisme ré­
ussirait à s'édifier sur les ruines du christia­
nisme.
En réalité, ces dell,x, la religion et le socia­
lisme dans leurs tendances iibérales, ne devien­
dront possibles, pratiquement, qu'avec le pro­
grès des; mœurs, et aus~i à la condition seule­
ment d'être librement acceptés par la généra.
lité (Jes hommes.
Mais supposons ce progrès des mœurs de la li·
berté réellement accompli, le chrbtianisme et
le socialisme, de même que la fraternité et la
solidarité humaines, deviennent tous les (Jeux
aussi condliables qu'une théorie l'est avec la
pratique rles principes au nom desquels elle
existe. Ils sont oonc destinés, dans un avonir
plus ou moins éloigné, à se fusionner l'un avec
l'autre, par la raison même que la religion est
r.on seulement la doctrine de la fraternité mais
aussi la vie d'aprôs cette doctrine.
Le christianisme, en effet, prêche la fraternité
et la justice; celles-ci forment d'ailleurs le fon·
dement essentiel de la vraie religion.
Le socialisme, de sou côté, prétend imprégner
de cette fraternité toutes les institutions poli­
tiques et sociales, ainsi que les mœurs pu­
bliques.
Il s'ensuit que celui-ci ne peut se réaliser
20 LA. l'RATlQUE

pratiquement sans le secours de l'influence de


l'autre, et :llors il ne peut plus être sérieusement
question de les substituer l'un à l'autre.
La seule chose dont il puisse être question,
c'est de les réformer de manière à les rappro­
cher l'un de l'autre, pour les rectifier d3.ns tous
les points qui les rendent incompatibles ou qui
les divisent, et pour les développer dans tous
les points qui peuvent cimenter leur union.
L'enseignement religieux et la pratique so­
ciale, une fois remis en harmonie l'un avec
l'autre, celui·là dans ses principe:;:, celle-ci dans
les actes, tous deux contribueront efficacement
à l'avancement du règne de la fraternité et de
la justice dans tous les rapports sociaux. Ils
auront alors, l'un etl'autre, dépouillé tout esprit
sectaire ou d'exclusivisme, et ils auront fondé,
sur des assi:;:es inébranlables, la doctrine uni­
verselle de charité et de fraternité.
Ce nouveau culte se manifestel'a dans les
Eglises de toutes les communions par une va­
riété infinie de formes, et il sera cependant le
culte d'une seule et même Eglise universelle,
réellement catholique, laquelle sera caradé­
risée par le lien fédératif des E~lises de toutes
l es communions.
Ce développement de l'amour mutuel dans le
cœur de la généralité des hommes, formera un
nouveau droit divin, qui se transformera dans
nos lois et nos institutions, en préceptes de droit
positif humain.
18, Toutes les Eglises du passé ont eu leurrai·
son d'être, quant à la variété de leurs formes de
culte, mais elles ont cessé d'avoir leur raison
cl 'être, quant à leur principe d'unité, l'amour de
Dieu et du prochain, suivant qu'elles se sont
plus ou moillg écartées de ce principe d'ori­
gine. Elle~ se sont écartées de l'amou[' de Dieu,
en perdant la conception de l'unité de Dieu; elies

\
DES EX5EIGN'EMENTS RELIGI EUX 21

se sont écartées de l'amour du prochain en s'ex­


cluant mutuellement, au nom de leurs différen­
ces de do~mes, et en voulant asservir les cons­
ciences à ces dogmes Oll à l'autorité sacerdotale.
De là leur état de décadence.
Ces Eglises du passé qui subsistent encore of­
ficiellement, prétendent chacune qu'eiles gar:­
denl i niacle la religion de leurs pères, tandis que
les vérités constitutives de cette religion des
pères, ont cessé d'être comprises clairement, et
par suite ont cessé d'être populaires parmi les
masses. Elles sont, à cause de cela, devenues im·
puissantes à populariser leurs principes de droit
divin, d'ailleurs établis sur une fausse base, et
elles ne peuvent amener les hommes au désir
de les transformer en préceptes de droit positif
humair::., adaptables à la pratique de la justice
sociale.
De là vient que ces Eglises du passé ont eu
une influence funeste I>ur l'enseignement des
sciences sociales, au lieu d'être les aux.iliaires
de cet enseignement. C'est pourquoi la science
du droit, particulièrement, est tombée en déca­
dence. On a perdu de vue que cette science a
pour objet principal, d'établir pratiquemment
les mœurs de la fraternité dans les société hu­
maines. En effet, notre jurisprudence moderne
s'inspire principalement d'une routine, destinée
beaucoup plus à protéger ceux qui possèdent
contre ceux. qui ne possèdent point, qu'à main­
tenir les liens de la fraternité entre tous les
hommes indistinctement. Cette routine est scru­
puleusement enseignée dans de volumineux reM
cueils au nom de l'autorité despotique des textes
de la loi, plutôt qu'au nom des grands principes
de la solidarité sociale qu'on laisse tout à tait à
l'arrière·plan.
i9. C'est depuis le dix-huitième siècle surtout,
qu'on se sent pénétré de l'idée que les hommes
22 LA PRATIQU E

sont tous frères, et qu'on comme nce à s'aperc e­


voir qu'il devien t imposs ible ùe mécon nattre la
loi de celte fl'atcrn ité humai ne, sans subir les
conséq uenc!'s ù'une solidar ité dans le malheu r,
qui s'impo se à la suite des crises économ iques et
des souffra nces généra les.
Chaque progrè s ne s'obtie nt que pas à pas,
et ne peut être acquis qu'en s'appu yant sur un
progrè s déjà conqui s: or, le progrè s conqui s
de nos jours, d'une maniè re généra le, se ré­
sume tout entier dans cet esprit de toléran ce,
pour lequel l'huma nité à comba ttu durant dix­
huit siècles , à dater de l'ère chrétie nne, Il a
fini seulem ent, après ce long espace de temps,
par triomp her des cruaut és du pagani sme et des
bûcher s de l'inqui sition, ainsi de l'Eglis e soi­
disant chrétie nne, elle-m ême, qui s'était étoi­
gnée de l'ensei gneme nt libéral de l'Evang ile
pOUl' adopte r le culte des trois dieux, celui de
la Vierge et celui des saints.
On ne peut nier que 10 christi anisme pri­
mitif ait eu cette influen ce heureu se de faire
fermen ter dans les société s humain es l'espri t
de toléran ce et de charité , c'est·à -dire l'affec­
tion pour nos sembla bles au point de détruir e
les préjug és de caste; mais il n'a pas encore
suffisa mment imprég né nos mœurs et nos insti­
tutions sociale s, pour éloi gner la généra lité des
homme s d'un credo imposé par le sacerd oce et
lestrad itions, sous une forme fixée littéral ement
dans des textes. Aussi, la formule de la confes­
sion de foi particu lière à chaque Eglise, leur
reste chère, parce la même qu'elle les affl'anchit
du souci de se faire eux-mê mes leurs opinion s
religie uses, et leur perme t de continu el' à les
accept er toutes faites, les ycmx fermes .
Nous avons observ é déjà que les homme s ont
souven t l'orgue il de croire que la religio n dans
laquell e ils sont n~s est la seule vraie, au li E;lU
...

DES ENSEJGNEMElNTS Rl!:LIOlEOX ,23

d'avoir assez d'i nd épenùance d'esprit, pour faire


laùle rase de leUI s croyances irréfléchies, et
pour rechercher Je syslème religieux qui S'/l­
dapte le mieux à l'esprit moderne par son ca­
ractère rationnel.
20. Souvent aussi, lor~que la raison fait reje­
ter aux .hommes oelle foi dans laquelle ils ont
ète élevés, ils mëpl'Ïsent toute religion. Da,us
ce cas, ce don de charité qui devient synonyme
de fraternité et dont s'honore l'humanité à partir
du dix-huitième ~ièe1e, ne s'obtient qu'au prix
de la perte de la foi chretienne; il est vrai
que ceUe loi est celle qui fut formulée dans les
dogmes des conciles, par suite des abus de
l'autorHé sacerdotale: c'est ailJsi que de même
que C1162 les Israélites, les traditions avaient
étou:fIè la loi des commandements de Dieu,
Il ne faut pas en conclure que le don de cha­
rite qui seul, doit rester vivace, da os le monde
moderne, comme synODJrme de fraternité, soit
à dédaigner, car l'expérience enseigne qua
l'homme ne reçoit la vérilé qu'à proportion qu'il
est dans le bien. Le bien est, en effet, le liro­
pulseur du vrai, de même que le cœur est l'or­
gane propulseur du sang, qu'il fait circuler
dans toutes les parties du corps. C'est là une
GOrrespondance symbolique prise !lans la Bibk
eUe-ci représente toujours le cœUl' comme le
symbole du bien, et le sang comme le symbole
du vrai. Il est certain aussi, qu'aucun progrès
politique ou soclal dans le bien, ne peut se réa­
liser d'une manière'durable, sans que l'amour'
de l'humanité ne se développe à mesure dans
le cœur de la généralité de~ hommes, de ma­
nière à élever le domailJe de la conscience
publique.
Le bien dèsire le vrai, parce que celui-ci l'ex­
prime clairement devant la pensée humaine,
et qu'il s'unit ainsi à lui, et se dilveloppe ou s'é­
24 LA PRATIQUE DE~ ENSEIGNEMENTS RF.LlGIEUX

quilibre avec lui, en proportion ou dans la me­


sure qu'il existe lui-même, comme sentiment
d'amour ou de fraternité. C'êst cette chaleur
du cœur qui en s'unissant à la lumière de la pen­
sée sur l'amour réel du semblable, réalisera le
bien par des actes et des applications infinimen t
vari ées dans toutes les branches des sciences
sociales. Elle' devra nous pousser à l'adoption
de lois nouvelles ayant pour objet de mieux ap­
pliquer le principe de la solidarité sociale ou
de fraternité. Mais le seutiment de l'amour poUr
l'humanité ne peut se conserver pur de tout in­
térêt, et réellement fécond, au milieu des dé­
ceptions et des épreuves de la vie, que s'il est
uni à l'amour d'un Createur infiniment bon et
puissant qui l'inspire. C'est pourquoi la loi ex­
primée dans cette courte sentence, du passage
de l'Evangile placé en tête de ce chapitre, ré­
sume tous nos devoirs envers l'humanité, la
patrie et la famille:
cc Fais cela et tu vivras. »
CHAPITRE III

La loi du progrès.

SOMMAIRE

21. La loi du progrès qui s'applilue à la l'égénération


de l'âme humaine, doit s'appliquer également aux asso­
ciations de toute nature. - 22. La phase de réformation
est il la phase de régénération, ce que la théol'ie est à.
la pratique, ou ce que l'instruction est il l'éducation.­
23. Les réformes doivent être reconnues comme ayant
leur raison d'être en justice, avant de pouvoir être ac­
ceptées par la volonté. - 24. Dans la phase de régéné­
ration, l'entendement a cessé de dominer sur la volonté,
car alors celle-ci règne et celui-là gouverne. - 25. La
foi, dans ses rapports avec la charité, est première par Je
tem ps, mais dernière par la fin. - 26. Le corps social
de même que l'homme individuel est un être doué de
vie: il faut encore le doter d'une âme. - 27. Cette
âme prend son origine dans les principes de la jmtice et
du droit qui s'identifieront à ['amour de la patrie. - 28.
Les trois pouvoirs de l'Etat correspondent aux trois fa­
cultés de l'âme. - 29. Connaissant la nature des l'apports
mutuels des trois facultés de l'âme, nous connaissonl
par cela marne, la nature des rai'ports mntuels des trois
pouvoirs de l'Etat, et le fonctionnement des associations
de ioute nature, soit civiles, soit commerciales. -30.
Les conquêtes nouvelles de la liberté s'obtiendront à me­
sure que la pratique du suffrage universel se généralisera
et familiarisera les hommes avec l'usage du gouverne­
ment direct. C'est vers cetie nouvelle ère de renaissance
chrétienne que marche le monde moderne.

Il faut que vous naissiez de


nouveau. (JUN. Ill. 7.)

21. Pour bien comprendre cette naissance nou­


velle qui, d'après l'enseignement de l'Evangile,
est nécessaire à la régénération de l'homme,
3
26 LA 1.01

examinons ce qui se passe entre les trois facul­


tés de l'àme: la volonté, l'entendement et l'o­
pération ou l'action, durant ce travail de la
régénération, Nous arriverons ensui te à cons­
tater l'eJo:.islence des mêmes pl.J.ênomènes qui se
renouvellent sous des formes variees et se re­
produisent dans·les associations de toute uatul'e,
dans le mode de fonctionnemont des constitu­
tions politiques, et encore, da us \'humanite eu­
tière considérée dans son ensemble, car ·celle-ci
suit aussi la même loi du progrès.
22. Une phase première de progrès, que nous
appellerons la phase de réformation, doit pre­
céder la seconde et dernière phase, que nous
appellerons la phase de regénération.
En effet', cette première phase dite de réfor­
mation est caractérisée en ce sens, que la vérité
DOllveile commence à éclairer l'entendement,
mais ello n'a pas encore réussi à conyertir le
cœur, c'est-à-dire la voJonté. Or, tant que cette
dernière conversion n'est pas faite, nous reslons
dans la phase de réformation, mais nous nesom­
mes pas eotrés encore, définitivement, ùans la
phase de régénération. La première est à la se­
conde comme la théorie est à la pratique ou
comme l'instruction est à l'éducation, car elle
est le vral qui éclaire, puis se transforme en •
chaleur,c'est-à.dire en bien ou en acte de la vi
sociale.
Aussi, durant cette première phase, dite de
réformation, lorsque la vérité nouvelle com­
mence à éclairer l'entendement et qu'elle ne
paraît plus aussi dure à entendre, ni aussi im­
praticable que par le passé, la volonté de
l'homme, qui .n'esl pas encore tout-à-fait ùécidé
à se rendre à la raison, s'oppose et regimbe
contre cet appel à la réforme. Il peut même
arriver que l'homme préfère rester dans l'igno.
rance des choses les plus dignes de solliciter
DU PROGRÈS 27

son activité intellectuelle, mais qui sont dange·


reu~es pour le maintien de sa tranquillité pré­
sente, et des habitudes de sa vie. La volonté
prétère alors conserver les habitudes du passé
ct ne pas faire sortir de son apathie, cette troi­
sième faculté de l'âme humaine que l'homme
possède, l'opération ou l'action.
Mais pendant la phase effective de réforma­
tion, lorsque la lumière de la vérité réussit
enfin à éclairer plus complètement l'entende­
ment, de manière à décider l'homme à secouer
cette torpeur, à confesser ses erreurs et à y re­
noncer, il se familiarise avecla vérité nouvelle;
il cesse alors de l'appréher..der et souvent pour
mieux la connaître, pour mieux la saisir, il la
formule par écrit, en maximes, ou ill'expéri­
mente par quelques actes d'applïcalion. C'est
ainsi que, le législateur cherche à fixer le droit
Llans nos codes, en le formulant dans des textes
de lois, également dans le but d'astreindre la
volonté de l'homme à s'y conformer, et à influer
sur les mœurs, De même l'individu qui fait des
efforts intérieurs pour se moraliser, influe sur
sa volonté mauvaise et finit par la dominer,
2:-\, De même encore, les réformes sociales
doivent être acceptées par l'opinion publique,
avant qu'il soit possible au legislateur de les
formuler serieusement en lois positives, dont
la sanction puisse être appuyée par la force
armée. Les lois qui ont été faites en dehors de
la conscience publique, ou qui sont en opposi­
tion avec celle-ci, ont toujour3 été détestées,
et n'ont eu d'autre résultat que de rendre
l'autorité gouvernementale, et surtout la police,
odieuses.
M'lis lorsqu'il est reconnu que ces lois nou­
velles ont leur raison d'être en justice, il y a,
durant cette période de réformation et d'ins­
truction, évidemment des luttes} d~s combats à
28 LA LOI

soutenir contre l'asservissement à l'esprit d'er-


reur, q.u'on ne consentait même pas d'abord,
à reconnaître comme esprit d'erreur. Il faut,
souvent, aussi, faire appel au stoïcisme ou à
Pesprit de sacrifice, pour que la vérité sorte
victorieuse de l'épreuve.
C'est donc, alors, la phase des tentations qui
dure aussi longtemps que persiste l'opposition
entre le cœur et l'esprit, et que l'harmonie et
l'équilibre, entre les trois facultés discordantes
de l'âme humaine, ne réussit pas à s'établir;
nous voulons dire aussi, l'équilibre entre les
trois principes au nom desquels fonctionne ces
trois facultés correspondantes de l'âme hu-
maine, la liberté, l'autorité et l'utilité. Ces trois
principes doivent, par conséquent, de même
que les trois facullés de l'âme, cesser d'être an-
tagoniques pour devenir harmoniques, Mais
après la victoire et l'affranchissement de l'es-
prit d'erreur, commence la nouve He phase,
dite d'éducation, ou de régénération, durant
laquelle la vérité nouvelle &e trouye conquise
et appliquée à la vie. Après avoir éclairé l'en-
tendement. celte vérité nouvelle se transforme
donc en chaleur du cmur, et par suite, en bien
pratique.
Z4.Il est important d'observer que, dans cette
dernière phase, dite de régénération, ce n'est
plus l'entendement qui domine sur la volonté,
ainsi que cela a eu lieu durant la phase de ré-
formation; en effet, celle· ci ne s'opère que par
une contrainte morale, ou par un appel au stoï-
cisme; mais c'est alors, la volonté elle-méme
qui parvient à dominer sur l'entendement, et
elle domine aussi l'opération et l'action qui, de
maîtresse, deyenait déjà servante de l'entende-
ment, durant la première phase dite de défor-
mation. Ici le Christianisme achève le progrès
commencé par le stoïéisme, car ce n'est plus au
DU PROGRÈS 29
nom d'une logique rigide, qu'on a vaincu l'es­
prit d'erreur, mais au nom de l'amour du bien,
amour dans lequel la volonté a fini par se plaire.
Telle est la loi du progrès: elle est enseignée
dans l'Evangile sous le nom de repeutancè. Il
faut éliminer le mal enraciné dans l'âme avant
que le bien opposé à ce mal puisse s'y implan­
ter à son tour. Cette repentance, n'est donc pas
une pénitpnce imposée pour expier le mal du
péché, ainsi que cela a été soutenu à tort, mais
le sens même du mot employé dans le texte ori­
ginal grec de l'Evangile, (Metanoia, change­
ment d'avis, conversion), suppose une transfor­
mation, Ulle vél'itable métamorphose, ou une
nouvelle naissance de l'esprit.
Or, cette transformation, ou cette nouvelle
naissance de l'esprit, suppose aussi, préalable­
ment à la première phase, dite phase de réfor­
mation, un combat victorieux contre les tenta­
tions mauvaises, et par suite une sorte de lava­
tion spirituelle. En effet, l'homme ne peut s'ap­
proprier le bien et le vrai, qu'après leur avoir
préparé une place libre dans son cœur pour les
recevoir, en purifiant celui·ci nu mal et du faux
qu'il a réussi a combattre victorieusement, ou eu
les éliminant par la repentance. C'est pour rap­
peler la nécessitfl absolue de cette lavation spi.
rituelle que le Seigneur a introduit dans l'Egli­
se chrétienne, ce signe d~ lavation naturelle,
qu'on appelle le ~acrcment ciu haptème. Celui-ci
n'f;st, il e~t vrai, qu'un simulacre extérieur de
l'introduction du néophyte dans la société des
chrétiens, mais c'est aus~i pour le néophyte u!!.
engagement formel de s'y instruire, et pour
l'Eglise d'instruire le néophyte qu'on y intro­
duit. C'est pourquoi le sacrement du baptême
figure la première ph::lse dite de réformation,
tandis que le sacrement de la Sainte-Cène, fi­
gure la deuxième phase, dite de régénération.
80 LA LOI

~5. On traduit en langage théologique l'ex­


plication des mémes phases de réformation,
et de régénération, en disant que si la foi dans
ses rapports avec la charité, ou si le vrai dans
ses rapports avec le bien est premier par le
temps,durant la phase de réformation, il est des;
tiné à devenir, dès que l'œuvre de la régénéra­
tion est accomplie, dernier par la fin; en effet,
le vrai qui formule l'objet de la foi ne sert plus
que d'instrument au bien ou à la charité, de
même que l'entendement ne sert plus que d'ins­
trument à la volonté. l<Jn dernière analyse, la
charité se réalise par la foi dans les œuvres
de la famille et de la société.
Dans le langage philosophique, on dira que
la méthode d'induction, dite à posten'ori, s'est
transformée en méthode de déduction, dite à
prio1'i, ou bien encore que la science s'est trans­
formée en sagesse. Entin, dans le langage juri­
dique, on dira que le deoit est transforme en
raison écrite, durant la phase de réformation et
en équité durant la phase de régénération.
Ai nsi les dogmes, les doctrines et les vérités
de toute nature ne doivent être considéres que
comme des instruments destinés à réaliser le
bien de l'amour fraternel dEls hommes, et ne doi·
vent jamais servir d'instruments de division et
dehaine entre leg Eglises, autrement ces prin­
cipeg sont mis en opposition avec l'tmselgne­
ment divin de la sagesse que les Eglises profes­
sent ùe propager, et ils prenneut un caractère
mystique qui s'impose, mais qui ne se propose
pas à la libre acceptation de tous. L'narmonie
ou l'équilibre, une (ois obtenu entre les trois
facultés de l'âme humaine, la volonlé peut agir
alors librement par· son instrument d'aclion
l'entendement; elle règne et celui·ci gouverne,
tandis que l'opération ou l'action exécute.
L'entendement est donc venu dans l'exercice
DU PROGRÈS 31
de son véritable rôle, qui est d'éclairer et non
pas de régir la volonté, de même que la pensee
guide et éclaire l'affection, mais ne l'asservit
point. De même aussi, le bien agit par le vrai
pour se réaliser dans le fait; la liberte s'exerce
par SOn instrument d'action, l'autorite, et Sl3
réalise dans l'utilité; de même encore, la fin se
réalise par la cause dans l'efftlt. L'homme de­
vient par la volonté, dès que celle,ci est régé­
nérée, légitimement son propre juge; par l'en­
tendement, son propre législateur, et par l'opé­
ration ou l'action, le propre exécuteur de ses
volontés, par lesquelles il peut alors réaliser la
sagesse.
26, Le corps social, de même que l'homme in­
dividuel, est un être doué de vie; il doit être
aussi doté d'une âme; car si l'on ne sent pas les
palpitations de l'organisme social, si l'on ne
voit pas ses mouvements, si l'on ne se rend pas
conscient de l'esprit dont il est animé, il ne se­
rait qu'un cadavre inerte, et les comparaisons
entre cet organisme mort, et l'organisme vivant
de l'homme individuel, ne pourraient être fé­
condes en enseignements et ne pourraient abou­
tir à des applications utiles.
Mais l'organisme social est si bien un Etre
doué d'un corps et d'une âme, qui lui imprim~
la vie, qu'il n'existe que, parcequ'H e~t la ma­
nifestation plus ou moins grande de l'esprit l'ra·
ternel d'union et d'association, qui doit exister
entre tous les hommes individuels. Ceux-ci en
sont les cellules vivantes et chacune de celles­
ci est dotée d'un corps vivifié par une âme; en
définitive, toutes ensemble sont tondues dans
le grand Etre humanitaire dont la grande âme
doit être la protectrice générale,
27, Le principal besoin des hommes réunis en
SOJiété et formant, dans l'étendue d'un vaste ter­
3l. LA LOI

ritoirtl, le corps d'une nation, est le fonctionne­


ment régulier de la justice; celle-ci par ses en­
seignements, peut constamment les éclairer sur
les réformes à faire pour rétablir l'ordre par­
tout où le désordre subsiste. Il y a pour cl'1là
une certaine ligne de conduite à suivre, il s'a­
git de se diriger dans ce chemin de la vertu ou
de la justice. De là l'étymologie du mot Droit
(dirigere, directum), qui suppose précisément
une direction pour tracer le chemin, l'ordre à
suivre (jus sistere), c'est-à-dire la règle à appli­
quer qui cstlajusticn. La voie choisie, se t'or­
mule comme exprimant le droit dans une loi,
motqui, parson étymologie, suppose le choh,
(eligere choisir); cette loi ft xe la route suivan t
laquelle on doit se diriger dans sa conduite.
La justice peut seule, ériger une société
d'hommes occupant un vaste territoire, en na­
tion, et leur inspirer l'amour de la patrie. Ainsi
que le dit le prophète EQaïe (XXX, 17), c'est de
la justice seule que naîtra)a paix. Les hommes
qui progressent dans la justice, progressent
dans l'amour de la patrie; ils sont seuls capa­
bles de réaliser la fraternité et de satisfaire à la
loi de la solidarité.
28. De même que l'hom:ne individuel est doté
des trois facultés de son âme, de même le corps
social est représenté par trois pouvoirs politi­
ques qui correspondent exactement à sa volonté,
à son entendement et à son action, ainsi qu'aux
trois principes eisentiels qui alimentent ces
trois facultés de l'âme; ceux-ci sont, ainsi que
nous l'avons observé ci-dessus, la liberté, l'au­
torité et l'utilité.
C'est parlajustice, qui a pO'lr principe la li­
berté, que la nation est en possession d'une vo­
lonté, et qu'elle sent son cœur battre; c'est par
la vérité, qui a pour expression l'autorité, qu'elle
se sent respirer spirituellemen~ et par suite
DU PROGRÈS 33
qu'elle est en posesssion de poumons; c'est en­
fi n par ses actes, qui se mesurent en raison de
18ur utilité, qu'elle se sent vivre de son injivi­
dualité propre.
Les phénomènes que nous avons décrits, en
expliquant le travail de la réformation et de la
régénération de l'homme individuel, se produi­
sent également dans le corps social à mesure
qu'il progresse, mais s~ulement à la suite des
siècles.
Il faut donc, à ['homme social, les trois facul­
tés correspondantes semblables pour progres­
ser, etce sont les trois pouvoirs de l'Elat.
La volonté de l'homme social est politique­
ment représentée par le pouvoir judiciaire; son
entendement par le pouvoir législatif, et l'opé­
ration ou l'action par le pouvoir exécutif.
29. Comme nous connaissons la nature des
rapports mutuels des trois facultés de l'âme,
nous connaissons par cela même, la nature des
rapports mutuels des trois pouvoirs de l'Elat.
Il en résulte que toute constitution politique se
trùuve d'avance implicitement tracée dans ses
principes fondamentaux, sinon dans ses détails,
car ceux-ci peuvent varier avec le temp~rament
et avec ré lat de progrès de chaque Mti,on. La
loi constitutionnelle se trouve ainsi être la loi
même du progrès; elle se trouve être encore la
loi de la repentance, d'après l'enseignement de
l'EvangHe, et elle se trouve être aussi. suivant
la définition générale des lois qui nous a étè
donnée par Montesquieu. le resul tat des rap­
ports nécessaires qui dérivent de la nature des
choses.
Il en est de même de la loi générale qui doit
régir les associations de toute nature, civiles ou
commercjales, pour la production de la richesse
sociale. Aussj, les nécessités mêmes de la prati­
que des affaires ont fait introduire pour le fonc­
1
34 LA LOI

tionnement régulier de toute société civile ou


commerciale, un directeur et un conseil d'admi·
nistration, qui correspondent au pouvoir judi­
ciaire, des réunions générales des soci étaires
ou des actionnaires, et un conseil de surveil­
lance, qui correspondent au pouvoir législatif;
enfin, un comité d'exécution qui correspond au
pouvoir exécutif. Mais à un point de vue plutôt
économique que juridique, on peut prévoir que
le mouvement coopératif deviendra l'expression
sociale du principe de liberté économique; que
de plus, l'action des chambres ~yndicales et le
mouvement corporatif, caract.ériseront l'ins!ru­
ment général de réalisation de ce mouvement
coopératif, c'est-à-dirE: l'expression sociale du
priucipe d'autorité; qu'enfin le rémltat du con­
cours de ces deux se réalisera dans le principe
d'utilité, pour la production du bien-être de ,
tous et la solution de la question sociale. )
Eu ce qui concerne l'humanité envisagée
dans son ensemble, celle-ci suit aussi la même 1,
loi du progrèl';, bien qu'on ne soit pas encore are
rivé à établir des tribunaux d'arbitres, pour ré­
gler les différends qui peuvent surgir entre les
nations, et bien que Id concours des corpo; di­
plomatiques, qui l';eraieut naturellemellt ap­
pelés à représenter le pouvoir législatif des na­
tions, ne suffise pas pour éviter les guerres et
les entreprises violentes contre les personnes et
les propriétés. En effet, les nations obéis3ent à
la longue, à la somme des iufluences civilisa­
trices qui régissent les innombrables sociétés
dont elles se composent, en attendant qu'une
organisation internationale s'établisse ~ur le
modèle du 10nctionnement des facultés de l'âme
humaine, pour hâter d'une manière plus efficace
et plus prompte l'adoucissement des mœurs, et
l'établissement de la paix générale parmi les
hommes,
DU Plto611ÈS 33
go. Ces nouvelles conquêtes de la liberté, l;'ob­
tiendront à mesure que l'usage du suffrage uni­
vl~l'sel se développera chez un plus grand nom­
bre de nalions et familiarisera les hommes avec
III gouTernement direct de chaque nation par
elh··même.
Ce n'est pas à dire que ces conquêtes sociales
et politiques de la liberté, ne puissent être con­
cédées avant même que les peuples soient tout
à fait mûrs pour ce progrès; mais ils doivent
tout au moins être bien près de le devenir. En
.effet, ce n'est que par l'usage et par l'exercice
d'un droit nouveau, que les hommes peuvent
apprendre à s'en servir' utilement et de manière
à en légitimer la possession définitive.
Ainsi, tous les droits politiques nouveaux,
toutes les réformes sociales compatibles avec
l'esprit moderne, s'obtiendront fatalement, non
pas à mesure qu'on sera mûr pour elles, mais à
mesure que les anciennes formes ou pratiques
sociales se discréditeroI1t par l'abus qu'on en
\ fait; ce ser3, le plus souvent, indépendamment
du point de savoir si l'on en tirera un bon ou
un mauvais usage.
Pour conjurer ce danger du mauvais usage
des libert8s nouvelles, il faut que l'instruction
et l'éducation des hommes ne reste plus le pri­
vilège de la classe riche seulement, mais il
faut qu'elles se généralisent dans les masses.
Tant qu'il en sera autrement, l'aristocratie
~ourgeoise l'es tera, malgré l' établissemen t du
suffrage universel, la pépinière des gouvernants
el la nation restera aussi à la merci d'une pure.
oligarchie, bien que la forme nationale du gou­
vernement, prenne le nom de république démo­
c,ratique et sociale. Cependant on a observé que
le mouvement social au dix-huitléme siècle, a
pris naissance dans les classes éclairees,quolque
celles·ci fussent en minorité; le peuple n'a fait
36 LA LOI nu PROGRÈS

que l'accentuer par des moyens violents et


révolutionnaires. On peut d'autant plus croire
probable qu'il en sera de même, dans un ave­
nir assez rapproché de DOUS, que l'encombre·
ment des carrières libérales ne fait que croître,
de même que l'écrasement de la petite bourgeoi.
sie et des professions manuelles. Ces circons­
tances bien que fâcheuses, auront cependant
pour effet de stimuler les classes éclairées et les
classes riches elles-mêmes à prendre l'initiative
des réformes; elles s'efforceront donc de dépla­
cer le mouvement social pour le transférer des
classes ouvrières qui pourraient trop souvent
l'utiliser par des moyens violents et révolu­
tionnaires, aux classes riches et éçlairées.
Celles-ci, bien que destinées à rester encore
longtemps en minorité seront fatalement pous­
sées malgré elles, et pour éviter leur propre
écrasement, à contribuer ~érieusement à l'éta·
blissement d'un gouvernement par la justice) qui
sera réellement, et non mensongèrement natio­
nal. Malgré elles aussi, il faudra que la géné­
ralité des hommes arrive à justifier par ses
mœurs nouvelles et par le progrès de ses lu­
mières, son aptitude à participer au gouverne­
ment de la nation dans un esprit de justice plus
élevé que ne l'a fait, jusqu'à présent, une mino·
rité privilégiée et seule dotée des bienfaits de
l'éducation et de l'instruction. .
C'est vers cette nouvelle ère, que marche for.
cément le monde moderne, et il suit pour cela,
la même marche que l'homme individuel,
durant sa courte existence sur la terre. Celui- ci
et, à son exemple, l'homme-humanité, doit,
conformément à l'enseignement du Seigneur
que j'ai pris pour .epigraphe de ce chapitre,
naître à DOUyeaU, pour inaugurer la nouvelle
ère, en un mot, la véritable renaissance.
CHAPITRE l'V.

La Parole révélée.
31. - La vraie Kglise du Christ recrute ses membres par­
tout; elle est l'Eglise universelle, Les richesses spirituelles
sont aux. richesses matérielles, dans les rapports de CaU­
se à effet. - 32. La Vél ité de fait n'est que l'ombre visible
à nos sens, et un signe seulemelll de l'existence d'une subs­
tance spirituelle constituée par le bien et le vrai. Celle
substance divine est la noulTiture de nos âmes: elle eSI
représentée dans le culte chrétien par le sacre~lent d~
la Sainte Cène. - 33. La conjonction de l'homme avec
Dieu par le bi~n et le vrai, qui émanent de Lui seul,
réalise la loi du progrès ou la régénération de l'âme
humaine. - 34. Le bien et Je vrai ne wnt pas de pures
abstractions, mais des émanations directes de Jehovah­
Dieu. Ce sont des substances non ·créablcs, car ils font
corps avec la divinité, et nous révèlent l'existeuce d'un
~oleil spirituel, dont notre soleil naturel n'est qu'une
correspondance matérielle. - 35, Du soleil spll'ituel et
des nuées du ciel dont il est question dans la Bible. ­
36. La matière bien que taito originairement de la subs­
tance spirituelle émanée de Dieu, cesse une fois devenue
matière,d'avoir quoi que cc soit de divin en elte.- 3'j.La
matière n'apparslt douée de vie que par l'iutlux divin
du bien et du vrai, qui la fait croître dans des formes
infiniment val'iées, suivant la différence des réceptacles
de ce bien ct de cc vrai. Pourquoi le sang dane la
Parole est appelé «âme '. - 38. L'âme humaino ou le
corps spirituel, croît en bonté et en beauté par son ap­
propriation du bien et du vrai divins. L'homme se nour­
ri 1 d'une manière correspondante à ses affections, et il
impl·ime au bien et au vrai qui influent en lui, un caraco
tèl'e distinctif, suivant l'ufage qu'il (ait de fon libre ar­
bitre, - 39. La matière peut sortir du chao@ pour être
aHujetlie allX lois de l'ordre, mais elle n'est pas faite de
rien, et n'est pas sortie scule du chaos. Du panthéisme.
de l'i déali, me de BHktley. - 40. La symboliqUe
sacrée est fondée sur des faih positi(s; elle nOU8 con_
firme dans j'enseignemellt évangélique, que la Parole
révélée est Dieu, et que par Elle toutea choses ont été
(aites.
38 LA PAROLE RÉVÉLEE

" Au commencement était la Pal'ole.


et la Parole était chez Dieu; ct Dieu
elIe était, la Parole!." Toutes choses
par Elle ont été faites. ~ (Jean l, 1, 3).
31. La croyance à la divine inspiration des
Saintes Ecritures est partagée par toutes les
églises chrétien nes; elle forme le noyau de
cette Eglise du Christ dont les membres sont
dispersés dans le monde entier; ceux-ci se
recrutent cependant, même parmi ceux qui,
bien que vivant en dehors de cette croyance,.
travaillent à leur insu, à l'édification de la cité
de Dieu.
La vraie Eglise du Christ n'est donc pas
spécialement dans les églises romaine, grec~
que ûu protestantes, mais ses membres se
recrutent partout; elle est l'Eglise univer­
selle, la seule Eglise véritablement catholique.
En effet, les hommes croient souvent que la
lutte pour l'existence, dans ce monde terrestre,
n'a d'autre objet que la conservation et la pro­
duction de la richesse matérielle, mais en réa­
lité, la généralité des hommes désire que celte
richesse s'obtienne et se conserve chez chacun,
suivant certaines règles de justice, destinées à
donner satisfaction au pri nci pe de fraternité et
de solidarité humaines.
Il en résulte que les hommes luttent plus ou
moins directement, et plus ou moins efficace­
ment, pour le tdomphe de la fraternité et de
la justice, pour la paix sociale, et par suite.
aussi, pour la conservation et la production de
la richesse spirituelle, en même temps que pour
l'Eglise uni verselle.
Or, les richesses spirituelles sont aux riches·
ses matérielles dans les mêmes rapports que
les causes aux effets, car il ex.iste une analogie
et une correspondance manifestes entre la cha­
leur spirituelle du bien qui réchauffe nos àmes,
et la chaleur physique du soleil qui réconforte
LA PAROLE RÉVÉLÉm 39
nos corps physiques; pareiIleJUent, entre la lu-
mière spirituelle de la vérité qui éclaire nos pen·
s~es ou notre vue intel1ectuelle,et la lumière phy·
sIque du !'oleil qui éclaire notre vue physique.
Ces deux espèces de chaleur et de lumière,
peuvent il est vrai se présenter à nous, dans les
apparences, comme étrangères, l'une à l'autre,
bien qu'en réalité, elles dérivent l'une de l'au-
tre ainsi que nous le verrons dans la suite;
. mais elles se présentent souvent aussi et indu-
bitablement, même dans les apparence~, comme
dérivant l'une de l'autre. Dans ce dernier cas
particulièrement, leur correspondance devient
trop manifeste, pOLIr pouvoir être considérée
comme un pur symbolisme imaginatif, ri'ivé par
le poète.
32. Un des enseignements les plus importants
de la Bible est que le matériel ou la vèrité de
fait, même celle qui est dite scientifique, n'est
que l'ombre visible à nos sens, tandis que les
vérités de raison et surtout de sentiment, qui
constituent nos affections, sont la réalité même,
et elles nous révèlent d'une manière frappante,
par suite de l'impression qu'elles fùnt en nous,
l'existence d'une substance spirituelle destinée
à servir d'alimentation à nos âmes.
Nos âmes manifestent aussi, la réalité de
leur existence par le besoin que nous éprou-
vons de les alimenter spirituellement, comme
des corps spirituels, sur lesquels nos corps ma-
tériels paraissent devoir se mouler exactement.
Il y a donc deux hommes en chacun de nous:
un homme interne et un homme externe; les
organes de l'un sont de nature spirituelle, et les
organes correspondants de l'autre de nature
matérielle. Mais nous ne nous occupons quant à
présent, que de la vérité qui se présente à nous,
comme une substance spirituelle, servant à la
pourriture de l'âme; elle requiert pour être ap-
40 LA PAROLE HBVÉLÉ E

propri ée par l'homm e intérie ur, qui est son vase


récipie nt, un certain travail de digesli on , de
~

me ne que la !lourl'H ure phy.siq ue pour être ap­


propl'ie e pat' le corps physiq ue. Le bien en effet,
a pour récepta cle la volonté de l'homm e et le
vrai son entend ement; l'union de ces deux dans
les actel!, manife ste extérje ureme nt la vie, et en
même temps l'existe nce de la troisié me faculté
de l'âme, (IU'OO appelle l'opéra tion et l'actiou .
C'est en raison de cette approp riation par nos
âmes dll bien et du vrai que le sacrem ent de la
saillte Cèlle a été institu é, pour symbo liser par
le pain l'appro priatio n de la chair du Cb.rist ,qui,
dans sa nature divine est le Bien, et par le vin,
J'appro priatio n du sang du Ob.rist, qui dans sa
nature divine (,3tJe Vrai.
3j. Cette conjon ction de l'homm e avec Dieu
par le Bien et le Vrai, est l'ex.pre ssion de la loi
du progrè s ou de la règ'~nél'ationque nous avons
décl'Ue précéd emmen t. Or, c'est ici l'occas ion
de rappel er que cette approp riation du bien et
dl1 vrai par lesque ls nou'> somme s régéné rés
quant à nos âmes, est réellem ent une trans­
format ion, une métam orphos e de nous-m êmes,
et ici, c'est suivan t l'expre ssion théolo gique,
une vé l'Hable transsu bstanti ai ion; seulem ent elle
est spiritu elle; mais l'Eglis e romain e enseig ne
à tort que la transsu bstanti ation du pain et du
vin est matéri elle.
De même que le bien et le vrai font impres ­
sion sur le mental hum::tin, qui est la partie in·
tellectu elle de l'âme, de manièr e à la nourri r, à
la dévelo pper età lafclil'e VivrCl spiritu elleme nt,
de même, la chaleu r et la lumièr d physiq ues,
font impres sion sur nos corps physiq ues et coo­
pèrent aussi à la créa lion de nos organe~ phy­
siques, ainsi qu'à la créatio n des objets qui peu­
vent servir à nolre nourri ture.
34. Il est donc neces.s ail'8 de conclu re que le
LA PAROLE RÉVÉLÉE 41
bien et le vrai, ne sont pas des êtres de raison,
ou de pures abstractions, mais qu'ils constituent
des substances spirituelles d'où proviennent
toutes les essences des choses et que, de pl us,
ces substances spil'ituelles, sont vivantes, car
elles son t des émanations directes de Jéhovah,
,lui est le Bien. même, le Vrai même: de leur
union, dérive la \lie même.
Il faut également en conclure, que le bien et
le vrai ue sont pas creable;:;, car ils constituent
le corps même de la Divinité, spirituellement
~ a chair et son sang.
De plus, ces substances spirituelles, qu'on ap­
pelle le Bien et Ifl Vrai, forment une chaleur et
une lumière spirituelle~', qui ont pour corres­
pondance, dans le monde terrestr0, la chaleur
et la lumièt'e du soleil tlature!.
Le Bien et le Vrai émanent du Seigneur, leur
source uniq:ue, et constituent un foyer de cha·
leur et de lumière spirituelles, qui forment, par
consequent, un soleil spirituel, dont notre so­
leil naturel est la c;)t'respoodance terrestre.
C'est en raison de ce fait qui était l'objet
des crOJrances de la sagesse antique, qu'LI est
de tradition, dans les arts, de représenter la
face du Seigneur entourée d'une auréole ou
d'un cercle de lumière.
Le Bien et le Vrai qui émanent du Seigneur
seul, forment donc, ainsi que l'enseigne l'Evan­
. géliste Jean, le Verbe, le Logo,;;, l'Esprit-Saint,
ou la Parole qui cl'éa toutes cho,;;es j et il est
littéralement exact de dire, avec cet évangé­
liste, que« la Parole esl Dieu, et que toutes cho·
ses par elle, out été fat tes. » En effet, la Parole
révélée, est le Bien et le Vrai exprimés en lan­
gage divin, etce bien et ce vrai divins, consti­
tuent l'essence même de toutes les créations de
l'univers.
iilout être, il. l'ex.emple du Seigneur, est lt~
, , ,
42 L~ PAROLE ReVBLEE
centre d'une sphère d'émanation et peut être
comparé à l'astL'e d'un petit monde, rayonnant
dans l'espace et gravitant autour d'un grand
astre, son soleil; en d'autres termes, agissant
en raisou d'uLle force dite centripète, qui pro­
vient de l'influx divin, mais réagissant aussi,
en raison d'une force contraire, dite centri­
fuge qui provient de l'intlux de la nature. L'é­
quilibre entre ces deux fOl'ces figure l'état de
liberté de l'être ('\) .[ui, sollicité entre ces deux
attractions opposées, fixe sa vie ou l'édifie
différemment, suivant qu'il se rapproche plus,
ou s'éloigne plus de son centl'e d'attraction ou
de l'Jllflux divin.
Delà vient. qu'on peut définir le bien: J'amour
des vérités intérieur'es et supérieul'es ; et qu'on
peut tjéflnir le mal: l'amour des vérités exter­
nes à l'exclusiou des vérités intérieures et su­
piHieures qui en constitue'ü l'àme et la vie.
L'esprit du bien unit le côté externe des choses
aux vérités int8rieures qui en forment l'âme et
la vie; il unit ainsi la science à la sagesse;
mais l'esprit du mal cherche la science à l'ex­
clusion de ta sngesse, ou il subol'donne celle-ci
à celle-là.
De ce que le bien et le Hai sont émanés de
DiRU seul, il en résulte qu e les mentaIs humains
constitués par la volonté et l'entendement, ne
sontquedesimples récipient;; du bien et du
vrai divins: ainsi l'homme, loin d'être par lui­
même la vie, n'est qu'un ol'gane de la vie de
Dieu; Dieu o;eul est la Vie.
35. Le soleil spirituel vivifie notre soleil
naturel, constitue son princi pa actif et celui de
toutes les créations de la nature, qui par elle­
même est passive et inepte. Ces cl'~ations de la

(1) L'équilibre d'oil vient l'origille mème du mol li­


oerté, dérive de libra, poids, equus, égal.
l,A PAROLE RÉVj'LÉE 43
nature sont des représentations figurées, ou des
signes des créations du monde spirituel.
C'est en accord avec cette croyance à l'exis­
tence d'un soleil spirituel, qu'il est dit à propos
du déclin de l'Eglise chrétienne dans Mathieu
(XXIV, 29):
« Aussitôt après l'affliction de ces jours, le so­
leil sera obscurci et la lune lie donnera plus sa
lueur, et les étoiles tomberont du ciel et les
puissances des cieux seront ébranlées. »
Le soleil qui sera obscurci s'applique au so­
leil spirituel et s'entend de l'amour envers le
Seigneur, la lune qui réfléchit les rayons du
soleil, s'entend de la foi en Lui; les étoiles en
sont comme les scintillements, qui s'entendent
des connaissances du bien et du vrai.
Comme le soleil du ciel spirituel représentfl
le Seigneur, sa chaleur et sa lumière, le divin
Bien et le divin Vrai, on peut en conclure qu'il
y a des atmosphèr'es spirituAlles qui voilent la
face du divin soleil, comme les nuages cachent
souvent le nôtre, afin de tempérer l'ardeur de
l'amour divin.
De même que le soleil naturel, est Id centre
de notre monde terrestre, de même le soleil
spirituel est le centre des êtres du monde spi­
rituel. C'est pourquoi, il e~t dit au verset sui­
vant de cet Evangile de Mathieu:
« On verea le fils de l'homme venant dans les
nuée, du Ciel avec puissance et gloire. »
Il faut entendre par les nuées du Ciel, la Pa­
role dans le sens de la lettre, p3.rce que la let­
tre cache souvent la vél'it.é nue, qui est ainsi
voilée par la nuée; et par la puissance et la
gloire dans laquelle le Seigneur doit venir, il
faut entendre le sens spirituel de la Paro:e, le­
quel pput être trouvé par tous ceux qui veu­
lent le chercher et le pénëtrer à travers le
voile de la lettre. En effet, la lettre dd même
44 LA PAROLE RÉVÉLÉE

que la matière n'est que le signe, mais la vie qui


vivifie ce signe ou cette matière est la chose
signifiée; elle est correspondante au signe; elle
est la vérité spirituelle.
36. - La matière qui par elle-même est pas­
sive et inerte, n'est qu'une forme grossière;
c'est l'enveloppe qui se moule sur la substance
spirituelle, SUl' l'esprit- qui donne un semblant
de vie à cette matière passivè et inert.e. C'est
pourquoi le mot substance, dans son sens éty­
mologillue ou originaire (sub, stare, §tre ou se
tenir dessous), ne signifie pas un élément ma­
tél'iel, mals le principe actif et unique qui vi­
vifie les êtres ayant un corps matérIel. 11 en
résulte que les choses substantielles, ou spiri­
tuelles, sont les commencements des choses
matérielles, ce qui nous amène à r,onclure que
la matière n'est qu'une agglomération de subs­
tances splf'ituelles.
L'étude des religions antiques, pal'ticulière­
ment celle des Ariens, nous montre aussi que
dans les croyances primitives, ce n'est que par
une émanation de sa propre substance que Dieu
engendre le monde.
Ainsi, la matière qui en elle-même est pas­
sive et inerte, a été faite, originairement, de la
substance émanant de Dieu, mais elle a cessé,
une fois devenue matière, d'avoir quoi que ce
soit de divin en elle; elle peut néanmoins re­
cevoir un nouveau courant de vie émanant de
l'influx divin, dès lors qu'elle sert à constituer
de 1l0uv81les formes ùrganiques.
37. On voit que dans les trois règnes de la
na ture, les formes des corps, de même que les
goûts, les couleurs et les odeurs qui impres­
sionnent nOil senR, ne se produisent qu'en rai·
50n de ce que le bien et le vrai, qui sont ainsi
l''xprimés, revêtent des fMmes extérieures i le
LA PAROLE RÉVWL~E 45
bien et le vrai sont donc in lérieurement des subs­
tances ~piriLuelles vivantes, qui exilaient leurs
qualités au dehol'3 avec val'iation, suivant qu'el­
1es sont modifiée.> par la nature originaire et la
deslinalio-I <les TI1'l\ières qui leur servent de
matrices, (le for'mes ou de vases récipients. La
matière elle-mème resle toutefois morte et
in;-}rte oomme précédemment, et elle n'appa­
raît douëe de vie, que pat' l'influx divin qui
la fait croître suivant sa nature comme vaee
r,'cepfacle ou comme matrice, soit liOUS une
forme minérale, soit sous une forme végétale,
soit sous une forme animale. Dans tous ces cas,
le vase réceptacle attire à lui et s'assimile les
éléments naturels appropriablps à sa nature,
repousse les autres et, par correspondance, il
attire aussi, les substances spiritulliles appro­
priables qui y influent et les tranifùrma égale­
ment en matièl'es analogues à sa nature.
Ainsi, chez l'homme, le sang correspond aux
affections de l'amour du vrai, c'est pourquoi le
sang d:,ns le poumon se purifie ùes choses in­
dige~tes et il se nourrit des choses digestes, el
ùes éléments et ÙAS arômes de l'air qu'il s'assi­
mile, en choisissQnt ceux qui correspondent
aux affections oe l'âme, et en rejetant ceux qui
leur sont opposées: ail1si, il attire les germes de
la santé ou de la maladie, suivent les bons ou
les mauvais penclnnts du sujet, cat' ce que
l'esprit de l'homme aime, [e sang par lacOI'­
respondance le désire ardemment, et par la
[a respiration l'attire. La chaleur spirituelle
qui dans son essence est l'amour dll bien, influe
donc par correspondan:e daus [e cœur et dans
son sang, et y introduit la chaleur vitale qui
vivifie le cor,)s mat9l'Îel. C'est pO\lrquoi le
sang dans [a Parole est appelé âme, notamment
dans la Genè~e [X, 4, et le Lévitique XVrI. 14.
33. On voit que les C40S6S spiritqeUes, avec
46 LA PAROLE RÉVÉLÉE
lesquelles Dieu a créé, mais d'une manière fi­
nie, l'âme de l'homme composée de deux facul.
tés essentielles, la volonté et. l'entendemellt,
forment les vases réceptacles destinés à ap­
proprier le bien et le vrai divins, afin de les
utiliser', pour développer le corps spirituel ou
l'âme; celle·ci doit cl'oître en bonté et en beauté
~l mesure qu'elle puise plus abondamment sa
Yie et sa nourritul'e à la source divine du bien
el du vrai.
On voit aussi que l'homme, avec son corps
matériel, doit attirer par son alimentation phy­
sique, les substances matérielles correspon­
dantes aux substances spirituelles, soit du bien
et du vrai, soi t du mal et du faux, suivant ses
affections; qu'ainsi le sang doit se nourl'ir et se
pl1rifier d'une manière correspondante aux at­
fections de l'esprit.
On peut donc croire avec raison, qu'on en re­
viendra un jour à l'antique usage, qui voulait
que le médecin dè l'âllle, que le pl'êll'e, fut le
médecin le plus capable pour soigner et pour
guéri r les maladies du corps, par la connais·
sance qu'il possédait de leurs correspondances
avec les mala'lies de l'à me ; mais il est proba­
ble aussi que chacun, alors, sera devenu dans
une large mesure son propre prêtre et son pro­
pre médecin.
On voit encore, que l'homme, en raison de ses
aifectiOlls plus ou moins élevées, doit imprimer
au bien et au vrai qui intluent en lui, un carac­
tère distinctif, suivant l'usage infiniment varié
qu'il peut faire de son libre arbitre. Il peut
même tran<;former ce bien et ce vrai, en mal et
en faux. Or, comme le bien et le vrai trouvent
leurs applications dans toutes les branches des
connaissances humaines, il en résulte que l'in­
dividualité de chacun est aussi distincte et
aussi vqriée qu'il y a d'ipdividus; ceux-ci im­
LA PAROLE RÉVÉLÉE 47
priment chacun un sceau différent à leur carac­
tère propre, mais tous tendent à l'unité dans la
variété.
39. Le vrai et le bien constituant des substan­
ces vivantes et réelles qui sont l'essence même
. des créations de toutes cnoses, il en résulte que
rien ne se fait de rien, pas même la matière.
Celle-ci peut sortir du chaos, pour être assu­
jettie aux lois de l'odre, pour revêtir les for­
mes et les harmonies des créations de la na­
ture, mais elle n'est pas faite de rien, et elle
n'est pas sortie seule du chaos.
La meilleure preuve que la matière ne peut
être que le résultat de l'agglomération des
substances spirituelles d'origine divine, c'est
qu'il est impossible, raisonnablement, de sup­
poser qu'elle puise sa source première, ailleurs
que dans la puissance créatrice de l'es pri t
divin. Malgré cette origine divine, la matière
reste toujours inerte, passive et morte en elle­
même, par le seul fait de sa matérialisation,
c'est-à-dire, de son éloignement de l'état spi­
tuel.
Par suite de son état d'inertie, elle ne con­
serve de son origine divine, que la faculté toute
passive de servir de moule ou de substance mal­
léable, à l'intime. persistant de l'esprit divin, ou
de la substance spirituelle. De plus, son principe
passif, fait qu'elle constitue la réaction, ou la
force d'inertie qui retient et qui contient en elle
la vie ou le principe actif, en se moulant sur
celui-ci pour caractériser sa forme.
C'est, en conséquence, par la puissance créa­
trice du bien et lu vrai, éléments constitutifs
de la sagesse divine, que la matière se trans­
forme, qu'elle sort du chaos, et qu'elle passe
par toutes les métamorphoses dans les formes
infiniment variées des créations naturelles.
Si la matière n'était pas en elle-méme intre
-t8 LA PAROLE RÉVÉLÉE

et morte, ou devenue telle depuis sa séparation


de la substance spirituelle dont elle a tiré son
origine première, et depuis son éloignement du
monde spirituel, elle serait encore restée di­
vine, et nous ne pourrions avoir d'autre reli­
gion que le panthéisme, ou un idéalisme sem­
blable à celui qui fut professé au dix-huitième
siècle par le philosophe anglais Berkeley.
Mais le panthéisme ne peut subsister devan t
le fait purement scientifique de l'inertie de la
matière etde son état passif. De même, l'idéa­
lisme de Berkeley ne peut résister au fait bru­
tal de la réalité de l'existence de la matière,
bien que cette existence soit attestée par le té­
moignage de nos propres sens. En effet, ce té­
moignage de nos sens, est si peu intél'essé,
quoiqu'en dise le philosophe anglais, qu'il éma­
ne, en réalité, de nos facultés intellectuelles;
ces facultés seules peuvent nous révéler nos
seusaiiolJs car elles déri vent de la vie de l'âme;
or, celle-ci anime et imprègne la matière, en
elle-même inerte, sur laquelle se greffent par
cette vie de l'ùme, nos sens physiques.
40. La croyance que le monde matériel n'est
qu·} l'image grossière du monde spirituel, nous
amène en défi niti ve à ce Llo conséqu e nce, que
la symbolique sacréo, n'est pas, ainsi qu'on le
croit assez généralement, une pure conception
de l'imagination, se prêtant à toutes les fantai·
sies de l'artiste, à toutes les débauches de I-'es­
prit, mais bien une sagesse basée sur des faits
positifs, qui serviront aux hommes à réaliser
l'alliance la plus étroite entre la religion, la
philosophie et la science.
Bien plus, cette croyance nous amène à avoir
la seule conception juste de la créa.tion divine,
telle qu'elle nous est enseignée par Jean, lors­
qu'il nous dit: « la Parole était chez Dieu et
la Parole était Dieu; toutes choses par Elle, ont
été faites ...
CHAPITRE V.
L'âme vivante et immortelle.
41. - Le monde spirituel etscs habitants. - 42. Les an­
ges et les espl'its sont des hommes. - 43. L'àme est de
forme humaine. - 44. L'infini ne peut créer que le fini.
L'infini es~ dans le bien et dans le vrai. - 45. Le bien
et le vrai sont des attributs de la Divinité inh.éret.lt~ IIU
monde spirituel; mais les espaces et les temps ~ont in­
hérenl:s au monde ten·estl'e. - 46, Les espaces et Jes
temp~, dans le monde spirituel, ne sont que les appa­
l'ences et les signes de nos élévations dans la sagesse, ou
de D,OS états dans le bien ct le vl'ai. - 47. Dans le mon­
de spiI'ituel il existe Une grande extension, des affections
du bian et da vrai, ainsi qu'une C onjoncl.ion des plus
immédiates et dis plus étroites entre tons c~ux qui sont
dans des affection~ et des penstles semblahles. Tonte­
Présence, Toute-Scieuce et Toute-Puissance de Dieu. ­
48. Il existe' dans le monde spirituel, une étendue spiri­
tuelle servant de plan de développement aux affections
et aux pensées de l'homme; mais là, les espaces et les
temps ne peuvent être fixes et déterminés comme dans
le monde terrestre. Cependant les choses vues dans le
monde spirituel doivent être plus distinctes et plus réel­
les que celles qui sont vues dans lé monde terrestl''3. ­
49. L'àme de l'homme qui est de for me humaine, viville
toutes les parties du corps matériel. L'homme n'est qu'un
organe de la vie de Dieu, - 50. L'âme de l'homme est
immortelle ou éternelle, parce qu'il ya enchaÎn( ment en
tre elle eUe Divin; de là sa difference avec l'âme des ani­
maux; ceux-ci ne sont dotés qued'une âme animale; et ils
n'ont pas comme l'homme, en addition, une âme vivante
et immol'telle.

<c Jéhovah - Dieu forma l'homme


poussière de .l'humus, et il souf­
fla dans ses narines la respira­
tion des vies, et l'homme fut fait
en âme vivante ~ (Genèse 11. 7.)
41. Il Y a en nuus un homme exteme et un
homme interne; en d'autres termes, suivant
l' e xpre~sion de l'apôtre Paul,l'homme l< est semé
4
~o I:AME VIVANTE

corps animaL, il ressuscite corps spirituel. » En


effet, «former l'homme poussière de L'humus, »
signifie que Le Seigneur forma L'homme externe;
« souffler dans ses narines La respiration dès
vies», c'est Lui donner La vie du vrai et du bi en,
c'est-à-dire La vie de La foi et de L'amour. Enfin,
faire l'homme« en âme vivante », c'est le régé­
nérer, le créer à nouveau, le tirer de la vie ani­
male pour l'élever à la vie de L'àme, en un mot
c'est former l'hOlJlme interne.
Nous avons expliqué comment le bien et le
vrai sont des substances spirituellos (numéros
32 à 40) qui émanent de la sphère qui entoure
le Seigneur. C'est de cette sphère que rayonne
en nous cette chaleur spirituelle qui produit la
chaleur de nos affections, et cette lumière spiri­
tuelle qui produit la lumière de nos pensées.
Cette sphère ne peut donc être autrement appe·
lée que du nom de soleil spil'ituel, dont notre so­
leil terrestre nous donne l'idée, parce que celui­
ci nourrit, réchauffe et éclaire la natura et enfin
parce qu'il se présente à nous, comme le reflet
matériel, ou comme la correspondance du so­
Leil spirit uel,
La croyance à l'existence de ce soleil spirituel
implique aussi la croyance à L'existence d'at­
mosphères spirituelles servant à tempérer l'al'.
deur et l'éclat de la chaleur et de la lumière
spirituelles.
C'e:;t donc par un enchainement de vérités,
qui se présentent les unes et les autres, comme
des déductions rationnelles, que nous sommes
amenés à croire à l'existence d'uu monde spiri.
tuel; là nos âmes ou nos corps spirituels, sont
destinéfl à habiter, de même que nos corps ma­
tériels habitent le m.)nde terrestl"e.
La Bible nous révéle d'ailleurs, da ns plusieurs
passages de son texte, L'existence des habitants
du monde spirituel, qu'elle appelle des anges
ET IMMORTELLE Di
ou des démons, 8uivantqu'jls sont dans le ciel
ou dans l'enfer.
C'est aussi dans la Bible, que nous trouvons
tous les renseignements qui peuvent nous don­
ner une idée neUe et précise de ce monde spi­
rituel et desâmes qui l'habitent. Ily est souvent
question de l'apparition d'ang()s aux h·)mmes
encore dans la chair, et dans ces exemptes, qui
sont cités par les saintes Ecritures, les corps
spirituels de ces anges, se manifestent toujours
sous la forme humaine. Non seulement ils 8e
présentent comme (jes hommes, mais les écri­
vains sacrés les appellent ainsi. (1)
Les textes mêmes de la Parole révélée nous
montrent que les aoge~ ne furent pas issus d'une
création séparée de la race humaine, ainsi
qu'on l'a prétendu à tort. Il estdit, en effet, que
Dieu créa l'homme à sa propre image; or, on
n'a aucune rai~on pOJr supposer l'existence
d'une espèce différente d'êtres qui auraient une
forme différente de la forme humaine: aucun
textede la Bible ne se prête à cetle supposi­
tion.
Il en résulte qua tout habitant du monde spi­
rituel dont il est question clans la Bible, fut d'a_
bord homme comme nous autl'8S. Comme nous,
il a vécu dans le monfle terrestre, et aprés
avoir dépouillé le corps matériel, il a passé
dans le monde spirituel avel: un corps splrituel
destiné à s'associer et à avoir des rapports
constan~ avec les habitants de ce monde spi ri·
rituel. Mais pour que les nommes puissent voir
dans ce monde tel'l'estre des corp':l spirituels, il
Dnu9semble qu'il faut supposer que ces hommes
Ollt eu leur vue spirituelle ouverto, car il n~

(1) Voir Genèsp, XVIII. 2. XIX. 5 à 16-JufJes, XIII.


6.9. ID. - Daniel, IX. 21 - Zqcharic I. 8, Il - Luc,
XXIV. 4, à coofél'er avec Jean XX i3 - Apoc., VII, 9 ~
15. JÇXIl. 9,
52 L'AME: VIVANTE

nous parait pas possible de voir avec notre vue


physique dt~s esprits. Il est vrai que dans ces
circonstances, on peut supposer que la vue spi­
rituelle se confond tellement avec la vue natu..
relie qu'il peut être difficile de les· distin­
guer.
42. Le mot ange, qui signifie messager, est
employé dans la Bible pour représenter ces es­
prits lorsqu'ils habitent le céleste st'ljour.
Ainsi, par exemple, il est dit dans les Actes,
(XII. 13-16,) que lorsque Piene fut déliné de
la prison, et qu'il se présenta à la porte où
l'Eglise était réunie, une servante nommée
~hode, n'ouvrit pas la porte de joie, mais cou­
rut dans l'intérieur de la mai30n, pour annon­
cer le fait aux chrétiens assemblés. D'abord,
ils ne la crurent pas, mais lorsqu'elle pel'sista
à soutenir l'exaclitude du fait, ne comprenant
pas comment cela pouvait être Pierre, ils dirent
que cela doit être son (( 3nge », entendant par
là que c'était l'esprit cle Pierre.
Lorsque le prophète Daniel, au chapitre IX.
21, parle de l'al'change Gabriel, il le décrit
comme ayant une nature parfaitement identi­
que à la nôtre, etH est appelé l'homme Gabriel.
Dans la Genèse, (XIX. 15, 16,) lor.:'que deux an­
ges apparurent à Lot, ils sont appelés des hom­
mes.
Il y a bien d'autl'es passages dans la Bible,
qui établisRent de la façon la plus positive, que
les anges et les hommes sont de même race. Il
faut donc en conclure que les anges Ront des
hommes perfectionnés, qll'ils sont dans la
forme humaine, et qu'ils furent primitivement
des hommes sur la terre comme nous mêmes,
qui sommes aussi destinés à mourir matérielle­
ment pour ressuciter spiri tuellement. La beauté
ella perfection d cs anges doit correspondre,
par conséq:uent, aux différents degrés de leur
ET IMMORTBLLE 03
ex.cellence spirituelle ou de leur élévation
dans la sagesse_
Si les anges et les hommes sont de même ori­
gine, ils sont cependant différents en substance,
Mais ayant la même ol'igine nOlIS hommes,
nOlIS avons la même destinée; notre demeure
doit être (lans le royaume de Dieu comme la
leur, pourvu que nous nous élevions dans la
même sagesse que les an ges.
43, Or, cette identité d'origine nous donne
une idée de ce que nos âmes sont dura nt notre
vie dans ce monde.Elles ne peuvent être que de
forme humaine, car le bien et lA vrai divins, qui
servent de nourriture à nos âmes, émanent de
Dieu et reflètent en nous son image. La matière
passive et inerte ne peut que se modeler sur la
substance spirItuelle, et comme elle revêt chez
nous la forme humaine, elle ne peut prendre
cette forme que de l'âme elle-même.
Nos âmes sont, en effet, par la volonté et l'en­
tendement, leurs deux facultés essentielles, des
réceptacles du bien et du vrai divins; ceux-ci
sont des substances spirituelles non créables
et par suite infinies, Mais nos âmes sont des
substances spirituelles finies, créées par l'influx
permanent du bien et du vrai divins.
Ainsi les choses finies, avec lesquelles Dieu à.
créé l'esprit de l'homme, ont été dans l'origine
des substances spirituelles infinies qni ont servi
à cela; elles étaient dans le monde spirituel et
elles ont été transportées dans le monde ter­
restre, pour vivifier nos corps matériels, qui,
sans cela, resteraient insensibles et inertes,
comme la matière elle-mème, lorsqu'elle n'a
pas ce semblant de vie que lui imprime la subs­
tance spirituelle, ou l'âme .
.H . Observons ici, que l'infini ne peut créer
que le fini, car il serait ab~urde de penser que
l'infl'1i dr6e un autre infini, c'est·à·dire un autre
54 L'AMIll VIVANTE

Dieu; ceci serait inconciliable, avec ce que


nous enseigne la Bible, sur l'unité de Dieu. .
Or, l'homme étant fini, n'est autre chos"l
qu'une fOl'me vivifiée par l'infini d'après la vie
qu'il a en lui-même. C'est pourquoi aussi, il est
dit que « Jéhovah-Dieu, forma l'homme pous­
sière de la terre et souffla dans ses narines la
respiration des vie~, et l'homme fut fait en âme
vivante. '"
Une autre conséquence i mpol'tante, peut être'
tirée de ce qui précède: c'est que l'infini n'est
pas ailleurs que dans le Bien et le Vrai divins.
45. CdS substances spirituelles du bien et du
vrai sont les attl'ibuts de la toute puissance Di­
vinA, d'où ils tirent leur source. Ces attributs
divins sont aussi les qualités propres et inhé­
rentes au monde spirituel; mais les attribut"
inhérents au monde terrestre ne peuvent être
que les espaces et les temps. En effet, le bien
elle vrai, ainsi que le Seigneur qui les person o

nifie, ne s'avancent pas vers nous, ou ne pro­


gressent pas en nous par des espaces, ou par
dp~ temps, mais ils s'avancent et progressent
chez chacun de nOlIS, suivant la réception libre
et volontaire que nous faisons, de ce bien et de
ce vrai, qui influent de Lui en nous.
46. L'idée spirituelle sur les distances ma­
tél'ieiles de l'espace, ne peut êlre aulre que ce
qu'elle est sur les distances d.u bien au mal, et
sur les nuances du vrai d'lns toutes ses tran.5i­
tions avant d'aboùtir ~lU faux.
Or, ces distinctions de distances elde nuances
morales et spirituelles ne sont que des signes
ou des apparences d'espaces et de temps, car il
ne s'agit plus que de qualités, c'est-à-dire,
d'espaces et de temps spirituellement entendus.
Plus l'homme s'élève dans les vérités intérieu­
res et spil'ituelles, plus il s'affranchit de tout
attachement aux choses externes et matériel­
ET IMMORTELLE 5:>
les; cenes-ci ne sont plus que des signe~ ou des
effets, qui représentent celles-là, c'est-à-dire les
causes ou les choses signifiées. Les correspon­
dances entre ces signes et ces choses signiüée~,
. ,deviennent donc pour le sage un sujet d'autant
plus attachant, qu'i[ s'élève ainsi du monde des
.. etlds dans le monde des causes .
Les espaces et les temps ne sont pas vus pal'
le sage autrement qu'ils ne sont; et, ils ne sont,
en réalité, que les attribills propres à la nature
terrestre et matérielle. 11 en l'ésulte par consé­
quent, que les espaces et les temps doivent ap­
paraître dans le monde spirituel de nos âmes,
seulement comme les signes des états de notre
élévation dans le bien et le vrai; car là, rien de
matériel ne pellt subsister. Il eo résulte de plus
que le bien et le vrai constituent l'infini, taudis
que les espaces et les temps ne peuvent consti­
tuer que l'i nd éft ni.
L homme par son âme ou pal' son corps spiri­
tuel, pense au bien et au vrai; par exemple, il
les voit dans les œuvr'es d'art el dans les créa­
tions de la nature, où ils se manifestent par la
splendeur dll vrai qui est le beau.
Il fait ainsi la synthèse de l'œllvre sans se
perdre dans les détails de l'analyse, ou dans
les idées d'espace et de temps, dès lors qu'JI
conçoit bien l'unité de l'ensemhle.
A plus fOl'te l'aison, Dieu voit son œuvre en­
tière, car il est le grand Artiste, et y est Tout­
Puissant, en dehors des espaces et des temps,
qui sont 19ux-mêmes en dehors du Bien et du
Vrai ou de la Vie de Dieu.
47. Du moment qu'on arrive à admettre que
dans le monde spirituel, qui Est purement le
monde du sentiment et de la pensAe, il ne peut
y avoir riAn de matériel, ni espacfls ni temps,
il faut admettl'e aussi, que dans ce monde, il
)' a une extension des !Jlus grandes, des affec­
56 L'AME VIVANTE

tians du bien et du vrai, et une conjonction des


plus immédiates et des plus etroites entre tous
ceux qui sont dans des affections et des pensees
identiquement semblables. Mais nous ne som­
mes que des réceptacles du bien et du vrai: on
comprend donc que Dieu, qui est le Bien même
et le Vrai même, se trouve nécessairement être
Tout-Présent, Tout-Sachant et Tout-Puissant,
car Il est partout. Il est dans les essences des
choses qui constituf'nt precisement ce bien et ce
vrai divins incréables.
Il est cependant en dehors des espaces et des
tem ps, parce que ceux-ci conviennent seulement
à la matière, qui à cause de son état d'inertie,
est morto; or Dieu n'est pas dans la matière de­
puis q\l'elle s'est éloignée de Lui, on devenant
matière et chose morte.
48. L'âme de l'homme qui est finie, ne peut
refléter l'infini qne dans une mesure finie. Pour
que l'homme puisse ainsi devenir l'image de
Dieu, c'est-à-dire, le réceptacle du bien et du
vrai divins, il faut qu'il existe dans le monde
spirituel une étenùue spirituelle ou substan­
tielle, servant de plan de développement aux
affections et aux pensées de l'homme, mais il
ne peut y avoir d'étendue matérielle comme
dans le monde terrestre.
. En leur qualité d'étendue spirituelle, les es­
paces et les temps du monde spirituel ne peu­
vent être fixes ni déterminés comme ils le sont.
dans le monde terrestre.
Eu effet, on peut observer que, même dans
notre monde, nous vivons de la vie du monde
spirituel dans lequel les espaces et les temps
sont indéterminés. Cela est si vrai qu'un chemin
que nous parcourons nous parait long ou court
sui van t l' cHat de notre âme; il paraît long pour
I1rriver chez Un ami, mais le temps paraît court
durant notre entretien avec cet ami. Mall{ré
ET IMMORTELT.E 57
cette mobilité des espaces et des temps, les
choses vues dans notre âme, c'est-à-dire dans
le monde spirituel, doivent être plus distinctes
et plus réelles que celles que nous voyons dans
leur3 formes matérielles j en effet, elles expri­
ment P~tat ÙLl cœur de chacun de nous. La vé­
rité telle qu'elle est vue extérieurement peut
être lue à livre ouvert et, pal' suite, continuelle­
ment enseignée dans ses applications aux
usages, pal' ses manifestations extérieures si
variées. Celles-ci sont autant de Cf)rrespon­
dances ou de signes qui nous révèlent les cho­
ses signifiées.
49. Ce n'est donc pas le corps de l'homme qui
pense ainsi, en dehors des espaces et des temps,
mais c'est son esprit; son esprit n'est pas son
corps naturel, mais il fait partie intégrante de
son corps spirituel; celui-ci vivifie toutes les
parties de celui-là, et se trouve aussi, comme
celui-là, en parfaite forme humaine, avec tous
les organes dont est doté le corps physique.
Il y a donc positivement un homme interne
en nous qUl anime et qui modifie l'homme ex­
terne. C'est le premier qui ressent de la dou­
leur dans un membre qui a été amputé, et qui,
par conséquent, n'existe plus pour le second.
I! en résulte qu'une partie du corps, dans lequel
l'âme ne serait pas,cesserait immédiatem,ent de
vivre.
Le corps naturel et le corps spirituel,
l'homme externe et l'homme interne, ont donc
chacun une vue ouverte et une vie distincte
dans un monde différent.
Le mentai humain de son côté, n'est en réa­
Iité,que la forme du divin bien et du divin vrai,
spirituellement et naturellement organisées:
le cerveau est cette forme; or, comme l'homme
entier dépend de son cerveau, toutes les choses
qui sont dans son corps, sont des appendices
58 L'A~m VIVANTE

qui vivent par ces deux. principes du bien et du


vrai divins.
L'homme est donc bien un organe de cette
vie unique qui émane de Dieu, et qui constitue
en même temps pour son âme, celte atmosphèrè
spirituelle dans laquelle el' e se meut, vit et
respire spirituellement.
50. - L'homme vivant ainsi pal' sa conjonc­
tion avec Dieu, ou avec le bien et le vrai éma­
nant de Lui,il en résulte qu'il ya enchaînement
entre l'homme et le divin, d'une façon telle­
ment étroite, qu'il peut non seulement recevoir
le Divin, mais même se l'appropeier récipro­
quement par la reconnaissance et l'affection.
Il faut en conclure que le Divin étant implan­
té dans l'homme, celui-ci ne peut jamais mou·
l'il', car son âme est da ns l'éterl1el et l'in fi ni,
non seulement par l'influx. qui procède de Dieu,
mais aussi par la réception.
En ce qui concerne les animaux, ils sont, il
est vrai, aussi, des récipients de l'influx divin,
mais seulement des récipients d'une vie sen­
suelle, externe ou matérielle; car la pensée des
animaux, même les plus élevés dans l'échelle
d<ls êtres, n'approche jamais de la pensée ra­
tionnelle.spirituelle, et elle reste toujours sen­
suelle-naturelle. En effet, les animaux ne
peuvent s'élever à la conception de l'harmonie
des lois qui gouvernent l'univers, encore moins
au sentiment de l'amour du bien, mais ils
restent dans l'instinct particulier à chaque es­
pèce. Cet instinct ne constitue donc chez l'ani­
mal, qu'une science toute formée, innée en lui,
qui. ne l'éclaire nullement en f1ehol's de son
cercle restrein t; cette science innée ne lui pel'·
met pas d'élever sa pensée au-dessus de l'a­
mour purement sensuel de ce qui concerne son
e~i&tence physique i 01', celle-ci n'obéit q:u'à qe~
ET IMMORTELLE 59
impulsions comparables à celles du somnanbule.
Aussi, le philosophe Shelling avait bien rai­
:wn de dire que la pensée dort dans la pierre,
rêve dans l'animal, et s'éveille dans l'homme.
L'histoire ancienne nous fait recon n aî Ire les
traces de celle théorie dans le culte des animaux
tel qu'il existai t chez les anciens Egyptiens;
chaque animal, suivant son espèce, a son ins­
tinct particulier qui provient d'une affeclion
particulière; il possède, formée et inn~e en lui,
la science particulière à cette affeclion. On
pourrait donc dire que chaque animal e~ t le 8 ym·
bole, le hiéroglyphe ou la signature de l'affec­
tion particulière, qui le guide dans sa vie, car il
la figure et il eu revêt la forme naturelle. De là
l'origine du culte dont il était l'objet, en l'hon­
neur de l'affection bonne qu'il rèprésentait.
Mai:; l'homme, à la différence de l'animal, re­
sume eu lui toutes les affections du bien et du
vrai, et c'est ainsi que de plus que l'animal,
qui ne fait que tendre à la forme humaine, et
s'en approche plus ou moins, sans jamais l'at­
teindre entièrement, l'homme revêt cette forme
humaine la plus parfaite de toutes, puisqu'elle
est l'image de Dieu.
Toutes les créations du monde naturel n'exis­
tent q'.!e comme des récipients de la vie émanée
de Dieu, mais à des degrés infiniment variés,
suivautla nature ou la forme du vase récipient,
et, en somme, la différence entre l'homme et
l'animal, est, que celui-ci possède une âme ani­
male et que celui-là a, en addition de son âme
purement animale, une âme vivante, c'est-à­
dire une âme spirituelle et immortelle.
Aus~i, c'est de l'homme, qu'il est di t dans la
Genèse, que Jéhovah-Dieu le forma poussière
de l'humu8, souffta dans ses narines la respira,
tion des vies, et Je fit en âme vivante, Cette âme
humaine est en même temps substantüJle ou
spirituelle Elt immortelle.
CHAPITRE VI.
La Trinité.
51. Il Y Il des analogies entre les vérités )'évelées, dites
spirituelles, et les vél'ité~ naturellcs; celles-ci peuvent
servir à cOnfirmer les prcmièl·es. - 52. La substance
matérielle d'une chose ne peut être vue en dehors ele sil
forme. Il faut donc nécessairement rattacher à ces deme
élémenls, la subslance et la forme, un lroisième élé­
ment, qui est le résultat de l'union des deux pl'emiiml,
pour que la chose puisse existCl'. Cette Trinité se re·
trouve dans Dieu et dans l'homme lui-même: dans
Dieu par le Père, le Fils et le Saint-Esprit; ct, dans
l'homme, par l'âme, le corps et l'opération, ou l'action
qui procède de leur union. - 53. La croyance à
l'existence d'un Dieu, unique créateUl' de l'univers, ne
peut nous êt['e venue que pal' la R·)vélation, mais il est
nécessaire que cette vérité révélée, pour être arlaptable
à l'esprit modelne, Ir ,uve des confirmations pililosophi­
ques et ~cientifiques, tout en échappant à la preuve di­
l'ecte par la philosophie et la science. - 54. Dans les
différentes théologies ch:étïennes, la verité révélée sc
lrouve souvent formulée d'une manièl'e qui la met en
opposition avec la raison; tel est, pal' exemple, le dogme
de la Trinité ainsi qu'il a été formulé par le Concile de
Nicée. 11 y a aussi des chreti ns qui s'égarent dans le
panthéisme. - 55. Toute croyance EU l' l'existence de
Dieu et sur s()n unité, n'est précise et positive, qu'à la
condition de se pl ésenter dans l'idée, ou dans l'image de
la forme humaine. - 56. La vériti révélée est· toujourS
restée telle qu'elle était primitivement, bien que les
hommes n'aient pu continuel' à l'accepter dans le COUI'5
des siècles, que soua des formes diiférentes. - Les hom­
mes sont frères parce qu'ils sont les enfants d'un même
Dieu.

« Depuis tant de temps je suis avec


vous, et tu ne m'as point connu,
Philippe 1 Qui m'a vu a vu le Père;
et comment toi, dislu : J\'lontre­
nous h Père 1(Jean, (XlV) g,)
6~ LA TRINITÉ

51. Lorsqu'une v éd lé d'ordre nalurel se ma­


nifeste à nous, c'est par nos facultés sensuelles
que nous la percevons; mais DOS facultés in­
tellectuelles peu vent percevoir une certaine
analogie entre cette vérité d'ordre natureL et
ur.e vérité révélée, d'ordre spirituel; c'e~t ce
qu'on appelle percevoir la verité révélée dans
la signature des choses. En effet, on J econnaît
souvent dans l'œuvre, le cachet de son auteur
ou de son créateur: celui-ci se manifeste par­
ce que l'objet reflète le bien et le Hai qui enré·
vèlent la vie. ainsi en même temps le genre de
beauté ou de mérite.
Cependant: l'homme, lorsqu'il ne s'est pas
encore suffisamment approprié le bien et le vrai
est souvent aveuglé par l'erreur; il ne peut
plus tirer un bon parti de son intelligence, de
manière à reconnaître la vérité partout où elle
se trouve et, il se trompe, quand même des
manifestatioui!. antérieures de cette vérité ont
dù frapper ses sens.
C'est ct: que le Seigneur reproche à Philippe
dans le passage de l'Evangile de Jean qui sert
de texte de developpement à notre sujet.
Ce même reproche du Seigneur à Philippe,
s'adresse également à nous tous, lorsque nous
négligeons de faire tous nos efforts pour dé­
couvrir la vérité, nous familiariser avec elle,
l'appliquer à notre vie, de manière à pouvoir
mettre en pratique dans toutes les occasions
possibles, n08 devoirs envers Dieu et envers nos
sembla bl es.
Pour comprendre la vérité révélée il est né­
cessaire de nous initier de bonne heure, aux
beautés de la Iittéralure sacrée, car on trouve
de nombreuses confirmations de ses enseigne­
ments, dans les signatures des choses, ou des
créations naturelles, et on peut ainsi se servir
du livre de la nature comme d'une Bible pour y
....
(>
LA TRINITÉ

lire les mêmes enseig nemen ts de la sagess e di­


vine qu'on trouve égalem ent dans la Bible écri­
te. Le princip al, est donc d'appre ndre d'abord à
épeler cette Bible de la nature , pour arriver
ensuite à lire couram ment les enseig nemen ts de
la sagess e divine.
Il y a eu, en généra l, dans le cours des siècles ,
dtuX genre's de Révéla tion de la Vérité spiri­
tuelle : la Révéla tion directe de Dieu à l'homm e
primiti f, et la Révéla tion indirec te par une Bi­
ble écrite.
La premiè re suffisa it à l'huma nité primit ive
encore dans létat d'innoc ence, et à son génie
plus synthé tique qu'ana lytique . Les homme s
receva ient directe ment de Dieu la Vérité révé­
lée,et ils savaie nt en lire les confirm ations dans
les signatu res des créatio ns nature lles. Ils pou­
vaient ' en conséq uence, se servir de la nature
comme d'une Bible pour y voir les enseig ne­
ments de la sagess e divine , c'est-à -dire les
choses signifi ées derriè re leurs signes natu­
yels.
La second e Révéla tion, qui n'est que la mani­
festatio n de la premiè re sous une forme diffé­
rente et plus extérie ure, convie nt mieux au gé­
nie plus extern e des société s nouvel les qui ont
succéd é aux plus ancien nes; elle se tyouve
toute en tière dans la littérat ure sacrée , c10nt
notre Bible est l'expre ssion la plus pure, car
lrs mythol ogies ancien nes n'en sont que des
a Héra tions.
5~. Un des exemp les les plus remarq uables
de la possibi lité de lire 11\ vérité révélée dans
la signatu re des créatio ns de la nature , se trouve
dans leur caractè re ternai re: celui-c i corres ­
pond à l'ensei gneme nt de la Bible écrite, sur
l'unité de Dieu dans la TI'inité .
Or, cette recher che parallè le que nous allons
faire de l'ensei gneme nt de la Trinité dans l~
64 LA TRU'HTÉ

Bible de la nature et dans la Bible écrite, va


nous montrer clans la suite, que le Concile de
Nicee et les Eglises chrétiennes, en général,
s'en sont entière me nt écartés et on t tout-à-fa it
erré sur ce sujet,
Dans les créations de la nature, cette '1'Iinité
se trouve, en effet, distincte, mais indivise; elle
existe dans les trois élements essentiels qui
constituent l'unité de tout acte divin ou humain,
et ces trois éléments se ramènent toujours aux
notions nécessaires de fin, de cause et d'effet.
On ne pEUt concevoir un objet quelconque
qu'aux trois points de vue de sa substance, de
sa forme et de l'union de ces deux qui constitue
l'objet lui-même, vu non plus analytiquement,
mais synthétiquement. Essayez de séparer par
la pensée, la substance de la forme dans un
objet quelconque, vous n'aurez plus rien, et
cependant, ces deux choses, bien qu'elles soient
indivisibles, sont en même temps distinctes.
On ne peut imaginer l'objet comme existant,
que par l'union de sa substance avec sa forme,
car ce n'est que par celle union qu'il devient
un obj et réel.
Ainsi, la substance n'est vue que sous sa
forme et nous savons, en effet, que la substance
par son sens étymologique (sub, stare, être, oU
Sc:1 tenir dessous), signifie le principe actif qui
vivifie la matière.
Personne n'a jamais vu la substance en dehors
de sa forme, car elle devient invisible dès qu'on
la cherche en dehors de sa forme, de même que
Jéhovah était invisible pour les Juifs avant d'a­
voir été incarné dans le Chri8t.
Le passage qui sert de texte de développe­
ment à ce sujet de la Trinité, nous enseigne
que Jéhovah et le Christ, le Père et le Fils ne
font qu'un, Nous savons que ce qui procède de
leur union, est le Saint-Esprit qui influe en cha..
LA TRINIT~ ô~

cun de nous, en rayonnant de la sphère qui eu­


toure le Seigneur sous la forme de chaleur et de
lumière spiritu~lle, c'est-à-dire de bien et ne
vrai.
Personne, avant l'incarnation de Jéhovahdans
le Christ, n'avait vu Jéhovah. Il résulte, en
effet, de la lecture de l'Ancien Tc:!stament, que
toutes les fois que Dieu a parlé aux hommes,
c'est toujours sous la forme d'un Ange ou d'un
messagerqui représentait Jéhovah sous.la forme
humaine.
Par analogie la substance d'un objet corres­
pond à Dieu le Père. La Corme est le second élé­
ment, sans lequel nous ne pourl'Ïons ni voir, ni
concevoir dans notre pengée sa substance. Cette
forme c'est l'image même de la substance. Le
Fils, ou le Christ, personnifie dans le Nùuveau
Testament, le Père, d'une manière plus directe
et plus manifeste que par l'intermédiaire d'un
ange et surtout d'une manière plus palpable et
plus visible, car c'est sous une forme humaine
terrestre.
Cette incarnation de Jéhovah dans le Christ
Cut, en effet, nécessaire, pour que la religion
put continuer à s'adapter au génie, deve'lu plus
externe, ct es sociétés humaines, et p::>ur que Di eu
pûtconUnueràêtrevudans la pensée del'hom ne
sous la forme humaine.
Avant que le génie humain Cût devenu assez
externe pour que l'incarn'ltion de Jéhovah dans
le Chr'ist devînt nécessaire, il suffisait aux
hommes, pour penser àDieud'une m~nière pré­
cise, de penser à la forme humaine, etc'estsous
cette forme aussi que Dieu apparut à certains
hommes mentionnés dans la Bible, c'est-à-dire,
par l'intermédiaire d'un ange ou d'un messager
ayant cette forme. Il est dit, en effet, dans
l'Ancien Testament que nul ne pouvait VOil' Jé­
hovah et vivre.
66 LA TR1NJ'l't

Ainsi la forme de Dieu est pour nous l'image


du Père par le Fils, ou l'image de sa substance
constituée par le bien et le vrai. En toutes cho­
ses, ces deux, la subslance et la forme, mar­
chent nécessairement de pair, car partout où
sont ces deux, il ya aussi le troisième qui est
le procédant de l'union des deux: c'est l'objet
lui-même dont l'analogue dans l'ancien Testa­
ment est l'esprit de sainteté li) et dans le Nou­
veau Testament, l'Esprit Saint, c'est-à-dire le
Bien et le Vrai qui sont appelés la chair et le
sang du Christ, parce qu'ils doivent servir à la
nourriture de nos âmes.
Ce trine se retrouve donc comme vérité spi­
rituelle visible, par a.nalogie, dans toutes les
créations de la nature, car celles-ci conservent
toujours quelques traces de l'image du créateur.
On peut égatement retrouver la Trinité dans
l'homme lui-même. car celui-ci est composé
d'une âme et d'un corps; l'opération ou les
actes qui dérivent de l'union de J'âme et du
corps en constituent le procédant, de même que
l'opération qui dérive de l'union du Divin du
Spigneur qui est Jéhovah avec son Humain, en
constituent le Saint-EsprH qui est ici le Procé­
dant.
L'homme est donc bien ausû lui-même, l'i­
mage de la Trinité divine.
Nous disons, en etfdt, de nous-mêmes, q~e
l'âme demeure daos le coq.l~, de même que le
Seigneur disait de Lui·même que le Père était
en Lui: ft En moi est te Père et Moi en Lui. 7>
(Jean X. 38).
De même que nous voyons et que nous
conn'iissons l'âme d'un homme par son corps,
et au moyen de son corps, de même lorsque
Philippa demal,de au Seigneur de montrer le
Père aux disciples, le Seigneur répon 1 :« De­
(1) Voir Esaïe. Li II. 10, tl, et P;aume Ll. 13.
LA TRINITÉ 67
puis tant de temps je suis avec vous et ld
ne m'a point connu, Philippe! Qui m'a vu a vu
le Père; et comment, toi, dis-tu: Montre-nous
le Père? 1>
C'est donc bien la Parole révélée qui nous
enseigne que Jésus est Dieu manifesté en chaIr,
de même que l'âme est manifestée dans le
corps.
53. Les traces de cette Trinité divine se tl'OU­
vant aussi dans la signature des créations de
la nalure, dont Dieu est. le seul auteur, la
vérité révélée se retrOllve, par analogie, dans
l'étude des faits qui font l'objet, soit de la
philosophie, soit de la sciencl~, suivant le point
de vue auquel on se place. En effet, la subs­
tance et la forme d'une cho~e donnent lieu au·
tant à des développements philosophiques qu'à
(les développements scientifiques; et, encore
comme nous le voyons ici, à des développe­
ments théologiques. li est, néanmoins, impos­
sible d'obtenir une preuve directe de cette exis­
ttlllCe de l'unité' de Dieu dans la Trinité, par
des recherches pllrement scientifiques, parce
que la science n'embrasse que l'étude des faits
matériels, ce qui exclut de son domaine les faits
qui se passent dans le monde spirituel et qui
sont d'ordre surnaturel.
La croyance à l'existence de Dieu, principe
créateur dn l'univers, ne peut nous être
venue originairemerlt, que par la Révélatio1:
c'est une vérHé révélée et, par suite, une vérité
au-dessus de la raison humaine, mais nullement
Ulle vérité contraire à la raison. Il faut en
conséquence que cette vérité révélée, pour de­
"eoir adaptable à l'esprit morlerne, tout en
ecbappant à des preuves philosophiques ou
scientifiques directes, puisse rencontrer, au
moins indirectement, des coufirmations philoso­
plliques et scientifiques.
68 LA TRINITÉ

En ce qui concerne les confirmations philoso­


phiques, celles ci consistent dans îe soin
qu'on doit mettre à présenter sous une forme
rationnelle la Vérité révélée.
54. Mais cette vérité révélée dans les diffé­
rentes théologies chl'étiennes, se tl'ouve frd­
quemment, mise en opposition avec la raison et
elle devient alors, impossible à cvncilier avec
les exigences de l'esprit moùerne. Citon:; L::i
comme exemple, la façon suivant laquelle, le
dogme de la l'rini té a été fOl'mulé par le Conci l(~
de Nicée de l'an 325 de notre ère. Ce concile
érige eo. dogme, la croyance à l'existence 1e
trois pel'sonnes divines distinctes, qui ne for­
mer'aient (IU'Un seul Dieu. Les trois attributs
essentiels du Père, du Fils et du Saint.Esprit,
qui sont en réalité, ceux de l'amoul', de la sages­
s~ et de la puissance, devinrent trois persan·
nes divines, chacuue desquelles pal' elle-mê­
me, était <S. Dieu et Seigneul'»; mais pal'ce
l'Ecriture Sainte l'ordonnait ainsi, ces trois per­
sonnesdivinesdistinctes devaient être ddclal'ées
ne former qu'un seul Dieu. Il est évident que
dans cette foi, dite aussi Athanasienne, la pen­
sée fOI'mulait trois dieux, en même temps que
la bouche formulait un seul Dieu. Il en résultait
que chaque ppr"onne divine dans la pensée,
était Dieu et Seigneur, tandis que les lèvres de­
vaient dire, un seul Dieu. Comme l~ peo.sée doi t
toujours prédominer sur la parole, la pensée
faisait trois dieux, et la parole restait sans
pouvoir, pour conserver'la conception d'un Dieu
unique. Une teUe foi ne pouvait que hâter les
temps de la décadence et de la fin de l'Eglise
chrétienne, car celle-ci n'avait sa raison d'être,
pOUl' se substituer aux ancier.nes religions du
paganisme, que sa foi dans un Dieu unique. Ces
religions étaient en effet, tombées en décadenca
à cause de la foi dans la pluralité des dieux.
l,A TRl""ITÉ 69
Or, la bouche tout en proclamant le fait de
l'unité de Dieu, se met en contradiction avec
la pensée qui porte sur les faits de l'existence de
trois personnes divines distinctes, c'est-à-dire,
de trois dieux. Rien n'est plus absul'ùe et plus
nuisible à la foi chrétienne ainsi qu'à l'esprit
de tolérance et de fl'aternité, qu'une telle
croyance imposée autoritairement, bien qu'elle
heurte le bon sens de chacun de nous; elle ne
ne peut donc être imposée aussi aveuglément
que dans un esprit anti-rationnel et anti-frater­
nel.
Son irrationalité saute aux yeux, car on est
allé jusqu'à supposer, afin de donner un sem­
blant de raison à celle fausse doctrine SUl' la
Trinité que Dieu avait envoyé son Fi ls pOUL'
intercéder auprès de Lui, le Père, et pour em­
pêcher la condamnation du monde. Ceci impli­
querait une divergence entl'e le Père et le Fils,
en vertu de laquelle, ce serait par la volonté de
Dieu le Père, que les pécheurs fussent con­
damnés et pal' la volonté de Dieu le Fils qu'ils
fussent sauvés. Il résulterait donc de cette pré­
tendue doctrine de l'expiation, une propitiation
. du Dieu irrité, lé Père, par la substitution de la
punition du Dieu innocent, le Fils, à la place des
coupables. Mais Dieu le Père, est es·~entielle·
ment miséricordieux: il ne peut être question
de son humeur irascible qu'en lui prêtant les
passions humaines, ainsi que le faisaient les
Juifs dans l'Ancien Tclstamenl. Il ne peut étre
question"non plus d'une divergence de volonté
entre les personnes prétendues distinctes de la
Trinité divine, à cause de la croyance à l'unité
de Dieu dans la Trinité même.
Cependant, l'erreurlhéologique sur la Trinité,
n'est pas toujours dans le même sens, aussi
manifestement contraire à la raisoo, chez les
chrétiens, càr il y a che7i beauçot~p ù'entL'e eux,
70 LA TRINITÉ

une tendance à rejeter la doctrine d'un Dieu


personnel. Ils se plaisent surtout à affirmer que
Dieu est Tout-Présent, et ils poussent encore
cette dernière doctrine à ses extrêmes limites,
cal' ils vont jusqu'à dire que Dieu est en toutes
chosps, autant dans un animal que dans un
homme, autant dans la matière que dans l'esprit.
et même autant dans le mal que dans le bien.
Nous avons d'avance réfuté cette ma!lièrl\ de
voir qui touche au Panthéisme, (Voir numér'()s
36 à ·10), lorz;que nous avons développé le prin­
cipe de la Toute-Présence de Dieu dans les es­
sences mêmes des choses et ainsi en dehors des
espaces et des temps, en dehors surtout de la
"matière, depuis qu'elle est devenue matière, et
qu'elle s'est ainsi éloignée de soo origine primi.
tive qui était spirituelle.
55. Il ne nous reste donc qn'à insister encore
sur cette vérité que toute croyance et que toute
pensée sur-l'existence de Dieu et sur son unité,
n'est précise et positive, qu'à la condition de se
présenter dans l'idée ou dans l'image de la
forme humaine. otez de la pensée sur Dieu,
l'idée de celle forme humaine à l'image de
laquelle nous sommes crées, parlez de Lui sim·
plement comme d'un esprit imprégnant toute!1
choEes, le panthéisme en découle aussitôt. Ainsi,
Dieu est un être personnel et le Bien même, le
VI'ai même, ne peuvent être attribués qu'à une
personnalité divine.
Il n'y a donc qu'un moyen de rendre rationnelle
cette cloctrine de l'unite de Dieu dans la Trinité,
et de la rendre acceptable à l'esprit m01eroe :
C'est d'admettre avec les textes mêmes de la
Bible, que ces trois personnes divines préten­
dues distinctes, ne sont. en réalité, que trois
manifestations distinctes ou trois adaptations
différentes de la même croyance au Dieu unique,
advenues par suite de modiijcation <lu génie deli
LA TRINITÉ 'il
societes humaines, et opérées dans le but de
mointenil'!a pensée de l'homme dans la croyance
à un Dieu personnel ayant la forme humaine.
Les différentes révélations du Dieu unique,
Il'ont eu, en e:l'fet, d'autre objet que de maintenir'
la communication des hommes avec la Verité.
En réalité. la Trinité dans la forme humaine
de l'unité de Dieu, a toujours existé; seulement,
,elle n'a pas toujours existé dans la plénitude
du Divin Humain du Chr'i~t; elle ri'a donc
pas toujours été précisée devant la pensée hu­
maine, d'une manière aussi accentuée ni aussi
externe,car elle nese manife:::ta primitivement,
que par l'in termédia ire de l'appari tion d'un ange
à certains personnages de l'Ancien Te~tament.
Ainsi celle Trinité n'était pas encore présentée
avant la venue du Christ, dans un plan de vie
aussi inférieur que le plan de la vie matérielle
et sensuelle.
La dh'ine Trinité qui préexista à l'incarna­
tion dans l'Ancien Testament, pouvait être
appelée, l'Essence, l'Existence, et le Procédant
ou l'esprit de sainteté, mais elle ne pouvait
encore être appelée le Père, le Fils et le Saint­
Esprit, ainsi qu'elle put l'être dans le Nouveau
Testament.
Rien n'est plus rationnel que d'admettre
que les Sociétés humaines en vieillissant ont
fait des progrès dans la vérité scientifique qui
est externe, et qu'aussi leur génie est devenu
plus analytique que synthétique. Il s'agit donc
de rétablir l'accord ou l'éluilibre entl'8 J'analyse
et la synthèse, car en devenant plus savants, les
hommes sont devenus moins profonds et moins
liages, ce que nous essaierons d'établir dans la
suite d'une manière plus précise et plus positive,
à mesure que nous avancerons dans l'étude du
sens spirituelle de la Bible.
56. Dieu a dû pour continuer à pouvoir corn­
72 LA tRINITÉ
muuiquer la Vérité aux hommes, se manifester
à eux d'une manière de plus en plus externe,
jusqu'à s'incarner et à se présenter ainsi parmi
eux en chair et en os, et dans les mêmes condi­
tions de vie terrestre.
Mais ces manifestations de plus en plus ex­
ternes de la Divinité n'ont rien pu changer à la
vérité, ni à la nature des choses, en ce sens que
la Vérité révélée est toujours restée telle qu'elle
était primiLivement,bien que les hommes n'aient
pu continuer à l'accepter dans le cours des
siècles que sous des formes différentes.
La croyance à l'unité de Dieu, et par suite la
croyance ~l son incarnation dans le Christ, donne
une conception précise et intelligible de celte
unité, et c'ést la pierre de touche de la pureté
de la doctrine chrétienne. En effet, pour réaliser
l'objet de toute religion qui est l'étabJissement
de lajusliceet de la fraternité parmi les hommes,
.il est nécessaire de supposer que les hommes
sont frères parce qu'ils sont les enfants d'un
Père commun à tous, Dieu uDique, devant
16quel, ils doivent vivre, dans la liberté, en
même temps que sur le pied de l'égalité.
CHAPITRE VII.

La Liberté.

58. T~e l'Oyaume de Dieu est au-dedans de nous, pal'ce que


c'est en nous que peut s'opérer l'appropriation du bien
et du vrai di l'ins, appropriation qui nous rend libres. _
59. La liberté existe à des degrés différents dans toute
l'échelle des êtres. Elle concorde avec les lois de l'at­
traction universelle. Celle-ci est produite par l'inf1ux di­
. vin qui descend du monde spirituel dans le monde ter­
restl'e. Cet intlux est reçu différemment pal' tous les
êtres de la création. - 60. La liberté est le résultat
d'un équilibl'e entre le bien auquel on aspire, et le mal
dont on veut se garantir; elle est la résultante de deux
forces opposées, l'une active et l 'autre pa~sive. - 61.
L'homme n'éclaire pas sa pensée par lu i-rnême, mais
comme par lui-même. Le mental humain est dans un
équilibre analogue à celui de toutes les créations natu­
l'elles. Origine du mot liberté. - 62. La fin, la cause ét
les effets trouvent leurs analogues dans le bien, le vrai
et le fait, ainsi que dans les pr'incipes de liberté, d'auto­
rité et d'utilité j de même aussi dans les trois facultés
de l'âme: la volonté, l'entendement et l'actioa. - 63.
Le domaine de la liberté de l'homme, peut être embras­
sé d'une seule vue d'ensemble, lorsqu'on l'envisage dans
trois plans correspondants aux notions de fln, de cause
et d'effets. - 64. Distinction à faire entre les degrés dis­
crets et les degrés continu8. - 65. Il Y a un quatrième
plan qui est le plan de la vie terrestre; il contient aussi
les degrés conlinus. - 66. Les créations sur chacun de
ces plans de vie, sont correspondantes. Les plans de la vie
spirituelle, sont en dehors des espaces et des temps, car
ils sont dans le bien et le vrai qui constituent l'infini.
7
74 LA L1BRRTÉ

" Voici, le Royaume de


Dieu est au dèdaus
de VOliS ~ (Luc XVII, •
21.)

1)8. - Le Hoyaume de Dieu est au dedans de


nous, parce que c'est en nous, et non pas hors
de nous, que peut !l'opérer l'appropriation du
bien et du vrai, à mesure qu'ils émanent de la
sphère qui entoure le Seigneur', pour nourrir
et régénerer nos âmes.
L'homme est né dans le naturalisme et aussi
dalis l'amour des choses externes; cependant,
il peut arriver, par la connaissance de la véritû,
à s'élever à un amour bien supérieur; c'est
pourquoi le Seigneur dit à ses disciples, danl:\
l'Evangile de Jean, (VIII, 32) : « Vous connal·
trez la vérité et la vérité vous rendra libres. »
Or, la liberté c )nsiste dans la faculté que
possède l'homme d'accloître indéfiniment le
bonheur de la vie et de se mettre de plus en
plus en harmonie et en parfait accord avec les
lois Je la création.
L'homme peut donc arriver, par les efforts de
son intelligence, à connaître la destinée pour
laquelle il a été créé; il peut de plus se
convaincre lui-mème que le plaisir qu'il trou­
vait d'abord dans l'amour des choses externes,
qui constituent sa vie purement animale, ne re­
pose sur rien de sérieux; les choses externes ne
sont que des signes des vérités spirituelles; ces
signes sont destinés à lui servir d'echelons pour
s'élever aux choses signifiées par ces signes.
Ces choses signifiées sont les vérités inté­
rieures et supérieures, qui alimentent l'âme et
LA LIBERTÉ 75
qui donnent un semblant de vie aux. choses ex­
ternes et matérielles.
L'homme se trouve donc, en sa qualité d'or­
gane de la vie èe Dieu, et par la faculté qu'il a
de s'approprier le bien et le vrai, lié au Divin,
ce qui le dote d'une âme immortelle et aussi
d'une liberté spirituelle.
59. - On pourrait dire, d'une manière géné­
rale, que la liberté est la faculté que possède
cl'aque créature de s'élever dans la jouissancd
de 8a vie pnpre, en choisissant la ligne de con­
duite la plus conforme à sa vocation réelle.
Mais cette liberté, encore relative, qui existe
à des degrés différents dans toute l'échelle
des êtres, n'est encore que la liberté dans les
choses externes; elle est commune aux hommes
ct aux animaux, et elle concorde avec les lois de
l'attraction universelle. En effet, nous connais­
sons, dans le monde terrestre, trois sortes d'at­
tractions: la pesanteur, l'attraction moléculaire
et raffinité.
Toutes ces attractions sont produites par l'in~
flux constant du soleil spirituel, qui passe par
les degrés successifs de la sphère qui entoure
le Seigneur,aux atmosphères tiu monde spirituel,
pour vivitier les habitants de ce céleste séjour,
et qui passe ensuite dans le monde terrestre,
pour y vivifier les habitants de ce monde.
Sans cet influx qui est permanent, sans cette
attraction qui en résulte, les formes et les pro­
priétés de la matière cesseraient d'exister, ainsi
la maUère elle-même serait dissipée.
Cette attraction universelle n'est dans le
monde terrestre, que la correspondance, l'écho
ou le reflet de l'amour de Dieu, et de l'affection
générale qui unit étroitement tous ses enfants.
Cet amour est la source universelle de toutes les
lois de gravitation, il est la chose signifiée,
tandis que ces lois naturelles en constituent les
76 JJ~ r,lanRTl=;

signes ou les representatifs.


Si donc, nous remontons du signe à la chose
signifiée, si nous portons nos pensées sur cette
liberté spirituelle, qui distingue l'homme inté­
rieur de l'homme extérieur ou naturel, nous
sommes amenés à la voir dans des manifesta­
tions plus nobles, parce qu'elles élèvent l'homme
et le rapprochent de l'image de son createur.
En effet, songer à la liberté spirituelle de
l'homme, c'est se mettre bien au-dessus des
appétits matériels, dont on ne parle plus alors
que pour s'en servir comme termes de compa­
raison ou figures de langage nécessaires, pour
mieux peindre les jouissance;; d'une alimenta­
tion spirituelle, les sentiments tendres qui dis­
ciplinent l'iutérêt personnel de chacun, en l'haro
monisant avec les intérêts de tous, qui, en un
mot, subjuguent la matière à l'esprit. Si donc,
le matérialiste fait profession de nier ces senti­
ments élevés du cœur de l'homme, et préfère
rester au niveau de la matière qu'il glorifie,
tandis que Je spiritualiste regarde cette matière
comme l'ombre de la réalité et l'attribut de la
brute, il n'en est pas moins vrai que chacun en
particulier est libre de placer h son choix sa
croyance, sa confiance, ses affections ou sa foi,
sur les choses nobles ou sur les choses viles. Il
n'en est pas moins vrai encore, que suivant le
choix qui aura été fait, il en résultera des con­
séquences, des responsabilités qu'on devra fa­
talement subir, par cela même qu'on les a ac­
certées en principe. Mais alors, soit qu'on ait
bien ou mal choisi son critérium, soit qu'on ait
bien ou mal placé ses affections, on se trouve
toujours placé suivant la conception qu'on se
fait du bien ou du mal, entre un bien auquel on
aspire et un mal dont on désire se garantir.
60. - Ce mal, dont on veut se garantir, peut
être considéré comme un bien relativement à un
LA LIBERT~ 77
mal plus grand dont on s'est garanti antérieure·
ment; cal' la vie de l'homme qui se régénère,
peut être comparéeà une echelle sur laquelle il
s'élève progressivement. Chaque échelon qu'il
gravit en montant, suppose l'appui d'un pied sur
1'6chelon inférieur, pour s'élancer de l'autre
pied sur l'echelon immediatement superieur,
L'idée de cet équilibre est encore plus sou­
vent représentée par l'image d'une balance
qui est aussi le symbole de la justice. En
effet, toute chose, pour exister, doit être
balancée ou équilibrée par deux forces, l'une qui
agit, et l'autre qui réagit. Ainsi, la terre, di:lns
sa révolution autour du soleil, est en état d'é·
quilibre ou de balance: une force centripète
attire la terre au soleil, mais une force cen­
trifuge la repousse au loin. La résultante de l'é­
quilibre entre ces deux tendances opposée5, la
maintient dans son orbite, .:=:t la terre marche
librement dans la voie qui lui est tracée.
Le Seigneur, comme source de la lumière, de
la pensée,est le centre de toute attraction et de
tout mouvement dans le monde spirituel, qui est
un monde intérieur, mais supérieur au monde
terrestre.
Le soleil terrestre est l'image dans le monde
naturel de ce centre d'attraction; autour de lui
gravitent les planètes ainsi que la terre qui sont
sollicitées ~galement, et par suite équilibrées
en tre la force centri pète et ia force cen trifuge :
de même l'homme est maintenu dans la liberté,
en restant sollicité également, Mtre l'action et
la réaction, les deux forces prédominantes et
nécessaires pour toutes les choses qui sont des­
tinées à être maintenues dans un certain etat
de liberté et de vie. 0n voit ici comment les
cieux racontent la gloire de Dieu. (Ps. XIX: 2).
Chaque soleil parliculier perçu dans le ciel
étoill:1 est, à son propresystème,un reprilsenlatiJ
78 LA LIBERTÉ

d'un soleil central qui est le soleil spirituel, ou


la sphère d'amour et de sagesse qui entoure le
Seigneur. Dieu, comme centre de tout amour et
de toute sagesse, doit voir toutes chosp-s gravitp,r
autour de sa sphère, attendu que rien ne peut
rester isolé de lui même; c'est pourquoi aussi
les attributs divins sont la Toute-Présence, la
Toute-Science et la Toute·Puissance.
6f. -L'homme peut, par son libre arbitre, ré­
sister à cette force degravitatlon vers Dieu,mais
il ne peut jamais s'en affl'anchir, car Dieu gou­
verne les méchants par leur amour des choses
externe~, dont ils ne peuvent s'affranchir sans
cesser d'être méchants, et Dieu gouverne les
bons par des liens internes dont ils ne désirent
pas s'affranchir, parce que ce sont ce~ liens in­
ternes qui constituent l'essence même de leur
liberté.
Ainsi, l'homme, tout en étant doté de liberté,
reste néanmoins sous la dépendance de Dieu,
parce que Dieu est la source originaire de toute
liberté. Cela tient, en définitive, il ce que
l'homme n'aime pas par lui même et n'éclaire
pas sa pensée par lui-même, mais il aime dt il
pense comme par lui-méme. De même la lune
n'est pliS éclairée par elle-même, mais cam·
me pal' elle-même: la raison est qu'elle reçoit
la chaleur et la lumière du soleE et les réflé­
J
chit.
La lumière spirituelle que l'homme à son
tour reçoit et réfléchit par sa pensée, est le vrai
qui n'est pas à lui; de même la chaleur de cette
pensée, qui est l'amour, lui vient également de
meu, et le fait agir et le fait vivre non par lui­
mème, mais comme par lui-même.
Le mental humain est dans un équilibre ana­
logue à celui qui maintient et qui contient
toutes les vocations naturelles, sollicitées entre
deux tendances opposées.
LA LIIJERTÉ 79
Cet équilibre dl( mental de l'homme l'amène
progressivement Jans des élévations morales
diverses, suivant son degré de perfectibilité ou
de dégénérescence, plus près ou plus 10in deson
amour central ou de son soleil spirituel, dans un
état de chaleur et de lumière spirituelles rela­
tives, ou d'amour et de foi qui mesurent son de­
gré de liberté plus ou moins élevé.
Dans toutes ces élévations successives, la
justice chez l'homme sera toujours ligurée pal'
les deux pla \eaux d'une balance sur un niveau
exact.
C'est dans cet équilibre que consiste la vie et
celle-ci est aussi la liberté.
Plus l'homme s'élève dans la liberté, plus il a
de vitalité, car il s'élève en même temps autant
dans la connaissance que dans l'appropriation
du bien et du vrai,d'où résulte, par voie de con­
séquence,un accroissement d'énergie morale, et
par voie de correspondance, un accroissement
de vitalité.
La nourriture spirituelle est aussi nécessaire
à son âme que la nourriture matérielle est né­
cessaire à son corps; or, celle-ci est la corres­
pondance de celle-là.
Les anciens, qui étaient plus profonds et Eur­
tout plus sages que nous, bien que beaucoup
moins savants, avaient ingénieusement tiré le
mot liberté du verbe librare, qui veut dire se
tenir en équilibre, niveler. De plus, ils avaient
exprimé la réalisation de la liberté, c'est-à-dire
la justice, par une balance, signe de l'équilibre.
Ce mot équilibl'e, vient à 80n tour de œquus,
qui signifie égal, et libra, poids.
62. - En toutes chose~, il y a Ulle fin, une
cause et un effet, c'est.à-dire, un principe pre­
mier, puis un instrument, pour le réaliser dans
les applications, et en dernière analyse, une
réalisation effective de ce principe ou de cette
80 LA LIBERTÉ

cause première.
Ce sont les trois éléments consti tutif::; et es­
sentiels à toute création.
La fin de l'homme est le bien; mais le bien
ne se réalise qu'à mesure qu'il progresse dans
la liberté.
Considérant donc la fin de l'homme au point
de vue de ses progrès dans le bien, nous appe­
lons cette fin, la liberté.
Le moyen de la réalisation de la liberte de
'homme est dans le vrai: nous l'appelons l'au­
torité.
Enfin, la réalisation effective ét3.nt le bon ou
l'utile, nous l'appelons l'utilité.
Or, ces trois grands principes, la liberté, l'au­
torité et l'utilité, reproduisent sous une nouvelle
furme les trois éléments constitutifs de to'll acte
humain. Bien loin d'être entre eux incompati­
bles et antagoniques, ainsi qu'ils apparaissent
10rsqu'ils se présentent dans nos controver·
ses, ils se réalisent et s'équilibrent parfaite­
ment dans tout acte juste et aussi dans une va­
riété de formes infinies.
Ce que l'homme veut par sa volonté, il le réa·
lise par le moyen de son entendem,ent dans ses
actes; c'est cette faculté de réalisation effective
dans les actes qui constitue l'opération ou l'ac­
tion, troisième faculté de l'âme humaine. La
volonté représente la fin cherchée, l'entende­
ment, la cause, et l'action représente l'etlet.
03. - On peut voir par là que le domaine de
la liberté de l'homme est embrassé d'une seule
vue d'ensemble, lorsqu'on l'envisage dans trois
plans.
En effet, ces trois plans de vie existent chez
chacun de nous, parce que, suivant l'usage que
nous faisons de notre libre arbitre, nous vivons
de préférence, soit dans le monde des fins, soit
dans le monde de~ Càn'!~8, ~oit dans l~ mond
LA LlBERl'j.: 81
des effets.
En d'autres termes, tous les actes de notre
vie peuvent êtee réalisés plns particulièrement
au point de vue du bien 'en lui·même, ou plus
padiculièeement au point de vue du vrai en lui-
même, ou plus paeticulièrement an point de vue
du tait enlui·même,
Pour nous convaincre de l'existence simulta-
née et parallèle de ces trois plans de vie, et de
no tee libeeté d'en adoptee un de prèférence aux
autees, il suffit de faiee l'observation suivante:
Si le principe dominant de notee vie est l'a-
mour du bien recheeché en lui-même, notre
plan de vie peut êtee qualifié de celeste, car le
bien est la chaleur spirituelle d'où dérive l'a-
mour de Dieu et du prochain, et de plus le bien
est l'essence du vrai, ce qui le l'end supérieur au
vrai; celui-ci, en effet, ne sert qn'à le formuler
ou à l'exprimer, de mànière à le présenter dans
la lumière de la pensée.
Mais si notre principe dominant est l'amour
du veai recheeché en lui-même, notre plan de
vie peut êtee qualifié de spieituel, car l'esprlt
est plus directement ou plu~ activement solli-
cité que le cœur, et nous vivons alors de préfé-
rence dans le monde des causes; celles-ci ne
sont plus que les instruments de réalisation des
fins; en effet, le veai est la cause et l'expression
(lu 11ien, car on ne peut réaliser ni concevoir un
bien, sans l'expt'imer en une véeité.
Notre principe dominant, au lieu d'être l'a-
mour du bien ou l'amoue dn vrai, peut descendre
encore d'un degré plus bas, et n'être plus que
l'amour des effets du bien et du vrai. Notre plan
de vie est ici encore plus externe que le précé-
dent; il est dit rationel ou natueel, cal' nous vi-
vons alors dans le plan du monde des effets, qui
est aussi celui de la nature.
64. - Ces trois plans de vie subsistent paral-
8i.. LA LIBER.TÉ

lèlement,non par conti nuité,mais par con tigui lé:


l'un comme le monde plus spécial des fins,l'autre
comme le monde plus spécial des causes, et Je
troisième comme le monde plus spécial des
efféts. C"lS trois plans de vie forment donc, l'un
par rapport à l'autre, des degrés de hauteux' ou
«def; degrés discrets» et ils sont Llans un ordre
successif.
Si maintenant on envisage, au contraire, ces
plans de vie séparément ou isolément, chacun
d'eux présentera encore des degrés qu'on doit
appeler ici, pour les distinguer des précédenl8,
« des degl'és cor.tinus :P, cal' dans le premier il
y aura des fins premièl'e!'l. des fins secondes et
des fins dernières; dans le second, des causes
premières, des causes secondps et des causes
dernières; enfin, dans le troisième, des effets
premiers, des effets seconds et des effets der­
niers.
Ainsi envisagés dans leur ensemble, ces trois
plans de vie nous présentent des degrés discrets
ou discontinus; envisagés séparément, des de­
grés de largeur ou continus.
65. - Mais quiltons ces hauteurs de la liberté
spiriluelle de l'homme pour descendre dans le
plan de vie de la liberté matérielle qui est com­
mune aux hommes et aux animaux.
Nous trouvons alors un quatrième plan de
vie qui est celui des effets dans leur caractère
purement matériel; c'est le plan de vie du
monde terrestre dans lequel on trouve encore
les degrés continus de tins, de causes et d'effets,
dont on peut descendre du plus au moins ou re­
monter du moins au plus.
C', st daos ce dernier plan de vie que s'opère
la lutte pour l'existence, et c'est aussi là que le
plus souvent la force prime le droit, et que l'i­
dée de justice repose sur la contrainte par la
force armée plutôt que sur la contrainte morale
LA L1BERTB ~a

supposée volontaire.
Mais cet amour de la force brutale s'use lui­
même à la longue, à la suite des enseigne­
ments de l'école de l'expérience, et à mesure
qu'il évolue des effets derniers aux effets
premiers; or ici, il doit s'arrêter pour descen­
dre d'où il est venu, s'il ne meurt pas en
lui-même, pour renaître ensuite à nouveau
dans le plan de vie plus élevé, de l'amour
des effets du bien et du vrai, qu'on peut qualifier
de bien naturel-rationnel.
66. - Les créations sur chacun de ces plans
de vie sont correspondantes, à cause de leur
commune unité d'origine: c'est toujours le bien
et le vrai qui influent en elles de la sphère
qui entoure le Seigneur, comme rayons de cha­
leur et de lumière spirituelles; ils passent tour
à tour (lans les différents vases réceptacles de
la volonté et de l'entendement des êtres vivant
sur chacun des plans de vie; ils forment tour à
tour les degrés discrets j enfin ils se reposent et
se condensent en dernière analyse dans le der­
nier degré, qui est celui du monde de la matière.
En résumé, on voit que le bien et le vrai (lui
iLflu<ent de Dieu seul, sont acceptés différem­
ment, suivant le génie différent de caux qui vi­
vent dans chacun de ces mondes, ou de ces
plans de vie, et que tous les êtres de la création
sont balancés entre deux forces opposées.
Ces deux forces, contiennent toutes choses
dans leur connexion et dans leurs formes; l'une
active et agissante, mais l'autre passive et réa­
gissante. De plus, ces deux fùrces maintiennent
toutes choses en équilibre. Cet équilibre, qui est
la liberté physique sur le plan de la vie physi­
que, la liberté naturelle et morale sur le plan
de la vie naturelle et morale, deviendra la liber­
té spirituelle sur le plan de la vie spirituelle et
la liberté céleste sur le plan de la vie céleste.
~4 LA LIIlERTÉ

Or, toutes ces libertés et toutes ces vies SUI' des


élévations morales diverses ou des plans de vic
différents, se correspondent, quoiqu'elles soient
d'une nature aussi opposée que la matière est
opposée à l'esprit, la chaleur physique à la cha­
leur de l'amour du bien, et la lumière pbysique
à la lumière de l'amour du vrai; elles sont donc
contiguës les unes par rapport aux autres, mais
non continues, et elles forment entre elles des
degrés discrets mais non des degrés continus.
C'est pourquoi la vie physique, chez l'homme,
correspond et concourt avec la vie de la pensée,
de même que la chaleur du corps correspond et
concourt avec la chaleur de l'affection du cœur,
de même la lumière terrestre avec la lumière
de la pensée, pour donner à la fois à l'homme la
vie dans deux mondes diifél'ents, le monde na­
turel et spiritnel.
Mais ce n'est, en réali té, que dans la vie des
affections et des pensées, que l'homme exerce
sa liberté spirituelle; et pour cela, il faut au
moins qu'il se soit élevé à l'un des trois plans
de la vie spirituelle.
Or, ces plans de vie spirituelle ne ~ont pas
dans les espaces, ni dans les temps qui caracté·
risent le monde matériel et terrestre, mais sont
dans le bien et le vrai, qui sont infinis.
Ces plans de la vie spirituelle rappellent cette
parole du Seigneur dans JEAN XIV, 1 : « Dans la
maison de mon Père, il y a beaucoup de de­
meures ». Ainsi ces demeures sont le bien et le
v rai, et elles sont en même temps en nous, car
~uivant le texte de l'Evangile de Luc, qui vient
de nous servir de thème de développement, pour
tracer le domaine de la liberté spirituelle de
l'homme: « Le royaume de Dieu est au dedans
de vous ».
CHAPITRE VIII.

L'Autorité.

li:. Ulle ùoctrine est l'expression de la logique d'un sd1l1i­


ment; elle est donc Haie ou fij,usse suivant que le senti­
ment qui inspire ceLte logique ou cette doctrine est hon
ou mauvais. Les deux ou trois témoins nécessaires
pour justifier nos convictions devant nos propres com·
ciences, représen tent l'accord des principes de liberté,
ù'autorité et d'utilité. - 68. Ce~ trois témoins doivent
être d'accord SUI' chacun des plans de la v ie naturelle,
spirituelle et céleste, mais ils le sont difficilement, SUI'
le plan de la vie sensuelle, où l'on ne vise qu'au bien­
être matériel. - 69. Depuis le dix-huitième siècle, on
commence à s'apercevoir que l'entendement ne doit plus
être mis sous l'obéissance de la foi. Daos la Bible il y
a des textes, épars ça et là, il est vrai, mais qui formu­
lent suffisamment tout l'ensemble des dogmes religieux.
_ 10. Observations SUl' le style et le texte de la Bible,
afin defaciliter la recherche des passages qui réunis,doi­
vent présenter dans leur ensemble, une théologie des­
tinée a servir de clef, pour pénétrer à travel's le voile
de la lettre, dans la connaissance du sens spil'ituel. ­
71. La lettre de la Bible est dans les mêmes rapports à.
l'égard de son esprit que le règne du Christ en chair, à
l'égard du règne du Chris t en esprit. -72. L'utilité du
sens littéral est d'élever au sens interne et, suivant le
langage mythologique, de faire deviner l'ènigme du
.phinx.
8
80 L'Au'rORITÉ

« Prends avec toi encore


un ou deux,afin que par
la bouche de deux té­
moins ou de trois, soit
conclue toute afraire. "
(Mathieu XVlII 16. ­
Deutér. XIX 15.)

67. - Si nous voulons êprouver la solidité ùe


nos convictions, de manière à pouvoir les jus­
tifiet' devant nos propres consciences, il nous
faut deux ou trois témoins dont les témoignages
concordeot. Il faut de plus, que ces témoins,
pour ne pas être smpects de collusion, envisa­
gent les choses SUl' lesquelles portent leurs té­
moignages, à d~ points de vue différents.
Une doctrine doit exprimer la logique d'un
sentiment. La doctrine est mauvaise et fauss~,
si le sentiment qui l'inspire est mauvai;;, elle est
bonne et vraie, au contraire, si le sentiment qui
l'inspire est bon. C'est pourquoi Jésus disait :
« De l'abondance du cœur, la bouche parle.
L'homme bon, rlu bon trésor de son cœur, tire de
bonnes choses, et l'homme mauvais, du mauvais
trésor, tire les mauvaises choses. » (Malth. XII,
34,35.).
De cet enseignement de l'Evangile, il résulte
que l'autorité de la raison ne suffit pas à elle
seule, car elle n'est que la logique du sentimenl
qui peut être bon ou mauvais: au-dessus d'elle,
il y a donc le sentiment qui inspire cette logi­
que, et qui, pour être bon, doit être l'amour de
Dieu et du prochain.
Mais l'amour de Dieu et du prochain nousamè­
::AUTORITÙ 87
l'le précisément à la pratique de l'enseigne men t
religieux, que nous cherchons et que nous de­
vons trouver tout préparé pour nous, dans la
Bible ou dans la Vérité révélée. Or, celte vérité
révèle.e, qui est au-dessus de la raison, ne doit
jamais êtl'e mise en opposition avec la raison,
car elle est une richesse spirituelle destinée à
devenir l'objet de notl'e amoul', à cause de ses
admirahles enseig'nements. Si donc elle était
présentée comme étant contraire à la raison,
elle serait altérée et falsifiée, ou tout au moins
présentée dans un sens éloigné de son sens
réel. Elle doit, après avoir produit la lumière
dans nos pensées en se présentant sous une
forme rationnelle, pour les éclaiI'el' effective·
ment, produire la chaleur dans nos ait'edions,
afin de pouvoir ensuite se réaliser pratique­
ment dans tous les actes de notre vie sociale.
On voit maintenant quels sont les deux té·
moins au moins, dont les témoignages doivent
concorder, ponr produil'e en nous une convic­
tion inébranlable et qui, pour ne pas être sus­
pects de collusion, doivent être d'un caractère
différent.
On voit aussi l'origine religieuse de cette ma­
xime de notre vieux droit français, qui, d'ac­
cord avec la Bible, avait adopte l'adage: Testis
unus, testis nu/h,s. Ces deux témoins néces­
saires repl'ésenlent l'un, le principe de li­
berté, l'autre, le principe d'autorité: ils expri·
ment l'es:;encfl et l'existence de la Révélation,
et ils se résument, lorsqu'on les réunit l'un à
l'autre, dans l'Autorité des Saintes Ecritures, ia
seule Autorité iuéhranlable ed matière reli·
gieuse.
Isolez ces deux témoins l'un de l'autre, ou con­
tentez-vous d'un seul, le témoignage unique du
premier Sera entaché de mysticisme, et le té­
88 L'AUTOlUT1::

moignage unique du second sera entaché de ra­


tionalisme. Si au contraire, nous réunissons
leurs deux témoignages et que ceux-ci concor­
dent; qu'ainsi le principe de liberté s'éclaire
de l'autorité de la raison, la conviction devient
sérieuse; et elle n'en est que plus entière, lors­
qu'un troisième témoin, qui doit ici représenter
le principe d'utilité, vient encore corroborer les
deux prtlmiers témoignages.
L'esprit moderne éprouve absolument le be­
soin de reconnaître l'autorité des témoignages
de ces deux ou trois témoins, car dans notre
époque, on ne se contente plus d'une foi pure­
ment mystique, ni d'un rationalisme outré.
Quant au troi.sième témoin, il représente le
côté positif de l'affaire, car il n'intervient que
pour certifier l'utilité et l'opportunité pratique
de l'enseignement donné par les deux pre­
miers.
C'est ainsi que chacun peut, lorsqu'il le désire,
se trouver en possession des lumières résultant
de l'audition de «deux ou trois témoins, > par les
témoigllages desquels « toute affaire soit con­
clue, > suivant le sens spirituel de Ctlt ensei­
gnement du Christ. Cet enseignement est répété
sous une au tre forme, lorsqu'il est dit : « car où
sont deux ou trois assemblés en mon Nom, là
je suis au milieu d'eux. (Matth. XVIII,20).
)l

68. - Ces tt'ois témoins,nécessaires pour la


justification de toute conviction sérieuse, doi­
vent se retrouver simultanément sur chacun
des plans de la vie sensuelle, naturelle, spiri­
tuelle et céleste, dont il a été question précé.
demment, à propos des développements que nous
avons donné au principe de liberté; leur ac­
cord met fin à toute contestation, parce qu'un
tel accord est l'expl'ession de la justice, telle
qu'il est possible de la concevoir à chacune de
ses diverses 8lévalions, caractérisées par ces
L',\\;TORITÉ 89
différents plans de vie.
Il faut cependant observer que, sur le plan de
vie le plus inférieur, celui dela vie sensuelle,ou
l'on a plus particulièremont en vue la recherche
du bien-être matériel, cet accord ne peut s'éta­
blir que très difficilement, à cause de la prédo­
minance des tendances mystiques et du peu
d'autorité du deuxième témoin, la raison, sur ce
plan de vie inférieur.
Le premier témoin que nous avons qualifié du
principe de liberté, se confond même dans cet
plan de vie inférieur avec le deuxième, qui es
l'autorité de la raison. Dans cet âge de fer, en
effet, la Bible n'est généralement eomprise et
acceptée, que dans son sens littéral.
Or, comme la généralité des hommes sur ce
plan ioférieur d'une vie purement matérielle,
préfère s'en rapporter au pouvoir sacerdotal
pour tout ce qui concerne la foi, en réalité, la
Parole révélée, la Bible, reste à l'arrière-plan
pour faire place à l'autorité du prêtre ou à l'au­
torité des dogmes des Conciles.
69, - Il est très important de savoir sur quel
plan de vie, la société poursuit sa lutte pour le
progrès; de plus, ce qui est vrai de la doctrine
religieuse doit devenir également vrai de la lé­
gislation civile; celle-ci est l'enseignemen t lé­
gal des doctrines de la fraternité ou de la soli­
darité sociale, telles qu'elles sont acceptées par
le Gouvernement dè la nation; si donc nous
voulions établir la justice sociale sur un plan
de vie au-jessus ou au-rler,sous de notre plan de
vie actuel, au-dessus ou au-dessous du niveau
de la moralité et de la conscience publiques,
nous ne réussirions qu'à établir une législation
arbitraire et par suite l'inJustice. La justice
humaine n'est point immuable comme la justice
divine,car elle ne peut être que l'expression du
degré fratern el des hommet' du .jour; et v()il~
90 L'AtlTORITR

PO<lI\IUùi au'si, elle llil p~ut être etablie h un


niveau supérieur ou inférieur au degré d'amour
fraternel des contemporains, sans cesser d'être
la justice relativement à ceux qu'elle a charge
de gouverner et de m0ralïser. Il en résulte pa­
reillement que dans l'ordre économique toute
transformation nécessite aussi une transforma­
tion morale et intellectuelle correspondante,
autrement on n'aboutirait qu'à des perturba­
tions sociales ou bien à des substitutlons de
personues dans le Gouvernement de l'Etat. Oe
qui précède démontr<3 surabondamment la né­
cessité d'obtenir dans toutes les questions, l'ac·
cord parfait entre les deux et trois témoins qui
sont l'expression des principes de liberté, d'au­
torité et d'utilité.
L'esprit moderne ne se contente plus du
mysticisme des temps passés; on veut main­
tenant s'émanciper du pouvoir sacerdotal
et de l'obéissance aveugle aux autorités. De­
puis le dix-huitième siècle, ou commence à
s'apercevoir que l'entendement ne doit plus,
être mis sous l'obéissance d'une fui aveugle, et
l'on entend, à l"avenir, inscrire sur le frontispice
des Temples de la religion de l'avenir: Nunc
licet ! Maintenant il est permis de s'émanciper
de la tutelle sacerdotale, car chacun se sent
obligé, par conscience de sa dignité d'homme,
de [Jénétrer par l'entendement tous les secrets
de la religion de ses pères. Oela devientde plus
en plus nécessaire, à mesure qu'on s'aperçoit
que, dans la Bible, il ya des textes, épars ça et
là, il est vrai, mais qui formulent clairement
les dogmes religieux. A m~sure donc, qu'on
aura mieux appris à réunir tous ces passages
de la Vérité révélée, qui formulent les doctrines
chrétiennes, on se trouvera par cela même, en
possession d'une clef, pour pénétrer le sens
spirituel, à travers le voile de la lettre.
L'Al:TORIT:B !JI
70. On doit doncse demander,dès maintenant,
pour inaugurer cette nouvelle ère religieuse,
et cette émancipation de la tutelle sacerdotaÏe,
quels sont les passages de la Bible qui doivent
être entendus littéralement, et qui nous four­
niront par leur réunion, le corps du droit divi n,
c'est-à-dire, une religion rationnelle, une théo­
logie chrétienne vraie~
Quels sont ceux, au contraire, qui ne peuvent
être entendus que dans le sens spirituel?
Il Y a là une question d'autant plus impor­
tante, qu'il existe dans la Bible, une foule de
préceptes, qui ne sont plus praticables dans
notre état de civilisation moderne.
Ainsi, il y a la loi du talion qui se trouve en­
tièrement modifiée par l'Evangile. Il y a aussi
les préceptes concernant le mariage, qui ne
furent p~s tous appliqués à cause de la dureté
de cœur des Juifs.
De plus, lorsqu'il est dit dans la Bible que
Dieu se repent, qu'il est jaloux, qu'il se venge,
ce sont là autant d'expressions incompatibles
avec l'idée qu'on peut se faire d'un Dieu juste
et miséricordieux, mais, cependant, parfaite­
ment compatibles avec le génie barbare et la
dureté de cœur du peuple Juif, auquel les écri­
vains sacrés s'adressaient.
Ceux qui ont tué avec plaisir, lorsque cela
leur était commandé, étaient homicide, depuis
longtem ps dans leu1'5cœurs, et les Juifs étaient
tels comme le prouve leur histoire. Les peuples
qui tombèrent sous les coups des Juifs ne va­
laient pas mieux; ils étaient tous aussi mé­
chants, et ils étaient détruits par d'autres mé­
chants; c'est ainsi que le mal agit en nous; il
porte en lui-même sa peine, et nous détruit
complètement au moral.
Lorsque la Parole dit : « tue, détruis à la fa·
çon de l'interdit », cela signifie, dans le sens
92 L'AUTORITÉ

interne, non pas tuer les hommes, mais les pas­


sions et les vices, qui rongeaient ces hommes
ou ces peuplades. C'est toujours la sagesse
qu'elle enseigne aux hommes; elle n'a pas
d'autre but. C'est pourquoi une autre révélation
devait élever les hommes au-dessus de la lettre
de la Parole; mais, auparavant, il fallut que
cette lettre fut COnDue et acceptée par eux,
Si, d'ailleurs, le langage de l'Ancien Tes­
tament eût été trop élevé pour ceux auxquels il
s'ad l'essait, il ne leur eût été d'aucun secours.
L'antropomorphisme qu'on doit reprocher
aux Juifs n'est pas celui qui attribue à la divi­
nité un corps et des membres, pubique l'homme
est fait à l'image de Dieu, mais celui qui lui at~
tribue les passions mauvaises de la colère, de
la fureur et de la vengeance, quoique le Dieu
miséricordieux, soit le seul être dans l'univers •
qui en soit absolument exempt.
A un autre point de vue, il y a eu lieu de dis­
tinguer dans l'Ancien Testament, qnatre styles
différents, Il ya d'abord les énigmes de l'anti­
quité, dont il est question dans le psaume
LXXVIII, et qui constituent le style mythique.
Toute la Genèse,jusqu'à l'histoire d'Abraham,
est écrite dans ce style, qui, évidemment, n'est
pss destiné à être accepté littéralement; de
plus, les nombres cités pour indiquer les dates,
ou les âges des patriarches, ne peuvent non plus
être entendus littéralement,et doivent être con­
sidérés comme significatifs de vérités spiri­
tuelles.
Le second style est le style historique,qui pré­
sente l'histoire du peuple juif, telle qu'elle est
arrivée, Don pas son histoire entière, mais seu­
lement telles parties d~ cette histoire qui ont
un sens figuré, et qui laissent percer à travers le
'Voile de la lettre. les destinées futures de l'hu­
mllt1it?:
L'AUTORITÉ 93
De même que dans le style mythique, il faut
voir dans le style historique, des représentatifs,
des symboles de vérités spirituelles; et, en effet,
à quoi servirait l'histoire des hommes racontée
dans un livre inspiré de Dieu, si cette histoire
n'était pas présentée dans les faits qui peuvent,
~ous le yoile du symbole, manifester l'enseigne'
ment spirituel.
Le troisième style est le style pl'ophétique,qui
est souvent à peine intelligible dans le sens lit­
téral, pl'écisément pal'ce qu'il renferme dans le
sens interne des enseignements très profonds.
Enfin, le quatrième style, est celui des psau­
mes, qui tient le milieu entre le style prophé­
tique et le langage ordinaire; là, sous la per­
sonne de David, comme roi il s'agi t dans le sens
intel'ne du Seigneur.
71. Mais dans le plan de la vie sensuelle qui
est la vie des sociétés qui ont en vue, principa­
lement, la recherche du bien-être matériel, on
ne tient aucun compte de ces distinctions, parce
qu'on accepte aveuglément l'autorité du prêtre,
et on s'inspire aussi d'une t'oi aveugle dans le
sens littéral de la Bible, lors même qu'il est
incompréhensible.
Nous sommes tous nés dans un naturalisme
encore plus excessif que celui des hommes pri­
mitifs ; ce naturalisme excessif est maintenant
la seule base sur laquelle l'humanité, devenue
de plus en plus sensuelle, peut s'appuyer, pour
s'élever progressivement et se régénerer. C'est
pour aider l'humanité, à s'élever au-dessus des
profondeurs de l'abîme dans lequel elle était
tombée, que Jéhovah s'est incarné dans le
Christ. Il a voulu se placer dans la même condi­
tion que nous, afin de pouvoir encore attirer
l'homme à Lui, communiquer avec lui par la
Vérité, et le rellwer de sa chute.
O'e.st pourquoi aU'lsi, la lettre de la Bible, est
94 L'AUTORITÉ

dans les mêmes rapports à l'égard de son esprit,


que le règne du Christ en chair à l'Aga rd du
règne du Christ en esprit. Ce nouveau règne est
celui de l'Eglise de l'avenir; il imprègne tous
ceux qui, dans notre monde moderne, s'éman­
cipent de la tutelle sacerdotale et de la foi
aveugle à la lettre.
Mais il n'en est pas moins vrai que le règne
de la lettre, qui est le règne de la chair, doit
d'abord nous fournir la doctrine chrétienne qui
nous donnera la clef, pour entrer dans le royau­
me de l'esprit, c'est-à-dire dans la COllnaüsance
du sens interne ou spirituel.
Voilà pourquoi, nous devons trouver, par un
examen plus éclairé des textes de la Bible, les
passages épal's çà et là du sens littéral, qui fOl'·
mulent une religion rationnelle, ainsi, tout l'en·
semble du corps du droitdivin,toute la théologie
chrétienne .
. Voilà 'pourquoi aussi,la Parole se trouve être,
ainsi que l'enseigne l'évangéliste Jean, Dieu
lui·même en chair, car par Elle toutes choses
ont été faites; ce que nous avons développé
précédrmment, en présentant la Vérité comme
une substance spirituelle incréable, émanée de
Dieu seul. (voir nO 34).
Il en l'ésulle donc bien, que cette Parole di­
vine peut être également considérée comme
une incarnation de Dieu, car de même que le
corps iu Seigneur étai t l'incarnation de Jéhovah,
dont la diyinlté non-seulement demeura, mais
pénétra à travers son incal'nation, de même,
les mots, les phrases et lp.s sentences de l'Ecri·
ture sainte, sont autant de demeures de la sa·
gesse et de la pensée de Dieu, qui pénètl'ent à
travers leur cliair qui e"t ici, leur leUre.
Or, celui qui lit la. Parole et l'entend seule­
ment dans le sens littéral, et qui croit dans la
~implicité de son cœur que Dieu s'irrite, qu'il
L'AUTORITÉ !)5

bait les pêcheurs, les j eUe en enfer et qu'il i5


venge, parce que cela est souvent exprime en
apparence, par le seul sens littéral, se trouve
guidé vers le bien par la crainte seule, avant de
l'être par l'amout' de Dieu.
La crainte de Dieu, est en effet, le premier
pas vers la sagesse.
Mais cette première disposition morale par
laqur.lle nous devons tous passer pour aboutir
à la régénération de nos âmes, est destinée à
disparaître, dès que le mental s'ouvre à la lu­
mière du vrai, car alors le sens littéral s'épure
dans notre entendement; notre entendement
commence alors à distinguer les textes qui
ne contiennent dans leur lettre que des vérités
apparentes, des autres textes qui contiennent
dans cette même lettre des vérités réelles, et
qui formulent les doctrines chrétiennes. Celles­
ci doivent servir plus tard de clef pour pénétrer
le sens symbolique et nous élever au sens spi­
rituel. Mais il n'en est pas moins vrai que tous
les textes de la Bible, en général, même ceux
qui sont reconnus dans leur leUre comme
purement allégoriques, ou comme exprimant
seulement les passions des hommes à qui ils
ont été directement adressés, servent àl'homme
comme un pont pour lui permettre de passer
au sens spirituel, en pénétrant à travers le
voile de leur lettre. Il s'opère alors en lui une
transformation qui inaugure sa régénération.
72. On voit donc que si le sens littéral a eu
pour utilité d'amenEI' au sens interne, il meurt
à ce service, etsuivant le langage des ancien­
nes mythologies, lïniLiateur doit être tué par
l'initié. En langage évangélique, il est dit que
le Christ doit partir, afin que le Consolat, ur ou
Paraclet,qu'il nous envoie,etqui est le Saint-Es­
prit, puisse venir à sa place, pour préparer son
règne en esprit,à succéder à son règn e en chair.
Ho L'A U'l'ORITÉ

Rien de ce qu i es t terrest re et monda in ne


peut aller au ciel; aussi, dans notre état mOIl-·
dain et terrest re, nous nous plaison s seulem ent
aux appare nces du vrai, avant d'être prêts pour
nous abreuv er aux source s mêmes du vrai réel,
ou avant de pouvoi r voir la chose signifi ée à
travers le signe; mais dès que cette lumièr e est
faite, alors nous avons deviné l'énigm e du
sphinx ; celui-c i meurt et l'Eglis e du passé est
devenu e, en nous, le cadavr e autour duquel s'as­
semble nt les aigles, pour faire place à l'Eglis e
de l'aveni r, àla sainte Cité de Dieu, en un mot
à la Nouve lle Jérusa lem.
Or, pour y arrive r.. il faut que chacun !.è­
manci e de la tutelle liacerdotaIë, en cherch ant
son crIt rium, d a or, ans es textes qui lui
permet tent de puiser dans le sens mènw de la
lettre, la doctrin e ou le dogme , qui perce çà et
là comme une lueur à travers la nuée. C'est
ainsi que nous progre ssons dans l'amou r de
Dieu et du procha in; c'est ainsi que la fratern Eé
se présen te à nous, comme l'essen ce même du
témoig nage de ce premie r témoin qui parle au
nom du princip e de liberté . Il faut ensUite que
le second témoin qui représ ente le princip e
d'autor ité de la raison, corrob ore le témoig nage
du premie r, et le présentE: sous une forme ra­
tionnel le, access ible à l'enten demen t de la gé­
néralit é des homme s.
Répéto ns donc, pour résume r ce qui précèd e,
que c'est bien ainsi, que chacun peut, lorsqu' il
le désir9, se trouve r en posses sion des lumièr es
résulta nt de l'audit ion« de deux ou trois té­
moins » par le témoig nage desque ls « toute af­
faire soit conclu e », suivan t le sens spiritu el de
cet ensei" nemen t de l'Evan gile.
CHAPITRE IX.

Les demeures dans les Cieux.


3. - On peut se faire une idée générale des demeures
de nos âmes dans les Cieux, en les rattacnant aux tro;s
plans de la vie céleste. de la vie spirituelle et de la vie
naturelle. Ces trois plans de vie forment tl'ois degrés
successifs qui sont dans les mêmes rapports que les
notions de fin de cause et d'effet. - 74. Il Y a trois
Cieux qui correspondent il. trois sens différents de la
Parole révélée. - 75. Ces demeures dans les Cieux peu-
vent être envisagées il. la fois dans un ordre successif et
dans un ordre simultané, Ce sont trois degrés de hau-
teur qui, dans leur ordre simultané deviennent des degrés
de largeUl'. - 76. Le troisième Cie!, qualifl6 de naturel,
doit, il. cause de son cal'ac.:tère extel'De, se rattacher aux
régions externes des deux premiers, et ainsi le,s trois
Cieux ne doivent former que deux Royaumes du ei-
gneur : le Royaume céleste et le Royaume spirituel.-
,7. 11 y a un quatrième plan de vie qui est matoriel
et auquel conespond un qualrième sens de la Parole
révélée, le sens litléral. La correspondance des ~ignes
avec les choses signifiées, ou des externes avec les inter-
nes, constitue la symbolique sacrée; celle-ci l'epose sur
les quatre sens successifs de la Parole l'évélée. -78. Les
substances spirituelles du bien et du vrai évoluent il. la
fois, dans un ol'dre successif et dans un ol'dre simultané.
- ,9. Les substances spirituelles du bien et du vrai en
descendant jusque dans le sens littéral de la Parole ré-
vélée, viennent dans leur plénitude et dan~ leur puis-
sance. - 80. Les livres de la Parole ['érélée sonl seulemeut
ceux qui ont été écrits dans les trois sens spirituels. Enu-
mération de ces livres révélés de Dieu. Les aulres liVl'es
de la Bible sont, cependant, de bons livres, utiles il. ['E-
glise, et ils servent d'introduction à l'étude du sens
profond des livres révélés de Dieu. - 81. Le bien et le
nai, durant le cours de leur descente successive de la
aphère du Seigneur, dans les sociétés d'un génie de plus
cn plus externe, finissent pal' se transformer eu mal et
en [aux. Des deux enfers opposés aux deux Royaumes
du Seigneur. - 82. Il ya un monde intermédiaire entre
9
98 LES DEMEURBS

les Cieux et les Enfers, qui est qualifié de monde ùes


esprits. On s'y prépare après la mort, pour entrer dans
les demeures éternelles, soit d 's Cieux, soit des Enfers.

"Dans la maison de
mon Père, il y a
beaucoup de de­
meures" (Jean XIV.
1.)

73. Il est utile, pour bien comprendre les en­


seignements de la Bible, de se faire une idée
rationnelle et conforme à ces enseignements des
demeures de nos âmes dans le monde spirituel.
Nous avons vu que le domaine de la liberté
spirituelle ùe l 'homme pouvait être embrassé
d'une seule vue d'ensemble, lorsqu'on l'envisa­
geait dans trois plans, qui marquent autant d'as­
pects de la régénération de l'âme humaine.
Ces trois plans de la vie spirituelle existent
virtuellement chez chacun de nous, comme trois
régions distinctes dans nos mentais; en effet,
d'après l'usage que nous faisons de notre libre
arbi.lre, nous vivons plus spécialement au point
de vue de nolI'e amour du bien, ou plUS spécia­
lement au point de vue de notre amour du vrai,
ou enfin, plus spécialement, au point de vue de
notre amour de l'utile.
Comme chacun de ces trois points de vue
peut devenir un principe dominant de notre vie
spirituelle, il en résulte que notre état de ré­
génération est plus ou moins élevé, suivant que
nous sommes montés jusqu'au plan supérieur,
qui est l'amour du bien recherché en lui-même;
ou suivant que nous ne sommes arrivés qu'au
DANS LES CIEUX 99
degre au.dessous, qui est le plan de vie de l'a­
mour du vrai recherché en lui-méme; ou enfin,
suivant que nous nous sommes arrêtés au plan
de vie inférieur, qui est l'amour des effetK du
bien et du vrai; celui-ci est rationnel-naturel,
e~ il se résume dans l'amour de l'utile ou du
bon.
Le premier plan de vie nous transporte dans
le monde des fins, qui est qualifié de célesttJ ; le
second, dans le monde des causes, qui est qua­
lifié de spirituel, et le troisième, daus le monde
:les effets, qui est qualifié de naturel.
74. Or, comme le royaume de Dieu est au­
dedans de nous, ainsi que nous l'enseigne le
Seigneur dans Luc (XVII, 21), il en ré,ulte que
chacun de ces trois mondes corr~spond à un
Ciel différent: le premier est le Ciel céleste, le
second, le Ciel spirituel, et le troisième, le Ciel
naturel.
Ces trois degrés de la sagesse, ou ces trois
Cieux, doivent correspondre, à leur tour, à trois
seliS différents de la Parole ré"élée. Ces trois
sens de la Parole révélée, et en même temps
ces trüis Cieux correspondants, se présentent
alors comme des enveloppes de plus en plus
extérieures de la pensée humaine, et comme
les demeures mêmes dans lesquelles nous pou­
vùns fixer notre séjour pour l'éternité.
C'est pourquoi le Saigneur nous dit qu'Il y a
beaucoup de demeures dans la maison de sor.
Père, et l'apôtre Paul nous parle d'un troisième
Ciel, le plus élevé. (II Corinth. XII. 2); c'est
celui que nous avons qualifié de ciel céleste.
Or, ces demeures qu'on peut, à un point de
vue général, rattacher à trois génie3 différents
de l'homme et des sociétés humaines, pour les
embrasser d'une seule vue d'ensemble, sont, en
réalité, i!lfiniment variées. De plus, ces demeu·
res. sont en dehors du monde matériel, et p~'
100 LES DEMEURES

suite, en dehors des espaces et des temps, mais


elles sont dans le bien et le vrai, qui sont des
substances spieiluelles infinies, et qui peuverit
seules constituer en nous le royaume de D-ieu.
7Q. Ces demeures sont nombreuses, parce
qu'elles se présentent, non seulement au point
de vue des applications à la vie du bien et du
vrai, qui sont infiniment variées, mais encore
parce qu'elles se présentent, lorsqu'on les em­
brasse d'une seule vue d'ensemble, à la fois
dans un ordre successif et dans un ordre simul­
tané, tous distincts l'un de l'autre.
L'ordre successif de ces mondes de l'esprit,
de ces degrés de hauteue, ou de ces cieux, se
suit comme les notions de fin, de cause et d'ef­
fet; nous les avons déjà qualiftés de céleste,
de spirituel et de naturel.
Quant à l'ordre simultané, il consiste en ce
que ces notions de fins, de causes et d'effets, se
répètent tour à tour, à un autre point de vue,
dans chacun de ces plans de vie envisagé sépa­
rément. Ces qualités célestes, spirituelles et
naturelles, au lieu de procéder alors de haut
en bas, se suivent comme trois degrés de lar­
geur dans chacun des plans de vie du centre à
la Circonférence, ou des internes aux externes.
Il en résulte que les suprêmes de l'ordre suc­
cessif sont dans l'intime; les inférieurs dans le
moyen et les infimes dans les contours.
Nous avons qualifié précédemment, (no 64),
ces plans de vie, dans lem ordre successif, de
degrés discrets de hauteur ou de degrés discon­
tinus, et chacun de ces plans de vie, pris isolé­
ment, dans l'ordre simultané de son dévelop­
pement, de degrés continus ou de degrés de
largeur.
D'après cette théorie des degrés, qui sert à
distinguer tour à tour les différents cieux, les
ilifférents sens de la Parole révélée et les diffe­
DANS LES CIEUX 101
rents génies de l'homme et des sociétés humai­
nes, il doit résulter dans les applications, par
suite de la variété infinie des espèces dans cha­
que genre, et par suite des classifications en
séries des groupes de même ordre, une infinité
de demeures dans les cieux pour les sociétés
qui y habitent.
Cependant, ne perdons pas de vue que ces
demeures nombreuses du Royaume de Dieu
peuvent être embrassées d'une seule vue d'en­
semble par trois plans de vie ou par trois Cieux.
Chacun de ceux-ci correspond à un génie
différent de l'homme et des sociétés humaines
qtÙ y habitent,et il faul en conclure que chacun
d'eux correspond à un langage différent et à un
état social différent.
76. Ces trois Cieux sont comme trois princi­
pales régioDs du mond.e spirituel. Mais, ainsi
que nous l'avons déjà observé, le Royaume de
Di6u est au-dedans de nous.
Or, comme le Ciel naturel est celui du monde
des effets, dans lequel on voit encore les choses
au point de vue plus externe des espaces et des
temps, qui sont les indéfinis de la nature maté­
rielle, il en résulte que le Ciel naturel ne peut
former à lui seul un Royaume du Seigneur: en
effet, dalJs un tel Royaume du monde de l'esprit,
dans lequel rien de matériel ne peut pénétrer,
on n'envisage les choses qu'au point de vue du
bien et du vrai qui seuls sont infinis.
Il faut en conclure que, malgré l'existence
des trois Cieux ou de~ trois régions dans nos
mentaIs, qui sont correspondants à trois sens in­
ternes et spirituels de la Parole révélée, en réa­
lité, ces trois cieux ne peuvent se rattacher qu'à
deux Royaumes du Seigneur: le Royaume céles­
te et le Royaume spirituel. En conséquence, le
Ciel naturel doit se subdiviser en celeste-naturel
et eh spirituel·naturel, suivant qu'il se rattache
102 LES DEMrnURES

aux régions externes du Royaume c8leste du


Seigneur ou aux régions externes de son
Royaume spirituel.
Dans le Ciel intime ou supérieur, qualifié de
celeste, on voit toutes choses au point de vue
céleste du Seigneur; dans le second Ciel, on
voit toutes choses au point de vUe spirituel de
l'Eglise et dans le Ciel inférieur qui se rattache,
soit au Royaume céleste, soit au Royaume spi­
rituel du Seigneur, on voit toutes choses au
point de vue de l'homme individuel. Dans cha­
cun de ces plans de vie, l'enseignement suivant
du Seigneur trouve ses applications: « En ve­
rité, je vous dis: tout ce que vous lic·rez sur la
terre sera lié dans le Ciel, et tout ce que vous
délierez sur la terre sera delie dans le CieL.,
car où sont deux ou trois assemblés en mon
Nom, là je suis au milieu d'eux. » (Matthieu,
XVIII, 18 à 20 XVI, 19).. .
Il s'agit ici des deux ou trois témoins clont il
est question dans notre chapitre precedent, et
dont les temoignages doivent concorder pour
établir une conviction sérieuse dans l'âme de
chacun de nous. Cette reconnaissance de sa
Vél'ité, lie ou delie chacun de ses disciples et
tous conjointement, autant sur la terre que dans
le Ciel; c'est ainsi que tout ce qu'ils peuvent
demander au Seigneur leur est accorde,
77. Nous nous sommes aussi occupes d'un qua·
trième plan de vie, dont on doit traiter à part,
parce que c'est le plan de la vie sensuelle, dans
lequel on recherch~ plus specialement le bien­
être matériel.
Dans ce plan de vie, il ne peut plus être ques­
tion de liberté spirituellE', mais il est question
seulement de liberté naturelle, externE', maté­
rielle.
Ce plan de la vie sensuelle, qui est le monde
(les effets derniers, les plus externes par conse­
DANS LES CIF.UX 103
que nt, correspond à un quatrième sens de la Pa·
role révélée, le sens littéral, dont nous nous
sommes précédemment occupés.
C'est sur les quatre sens successifs de la Pa­
roLe révélée, que repose la connaissance déls
correspondanc~s, de-s signes avec les choses
intérieurement !lignifiées.
Il s'agit ici, on le voit, de la symbolique sa­
crée, et nous avons observé déjà qu'une sym­
boLique qui se base sur des faits aussi posi tifs
qlle CtlS différents points de vue du bien, du vrai,
de l'utile et du beau, n'est nullement imaginaire
et qu'elle peut, à juste titre, être quaLifiée de
science des corre~pondances.
En effet, les substances spirituelles consti­
tuées par le bien et le vrai, au moyen desquels
tous les êtres sont créés, prennent leur origine
en Dieu, et émanent de Lui, ce qui revient à
dire qu'elles ont été évoluées de Lui, comme la
chaleur et la lumière sont évoluées du soleil.
78. Ces substances sont divines et célestes
dans leur origine; elles deviennent spiri­
tuelles, à mesur'e qu'elles s'éloignent de leur
foyer divin, et qu'elles s'approchent du monde
spirituel pour alimenter et vivifier les habitants
de ce monde.
Ainsi, elles produisent tous les effets de l'a­
mour et de la sagesse divine, dans la variété
infinie de leurs créations. Elles se développent
en étendue dans un ordre simultané. en même
temps qu'elles descendent dans un ordre succes­
sif, suivant la succession des degrés qu'il faut
connaître, pour c0mprendre les causes des
choses et des correspondances du spirituel avec
le naturel, ou des internes avec les externes.
Il est utile d'observer encore que les degrés
ou les différents plans de vie qui servent à dis­
tinguer les diverses élévations de la régénéra­
tion de nos àmes, ne sont pas des choses ayant
104 LES DEMEURES

uno existence propre et indépendante, car ils


constituent une méthode pour faciliter la dis­
tinction et la connaissance des choses qui ont
cette exi.stence indépendante.
79. Les substances spirituelles,constituées par
le bien et le vrai divins, ne s'arrêtent point dans
leur descente au Ciel naturel, mais elles con·
tinuent leur rayonnement et leur infiux, de
manière à exercer leur activité sur le monde
le plus éloigné de leur origine, et de manière à
vivifier les créations du monde terre,) tre.
En effet, ces substances spirituelles du bien
et du vrai descendent jusque dans le sens lit­
téral rle la Parole révélée qui, ainsi, comme
quatrième sens, se trouve être dans sa pléni­
tude de puissance.
En somme, la Parole révélée est l'expression
des sens différents et correspondants du vrai
(livin dans chacun de ces plans de vie différents,
et l'homme peut se fixer à volonté, suivant ses
préférences, sur l'un de ces sens correspondauts,
c'est-à-dire, suivant l'usage qu'il fait de son
libre arbitre.
sa. De ce qui précède, il résulte cette consé­
quence très importante que les livres de la
Parole révélée, sont réellement ceux qui ont été
écrits clans les trois premier!; sens qui sont spi­
rituels et internes,
Le Seigneur, en effet, s'adresse, à la fois, à
tous les hommes indistinctement, quel que soit
:ll
le degré plus ou moins élevé de la régénération
de leurs âmes, et tous aussi, peuvent trouver
dans la Parole révélée, une alimentation spiri­
tuelle appropriée à chaque esprit particulier.
Or, nous savons que les esprit3 différents des
hommes sont infiniment variés, mais qu'ils peu­
vent être embrassés d'une seule vue d'ensemble
dans les trois et quatre plans de vie que nOUll
venons de décrire,
DANS LES CIEUX 105
La Parole révélée doit satisfaire à la fois à
cette infinie variété des esprits, et en même
temps à leur groupement général dans les qua­
tre Sens distincts, car la sagesse de Dieu est
infinie et elle ne s'exprime que dans le style de
la langue des correspondances. Il en résulte que
les livres de la Bible qui ne renferment pas à la
fois les trois sens internes, ne doivent pas être
considérés comme des livres inspirés de Dieu,
mais comme l'œuvre des hommes.
C'est en vertu de l'application rigoureuse de
cette règle, que tous ceux qui professen t les
doctrines chrétiennes de la Nouvelle Jérusalem,
qui l'e trouvent développées dans les œuvres
d'E. Swédenborg, reconnaissent comme livres
inspirés de Dieu, dans l'Ancien 'restament: les
cinq livres de Moïse, Josué, les Juges, les deux
livres de Samuel, les deux livres des Rois j les
Psaumes deDavid,Esaïe, Jérémie, les Lamen­
tations, Ezéchiel, Daniel et les douze petits pro­
phètes. Dans le Nouveau 'l'estament, les qua·
tte Evangiles et l'Apocalypse.
Hâtons-nous d'ajouter que les autres livres
de la BIble ne sont nullement à dédaigner, car
ils sont utiles aussi pour instruire les hommes
clans les doctrines chrétiennes. En effet, on
trouve souvent l'occasion d'en citer les textes
à l'appui de ces doctrines, po]r montrer qu'il::;
sont conformes aux livres inspirés dp. Dieu et
qu'ils sont utiles à l'Eglise. Le livre de Job
est un livre très ancien plein de significations
allégot'iques j il en est de même du Cantique
des cantiques; mais ni l'un, ni l'autre de ces
deux livres, ne p~ut être appelé« la loi et les
prophètes. »
Les écrits des apôtres bien qu'ils soient faits
dans un style simplement humain, mais non di­
vin, étaient nécessaires à la primitive Eglise
chrétienne, parce qu'il servaient d'introduction
106 LES DEMEUR ES

à l'étude du sens profond des livres de la Parole


révélée .
On pourra it peut-ê tre dire aussi, qu'ils sont
écrits dans un style plus clair, et quelqu efois plus
à la portée de la généra lité de's lecteur s, que le
style profon d et en même temps symbo lique de
quelqu es-uns de:> livres de la Parole révélée . Ce
sont des livres do.:trin aux qui peuven t servir à
ioterpr éter les livr3s révélés de Dieu et à les
comme nter, tout comme les écrits des Pères de
l'Eglis e, et comme aussi, nous croyon s que se­
ront plus tard appréc iées les œuvres théolog i­
ques d'E. SWdde nborg. En réalité , ils ne font
pas partie intégra nte de la Bible.
81. Dans ces li vres de la Parole révélée que
nous venons de cHer,e t qui contien nent les trois
sens interne s, plus un quatriè me sens extern e,
qui est le sens littéral , la vérité rayonn e de la
sphère qui entour e le Seigne ur, pour descen dre
succes siveme nt dans les plans de vie, dont le
dernie r, le plus extern e, est le plan de la vie
matéri elle.
Mais après avoir pénétr é ùans les société s
céleste s, ensuite dans les société s angéliq ues,
puis dans les société s du monde terrest re, en
revêtan t,dans toutes ces descen tes succes sives,
de nouvel les formes adéqua tes aux différe nts
esprits des homme s, qui sont infinim eut variés.
cet influx du bienet du vrai finit par setrans for­
mer en mal et en faux, cal' en COlltinuaut son
évoluti on, il pénétr e chez les homme s mécha nts
et dans les société s inferna les. De là vient
aussi que ce bien et ce vrai paraiss ent ètre,
quelqu efois,d ans le sens littéral de la Parole ré­
vélée, le contra ire de ce qu'ils sont dans leur
sens interne . Ce n'est donc pas Dieu, mais c'est
l'homm e, ou le vase récipie nt de ce bien et de ce
vrai divilJS, qui est la cause de cette altérat ion,
et llui, e~ f(l,is&nt 110, lI\allv~is usage de sein lipre
DANS LES CIEUX tOi
arbitre , les adultèr e et les falsifie ; mais il est
toujour s possibl e de reconn aître ces altérat ions,
dès lors que la loi des corresp ondanc es est res­
pectée , ainsi que cela a lieu dans la Parole révé·
lée de Dieu.
L'homm e est, en effet, comme un objet qui
bigarre en soi les rayons de lumièr e spiritu elle;
il en rAsulte que si cet objet devien t désagr é.
able, ce n'est pas la lumièr e qui en est cause,
car ces mêmes rayons de lumièr e peuven t être
aussi bigarré s en couleu rs agréab les.
Ils devien nent agréab les lorsque l'homm e
s'élève à l'un des trois monde s qualifi és de cé­
lesle, de ~pirituel ou de nature l.
Ils sont, au contra ire, désagr éables, lorsque
l'homm e, par l'abus qu'il fait de sa liberté ,
transfo rme le bien en mal et le vrai en faux.
De là découl e une con~équence import ante:
c'est que le mal et le faux étant les opposé s du
bien et du vrai, doiven t former , dans le mond e
spiritu el, deux Royau mes opposé s aux deux
Royau mes céleste et spiritu el. Ces deux
Royau mes opposé s sont deux enfers.
On assign e le nom de diables ou de mauva is
génies à ceux qui habite nt le monde de l'amou r
du mal, et celui de satans ou de mauva is es­
prits à ceux qui habite nt le monde de l'amou r
du faux.
82. Mais l'homm e, tant qu'il vit dans le monde ,
doit rester libre de pouvoi r se réform er et se
régéné rer. Ce n'est qu'aprè s sa mort, que la vie
qu'il a librem ent choisie , finit par lui être ap­
proprié e, de manièr e à- constit uer son être, et
alors elle le suit dans le monde spiritu el.
Cepend ant, comme il y a beauco up d'homm es
et surtout d'enfan ts, qui meuren t avant de s'être
complè tement confirm és, soit dans l'amou r du
bien ou du vrai, soit dans l'amou r du mal ou du
faux, comme il y en a beauco up qui, durant la
108 LES DEMeuRES DANI:l Ll~$ CIEI.:X

vie dans ce monde, ne s'élèvent pas au-dessus


du quatrième sens de la Parole, qui est le sens
littéral, il est rationnel de penser qu'il existe
un monde intermédiaire entre le Ciel et l'Enfer;
il correspond, de même que le monde terrestre,
à ce quatrième sens de la Parole révélée, dit
sens littéral; on l'appelle le monde des esprits.
Dans celui-ci, les âmes font un stage durant le-·
quel elles se préparent à rejoindre leurs sem­
blables, soit dans les sociétés du Ciel, soit dans
les sociétés de l'Enfer, suivant la vie dans la
quelle elles se sont volontairement confirmées.
Telle est l'idée la plus rationnelle et la plus
conforme aux enseignements de la Bible, qu'on
peut se faire de la vie dans le monde spirituel,
et des demeures auxquelles chacun se prépare,
pour le temps de son départ de cette vie ter­
restre et de son arrivée dans la vie spirituelle,
sui vant l'usage qu'il a fait de son libre arbitre.
CHAPITI{E X.
Le sentiment du Beau.

83. La splendeul' du vrai qui est le beau, n'émeut point


tous les l10mmes de la même façon. - 84. Le. quatre
éléments de toute œuvre de la création divine; à savoir,
le bien, le vrai, l'utile et le beau, deviennent dans leurs
manifestations externes, des moyens pratiques de com­
prendre Dieu et de passer progressivement du matéria­
lisme au spiritualisme. - 85. Cette méthode de conver­
sion e~t .111ieux adaptée à l'esprit moderne que l'an­
cienne méthode, qui consistait à franchir, d'un seul
bond, la distance entre le matériaiisme et le spiritua­
lisme, pour aboutir au mysticisme ou à la croyance à
un Dieu incompréhensible et à une religion uniquement
fondée SUl' le miracle. - 86. Parallèle entre le chris­
tianisme du passé et celui de l'avenir. - 87. Différence
e nlre les miracles chez les juifs et les miracles chez les
chretiens. - 88. Les miracles furent effectués par les
correspondances des causes spiri tueHes avec leurs
effets naturels. - 89. Les miracles dans l'Eglise de l'a­
venir seront remplacés par une intelligence rationnelle
des doctrines chrétiennes. - 90 Distinction entre la foi
chrétienne primitive et la foi nouvelle qui s'adapte à
l'esprit moderne. L'intelligence suppose l'intuition des
principes dominants et le sens artistique. - 91. Le beau
exprime la synthèse naturelle des vérités spirituelle.
que l'Eglise de l'avenir a pour mission de populariser
dans le monde.
10
HO LE SENTIMENT DU BEAU

" Les Cieux racontent


la gloire de Dieu. »
(Psaume XIX.2).

83. Il est reconnu que« le beau est la splendeur


du vrai», mais comme le vrai n'éclaire point lous
les hommes de la même manière, parce qu'ils le
conçoivent différemment, suivant l'état d'éléva­
tion de leurs âmes, il en résulte que le beaa
n'émeut pas non plus les hommes de la même
manière.
Aussi, ce passage des psaumes dans lequel il
estditque «les Cieux l'acon len t la gloire de Dieu»
peut être compris de différentes façons.
Les uns verront cette gloire de Dir.u dans
la voûte du Ciel étoilé, et, il serait en effet
difficile de penser aux lois qui règlent aVt;C
tant d'harmonie le cours des astres dans le
Ciel étoilé, sans reposer ses pensées sur le
créateur de sa gloire. Les autres s'élèverollt au­
dessus de la vue de ces signes extel'lles do;l la
gloire de Dieu, parce qu'ils remonteront aux vé­
rités spirituelles signifiées par ce>: signes, et
parce qu'ils penseront que le Ciel spirituel ou
que le Royaume de Dieu est en chacun de nous.
Pour ceux·ci, le beau se transforme en cette
gloire de Dieu qui resplendit dans la Vérit
spirituelle et dans le sens interne de la Parole
révélée.
Ainsi, pour eux, le beau, naturel ou exterlle,
n'est plus que le signe de cetté gloire ou de
cette vérité spirituelle qui brille à travers le
voile de la lettre, et à laqudlle ils pensent seule·
ment, bien que ce sùit le signe qui se manifeste
à eux avant la chose signifiée. Ils auront donc
beaucoup plus le s8ntiment du beau spirituel
que celui du beau naturel.
Nous savons que la substance spirituelle peut
être vue, admirée, goûtée plus particulièrement
LE SENTIMENT DU BEAU ili

au point de vue de sa chaleu r qui est le bien,


ou plus particu lièrem r.nt au point de vue de sa
lumièr e qui eEt le vrai, ou plus particu lière­
InC'rlt au point de vue de l'utilité des applic a­
lions de ce bien par ce vrai, et aussi plus parti­
culière ment au point de vue de sa puissan ce.
Or, chacun de res points de vue différe nts nous
inspire le sentim ent de la beauté d'un Ciel diffé·
rent ou d'ufJe demeu re r1istiGcte pour nos
âme!'. Il en résulte que la gloire de Dieu suppos e
des élévati ons bien au-des sus de la beauté pu­
rement matéri elle qui nous émeut à la vue du Ciel
étoilé. Il est donc vrai de dire que le beau n'émeu t
pas tous les homme s de la même manièr e, et que
le vrai ne les éclaire pas tous égalem ent.
On peut trouver d'autre s confirm a1ions de
ce fait dans les lettres et les beaux arts.
Pal' exemp le, l'orate ur qui paraît le plus élo­
quent à ses audiLe urs, n'est pas celui qui s'est
élevé le plus baut (Jans la concep tion du vrai,
mais c'es't celui qui ,sacha nt se mettre à la portée
de ses auditeu rs, réussit le mieux à traduir e la
vérité, telle qu'e'lle les frappe le plus généra le­
ment, celle, en un mot, qu'ils conçoi vent le
mieux.
Il en est de même de l'artist e: il n'émeu t par
son art, qu'à la conditi on que son œuvre soit à
la portée et clans les goûts particu liers de ceux
auxque ls il la présen te.
84. Cepend a.1t, malgré toutes ces différe ntes
manièr es de voir des homme s, aucun d'eux ne
contest e en princip e, que le beau, soit la splen­
deurdu vrai, et que l'utile soit la mesure du
bien; mais daos les applica tions, on néglige
trop souven t cette synthè se de la loi de l'unité
. de l'ensem ble de toute œuvre, pour ne voir
qu'un seul côté des quatre caractè res qui résu­
ment toutes les idées de nos pensée s, un seul
d'entre eux à l'exclu sion des trois autres ; or,
112 LE SENTIMEI\T DU BEAU

c'est là le contraire de la sagesse.


Le beau est dans toutes les œuvres de la créa·
tion; quoi lue distinct de l'utile, il doit lui res­
ter aussi indissolubleme:Jt uni que le bien est
icdissolublement uni au vrai.
Ces quatre éléments distincts de toute œu­
vre de la création divine, sont en même temps,
les quatre attributs indivisibles de l'unité de
Dieu.
Ces manifestations palpables des œuvres de
la création, qu'aucun homme ne peut niel' rai­
sonnablement, pas même l'athée, sont donc des
moy~ns pratiques de reconnaître et de com­
prendre Dieu, dont "les Cieux: racontent la
gloire" et d'arriver, par des transitions insen­
sibles, à admettre sa Vérité révélée, ainsi à y
croire, de manière à passer du matérialisme au
spiritualisme.
Les vérités spirituelles, à mesure qu'on se
familiarise avec elles, se formulent d'abord en
principes de droit divin, ou en doctrines reli·
gieuses, puis se transforment dans leurs pro­
gressions des internes vers les externes, non
seulement en principes de droit pO$itif humain,
c'est-à-dire, en applications sociales, soit civi­
les, soit politiques, soit économiques, mais en­
core elles tl'ouvent de nouvelles applications
sociales dans les faits scientifiques, artistiques
et littéraires.
L'univers créé de même que les sociétés hu­
maines qui y sont établies, devient ainsi, le
théâtre représentatif du vrai divin dans les va­
riétés infinies de ses applications.
C~s variétés infinies des applications du vrai
qui sont naturelles, forment donc des représen­
tations ou des manifestations externes des vé­
rilés spirituelles, car celle-ci sont les choses
signifiées, et celles-là leurs signes: de là leurs
correspondances, (!ui sont dans les rappQl'ts
LE SENTHŒNT DU BEAU 113
des causes spirituelles à leurs effets natu­
reis; de là enfin, le fondement de la symbolique
sacrée ou des quatre sens distincts de la earole
révélée, dont nous nous sommes occupé précé­
demment; ils se résument aussi comme caracté·
risant le bien, le vrai, Putile et le beau.
85. Celte méthode de conyer:iion s'opère par
l'étude graduelle de la vérité révélée; elle nous
élève de ses manifestations purement .externJ)s
du sens littéral, au sens interne et spirituel, et
ainsi des signes aux choses signifiées; elle est
dùnc mieux adaptée à l'esprit moderne que ne
l'est l'ancienne méthode, qui consistait à fran­
chir d'un seul bond la distance entre le maté­
rialisme et le spiritualisme, les deux o[li­
nions extrêmes, pour aboutir brusquement à
une reconnaissance mystique et miraculeuse
d'un Dieu incompréhensible, qui aurait créé le
monde ()e rien : cela n'est enseigné nulle par·t
dans la Bible et, de plus, cela est en opposition
avec la raison.
Observons en effet, que la dernière méthode
de conversion, la méthode qu'on peut qualifier
de miraculeuse, a pu avoir sa raison d'être,
dans les temps où les sociétés humaines
étaient plus facilement subjuguées par la con­
ception fausse, mais salutaire, d'un Dieu ven­
geur et tenible, que par la conception plus
saine et plus vraie d'un Dieu d'amour et de mi·
séricorde qui in{1ue SUI' les mœars en les adou­
cissant.
86. Le christianisme a eu son berceau chez
le peuple Juil, peuple barbare, et il a dù, poue
naître et se développer chez les autres nations,
dans l'état de décadence de leurs religions,
être poussé en serre cha ude.
Il n'aurait pu être implanté autrement dans
le monde, lorsque le sentiment liu beau idéal,
était le plus généralement dans l'idée du mi­
1t4 LE l'lENTlMEN'r DU BEAU

racle ou du merveilleux, et surtout dans la


force matérielle.
Aussi le christianism'e primitif une fois sorti
de l'état d'enfance et d'ignorance, une fois li­
vré à lui-même, perdit à la suite du temps sa
première vigueur, et il entraîna plus tard ses
fidèles à la perte, une à une, de toutes les illu­
sioGS d'enthousiasme qu'ils contractèrent et qui
frisèrent autant d'hérésies. Tel a été le sort de
l'Eglise chrétienne du passé.
Il en sera autrement de l'Eglise chrétienne
de l'avenir. La précédente a procédé mystique­
ment en se fondant principalement sur le mira­
cle; la suivante, celle de l'avenir, procèdera
tout différemment, en établissant ses assises
sur une conception rationnelle de la Vérité ré­
vélée.
L'Eglise chrétienne primitive, ne pouvait, en
effet, ëtre fondée sur une intelligence ration­
nelle de la vérité révélée; elle devait com­
mencer par être fondée sur la crainte de Dieu,
sentiment dont elle hérilait de l'Eglisp. Israé­
lite, et de plus, progressivement sur l'amour
de Dieu, que devait lui inspirer Jéhovah in­
carné dans le Cbris!, avant de pouvoir être fon­
dée sur l'intelligence de la sagesse divine.
87. C'est pourquoi aussi, des miracles eurent
encore lieu; il fallait des miracles pour les pre­
miers chrétiens, de même que pour les Israé­
lites, afin que ceux-là, qui étaient comme ceux­
ci, des hommes sensuels, puissent également
aborder par des transitions insensIbles, le pre­
mier seuil de la sagesse, et de plus le dépas­
ser, pour pénétrer dans son sanctuaire.
Mais les miraclos chez les Juif~, se llïstin­
guent des mil acles ,chez les chrétiens; ils
avaient pour but, chez les Israélites, d'amenel'
à une croyance externe à Jéhovah, afin que la
communication des hommes avec le ciel, c'est­
LE SENTIMENT DU BEAU 115
à dire avec la vérité, put continuer par des re­
présentatifs et par une Eglise représentative.
Ces miracles inspiraient donc à ces hommes
sensuels la crainte de Jéhovah, la crainte qui,
nous le répétons, est le premier seuil de la sa­
gesse. L'usage des représentatifs dans la
science des correspondances, est de retenir la
pensée de l'homme sur le représentatif ou le
ri le religieux,tandis que la pensée angélique est
sur la chose même signifiée par ce représentalif
ou par ce rite religieux. C'est ainsi que l'homme
de l'Eglise Juive se conjo'iguait à l'ange et, par
suite, au Ciel, dans une pensée commune avec
Dieu.
Mais tous les représentatifs externes furen t
abolis par l'Eglise chrétienne dans laquelle
l'homme devait s'él~ver à l'intelligence de la
pensée anf:,élique. Aussi pour l'Eglise chrétien­
ne, le représenlatif était devenu Jéhovah in­
carné dans le Chris t; il se substituait à tous les
représentatifs de l'Eglise Juive; il replaçait Ja
science des correspondances sur une nouvelle
base, destinée à servir de développement aux
enseignements ullérieurs de la sagesse divine,
et mieux adaptée au génie nouveau des socié­
t~s humaines. Il en résulta que, chez les chré­
tiens, les miracles, surtout ceux de la guéri­
son des maladies, furent non plus, le moyen de
faire na'itre la foi, mais le résultat de la foi.
8~. Ces miracles furent donc effectués par
ceux qui possédaient la foi à Ja divinité du
Christ, qu'ils rec,')nnaissaient comme Dieu Toul·
Puissant et Unique; ils furrnl pffectués en
même temps par une observation exacte des
correspondances des choses naturelles avec les
spirituelles.
Cette connai~sance <1es correspondances des
causes spirituelles avec leurs effets naturels,
n'était pvurtant pas réelle chez ces hommes
ii6 LE SENTIMENT D'V BEAU

sensuels etignorants pour la plupart, mais elle


était donnée par intuition et le pouvoir' lui­
même leur venait directement du Seigneur: il
en fut ainsi, sans doute, parce qu'il fallait que
le Seigneur instaurât l'E.{lise cnétienne, si
wuvent annoncée dans la Parole, et pour cela
il fallait aussi qu'on crut qu'Il éta!t le Dieu
Tout-Puissan t.
89. Cependant les miracles ont cela de nui­
sible, qu'ils violentent le libre-arbitre de
l'homme, en le forçant à croil'e, et, ainsi, ils ne
font naître en lui, qu'une foi sensuelle qui se
dis:oipe bien vite, si elle n'est pas utilisée pour
élever l'âme humaine au sens interne de la vé­
rité révélée; en effet, cette foi Eensuelle n'en­
visage que le côté externe des choses.
Mais clans l'Eglise de l'avenir, l'intelligence
rationnelle des doctrilJes chrétiennes et leur
influence pratique sur l'adoucissement des
mœurs, fera des conversions plus durables.
Cette nouvelle manièl'e d'envisager la foi inau­
gure le nouveau règne du Christ, dans le sens
spirituel de la Parole, et elle se distingue de la
foi du précédent règne du Christ, son règne
dans le sens littéral de la Parole: Cl; dernier rè­
gne, à l'opposé du premier, met l'entendement
sous l'obéis~ance de )a foi.
Il est imposüble de méconnaître, lorsqu'on
lit les évangiles, que les chrétiens de la pri­
mitive Eglise, ont été, aussi longtemps qu'ils
ont conservé le don des miracles, inspirés par
une foi vivante, basée sur la charité, et qui res­
pectait la faculté rationnelle de l'homme, tout
en n'étant pas entièrement éclairée par celle·ci.
Bn effet,)e Seigneur, dans plusieurs passages
des évangiles, reproche à ses disciples de ne
pas avoir toujours la foi, ou d'en avoir trop peu,
bien que cette foi, qu'il désirait voir en eux,
ne parut pas encore être susceptible d'être dé­
LE m~TlIdENT J){; BEau 117
veloppée par la faculté rationnelle.(i)
Nous devons en conclure que cette foi salvi­
fique un peu enfantine, dont étaient inspirés les
chréliens de la primitive Eglise, mais qui ne
peut plus s'adapter à notre génie moderne,a du
être infusée aux disciples de même que le don
des miracles qui en fut la conséquence.
Cette foi des premiers disciples était comme
celle de Thomas, plutôt sentie ou vue physique­
ment, c'est à-dire, nalurellement, que vue in­
térieurem ent et rationnellement.
90. Pour distinguer cette foi vivante (L~s pre­
miers disciples, de la foi aveugle de la déca­
dence chrétienne, il suffit d'obser'vel', que cette
toi aveugle réside dans la mémoire principale­
ment, et qu'elle ne cherche ni ne désire avoir
la lumière de la faculté rationnelle, tandis que
la première désire cette lumière, et est toujours
disposée à se laisser éclairer par elle.
Celte lumière du vrai trouve sa splendeur
dans le beau. Le beau est le plus externe
des quatre éléments distincts de toute œuvre
divine; il enveloppe à la fois le bien, le vrai
et l'utile, dans le but de maintenir leur con­
cours simultané en toutes choses, et de maniére
à fourDir des notions plus complètes sur Dieu
et sur l'unité de sa création.
Le beau suppose le sens artistique; un' ma­
thématicien trouvera les chiffl'es qui expriment
les dlffp.rentes parties d'un ensemble bien pro­
portionné, mais un artiste féra mieux. encore:
il rétablira l'unité décimée et détruite dans son
harmonieux. ensemble, par la sèche analyse et
l'examen isolé de chacune de ses parties. Un
mathématicien sera un logicien froid et com­
passé, plutôt qu'un homme vraiment intelli­
gent.
(1) V. Matthieu, VlII,13; IX,22; XIV, 30, Jean
XX, 29.
li8 LE SENTIMENT DU BEAU

L'intelligence suppose l'intuition des prin­


cipes dominants qui constituent, pour ainsi
dire, l'âme de l'objet qui les contient, car l'in­
tuition est la perception claire, directe, spon­
tanée de ces principes dominants; ceux-ci sont
au-dessus des principes secondaires. La con­
naissance de ces derniers peut être acquise par
le mécanisme du raisonnement, mais la con­
naissance des premiers suppose le sens artis­
tique.
Le beau, comme le signe le plus extérieur de
l'ensemble des choses, et comme leur enve­
loppe extrême, deviendra le caractère saillant
du langage de l'avenir, parce qu'il laissera per­
cel' à travers un voile transparent, tous les prin­
cipes intérieurs et supérieurs concernant le
bien, le vrai et l'utile.
Cette trinité des trois principes dominants
dans tout l'univers créé, a pour correspondance
~a trinité des trois couleurs fondamentales, le
rouge, le jaune et le bleu. Toutes les autres
couleurs proviennent de la combinaison de ces
trois couleurs, en proportions variées, de même
que toutes les idées de nos pensées provien­
nent de la combinaison du bien, du vrai et de
rutile, également en proportions variées. Le
rouge couleur de feu est le symbole du vrai de
l'amour, le feu de l'âme j le jaune est la lu­
mière qui enveloppe ce feu de l'amour et qui
doit manifester la vérité, la formuler dans notre
pensée; superposé au bleu, il devient le vert
qui exprime l'application du vrai à la vie ex­
terne ou naturelle et ainsi le bleu devient le
symbole de l'utilité pratique. Le rouge, le
jaune et le bleu présentent donc les trois
transformations successives, du bien à l'état
d'affection pure, à l'état de pensée, et à l'état
d'utilité pratique.
Le beau est, en somme, caractérisé par cha­
LE SENT1MENT DU BEAU 11

cune de cas trois couleurs autant que par leurs


mélanges variés j mais il manifeste sa formul
générale par le mélange égal et bien équilibrù
dHs sept couleurs du prisme, c'est.à-dire, par
la blancheur, symbole de la sagesse. Chacun
peut donc comprenfire que, lorsque le sens ar­
tistique se sera suffisamment familiarisé avec
les doctrines de la Nouvelle Jérl1salem et avec
la connaissance des correspondances des véri­
tés spirituelles dans leurs effets naturels des
choses créées, les artistes dans tous les genres
sauront trouver des expl'essiong éloquentes et
de belles applications des enseignements cie la
sagesse divine à toutes les branches de la lit lé·
rature et des beau-arts.
9i, Le beau expdme donc la synthèse natu­
rcllle des vérités spirituelles que l'Eglise de
l'avenir a pour mission de populariser dans le
monde, par la langue des corre::;pondances des
causes spirituelles avec leurs effets naturels.
Cette correspondance cons titue la symbolique
sacrée et renferme tous les enseignements de
la sagesse divine.
Celaogage des correspondances deviendl'a
le principal instrument de tout enseignement
religieux, et il servira à présenter les faits
scientifiques les plus abstraits sous des [ormes
poétiques et morales; il rendra donc l'Eglise
de l'avenir populaire dans les masses, dès que
les artistes dans tous les genres, se seront bien
assurés qu'ils ont là, à leur portée, dans l'étude
de la symbolique sacrée, une mine des plus
ricbes, dans laquelle ils pourront puiser à
pleines mains, pour relever l'art de sa chute
dans le matérialisme et dans le réalisme.
L'Eglise romaine el1e·mê me, qui es t aimée
par la plupart de ses fidèles à cause de la
pompe de son culte, sera dépassée, dès que les
richesses artistiques de l'Eglise de l'avenir se
120 T,E SENTHlEN'l' DU .BEi\.U

présenteront au public comme une symbolique


transparente des vérités intérieures qui affec-
tent l·âme. Alors l'éloquence des doctrines de
la Nouvelle Jérusalem sera irrésistible, et tous
pourront s'initier aux beauté~ de la l1ttéralure
biblique; personne ne reprochera à cette nou-
velle Eglise les froideurs qu'on reproche au
culte protestant, en général.
Ce ne sel'a plus seulement dans la Bible pro-
prement dite qu'on découvrira des splendeUl's
inconnues jusqu'à présent, mais ce sera aussi
dans la Bible de la nature, composée de toutes
les œuvres de la création, livre alors ouvert à
tous, comme une symbolique transparente des
vérités intérieures qui affectent l'âme.
On ne doutera plus alors que, dans des sens
plus profonds, de même que dans le sens natu-
rel, « les Cieux racontent la gloire de Dieu» .
CHAPITRE XI.

L'homme.
H2. Il Y a dil'l:ërentes idées SUI' ce qui constitu e l'homm,,.
En réalilè. le Seigneu r seul es t homll1e, mais on peut
appOh!l' hommes ceux qui s'approp rient le bien et Je
vrai, de manièl'e à devenir les images et Jes ressem blan­
cs de Dieu, - 93, Les maladies du corps humain cor­
l'espoud ent aux: maux et aux faux, ils congesti onnent
les vaisseaux les plus petits du COl'pS physique, qui sont
contigus aux intél'ieurs du corps spirituel de l'homme,
el font obstacle à l'intlux du bien et du vl'ai. - 94. Les
choses qui sont dans le monde spirituel , sont les causes
de celles qui sont dans le monde naturel, de là, leur.
correspo ndances , ct de lù aussi, les liens étroits qui existent
entl'e les habitant s du monde spirituel et ceux du mOllde
terrestre . - 95. Les hommes qui croient que c'est d'eul<­
mêmes que pl'ovient le bien, s'appl'op rient le mal, pal'ce
qu'ils placent en eux-mêm es le mérite au lieu de l'at­
tribuer au Seigneu r. Ceux qui se plai,ent dans 10 malet
le faux au point de se persuad er que c'est le bien et le
vl'ai, attirent à eux: le. esp rits infernRult, tombent d'~ns
l'aliénation mentale et devienn ent ce que l'IJ:van.gile ap­
pelle des possédés, La folie düive de la l'upture des
liens de conscience. - 96. L'homme vOYHge spil'ituel le­
ment, à mesure que par l'usage de son libre ul'bitr.'o,
ses affections se modifient et produise nt des modillca ­
tions dans ses consociations avec les sociétés du monde
spirituel . Ces conEociations s'opèren t par un ill.f1ux: par­
I.iculier, qui est distinct de l'in(Jux qu'on appelle com­
mUlr, parce qu'il est commun aux hommes et aux ani­
mauX, Origine de la croyance des anciens à la mé­
tempsycose. - 97, La religion a pOUl' but de nous élever
<lll·dessus du naturalis me. L'âme humaine , une fois
confirmée dans la vie du mal et du faux, nc peut plus
revenir à la "ie du bien et du vrai, parce que son or­
ganisati on repose sur une alimenta t ion spirituelle im­
puee, qui n'accepte plus d'autre nourritu re que le lllal et
le faux, - 9~, La mémoire interne de l'homme est dis­
tincte de sa mémoire exteme. La premièr e constitu e son
livre de vie dont il est fait mention dans la Bible; la se­
conde ne retient que les faits naturels ; ceux-ci s'etlàcen t
avec le temps, taudis que la mémoire interne retient les
enseigne ments spirituel s du bien et du vrai; ces derniers
ne .peuvent plus être effacés de la vie de l'homme .
li
12~ L'f10MIt.Ill

" Je l'egarde el voici,


il o'y a pas lin seul
homme.•. )t(.Jerémie
IV 25).

92. Il ya différentes idées sur ce qui consti­


tue l'homme. Au point de vue le plus ioferieur
et sous son aspect sensuel, l'homme n'existe
qu'en raison de sa forme seule, ou bien en rai­
son de sa force physique et de son courage.
Mais la Bible, dans son sens spirituel, nous
euseigne que le terme homme, ne doit s'en­
tendre que d'une suréminence morale et spi­
rituelle. C'est pourquoi le Seigneur, parlant de
l'apostasie de l'Eglise dans Jérémie (V. 1) dé­
clare, par ce prophète, qu'il serait pardonné à
la ville de Jérusalem, et qu'elle serait délivrée,
si un homme pouvait y êtl'e trouvé. De même
dans Esa'ie, (LIX. 16), Jéhovah regarde son
peuple et voit qU'li n'y a pas « un homme. »
Comme l'homme n'est qu'un réceptacle de la
vie de Dieu, il en résulte que le Seignenr, en
réalité, est seul homme. Cependant, les hom­
mes peuvent être appelés hommes, suivant
qu'ils reçoivent du Seigneur et suivant qu'ils
s'approprient le bien et le vrai, de manière à
pouvoir être conjoints au Divin pour devenir
le~ organes de la vie de Dieu.
C'est ainsi que l'homme est à l'image de Dieu,
en ce sens qu'il reçoit la sagesse de Dieu. De
même, il est à ressemblance de Dieu, lors·
qu'il devient uu réceptacle de son divin amour.
Plus son élévation est grande dans la sagesse
et dans l'amour, plus la forme humaine de son
corps spirituel ou de son âme, doit prendre un
caractère élevé de beauté.
Nous avons déjà eu l'occasion d'obsel'ver,
qu'en effet, le corps spirituel vivifie toutes les
parties du corps physique, et se trouve aussi,
comme celui-ci, en parfaite forme humaine,
L'HOMME 123
avec tous les organes dont est doté ce corps
physique. (n 42, 49, 52,55).
Le corps naturel et le corps spirituel, l'homme
externe et l'homme interne, ont donc chacun
une vue ouverte dans un monde différent.
L'homme a été créé pour que le divin bien et
le divin vrai descendent, et se corporifient
jusque dans les dernières choses de la nature,
al' il est formé de telle sorte, que toutes et
chacune des choses qui le constituent, corres­
pondent aux Cieux et par les Cieux au Sei­
gneur: il n'y a pas, dans l'homme, la moindre
chose qui ne corresponde à une vérité spiri­
tuelle et c'est de là que l'homme existe et que
continuellement il subsiste.
I! en résulte que les hommes sont hommes
par l'intelligence et la sagesse avant de l'être
par leur forme. Leur corps spirituel n'es t mê me
que l'expression, et par ~uite la t'orme de leur
degré d'intelligence et de: agesse.
Quant au corps physique, il n'en est qu'une
enveloppe grossière, et la plus extérieure de
toutes.
Lorsque nous quittons ce monde terrestre, il
ne faut pas regarder ce départ comme un trans­
port physique de notre être dans l'espace, car le
monde spirituel est en dehors des espaces et
des temps: ce n'est en réalité, qu'une dispari­
tion hors de la sphère de la sensibilité dans la­
quelle étaient ceux qui vivaient avec nous dans
ce monde terrestre.
93. Nos maladi es ont une correspondance avec
le monde spirituel, non pas avec le Ciel, mais
avee ceux qui sont dans son opposé, ainsi avec
caux qui sont dans les enfers, car les ma­
ladies correspondent aux cupidités et aux pas­
sions de l'homme, et celles·ci cn sont les ori­
gines. En effet, le mal provenant des mauvaistls
passion~ congeslionne les plus petits vaisseaux
j~4 1.'1l0MM E

du corps physiq ue, ceux qui sont absolu ment


invisib les et qui sont contigu s aux intérie urs du
corps spiritu el j delà les premiè res obstruc tions
qui empêc hent l'influx du Ciel, nécess aiee au
mainli en d'une bonne circula tion des fluiùes
dans le corps matéri el; par conséq üent de Ill,
l'origin e du sang vicié, qui cause la maladi e
et peut aussi causer la mort.
Si, au contrai re, l'homm e vivait de la vie du
bien, les intérje urs de son coeps spiritu el se­
raient ouvert s aux influen ces céleste s, et les
vaissea ux les plus petits de ~OJl corps physiq ue
ne seraien t pas obstru és. Il serait alors sans
maladi e et il vivrait jusqu'à la derniè re vieil·
lesse.
Ce n'est que lorsque son corps, par suite de
l'âge, ne pourra it plus ~ervir à son âme, qu'il
passer ait sans maladi e de son corps terrest re
à la vie dans son corps spiritu el, et ainsi de c
monde imméd iateme nt au Ciel, sans avoir à
faire un stage prépar atoire pour s'instru ire dans
le monde interm édiaire entre le Ciel et l'E,lfer ,
(li t mond e des es prit~,
Mais lorsque la vie spiritu elle est dévoyé e
dans le mal et dans le faux, et par suite malade ,
il est possibl e qu'il en dérive dans la vie nalu­
l'elle du corps humain , un mal corresp ondant
au genre de mal et de fauK qui afftlcte le men­
laI. C'est ainsi que les maiadi es que le Seigne ur
a guérie s durant sa vie dans le monde , signi­
fiaient la déli vrallce des genres de maux et de
faux qui alors infesta ient l'Eglise et le g~lIre
humai n.
U4. Observ ons, en effet que l'es prit de l'homm e
ne pense rien, ne pronon ce rien; ne fait rien
d'après lui-mê me, mais d'après d'autre s, aux­
quels il s'assoc ie même à son insu, par la si·
militud e des affectio ns, el ces àutres d'aprè:s
d'autre s encore l el non d'apros eur.-1Jlêmes.
L'HOMME 120

~ll effet, ce qlli n'a pas de connexion avec lln


antérielll', et ce qui est ainsi indépendant, ne
peut existel', ni m&me subsister Ull seul instant.,
car sans influx ou sans correspondance des
causes spiri tuelles a vec leurs effets naturels,
l'antérieur elant enlevé, l'ultérieur tombe né­
cElssairement.
Il en .résulte que l'homme doit apparaître
dans l'autre vie dans la lumière du Ciel, sui­
vant la qualité de sa correspondance, car celle~
ci relie la cause à l'eff~t; or, n'oublions pas
que, les choses qui sont dans le monde spirituel
sont les causes spirituelles de celles qui exis­
t.ent dans le monde naturel.
Il en résulte que les bons pensent, veulent
et agissent d'après les société.; du Ciel, c'est-à­
dire d'après le SeigneUl', qui influe par son
bien et par son vrai dans les societés angéli­
ques; et,les méchants, d'après les sociétés mau­
vaises de l'enfer, qui transforment l'influx du
bien et du vrai provenant du Seigoeur par les
sociétés angélique!':, en inftux. du mal et du
fau x.
05. 11 en résulte encore cette conséquence
tl-ès importante, que ceux qui croient que c'est
d'eux-mêmes que pl'Ovient le bien, et non du
Seigneur, s'approprient toujours le mal et ja­
mais le bien; parce qu'ils se l'attribuent, et
qu'ils placent ainsi en eux-mêmes le mérite au
lieu de l'attribuer au Seigneur.
De plus, ceux qui se plaisent dans le mal et
dans 10 faux au point d"en faire la jouissance
de leur vie, s'inspil'dnt des sociétés mauvaises
de l'~nrer; s'ils persistent, et s'ils se confir­
ment de plus on plus dans l'amour du mal et du
faux, ils se persuad<3nt que c'est le bien et le
vrai, et ils finissent par se mettre en rapport
intime avec les mauvais esprits. Ceux-ci pénè­
trent dans leur entendement et dans leur vo­
126 U'HOMME

lontéjusqu'au point de s'en emparer, de leur


en] ever Jeur libre arbitre, et de les posséder, ce
qui les conduit graduellement à l'alicnation
mentale. lis deviennent ce que l'Evangile ap­
pelle des possédés, c'est-à·dire des instruments
aveugles et inconscients des esprits infernaux,
Ceux, en effet, qui se sont entièrement con­
firmés dans Je mal, ont perdu la conscience du
bien et du vrai, et ils n'ont plus le plan inté­
rieur de vie dans lequel se termine, et sur le·
quel repose l'influx de ce bien et de ce vrai;
alors Je bien ou le vrai chez eux coule,jusqu'au
plan naturel, sensuel et extérieur de leur vie,
et il devient le mal ou le faux, Ils peuvent ce­
pendant éprouver, à l'occasion des épreuves et
deg souffrances, résultant de leur vie désordon­
née, qut'Jlque chose qui ressemble à un remords
de consCience; mais c'est simplement une dou­
leur causée par la privation de l'honn8ur, du
gain, de la réputation ou la perte de l'amitié des
leurs. Il en résulte qlle la folie dérive de la rup·
ture~ des liens de conscience.
96, L'influx du bien ou du mal, par les socié­
Lés du monde spirituel est un influx particulier,
qui est distinct de l'influx commun; celui-ci
opère autant sur les hommes que sur les ani­
maux et en dehors du libre arbitre. Les ani­
maux reste nt dans l'ordre des lois naturelles,
parce qu'ils naissent dans la connaissance ins­
tinctive des choSE:s qui sont propres à chaque
espèce, et qu'ils n'ont pas besoin d'y être intro­
duits pal' instruction. Cbez les hommes, au con·
traire, il y a l'influx particulier, qui les met en
association avec des Anges et des Esprits qui
sont dans les mêmes affections, et par lesquels
s'opère l'influx de ces affections particulières
que l'homme veut favoriser en lui, en vertu de
son Iibre·arbitre.
En d'aut.res termes, tandis que l'esprit de
L'HOMME i27

l'homme recherche et reçoit l'affection qui est


la vie par as!;ociation avec des esprits indivi-
duels qui s'adjoignent à lui, parce que les sem·
blables attirent leurs semblabl6s, le corps phy·
sique quant aux organes qui restent da ilS l'ordre
des lois naturelles, reçoit la \l'ie par un influx
eommun, de même que les animaux et les
plantes.
Comme il faut distinguer les affectiong du bien
ùes affections du vrai, le Royaume céleste du
Hoyaume spirituel, et les affections du mal des
affections du faux, il en résulte que chaque
hommé a auprès de lui au moins deux Anges et
deux Esprits, qui font qu'il a communicatian
avec le Ciel et avec l'Enfer; à ces deux gtlnres
d'angesoud'esprils, correspondent dans l'homm
deux facultés, à savoir, la volonté et l'enten-
dement. Les anges célestes influent par le bien
dans la volonté de l'homme; les génies y influent
par l'amour du mal; les anges spirituels in-
tIuent dans l\llltendp.ment par l'affection du
vrai, et les mauvais esprits y influent pal' l'af-
fection du faux. Aux anges célestes, sont oppo-
sés les génies, personnifiés par le diable; et
aux anges spirituels, les mauvais esprits, per-
sonnifiés par Satan.
Si le Seigneur usait de son pouvoir de con-
traindre l'homme, par les bons anges, à se diri-
ger toujours dans la bonne voie, il lui enlève-
rait la liberté et la respon~abilité de ses actes,
ainsi sa vie telle qU'Il l'aime et la comprend. Il
faut donc que ce soit l'homme lui-même qui
choisisse entre le bien et le mal ou entre les
bonnes ou les mauvaises consociations spiri-
tuelles: c'est lui· même, par conséquent, qui, se
perfectionlle par l'aide des sociétés angéliques
dans l'amour de Dieu et du prochain, ou qui au
contraire, développe chez lui les amours oppo-
sés qui sont l'amour de soi et l'amour du monde ,
128 L'HOMME

par les sociétés infernales,


L'homme se trouve donc pal' l'influx padicu­
lier,en consocialion avec les sociétés angel igues,
de manière a rester toujours libre de s'associer
aux unes comme aux autres, Il en résulte que,
suivant que ces consociations changent, il voya­
ge spirituellement de société en sociélé, à
mesure que son cal'actère se modifie avec
J'usage qu'il fait de son libre arbitr'e, UtlS voya­
ges spirituels ou ces cllallgements d'affections
de l'âme h.umaine, durant le cours de sa régéno­
ration, constituent,conformément aux. croyances
des anciens peuples à la métempsycose, de vé['i­
tables métamorphoses spirituelles, en des trans·
fo!'mations de nous-mêmes.
Ces métamorphoses successives du caractèl'e
de chacun, ont été figurées par des images d'a­
nimaux qui représentent les changements d'af.
fections par lesqllelles on passe durant les ditfé"
rentes phases de la vie terrestre,
De là, l'o['igine du culte des anciens Egoyp"
tiens pOUl' les animaux: chaque animal, suivant
son espèce, rdpl'ésentait hiéroglyphiquement
une affection particulière. dont les instincts
naturels qu'on lui a!t['ibuait étaient le dévelop­
pement. Célte affection particulièl'e dans la·
quelle l'animal est né, se développe donc dans
une science toute faite et innee en lui. Mais
l'homme)à la différence de l'animal,n'est né dans
aucune science particulière, et est apte à
développer en lui toutes les affections el toutes
les sciences pour les appliquer à la vie.
Ces atfecLions et ces sciences se développent
donc en lui successivement dans les differenles
pllasps de son existellce et, suivant l'usage CIU'il
fait de son libre arbitre.
Chez lAS Egyptiens, lors de la décader.:ce de la
sagesse antique. on vénérait encore les tradi­
tions de cette ancienne symbolique sacrée des
L'HOMME i2~

bonnes affections, représentées par différents


animaux, mais on ne comprenait plus ce culte
que dans un sens littéral: de là. toutes les fables
des anciennes mythologies.
Platon reconnaissait, cependant, que la doc­
trine ùe Pythagol'e était plutôt un mythe qu'une
opinion philosophique destinée à être acceptr.c
à la lcttl'e.
Dans la sagesse antique, ces voyages spit'i­
tuels de la trans-migr&tion des âmes avaienl
leur itinéraire tout tracé, comme on en a trouYé
des preuves dans la déchiffrement des textes
hiéroglyphiques.
Il y avait donc là un véritable programme
d'éducation pOUl' la jeunesse,
97. La religion cbrétienne,eu dotant l'homme
d'un instrument des plus efficaces, pour le
rendre apte à opérer le plus promptement pos­
sibie sa réformation el sa régénération, a sur­
tout pour but de lui faciliter le moyen de s'éle­
ver au-dessus du naturalisme, qui est 1:1
condition nécessaire, le point de départ de son
existence. Cela vaut mieux pOllr son bonheur
dans l'éternité, que de se laisser abaisser au­
dessous du llatul'alisme, ce qui serait se rava­
ler au-dessous de l'animalité, car alors il ne
pourrait plus se consociel' dans la vie à venir
avec d'autres qu'avec les sociétés infernale&.
C'est en effet, ce derniel' sort qui lui est échu,
dès 10l'S qu'il s'est confirmé volontairement
dans le mal et dans le faux, au ,point de les
adopter comme b:en et comme vrai, malgré
tous les ensenseignements de l'expérience.
L'impossibilité de l'evenir à la vie du bien et
du vrai, une fois que la vie du mal et du faux
üst complètement confil'mée chez lui, provient
de ce. que l'âme s'est elle-même organisée et
ereée, pour ainsi dft'e, en s'alimentant aux :30Ul'·
ces in,pl.u'('s dn mal ct (~,l1 faux. Alors) la vie de
130 L'HOMME

l'âme ne peut plus être changée, parce que son


organisation repose sur cette mauvaise nourri­
ture spirituelle qui constitue cette vie de l'âme
qu'on ne peut quitter. Nuus savons, en eft'et, que
le bi\)fi et le vrai, sont d ~s su bstances spIrituelles
qui constituent la véritable nourriture de nos
corps spirituels; il en est de même du mal el
du [aux pour ceux qui préfèrent une nourl'iture
aussi horrible.
C'estàcausedoced'logerque nous courons
de faire un mauvais usage de noll'e liberté,
qu'il ya toujours eu, dans le monde terrestl'e,
le remède à côté du mal. Le bien et le mal for­
ment, en effet, un dualisme nécessaire pour
maintenit' intact notre état de liberté. Le re­
mède à côté du mal est la religion. Celle qui
s'adapte le mieux à nos idées modernes, lors­
qu'elle est comprise rationnellement, est la re­
ligion chrétianne qui nous donne les meilleurs
enseignements que nous puissions inscril'e dans
notre livre de vie.
98. Il Y a différents passages de la B}ble qui
font mention, de ce Livre de vie notamment le
chapitre III, v. 5, de l'Apocalyse où l'on lit:
« Celui qui vaincra, celui-là sel'a revêtu de vê­
tements blancs et je n'effacerai pas son nom du
livre de vie. »
Pour savoir en quoi consiste ce livre de vie,
il suffit d'observer que l'homme a une mémoire
interne distincte de sa mémoire externe, de
même que l'homme interne ou le corps spiri.
tuel est distinct de l'homme externe ou de son
corps naturel. La mémoire interne retient les
enseignements spirituels qui pénètrent dans
l'àme, tandis que la mémoire externe ne retient
que les faits naturels.
La mémoire interne constitue le livre de vie
de l'homme, parce que les choses qui y sont
inscrites, étant des vérités spirituelles desti­
L'HOMl\I E 131

nées à alimen ter le corps spiritu el, y restent


éternel lement et ne peuven t plus être effacée s;
elles influen t, en effet, du Seigne ur dans
l'homm e et créent, pOUl' ainsi dire, en lui, une
vie spiritu elle et céleste . C'estlà la raison pOUl'
laquell e les choses , en appare nce oubliéAs de­
puis des années durant la vie terrest re, réappa ­
raîtron t souven t d'une manier e aus~i vivace ,
que si elles dataien t d'hier.
D'aprè s une ancien ne traditio n indien ne, les
actions quotid iennes de chacun étaient inscrit es
et enregi strées comme débits et crédits . les
mauva ises actions dans les débits et les bonnes
dans les crédits ; ensuite , le compte était ba­
lancé.
Cette traditio n provén ait sans doute de cette
pensée qui est très vraie, que tout homme tient
un compte avec lui-mê me qui peut être appelé
son livre de vie. Il n'écrit pas ses compte s sur
du papier, HIes inscrit plutôt sur les tablett es
de son cœur.
C'est ainsi que le Seigne ur dit par son Pro­
phète: «J'insc rirai ma loi dans leurs inlél'Ïe urs
et je l'écrira i dans leul' cœur. »(Jéré mie XXXI,
33).
A mesure que l'homm e avance dans les épreu­
vess de sa vie terrest re, en change ant ses illu­
sions insens ées et Bgoïstes, pour y substit uer
les vérités divines , dans la même mesure , le
Seigne ur peut, par son influx du bien et du
vrai, descen dre et rempli r sa volonté etson en­
tendem ent.
Lorsqu e nous quitton s ce monde et que nous
déposons pour toujour s notre corps nature l,
la mémoi re nature lle ou extern e ue peut
plus nous servir. Nous penson s alors dans la
mémoi re interne , c'est-à -dire, dans les motifs
même de tous les actes de notre vie.
C'est ain&i que nous avons, dans notre mé­
132 L'HOMME

moire interne, un livre de vie dans lequel sont


inscrites les intentions quotidiennes de chacun
de nous, et suivant que le compte est balancé,
nous sommes jugés.
Pour parler plus exactement, il faut dire que
la véri té nous juge, ou même que nous nous j u­
geons nous-mêmes, suivant (lue nous avons pla­
cé nos afleetions dans le bien ou dans le mal.
Tout dépend donc de ce que nous avons nous­
mêmes inscrit libr'ement (lans notre livre de
vie. En ce qui concerne ceux qui ont mal placé
leurs affections, le passage de .Jérémie, cité au
commencement de cette étude sur l'homme,
leur est applicable dans toute sa rigueur: c Je
l't'garde et voici il n'y a pas un 5eul homme. »
CHAPITRE XII

Le Grand Monde

99. Les hommes doivent faire un avec 10 Seigneur, parc.


qu'ils sont destinés à devenil' les organes dc sa vie. Cette
loi tlo l'ordre ~e réfléchit dans les créations de la
natul'e, dana la constitution physique de l'homme et dans
sa constitution Rociale. - 100. Chaque partie dll
corps humain par J'usage auquel elle sert, correspond il
une affection pUI'ticulièl'e qui inUue de la ~oeiété angé­
lique chez laq uellc cette affection particulière est prédo­
minante, - 101. Les Cieux qui constituent le Royaume
du Seigneur sout dans l'ordre humain et pal' suite dans
la ressemblance spirituelle de la forme humaine. - 10.2.
On peut en conclure que les IJommes eux-mêmes doivent
s'organisel' enire eux dans les mêmes termes qüe sont
les lapport~ des différents ol'ganes du corps humain,­
103. L'homme est dans sa constitution physique, une
coopération de cellules, chaque ~érie de cellules, une
coopération de muscles, cie nerfs, de vaisseaux et d'os,
etc. - 104. L'ol'Îgine des noms d'hommes et d'animaux
donnés aux constellations du ciel, depuis la plus haute
antiquité, provient de la connaissance qu'avaient les
anciens, de la C01Tespondance du monde spil'ituel avec
le monde terrestre, - L'homme est un micro-urane ou
un petit ciel, lorsqu'il vit conformément allx lois dc
l'ol'dl'c. - 105. L'alll'e et l'éther sont les atmosphères
spirituelles dc la chaleur de l'amour, et de la lumière
de la pensée; elles donnent une chaleul' et une lumière
qui ont des qUalit~s bien supérieures à celles du solei
naturel; clle!; font voir à l'homme dont la vue spirituclle
est ouver'te, toutes les images l'epl'ésentlttives des senti­
ments et des pensées de chacun, sous les fOl'mes infini­
ment variées des créations naturelles'.- 106. Les nationa­
lités dans le monde spil'ituel existent commc dan" le
monde tel'l'estre; celul- ci est la pépinière des Cieux. ­
107, C'est en vel'lu c1es lois de l'orel re que tous les hom­
mes ont, qu.ant il. lems âmes, une situation dans le
Très-Grand Homme c'est-ii-dire, dans le Royaume du
Seigneur, ou hors du Tres-Grand Homme, et alors dans
les tociétés infel'nales. Tous les di,ciples du Seigneul' for­
ment donc le COl'pS du Christ, suivant l'enseignement de
l'Evangéliste Jean et de l'apôtre Paul.
12
134 LE GRA ND l\lONDt>

« Or vous êtes le corps du Christ


et vous êtes ses membres charnu
en particulier.» (1. Coriulh. Xll.
27).
99. Cet enseignement de l'apôtre Paul est,
sous une autre forme, la répétition de l'ensei­
gnement du Seigneur dans t;)Ut le cours du cha­
pitre XVII de l'Evangile da Jean, où il est dit
que les hommes doivent être un, avec le Christ,
comme le Christ est un avec le Père.
Le Père est Jéhovah incarné dans le Fils ou
dans le Christ; ils sont un, et les hommes à
leur tour doivent faire un avec Lui, parce qu'ils
sont destinés à devenir les organes de sa vie.
Cette unité de Dieu, qui doit se réfléchir dans
l'union des hommes entre eux, se retrouve dans
les lois de la nature; celles-ci sont, d'ailleurs,
l'expression des lois divine5 qui gouvernent le
royaume du Seigneur. Cette unité qui est la
loi de l'ordre, se réfléchit également, autant
dans la constilution physique de l'homme in·
dividuel que dans la constitution sociale, qui
doit unir entre eux, les hommes et les socié­
tés humaines.
Aussi, la loi sériaire, principe de coordina­
tion universelle, nous enseigne que l'huma­
nité est un être organisé, dont l'homme relève,
de même que chaque molécule du corps humain
relève de l'individualité humaine; de telle
sorte que ces deux organismes, homme et hu­
manité, sont dans une dépendance réciproque.
Si, à la discordance résultant de l'état actuel
de l'humanité, divisée contre elle-même, suc­
cédait laconcordance dans les relations sociales,
il s'établirait dès lors, une unité d'action qui
manifesterait plus vivement le vrai caractère
de la vie du grand être humanitaire.
Cet état de paix pourra se substituer à l'état
de guerre à mesure qu'on reconnaîtra dans
LE GRAND MONDE 135

les créations de la nature, les effet'3 natu­


rels des cau~es spirituelles du bien et du
vrai. Ces causes spirituelles se sont corpori­
liées dans la chair et dans le sang, de même
que Jans toute! les créations de la natul'e. C'est
là la raison pOUl' laquelle elles sont leurd cor·
rcspondances, et c'est pourquoi aussi les
hommes ont mieux à faire que de se disputer
pour l'exploitatioo. de leurs riches'3es matë­
rielles, car leur union, dans l'exploitation rles
richesses spirituelles suffirait pOllr leur don­
ner, par surcroît, l'union et la jouissance dans
l'exploitation des richesses matérielles. (Matth.
VI,33 )
100. Il faut de plus, reconna.ître que chaque
partie du corps humain, par l'usage auqud
elle sert, correspond à une aff'c,ction particu­
lière du bien et du vrai, qui influe d'une société
angélique chez larluelle cette affection particu­
lière prédomine.
Ainsi, par exemple, nos cinq sens, ont chacun
une correspondance avec les sens irlternes de
notre âme ou de notrd corps spirituel; or, ca­
lui-ci est lui-même directement en consocia­
tion avec les sociétés spirituelles qui sont dans
les mêmes affections, parce qu'ils ont pour but
de réali,er les mêmes usages. Il en résulte que
le sens du toucher correspond à l'affection dll
bien et à toutes les sociétés spil'ituelles qui
sont dans cette affection générale. Le sens du
goût correspond à l'affection de savoir et à tous
ceux qui sont dans cette affection; le sens de
l'odol'at à l'affection de percevoir; le sens de
l'ouïe à l'affection d'apprendre; enfin le sens de
la vue à l'affection de cornpreo.dre et d'acquérir
la sagesse. Or, chacun de ces cinq sens, se
perfectionne suivant qu'on l'exerce plus, mais
s'atrophie suivant qu'on néglige de l'exercer;
en effet, celte abstention de l'usage qu'il
136 LI'] GRAND MO:-lDE

doit remplir, interrompt la communication avec


les sociétés spirituelles qui sont dans l'affec­
tion de produire et de développer l'usage de
chacun de ces cinq sens.
101. En continuant ce parallélisme enh'a les
affections des sociétés angéliques, et les usages
des différents organes du corps humain, on peut
arriver à compl'endre pourquoi les cieux, qui
constituent le Royaume du Seigneur, doivent
être spil'ituellement dans l'ordre humain, et par
~uite dans la ressemblance spirituelle d'un
Homme avec chacun de ses organes et de ses
membres. Toutes les parties de ce Très Grand
homme et les innombrables sQciétés dont il esL
formé, peuvent alors être considérées comme ar­
rangées et ajustées de manière à exprimer par·
faitement, dans leut' harmonie, les vl'ais princi­
pes humains qui constituent l'esprit essenlie1
de la vie dans les Cieux et de leurs influencos
sur le monde terrestre des hommes. En d'autres
termes, la solidarité et les rapports mutuels des
sociétés composant le Hoyaume du Seigneur,
ainsi que les usages qu'elles remplissent les
unes à l'égard des autres, doivent correspondre
aux usages que remplissent les organes du corps
humain.
L'union la plus parfaite existe entre toutes les
societés angéliques, dont le~ usages ou les affec­
tons de servir le prochain sont infiniment va­
riés; mais toutes ces sociétés concourent à réa­
liser, sons des formes variées aussi, l'amour de
Dieu et l'amour du prochain.
Or, cette uniJn des sociétés du céleste séjour,
est symbolisée et manifestée par l'union étroite
des différents ,)rganes du corps humain, qui
f,)r.c\ionnent si aàmirablement dans un homme
sain.
102. S'il en est ainsi, on voit dès lors POUl''1uoi
Jes nommes eU"4-mêmes doivent s'organiser en·
LE GRAND MONOli1 i37

tre eux sur le modèle des Cieux et ainsi dans


les mêmes rapports que les différents organes
du corps humain ont entre eux.
Or, ces organes du corp:; humain tirent, par
ùiverses dérivalions~ leur vie du cœur et du pou··
mon, qui représentent dans le corps humain
les deux facultés de l'âme, la volonté et l'en­
tendement, réceptacles du bien et du vrai divins.
Nous avons déjà eu l'occasion d'observer que
la vie des sociétés dépendait de leur progres
dans la régénération, et quela loi de ce progrès
s'établissait sur le modèle du fonctionnement
des facultés de l'âme humaine, c'est.à.dire, de
la volonté et de l'(::ntendement. (no 28 ci· dessus).
Rappelons, àce sujet, l'allégorie dont on parle
dans l'hbtoire romaine, des membres qui s'é­
taient révoltés contre l'estomac. Il y avait là
une réminiscence de la science des correspon­
dances et de la sages~e antique, déjà en état de
décadence, dès le commencement des temps
historiques.
Qu'on se représente donc ce qui existe, dans
une société sans liens fraternels et vivant sans
souci des lois de la solidarite! Ne voi t-on pas que
ses difIérents membres sont les uns à l'égard
des autres en état de guerl'il constante 1 Chacun
ayant son seul intérêt pour but et non le bien gé­
néral, s'imagine-t'on qu'on arrivera à résoudre
la question sociale avec des décrets et avec les
millions consacrés à l'assistance publique 1 Ces
millions sunt jetés dans un goutfre sans fond,
pour produire seulement des soulagements éphé.
mères à des maux qui ne peuvent cesser, tant
que durera l'état (le gu~rre sourde des intérêts
de chacun; ceux-ci sont présentés comme anta­
goniques avec les intérêts de tous, au lieu d'ê­
tre présen tés corn me harlDoniques,soi t dans l'èD­
seignement public, soit dans celui des familles,
soit même dans la pratique du droit. 'rous se
138 LE GRAt\D MONDE

jalouse nt et ne pensen t qu'à se nuire! N'est-i l


pas éviden t que la l'uine seule des faibles , le
paupér isme et toutes sortes de plaies sociale s,
doiven t résulte r de la folie d'ull tel état de
choses ?
Ne sent-on pas que chacun devrai t servir les
autres suivan t la mesurA de ses capaci tés? Tous
ne peuven t représ enter Je cervea u qui corres ­
pond àla partie la plus intellig ente et la plus
produc tive de la nation ; tous ne peuven t être
l'estom ac qui corresp ond à la consom mation de
la ricbess e sociale ; tous ne peuven t être les
membr es sans lesque ls le corp~ ne peut mar­
cher; ceux-c i sont représ entés par de nombr eux
emploi s inférie urs, mais utiles et ayant chacun
ses plaisir s, pour ceux qui s'y livrent par goût
ou par vocatio n. Ce sont ces goûts, ces vocatio ns,
les désirs de vivre en rappor ts fratern els avec
chacun , qui décide ront, dans toute société bien
organi see, de la l'eparti tion des service s à rendre
au corps social. C'est ainsi que la justice étendra
sesble nfaitsà tous,et la terre 'llor&p roduira assez
pour que tous aient des biens en abonda nce,
CD l' les richess es nature lles ne doiven t ètre autrtS
que les effets nature ls et nécess aires des riches­
ses spiritu elles.
103, Qui ne peut imagin er quelle perfect ion
l'organ isation sociale atteind rait, si l'utilité des
service s de chacun , devena it la corresp ondanc e
exacte des usages de chaque partie du corps
humai n? Ces usages sont infinim ent variés,
car J'étude micros copiqu e le présent fl comme
une coopér ation d'une multitu de innom bra­
bis de cellule s,dont les vies additio nnées cons­
tituent sa vie et donnen t naissan ce à des for­
ces dont aucune cellule à l'état isolé ne pré­
sente la trace. Chaque sél'ie de ces innom brable s
cellule s forme, à son tour, une coopér ation de
musc1 es ,de nerfs, de vaissea ux, d'os, etc. ; cha­
LE GRAND MONDE 139
cun a ainsi, un usage spécial à remplir, et de
plus, sa fonction distincte; les uns donnent l'im­
pulsion d'autres la chaleur du sang, d'autres ser­
vent à filtrer celui-ci, à séparer le bon du mau­
vais, le pur de l'impur, les uns et les autres coo­
pérant à i'e::lsemble de l'œuvre qui est de pro­
duire la vie.
Mais ce qui accroît la perfection de cet en­
seloble, c'est sa correspondance parfaite avec
les ditfét'entes sociétés angéliques, c'est-à-dire
avec les différentes affections qui caractérisent
les usages de chacune des moindres parties des
organes du corps humain. En conséquence, ces
sociétés qui sont dans l'ordre humain, sontelles­
même en forme humaine, autant prises isolé­
ment que dans leur ensemble.
104. Observons à ce propos, que les noms
d'hommes et d'animaux ont été donnés, dès la
plus haute antiquité. aux constellations du ciel
visible; or, celui-ci se trouvant être le représen­
tatif naturel dans le monde matériel du Oiel
spiritusl et invisible, 011 peut reconnaître, dans
ce fait, et dans bien d'autres puisés dans l'ori­
gine des superstitions astrologiques, l'antiquité
de celte croyance aux influences spirituelles du
macrocosme sur le microcosme ou petit monde,
Nous avons eu, en effet, l'occasion d'observer
que dans la sagesse antique, chaque animal re­
présentait ou signifiait une affection particu­
lière, tandis que l'homme représentait la réu­
nion générale de toutes les affections; or c'était
là, précisément, l'origine de sa forme humaine,
à laquelle cependant les animaux tendent aussi,
à cause de l'unité de plan de toute la création,
mais à laquelle ils ne peuvent jamais atteindre
complètement (nos 50 ci·jessus). La forme hu­
maine est la plus parfaite de tontes les formes.
L'homme qui est dans l'amour de Dieu et l'a­
mour du prochain! se trouve être dans des rap­
140 LE GRAND MONDE

ports étroits avec les sociétés du céleste séjour,


car alors la vie est reçue par lui d'une manière
adéquate. 11 est par son esprit dans le Ciel
et pal' sou corps dans le monde; et, comme il
y a un influx de tous, ou un inflûx commun
dans chacun et dans les moindres parties du
corps de chacun, cet homme peut être appelé
un micro-urane ou petit Ciel dans une forme
humaine.
De plus, comme il y a dans le corps humain,
deux choses qui sont les sources de toute ac­
tion et de toute sensation externe et pureme~t
corporelle, à savoir le cœur et le poumon, ces
deux choses correspondent à la volonté et à
l'entendement, c'est-à·dire il l'amour et à la sa­
gesse du très grand Homme ou macro-urane;
or, le Seigneur qui e~t l'âme Je ce très grand
Homme spirituel, en est aussi le soleil.
De ce soleil spirituel dont nous avons déjà
souvent eu occasion de parler, proviennent
toute chaleur et toute lumiè re s pi rituelles, c'es t
à-dire, tout Bien et tout Vrai divins; ce sont là,
les substances spiri.tuel:e~, créatrices de toutes
choses, qui prennent leur origine dans la
sphère qui entourele Seigneur. (Dos 34,35 ci­
dessus).
105. La chaleur spirituelle qui e~t le bien,
peut être perçue par les habitants du monde
spirituel au moyen de leul's sens, comme cha­
leur, mais elle est l'atmosphère de l'amour,
dont elle procède; on la nomme, dans les écrits
sur la Nouvelle Jérusalem, Cf. aure ».
La lumière spirituelle peut aussi appal'aîlre
comme lumière aux habitans du moncle spiri­
tuel, mais elle est la lumière de la pensée parce
qu'elle en procède égalemdnt; on la Domme
éther. L'aure est une atmosphère spirituelle;
il en est de même de l'étht'r. Les hommes de
science enseignent aussi qu'en dehors des at­
LE (1RAND MOl'\DE 141

mosphères que nous respirons, on trouve la


trace d'ume substance impalpable, imprégnant
toutes I.:hoses, qu'ils nomment également éther.
La vue naturelle de l'homme correspond à la
vue spirituelle de sa pensée; celle-ci voit dans
une lumière bien différente et bien supérieure
à la lumière du soleil naturel. C'est, en effet, la
lumière de l'entendement, qui donne non-seu­
lement la faculté de penser, mais la faculté de
voir intérieurement les formes les plus préci­
ses et les plus brillantes des objets de la pen­
sée.
Il l'n résulte que par cette lumière supé­
rieure qni émane du Seigneur, on doit pouvoir
VOil' dans le monde spirituel, tout ce qui y exis­
te, dès lors que la vue spirituelle est ouverte.
On doit y voir les manifestations des pen­
sées de chacun, sous les formes infiniment
variées de~ crAations des trois règnes de la
nature, langage des correspondances qui dé­
cril ces pensées et ces états de l'âme dans leurs
expressiJns variées. Or, ces créations variées
du monde spirituel sont les causes spirituelles
des créations naturelles du monde terrestre;
celle·ci sont dans les espaces et les temps.
Mais les créations du monde spirituel, qui est
en dehors des espaces et des temps, Eont les
images représentatives des états de l'flme de ses
habitants. L'l Bible nous en donne les exemples
dans ses de"icriptions des Yisions des Prophè­
tes, lorsque leur VGe dans le monde spirituel
ètait ouverte.
Ces images représentatives doivent donc se
modifier, disparaître et renaître dans les at­
mosphères spirituelles de l'amour et de la sa­
gesse, suivant les ch~\ngemellts de ces élats de
l'âme auxquels elles correspondent, de telle
sorte qu'on peut y lire couramment tOllS les en­
seignements de la sagesse divine, qu'elles ont
112 LE GRAND MONDE

pour objet de reproduire.


Nous avons vu que tous les organes du corps
humain ont chacun leur cause spiritllelle dans
chacune des sociétes angéliques, qu'ainsi les'
usages de chacun de ces organes ont, pour
cause, l'aff~ctioQ particulière ùe chaque so-
ciété du royaume du Seigneur.
Nous avons vu également qu'il en résulte que
le RoyaumE' entier du Seigneur doit apparaître
ùevantLui comme un ~eul homme, et ainsi pré-
senter une forme humaine générale, manifes-
taut l'ensemble de tous les usages des organes
du corps humain; ceux-ci expriment les affec-
tions des sociétés angéliques et leur développe.
lllent exprime la doctrine du Maximus Homo.
Le Seigne1lr est le centre et la source de tou-
tes ces affections, dont l' ense mble figurt: la forme
humaine. Il est l'âme ou la vie de ce Très Grand·
HommE', dit encore grand monde, ou macro-
urane.
!06. Tous les hommes sont aussi entre eux
dans les mêmes rapports que les différents or-
ganes du corps humain.
Nous sommes, tous, en effet, hommeg et
nations, solidaires les uns des autres, et les
nationalités existent autant dans le monde spi-
l'Ïtuel que dans le monde terrestre. C~la résulte
de ce que chaque grande société du monde spi-
rituel est comme une nation distincte, par cela
même qu'elle est en possession d'un principe
ou d'une affection qui pré,jomine chez elle, et
qui la distingue, en conséquence, des autreg
grandes sociétés ou nationalités.
Mais le principe de la formation des nationa·
lités ne peut plus alors être l'épée qui a servi si
souvent à imposer une unité factice aux
parties hétérogènes du troUIJeau humain; il
doit être le principe intérieur dont l'Apée n'est
LE GRAND MO~DE 143
que le symbole extérieur j or, partout, dans la
Bible, lersque l'epée est menlionnee, il s'agit
dans le sens spirituel du vrai, qui combat
au nom du bien. Dans le mauvais sens, il
s'agit du faux, qui combat au nom du mal.
!\fais la qualite du vrai, qui est l'instrument du
bien, diffère chez chaque nation, et caractérise
l'individualité propre de chacune d'elles, de
même qu'une épEle diffère par sa trempe et par
sa forme, suivant la nationalité de celui qui la
porte.
Toutes les nations du monde spirituel qui for­
men.t, par leur ensemble, le Royaume du Sei­
gneur, leur patrie commune, de même que
toutes les na lions du monde terrestre, qui for­
ment le grand être humanitaire, ont chacune,
suivant leur état spirituel, une patrie. Toutes
doivent préférer, sur la terre comme dans Je
Ciel, leur patrie à elles-mêmes, et le monde ter­
restre se présente ainsi comme la pp-pinière des
cieux. Il existe donc, soit sur notre globe, soit
sur d'autres globes qui gravitent chacun autout'
de leur soleil particulier, de grandes sociétés,
qui correspondent à celles du Royaume du Sei­
gneur, et aussi des nationalités qui se distin­
gueront les unes des autres, par des caractères
particuliers et des usages spéciaux auxquels
elles serviront, dans l'intérêt de la variété infi­
nie des affections qui animent les habitants
du Royaume du Seigneur.
107. Le Seigneur comme source de chaleur
de l'amour, est le centre de toute attraction et
de tout mouvement dans son Royaume. De la
sphère qui l'entoure rayonnent sur chacun de
ces plans de la vie spirituelle, des atmosphères
qui forment les Cieux de chaque monde qui com­
pose le Royaume du Seigneur et qui influent jus­
que sur le plan de la vie terrestre.
C'eat en vertu de ces lois de l'ordre, qui sont
]44 LE GI{AXD MONDE

d'une application universelle, qu'on peut ad·


mettre que tous les hommes ont, quant à leul's
âmes, une situation dans le Très Grand Homme,
c'est-à·dire dans le Royaume du Seigneur, ou
hors du Très Grand Homme, et alors dans les
sociétés infernales.
L'homme peut l'ignorer tant qu'il vit dans le
monde, et cependant, il est gouverné suivant
l'usage qu'il fait de son libre arbitre, soit par le
Ciel, soit par l'Enfer. L'homme méchant est
gouv~rné par les liens (,xternes, de la crainte
de la perte de ses illusions, et de son amour
pour le côté externe des choses.
Mais l'homme bon est gouveroé par les liens
internes de l'amour et de la sagesse qui consti­
tuent son union avec le Très Grand Homme;
celui-ci est le corps du Chl'ist, suivafit l'ensei­
gnement de l'Evangile de Jean, et aussi de l'a­
pôtre Paul.
CHAPITRE XIII

Le langage des nombres.

108. La concision dans le langage chez les anciens abou­


tissait li. exprimer en peu de mots, unc infinité de cho­
ses; mais notre langage moderne est plutôt analytique
que synthélique. Un des exemples les plus frappants de
cetle conciûon du langage ries sages est dans le sens
interne des nombres mentionnés dans la Bible. - 109.
Le même nombre peut servir à qualifier des choses diffé­
rentes, parce qU(;; ces chose$ difréf'entes ont un caractère
commun, susceptible d'être qualifié de cette manière.
Le nombre 3, toutes les fois qu'il est cité dans la. Bi­
ble, signifie ce qui est commencé et achevé. - 110. La
signification des nombres l, 2 et 3, est le point de dé­
part des significations de tous les autres nombres. - Ill.
Le nombre 4 signifie la conjonction du bien et du vrai,
de même que 2, dont il est le multiple. - 112. Le nom­
bre;) signifie peu ou beaucou)?, parca.que sa signification
dépend des nombres auxquels il se réfère. - 113. Le
nombre 6 signifie un état de travail et de tentation. ­
114. Le nombre 7 signifie la même chose que 3, un état
achevé et complet, mais plus particulièrement que le
chiffre 3, un état de sainteté résultant de l'œuvre de la
régénération dans l'homme. Le nom bl'e 8 signifie le com­
mencement d'un nouvel état. Le nombre 9, composé de
Get 3, signifie la conjonction, et dans le sens oppose,
l'absence de conjonction. - 115. Le nombre 10 signifte les
"eliquiœ, les l'es tes ou les dîmes. Le nom bre 11 signifie
ce qui est surabondant ou ce qui est prêt à le devenir. ­
116. Le nom bre 12 signifie toutes les crroses saintes de la
foi. -117. Les Dombres fractionnait'es signifient comme
leurs entiers, mais moins qu'eux. -118. Le nombre 666
signifie un état de profanation, mais aussi la pleine ::oon­
sommation et la fin de l'Eglise.
13
146 LE LANGAGE DES NOMBRES.

« Ici la sagesse est:


Qui a de l'intelli­
gence,qu'il comp­
te le nombre de
la bête, cal' nom.
bre d'homme, il
est: et son nom­
bre, 666. " (Apo~.
XIII, 18.)
108. Le génie du langage antique etait syn­
thétique: en peu de wots, on exprimait une in­
finite de penséeB, que chacun comprenait et
sous· entendait, par cela même que le sage de
l'antiquité voyait le côte interne des choses
plutôt que leur côté externe; il voyait les choses
en profondeur plutôt qu'à la surface.
Mais de nos jours, il faut beaucoup paraphra­
ser : aussi, nos langues sont devenues analy­
tiques, à ca use de notre tendance à vouloir
frapper l'imagination, plutôt que de faire appel
au jugement.
Notre réalisme étouffe l'antique spiritualisme,
car nous ne voyons les extensions du vrai, qu'à
la condition de les formuler extérieurement;
mais les détails viennent de nous et non de l'ins­
piration divine. Il en résulte, que tous nos sys­
tèmes religieux et tous nos monuments légis­
latifs à force de vouloir résoudre des questions
de détail, dont la solution devrait découler d'el­
le-même des prémisses une fois posées, devien­
nent des religions et des école s sectaires qui
s'éloignent de la vérité pour avoir trop voulu
la fixer. Or, la vérité, étant spirituelle dans
son essence, ne supporte toutes ces entraves
externes qu'à la condition de pouvoir cons­
tamment s'en affranchir en se retrempant dans
Pesprit synthetique.
On trouve certains restes d'une remarquable
concision de langa'ge dans les écrits des
ancIens; mais on en trouve les exemples les
LE LANGAGE DEi NOMBRES 14i
pills frappants dans la Parole révélée, dè~ lors
qu'on arrive à percer la nuée, qui est le sens
littéral, au moyen de la Illmière du sens spiri­
tUAl. On rencontre des noms en même temps
'-lue des nombres, qui sont mentionnés sans au­
cune raison apparente, lorsqu'en réalité, ces
noms et ces nombres signifient des qualités spi­
rituelles.
C'est parce que la Bible a été écrite surtout
en vue de son sens spirituel, qu'on y relève des
contradictions apparentes, principalement en
ce qui conr.erne les nombrE s qui y sont men·
tionnég. Ces contradictions du sens littéral,
sont apparentes seulement, parce qu'elles se
dissipent, dès qu'on s'élève dans la lumière du
sens spirituel.
Les commentateul's savants et sceptiques se
prévalent sou vent, dans leur ignorance de la
véritable valeur du langage sacré, de ces con­
tradjctions du sens littéral, pour nier que la
Bible soit un livre inspiré de Dieu; mais l'étude
même du sens spirituel de chacun des douze
premiers nombres nous montrera mieux leur
erreur.
109. Il arrive souvent que les mêmes nom­
bres servent à qualifier des choses différentes,
parce que ceg choses différentes ont un caraco
tère commun, susceptible, par conséquent, d'ê·
tre qualifié par le même nombre.
Pal' exemple, lorsque nous nous sommes oc­
cupés des trois plans de la vie céleste,spiri­
tuelle et naturelle, et encore des trois cieux,
puis ensuite des trois sens de la Parole révé­
lée, nous avons vu que ces sujets différents se
caractérisent ég:\lement par le nombee ternaire.
Or, le nombl'e trois, tire principalement sa signi·
fication spirituelle des trois éléments de l'unité
de toute œuvre, carla fin se réalise par la cause
148 LE LANGAGE DES NOMBRES

dans l'effet, de même que le bien se réalise par


le vrai dans l'acte qui en est l'application. De
là vient que le nombre trois, toutes les fois qu'il
est mentionné ùans la Bible, signifie ce qui est
commencé et achevé. Trois est donc le symbole
de tout ce qui apparaît comme complet.
C'est pourquoi le Seigneur pose à Pie rre
trois fois la même question: « M'aimes·tu 1 n
(Jean XXI, 17). Or, de même que Pierre, nou.,
sommes toujours attristés à la troisième de­
mande qui peut être faite à notre conscience,
cal' ce troisième appel signifie un appel pour
l'action, tandis que le premier appel exprime
un pur sentiment, et que le second exprime
une vérité simplement formulée que nous pou­
vons approuver, sans pour cela l'avoir mise en
pratique. Le cri ùe f10tre conscience est, en effet,
que nOlis devons mettre en l)l'alique les prin­
cipes que nous professons, car la religion con­
siste beaucoup plus dans la vie selon la doc­
trine que dans la doc!rine elle-même; celle-ci
n'est que l'instrument de cette application de
l'enseignement religieux à la vie. On voit donc
que le chiffre 1 figure le bien que nous devons
réaliser, par le moyen du vrai conjoint au bien
que 2 figure; l'acte même de réalisation est figu­
ré par le chiffre 3.
11 en ese ainsi de tous les autres nombres
mentionnés dans la Bible, ils ont tous un sens
spirituel par lequel ils peuvent servir à expri­
mer les mots du langage des nombres. Dans un
sens général, on distingue les nombres de la
classe céleste de ceux de la classe spirituelle.
Les nombres 5, 6, et 12 appartiennent il la clas~
se spirituelle: ils se disent des vrais et, par op­
position, des faux; les nombres 2, 4 et 8 sont de
la classe céleste et ils se disent des biens et
de leurs opposés, les maux.
Les nombres cités dans la Bible dont on s'est
LE LANGAGE DES NOMBllES 149

sel'vi, bien à tort, pour asseoir une chronologie


prétendue de l'histoire sainte, ou pour fixer les
âges de personnages mythiques, et même ceux
qui expriment réellement l'âge des personnages
historiques, tc~s que furent Abraham et ses des­
cendants, tous ces nombres ne sont cités qu'en
vue de leur sens spirituel, qui est d'exprimer
les qualités ou les états de régénération de l'âme
humaine; en effet, un livre révélé de Dieu ne
fait de la science ou l1e l'histoire, qu'en vue des
vérités spirituelles voilées derrière ces signes.
Laturels, que les hommes considèrent souvent
comme les seuls importants,
Nos observations sur les trois premiers cllif­
Cres 1, 2,3, montrent dPjà que l'unité figure le
bien, etpar suite ce qui est parfait. Le bien est,
en effet, la source ou l'essence du vrai, et le
principe générateur de toutes choses. Il est
donc rationnel de le qualifier par 16 chiffre 1,
d'autant plus qu'il a pour principe le Dieu uni­
que, que ce chiffre représente également et qui
de plus est qualifié de parfait.
L'homme lui.même, quoiqu'il soit qualifié par
une grande variété d'organe9, est à l'image de
Dieu; il est donc également un. Mais un, peut
être pris aussi pn mauvaise pal't; il signifie
alors le bien confié à la mémoire seulement et
non en même temps à la vie: c'est alors le bien
séparé du vrai ou la charité séparée de la foi.
Le uombl'e deux, signifie la coujonction, car
il caractérise l'union du bien et du vrai, ou de
la charité et de la foi. Dans un sens opposé deux
signifie la conjonction du mal et du faux, Du
nombre deux, on peut tirPl' la signification spi­
rituelle des nombres: 4,8, 16, 400, 800, 1,600,
4000, 8000, 16,OCO. car ils proviennent de 2
multiplié par lui-même et par d('s multiples de
iO, IJombre dont nous aurons a examiner la si­
gnification.
1JO tE tANGAGE DES NmlBRES

Nous avons vu que le nombre frais signifiait


ce qui est complet du commencement à la fin.
Du nombre trois, on peut donc tirer la signiflca­
lion spirituelle des nombres 6, 12, ~4, 72, 144,
f44ù, 144,000, car ils proviennent tous du
nombl'e trois et de ses multiples.
HO. Observons que fous les nombres saut
virtuellement contenus dans le nombre quatre,
car l'addition des quatre premiers cbiffres
donne 10; c'est pourquoi le nombre 10 signifie
tous les nombres, car arrivé à tO, nous recom­
mençons à compter les mêmes séries de chif­
fres, par la raison que le système de calcul gé­
néralement adopté est le système décimal.
Hi. Quatre ou deux multiplié par lui.même,
signifie, de même que deux, la conjonction ou
l'union. Il indique l'ensemble de tout ce qui
peut être embrassé dans une vue synthétique
par les trois premiers nombres. Les quatre
points cardinaux, les quatre vents, les quatre
saisons de l'aonée, et les quatre parties dujour,
signifient aulant d'étals divers du bien et du
vrai envisagés dans leur vue d'ensemble.
Ainsi l'orient, le printemps ou le malin, si­
gnifient le bien qui commence. Le sud, l'été et
le midi figurent le vrai se manifestant dans sa
lumière. L'occident, l'automne et le soir, signi­
fient le bien dans son déclin. Le septentrion,
l'hiver et la nuit, figurent le vrai tombant dans
l'obscur.
Hi. Le nombre cinq signifie peu ou beau­
coup, parce que sa signification dépend des
nombres d'où il vient. Quand dix signifie
tout, sa moitié ou cinq signifie quelques-uns.
On lit dans Luc XII, 6: « Cinq pasl'ereaux ne
«sont·ils pas vendus deux sols ~ et pas un seul
q d'entre eux n'est en oubli devant Dieu. ) Cinq
passereaux signifIent ici, des choses de peu de
valeur par rapport à l'homme.
l,B LAMAGE DES NO~IBRES HH

On trouve plus loin au verset 52 du même


chapitre de Luc, un autre exemple qui peut
servir à nous montrer que la signification du
nombre cinq, dépend des autres avec lesquels
il est mis en regard. 11 est dit: «Car ils seront
«désormais cinq dans une maison, divisés; trois
«contre deux, et deux contre trois. » Par cinq
dans une maison,il est signifié tous,ou beaucoup
dans l'Eglise en genéral, ou beaucoup de choses
l'lans le mental de l'homme. Ils sont divisés
l'ois contre deux, et deux contre trois: cela si­
gnifie que les vrais seront opposés aux maux
et les maux aux vrais; et, ainsi que les faux se·
ront opposés aux biens et les biens aux faux.Il y
a là l'exemple d'Une signification opposée dans
le même nombrtl, suivant le sens dans lequel on
le prend. En effet, trois peut être dit, soit des
vrais, soit des faux, et deux, soit des biens, soit
des maux. En général, le nombre 5 se présente
comme la conclusiOll de tout ce qui a été envisa­
gé par les quatre premiers nombres.
Du nombre cinq,peut être tirée la signification
spirituelle des nombres 10, 50, 100, 1,000,10.000,
100,000, car ces nombres ne sont que des mul­
tiples de cinq et de deux.
113. Le nombre six, signifie tout état de tra­
vail et de combat cOntre les tentations; cet état
est antérieur à ['état signifié par le nombre
sept. Ce nombre signifie aussi toutes les cho~es
de la foi et de la charité, car il est composé de
trois multiplié par deux; or, par trois e,st en­
tendu le complet par rapport au vrai, et pal'
deux, le complet par rapport au bien.
On rencontre souvent le nombre ternaire
ainsi que le nombre septénaire dans la Bible;
or, ces nombres trois et sept, signifient quelque
chose de saint, en ce qui concerne les états de
ceux qui se régénèrent.
Ces états sont figurés par d'3S . temps; ou
152 LE LANGAGE DES NOMBRES

d'autres expressions numériques, que las


nombres renferment ou représentent.
Ainsi, le nombre trois peut signifier ta rés ur·
rection, parce que c'est le troisième jour après
le crucifiement que le Christ ressuscita. C'est
dOllc toujours un état complet qui est signifié
par le nombre trois.
114. Les difIérentes phases de la régénéra­
tion de l'homme sont représentées dans la ûe­
nèse sous la figure des sept jours de la création
du monde. C'est pourquoi, le septième jour ùe
la semaine,-qualifié de sabbat, est un jour saint,
consacré au repos. C'est le jour de la cessation
des combats contre les tentations du mal, el de
la victoire sur les maux et les faux.
Dans le même sens que le nùmbre trois, le
septième jour signifie la glorification de l'hu­
manité du Seigneur, c'est-à-dire, l'union par­
faite de son Humain avec son Divin. Ainsi le
nombre 7 signifie la même chose que 3, un état
achevé et complet, mais plus particulIôrement
que le chiffre 3, un état de sainteté résultant ùe
l'œuvre de la régénération dans l'àme hu­
maine.
Dans un sens opposé, le nombre sept. signifie
tout ce qui est profane; en eff'et, de même que
les phases de la régénération sont distinguées
par les sept jours de la création, de même
celles de la décadence ou de la vastation peu­
vent être distinguées aussi en sept.
Ainsi, il est dit dans Daniel, IV, tG.: «Que
« son cœur soit changé pour n'être plus un cœur
,( d'homme, et qu'il lui soit donné un cœur de
«bête, tt que sept temps passent surlui.»
Du nombre sept, on peut tirer la signification
spirituelle des nombres 14, 70, 700, 7.000,
70.000, car ces nombres ne sont que des mul­
tiples de 7 et de 10,
Le nombre huit, étant composé de sept plus
LE LA~GAGE DES NOM~RKS 153

un, signifie le commencement d'un nouvel élat,


et aussi une continuation d'un premier état, par
une nouvelle évolution. C'est pourquoi, le sab­
bat fut changé du septième jour au premier de
la semaine, pOUl' indiquer la nouvelle Eglise
chrétienne qui commença après la fin de l'E­
glise j ui ve.
Le nombre neuf est composé de trois et de
six; il est dit des vrais et. des faux; il signiile
ce qui est plein et complet; il signifie aussi la
conjonction. Dans le sens opposé, il signifie
l'absence de conjonction à cause du manque de
toi et de charité.
115. Le nombre 10 signifie, en général, les
restes du bien et du vrai, qui ont été conservés
par le Seigneur daus l'homme, depuis l'enfance
jusqu'à la fin de sa vie, pour qu'il puisse. après
la vastation des maux et des faux, se régéné­
rel': de là, l'usage des dîmes dont il est ques­
tion dans la BibLe (Nombl'es XVIII, 21 et Deutér.
XIV, 22, 28). Le dixième des fruits était voué
au Seigoeul' ou à son Eglise, à cause de cette
signification du nombre 10.
Ce nombre signifie aussi toat. Par le Déca­
logue qui ~ignifie les dix Paroles, il est en­
tendu tOlItes les vérités divines enseignées
ddns la Bible, parco que le Décalogue est le
sommaire du Livre entier. On voit que c'est à
causede la signification spirituelle du nombreiO,
qu'on appelle les tables de la loi, les dix Pa­
roles, bien qu'li yen ait plus de dix.
II est souvent question, dans la Bible, des
restes ou reliquiœ (1).
Dans les écrits sur la Nouvelle Jérusalem, on

(1) Genese, XVIlI. 3Z

Bsaïe, LV. 3,4, VI, 12, \3. X. 20,21, .<12

Michée, V. G.

Arnos, V. 3.

154 LE LANGAGE DES NOMBRES

entend par ces restes ou 1'eliquiœ, tout bien ou


tout vrai que le Seigneur insinue par son influx
divin dans l'homme interne, depuis son enfanCe
jusqu'au dernier moment de sa vie. L'homme, à
son tour, par les connaissances qu'il acquiert
durant sa vie dans le monde, au moyen de ses
sens 0U à l'aIde de l'influx de la nature, implante
dans son homme exterae, les restes dits reli­
quiœ, emmagasinés par le Seigneur dans son
homme interne; il se les approprie en les mani­
festant au dehors, à la lumière de sa pensee, et
en les appliquant à sa vie.
On voit que ces restes sont non-seulement les
biens et les vrais qui résultent de la méditation
de la Parole révélée, et constituent son livre de
vie, à mesure qu'il se régénèl'e pour les impri­
mer dans son cœur (v. nO 98 ci-dessus), mais
ce sont aussi les nouveaux états de vie, tels que
les états d'innocence pendant son enfance, d'a­
mour envers les parents, les frère8, les institu­
teurs et les amis. Ils sont conservés par le Sei­
gneur chez l'homme interne qui, même, ignore
leur existence et ne peut par suite les manifester
au dehors, tant qu'il reste dans l'amour du mal
et du faux; ils ne deviennent utiles que pour
l'usage de la vie spil'ituelle. Telle est aussi la
signification des dîmes.
Le nombre ii, lorsqu'il se réfère à iD, signifie
ce qui est surabondant, parce que 11 est plus
que JO, nombre qui signifie tont; mais lor$qu'it
se réfère à. 12, nombre qui indique toutes cho­
ses dans leur plénitude, il signifie un état non
encore dans la plénitude, mais prêt à devenil'
tel, comme dans Je cas des enfants qui ont de
bonnes dispositions.
ii6. Douze est un nombre des plus saints, car il
signifie toutes IfS choses saintes de la foi. C'est
un nombre universel qui comprend toutes les
choses de l'E~li~e et du Royaume du Seigneur,

LE LANGAGE DES N01.UlRES 1~5

Nous ayons vu que 3 signifiait ce qui est


complet, en ce qui concerne les vérités ou le.s
doctrines; que 4 signifiait la conjonction en ce
qui concerne tous les principes du bien. De là
vient que leur produit 12, sig'nifie toutes les doc­
trines du bien et du vrai, ou la réception de
toutes celles qui constituent l'Eglise. C'est
pourquoi les douze patriarches et les douze
tribus d'Israël ·représentent l'Eglise israélite.
De même aussi, il y eut douze apôtres, qui fu­
rent les disciples immédiats du Seigneur au
commencement de l'Eglise chrétienne.
117. En ce qui concerne les nombres fraction·
naires, ils ~ignifientmoins que leurs entiers,
parce qu'ils n'en sont que des fractions; c'est
pourquoi leurs significati.ons diminuent avec
l'accroissement des fractions, jusqu'à ce que
leur pouvoir de signifier soit presque éteint.
Ainsi, une demie plus trois, signifie le commen·
cement d'un nouvel état, ajouté à un étal ancien
déjà consommé et fini.
La connaissance du sens interne des douze
premiers nombres doit suffire pour nous aider
à découvrir le sens interne de tous les autres.
118. Le chapitre xm de l'Apocalypse qui a
été commenté dans le livre de l'Apocalypse
Hévél.ée d'E. Swédenborg, mériterait d'être étu­
dié avec soin. Dans ce chapitre, en effet, l'etat
religieux des sociétés aux xvu e ,Xvllle et XIX e
siècles est prédit. Il est dit: « Et je vis de la
mer une bête qui montait ayant sept têtes ~ ...
« et SUl' ses têtes un nom de blasphème » ... « Et
je vis une autre bête qui montait de la terre »...
« et elle fait que personne ne peut acheter 011
vendre, s'il n'a le caractère ou le nom de la
bête, ou les nombres de son nom. »(Apoc, XIII,
i à ii).
Les deux bêtes représentent: l'une les la'iques
et l'autre les ecclésiastiques qui nient la divinité
HiB LE LANGAGE DES ~OMlIRli:S

de Jésus-Christ. Le blasphème signifie la néga-


tion du Divin Humain du Seigneur et la doc-
trine de l'Eglise, tirée non de la Parole révélée,
mais de la propre intelligence.
Ce chapitre XIII se termine ainsi: <{. Ici la sa-
gesse est : Qui a de l'intelligence, qu'il compte
le nombre de la bête, car nombre d'homme il
est; et son nombre six cent soixante-six.:p
Avoir de J'jntelligence, c'est être enseigné par
le Seigneur, c'est-à-dire être éclairé par sa
Vérité. Compter le nombre, signifie connaître
la qualité; par le nombre est signifié la qualité
et comme la qualité signifiée, est la qualité
quant au vrai, et que tout vrai de la doctrine
et de la foi de l'Eglise vient de la Parole ré-
vélée, c'est pour cela qu'il est entendu la qua·
lité des confirmations d'après cette Parole ré-
vélée : c'est cette qualité qui est entendue par
le nombre 666. Ce nombre signifie donc que
tout vrai de la Parole révélée a été falsifié.
Ce nombre 6 d'où dérive le nombre de la bête,
signifie la même chose que 3 multiplié par 2, et
aussi la même chose que 12, dont c'est la moi-
tié, à savoir tous les vrais et tous les biens de
l'Eglise; mais ici il doit être pris dans un sens
opposé, car il se rapporte à la bête; ce qui fait
qu'il signifie tous les faux et tous les maux col-
lectivement. Ce nombre 666 suppose donc, non-
seulement un état de profanation, mais aussi
la pleine consommation ou la fin de l'Eglise,
dont les erreurs prédominantes, sont ainsi ca·
ractérisées dans ce langage symbolique.
Ces observations sur le langage de.s nombres
doivent nous suffire pour le présent, car ce lan-
gage peut être c:>Dsidéré comme un idéal telle.
ment supérieur à notre langage actuel qu'on
est fondé à croire qu'il ne pourra devenir fami-
lier aux hommes, que dans l'âge d'or futur de
l'humanité.
CHAPITRE XI V •

Le langage des couleurs.

1J9. - La lutte des éléments à laquelle nous assistons


dans la nature physique, n'est que la reproduction ma­
térielle du combat spirituel du bien contre le mal dans nos
âmes. Il y a alliance entre Dieu et l'homme,lorsque celui-ci
accepte le bien et le vrai pour les appliquer à la vic. 120.
De même que pour rarc-en-ciel naturel,il faut aussi pour
produire rarc-en-ciel spirituel,que la pluie tombe. Cette
pluie spirituelle est l'instruclîon qui nous montre les diffé­
rentes faces du bien et du vrai, flglu'ées par les sept
principales couleurs. - 121. Il Y a quatre couleurs qui
ont toujours été attribuées aux quatre éléments: le
rouge pour le feu, le bleu pour l'air, le vert pour l'eau
et le noir pour la terre. Il Y a deux teintes noil'es fIgu­
rant le mal et le faux. Nos élévations successives dans
le bien ot le vrai sont figurées par le violet, l'indigo, le
bleu, le verl, le jaune, l'orange et le l'ouge. - 122. Celte
première phase des sept couleurs ne figure encore que
notre élévation au Ciel naturel.·l1 faut repasser par les
mêmes phases pour nous élever au Ciel spirituel et en­
suite pour noui élever au Ciel céleste. - 123. Les trois
couleurs.fondamentales, le rouge, le jaune et le bleu, figu­
rent la trinité dans l'unité, et ainsi le bien, le vrai e~ la
vie combinées. L'unification des sept couleurs dans le
blanc représente Dieu, dans son unité. Confirmations
scientifiques de ces significations symboliques des trois
couleurs fondamentales. - 124. Le Ciel naturel est
figuré par le blanc teinté de vert, le Ciel spirituel par le
blanc teinté de bleu azur, et le Ciel céleste par le blanc
teinté de rouge de feu. - 125. Significations des couleurs
gris, rose, pourpre, hyacinthe, roux et jaune de sou­
fre. Le langage des couleurs est plus riche que la langue
parlée et il s'explique rationnellement. - J26. L'obliga­
tion imposée aux Juifs d'avoir une frange sur les pans
de leurs vêtements. avec un fil d'écarlate teinté de bleu,
représentait la nécessité de pratiquer les doctrines pro­
lessées par eux.
14
018 LE LANGAGE DES ,COULEURS

" J'ai donné mon arc


dans la nuée, et il
sera en signd de
l'alliance en~l'e moi
et la terre ,,(Oe­
nèse IX, 13).
119. On ne peut douter que l'arc-e n-ciel dont
parle la Genèse ne soit un arc-en -ciel spiritu el.
L'âme humai ne a son atmosp hère dans laquell e
elle vit et respire spiritu elleme nt et dans la­
quelle les phénom ènes météor ologiq ues de la
pluie et de l'arc-e n ~ciel, se manife stent d'une
manièr e aussi frappa nte et aussi réelle, que les
phénom ènes nature ls qui appara issent dans
notre atmosp hère terrest re.
La lutte des élémen ts à laquell e nous assis­
tons dans la nature physiq ue n'est que la re­
produc tion matéri elle du comba t spiritu el du
bien contre le mal, du vrai contre le faux; ce
qui se traduit dans le langag e des couleu rs, par
la lumièr e blanch e qui doi t percer 1es ténèbr es
de l'obscu rité noire, dans laquell e nous sommes
d'abord plongé s: nés dans le natura lisme, nous
devons renaîtr e à nouvea u dans le spiritu a­
lisme.
Dans les atmosp hères de nos afIecl.ions et de
nos pensée s, il y a des pluies spiritu elles qui,
lorsqu' elles sont bienfai santes manife stent l'in·
flux du bien et du vrai en nous; mais lors­
qu'elle s sont malfai santes, c'est le mal et le
faux qui, en effluant de notre amour du côté ex·
terne et naturel des choses , luttent pour pré­
domin er dans nos mentai s.
Dans l'atmos phère spiritu elle de nos âmes, de
même que dans l'atmos phère matéri elle de nos
corps; il y a des nuages épais qui se produi sent,
mais il ya aussi des splend eurs de lumièr e
danS la pensée humain e. Il ya des jours som­
bres et des jolIrs brillan ts; des brises salutai res
et des orages terribl es; des pluies battant es et
LE LANGAGE DES COULEUn.S Hi
des averses rafraÎchissa ntes.
Ces phenomènes spirituels sont aussi vivants
et réels pour nosâmes que les atmosphères ter­
restres pour nos corps; ils constituent le carac­
tère et l'humeur de chacun de nous, dans toutes
leurs diversités. Or, pour qu'ils se produisent
si sensiblement dans nos âmes, il faut admettre
l'existence d'un soleil spirituel, d'an soleil de
rùme, qui dirige dans nos volontés 3es rayons
de chaleut' pour nous inspirer des affllclions, et
qui dirige aussi dans nos entendements ses
rayoDs de lumière pour nOlIS faire voir clair dans
nos pensées.
Le rayon de soleil de la nature passe invisible
à travers l'espace, jusqu'au moment où il frappe
sur un objet impénétrable, et c'est alors qu'il se
réfracte et qu'il est perçu sensiblement par
nous.
Le rayon du soleil spil'itucl vient en vertu de
la même loi, frappér' notre volonté et notre en­
tendement qui en constituent les vases récep­
tacIes ; car son pouvait' ne devientapparent que
lorsque la réaclion surgit de son action sur le
mental humain.
En d'autt'es termes, dans la mesure que
l'homme accepte le bien et le vrai pour les ap­
pliquer à la vie, par amour de Dieu et pat'
amour du prochain, dans la même mesure, il y
a alliance entre Dieu et l'homme, entre le Ciel
et la terre, etc'est là ce qui est siguifié par l'ëJrc
dans la nuée
120. Mais les ardeurs de ce wlell de l'âme,
sont tempérées par des nuages, car c'est à tra­
vers les gouttelettes d'eau dout les nuages sont
formés que les rayons du soleil se réfractent et
qu'ils réfléchissent les sept principales nuances
naturelles du bien et du vrai. On peut pour étu­
dier plus commodément le pb.énomène de l'arc­
en-ciel, le reproduire h volonté, en remplaçant
160 LB LANGAGE DES COULEURS

la pluie par un prisme diaphane, à travers le·


quel on fait passer un rayon de lumière du so­
leil: il se décompùse aussitôt dans les sept
principales couleurs; qui sont: le violet, l'in­
digo, le bleu, le vert, le jaune, l'orangé et le
rouge.
De même que dans l'arc-en-ciel naturel, il
faut aussi que dans l'arc-en-ciel spirituel, la
pluie tombe pour le produire. Cette pluie spiri­
tuelle est l'instruction procédant du Seigneur,
qllÏ fait pénétree la clarté du sens spieituel
de sa Parole, à travers la nuée; celle-ci est le
voile du sens littéral que nous devons ainsi ar­
river à percer. C'est alors que cette pluie des­
cend sur nous comme une rosée ou comme Ulle
averse rafraîchissante qui nous présente la vé­
rité sous ses différentes faces, figurées par les
sept principales couleurs de l'arc·en ciel.
121. Il ya quatre couleurs qui ont toujours
été attribuées aux. quatre éléments: le rouge
figure le feu, l'azur ou le bleu figure l'air, le
vert figure l'eau, et le noie figure la terre.
l\lais il ya deux s1rtes de terres, ou pour par·
1er plus exactement deux: sortes de couleurs
noires: l'une opposée à la sagesse figurée par le
blanc, l'autre opposée à l'amour figuré par le
rouge. La première couleur noire figure le faux
et la seconde figure le mal; le mal est caracté­
risé par la nuance tannée, rousse ou brune som­
bre.
Ces deux couleurs noires sont spirituellement
en nous, durant tout le temps qui précède notre
réformation par la repentance et notre régé.
nération par l'appropt'iation du bien et du vraI.
A mesure que la vérité nous éclaire, elle lance
d~s lueurs sur les abîmes d'obscurité de l'at­
mosphère de nos âmes; ces lueurs premiè­
res, en pénétrant dans les ténèbres, jettent
d'abord des reflets rouges 6t bleus qui, par leur
LE LANGAGE DES COULEURS i61
mélange, produisent le violet, la premlere
nuance des sept couleurs. L'indigo figure la
verité que nous commençons à entrevoir; nolre
désir de la pratiquer est figuré par le rouge.
Pour réaliser ce désir, il faut d'abord. écarter
nos maux et nos faux., et pour cela, il faut pas­
ser pal' le baptême de la repentance, qui est le
baptême d'eau et qui figure une première la­
vation spirituelle.
Le mauteau de la repentance e~t donc la
couleur violette; c'est aussi l'expl'ession du
combat contre les tentations. Dans les monu­
ments symboliques du moyen ·âgA, Jésus-Christ
porle la robe violette durant la passion. Le via­
l~t fut affecté aux martyt's, et adopté comme
SIgne de deuil.
Lorsque nous opérons en nOlIs-mêmes la pu­
rification spirituelle, cela est encore représenté
ducs la Bible par la misél'icot'ùe de Dieu qui se
meut sur les faces des eaux suivant le langage
de la Genèse (1. 2). Ces eaux. ligul'ent précisé­
ment nos connaissances du vrai et du bien. La
couleur verte des eaux. représente, en effet, par
leur mélange du bleu et ùu jaune, une éléva­
tion de nous-mêmes daus une vue plus claire
du vrai et dl1 bieu que no'Js devons meUre en
pratique; ce qui nous fait accomplir la pre­
mière phase de notee régénération, qui est la
phase de réformation (V. nO 21 ci-dessus).
A mesure que l'instruction augmente sa pluie
bienfaisante en nous, nous nous élevons peu à
{Jeu aux. clartés plus grandes du bien et du
vrai, figurées par le jaune et l'orangé, et qui
I>ont comme le baptême de l'esprit saint; en­
fin, lor~que plus tard, nous nous élevons jus­
qu'à la couleur rouge qui représente le feu de
l'amour, c'est nott'e régéuération qui s'accom­
plit; nous avons alors réalisé le tl'i pie baptême,
donL il est parlé en ces termes danS ce pas"age
162 1.E LA~GAGr;: MS COULEURS

de l'Ef'angile de Matthieu (III. fi) : « .Moi, il


« est vrai, je vous baptise d'eau pour la l'epen­
<t tance, mais celui qui vient après moi est plus
« fort que moi, Lui vous baptisera d'esprit saint
« et de feu. »
122. Mais ces sept premières phases de notre
régénération, figurées par les eept couleurs de
l'arc-en-ciel, ne nous Edèvent d'abord qu'au
plan de vie du Ciel naturel; nous devons, pour
nous élever au plan de la vie du Ciel spirituel,
repasser par les sept principale!; nuances qui
réapparaissent alors plus brillantes, puis enfin,
en troisième lieu, repasser par les mêmes pha­
ses encore plus riches d'une nouvelle gamme
des sept couleurs, pour nous élever jusque sur
le plan de la vie céleste.
123. La science DOUS enseigne que sur les
sept principales couleul's qu'on distingue daos
l'arc-en-ciel, il y en a quatre qui ne sont que le
. résultat du mélange des tl'ois autres. Ces qua·
ÎI'e: l'orangé, le vert, l'indigo et le violet, ne
sont donc que les dérivés des trois couleurs
essentielles: le rouge, le jaune et le bleu.
La première instruction que nous tirons de
cette étude scientifique des couleurs est la
preuve de l'existence d'une trinité des couleurs
fondamentales 'dans chaque rayon de soleil, Il
Y a donc dans le soleil naturel un reflet de la
Trinité divine, de même que dans 1e soleil spi­
rituel, qui fail influer en nous le bien, le vrai
ct la vie, pour la creation et pour l'alimenta­
tion de nos âmes. Ainsi, il existe dans la nature
du soleil physique, qui n'est que l'image ma­
térielle du soleil spirituel, une trinité dans \'u­
nitB elune unité dans la trinité.
Cette trinité dans l'unité et cette unité dans
la trinité résultent ici de ce fait scientifique­
ment démontré, que les trois couleurs essen­
tielles, ainsi que les dérivés innombrables de
LE I.A1\GAOE DES COULEl;RS 163

leurs mélanges, s'unifient par leurs supel'­


positions dans un rayon de lumière blanche,
et ainsi dans le blanc qui signifie la sagesse.
Deux principes opposés, représentés par le
blanc et le noir, par le bien et le mal, sont tou­
jours en lutte l'un cuntre l'autre.
Le blanc de la lumière qui, dans son éclat,
unifie toutes les couleurs, représente le Dieu
unique, qui est la Vérité même, et le représente
aussi dans sa divine sagesse. On trouve, en
effet, dans la Bible, que le prophète Daniel
(VII. D. X. 5), voit la Divinité revêtue ù'un
manteau blanc comme la neige, et sa chevelure
est blanche ou comparée à la laine pure.
Maisla lumière blanche, légèrement teintée
de jaune, n'est que la dérivation de la lumière
rouge du feu; de n~ême que le nai dérive du
bien, de même le bleu figure la réalisation du
bien et du vrai dans l'acte. Le l'ouge signifie
donc la chaleur de l'amour.
Le divin amour et la divine sagesse sont re­
présentés par lcl rouge et le blanc. Les savants
sont d'accord pour reconnaître que le rouge est
le principe caiorl1Îque, le jaune le principe lu­
ly,jneux et le bleu le principe chimique qui
opère l'action.
Les significations symboliques de ces trois
couleurs fondamentales se trouvent donc con­
formes à leurs caractères scientifiques, car le
rouge représente l'amoul', le jaune la sagesse à
réaliser dans l'amour et la couleur bleue la vé­
rite de fait,on la réalisation même de l'amoul' par
la sagesse.
Les significations symboliques de cette trinité
des couleurs, ont encore été confirmées scien­
tifiquement plir les phénomènes de la végéta­
tion. L'expérience a montré que les planles vi­
vent et croissent remarquablement sous l'in­
fluence des rayons rouges et jaunes, mais que
164 LB LANÙAGE DES COUL~UR8

les fieurs meurent, et qu'aucun fl'uit ne peut


être produit sans le pouvoir vivifiant cles rayons
bleus.
124. Dans le plan de la vie céleste qui est
celui de l'amour du bien pour le bien, il yaura
prédominance de l'amour et, par suite, prédomi­
nance de la teinle rouge du feu sUl'la blancheur
produite par le mélange des sept couleurs.
Dans le plan de la vie spirituelle qui est l'a­
mour du vrai pour le vrai il y aura prédomi­
nance de la teinte azurée ou bleue qui figure la
vérité. 'l'el était Luc-en-ciel de Noé.
Dans ce plan de la vje naturelle, la teinte pré­
dominante sera le vert, résultant du mélange du
jaune 8t du bleu; mélallge qui représente les
effet', de l'union du bien et du vrai. C'est ainsi
que l'arc-en-ciel, semblable d'aspect à une
emeraude, dont il est question dans l'Apocalypse
(IV. 3), se l'Mere au Giel naturel, parce qu'il est
teinté de vert.
12i>. La règle, en ce qui concerne les couleurs
composées, est que celle qui domine donne à
la nuance sa signification générale et que celle
qui est dominée ne fait que la modifier. Ainsi le
gris qui est composé de blanc et de noir, e'x­
prime, suivant que le blanc domino plus ou
moins sur le noir, un élat plus ou moins élevé
de régénération de l'àme, qui veut sortir de la
noirceur de la terre, pour s'élever à la blancheur
du Ciel. Le rosa qui est composé d'un peu de
rouge et de beaucoup de blanc, signifie l'amoul'
naissant de la sagesse. Le pourpre qui est d'un
rouge azuré où le rouge domine, signifie l'a­
mour de la sagesse, ou l'amour celeste du bien.
L'l couleur hyacinlhe qui est uu bleu pourpr'é
où le bleu domine, signifie l'amour célesle du
vrai ou la sagesse de l'amour.
Le roux qui est le rouge dégradé, exprime
le mal qui appartient à l'amour de soi. Dcl mê­
LB LANGAGE DES COULEURS 160
me le jaune, couleur de l'or, represente dans
l'autre vie, le bien céleste; son opposé, repré-
senté par le soufre qui consuma la ville de So-
dome, est l'image de l'égoïsme orgueilleux qui
ne cherche la sagesse qu'en soi; de nos jours
le jaune denote encore la jalousie et l'adultère.
Les nuances ré sultan t des combi naisons des
couleurs, sont tellement innombrables que si
des noms distincts, étaient assignés à un grand
nombre d'entre elles, le langage des couleurs
deviendrait la langue la plus riche et la plus
étendue pour transmettre la pensée. En réalité,
elle est plus riche que la langue parlee pré-
cisement à cause de la variété inflllie des nuan-
ces. A l'aide des règles fondamentales que nous
venons de formuler, on voit que cette langue
telle qu'elle existe dan.> la Bible, n'est nulle-
ment fantaisiste car elle peut se comprendre et
s'ex pli quel' ra tion nelleme nt.
Cette correspondance entre les sign€'s et les
choses signifiées peut se rellcontrer dans la vie
sociale. l'al' exemple, le caractère distinctif de
la nationalité française, son amour d'une liberté
• assurée par l'égalité devant la loi, et réalisée
dans la fraternité, est admirablement symboli-
sée dans les trois couleurs nationales de son
drapeau: le rouge est le representatif de l'a·
mour et par suite de la liberté; le blanc, fùrmé
de la réunion des sept couleurs de l'arc-en-ciel,
est le résultat de l'unité dans la variéte; il fi-
gure la vérité en elle-même, la sagesse et l'é-
galité devant la loi; le bleu annonce le firma-
ment, couleur de l'air, dont l'agitation, le vent,
oule souff1e, inspire la vérité, qui, par ses appli-
cations devient le principal instrument de la
fraternité.
126. Il ne faut donc pas se figurer qUH cette
étude de la symbolique des couleurs, soit une
étude oiseuse et stérile en bons résultats. Nou
1GB I.E LANGAGE DES COUf,EURS

allons. pour finir, puiser dans la Bible un exem­


ple de son utilité.
La nécessité de pratiquer les doctrinas qu'on
professe, est enseignée partout dans la Bible.
« Heureux les pauvres en l'esprit, parce qu'à
eux est le royaume des cieux », s'écrie Jésus,
(Matth. V, 3), dans son sermon sur la montagne.
Ceux-là, en effet, sont les simples, qui pensent
qu'ils ne savent rien par eux-mêmes, mais
qu'ils ne sont sages que par le vrai qui procède
du Seigneur, car à l'opposé des hommes dou­
bles, ils parlent suivant la sincérité du cœur.
On ne se doute guère que le même enseigne­
ment se trouve voilé figur::ttivement dans cer­
tains détails du costume des Juifs. Dans le livre
du prophète Zacharie (VIIr, 2;1), on lit: « Ainsi
4. a dit Jéhovah Sébaolh: En ces jours-là, dix

«hommes de toutes langues des nations, 8aisi­


« l'ont le pan de la robe d'un Juif en disant: Nous
" irons avec vous, parce que nous aVOns entendu
« que Dieu est avec vous. » Pour Lien compren­
dre le sens spirituel de ce texte, il faut observer
qu'il était commandé aux Juit'~, non-seulement
d'avoir une fl'ange sur le$ pans de leurs vête­
ments, mais aussi de mettre sur la frange un lil
d'écar!atedouble teint. D'après la valeur du mot
hébreu ce fil devait être d'un rouge teinté de
bleu. (Nombres, XV, 38).
S'il n'y avait pas là un sens spirituel voilé
sous cette particulari té du costume Juif, il eût
été indigne du Dieu 'l'uut-Puissant, de légifét'et'
sur de tels détails de toilette. Mais partout daos
la Bible, les vêtements figurent les doctrines,
ou les vérités qu'on professe, et dont on se re­
vêt comme d'un vêlement. Le caractère distinc­
tif de la frange, est que la matière dont elle est
composée, est divisée en petites portions, qui
sont unies à la partie supérieure, et qui pen­
\lent séparément à la partie inférieurl:l, sous
LE LANGAGE DES COULEURS 167

une forme légère et gracieuse. L'idée suggérée


par là est qne la religion doit être appliquée
dans toutes les petites affaires de chaque jOllr,
aussi bien que dans les grandes occasions.
Quant au fil d'écarlate double-teint, qui est l'é­
cal'late teinté de bleu, il s'explique en ce sens
que la teinte rouge de l'écarlate, indique que
toute vérité, pour être acceptable, doit être
echauffée par l'amour, car la vérité n'est acces­
sible que lorsqu'elle est présentée sous une forme
agréable. La teinte bleue du firmamelJ.l désigne
le vent qui souffle la vérité qu'on veut mettre en
pratique. L'enseignement qui s'en dégage, est
donc que la religion ne doit pas être comme un
vêtement qu'on met le dimanche seulement, ou
les jours fériés; elle doit être le vêtement de
tous les jours en ce qui concerne la pratique de
ses préceptes. .
En réalité, le costume, le cérémonial du
culte, le culte lui-même, n'ont leur raison d'ê_
tre, que parce qu'ils sont destinés à servir
comme une école d'enseignement, dont tous les
préceptes sont applicables aux moindres Jétails
dé la vi e familiale et sociale.
Les dix hommes, de toutes les langues des
nations, qui doivent saisir le pan de la robe
d'un Juif, sont les nations qui appliqueront à
la vie sociale, tous les préceptes de la religion
de l'avenir, car il s'agit de la doctrine de la Jé­
rusalem céleste représentée ici par le Juif.
La Bible est, en effet, le livre 'conservé par
lui, comme le principal trésor de la Jérusalem
ancienne, et qui renferme en même temps, dans
SOIl sens spirituel, les trésors de la Jérusalem
de l'avenir. Le nombre la est le symbole des
restes du bien et du vrai qui sont chez les hom­
mes, et qui servent à les régénérer, après que
tous les maux et les faux ont été déracinés de
leurs âm~l>.
168 LE LANGAGE DES COULEtlRS

Appliquer toujours la doctrine religieuse aux


moindres actes de la vie sociale, tel est donc
le caractère de la roi de l'Eglise de l'avenir.
C'est aussi le véritable caractère de la foi, sui·
vant le progrès de nos idées modernes, le seul
moyen d'arriver à établir la fraternité et la
justice dans les sociétés humai nes. Cette foi
nouvelle aboutit, en somme, à ne plus séparer
la théorie de la pratique, et elle se résume dans
la possession d'une croyance, en barmonie par­
faite avec la pratique de la- vie· Il est devenu
nécessaire de comprendre ava nt de croire,
autrement il est impossible d'agir en être
intelligent. Telle est la signification spirituelle
de l'arc dans la nuée et c'est bien aussi le
signe de l'alliance Ilntre Dieu et la terre.
La mise en pratique de cette alliance entre
Dieu et l'homme est la mise en pratique, dans
tous nos rapports sociaux, de la vérité dès
qu'elle est comprise: c'est là le seul moyen de
produire une école nouvelle de gens à convic­
tions solides, et d'affranchir notre société mo­
derne du scepticisme qui la ruine à sa base,
La foi de t'Eglise de l'avenir ne pouvant sub­
sister qu'à la condition d'être raUonnelie. pro­
duira des hommes qui seront aptes à trouver la
vraie solution de toutes les questJons sociales,
parce qu'ils transformeront les vérités scienti­
fiques en doctrines de la sagesse, et qu'ils se­
ront aussi, supérieurs aux homm es exclusive­
ment savants,
CHAPITRE XV.

La loi du mariage.
127. Né sous la loi du mar'iage naturel, Iïlomme est
destiné à s'éleyer à la loi du mariage spirituel. - 128.
11 Y a mariage spirituel et régénération, 10l'sque le
bien et le vrai, !a volonté et l'entendement, sent d'ac­
cord, et par suite en conjonction, entI'e le mari et l'é­
pc>use. L'homme doit êtr'e dans la sagesse, et la femme
dans l'amour de cette sagesse cic son mari, car l'homme
naît plus particulièrement pour être intellectuel ou ra­
tionnel, et la femme naît plus particulièremen't pour
être volontail'e. - 129. La t'or'me intellectuelle chez le
mari, est par elle-même froide; elle ne peut s'échauffer
que par la forme volontaire de la femme. On ne peut ex­
primer la sagesse sous une forme séduisante et' aimable,
eans la présenter comme une inspiration de l'amour. Le
mari donne l'interne et ainsi l'âme à ses enfants, soit
spirituels soit naturels, et l'épouse leur donue l'en­
veloppe de cette âme et le corps, c'est-à-dire l'ex­
terne. - 130. La mère de famille ost représentée
dans la Bible comme le symbole le plus élevé et le
plus sacré de l'Eglise, pal'ce que, si notre mèr<l natu­
relle pourvoit à notre noul'l'iture naturelle, l'Eglise
pourvoit à notre nourriture spirituelle. De là descend
la sphère de l'amour conjugal, qui est reçu immédiate­
ment par le sexe féminin et médiatement par le sexe
masculin; mais cette sphère peut être changée en une
sphère opposée qui est celle de l'adultèra et de la pros­
titution. - 131. La di~tinction entre les mariages natu­
rels et les mariages spirituels est faite dans l'Evangile,
mais peu de perfionnes la comprennent, à cause do
l'idée basse qu'elles ont du ~ariage. Si le mariage du
bien et du vrai n'est pas accompli préalablement, il ne
peut être effectué dans les Cieux. - 132. Différence en­
tre l'innocence de l'ignorance et l'innocence de la sagesse.
- 133. Les mariages monogamiques sont les seuls licités,
parce que le mariage avec plus d'une épouse, est comme
un entendement divisé entre plusieurs volontés. - 133.
Il n'y a pas d'amour conjugal, lorsque J'un des époux
domine l'autre.
15
170 LA LOt DU MAR/AGI;

" Ils ne sout plus


deux, mais UUtI
seule chai,', "
(Marc X, 8.)

i~7. La loi des mariages de tous les êtres de


la création, dérive de la conjonction du bien et
du vr-ai, cette chaleur et cette lumière spiri­
tuelles, qui effluent de la sphère qui entoure le
Seigneur, pour imprégner toutes les choses de
la nature.
Il faut, cepenùant, que les choses ùe la nature
soient convenablement disposées, pour rece­
voir, conserver, faire croître et développer e1.­
térieurement ce bien et ce vrai divins, dans l'in­
finie variété des c.éations des trt'is règnes de la
nature.
L'homme lui-mêma est né dans le naturalisme,
et il suit cette loi des mariages qui lui est com­
mune avec les animaux; mais il est destiné à
naître il. une vie nouvelle dans le spiritualisme;
en effet, le bien et le vrai qui effluent ùe Dieu en
lui, dans les vases récipients de sa volonté et de
son entendement, sont non-seulement reçus par
lui, mais développés de manière à pouvoir
être appropriés pal' la reconnaissance et l'affec­
tion.
C'est pourquoi, il se trouve par son âme im­
planté dans le divin, et par suite, son âme ne
peut iamais mourir.
Il en est différemment des animaux: s'ils r~­
çoivent le divin, ils n'en sont les vases récep­
tacles que pour une existence sensuelle ex­
terne et naturelle, qui les dote seulement d'une
âme ou d'une vie animale, Aussi, l'influx du mon­
de spirituel chez eux est dit instinct, parce qu'il
n'opère que par des impulsions comparables à
celles du somnambule.
L1homme, au contraire, peut s'élever par la
pensée à la conception de l'harmonie des lois
LA LOI DU MARIAGE i7l
qui gouvernent l'univers, et se lier au bien et
au vrai, c'est-à-dire à Dieu, par la reconnais-
sance et l'affection.
Pour se trouver ainsi lié au divin, il faut que
l'homme soit doté d'une âme spirituelle en ad-
dition à son âme animale.
Né sous la loi des mariages naturels, l'homme
est donc destiné à s'élever à la loi du mariage
spirituel, que nous nous proposons actuelle-
ment d'étudier. Or, cette loi du mariage spiri-
tuel, se réalise par la conjonction de deux âmes
de sexes différents en une vie unique,c'est-à.dire
par l'union de l'homme et de la femme en une
se'lle chair, suivant le langage symbolique de
la Bible.
La chair figure le bien, et c'est pourquoi
aussi, les deux époux s'unissent, pour réaliser
à eux deux extérieurement, le même bien dans
leur vie terrestre, qu'ils réalisent par leur
union dans la vie spirituelle.
128. C'est pourquoi, suivant l'enseignement
de l'Evangile: « lis ne sont plus deux. mais une
~eule chair. "Il
Cet ideal du mariage spirituol peut paraître,
au l.remier abord, im possible à réaliser dans ce
monde, à cause des dissemblances autant spi-
rituelles que naturelles, qui existent entre
l'homme et la femme. Il n'y a rien, en effet, qui
soit identiquement pareil entre eux.
L'amour de la. femme ne ressemble pas à l'a-
mour de son mari. L'intelligence et le jugement
du mari,diffèrent de l'entendement de la femme.
Il est même impossible à la femme de penser
exactement comme l'homme, et celui-ci n'est
pas touché de la même alfection qui remue le
cœur de sa femme.
Mais il faut observer aussi que l'homme ne se
sent jamais plus réellement le mari, que lors-
qu'il s'apE'rçoit q:ue sa femme accepte sa pen-
i72 LA LOi DU MARiAGE

sée et qu'ainsi il voit sa femme en lui dans son


âmE: même. La femme, de son côté, ne se sent
jamais plus réellement l'épouse de son mari,
que lorsqu'elle s'aperçoit que, par sa volonlé
propre, elle réalise la: pensée de son mari;
qu'en un mot, elle veut ce que son mari sent,
ce qu'il pense, et qu'elle coopère à ce qu'il fait ;
qu'ainsi, à son tour, elle voit son mari dans son
âme même.
C'est là le mariage spirituel qui est la con­
jonction des mentaIs des deux. époux,par la con­
jonctioll du bien et du vrai en eux.. L'homme
doit être dans la sagesse et la femme dans l'a­
mour de celte sagesse de son mal'Î.
Il en résulte que les différences de caractère
et de nature entre le mari et la femme, ne peu­
vent être que relatives, mais nullement abso·
lues, car les qualités particulières de chacun
sont en elles-mêmes incomplètes, et ne peuvent
se compléter que par les qualités correspon­
dantes et réunies des deux. conjoints.
En effet, chaque conjoint, tant l'homme que
la femme, jouil d'un entendement et d'une vo­
lonté, mais néanmoins l'entendement prédo.
mine cllez l'hommE; et la volonté prédomine
chez la femme. En d'autres termes, l'homme ,1
naît plus particuliérement pour être intellec­
tuelou rationnel, ainsi pour penser d'après l'en­
tendement, cl la femme naît plus particulière­
ment pour être volontaire, ainsi pour penser
d'après la volonté.
On peut donc dire que le vrai présenté ration·
nellement caracterise l'homme, et que l'affec­
tion de ce vrai caractérise la femme.
L'épou~e représente l'affe~tion qui veille
pour que ce vrai rationnel du mari soit réalisé,
manifesté et amené à la vie.
Cette différence entre l'homme et la femme
se voit clair~ment d'après l'affection, ou d'a­
LA LOI DU :!olARIAGE 173
près le caractère inné de l'un et de l'autre,
comme aussi d'après leur forme.
D'aplès le caractère, en ce que l'homme agit
d'apl'ès la raison et la femme d'après l'affec­
tion.
D'après la forme, en ce que l'homme a la face
plus rude, la parole plus brève et.plus grave, le
COl'pS plus dur.
L'homme symbolise donc, d'après ses carac­
tères physiques et naturels, le vrai qui es t l'es­
sence de la force.
Mais la femme a la face plus unie et plus
belle, la parole plus tendre; elle est plus gra­
cieuse et plus souple.
129. La femme repl'ésente donc le bien du
vrai du mari et ainsi la réalisation de ce vrai
daos les actes; die est la grâce de la sagesse
du mat'Ï. En effet, la forme intellectuelle qui
prédomine chez le mari est froide par elle­
même, comme la vérité dont elle manifeste la
lumièrd; elle ne peut donc, par elle-même, s'é·
chauf1:'er de la chaleur conjugale, c'est-à-dire
du bien de ce vrai du mari, qui doit être réalisé
dans les ades, mais elle peut s'échauffer de la
chaleur conjonctive de la ftlmme, en qui cette
chaleur a été implantée; par conséquent, la
forme iulellecluelle ne peut recevoir cet amour
que par la forme volontaire de la femme, la·
quelle lui est adjointe, parce qU6 celle-ci est
ausd la forme de l'amour.
Le mari représente le sang, parce que, par­
tout dans la Bible, le sang figure le vrai. La
femme représente la chair qui est formée par
le sang. parce que la cha il' fi gure le bien de ce
vrai. Ainsi, elle est le bien du vrai du mari,
elle est la chair de son sang, parce qu'ils ne
doivent former qu'un seul amour de la sagesse,
mar4ué du sceau de leur' individualité propre.
Dalls le sexe masculin, l'amour est intérieur
174 LA LOI DU MARIAGE

et la sagesse extérieure; dans le sexe féminin,


la sagesse est intérieure et l'amour extérieur.
On ne peut exprimer la sagesse sous une forme
sédnisaute et aimable, sans la présenter comme
une inspiration de l'amour.
Le mari donne l'interne, et ainsi l'âme à ses
enfants, soit spirituels, soit naturels, et l'épousH
leur donne l'enveloppe de cetle âme et le corps,
c'est·à-dire l'externe. C'était aussi l'opinion des
anciens et notamment d'Aristote que l'enfant te·
nait son ùme de son père et son corps de sa mère.
Dans la Bible, le fils spirituel est le vrai
conçu dans l'homme spirituel, et né daos
l'homme natul'el, tandis que la fitle spirituelle·
est le bien de ce vrai.
Si des enfants naturels naissent seulement
des mariages dans le monde terrestre, c'est
parce que ce monde est la pépinière des Cieux.
130. La mère de famille est représentée, dans
la Bible, comme le symbole le plus élevé et le
plus sacré de l'Eglise. Elle figure l'Eglise,
parce qu'elle est la véritable mère spirituelle
de ses enfants qui sont ses fidèles. Si notre
mère naturelle pourvoit à notre nourriture na­
turelle, l'Eglise pourvoit à notre nourriture
spirituelle. De même que notre mère naturelle,
elle préside à notre naissance spirituelle, c'est·
à-dire à notre régénération, elle nourrit nos
corps spirituels qui sont nos âmes, car sa mis­
sion est de les développer spirituellement en
sagesse et en beauté.
De l'union du Seigneur comme Père céleste
avec l'Eglise comme mère spil'ituelle, il des­
cend une sphère qui tellrl à une union corres­
pondalite entre l'époux et l'épouse; et, de plus,
l'amour paternel et l'amour maternel provien­
nent de la sphère dA l'amour divin qui flue du
Père céleste dans l'Eglise.
Dans son origine, celte sphère conjugale qui
LA LOI DU MARIAGE 175

influe dans l'univers est divine; elle devient cé­


leste et spirituelle choz les anges, naturelle,
animale et corporelle chez les animaux.
Gomme la volonté prédomine chez la femme
et l'entendement chez l'homme, il en résulte
que cette sphère de l'amour conjugal est reçue
immédiatement du Seigneur par le sexe fémi­
nin et méd~atement par le sexe masculin, tan­
dis quela sagesse est reçue immédiatement du
Seigneur par le sexe masculin et médiatement
par le sexe féminin.
Mai s cette sphère de l'amour conj ugal, qui est
sainte dans son origine, peut être changée en
une sphèl'e opposée, qui devient alors celle de
l'adultère et de la prostitution ou celle du faux
et du mal.
La fidélité de l'épouse à SdS vœux conjugaux
est employée constamment dans la Bible, pour
représenter la fidélité à ['Eglise du Seigneur.
De plus les ùevoirs de la maternité servent à
représenter les devoirs spirituels de l'Eglise à
l'égarù de ses enfants. La Nouvelle Jérusalem
par laquelle est entendue l'Eglise de l'avenir,
est appelée la Fiancée ou l'épouse de l'Agneau.
Le Seigneur et l'Eglise sont les parents que,
dans le sens spirituel, nous devons honorer
pour que nos jours soient prolongés sur la
terre. L'Eglise comme parfait état de vie, de
même aussi comme institution divine, consiste
dans l'union du vrai réel au bien spirituel de
la vie; or, dans la: mesure que cette union par
mariage entre le bien et le vrai est effectuée
dans le mental des hommes, dans cette même
mesure, l'Eglise est établie en eux. De plus,
lorsque dans le mariage deB deux époux., cette
union entre l'entendement du mari et la volonté
de la femme existe, l'amour conjugal est éga.
lement établi entre le mari et la femme. '
176 LA Lor DU MARIAGE

131. La distinction des mariages en naturels


et spirituels est enseignee par le Seigneur dans
I"Evangiie de Luc (XX, 24 à 36).
Il est dit : « Les fils de ce siècle prennent en
« mariage, et se donnent en mariage, mais ceux
« qui seront jugés dignes ù'obtenir ce siècle-là,
« et la résurrection d'entre les morls, ne pren.
« dront ni ne se donneront en mariage, car ils ne
« peuvent plus mourir, parce qu'ils sont pareils
« aux anges, et qu'ils sont les fils de Dieu etant
« <les fils de la résurrection:t.
En effet, le mariage final et réel, le mariage
spirituel du bien et du vrai, chez l'homme et
chez la femme, ne peut se faire dans le Ciel, par
la raison qu'il est dE>jà fait chez tous ceux qui,
pareils aux anges, ont leurs demeures dans les
Cieux. Le mariage spirituel implique en effet la
régénération, parce que celle-ci doit êlre réa­
lisée, avant que les deux époux puissent entrer
da ns le Ciel.
Cette affirmalion du Seigneur, qu'on ne se
marie pas dans le Ciel, se réfère donc à l'acle
de se marier et non pas au mariage lui-même,
car dans le Ciel ne peuvent entrer ceux qui
IJ'ont pas contraclé ce mariage du bien et du
vrai spirituels, ou qui ne sont pas régénérés et
qui ne sont pas déjà unis spirituellement par
mariage dans le véritable amour conjugal.
Observons, en effet, que le Seigneur, dans ce
passage de Luc, ne s'est pas servi du mot latin,
conjugium, ou d'un de ses équivalenls, mais il
a dit: neque nubent, neque duce nt uccores, sui­
vant la traduction ùu Grec pal' la Vulgate, qui
rend littéralement les expressions grecques,
oute gamoûsin, oute ekgamiskontai. Or, ces mots
latins et grecs signifient" les noces », c'est-à·
dire. le mariage considéré simplement au point
de vue de la cérémonie des noces et du rite ci­
vil.
LA LOI DU MARIAGE 177
Mais, cette idée basse du mariage qui pré­
vaut de nos jours, empêche bien des personnes
de saisir l'idée du véritable amour conjugal, qui
est la conjonction du vrai des pensées du mari
dans les affections de son épouse.
Ce n'est pas à dire que les mariages pure­
ment civils n'aient pas leur utilité dans ce
monde; ils doivent, en effet, être continués
jusqu'à la- mod de l'un des conJoints, si ce n'est
dans les cas exceptionnels de l'adultère, parce
qu'ils servent à maintenir entre les conjoints,
l'idée du véritable amour conjugal. Dans les
doctrines de la Nouvelle Jérusalem, il est ad­
mis que le mariage est rompu lorsqu'il n'y a pas
en même temps fidélité des deux conjoints l'un
à l'autre. Le divorce doit donc être permis, mais
dans Ccl seul cas de l'adultère de l'un des époux.
Il est évident que le plaisir de l'adultère préci­
pite dans les sociétés inftlrnales, l'âme de celui
qui le commet et ne peut lui permettre la coha­
hitation avec l'autre époux dont l'âme est rela­
tivement pure. Aussi le mariage est par le seul
fait de l'adultère rompu et dissout: si donc la
vie commune continue dans ce monde, le di­
vorce n'en existe pas moins quant aux âmes des
deux conjoints. Le véritable amou r conjugal
existe chez les régénérés et dans les Cieux,
ainsi que cela est dit implicitement dans Mat­
thieu, chap. XIX, et dans Marc., chapt X, lors­
qu'il est déclaré que ce que Dieu a uni ensem­
ble, aucun homme ne doit le séparer, et que les
deux ne peuvent être deux, mais qu'ils sont
une seule chair.
La résurrection en nOllS et dans nos âmes, de
chacun des principes du bien et du vrai, dé­
pend de la question de savoir s'ils ont été unis
et réalisés dans l'usage.
Ainsi, dans la résurrection de ces principes,
il ne s'agit ni de mariage, ni de donner en ma­
t78 LA LOT DU MARIAGE

riage, car les époux sont mariés d'abord et


res~msdtés ensuite, Leur résurrection est la
manifestation de leur mariage: ils sont comme
les anges de Dieu dans les Cieux, et ain!\i ils
sont les corporilications du bien et du vrai ma­
riés spirituellement.
Lorsque nous disons que la régénération est
le mariage ou l'union du bien et du vrai, ou des
affections et des pensées, et de là, leurs mani­
festations en bons usages, c'est la même chose
que si nous disions que la régénération est le
mariage de la volonté et de l'entendement.
Ils errent donc grandement ceux. qui, ne con­
naissant pas les Ecritures, ni le pouvoir de
Dieu, supposent qu'un quelconque des mariages
improductifs entre la volonté et l'entendement
qui ont existé dans cette vie, et sont morts à
cause de leur inutilité, deviendront fructueux
dan s la vie à venir, .
Si le mariage du bien et du vrai n'est pas ac­
compli dans ce monde, ou au moins dans le
monde intermédiaire entre le Ciel et l'enfer,
alors il ne peut être effectué ensuite.
Le fait que le vrai et le bien 3e ce vrai dans
le mental humain doivent .être mariés dans
cette vie, et même réalisés par mariage entre
l'homme et son épouse, déjà unis dans l'amour
conjugal, peut être reCOnnu par cette considé­
ration, que les degrés spirituel~ du mental de
l'homme reposent et se terminent sur les degrés
naturels, comme les Cieux reposent sur eux et
se terminent sur la tene, Et c'est seulement en
proportion que les degrés naturels du mental
sont assujettis aux degrés spil'ituels et ainsi
régénérés, que les degrés spirituels 80nt cu­
vel'ls.
132. Considéré en lui-même, le mariage tend
à un état d'innocence. L'innocence consiste à
vouloir être conduit par le Seigneur ou par sa
LA I.OI DU MARIAG E r:\J
vérité et non par soi-mê me.
L'inno cence est symbo lisée par les petits
enfants (Matth . XVIII, 3), parce qu'ils se lais­
sent guider par leurs parent s comme les hom­
mes régéné rés se laisseI lt guider par Dieu ou
par sa vérité. Ce n'est, en effet, que dans notre
état d'innoc ence, que Dieu trouve , par son in­
flux, accès dans no~ âmes.
Seulem ent, il ne faut pa5 confon dre le signe
avec la chose signifi ée: les petits enfants qui
se laissen t guider par leurs parent s, ne sont
encore que dans le bien nature l ou extern e.
L'inno cence des petits enfants est seulem ent
extern e, tandis que l'innoc ence réelle est celle
de la sagess e qui est interne . Il ne faut donc
pas confon dre l'innoc ence de l'ignor ance avec
l'innoc ence de la sagess e, pas plus qu'il ne faut
confon dre le signe avt:lc la chose llignifi ée.
Il en résulte que pour abouti r à l'innoc ence
de la sagess e, il faut que le mari puise sa propre
sagess e dans la sagess e de Dieu,e t que l'épous e,
de son côté, cherch e à puiser dans l'amou r de
Dieu la forme pratiqu e de la sagess e de son
mari, qu'elle contrib uera ensuite à réalise r dans
les actes.
Les mariag es monog amique s sont seuls lé­
gitime s, parce que les mariag es polyga mi­
ques sont les amours d&s homme s extern es
et nature ls, mariag es qui doiven t cesser , pour
que la régéné ration de leurs âmes puisse s'opé·
rel'.
I! n'y a pas de véritab le amour conjug al pos­
sible entre un mari et plusieu rs épouse s, car
de telles unions détruis ent la conjon ction inté­
rieure, c'est-à -dire, celle du bien et du vrai, de
laquell e pro\' ient re~sence même de cet amour.
Le mariag e, avec plus d'une seule épouse , est,
en effet, comme un entend ement divisé en plu­
sieurs volonté s.
180 LA LOI DU MARIAGE

133. Il n'y a pas, non plus, de véritable amour


conjugal, lorsque l'un des époux domina sur
l'autre, car l'amour conjugal et son plaisir cé-
leste, consistent en ce que la volonté de l'un,
soit celle de l'autre, et cela mutuellement.
Celui qui domine veut que sa volonté seule
soit dans l'autre, et qu'en outre chez lui la vo-
lonté de l'autre soit nulle, d'où il résulte qU'JI
n'y a rien de mutuel; par conséquent, aucune
communication de quelque amour, ni du plaisir
de cet amour avec l'autre, et vice versâ.
En somme, il faut qu'ils soient un seul mental.
Lorsque cette conjonction qui appartient aux
intérieurs de l'âme descend dans les extérieurs,
c'est-à-dire, dans les inférieurs qui appartien-
nent à leurs corps, elle est alors sentie comme
affection mutuelle, et suivant le langage bibli-
que, ils ne sont plus deux, mais une seule chair.
CHAPITRE XVI

Le Décalogue
134. La loi et les Prophètes embrassent toutes les choses
de la Parole; celles-ci sont résumées dans le Décalo­
gue sous leur côté le plus pratique. La foi sans la cha­
rité ou sans les œuvres, est la négation même de la reli­
gion. -135. Lc Décalogue a été gravé sur deux tables,
dont l'une contenait le sommaire de tout!Js les choses qui
concernent l'amour de Dieu, et l'autre, le sommaire de
toutes celles qui concernent l'amour du prochain.­
136. La promulgation des lois du Décalogt.e s'est faite
au milieu ou tonnerre, des éclairs et par des miracles,
pOUl' que le monde sùt que ces lois étaient non-seule­
ment des lois civiles et morales, mais aussi des lois di­
vines. - 137. Tous les livres de la Bible ont été écrits
dans le sens littéral, le seul compréhensible aux hom­
mes auxquels ils étaient adressés; mais l'oIigine divine
de cell livres fait qu'ils contiennent un sens interne
dont la beauté est comparable au Seigneur lorsqu'Il ap­
parut SUI' la montagne de la Transfiguration. Cette
Transfiguration représente aussi la Parole dans sa
gloire, c'est· à-dire dans son sens interne. Cette gloire
se reproduira dans son règne en esprit; celui-ci doit suc­
céder à son règne daus le sens de la lettre. -138. Le sens
littéral sert comme d'un véhicule des pensées spirituelles:
c'est ainsi que le Dieu des Juifs n'a été accepté qu'à
cause de la cl'ainte qu'Il inspirait, tandis que le Dieu
des chrétiens doit être ac<.:epté comme un Dieu d'amour
et de miséricorde; mais le Dieu de l'Eglise de l'avenir
serl! celui sous le rèi:5ne duquel les hommes auront
une intelligence rationnelle de la Bible. - 139. 11 Y a
échange de vues entre Dieu et l'homme et conjonction
par l'appropriation de la vérité dont Dieu est la source
unique, - 140. Les préceptes du Décalogue sont nom­
més "les dix paroles", parce que le nombre dix signifie
toutes choses, et que le Décalogue contieot !Jn substance,
le sommaire de toute la Parole révélée. 11 faut connaî­
tre le Décalogue dans les trois sens qui sont contenus
sous l'enveloppe de son sens littéral, et qui nous montre­
ront plus manifestement, que Jésus est venu non pour
abolir la loi, mais ~our l'accomplir.
16
182 LE; DÉCALOGUE

.. Jésu~ dit.: ne pensez pas


que Je SOIS venu abolir la
loi. et le.s Prophètes; je ne
SUIS POlOt venu les abolir,
mais les accomplir. lt
(Matlh. V. 17.)

134. Il faut entendre parla loi et les Prophètes,


toutes les choses qui sont dans les livres .de
.M oïse et dans les livres des Prophètes: or, tou­
tes ces choses ont ete résumees en substance
dans le Décalogue, et de plus, elles y sont pre­
sentées sous leur côté le plus pratique. C'est
pourquoi le Décalogue sera pour nous l'objet
d'une étude toute spéciale.
En ce qui concerne les statuts donnés par
Moïse aux enfants d'Israël, notammer.tla loi des
sacrifices dont on trouve les textes dans les
chapitres VI et VlI du Lévitique, il ya lieu de
faire une réserve. Ces statuts peuvent, en effet,
contenir d'utiles enseignement~ de la sagesse
divine dans leur sens spirituel, mais ils sont
abrogés dans leurs applications littérales par
suite de l'établissemenl de l'Eglise chrétienne
qui a succéùé à l'Eglise Israélite.
li'est en faisant allusion à ces statuts que l'a­
pôtre Paul disait que c l'homme est justifié
par la foi sans les œuvres de la loi. » (Rom. III.
28.)
Mais nous savons que la religion n'est pas
tant dans la doctrine que dans la vie suivant la
doctrine, et qu'ainsi la foi sans les œuvres de
charité, ou la doctrine sans ses applications
sociales, serait la négation même de la religion.
Aussi, à ceux qui prétendent soutenir que
Paul prêchait la foi sans les œuvres, il est né­
cessaire d'opposer la suite du passage de l'a­
pôtre, qui prend soin lui·même de compléter
sa pensée, en disant: Cl Dieu est-il seulement
« le Dieu des Juifs 1 Ne l'est-il pas aussi dei
l.E nÊCAT.OGUE '183
« Gentils Yl) ... Anéantissons.nous donc la loi par
c la foi Y Nullement! Au contraire nous établis­
c sons la loi. »
135.La loi du Décalogue est nommée Alliance,
parce qu'elle conjoint, et témoignage, parce
qu'elle confirme les conventions de l'Alliance.
C'est pourqu1)i elle avait été gravée sur deux
Tables, dont l'une contenait le sommaire de
toutes les choses qui regardent Dieu, et dont
l'autre contenait le sommaire de toutes celles
de l'amour à l'égard du prochain. Il s'ensuit
que le Décalogue contient bien, eu substance,
toutes les choses qui ~ont de doctrine et de vie.
Si l'Alliance signifie ici la conjonction avec
le Seigneul" c'est seulement lorsque 1 homme
fait ce qui a éte écrit dans sa table; celle·ci
n'est que l'extension et la mis8 cn application
des préceptes de la table de Dieu, car le Sei·
gneur par la vérité est continuellemF!Lt pré­
sent, et veut pénétrer dans le cœur de l'homme;
or, celui-ci, d'après la liberté qui lui vient du
Seigneur, doit ouvrir. C'est pourquoi il est dit :
« Voici, je me tiens à la porte, si quelqu'un en­
« tend ma voix et ouvre la porle, j'enlrerai chez
«lui et je souperai avec lui, et lui avec moi. »
(Apoc. III, 20).
136. Comme on lit dans les préceptes du Dé­
calogue des lois prohibitives, qui sont univer·
sellement conr.ues de toutes les nations, on
peut s'étonner que ces Jois aient été promul.
guées au milieu du tonnerre, des éclairs et par
des miracles. Mais cette promulgation s'est
faite ainsi, précisément pour que le monùe sût
que ces lois étaient nOn seulement des lois ci·
viles et morales, mais aussi des lois divines, et
que celui qui les transgresse, n'agit pas seule·
ment mal contre le procbain, mais qu'il agit
mal surtout contre pieu,
{84 LE DÉCALOGUE

Une première fois, Moïse monta sur le mont


Sinaï, suivant l'ordre de Jéhovah pour recevoir
la loi divine, et après qu'il eût passè par une
préparation convenable pour la recevoir, elle
lui fut donnée sur deux tables de pierre, dO!lt
la matière avait été fournie par Jéhovah, et qui
avaient été écrites aussi par le doigt de Dieu.
Ainsi, l'écriture de même que la matière de
ces deux premières tables étaient dt' source di­
vine. Mais lorsque Moïse descendit de la mon­
tagne pour retourner vers les enfants d'Israël,
il les surprit en état de révolte contre Dieu.
Des bijoux en or avaient été réunis puis fon­
dus; on en avait fabriqué un veau d'or autour
duquel le peuple dansait en lui l'enlIant un
culte.
Il nous est raconté llU'à la vue de ce spec­
tacle, Moïse fut rempli d'indignation et de co­
lère, à tel point qu'Il laissa échapper les deux
tables de la loi de ses mains et les brisa.
Après avoir puni le peuple d'Israël pour son
iùolâtrie, Jéhovah donna des instructions à
Moïse pour que cette tois il taillât lui-même,
deux autres tables, semblables à celles qu'il
avait brisées; puis Il lui ordonna de remon ter sur
la monlagne, afin qu'il y reçül une seconde fois
les divins commandements. Ceux-ci furent en·
core écrits par le doigt de Jéhovah; ensuite
Moïse descendit les tables et les plaça dans le
Tabernacle.
Les pierres de ce second exemplaire du Dé­
calogue, étaient donc différentes du premier
exemplaire, car tandis que les deux premières
tables de pierre, ainsi que ce qui était écrit
dessus, avaient étè données à Moïse par Dieu,
nous voyons que dans les secondes l'Ecriture
seule fut d'origine divine.
1:37. Ges deux tables de pierre signifient l'ex­
LE DÉOALOGUE 18D
terne de la Parole, de l'Eglise et du culte, tel
qu'il devait être pour cette nation Juive, qui
était dans un état complètement externe; elles
représentent le sens littéral de l'Ecriture, le
seul sens qui fut compréhensible aux hommes
de l'Eglise Israélite.
L'Ecriture de Dieu représente le sens interne
de la Bible que nous comprenons mieux à me­
sure que nous avançons dans la sagesse.
La Bible, dans sa forme externe, ne semble
pas très attractive aux hommes, car elle leur
apparaît dans un style simple et quelquefois le
sens même est à peine compréhensible.
Cependant, nous savons qu'au dedans de ce
style si simple et de cette lettre de la Bible, il
ya une beauté voilée qui, lorsque nous arri­
vons à la voir et à l'apprécier, peut être cam·
parée au Seigneur lorsqu'il apparut sur la mon­
tagne de la Transfiguration.
Il est dit dans l'Evangile de Matthieu (XVII.
2.) : « Jésus fut transfiguré devant eux et sa
« face resplendit comme le soleil ». La Parole
dans sa gloire, c'est-à-diu:;, dans son sens
spirituel, fut alors représentée par le Seigneur.
Les trois disciples, Pierre, Jean et Jaques, qui
personnifient la foi, la charité et les œuvres de la
charité, c'est·à-dire le bien, le vrai et le bon ou
l'utile dans les actes, furent tout-à-coup enlevés
spirituellement au·dessus de leur élat naturel
de pensée; ils eurent une vision (Malth. XVII, 9.)
Cette scène de la transfigul'ation peut aussi
servir à nous montrer que le monde spirituel
est très près de nous, et qu'on peut, lorsque la
vue spirituelle est ouverte, voir et entendre ce
qui s'y passe.Ce qui est vu pal' la vue spirituelle,
ne peut être Vlt par la vue naturelle, car les
deux mondes sont distincts, bien que l'un soit
le théâtre représentatif de l'autre. Ainsi, la di­
i86 LE DÉCALOGUE

vine Vérité, telle qu'elle est enveloppée dans


la Parole révélée, peut devenir lumineuse de­
vant notre vue spirituelle.
En ce qui concerne Moïse et Elie, nous devons
croire qu'ils apparurent réellement sous deux
formes angéliques et humaines,pour personnifier
l'un, la Parole historique, et l'autre, la Parole
prophétique. Ils furent vus par les trois disci-­
pIes, pendant qu'ils parlaient avec Jésus; ce qui
montre qu'il y a une communication entre le
sens littéral de la Parole révélée et son sens
interne. Jésus, qui est le divin Vrai, fut mani­
festé visiblement, c'est-à·dire transfiguré aux
yeux des trois disciples ,comme Dieu-homme et
comme personnification de la Parole entière. En
effet, on entendit une voix de la nuée qui disait:
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en Qui je me
« suis complu, écoutez·le. » (Matth. XVII, 6.)
Rappelons aussi à ce sujet, ce qui est dit du
second avènement du Seigneur, de son règne
en esprit qui doit succéder à son règne en chair,
ou au règne du sens littéral: c On verra le Fils
« de l'homme venant dans les nuées du Ciel avec
«puissance et gloire. » (Matth. XXIV. 30.). On
doit entendre ici par les nuées du Ciel, la Pu­
role dans le sens de la lettre, parcp que la
lettre cache souvent la vérité pure, qui est
ainsi voilée par la nu~e; et par la puissance
et la gloire, il faut entendre le sens spiritue 1
de la Parole, dans lequel Il doit app8l'attre
pour l'Eglise de l'avenir.
Dans l'Ancien Testament cette puissance et
cette gloire avaient encore été exprimées par
la face de :Moïse qui devint rayonnante, au point
que, lorsqu'il descendit de la montagne avec les
deux tables de l'Alliance, le peuple ne pouvait
le regarder et soutenir ::.a vue. (Exode XXXIV,
29,30.) Cet éblouissement qu'il produisait peut
LE DÉCALOGUE f87
servir à nous enseigner l'existence du soleil
spirituel, dont les rayons de chaleur et de
lumière, qui sont le bien et le vrai, provien­
nent de Dieu seul; ils brûlent et éblouissent
LOS âmes brsqu'elles ne sont pas encore régé­
nérées, au point que nous ne pouvons pas les
supportel'.
Si le sens littéral de la Parole est si différent
de son sens spirituel, c'est à cause de l'état spi­
rituel inférieur ùes hommes qui vivent sur la
terre.
L'homme doit, en effet, recevoir la pensée de
Dieu et se meUre en communication avec elle;
il faut donc que cette pensée divine soit adap­
tée à son état inférieur, pour qu'il puisse en re­
cevoir quoi que ce soit. Le message que Dieu
adre::lse aux hommes, doit être présente EOUS une
forme dont ils puissent tirer quelque lumière.
Ceci nous explique pourquoi la Bible est écrite
dans sa forme actuelle, plutôt que voilée
dans une forme extérieurement plus belle. En
effet, lors même qu'on n'obéit d'abord aux com­
mandenlents de Dieu, que de la manière la
plus exlerne et ainsi dans le sens littéral, le
seul qu'on comprenne encore, ces commande­
ments servent néanmoins à guider le disciple
obéissant; ils le conduisent peu à peu vers les
vérités intérieures et supérieures, qui influent
dans ces vérités extérieures et inférieures du
sens littéral, et le disposent à recevoir cet in­
flux. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer
que la Parole toute entière est Dieu, parce
qu'elle est sa ~agesse ou sa vérité: or, celle­
ci influe en l'homme bien disposé, de même
qu'elle influe dans toutes les choses conve­
nablement disposées, qui deviennent ainsi les
créations de la nature. C'est par cet influx di­
vin, que chacun se transforme, se régénère et
188 LE DÉCALOGUE

quitte l'Eglise du passé, pour arriver à l'Eglise


de l'avenir, la Jérusalem nouvelle.
138. Le Seigneur se sert donc des pensées des
écrivains sacrés inspirés par Lui, comme (l'un
véhicule pour les siennes, au moyen de la cor­
respondance du sens littéral avec le sens spi­
rituel: cette correspondance nous présente les
causes ou les choses signifiées par les effets
ui so nt les signes.
La pensée intérieure des saintes Ecritures est
admirablement belle, mais la forme externe ne
peut l'être toujours également,à cause des hom­
mes auxquels elle est adressée. Ceux-ci ne
sont pas tous en état d'accepter la vérité toute
entière, mais seulement la vérité mêlée à l'er­
reur.
C'est ainsi que Dieu n'a été accepté par les
Juifs que parce qu'ils craignaient des punitions
terribles à cause de leur désobéissac.ce, lors­
qu'en réaiité, Il est le Dieu d'amour et de miséri­
corde. Mais la crainte de Dieu est pour les
hommes encore à l'état sensuel, le commence­
ment de la sagesse. Lors donc que l'Eglise
Israélite eut rendu tout le service qu'elle pou­
vait rendre aux hommes, en leur inculquant
cette crainte, une nouvelle Eglise, l'Eglise
chrétienne lui succéda; celle-ci eut une nou­
velle mission à remplir, qui fut d'inculquer aux
hommes l'amour de Dieu. Alors, pour opérer
cette évolution religieuse, un nouveau Décalo­
gue confirmatif de l'ancien, ou une loi nouvelle
mieux adaptée à l'esprit nouveau, fut donnée à
l'Eglise chr.etienne. Ce nouveau Décalogue ne
fut plus un sommaire de lois prohibitives, mais
un résumé de cet ancien sommaire sous une
forme plus brève encore, et en même temps
sous la forme d'une loi impérative. C'est pour­
quoi Jesus dit: « Le commandement premier
LE DÉCALOGUE 189
« de tous: Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu
« est seul Seignéur; et tu aimeras le Seigneur
« ton Dieu de tout ton cœur, et de toute ton âme
« et de toute ta pensée,et de toute ta force.Celui­
« là est le premier commandement, et le second
« qui lui est semblable,est celui-ci: tu aimeras
« ton procbain comme toi·même.Il n'y a pas d'au­
« tre commandement plus grand que ceux-là. »
(Marc XII. 29-31).
Malgré cette transformation que l'Eglise chré·
tienne devait faire accepter du Dieu vengeur en
un Dieu de miséricorde, les miracles furent en­
core nécessaires pour l'établissement dt! cette
Eglise nouvelle dans le monde. SeulAment, les
miracles faits pour l'établissement de l'Eglise
chrétienne au lieu d'avoir pour but unique,
d'inspirer aux hommes la crainte de Jéhovah,
comme les miracles accomplis devant les Hé­
breux, avaient un autre but; ils devaient aider
à donner aux hommes la foi en' la divinité de
J ésus-Christ, en qui Jéhovah s'était incarné
pour mieux faire connaître le Dieu d'amour et
de miséricorde.
C'est pourquoi aussi les miracles chez les
chrétiens ne furent plus obtenus, que comme le
résultat de cette foi dans un Dieu doux et misé­
ricordieux.
Mais dans notre monde moderne, une nou­
velle évolution religieuse doit avoir lieu pour
l'établissement de l'Eglise de l'avenir. Celle-ci
sera fondée non plus sur des miracles, mais sur
une inteUigence rationnelle de la Vérité ré­
vélée.
En effet, les miracles contraignent l'esprit à
croire et ils n'inspirent aux hommes qu'une foi
aveugle, mystique et autoritaire, car elle s'im­
pose plutôt qu'elle ne se propose à la libre ac­
ceptation de tous; il en résulte, qu'elle finit à
Il 190 LE DÉCAI.OGUE

la longue par se dissiper, si une intelligence


ra tionnelle de la Bible et surtout du Décalogue
son sommaire, ne vient pas se greffer sur l'an-
cienne foi, en d'autres termes, si elle ne vient
pas éclairer cette foi enfantine, pOUl' la rendre
virile et par suite inébranlable.
Avec le progrès des lumières, cette intelli-
gence rationnelle de la ~agesse divine rem·
place les miracles, car elle ne se contente plus
de proclamer la fraternité autoritairement,
mai selle l' éta blit progl'essivemen t dans les
mœurs, dans les institutions et ainsi par la le-
çon même des choses.
Dans l'Eglise chrétienne, l'amour envers
Dieu, et l'amour à l'égard du prochain, doivent
résumer tous les enseignements de la sagesse
divine.
139, Précisément le Décaiogue, dan:; sa pre-
mière table, contient intérieurement le som-
maire de tous les enseignements de l'a n1(lu r
envers Dieu, et dans sa seconde table, tous ceux
de l'amour à l'égard du prochain; il en résulte
que le Décalogue contient en substance, dans
son ensemble, toutes les choses qui constituent
la doctrine religieuse et la vie suivant celte
<loctrine. Or, la Parole, la Bible toute enlière
Il'enseigGe pas autre chose, et cela suffit pour
régénérer l'âme humaine.
Dieu, d'apl'ès sa table regarde l'homme, et
réciproquement, l'homme d'après sa table re·
garde Dieu. Il y a donc un échange de vues
entre Dieu et l'homme. Si donc l'homme reçoit
et fait ce qui est dans sa table, il s'opère une
conjonction entre Dieu et lui, par l'appropria-
tion que l'homme fait de la vérité dont Dieu est
la source unique. Cette conjonction a lieu alors
selon les paroles du Seigneur au docteur de la
loi; "Fais cela et tu vivrlls," (L~lC X. 28).
LE DÉCALOGUE Hll
De même que la promesse faite à Abraham,
de la terre de Canaan était une alliance entre
Dieu et l'homme, de même le Décalogue est
une alliance entre Dieu et l'homme.
C'est parce que l'alliance signifie la coojonc­
-tian, que le Seigneur est appelé l'ange de l'al­
liance dans Malachie (III, 1); et, que son sang
c'est· à-dire son vrai est appelé le sang de la
nouvelle alliance dans Matthieu (XXVI. 25.).
C'est aussi par la même raison que la Parole
est appelée l'alliance ancienne et l'alliance
nouvelle. En effet, les traités et les alliances
se font en vue d'un but d'amitié, de considéra­
tion et de conjonction.
La vérité est l'objet de l'alliance; si nous
l'acceptons, nous nous conformons à l'alliance
avec Dieu; si nous la repoussons, nous repous­
sons l'alliance avec Dieu.
140. On ccmprend donc pourquoi fi y avait
pour l'Eglise Israélite tant de sainteté, et poar­
quoi on attribuait la nt de puissance à cette loi
du Décalogue, lorsqu'on pense qu'elle était le
sommaire de toutes les choses de la religion,
de toutes les vérités divines. C'est pour cette
raison aussi, que les préceptes du Décalogue
sont nommés "les dix Paroles". Ils ont É\té
nommés ainsi, parce que le nombre dix, comme
nous l'avons vu, lorsque 11.OUS avons traité du
langage des nombres, signitie toutes choses,
et que la Parole signifie toutes les vérités. En
réalité, il y avait plus de dix paroles, mais le
sens littéral doit loujollrs se plier au sens spi­
rit ue!.
Les lois de la vie spirituelle, les lois de la
vie civile, et les lois de la vie morale, sont en­
seignées dans les dix préceptes du Décalogue.
Dans les trois premiers préceptes, les lois de
la vie spirituelle; dans les qualre suivants,
192 LE DÉCACOGUE

les lois de la vie civile, et dans les trois der­


niers les lois de la vie morale.
Tous les événements racontés dans l'histoire
sainte, ne sont que des moyens par lesquels
l'homme naturel peut être détourné des choses
terrestr'es et mauvaises pour être amené à la
possession des choses spirituelles et célestes
résumées dans le Décalogue. Or, comme le Dé­
calogue résume la substance de tout l'eDseigne­
ment de la Parole, on doit pouvoir s'en servir
comme d'une plate· forme pour parler au monde
et proclamer la fraternité dans les sociétés hu­
maines.
Mais il ne suffit pas, pour cela, d'obéir aux
commandements de Dieu dans leurs prescrip­
tions littérales, car dans leur sens littéral,
ces commandements servent à guider le dis­
ciple obéissant, jusqu'au seuil des vérités in­
térieures et supérieures v oilées derrière leur
lettre. Il faut connaître les commandemAnts de
Dieu, dans les trois sens intérieurs contenus
dans ce sens de la lettre. Nous avons vu en effet,
précédemment, que toute la Parole inspirée, con·
tenait dans son sens littéral extérieur, trois sens
plus intérieurs, à savoir, le sens naturel, le
sens spirituel et le sens céleste. Par le dé­
voilement de ces trois sens intérieurs, on
peut mieux comprendre que le Décalo­
gue contient, en sommaire ou en substance,
tout l'enseignement de la sagesse divine. C'est
surtout par cette révélation divine du sens
interne de la Parole, qu'on reconnaîtra que Jé­
sus, suivant le passage de l'Evangile placfl en
tête de ce chapitre, n'est pas venu pour abolir
la Loi et les Prophètes, mais pour les accom­
plir.
CHAPITRE XVII.

Les faces de Jéhovah et la Table de Dieu,


141. Les faces de Jéhovah qui sont dites, dans la Bible, s'é-
lever ou s'abaisser, sont toujours celles du Dieu unique,
et aussi celles d'une seule et même Vérité. - 142, Le
premier précepte du Décalogue signifie, dans le sens litté-
ral, qu'il ne faut pas adorer d'idoles; dans le sens natu-
rel, qu."JI ne faut rendre d~ culte à aucun homme; dans
le sens spirituel, qu'il ne faut adorPr d'autre Dieu que
J~hovah incarné dans le Christ; et, dans le sens céleste,
qu'il faut voir Dieu dans ses attributs d'EIre Infini, Eter-
nel, Tout·Puissant, TouL-Sachant et Tout-Pré.enl, ainsi
qu'il faut Le voir comme l'Amour même et la Sagesse
même. - 143. Le second précepte dans le sens liUéral,
signifie qU'Il ne faut pas prendre ce nom en vain, en s'en
servant dans de faux serments; dans le sens naturel,
qu'il ne faut pas faire à Dieu, pas plus qu'à SOIl pror.hain,
l'injure de le diffamer et de le calomnier; dans le sens
spirituel, qu'il ne faut pas parler des enseignements de la
sagesse divine, dans un langal'e léger et fri\'ole; dans le
sens céleste, qu'il ne faut pas profaner ces enseignements
et ainsi tomber dans le péché contre l'esprit, qui ne peut
être pardonné, ni dans ce monde ni dans l'autre. - 144.
Les deux premiers commandements nous préparent à
l'état de paix et de repos, annoncés dans le tl'oisiéme, Le
sens littéral de ce troisiéme précepte est qu'il faut se
reposer après six jours de travaux; le sens naturel est
que le septième jour est consacré à l'instruction et à la
méditation; le sens spirituel est que ce septième jour re-
présente la réformation et la régénération de l'fI me ; enfin
le sens céleste est qu'il représente un étal de paix, par
suite de la conjonction de l'homme avec Dieu; conjonction
qui nous protège contre le retour des maux et des faux;
ceux-ci ont cessé d'avoir prise sur l't,me humaine parce
qu'elle s'est alors élevée jusqu'aux faces intérieures de la
vérité et de la justice de Jéhovah.
17
i\Ji LES FACES DB JBHOVAH

« Tu n'auras point
d'autres dieux devant
mes faces " (Exode
XX. 3.)

14'1. Les trois premiers commandements ont


pOUl' objet de développer dans l'âme humaine
l'amour de Dieu; ils ont été écrits sur une pre­
mière table appelée la table de Dieu; les autres
ont pour objet de développer l'amour du pro­
chain: ils ont été écrits sur une table appelée
la table de l'homme. Dans le premier comman·
dement. il est parlé des faces de Jéhovah; le
mot « faces» dans le texte hébreu, eEt au
pluriel.
Dieu de même que l'homme créé à son image,
n'a qu'une seule face, mais la face exprime les
impressions de l'âme, ce qui fait que la vérité
qui formule ces impressions du cœur humain
HOUS le nom générique d'amour ou de haine,peut
se présenter à nous wus une infinité de faces.
Les faces de la vérité et les faces de Dieu,
c:est tout un, car le Seigneur est la source
même de la vérité. Or l'homme, comme vase
récipient du bien et du vrai dont Dieu est la
source unique, a aussi plusieurs faces, qui de­
vraient toujours se présenter comme le reflet
des faces de Jéhovah. Mais les expressions de
la figure de l'homme, qui peuvent être celles
de la douceur, de la miséricorde ou de la bien­
veillance,peuvent aussi être celles de la dureté,
de la colère ou de la vengeance.
Les faces de Jéhovah, pour les hommes de
l'Eglise Israélite, leur inspiraient un sentiment
de crainte, ainsi que cela est dit dans l'Exode
au chap. XX. 18. Il en résultait à cause de leur
état externe une croyance aveugle, au sens
itlé~~l de la Bible: c'est pourquoi l'interpré·
ET LA TAB~E DE DIEU 195
tation littérale des Ecritures saintes a été
qualifiée de judaïque, Les faces de Jéhovah ont
inspiré aux bommes de l'Eglise chrétienne la
croyance à un Dieu d'amour et ùe miséricorde;
lies ont élevé l'âme humaine il la cons­
cience du sens naturel des sailltes Ecritures
comprises plus rationnellement dans leur lettre,
ainsi qu'à la cro}'ance à l'existence de leur sens
spirituel.
Mais les faces de Jéboval1,pour l'Eglise de l'a·
venir, doiyent passer par une nouvelle évolu­
tion, car r.ous ayons YU précédemment que
l'homme doit s'élever jusqu'à l'intelligence ra­
tionnelle du sens interne de la Bible. Or, dans
<-:e sens interne, il ya deux nouvelles faces de
Jéhovah: il y a d'abord celle qui refiètel'a le
sens spiriluel, et ensuite celle qui reflétera le
f ens céleste oul1ivin de la Parole inspir8e.

Néanmoins ces dift'crenks faces de Jéhovah


et de sa Vérité, resteut toujours celles d'un seul
et mème Dieu, d'une seule et même Vérité.
Lorsque les faces de J ébovah s'abaissent;
suivant le langage hiblique, cela suppose donc,
conformément au ~ens littéral ou judaïque, que
Jéhovah se meL en colère, ou qu'il est jaloux,
ou qu'JI se venge, parce que le peuple auquel il
s'adresse e&t dans le mal i étant dans le mal, il
voit Dieu sous cel aspect terrible. Lorsque les
faces de Jéhovah s'élèvent, cela signifie que
l'homme s'élève dans le vrai et dans le bien: or,
ce vrai et ce bien correspondent aux faces plus
intérieures de Jéhovah et des enseignements de
sa sagesse. C'est pOlJrquoi, on lil dans le livre
des Nombres (V1.25,):« Que Jéhovah fasse luire
« ses faces sur toi,et aie pitié de toi! Que Jého­
«vah élève ses faces sur toi et metle en toi la
« paix!» De même encore dans le Psaume IV,7.,
<>: on lit: « Pl us je urs dIsent: « qui mon tl'era l~
196 LES FACES DE Jimov AH
« bien? Lève sur nous la lumière de tes faces,
« Jéhovah! ))
14~. Le premier précepte du Décaiogue : « Tu
« n'auras pas d'autres dieux devant mes faces ),
signifie, dans le sens littéral, qu'il ne faut pas
adorer d'idoles, de peur d'attirer sur sa tête la
vengeance de Jéhovah, de peur surtout d'éloi­
gner de soi la miséricorde (le Jéhovah.
C'est pourquoi il est ajouté: « Tu ne te feras pas
« L'jmage laillée, ni aucune ressemblance de ce
« qui est dans les cieux en haut, ni de ce qui est
« en la terre en bas, ni de ce qui est dans les
« eaux au·dessous de là terre. 'l'u ne te proster­
« neras pas devant elles, et ne les serviras
« point, car Moi Jéhovah ton Dieu, Dieu jaloux
«je suis, visitant l'iniquité des pères sur les
« fils, sur les troisièmes et sur les quatrièmes
« en génération de ceux qui me haïssent, et {ai·
c sant miséricorde aux millièmes en génération,
« à ceux qui m'aiment et qui gardent mes com­
e mandements. »

On voit par ce texte que Jéhovah traitait les


Juifs comme nous traitons nos propres enfants!
Ceux-ci, pas plus que ne l'étaient les juifs, ne
sont assez eIevés en moralité, poUl' croire que
le bien porte en lui-même sa récompense, et
que le mal porte en lui-même sa peine. Les
juifs, de même que les enfants, ne pouvaient
être maintenus dans le devoir que par la ter­
reur du châtiment, et par l'appât de la récom­
pense.
Mais en sortant de l'âge de l'enfance,la raison
se développe assez pour élever graduellement
les hommes à la conception du 5ens naturel de
l'Ecriture sainte. Ce sens naturel, qui est le
premier triomphe de l'esprit sur la lettre des
textes, comprend, dans la défense d'adorer des
ET J.A TABLE DE DIEU 197
idoles, la défense de rendre un culte aux
hommes défunts on vivants.
Dans les temps anciens, il y eut des Eglises,
des nations et des associations personnifiées
dans les types de héros, auxquels on finit par
rendre un culte comme à Dieu, lorsqu'on eut
,terdu de vue l'origiue mythique de ces person-
nages fictifs.
Plus tard le culte public de César divinise fut
institué sous l'empire romain et consacra, dans _
le monde politique, la substitution du gouverne-
ment personnel, ou du gouvernement par la
raison d'Etat,au gouvernemént par la justice, le
seul qui soit réellement de droit divin.
Dans nos temps modernes, on a maintes fois
continué le culte des grands hommes, nouveaux
CEsars et despotes, qui ont été, par leur ambi-
tion effrénée, le fléau des nations.
Dans le monde religieux, le culte du pape est
aussi devenu une violation du premier com-
mandement du Décalogue, car c'est une idola-
trie dont lel cutte aboutit à la domination du
pouvoir sacerdotal sur les consciences d'une
multitude de chrétiens; ceux-ci sont ainsi main-
tenus dans l'ignorance de l'esprit libéral des
doctrines évangéliques et chrétiennes. Heureu-
sement que ce faux christianisme porte en lui-
même son propre ferment de dissolutiolJ _ Ce
correctif naturel se ·trouve dans l'amour de la
liberté, de l'égalité et de la fraternité que le
christianisme évangélique a ponr mission de
développer dans les sociétés humaines.
Mais personne excelJté Dieu,et rien hormis ce
qui procède et influe directement de Dieu dans
les âmes des hommes, ne doit être adoré ni être
l'objet d'un culte.
Par exemple, celui qui s'aime ou qui aime le
monde par dessus toutes choses, fait son Dieu
198 LES FACES DE JÉHOVAH

de lui-même ou du monde et ne reconnaît de


cœur aucun Dieu; de plus, il viole le premiel'
précepte du décalogue entendu dans le sens na­
ture l.
Ce même précepte dit que Dieu visite l'ini­
quité des pères sur les enfants, ce qui signifie,
dans le sens naturel, que le mal s'accrolt chez
les pèl'es et passe ainsi par hérédité dans les
enfants; il en résulte successivement, de gén.à­
ration en génération,une aggravation des maux
et des faux. Mais, dans le sens spirituel, ces
paroles s'entendent des pères spirituels qui
sont ici des maux j et, par les fils, il est en­
tendu des fils spirituels, qui sont ici des faux.
Ce qui signifie la prolification des faux d'après
le mal et cela indéfiniment.
On voit donc que le sens spirituel nous élève
au-dessus des considérations purement natu­
relles,qui concernent l'homme envisagé comme
individu, et nous tl'ansporte dans le domaine
de l'amour du vrai pour le vrai; cet amour
nous initie à l'esprit et aux principes mêmes
de l'Eglise chrétienne, en laissant à l'arrière
plan les questions de personnes.
Les hommes avaient commencé par adorer
Jéhovah comme Dieu invisible, bien qu'il dût
plus tard se rendre visible aux Juifs, dans cer­
taines occasions et par l'intermédiaire d'un
ange sous une forme humaine. C'est ainsi qu'il
apparut à MOlse, à Ahraham, à Sarah, à Agar,
à Gédéon, à Josué et parfois aux Prophètes;
cette forme humaine remplie duDivin étaitrf·pré.
sentative du Seigneur qlll devait venil'.Mais les
hommes, vers l'époque où vint 1e Sauveur,
étaient devenus trop sensuels pour pouvoir se
conjoindre par l'âme avec un Dieu invisible.
Pour l'homme moderne aus~i, la conjonction
avec Dieu ne peut avoir lieu qu'à la condition
ET LA TABLE DE DIEU 199
de voir clairement, dans la pensée, Dieu comme
un homme auquel rien d'humain n'est étranger.
En effet, pu suite de son contact terrestre
avec les hommes, Jéhovah, incarné dans le
Christ, peut être compris et adoré à la fois sous
la forme divine et sous la forme humaine. C'est
ainsi que Jéhovah est venu au milieu des
hommes pnur les elever au-dessus de l'a·
mour excessif du bien-être matériel, dans le­
quel ils étaient tombés, et opérer sur euX
la rcdemption:« Qui M'a vu a vu le Père »,
s'écri~ Jésus, (Jean XIV. 9.,) pour mieux ac,
centuer son identité avec Jehovah.
A la vérité, les Israélites n'ont pas cru que
Jéhovah viendrait, sous cette forme char­
nelle, exercer un jugement sur leur Eglise pour
fondel' en son lieu et place l'Eglise chrétienne.
Ils ne l'ont pas cru parce qu'Us étaient entière­
ment dans le sens littéral de la Bible, dans le
culte externe et dan~ l'amour d'eux.-mêmes;
mais la Bible s'adresse par son sens interne
aux hommes de tous les temps. Le Décalogue
s'applique aux Chrétiens dans un sens plus
profond encore que lorsqu'il s'appliquait aux
Juifs, Jésus n'est pas venu pour abolir la loi
et les prophète3, mais pour les accomplir; et
cette même Loi comprise dans son esprit aussi
bien que dans sa lettre, n'est pas pour le polit
peuplA Juif seul, mais pour le monde entier,
(Ylalth. V. n.)
La croyance à la divinité de Jésus est deve­
nue la pierre d'angle et le fondement même de
l'Eglise (Marc XII, 10. :Matth. XVI. 18). Or, c'est
pl'écisAment cette pierre d'angle que rr.jettent
certains bàtisseurs et cel'lains architectes de
notre monde moderne; d'autres, qui acceptent
la croyance à la divinité du Christ, prétendent
qu'il y a une trinité de dieux, qui, d'après eux,
200 LF.S FACES DE JÉHOVAH
ne formeraient qu'un seul Dieu. Ils violent ainsi
le premier commandement du Décalogue, qui a
pour but de maintenir intacte la croyance à
l'unité de Dieu. Nous avons fait ressortir dans
notre chapitre VI, no 54, celte inconséquence et
en même temps cette violation du principe de
l'unité de Dieu. Ol! cesse d'adorer le Seigneur
dès lors qu'on cesse de le comprendre et les
Eglises elles-mêmes, tombent en décadence des
qu'elles perdent de vue ce principe fondamental
de l'unité de Dieu.
Il y a bien des passages dans la Bible, qui
nous enseignent qu'il n'y a pas d'autre Dieu que
Lui. Dan s Esaïe, XLV, 14, 15. « Ne suis-je
« pas Jehovah ~ et y 8.-t-il d'autre Dieu que
« Moi, d'autre Dieu juste et Sauveur que moi ~ »
DansJérémie, XXm,5, 6; XXXIII. 15,16. « Voici
« les jours viendront que je susciterai à David un
« germej uste, qui règnera roi, et voici son nom,J é·
« hovab,notre Justice.~DansZacharie (XIV,3,4):
« Jéhovah sortira .. , « et Il se tiendra debout
« sur ses pieds, en ce jour-là, sur la montagne
« des Oliviers, qui est vis-à·vis de Jérusalem »
L'Eglise de l'avenir ne s'arrêtera pas au sens
spirituel de la Bible; elle s'élevera plus tard
jusqu'ausens céleste, en amenant l'homme dans
le plan de vie de l'amour du bieiJ pour le bien,
et par suite dans une conception eucore plus
précise et plus large des attributs essentiels du
Dieu unique. Ce sentiment de l'amour du bien en
lui-même rapporte toutes chose non plus à l'E­
glise, mais au Seigneur qui est au-dessus de
l'Eglise. Nous voyons alors Jéhovah dans ses fa·
ces les plus élevées, à la fois comme Infini,
Eternel, Tout-Puissant, Tout-Sachant et Tout­
Présent. Il devient présent pour nous par sa
Vérité, dans les choses les plus intérieures, en
même temps que dans les choses les plus exté­
ET LA TABLE DE DIEU 201
rieures,par conséquent, à la fois comme Premier
et Dernier,Commencement et Fin.ll devient réel­
lement dans nos pensées, Celui qui Etait, qui
Est et qui Sera. Il est l'Amour même, le Vrai
même, ainsi, la Vie même et PEtre unique, de
Qui tout procède. Nous arrivons à croire et à
comprendre l'ation nellemen t corn men t nous ne
sommes que des organes de la vie de Dieu, en
notre qualité de simples vases récipients de son
bien et de son vrai divins. Nous pouvons ainsi
embrasser d'une seule vue d'ensemble toutes
les richesses spirituelles du bien et du vrai, et
même les richesses matérielles que les hommes
oblie12dront, lorsqu'ils arriveront à faire le~ ap­
plications sociales de ce bien et de ce vrai di­
vins.
On voit donc que, dans le sens céleste, l'a­
mour de Dieu par l'intelligence de son unité,
devient le principe même de l'amour du pro­
chain dans toutes ses applications sociales;
qu'ainsi, ces applications de l'amour de Di~u,
descendent tour à tour et successivement, du
plan de vie céleste dans le plan de vie spiri­
tuel; de celui-ci dans le plan de vie naturel et
jusque dans le plan de vie terrestre des ensei­
gnements de la sagesse divine.
:Mais l'intelligence de cette sagesse ne peut
être acquise par l'homme qu'à la condition de
remonter successivement chacun des sens de la
Parole révélée, qui correspondent à chacun de
ces plans de vie, et ainsi, à la condition de com­
mencer toujours par l'échelon le plus bas, qui
est celui du sens littéral. Ce dernier est la base
de tous les autres; il est la matière dans la­
quelle l'homme naît et sur laquelle il greffe l'es­
prit qui, à son tour se développe et se prépare
dans le temps, pour prendre plus tard son vol
dans l'infini et dans l'éternité.
202 LES FACES DE JÉnOVAH

143. Le second commandement nous enjoint


de « ne pas prendre le nom de Dieu en vain. »
L'homme doit commencer par comprendre le
sens littéral de ce commandement, afin de lui
donner ensuite tout le développement, toute
l'extension que comporte son sens naturel.
Dans le sens littéral, prendre ce nom en vain,
c'est s'en servir dans des serments sans cause
et dans un but de se disculper avec des inten­
tions mauvaises.
Le nom de Jéhovah est saint en soi-même;
aussi les Juifs n'ont pas osé dire Jéhovah, et
les Chl'ètiens disent le Seigneur, parce que les
divers passages de l'Ancien Testament, repro­
duits dans le N'Hlveau, disent le Seigneur au
lieu de Jéhovah, notamment dans Mathieu
XXII. ;-16 et Luc X. 27, qui sont à comparer avec
le Deutéronome, VI. 5.
Dans le sens naturel, la raison nous dit que
prendre le nom de Dieu en vain, revient à faire
contre Dieu ce que l'homme fait contre son
Femblable, lorsqu'il l'injurie, le calomnie ou le
diffame dans sa vie.
Le sens spirituel concerne l'Eglise; il en ré­
sulte que prendre le nom de Jéhovah en vain,
dans le sens spirituel, c'est nier l'existence de
toutes les qualités divines enseignées par l'E­
glise d'après la Pal'ole, car le nom signifie la
qualité; c'est donc aussi nier tous les attributs
divins, tous ceux à cause desquels le Seigneur
doit être invoqué et adoré, ainsi parler des en­
seignements de la sagesse divine dans un lan­
gage léger et frivole.
Dans le sens céleste, prendre le nom de Dieu
en vain, c'est nier le Seigneur, pl'ofaner sa vé·
rité ou ses enseignements, en tombant dans ce
péché contre l'esprit, qui ne peut être pardonné,
~uivant l'E,vangile, ni dans ce monde, ni d~qs
Et' LA 1'AHLE Dl/, DII;:U 203
l'autre (Mattb. XII. 32). Un tel profanateur se
nourrit spirituellement en puisant à la source
divine du bien et du vrai, avant ILême d'avoir
suffisamment deraciné de son cœur, par la re­
pentance, le mal et le faux qui y étaient enraci­
nes; il se fait alors un déchirement en lui qui
ne peut que le rendre très malheureux j en effet,
le faux et le mal sont cachés derrière le vrai et
le bien comme un veniu secret. C'est pourquoi
de tels hommes sont qualifiés par le Seigneur
de « Race de vipères» (Matth. XII. 34); et c'est
pourquoi aussi il est dit que « Jéhovah ne tien­
« dra pas pour innocent celui qui aura pris son
« nom en vain. » Son nom est sa qualité, et
celle-ci consiste dans le vrai et le bien, qui
émanent deLui seul.
Dans ce sens céleste, c'est le Divin Humain
du Seigneur qui est entendu par le nom de
Jéhovah: c'est puurquoi on lit dans Jean XII
28 : u Jésus dit: Père, glorifie ton Nom! et il
« sortit une voix du Ciel disant: Et je rai glo­
(\; riflé, et de nouveau, je le glol'iflerai. ) On lit
aussi dans le chap. XIV, 12, du même évangile:
« Et tout ce que vous demanderez en mon Nom,
« je le ferai, afin que soit glorifié le Père dans
« le Fils. »
Il n'est pas entendu autre chose, dans l'Orai­
son dominicale, lorsqu'il est dit: u Soit sanctifié
ton Nom. » C'est toujours la qualité que signifie
I.e Nom, et aimi le Divin Humain du Seigneur,
d'où influe dans chacun de nous le bien et le
vrai divins.
144. Les enseignements qui resultent du pre­
mier et du second commandement, nous prépa­
rent à l'état de paix ou de repos annoncé dans
le troisième commandement. « Souviens-toi du
«jour de repos pour le sanctifier. Six jours tu
« travailleras et tu feras toute œuvre; et le sep­
204 LES FACES DE JÉHOVAH

« tième jour, sabbat à Jéhovah ton Dieu; tu ne


« feras aucune œuvre .,. »
Les six jours de la çréation ou de la régéné­
ration de l'âme humaine représentent les six
jours de combats du Seigneur contre les maux et
les faux; le septième jour, sa victoire sur eux,
et ainsi le repos consacré, même dans le sens
littéral de ce commandement.
Lorsque le Seigneur vint dans le monde, il
choisit ce jour, pour enseigner dans le Temple
et dans les synagogues (y. Marc VI, 2; Luc IV.
16, 3t, 32, VI, 6. XIII. 10) : ce fut donc le jour
consacré pour l'instruction et la méditation. Tel
est le sens naturel de ce troisième commande­
ment.
Dans le sens spirituel, ce précep te signifie la
réformation et la régénération de l'homme par
le Seigneur et alors la paix, parce qu'il y a
protection contre le mal. Sabbat est un mot
hébreu qui signifie repos; dans le sens céleste,
il signifie paix, parce qu'il y a alors conjonc­
tion de l'homme avec le Seigneur; c'est une pro­
tection contre les maux et les faux, lorsque
ceux-ci ont cessé d'avoir prise sur l'âme hu­
maine, par suite de son état de régénération.
En ce qui concerne le Seigneur, le sabbat si­
gnifie l'union du divin avec l'humain du Sei­
gneur et ainsi sa glorification complète.
Cette paix de l'âme qui réalise la regénéra­
lion de l'homme, c'est-à-dire sa nouvelle créa­
tion, s'obtient donc, en principe, par le respect
que Dieu inspire à celui qui ne prend pas son
Nom en vain. L'homme régénéré conçoit assez
clair ement dans ~a pensée l'Etre di vin, pour ne
plus pouvoir adorer d'autres dieux que Celui
deva.nt les faces duquel il se sent éclairé et
élevé.
CHAPITRE XVIII

L'amour du prochain et la Table de l'homme.


145. Le quatrième commandement du Décalogue s'entend dans
le sens littéral du devoir pour cnacun d'honorer ses parents
et ses tuteurs; dans le sens naturel il s'applique aussi à
l'obligation d'honora la patrie. Uans le sells spirituel, ce
précepte signifie qu'il faut honorer Dieu ainsi que l'E~lise ;
dans le sens céleste, nonorer le Père c'est honorer Jénovan
incarné dans le Christ, et honorer la Mère, c'est honorer
les membres de l'Eglise universelle. - 146, Le cinquième
précepte dans le sens littéral est qu'il ne faut pas tuer,
dans le sens naturel, qu'il ne faut pas attaquer son sem­
blable dans son nom ou dans sa réputation; qU'Il ne faut
pas le haïr, Dans le sens spirituel, on entend par homi­
cides toutes les manières de tuer ou d. perdre les âmes des
hommes; dans le sens céleste, tue,' c'est se mettre témé­
rairement en colère contre le Seigneur, l'avoir en haine et
vouloir faire oublier son nom, - 147. Le sixième précepte
dans le sens litteral, est de ne pas commettre adultère;
dans le sens naturel, c'est la oéfense de convoiter une
femme, autrement l'adultére se t1'ou\'e déjà enraciné dans
le cœur, Dans le sens spirituel, c'est la défense d'adultérer
les biens de la Parole ou d'en falsifier les vérités, et dans
le sens céleste c'est de ne pas nier la sainteté de la Parole,
ni de la profaner. -148, Le septièlue commandement dans
Je sens httéral, est de ne pas voler; dans le sens naturel,
c'est de ne pas commettre de fourberies, ni de se procurer
des gains illégitimes. Dans le sens spIrituel, c'est de ne
pas priver les autres des vérités de la foi, en leur insi­
nuant des doctrines contraires à l'enseignement de la Pa­
l'ole; dans le sens céleste, par les voleurs, sont entendus
ceux qui enlèvent au Seip;neur le divin Pouvoir et qui
s'attribuent son mérite et s.a justice, - 140, Le huitième
précepe dans le sens littéral, interdit les faux témoignages;
dans le sens naturel il s'entend des mensonges de tous gen·
res et des hypocrisies poliliques ou privées; dans le sens
spirituel, c'est soutenir que le üux de la foi est le vrai de
la foi ou que le mal est le bien; dans le sens céleste, c'est
blasphémer le Seigneur et la Parole, ainsi chasser de
rE~lise la vérité elle-même, - 150. Les neuvième et
diXième commandements concernent Je péché de convoitise
et embrassent d'une seule vue d'ensemble tous les préceptes
qui précedent dans chacun des sens naturtd, spIrituel et
céleste. Caractères distinctifs de chacun de ces seus qui
i"diquent également les degrés divers de la régénération
de l'âme humaine,
18
206 L'AMOUR DU PROCHAIN

Jésus dit: " Si


vous m'aimez gar·
dez mes comman­
dements. » (Jean
XlV 15.)

145. Dans notre étude du Décalogue, nous


avons examiné la table de Dieu, qui embrasse
les trois premiers commandement8, et qui con­
cerne l'aulOur envers le Seigneur.
Nous allons continuer cette étude au point de
vue de la table de l'homme qui concerne l'a­
mour à l'égard du prochain. Ainsi que nous J'a­
vons fait pour la première table, nous recher­
cherons les trois sens qui sont enveloppes dans
le sens littéral de chacun des sept commande­
ments de la seconde table du Décalogue.
Le quatrième commandement est ainsi fur­
mulé: « Honore ton père et ta mère afin que
« soient prolongés tes jours sur la terre que
« Jéhovah ton Dieu te donne. »
Dans ce ~ens de la lettre, ce commandement
s'entend du devoir pour chacun de nQUS, d'ho­
norer ses parents, de s'attacher à eux pour
leur être reconnaissant de& bienfaits qu'ils nous
ont rendus, lorsqu'ils nous ont nourri et entre­
tenu dans le monde, pour nous donner lA moyen
d'y prendre noire place comme personnes civi­
les et morales. A défaut de parents les tuteurs
doi vent représenter les pères et mères dans le
cœur des pupilles.
Dans le sens naturel, ce commandement ne se
réfère pas seulement aux parents et tuteurs
mais il s'étend à la patrie, parce qu'elle nourrit
et défend les nationaux: le mot patrie, par
son étymologie se rattache au mot père.
Dans le sens spirituel par honorer son père et
sa mère, il est entendu honorer et aimer Dieu
ainsi que l'Eglise; O'est pourquoi Jésus étendant
ET LA TABLE DE L'HOMME 207
ses mains vers ses disciples, leur dit: « Ma
c mère et mes frères sont ceux qui entendent la
c parole de Dieu et qui la font:» (Matth. XIl 48­
59. Marc III. 33-3;). Luc VIII ~1.)
La mère signifie l'Eglise du Seigneur; les
frères, ceux qui sont dans le bien de la charité,
les sœurs, celles qui sont dans le vrai de ce
bien. On peut en conclure que dans les Cieux
Dieu et l'Eglise, sont les seuls parents qu
soient reconnus comme père et mère, car c'est
là que les régénérés sont nés de nouvèau, c'est­
à-dire nés du Seigneur et de l'gglise,
C'est ainsi que Jésus di t encore: « N'appelez
« personne votre père sur la terre,car un seul est
« votre père, celui qui est dans les Cieux.» Matth.
XXIII. 9. Ceci s'applique à ceux qui sont dans
Jes Cieux encore plus qu'à. ceux qui sont dans le
monde terrestre. Aussi, dans l'oraison domini­
cale, il est dit: « Notre père qui es da ns ci eux,
« que ton Nom soit sanctifié. » (Matth. VI. 9.
Dans le sens spirituel, l'Eglise s'entend de la
mère, parce qu'elle nourrit ses enfanls d'ali­
ments spirituels, ùe même qu'une mère sur la
terre les nourrit d'aliments nalurels.
Dans le sens céleste, le Père s'entend de
notre Seigneur Jésus-Christ, et la Mère s'en-.
tend de la communion de tous les membres de
l'Eglise uni,erselle répandue SUl' tout le globe.
Il est écrit, en effet: « Je vis la Ville sainte,
« Jérusalem nouvelle, descendant de Dieu, du
« Ciel, parée comme une fiancée ornée pour son
« mari.» (Apoc. XXI. 3.) Il est ajouté encore:
" Vien~, Je te montrerai la fiancée, l'épouse de
« l'Agneau ... et il me montra .. la sainte Jérusa·
« lem. ~ Apoc. XXI. 9, 10.)
Par la Nouvelle Jérusalem, il est entendu
l'Eglise de l'avenir, celle· qui s'élève déjà et se
fOijde sur l'inteqigence du !lens interne 4e l~
208 L'AMOUR DU PROCHAIN

Bible. Cette épouse est la mère et la sœur dans


ce sens. Les ligllées spirituelles qui naissen t de
ce mariage du Seigneur avec cette Eglise nou­
velle sont les biens de la charité et les vérités
de la foi jusque dans leurs applications sociales.
E. Swédenborg en conclut dans son livre « la
Vraie Religion chrétienne », no 308, que du Sei.
gn6:ur procède continuellement une sphère di­
vine-céleste d'amour, envers tous ceux qui sont
dans les vraies doctrines et qui, de méme que
les enfants dans le monde à l'égard du père et
de la mère, Lui obéissent, s'attachent à Lui et
veulent êtra noul"ris, c'est-à-dire instruits par
la Vérité. De cette sphère céle~te, naît une
sphère naturelle, qui est celle de l'amour en­
vers les petits enfants, laquelle affecte non­
seulement les hommes, mais les animaux. C'est
afin que le Seigneur opérât ainsi, même dans
les choses inanimées, qu'il a créé le soleil; pour
que, dans le monde naturel, il fût comme un
Père, et la terre comme une mère, car le soleil
est comme le Père commun et la terre comme
la mère commune, par le mariage desquels
existent toutes les germinations qui embellis­
sent la surface du globe. L'influx de celte
sphère céleste dans le monde naturel, produit
ces admirables progressions des végétations,
depuis la semence jusqu'aux fruits et à de nou­
velles semences.
146. Le cinquième précepte du Décalogue,
« Tu ne tueras pas, » est d'une trop grande
clarté pour avoir besoin d'être développé dans
son sens littéral.
Dans le sens naturel, il est entendu non-seu­
lement qu'on ne doit pas tuer son semblable, ni
le blesser, mais aussi ne pas l'attaquer dans son
nom, ni dans sa réputation, parce que la répu­
tation peut être plus précieuse que la vie. De
ET LA TABLE DE L'HOMME ~09

plus, les homicides s'entendent aussi des ini­


mitiés, des haines et des vengeances qui res­
pirent la mort. Ce sont là des homicides en in­
tention, non en actes, mais ils se commettraient
si la crainte de la loi disparaissait.
Dans le sens spirituel, par homicides, on en­
tend toutes les manières de tuer ou de perdre
les âmes des hommes. Ces manières sont di­
verses et multiples: par exemple, détourner de
Dieu, de la religion et du culte divin.
Dans le sens céleste, par tuer, il est entendu,
se mettre témérairement en colère contre le
Seigneur, l'avoil' en haine et vouloir faire ou­
blier son nom. Il est dit de ceux-ci qu'ils cruci­
fient le Seigneur, et qu'ils agiraient comme les
Juifs, si le Christ revenait. parmi les hommes.
Cela est entendu dans l'Apocalypse par Cf. l'A­
gneau qui gisait comme tué. :. (Apoc. V. 6.
XIII. 8.) et par l'expression «crucifié» (Apoc.
XI. 8.)
14'7. Le sixième précepte est aisé à compren­
dre dans le sens littéral; dans le sens naturel
le Seigneur en parle ainsi: « Vous avez entendu
« qu'il a été dit par les anciens: « Tu ne com­
« mettras point adultère.» Mais Moi, je vous
« dis que quiconque regarde une femme pour
« la convoiter a déjà commis adultère avec elle
«dan:;, son cœur. » (iVlatth. V. 27. 28.)
Ainsi il suffit de convoiter. pour pécher; la
convoitise est réputée pour le fait lorsqu'elle
est dans la volonté.
C'est seulement l'attrait qui entre dans l'en­
tendement, mais l'intention qui entre dans la
volonté est réputée pour le fait.
Par ce commandement dans le sens spirituel,
il est entendu, adultérer les biens de la Parole
et en falsifier les vrais.
Comme la nation Juive avait falsifié la Pa­
2iO L'AMOUR DU PROCHAIN

roJe, c'est pour cela qu'elle fut appelée par le


Seigneur: « Une génération méchante et adul­
tère, ll(Matth.XVI.4)et«semence d'adultère»
dans Esaïe, LVII, 3 et dans beaucoup d'autres
passages, où, par les adultères et les scorta­
tions, sont entendues les adultérations et les
falsifications de la Parole.
Dans le sens céleste, par commettre adultère,
il est entendu nier la sainteté de la Parole et la
profaner.
Ceux-là nient la sainteté de la Parole et la
profanent, qui se rient intérieurement de toutes
les ChOS8S de l'Eglise et de la religion, bien que
toutes ces choses proviennent de la Parole.
Le mal de l'adultère une fois enraciné dans
la volonté, ne peut être éloigné que par la re­
pentance, il ne suffit donc pas à l'homme de
s'abstenir de commettre le mal pour qu'il puisse
être jugé chaste, mais il fautqu'i! arrive à s'abs­
tenir de vouloir l'adultère, lors même qu'il
peut le commettre, et ainsi l)'en abstenir par
le motif que c'est un péché contre Dieu ou un
mal à fllir, qlli llli inspire la plus grande répu­
gnance; la convoitise, quand elle est dans la vo­
lonté, est comme le fait; elle n'est éloignée que
par la repentance : alors seulement l'homme
peut être jugé chaste, et non plus intérieure­
ment adultère.
148. Le septième commandement nous en­
joint de ne point voler.
Dans le sens littéral, ce précepte n'a pa~ be­
soin d'explication: il indique suffîsamment
qu'on ne doit enlever à la dérobée, ni sous au­
cun prétexte, les biens à q1ü que ce soit.
Dans le sens naturel, ce précepte s'étend à
toutes les fourberies, aux gains illégitimes, aux
usures et aux exactions, ainsi qu'aux fraudes
dans l'acquittement des dettes.
ET LA TABLE DE L'HOMME 211
Tous les ouvriers et employés qui font leurs
travaux sans sincérité et sans fidélité,violent ce
commandement; de même les marchands qui
trompent sur la qualité ou sur la quantité des
marchandises vendues, de même les officiers
qui dérobent la paie ou qui fraudent sur la nour­
riture due aux soldats; de même les juges qui
obéissent dans leurs jugements aux influences
d'amitié ou qui acceptent les ordres de ceux
dont ils espèrent obtenir la protection pour s'é­
lever en grade dans la magistrature; ils frus­
tren tain si leurs j usliciables des draits ou de la
propriété qui leur reviennent légitimement.
Dans le sem spirituel, par voler, il est en­
tendu priver les autres des vérités de la foi, en
leur insinuant des doctrilLes fausses et héré­
tiques, ou contraires à l'enseignement de la Pa­
role. C'est ainsi qu'agissent les prêtres ou pas­
teurs qui remplissent le ministère seulement en
vue du gain, ou par ambition des honneurs, lors­
qu'ils enseignent des doctrines qu'ils reconnais­
sent intérieurement comme fausses; tels sont
les voleurs spirituels, car il!! frustrent les hom­
mes de leurs richesse!' spirituelles et leur enlè·
vent les moye'ns de salut, qui sont les vérités de
la fùi.
Ils sont appelés voleurs dans la Parole, par
exemple dans ces passages: « Celui qui n'entre
« pas par la porte dans la bergerie, mais qui
« monte par un autre endroit, celui-là est un
« voleur et un larron. Mais celui qui entre par
«la porte est le berger des brebis» (Jean X.
1-10.) « Amassez-vous des trésors dans le Ciel,
« où ni teigne, IIi rouille ne détruisent, et où
«les voleurs ne percent ni ne volent. ,. (Matth.
VI. 20).
Dans le sens céleste, par les vo.leurs sont en­
tendus ceux qui enlevent au Seigneur le divin
212 L'AMOUR DU PROCHAIN

Pouvoir, puis ceux qui s'attribuent son mérite


et sajustice, ou encore ceux qui n'ont confiance
qu'en eux-mêmes et qui ne croient pas en
Dieu.
149. Le huitième commandement,dans le sens
littéral, nous interdit les faux témoignages de­
vant les juges ou devant d'autres en dehors du
tribunal.
Dans le sens naturel, ce précepte s'entend
des mensonges de tout genre, et des hypocrisies
politiques ou privées. Toute diffamation qui at­
taque l'honneur du prochain, son nom, sa répu­
tation, toutes les fourberies cachent en elles~
mêmes le faux témoignage.
Dans le sens spirituel, par porter un faux té­
moignage, il est entendu, soutenir que le faux
de la foi est le vrai de la foi, ou que le mal est
le bien de la vie, et réciproquement. Il est clair
qu'il s'agit de ceux qui agissent ainsi sciem­
ment et non par ignorance; en effet, le Sei­
gneur dit: «Si vous étiez aveugles, vous n'au­
«riez point de péché; mais maintenant vous
« dites: Nous voyons; c'est pourquoi votre pé­
« ché demeure. » (Jean IX. 41.)
Dans le sens céleste, par porter de faux té­
moignages, il est entendu blasphémer le Sei­
gneur et la Parole, et ainsi chasser de l'Eglise
la Vérité car le Seigneur est la Vérité même.
Il est le Bien et le Vrai mêmes.
Il est entendu que c'est à la Vérité elle-même,
qu'on doit rendre témoignage; de là. vient que
le Décalogue est appelé aussi le Témoignage,
dans bien des passages des livres de l'Exode, du
Lévitique et de::. Nombres.
150. Le neuvième et le dixième préceptes
concernent le péché de convoitise; ces deux pré­
ceptes embrassent dans une seule vue d'ensem·
ble ceux qui précèdent, car ne pas avoir de
ET LA 'TAilLE DE L'HOMME 213
convoitise, implique la défense de convoitise
pour les maux qui sont défendus et qui se résu­
ment dans l'amour de soi, l'opposé de l'amour
de Dieu, et dans l'amour du monde, l'opposé de
l'amour du prochain. Ainsi ne pas convoiter la
maison de son prochain, ni l'épouse de son pro­
chain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son
bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui soit au
prochain, tout cela signifie qu'on doit se garder
de l'amour de soi et de l'amour du monde, autre­
ment les maux qui sont défendus' dans les pré­
ceptes précédents, deviendraient des choses de
la volonté et s'ex.haleraient au-dehors. En effet,
la maison enveloppe tout ce qui suit, car en
elle, il yale mari, l'épouse, le serviteur, la
servante, le bœuf et l'âne.
De même l'épouse qui est nommée après la
maison, enveloppe ce qui suit, car elle est la
maîtresse dans la maison comme le mari est le
maître; le serviteur et la servante sont sous
eux; de même le bœuf et l'âne sont sous ceux­
ci; puis, en dernier lieu, toutes les choses qui
sont au-dessous ou en dehors, parce qu'il s'agit
de tout ce qui est au prochain.
On voit donc que ces deux derniers comman­
dements embrassent dans une seule vue d'en­
semble, tous ceux qui précèdent.
Ainsi dans le sens littéral comme ùans le sens
naturel, ces deux derniers préceptes enjoignent
de ne pas faire les maux, ou de ne pas avoir de
convoitise pour eux: ils concernent donc au­
tant l'homme externe que l'homme interne, car
celui qui ne fait pas les maux et cependant qui
dé"si re les faire, les fait intentionnell em ent,
(Matth. V. 27,28.)
Or l'homme externe ne devient interne, ou
ne fait un avec l'homme interne que lorsque
les convoitises ont été éloignées.
214 L'AMOUR DU PROCHAIN

C'est là être né et engendré de nouveau,


comme le Seigneur le disait à Nicodème (Jean,
lII. 4.)
~.1ais lorsque la convoitise existe intérieure­
ment, cette parole du Seigneur aux Pharisiens
trouve son application. II. Malheur à vous, scri­
« bes et pharisiens, hypocrites! parce que vous
« nettoyez le dehors de la coupe et du plat, mais
« en dedans ils sont pleins de rapine et d'intem·
« pérance. Pharisien aveugle! nettoie première­
«ment l'intérieur de la coupe et du plat, afin
« qu'aussi leur extérieur devienne net. » (Matth.
XXIII. 25,26.)
Dans le sens spirituel, par ces deux derniers
commandements, toutes les convoitises qui sont
contre les cboses spirituelles de l'Eglise, wnt
défendues. Ces choses concernent la charité et
la foi, car si les c()nvoitises n'étaient point
étouffées, l'homme n'obéirait qu'à ses appétits
charnels. Ainsi le sens spirituel de ces deux
préceptes se réfère au sens spirituel de chacun
des préceptes qui les précèdent.
Dans le sens spirituel, la maison, l'épouse,
le serviteur, la servante, le bœuf et l'âne, qui
ne doivent pas être convoités, signitieut tous
es biens et tous les vrais de la toi dans leur en­
semble, qu'il n'est permis d'enlever à personne:
la maison signifie le bien en général; l'épouse,
tout vrai en général; le serviteur, l'affection
du vrai spirituel; la servante, l'affection du
bien spirituel; le bœuf signifie l'affection du
bien naturel; l'àne, l'affection du vrai naturel,
c'est-à-dire, le vrai scientifique.
Tous ces biens et tous ces vrais de la foi sont
les mêmes choses qui sont signifiées par sanc­
tifier le jour du sabbat, honorer son père et sa
mère, ne point tuer, ne point commettre adul­
tère, ne poirlt voler, ne point port~r de f~u~ té..
ET LA rABLI~ DE: L'llOIllIllB 215
moignages; tou.tes ces choses appartiennent
donc à l'amour et à la foi.
Dans le sens céleste, ces deux préceptes se
réfèrent aussi au sens céleste de ch3cun des
préceptes qui précèdent.
Convoiter signifie vouloir d'après un amour
mauvais; et, en effet, toute concupiscence ap­
partient à un amour, parce qu'on ne convoite
que ce qu'on aime.
C'est la volonté qui est l'homme lui-même
bien plus que la pensée et que l'en te nde­
ment.
De là il résulte qneles chosesqui entrent dans
la pensée de l'homme et non par elle dans la
volon té, ne la rendent poin t im pure et que cell es
que entrent par la pensée dans la volonté la
rendent impure, car alors elles son t appropriées
et deviennent siennes.
Les choses qui deviennent choses de la vo­
lonté de l'homme, sont dites entrer dans son
cœur, celles qui appartiennent à la pensée,
sont dites entrer dans la bouche et sortir par les
voies naturelles selon les paroles du Seigneur
dans l'Evangile de l\Iallhieu (XV. 1 à 19).
On voit que, d ans le langage de la Bible, les
choses internes ou spirituelles sont entendues,
mais qu'elles sont expdmées par les choses
externes et naturelles, suivant les correspon­
dances. C'est ainsi que la concupiscelJce du mal
est entendue par l'œil droit qui scandalise et
qu'il faut arracher spirituellement; de même
la concupiscence du faux est entendue par la
main droite qui scanrlalise et qu'il faut couper
spirituellement (Malth. V. 20. 30).
La première chose de l'amour envers Ditu et
de Pamour à l'égard du prochain, c'est de ne
pas faire Je mal, la seconde chose c'est de faire
le bien. L'homme étant né dans le naturalisme
216 L'AMOUR DU PROCHAIN ET LA TAULE DE L'HO~IM:E

et par suite dans le mal, il faut d'abord, pour


qu'il se régénère, que les maux soient éloignés
par la repentance, avant qu'il puisse 'Vouloir les
biens qui sont du ciel et qui doivent le faire
aboutir à la réformation et à la régénération.
Cette régénération doit aussi s'opérer suc­
cessivement, car l'homme doit commencer par
s'identifier au sens naturel des enseignements
divins, puis à leur sens ~piritup,l, et ensuite, il
peut, s'il le veut, s'élever jusqu'au sens céleste.
Rappelons-nous à ce suj et qu'il ya à la fois de
la religion, de la philosophie et de la science
dans chacun des trois sens de la Parole révélép,;
seulement le génie de celui qui s'arrête au sens
naturel est plus scientifique que philosophique
et religieux; celui qui s'élève au sens spirituel
est plus philosophique que scifmlifique et reli­
gieux; enfin celui qui s'élève jusqu'au sens cé·
leste est plus religieux que philosophique et
scientifique. Ce demier recherche surtout le
Seigneur ou le bien en lui-même, mais l'hom­
me spirituel pense plus à l'Eglise ou au vrai en
lui.même, tandis que l'homme naturel s'ins­
pire plus du côté utilitaire des choses, ou des
effets externes du bien et du vrai.
L'Eglise de l'avenir doit s'établir non sur des
miracles, mais sur une conception rationnelle
de la Parole de Dieu: or, les commandements
du Décalogue, nous donne ut 1.!n sommaire de
tout renseignement de la Bible, un sommaire
de tout ce qui concerne l'amour de Dieu et l'a­
mour du prochain. Aussi, le Seigneur dit: c Si
vous m'aimez gardez mes commandements. »
CHAPiTRE XIX.
La Prière.
151. La prière dans l'Eglise dont le culte est externe, est
dilTéreute de ce qu'elle sera daus l'Eglise de l'aveu il' ;
en effet, le culte externe suppose le l'èglle du Christ
dans le sens littéral de la Parole, et le culte interne
suppose son règne en esprit. - 152. L'utilité de la prière
dans le culte exteme est, particulièrement, de préparer
l'homme à la première phase de sa régénération, dite
phase de réformation, mais la prière dans le culte in­
tel'De est une communicalion de la vérité spil'ituelle,
ce qui surpasse tous les miracles SUI' lesquels étaient
fondées les Eglises des cultes externes, et ce qui nous
annonce le règne du Christ en esprit. Ceux qui contri­
bueront à l'établissement de l'Eglise de ['avenir au lieu
d'écrire la Parole inspirée sous la dictée de l'esprit, sans
même la comprendre, la dévoileront rationnellement et
la développeront dans son sens inteme. - 153. Mais
pour cela, il faut supposer que le vrai qui illfiue im­
médiatement de Dieu chez les régénérés, est une per­
ception qui doit coïncider et concordel' avec le vrai qui
fiue rnédiatement de Dieu pal' nos sens. - 154. La Pa­
role dans sa gloire, c'est-à-dire, dans son sens spirituel,
est représentée dans la scène de la transfiguration. ­
155. Ce n'est pas dans la prière seule qu'il faut mettre
sa confiance, mais dans la recherche de la vérité, car
c'est cette recherche qui constitue la prière réelle et
le culte réel. - 156. La prière semble se réduire à l'O­
raison dominicale, mais en réalité, elle s'étend à l'en­
seignement donné par le Seigneur dans les actes mê­
mes par lesquels Il a opéré la Rédemption. Après la
glorification opérée par l'union de son Humain avec son
Divin, il ne restait plus rien du mal héréditaire pro­
venant de Marie et 11 n'était plus son fils. Cette glo­
rification du Seigneur sert de modele à l'homme, qui
doit aussi subjuguer son externe pour l'unir à son in­
terne et ainsi opérer sa régénération. - 151. Le Sei­
gneur est lui-même présent dans le sens naturel de sa
Parole, avec sa nature humaine et dans le sens spiri­
tuel avec sa nature divine. C'est pourquoi, Il a dit qu'en
priant, Il n'est pas nécessaire de multipl;er les paroles,
car il sait de quoi nous avons besoin avant que nous
le lui demandions.
19
~18 LA PHlilŒ

« Or, quand vous rrié~1 ue nlld­


(ipliez pas les paroltlS comme
les gentils; cal' ils s'imaginent
que, pal' la multItude de leurs
paroJe$, ils seron t exaucés.
Ne vous rendez donc pas se,e­
blables à eUI, cal' votre Pere
sait de quoi vous avez besoin
avant que vous le lui de­
mandiez. ~ (MlI.tth. VI. 7,8.)

151. La prière, telle qu'on l'entend dans l'E·


glise dont le culte est externe, est bi.en diffé­
reute de la prière telle qû'on l'entendra dans l'E­
glise de l'avenir dont le culte sera interne.
Le culle externe suppose le règne du Christ
en chair, ou son règne dans la connaissance du
sens littéral de la Parole; mais le culte interne
suppose la connaissance du sens interne. On est
devenu capable alors de lire ce sens interne à
travers le voile de la leltre; ce qui suppose
aU8si le règne nouveau du Christ en esprit; en
effet, Dieu est un esprit, et ceux qui lui rendent
un culte supérieur au culte externe, doivent
pouvoir, dans l'Eglise de l'avenir, le lui rendre
en esprit et en vérité.
Dans le culte externe, la prière a cet effet
salutaire, de familiariser les hommes avec l'i.
ùée d'un Dieu toujours présent, devant lequel
ils doivent s'humilier et aussi s'inspirer de l'es­
prit de repentance e.t de sacrifice, en ce qui
concerne leur atlachemtlnt trop exclusif aux ri­
chesses externes et matérielles.
152. Ce n'est qu'en s'élevant au·dessus des con­
si.dérations purement égoïstes, que les hommes
peuvent combattre les tentations du mal et du
faux, ainsi se préparer à la première phase de
régénération de leurs âmes, dite phase de ré­
formation.
Mais quand ils s'élèvent au culte interne, ils
s'élèvent aussi à la lumière du sens interne de
LA PRJERE ~19

la Bible, lumière qui est l'essence même de la


prière; celle-ci devient alors un entretien avec
Dieu, car c'est une communication de sa vérité
spirituelle. La vérité spirituelle est appelée
« gloire» dans la Bible, parce qu'elle ouvre le
Ciel.
Elle ouvrait le Ciel aux hommes primitifs de
l'âge d'or; ceux·ci recevaient une révélation
directe de Jéhovah, non pas par une Bible
écrite, mais par des communications directes
avec le monde spirituel. Elle doit oUYrir le Ciel
aux hommes de l'Eglise de l'avenir; dès que
ceux-ci se seront élevés dans l'amour du vrai
pour le vrai, ils développeront rationnellement
le sens interne de la Parole révé-lée.
Déjà même de nosjours, plusieurs croient que
l'introduction dans le mon(le des doctrines
chrétiennes, par les livres d'E. Swédenborg,
sous une forme rationnelle et aJaptable aux
progrès des idees modernes, surpasse tong
les miracles sur lesquels étaient fondées les
Eglises des cultes externes, et nous i1nnonce le
commencement du second Avènement du Sei­
gneur, qui est son régne en esprit. Il est dit en
effet: « On verra le Fils de J'homme venant sur
« les nuées du Ciel, avec puissance et beaucoup
«de gloire.» (Matth. XXIV, 30.) Il fautentendre
par les nuées du Ciel, la Parole dans le sens de
la lettre, parce que la lettre cache souvent la
verité nue, qui est ainsi voilée par la nuée; et
par la puissance et la gloire dans laquelle le
SAigneur doit venir, il faut entendre le sens
spirituel de la Parole révélée.
La prière ~e présente donc pour l'Eglise de
l'avenir comme une révélation de la vérité spi­
rituelle et comme un entretien avec Dieu. Cette
manière de comprendre la prière ressort encore
de l'étude des faits qui concernent la vie du
Christ dans l~ monde et sa man~ère de prier.
220 LA PRIÈRE

On lit dans l'Evangile de Luc: « Or, il arriva


«que comme tout le peuple était baptisé, Jé­
«sus aussi ayant été baptisé, et étant en prière,
« le Ciel s'ouvrit. »(Luc III, 2L)
Il est dit encore dans le même Evangile: • J é·
« sus prenant à lui Pierre et Jacques et Jean,
«monta sur la montagne pour prier. Et pen­
«dant qu'il priait, l'aspect de sa face devi nt
« tout autre, et son vêtement d'une blancheur
« éclatante. Et voici, deux hommes s'entrete­
« naient avec Lui, lesquels étaient Moïse et
«Elie, qui, étant vus en gloire, parlaient de
« sa sortie qu'il devait accomplir à J érusa­
« lem. » (Luc IX. 28-3i). La scène de la transfi­
guration nous représente la Parole dans le
sens interne, ainsi le divin Vrai tel qu'il est
dans le Ciel, La gloire est le sens interne, qui
représente l'intelligence et la sag.)sse, c'est
pourquoi il est dit: «Le Fils sera assis sur le
« trône de sa gloire. » (Matthieu XIX., 29).
Moïse et Elie représentent la Parole révélée,
le premier quant à ses parties hif>toriques,l'3
second quant à ses parties prophétiques. Ils fu­
rent vus parlant avec Jésus pour montrer qu'i!
ya une communication entre la Parole dans la
lettre, et Pesprit du divin vrai. Dans le sens de
la lettre, il peut se produire une conjonction avec
le Seigneur, telle qu'elle a eu lieu chez les pro­
phètes, chez les apôtres, chez les écrivains sa ..
crés, de l'Ancien et du Nouveau Testament.
En effet, on peut induire de différents pas­
sages de la Bible que les écri ts bibliques des
écrivains sacrés de l'Eglise israélite et de l'E­
glise chrétienne primitive, étaient composés
sous la dictée de l'esprit et étaient écrits exac­
tement selon ce qui leur était souffié aux
oreilles, sans qu'ils fussent dans l'in tellige nce
de ce qu'ils écrivaient; mais c'était la Parole
même révélée de Dieu aux hommes qui n'en­
LA PRIÈRE 221
tendaient encore que le sens de la leUre. Par
exemple, on lit dans le livre des Nombres:
« L'esprit .se reposa sur eux et ilK prophéti­
«. saïent» (Nombres XI. 20). On lit aussi dans
l'Evangile de Matthieu:« Quand ils vous livre­
« ront, ne soyez pas en souci comment ou de
« quoi vous parlerez, car en cette heure-là, il
« vous sera donné ce que vous prononcerez.•
(Matthieu X., 19).
153. Mais dans l'Eglise de l'avenir qui inau­
gure le règne du Christ en esprit, la prière de­
vient une sorte d'intuition des choses conte­
nues dans le sens littéral de la Parole révélée.
C'est donc un influx de la Vérité spirituelle
dans la perception ou daus la pensée du men­
tal de celui qui prie, ce qui fait que la prière
peut devenir quelque chose qui ressemble à
une révélation.
Il faut donc supposer que ce vrai qui influe
immédiatement de Dieu chez les régénérés, est
une pel'ception qui doit coïncider et concorder
avec le vrai qui flue médiatement de Dieu par
les sens, c'est-à-dire, par la lecture du sens lit­
téral de la Parole, ou par l'enseignement doc­
trinal accepté par eux. Il noüs arrive, en effet,
de percevoir que certaines choses sont vraies,
bien que nous ne puissions les expliquer ; mai~
elles nous semblent s'harmoniser avec nos con­
nais sa nces acq uises na turelleme n t.
Par cela même qu'il y a leg élévations des vé­
rilés naturelles, spirituelles et céiestes, il ya
aussi des élévations correspondantes de la priè·
re, suivant l'état de celui qui prie ou de celui
qui progresse dans la vérité. Ce n'est, d'ailleurs,
qu'à mesure que celui-ci réussit à s'élever au­
dessus de ses désirs naturels, qu'il y a révéla­
tion, ainsi_ que nous voyons clue cela al' ri va dans
la scène de la Trar.sfiguration.
Il est manifeste que ce fut par leur vue spiri­
22! LA l'nfÈRE

tuelle que Pierre. Jacques et Jean, assistèrent


à la scène de la Transfiguration, et non par leur
vue naturelle, car après avoir entendu une voix
du Ciel qui disait. " Celui-ci est mon fils hien
aimé, écoutez-le» (Luc IX. 36.), ils ne virent
plus que Jésus seul.
La prière se prësente ainsi, comme une révé­
lation résultant d'un eIltretien avec Dieu pour
celui qui voit le sens spirituel à travers le voile
du sens littéral de la Parole.
Le Seigneur n'i nfuse pas la vérité en nous, ca r
ce serait l'Ïsquer de nous contraindre à croire,
1orsq ue notre libre arbi tre ne nous y pousse pas
volontairement; mais il se sert des vérités que
nous connaissons déjà, et c'est par leur canal
qu'il nous conduit progressivement à la concep­
(iJn ou à la perception de vérités plus élevées.
Quant à ceux qui SOût restés dans le culte ex­
terne et dans le sens littéral de la Parole, ils ne
peuvent pas généralement, sauf dans des cas
exce ption nels, être écoulés avec frui t lorsqu'ils
prient; en effet, ils sont encore dans les combats
contre les tentations et leur pensée n'est pas
dans un plan de vie assez éll:Jvé, pour que leur
prière puisse être écoutée; souvent aussi, lor~.
qu'ils prient en public, ils fatiguent leurs au­
diteurs au lieu de les édifier et ils Il'ont pas en­
core une intelligence suffi:;ante de ce qui cons­
titue leur hien·être spiri~uel: c'est pourquoi
l'Oraison dominicale a été donnée à tous comme
la prière par excellence.
L'homme qui s'e~t élevé à l'amour du vrai
pour le vrai, sait qu'Il ne doit pas se tenir l.es
bras croisés et attendre l'infiux ou le Saint­
Esprit, mais qu'il doit penser, vouloir et agir
comme par lui-même, et cependant attribuer
la Vér'ité au Seigneur et non à lui-même.
i54. Le bien et le vrai émanent de Dieu, leur
source unique, car la sphère qui entoure le Sei­
LA PRIÈRE 223
gneur est un soleil spirituel, d'où proviennent les
rayons de chaleuretde lumière spirituelles, qui
sont pr'écisement ce bien et ce vrai divins dont
l'homme est le vase récipient.
C'est pourquoi aussi, il est dit dans l'Evan­
gile:« Et .Jésus fut transfîguré devant eux et sa
CI. face resplendit comme le soleil, et ses vête­

« ments devinrent blancs comme la lumière. »


Ici la Parole dans sa gloire, c'est-à-dire dans
son sens spirituel, est représentée par le Sei­
gneur lorsqu'il est transfiguré à nos yeux, parce
qu'il nous envoie des rayons de la chaleur spi­
rituelle du bien et de la lumtère spirituelle du
vrai, ce qui n'est autre que renvoi du Saint-Es­
prit en nous.
C'est parce que l'homme se trouve ainsi être
un organe de la vie de Dieu, que le divin peut
être implanté en lui, ainsi que la faculté de re..
cevoir le Seigneur par l'influx. de son bien et de
son vrai.
L'homme n'a, en effet, été créé que pour être
un réceptacle du Divin; et la faculté de rec,,­
voir le Divin une fois formée en lui par son élé­
vation à l'état spirituel, il aime cet influx. pro­
cédant du Seigneur et il a en aver~ion l'opéra­
tion provenant de lui-même, parce que l'influx.
qui procède du Seigneur est le bien, tandig que
l'opération qui provient de lui-même est, en
principe, le mal qui l'éagit contre 1'1OtiuX éma­
nant de Dieu. C'est un bien, parce que ce bien
produit la régénération de nos âme~. Cette ré­
génération de nos âmes l'end notre vie sem­
b~ablo à un voyage comme celui des Israélites
dans le désert. Pour renaître à nouveau, nous
devons renoncer à l'Egypte, ainsi aux. ensei·
gôjements et aux plaisirs purement externes,
afin de rechercher un état d'amour du bien
pour le bien, du vrai pour le vrai, et d'obéis­
224 LA PRlJ,;RE

sance aux enseignements de la sagesse divine:


ceux-ci formant 18. terre de Canaan.
Mais avant d'atteindre à cet état d'amour et
de sagesse, nous devons marcher à travers le
désert jusqu'à ce que nous ayons atteint à la
terre promise. Jésus dit: «Moi, je suis le pain
« de la vie.» (Jean VI. 35.) Plus loin, il ajoute:
« Moi, je suis le paiu qui est descendu du
« Ciel. » (Jean VI. 41. 1Il dit ensuite: « Qui
« mange ma chair et boit mon sang a la vie
« éternelle et Moi je le ressusciterai au der·
({ nierjour.»(JeanVI. 54.)
Partout dans la Bible, la chair signifie le bien
et le sang signifie le vrai. Or, le bien et le vrai
constituent spirituellement la chair et le sang,
c'est-à-dire le corps du Christ, et c'est là le
pain quotidien dont il est question dans l'Orai­
son dominicale, et dont on se nourrira lorsqu'on
parviendra à établir la justice et la fra'ernité
dans les sociétés humaines par l'édification
dans le cœur humain dé la Jérusalem nouvelle.
155. On voit que prier dans le sens naturel, a
pour objet d'amener l'homme à l'humiliation et
aux combats contre les maux et les faux qui
sont en lui, pour les voir, les connaître, les sur·
monter, les vaincre et les déraciner de son
cœur.
Mais il lui faut arriver à les avoir en aver­
sion, avant de pouvoir s'élever à la prière
dans le sens spirituel; alors celle-ci implante
les biens et les vrais à la place des maux et des
faux qui sont chassés du cœur de l'homme j la
force lui est donnée poUr penser et vouloir les
premiers, pour les proclamer et les pratiquer.
Quand le bien et le vrai ont été conjoints chpz
l'hom me, il ya en lui une volonté nouvelle, et
un entendement nouveau, par conséquent une
vie nouvelle. L'homme arrive alors dans le culte
interne, c'est· à-dire dans le culte réel.
LA PRIÈRE G25
Ce n'est pas, en effet, dans la prière seule
qu'il faut mettre sa confi~nce, mais dans la
recherche de la vérité: c'est cette recherche
unie à la prière faite au Seigneur d'éclairer
notre entendement,qui constitue la prière réelle.
En effet, la vérité, dans ses applications à la
vie, est la volonté du Seigneur qui doit être
faite, mais non celle de celui qui prie (Matlh.
XXVI,39).
15':j, La prière pour l'Bglise de l'avenir paraît
donc devoir se transformer dans le même sens
que la conception d'une doctrine chrétienne
adaptable aux idées modernes; elle semble, en
effet, se réduire à la lecture et à la méditation de
la Parole révélée, dans son sens interne, et par·
ticulièrement à la récitation de l'Oraison Domi­
[licale, la prière par excellence, qui a été ensei­
gnéA aux hommes par le Seigneur lui-même.
Mais, en réalité, sa méthode d'enseignement de
la prière s'étend aussi aux actes mêmes par
lesquels Il opéra la Rédemption: ces actes divins
sont comme une leçon des choses qui doit servir
à l'homme qui veut travailler à sa régénération.
En effet, la prière àdu êtrepourleSeigneur lors­
qu'il était sur la tel're, la révélation de .sen bien
et de son vrai divins dans leurs applications à
la ViA. Durant sa lutte contre le mal héréditaire
provenant de Marie, l'union entre le Divin et
l'Humain n'était pas réalisée, car le Christ était
encore dans l'état d'exinanition ou d'humilia­
tion à l'égard de Jéhovah. Pendant cet état d'hu­
miliation, le Fils devait prier le Père et s'adres­
ser à Lui comme à un être distinct, et il est dit
dans l'évangile qu'Il obéissait qu'Il faisait la vo­
lonté du Père. Mais l'état de glorification est
l'union entre le Père et le Fils. Le Seigneur se
montre dans ce second état, toutes les fois qu'Il
dit que le Père et le Fils sont un, que le Père est
en Lui et qu'Il est dans le Père.
226 LA. PRIÈRB

La régénération de l'homme est l'image de


cette glorification du Seigneur. IWe est l'union
entre l'esprit et le corps, entre l'interne et l'ex­
terne, union qui ne peut avoir lieu qu'après la
victoire du premier sur le second. Cette vic­
toire ne pouvant être obtenue par les seules
forces de l'homme, il doit, par la prière, obteni l'
le secours de la puissance d'en haut. c'est-à­
dire la révélation de la vérité spirituelle.
La glorification du Seigneur est la glorification
de son Humain, qu'Il prIt dans le monde; et
l'Humain glorifié du Seigneur estle Divi n naturel.
L'Evangile nous atteste que le Seigneur est
ressuscité du sépulcre avec tout son corps. Il
n'en a rien laissé dans le tombeau. Dès que
cette glorification fut opérée par l'union de
son Divin et de son Humain, il ne restait plus
rien du mal héréditaire provenant de Marie et
Il n'était plus son Fils, car son corps natmel,
une fois la glorification opérée, a joui de tous
les privilèges de son corps spirituel.
Il en résulte que l'Humain du Seigneur, lors­
qu'il eut été fait divin, n'a plus été un organe
de la vie de Jéhovah, ou un récipient de la vie
de Dieu, mais il a été sa vie même, c'est-à·diro
Jéhovah même. Son corps n'était donc plus
matériel, ni simplement spirituel, mais il était
devenu Substantiel-Divin, ce qui n'arrive à au­
cun homme qui perd définitivement son corps
matériel lorsqu'il meurt et reste seulement dans
son corps spirituel. La glorification du Sei­
gneur ne sert pas moins de modèle à l'homme,
qui doi t aussi subjuguer son externe pour l'unir
à son interne et ainsi opérer sa régénération.
Mais le Seigneur a un corps qui est en même
temps Substantiel et Divin; son corps matériel
est différent aSllsi d'un corps simplement spi.
rituel ou substantieL En effet, il vint vers ses
di~cjples, les portes él<J.nt ferm~est et après
t•.\ l'Jui,;j(IJ: 'l2-:27
avoir été vu, il devint invisible (Jean XX, 1(1­

20); et de plus, il put manger une nourriture

matérielle, ce qui est impossible au corps spi.

rituel ou substantiel, qui n'a, comme le dit Luc

(XXIV, 39), ni chair ni os.

. Ainsi, le corps du Ohrist a été divinisé jus­

que dans sa nature physique, et c'est ce gui

fait que ce corps a pu présenter les phénomènes

dont les disciples ont été témoins.

C'est ce qui fait aussi que le Seigneur, avant


son Avènement dans le monde, n'a pu être pré­
sent chez les hommes de l'Eglise que mèdiate­
ment pal' les Anges qui. Le représentaient; mais
depuis son Avènement, il est présent chez eux
immédiatement, parce qu'U a revêtu son Divin
naturel, ce qui permet aux hommes, devenus
maintenant tout à fait natul'elH et sensuels, de
venir à l'état ~piI'ltuel et de se conjoindre à lui
par l'amour et par la prière dans les manifes·
tations les plus externes de leurs œuvres,
157. Il en résulte que le Seigneur est lui­
même présent dans le sens spirituel de sa Pa·
l'ole avec sa nature divine, tandis qu'Il est pré­
sent dans le sells naturel de la Parole, avec sa
nature humaine. Avant qu'il eltt revêtu la
nature humaine, il ne pouvait être présent dans
le sens naturel chez les hommes devenus en­
tièrement externes, que par l'intermédiaire des
anges descendant dans la nature humaine pour
s'identifier à l'état naturel de l'homme, et par'
le moyen des mots du sens littéral de la Bible.
G'es t ainsi que Dieu, maintenant comme an­
ciennement, respire dans les narines de
l'homme, la respiration des vies, et l'homme
devient une «âme vivante» (nO 50 ci-dessus).
Observons, en effet, que Jéhovah ne pouvait
atteindre personne dans les enfers et sur la
terre, sans être dans les derniers de l'ordre
aussi bien que dans les premiers. Il est venu
228 LA PR1ÈRE

dans lE:s derniers par son Humain; aussi est-il


appelé, dans la Parole, le Premiel' et le Der­
nier, l'Alpha et l'Oméga, le Commencement et la
Fin. Il revêtit donc les principes de la nature
matérielle qui caractérisent l'homme; celui-ci
étant devenu sensuel et corporel par son amour
excessif des choses externes.
C'est pourquoi le Seigneur a eu à combattre
le mal héréditaire qu'Il tenait de Marie. Il a eu à
vaincre et à glorifier en lui les principes de la
nature, en les unissant à son Divin. Par
là, il acquit un ~IÉDIUM de pouvoir surnaturel
et il put influer plus entièrement dans les men­
taIs humains par son bien et son vrai et les gué­
rir de leurs infirmités.
L'homme de l'Eglise de l'avenir aura tous
les moyens de s'élever et de se régénérer par
la prière, c'est-à-dire par sa communication
avec la vérité spirituelle, de manière à vivre de
la vie spirituelle, même durant la vie naturelle;
mais c'est ce qu'ignorent encore tous ceux qui
restent dans le culte externe et qui placent
toute la religion dans les prières de bouche,
lorsque cependant, le Seigneur ne regarde
rien autre chose que le cœur, c'est-à-dire seu­
lement les intérieurs de l'homme, tels (IU'ils
sont quant à l'amour et à la foi provenant de
cet amour. Si donc l'âme, n'est pas mise in·
térieurement dans l'adoration et les prières, il
n'y a pas de vie en celles-ci; il Y a seulement
un état externe très inférieur tel qu'est celui
des flatteurs et des hypocrites.
C'est aussi ce qui résulte du passage qui a
servi de thème de développement à cette étude.
C'est parce que le culte divin consiste princi­
palement dans la vie, que le Seigneur dit qu'en
priant, il n'est pas nécessaire de multiplier les
paroles, car Il sait de quoi nous avons besoin
avant que nous le lui demandions.
CHAPITRE XX.
L'Oraison Dominicale.
158. Le sens interne de l'oraison dominicale, la prièrc par
excellence, est, depuis le commencement jusqu'à la fin,
le programme de l'Eglise de l'avenir, celui du second Avè-
nement du Christ qui est son règne en esprit. - 159.
« Notre Père qui es aux Cieux, " s'applique au Seigneur
qui est Jéhovah incarné dans le Christ, et ce n'est que par
l'Humain du Seigneur que nous pouvons entrer en con-
jonction avec Jéhovah, le Père. - 160. « Que ton Nom
soit sanctifié, " est un passage qui enseigne que toutes
les choses qui appartiennent à la foi et qui sont enten-
dues dans le nom du Seigneur doivent être sanctitlées.-
161. « Que ton royaume vienne! "C'est dans ce Royaume
que doivent venir tous ceux qui sel'ont de la Nouvelle
l!:glise chrétienne du Seigneur, dite Nouvelle Jérusalem,
la seule Eglise qui s'adaptera à tous les progrès de la civi-
lisation moderne et qui établira la justice et la fratern ité
dans les sociétés humaines. - 162. « Que ta volonté soit
faittl comme dans le Ciel aussi SUI' la terre! " Il faut pour
cela que le bien et le vrai qui émanent du Seigneur seul,
soient reçus de cœur et d'âme par l'homme pour que
celui·ci vive selon les divins préceptes et d'après l'affec-
tion de l'amour et de la charité. - 163. « Donne-nous
aujourd'hui notre pain quotidien. " Il s'agit de la noul'I'i-
tUl'e spirituelle et céleste qui consiste dans l'appropria-
tion du vrai et du bien divins. - 164. « Remets-nous nos
péchés, comme ausü nous remettrons ~ quiconque nous
est redevable. " Cela revient à dire que nous devons trai-
ter le prochain comme nous-mêmes. - 165. « Ne nous
induis pas en tentation, mais délivre-nous du mal. "
Dieu n'induit personne en tentation mais laisse parler
l'homme d'après les apparences ainsi qu'il croit, afin de
l'amener graduellement à croire d'une manière plus con-
forme à la vérité. - 166. « Parce qu'à toi appartient le
Royaume, la puissance et lagloire pour les siècles. Amen. "
Au divin Vrai appartient, en effet, la puissance et la
gloire. « Les siècles, " s'entendent des Eglises; ils signi-
fient ce qui est éternel, quand ils se disent du Royaume
du SeigneUl'. « Amen," signifie la Vél iléj "l', la vérité
termine en même temps qu'elle l'éllume toute l'oraiSOn
dominicale. - 167. C'est ainsi que le Seigneur nous ensei-
gne à prier pour nous préparer graduellement à la l'ligé-
nération de n08 âmes, daDi ce monde comme dans
l'autre.
20
·'30 L'ORAISON DJ)llNJCALE

" Or, il arriva comme il priait


dans un certain lieu, après
qu'il eut cessé, quelqu'un de
ses disciples lui d,t: Seigneur,
enseigne-nous à prier. " (Luc,
Xl. L)

158. Nous avons vu que la prière a pour objet


la recherche du sens interne de la Parole révé­
lée, et qu'elle a pour but d'élever l'homme à
l'intelligence de ce sens interne; il nous reste
à étudier l'Oraison dominicale, la prière par
excellence, dite parle Sdgneur pour enseigner
ses disciples à prier,
Cette prière contient elle·même un sens in­
terne, car elle fait partie intégrante de la Pa­
role révélée.
Le sens interne de l'oraison dominicale est
le résumé des doctrines de l'Eglise de l'avenir,
la Nouvelle Jérusalem, qui est fondée sur la
connaissance du second Avènement du Christ,
de son règne en esprit.
Cette Eglise de l'avenir es t celle dont s'o ccupe
l'Apocalypse, et elle est ainsi nommée, la Jéru­
salem nouvelle au chapitre XXI. v. 12, ; c'est
aussi celle à laquelle fait allusion le Prophète
Dani.el (II 44; VIL 13, 14.)
159. Cette prière du Seigneur commence ain­
si: " Notre père qui es aux Cieux ». Par ces
mots, il faut entendre le Christ, dans lequel
Jéhovah le Pére s'est incarné, ainsi que cela
résulte d'un grand nombre de passages de la
Parole, et notamment de ceux-ci: Jésus dit,
"- Moi et le Père nous sommes un. »(J ean X. 30)
Il dit encore: 4( Qui Me voit, voit celui qui M'a
« envoyé.» (Jean XII. 45.)
Jéhovah, le Père qui est dans les Cieux,est le
divin Bien; le bien est l'essence du vrai et le
Christ,est le Divin Vrai. Or, ce n'est que par la
L'ORAISON DO)IINICA LE 231
connaissance du vrai que 1I0US pouvons nous
élever au bien pour l'appliquer à la vie.
Ce n'est donc aussi que pal' l'Humain du Sei­
gneur que nous pouvons entrer en conjonction
avec le Divin qui est Jéhovah le Père; et le
Royaume de Dieu vient lorsque cette conjonc­
tion se réalise. Nous devons en conséquence,
lorsque nous récitons l'Oraison dominicale,
.penser non à Dieu le Pèrp, qui est invisible,
mais au Seigneur, dans son divin Humain, qui
seul se présente à nous comme visible et comme
l'expression du Vrai dllns nos pen~ées.
Ainsi, c'est par le Christ qu'on s'adresse au
Père et seulement par Lui: c'est pourquoi il
nous est encore enseigné que tout pouvoir lui
a été donné dans le Ciel et sur la terre. (Jean
V.22.)
Il est dit à ce propos que la pierre qu'ont
rejetée ceux. qui bâtissent, celle-là devienrll'a
tête d'angle de l'Eglise de l'avenir. (Marc XII.
10) .
160. On lit ensuite dans l'Oraison dominicale:
« Que ton Nom soit sanctiflé. »
Le nom signifie la qualité, et il en résulte que
le nom de Jéhovah englobe tout ce qui procède
de Lui, et ainsi tout par quoi il est adoré. C'est
pourquoi il est dit dans la formule de bénédic­
tionde l'AlIcien Testament:« Que Jébovah te
« bénisse et te conserve! Que Jéhovah fasse
« luire ses faces sur toi! Que Jéhovah lève ses
« faces sur toi et te donne la paix! » (Nombres,
VI. ~3. 27.)
On voit que le nom de Jébovah signifie tout
ce qui appartient à l'amour el à la foi, parce que
ces choses appartiennent au Seigneur et pro­
viennent de Lui: Ol" ces choses sont saintes et
doivent être sanctifiées. On lit dans Matthieu:
« Où il y a deux. ou trois personnes assemblées
«. en mon Nom, j'J' suis au milieu d'elles. "
232 L'ORAISON DOWNICALE

(XVIII. 20.) Ceux qui sont assemblés au nom


du Seigneur sont ceux qui sont dans la doc­
trine de l'amour, de la foi et de la charité. Or,
l'amour et la foi qui proviennent du Seigneur,
sont ces choses qui doivent être sanctifiées en
son nom, ce qui arrive lorsqu'on s'adresse au
Seigneur et qu'on Lui rend un culte.
L'Eglise de l'avenir réalisera ce vœu par une
conception rationnelle du sens interne de la Pa­
role révélée, et ce sera le divin Humain du Sei­
gneur, le tout de la religion et de la doctrine,
qui sera considéré comme saint et adoré, lors­
qu'on récitera: « Notre Père qui es dans les
" Cieux, que ton nom soit sanctifié. ~
161. " Que ton Royaume vienne!» Ces mots
qui suivent, s'appliquent à l'Eglise de l'avenir,
car c'est de ce Royaume du Seigneur qu'i! s'agit
dans l'Apocalypse. C'est celui dans lequel doi­
vent venir tous ceux qui seront de la Nouvelle
Eglise chrétienne du Seigneur, dite Nouvelle
Jérusalem, la seule qui s'adaptera à tous les
progrès de la civiliaation moderne, pour réaliser
l'établissement des mœurs de la fraternité et. de
la justice dans les sociétés humaines.
Le Royaume de Dieu signifie l'Eglise dans le
sens spirituel des passages de la Bible qui en
fait mention; en effet, le Royaume du Seigneur
est dans le Ciel et sur la terre: or, son Royaume
sur la terre est l'Eglise; c'est pourquoi aussi le
Seigneur est appelé « Roi des rois. » (Apoc.
XVII, 14, XIX, 16).
Dans le sens céleste ou suprême, le Royaume
signifie le Seigneur, quant au divin Humain,
et ainsi le Ciel, car le Ciel ne vient plus d'ail­
j

leurs que du divin Vrai qui procède du divin


Humain du Seigneur. L'Eglise fait un avec le
Ciel.
162. Les mots suivants de l'Oraison domini­
I.'ORAISON DOMINICALE 233
cale sont: « Que ta volonté soit faite comme
« dans le Ciel aussi sur la terre! »
Four que la volonté de Dieu soit faite, il faut
que le bien et le vrai qui émanent de Lui, soient
reçus de cœur et d'âme par l'homme. En effet,
la volonté de l'homme est son amour et la vo­
lonté de Dieu est son divin amour: il en résulte
que dans le sens spirituel, faire la volonté de
Dieu ou la volonté du Père, c'est aimer Dieu
par dessus toutes choses et le prochain comme
soi-même.
Or, aimer, c'e~t vouloir, par conséquent aU:ïsi
c'est faire, car ce que l'homme aime il le veut
aussi et ce qu'il veut il le fait aussi; de là vient
que par faire la volonté de Dieu ou du Père, il
est entendu vivre selon les préceptes, d'après
l'affection de l'amour et de la charité.
La volonté de Dieu sera faite dans l'Eglise de
l'avenir, lorsque les mœurs de la justice et de la
fraternité s'établiront dans les sociétés hu­
maines.
On croit, dans l'Eglise chrétienne, que le Sei·
gneur Jésus-Christ règne dans le Ciel. LlI. Pa­
role révélée nous dit que son Royaume s'y
trouve: quand donc le Seigneur règne dans
l'Eglise et dans le cœur de la généralité des
hommes, alors la volonté du Père est faite
comme dans le Ciel aussi sur la terre.
163. Il est dit ensuite daos l'Oraison domini­
cale: « Donne-nous aujourd'hui notre pain quo·
e tidien. II
II s'agit de la nourriture de l'âme, qui est la
nourriture spirituelle et céleste, de8tinée aux
hommes régénértis. Celte nourriture est l'a­
mour et la charité, ainsi que les biens et les vé·
rités de la foi; elle émane de Dieu qui en est la
source unique. Ilia donne chaque jour et éter.
nellement à tous ceux qui la désirènt de cœUl',
Cette nourriture spirituelle et céleste était
234 L'ORAISON DOMINICALE

représentée par la manne qui sel'vait de nour­


riture aux Israélites durant leur voyage dans
le désert. (Exode XVI. 15.) Le moyen d'alimen­
ter l'âme humaine, était donc figuré dans cette
Eglise représentative, par le miracle de la
manne.
Toute nourriture du corps est l'emblème de la
nourriture de l'âme: la nourriture solide est le
symbole du bien qui donne à la volonté de la
fermeté; la nourriture liquide est le symbole
du vrai, car la vérité désaltère l'entendement
qui a soif. De même que pour la nourriture du
corps, il faut, pour la nourriture de l'âme, un
certain travail de digestion, pour que le bien et
le vrai puissent être appropriés à la vie de
l'ù:lJe, qui est le corps spirituel.
Chez les Israélites, dans le désert, il y avait
le matio, « une couche de rosée autour du
ft camp.J) (Exode XVr. 13.) La manne arrivait
après cette rosée. La rosée cOl'fespood à ce
vrai intérieur qui descend du Seigneul' dans
l'âme. Le vrai donne la paix de l'âme.
L'utilité de la nourriture de l'âme est ainsi
proclamée dans l'Evangile: « Heureux ceux
«qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils
q. seront rassasiés. » (\latth. V. 6.) « J'ai une
c n:JUrriture que vous ne cOnIJaiS5eZ point. »
(Jean IV. 32.)
Cette nourritul'e correspond au bien qui doit
être reçu dans la volonté, ainsi que cela est clai­
rement enseigné dans plusieurs passages de la
Parole. Tous nos progrès dépendent de cette
nourriture; celle·ci consiste dans l'appropria.
tian du bien etdu vrai divins qui nous sont otferts
chaque jour, et que nous acceptons lorsque
nous rem pliswns de coo'1\' nos devoirs quoti­
diens. Le devoir du jour une fois rempli, nous
nous sentons de l'appétit pour une nouvelle
nourriture. Celui qui nous a fourni ce qui était
L'ORAISON DOMINICALE 235
necessaire pour aujourd'hui, nous donnera
tout ce qu'il nous faut pour chacun des jours
suivants. C'est dans ce sens que le Seigneur
dit: c Ne soyez pas en souci pour le lendemain,
« car le lendemain se souciera de ce qui le con­
«cerne:« Aujour suffit sa peine.» (Matth. VI.
3·1.)
164. La prière du Seigneur continue ainsi
'lan~ l'lilvangile de Luc: « Hemels-nous nos
" péchés comme aussi nous remettons à quicon­
« que nous est redevable. » Cela revient à dire
que nous devons traiter le prochain comme
nous-mêmes, c'est-à·dire le traiter sur le pied
de l'égalité et de la fraternité, afin d'être aussi
indulgents pour nos semblables que nous le
sommes pour nous-mémes. C'est à cause de
cola qu'on traduit plus généralement ce vet'set
de la manière suivante: il. Pardonne·nous nos
« offenses, comme nous pardonnons à ceux qui
« nous ont oifen"és. »
165. Il est ajouté: c et ne nous induis pas en
terltation, mais délivre-nous du mal. »
Lorsqu'une vérité descend de la sphèt'e qui
entoure le Seigneur, cette substance spiriiuelle
passe par des transformations et des altérations,
suivant le génie de ceux qui la reçoivent et
l'appliquent à la vie: son sens interne est ac·
cepté principalement pal' ceux qui sont régé­
nérés, ou qui sont dans le Ciel; aussi, quand
celle vérité descend de là pour être formulée
dans le sens littéral, alors les hommes chez
lesquels elle se formule et se lixe dans la lettre,
peuvent éprouver de la répugnance pour la vé­
rité nue, celle-ci leur paraît dure à entendre.
C'est pourquoi ils la formulent en une e"Xpres­
sion concordante avec leurs pensées réelles,
mais de manière, cependant, que ceux qui sont
dans le sens interne ne la lisent et ne la com­
prennent que dans son sens interne. Il en ré­
236 L'OHAISON DOMINICALE

sulle qu'un très grand nombre de vérités révé­


lées, en venant se fixer dans le sens littéral,
paraissent être dans ce sens littéral, opposées
à leur sens interne, tandis, qu'en réalité, elles
ne sont pas opposées, mais correspondantes.
Par exemple, il est dit, dans plusieurs passa­
ges d':l la Bible, que Jehovah se met en colère
et qu'il se venge, qu'il est irrité, lorsque dans
le sens interne, Jéhovah est envisagé malgré
ce sens de la lettre, toujours comme un Dieu
d'amour et de miséricorde, incapable d'éprou ver
les passions humaines de la vengeance et de la
colère.
Mais si ces deux sens: l'esprit et la lettre,
paraissent quelquefois être en opposiliùn l'un
avec l'autre, c'est parce que l'homme sensuel,
qui est dans le mal, voit Jéhovah avec une qua­
lité opposée à celle que l'homme régénéré plus
éclairé lui reconnaît.
L'homme non régéneré prête ses propres sen·
timents à Jéhoyah : aussi, les Israélites ne
pOllYaient comprendre un Dieu doux et misé­
ricordieux, parce qu'ils étaient, en général,
inca pables de le respecter et de lui obéir comme
tel: un Dieu de colère et de vengeance était
seul compl'is et seul susceptible de se faire
ohéir par eux.
- On voit maintenant comment la croyance de
l'homme non régénéré, que Dieu nous induit en
tentation, est une croyance qui a d'abord son
utilité, même pour les chréfiens,qui ne sont pas
régénérés; mais le chrétien qui est régé­
néré sait que le Seigneur n'induit personne
en tentation, car la tentation elle-même n'est
qu'un assaut livré par l'esprit du mal à
l'homme; l'homme fait résistance à la vérité
qui lui paraît dure à cntendre tant qu'il n'est
pas réformé et qu'il reste dans la vie du mal.
Aussi, on lit dans l'épître de Jacques: « Que
L'ORAlSON DOMlNlCALE 237
« personne, lorsqu'il est tenté, ne dise: c'est
« Dieu qui me tente, car Dieu ne peut être
« tenté par le mal, et il ne tente lui-même
« personne. Mais chacun est tenté, quand il est
« attiré et amorcé par sa propre convoitise. ~
(Jacq. I, 13, 14).
Bien plus, observons que la tentation nous
est nécessaire dans l'intérêt même de notre
propre regénération. Ainsi, il est dit : ~ Sem­
« blable est le Royaume des cieux à du levain,
«qu'une femme ayant pris, a renfermé dans
«trois mesures de farine jusqu'à ce que le
« tout fût levé. ~ (Matlh. XIII, 33).
En effet, la purification du vrai d'avec le faux
chez Phomme, ne peut jamais s'opérer sallS
une fermentation, c'est-à-dire, sans un combat
du faux contre le vrai, et du vrai contre le faux;
mais après que ce combat a été livré et que le
vrai a vaiucu, le faux tombe comme la lie, et
le vrai est purifié, de même que le vin est cla­
rifié après la fermentation, lorsque les lies sont
tombées au fond. Ceci revient à dire que le
mal porte en lui-même sa peine, comme le bien
renferme en lui-même sa récompense, parce
que le mal poussé à ses dernières conséquen­
ces, contient en lui son propre ferment de
dissolution.
Nous sommes tous nés dans le naturalisme,
et nous ne pouvons renaître à nouveau dans le
spiritualisme, qu'en laissant épancher au de­
hor~ le mal ou le faux renfermé en nous-mêmes;
mais il faut d'abord voir le mal qui est én nous et
le reconnaître comme tel pour senlir la néces­
sité de le ch'1sser, et de le déraciner de nos
cœurs par un combat contre nous-mêmes, En­
suite, si nous le demandons au Seigneur, le
pouvoi r nous sera donné pour le surmonter et
mettre à sa place le bien et le vrai.
Ce n'est pas le Seigneur qui nous induit en
~38 L'ORAiSON DOMiNICALE

tentation, mais c'est l'amour trop exclusif de


notre bien-être matériel; c'est, en un mot,
notre propre égoïsme, rnalque nous sommes
enclins à attribuer à Dieu. Nous le prions donc
de ne pas nous induire en tentation, parce que
nous ignorons que la mal existe en nous et
que nous prêtons à Dieu nos propres passions
aussi longtemps que nous sommes gouvernés
par celles-ci; alors, nous restons sous le règne
du sens littéral de la Parole révélée, qui est le
règne du Christ en chair.
Mais à mesure que nous faisons pénétrer la
lumière à tl'avers le voile du sens littéral, re­
présenté par la nuée, nous voyons notre pro­
pre ignorance et notI'e propre égorsme: nous
faisons alors un grand progrès qui facilite no­
tre victoire dans les combats cruels de la tenta­
lion du mal, et nous faitsurmonter les Apreuves
amères des orages de la vie.
Ce grand progrès consiste donc dans la lu­
mière de la vérité que nous acquérons et qui
nous aide d'autant plus efficacement dans notrl'l
lutte contre le mal que celui-ci s'est moins
affirmé dans nos cœurs. Si, en effet, nous nous
familiarisoDs d'avance avec les enseignements
de la vérité, avant que lp. mal Se soit trop en­
raciné dans ll')S cœurs, celte lumière de la sa­
gesse divine pénètre noire intelligence; elle
fait obslacle à ce que le mal pénètre dans
notre volonté, ou au moins à ce qu'il y reste
à demeure, ce qui facilite beaucoup notre régé­
nèl'atïon.Le mal provient, en etfet, principale­
ment de deux sources: il vient de l'amour trop
grand de soi-même et aussi de l'amour du
monde; mais il vient aussi souvent des principes
d'une religion fau:;se; le faux de l'ignorance dé­
veloppe le mal on nous, et amène par son propre
ferment de dissolution les cruelles épreuves qe
L'ORAISON DOMiNICALE 39
la v le et les durs combats contre les tentations
mauvaises.
Dans les sciences exactes, la preuve directe
d'une vérité naturelle nous en donne une in­
telligence plus prompte, et elle est toujours
préférable à la preuve par l'absurde; celle-ci
nous oblige à peser une à une les fausses con­
) séquences de l'erreur opposée; cette preuve
par l'absurde sert donc seulement de contrôle
à la pl euve directe. Il en est de même de nous­
mêmes, il vaut mieux prévenir le mal qUt:: d'a­
voir à le réprimer.
Aussi, dans ce passage de l'oraison domini­
cale, nous prions le Seigneur, en lui deman­
dant de ne pas nous induire en tentation, d'illus·
trer notre entendement par l'intlux de sa
vérité, lorsque nous lisons les saintes Ecritures
et de nous donner des forces pour nous aider
à résister au mal de la tentation, nous en déli­
vrer en un mot.
Mais lorsque le sens littéral concorde mieux
que le sens interne, avec notre propre croyance,
dans ce dernier cas, nous sommes amenés gra­
duellement à nous élever df. la vérité apparente
à la vérité réelle, par cela même que nous nous
humilions devant Dieu en le sollicitant de cœur
de venir à notre aide.
I! est dit, en effet, que ~ si quelqu'un veut
«faire sa volonté, il connaîtra au sujet de la
'" doctrine, si elle est deDieu. »(Jean VII, 17).
166. Dans l'Evangile de Matthieu, l'oraison
dominicale se termine en résumant ainsi tout
ce qui précède: « Parce qu'à Toi appartient Id
«Royaume, la puissance et la gloire pour les
« siècles. Amen. »
La gloire se dit du divin vrai, ou du sens in·
terne de la Parole, car on lit dans Jean: « La
« Parole chair a été faite,et elle a habIté parmi
« nous; et nous avons vu sa gloire,gloire comme
240 L'ORAISON DOMINICALE

« de l'unique engendre du Père, plein de grâce


« et de verite.» (Jean l, 14).
En effet, il est dit par le prophète Esaïe :
4: Sur toute gloire, il y aura une couverture. :.
(EsaïeIV, 5). La gloire est le sens spirituel, la
couverture est le sens litteral de la Parole.
A mesure que nous nous familiarisons avec le
sens interne de l'Ecriture sainte, nous nous
familiarisons avec la gloire de Dieu. Dans la
Bible, cc les siècles » s'entendent des Eglises
dont l'une succède à l'autre, bien qu e chacune
des Eg lises du passe ait dure plusieurs siècles
avant d'arriver à sa fin; mais on dit le siècle
pour l'esprit du temps. Le ~iècle signifie encore
ce qui est eternel, lorsqu'il se dit du Seigneur
et de son Royaume.
Amen signifie la vérité, et comme le Seigneur
est le Vrai même, c'est pourquoi il dit tant de
fois: .: Amen », ou « en vérité, je vous dis».
Or, la Vérite termine en même temps qu'elle
résume, dans ce seul mot, toute l'Oraison do­
minicale.
167. On voit, en définitive, que c'est pour
nous permettre d'approprier à nos âmes le bien
et le vrai divin3 dans leurs manifestations in­
finies, que le Seigneur no us enseigne ainsi à
prier. 11 nous prépare en même temps à toutes
les conquêtes de la civilisation et de la régé.
nération des sociétés humaines, dans ce monde
et dans l'autre.
CHAPITRE XXI.
La statue de Nébuchadnetzû,r.
168. L'explication du songe de Nébuchadnetzar, faite par
Daniel, nous présente une petite philosophie de l'his-
toire de l'humanité qui répète sous une autre fonne la
légende des quatre âges du monde. - 169. Les quatre
métaux qui figurent quatre états distincts de l'élévation
de l'âme humaine, ont partout dans la Bible la même
signification spirituelle. - 170. Sous sa fOl'me biblique,
les quatre âges du monde fOl'ment quatre types d'Egli-
ses qui spécifient chacun un lien social différent, et
ainsi quatre civilisations distincte~. - 171. Le quatl'Îèma
âge figuré par le fer, s'applique à l'Eglise chrétienne,
qui est divisée contre elle-marne, et dont les différentes
communions n'ont pas plus d'adhérence entre elles quo
le fer et l'argile des pieds de la statue du grand roi. -
172. L'Eglise chrétienne actuelle sera remplacée par une
nouvelle Eglise qui édifiera le second Avènement du
Christ dans le monde .. sans l'aide des mains ", c'est-
à-dire sans le despotisme du dogme. - 173. Si le roi
NébuchadnetzuI' a pu l'eprésenter le Seignau 1', bien
qu'il ait été Ull très mauvais roi, c'est parce (lue la
fonction est seule considerée et non la personne. - 174.
La Bible choisit les faits historiques qui peuvent servi!'
comme leçons des choses, et en même temps, qui si-,
gniflent,dans le sellS spirituel, Jes Eglises et le Royaume
du Seigneur. - 175, L'humanité ne suit pas dans le
conrs des siècles d'autre loi que celle que suit l'homme
individuel, qui passe par les quatre phases de l'enfance,
de l'adolescence, de l'âge mllr et de la vieillesse j ceB
phases se rattachan t aux notions de fins, de causes et
d'effets, qui définissent les lois de l'ordre ou la doctrine
des degrés; celle-ci initie aux conditions de la liberté
spirituelle et naturelle de l'homme. - 176. Il faut que
l'humanité transfol'me la décrépitude dont est menacée
sa vieillesse, en sagesse nouvelle j alors, la cinquième et
dernière Eglise sera comme le COUI onnement des quatre
précédentes; telle sera la réalisation de la prophétie de
Daniel, en ce qui concerne la Jérusalem nouvelle. Ce
qui regarde cette Eglise de J'avenir est encore plus
amplement développé dans l'Apocalypse.
2i
2,12 LA STATUE DE NÉOCCIIADNETZAR

" La pierre qui avait


frappé la statue
devint un gl'anù
rocher qui remplit
toute la terre."
(Daniel Il. 35).
i68. Pour bien comprendre la Bible il faut
nous inspirer autant que notre faible nature le
permet, du souffle de l'amour divin, de cette
miséricorde divine qui dicte la Parole révélée
toute entière. Il faut aussi étudier le LIVRE dans
ses grandes lignes, et particulièrement dans les
textes qui nous fournissent Ulle vue d'ensemble
de l'histoire de l'humanité. Les détails 'tien­
nent alors d'eux-mêmes se grouper dans leur
ordre naturel et logique, comme autant d'ap­
plications nécessaires de l'amour et de la sages­
se divines.
L'explication du songe du roi Nébuchadnetzar
faite par Daniel, nous enseigne que le Seigneul'
est né plusieurs fois parmi les hommes, bien
qu'Il ne se soit incarné qu'une seule fois dans le
but de fonder l'Eglise chrétIenne. En effet, le
Seigneur est né dans le monde chaque fois
qu'il y a eu une dispensation nouvelle, c'est·à­
dire une Eglise nou velle qui succédait à une
Eglise du passé tombée en décadence.
Il est ne chaque fois d'une manière différente
dans l'âme humaine, suivant la différence du
génie des SOCIétés humaines, cal' à mesure que
celles·ci revêtent un génie plus externe, le Sei­
gneur se manifeste parmi les hommes sous une
forme plus externe également.
Le songe du roi Nébuchadnetzar nous pré­
sente toute une philosophie de l'histoire de
l'humanité s"ous la forme du style prophé­
tique. Celui-ci bien que plus facile à pénétrer
dans son sens spirituel que le style mythique
des Olize premiers chapitres de la Genèse, ou
l.A STATCE DE NÉIJUCHADNETZ,\R 243
même que le style historique qui commence au
chapitre XII par l'histoire d'Abraham, présente
cependant, encore moins de liaison dans son
sens littéral.
Le prophète Daniel commence ainsi le récit
du songe du roi Nébuchadnetzar:
« 0 roi, voyant tu fus, et voici, une statue
« grande, dont l'apparence était splendide; elle
« était debout devant toi, et son aspect était for·
«midable;decelte statue la têteétaitd'orfin,la
« poitrine et les bras d'argent; le ventre et les
« cuisses d'airain; les jambes de fer; les pieds
« en partie de fer et en partie d'argile.(DaniellI.
«31·33. )
raI' ces Paroles du prophète, les quatre
métaux qui sont indiqués, prennent une signifi·
cation semblable à celle qu'ils Ollt dans la
légende des quatre âges du monde.
Cette manière très sommaire de présenter
l'histoire de l'humanité dans le passé, le pré·
sent et l'avenir, est remalquable par sa grande
simplicité. En effet, elle la résume et la réduit
à l'histoire d'un seul homme qui ne parcourt
qu'une fuis dans sa vie terrestre, les quatre
âges de l'enfance, de l'adolescence, de l'âge
mùr et de la vieillesse, puis enfin, renaît dans
une vie spirituelle bien supérieure à la précé­
dente.
D'après la mythologie, les anciens peuples
présentaient ainsi les quatre âges du monde:
10 L'âge d'or, lorsque Saturne fils d'Uranus
régnait encore dans le Cid; 20 l'âge d'argent,
lorsque Saturne chassé du Ciel vint se réfugier
sur la terre, et que Jupiter lui eut succédé sur
son trône céleste; 30 l'âge d'airain, lorsque
Saturne eut quitté la terre; 4 0 l'âge de fer,
lorsque Astrée, déesse de lajustice, effrayée de
la corruption des hommes, les abandonna en­
tièrement pOl]r retourner llU Ciel.
244 lA STATUE DE Nf'l1UCHADNETZAR

169. Ces quatre métaux qui figurent quatre


états distincts d'élévation de l'âme, ont souvent
été nommés dans la Bible et partout où ils sont
nommés, ils ont la même signification spiri­
tuel! e.
L'or a toujours représenté le mélal le plus
noble: c'est le soleil ou le roi des métaux; li
symbolise le principe dominant de la sagesse,
son essence même qui est l'amour du bien pour
le bien; l'or figure donc l'.homme régénéré et
élevé au degré céleste.
L'argent qui vient immédiatement après l'or
signille l'amour du vrai pour le vrai,ou l'homme
régénéré élevé au degré spirituel, qui se place
à son tour immédiatement au-dessous de
l'homme céleste.
Le cuivre, de même que l'airain, figul'e l'a­
mour du bien et du vrai dans leurs effets ex­
ternes, et ainsi l'homme élevé au degré spiri­
tuel de l'amour du bien naturel. La mythologie
s'accorde ici avec la Bible pour chacun des
quatre âges: en effet l'âge d'or qui est le règne
de l'amour du bien pour le bien, suppose le
règne de Saturne dans le cœur humain, c'est-à­
dire dans le Ciel, car le Ciel n'est pas ailleur3,
suivant l'enseignement de l'Evangile (Luc,
XVII,21).
L'âge d'argent fait descendre Saturne d'un
degré, c'est-à-dire de la volonté de l'homme
dans son entendement intérieur de la Vérité, ce
qui est figuré par la descente de Saturne du
Ciel sur la terre. Le troisième âge ou l'âge cl:!
cuivre et de l'airain figul'e l'amour de la beauté
externe en toutes choses: le cuivre est repré­
senté par la déesse Vénus; celle-ci naquit de la
mer qui figure dans la Bible les connaissances
scientifiques et sensuelles.
Le fer qui fut personnifié dans Mars, le Dieu
de la guerre, figure l'amour du vrai naturel ou
l,A STATUE DE NÉBVCHADNETZAR

externe: c'est l'état de l'homme qui reste dans


le naturalisme ou dans l'amour du bien·être
matériel. Si le fer figure la vérité externe et
l'amour de la force matérielle, c'est parce que
la force attribuée à la vérité nue apparaît comme
irrésistible. C'est le règne de la Parole révélée
dans son sens littéral, celui du premier Avène·
ment du Christ.
L'argile figure le faux qui n'a de cohérence ni
avec le vrai ni avec le bien.
170, Sous la forme biblique on peut présenter
ainsi la légende des quatre âges du monde:
10 L'âge d'or ou l'Eglise Adamique, dite Eglise
Très-Ancienne;
20 L'âge d'argent ou l'Eglise de Noé, dite
Eglise Ancienne;
3° L'âge d'airain ou l'Eglise d'Héber continuée
par l'Eglise Israëlite;
40 L'âge de fer ou l'Eglise chrétienne du pre­
mier Avènement du Seigneur; c'est son règne
en chair qui est le règne du sens littéral de la
Bible.
Ces quatre Eglises ne sont pas des Eglises
proprement dites mais quatre types d'Eglises,
car il a existé un très grand nombre d'Eglises
particulières; mais elles spécifient chacune un
génie différent ou lien social différent des so­
ciétés humaines. Ces quatre Eglises représen­
tent donc quatre civilisations et quatre génies
distincts des sociétés humaines; ainsi, dans cha­
cun de cès quatre états de civilisation, l'esprit
général de l'Eglise prédomine et suppose un lien
social différent qui est caractérisé par chacun
des quatre métaux,
Les quatre Eglises ou les quatre âges du monde,
bien que susceptibles d'être décrits sous des for­
mes très variables, restent fixes quant à leur
sens spirituel. Il en est de même des phases
successives que parcourt une Eglise, avant d'ar.
~-!6 LA STATUE DE N.b:nUCHADNETZAR

river à sa décadence ou à sa fill. Ces vicissitu­


des di verses sont représentées également par la
statue de Nébuchadnetzar et ses quatre métaux
qui correspondent alor.i à ses états d'enfance,
d'adolescence, d'âge mûr et de vieille1..se. Elles
sont représentées encore pal' les quatre bêtes
qui montaient de la mer et dont il est question
aussi dans Daniel, an chapitre VU. Les bêtes
en général, signifient dans la Bible les affections
du cœur de l'homme. C'est ainsi que sout décrits
les états successif~ de l'Eglise chrétienne jus­
qu'à sa fin, dans le chapill'e XIII de l'Apoca­
lypse.
171. Nébuchadnetzat', comme roi de Babylone,
a représenté la falsification Babélique de la Pa­
role et la destruction de tout vrai. Par la Baby­
Ionie, il est entendu partout dans la Bible, l'a·
mour de dominer sur les choses saintes de l'E­
glise, d'après l'amour de soi. Ceci s'applique
aux pontificaux Romains, qui se sont arroge le
pouvoir ù'ouvrir et de fermer le Ciel. Swéden­
borg ajoute ce développement à l'interprétation
que donne Daniel du songe du rlli. Du ver5e,t 36,
à la fin du chapitre 1lI de Daniel, ce qui est dit
des quatre royaumes, coocerue aussi l'histoire
de la première Eglise chrétienne toute entièl'e.
«La tête d'or» et le royaume puissant repré­
sentent les premiers étals de celle Eglise, lors­
que la Parole y etait enseignée selon les vrais de
sa doctrine, mais les chefs de cette Eglise s'at­
tachèrent trop au sens de la lettre et alors « s'é·
leva un royaume moindre» que le premier;
puis l'Eglise devint puissante, plus par le
bieullàturel que par le bien spirituel. C'est là
le troisième « royaume qui dominera sur toute
la terre. » Il correspond à l'airain. Enfin peu à
pen, le bien et le vrai furent changés par des
adultél'utïons en mal et en faux, n'ayant pIUS de
force que par une puissance civile diabolique;
LA STATUE DE NÉBUCHADNETZAR 247
ce fut le temps de l'irquisition. Ce quatrième
royaume est l'eprésenté par le ter; mais les
pibds de la statue en partie de fer et en partie
d'argile, montrent que ce royaume devait être
en partie fort et en partie fragile.
L'histoire de l'Eglise chrétienne aux XYlc, xm C
et XVlllc siècles, justifie bien cette dernière par­
tie de la prophétie. Les différentes communions
chrétiennes, puis les ilifférentes gglises protes­
tantes, forment comme autant de sectes conti­
nuellement en rivalité les unes à l'égard des
autres: les plus fOI tes broie-nt les plus faibles
et elles n'ont pas plus d'adhérence entre elles
que le fer et l'argile des pieds de la statue vue
par le grand roi.
Le prophète nous annonce de plus, que le fer
méié à l'argile et formant la base de la statue
sera brisé à son tour avec le reste. Ainsi l'Eglise
chrétienne, doit disparaitre avec l'or, l'argent,
l'airain, le fer de la statue et avec tout ce qui
sera resté dans lemonde ùesEglises plus ancien­
Iles encore.
172. L'Eglise chrétienne sera remplacée par
une nouvelle Egliso chrétienne, qui sera le
second Avènement du Christ dans le monde.
Daniel représente cette nouvelle Eglise comme
une pierre qui « sans l'aidè des mains )J, frappe
la statue à sa base et la détruit de la façon la
plus complète. Il est dit, «sans l'aide des mains»;
cela signifie, sans le despotisme du dogme qui
divise nos Eglises chrétiennes actuelles, ainsi
sans aucun procédé autoritaire, sans aucune
force brutale, mais par la charité, qui dominera
sur la foi et pal' le libre assentiment de l'esprit
et du cœur des hommes. Ge règne du Christ en
esprit, l'emportera sur son règne en chair qui
est le règne du sens de la lettre de la Parole. Ce
nouveau règne en esprit s'établira par une con­
248 LA STATUE DE NABGCHAD:-IETZAR

naissance plus approfondie du Verbe, et de sa


symbolique sacrée.
Nous posséderons alors l'enseignement de la
sagesse divine dans ses principes et dans sa
pratique sociale; aussi, ce nouveau règne est
annoncé sous les couleurs les plus vives par
Daniel.
« Tu regardais, regardais" quand sans l'aide
« des mains, une Pierre se détacha et frappa la
« statue sur ses pieds de fer et d'argile et les
i( brisa; alors furent brisés ensemble le fer,l'ar.

« gile, l'airain, l'argent et l'or; et ils devinrent


" comme la paille de l'ai re en été, que le vent
« transporte çà et là,etil ne fut trouvé aucun lieu
" pour eux; mais la pÏlorre qui avait frappé la sta·
« tue devint un grand rocher qui remplIt toute la
« terre. ,,(Daniel Ir. 34,35),
Le Seigneur est souvent entendu dans la
Bible par la Pierre de l'angle,la Pierre d'achop­
pement et le grand Roch&f. Il est évident que
c'est le Seigneur encore qui est entendu ici par
la Pierre ou le grand Rocher qui se détache sans
l'aide des mains et qui frappe la statue sur les
pieds.
11 s'agit dans ce dernier passage de Daniel,
du llouveau règne du Seigneur qui doit se sub~­
tituer progressivement à tous les règnes précé­
dents,dont les derniers persistent encore dans le
monde sous la forme d'Eglises tombées en dé­
cadence, mais qui ne subsistent plus qu'au nom
du respect des traditions.
Le Seigneur nous a dit 8 pl'OpOS de ce nou~
veau règne: « N'avez-vous pas lu dans les
« Ecritures: la Pierre qu'ont rejetée ceux qui
« bâtissent, celle-là est devenue tête d'angle. »
(Matth. XXI. 22.)
173. On peut se demander comment le roi
Nébuchadnetzar, qui était un très mauvais roi,
a pu avoir ce songe sublime et comment Daniel
LA STA TUE DE NABUCHADNETZAR 249
a pu dire: «c'est toi qui es la tête d'or... » Ce roi
a servi ainsi à représenter dans la Bible, le
Seigneur et ses Eglises successives. Mais il y a
bien d'autres exemples dans la littérature sa­
crée, de mauvais rois et de mauvais prêtres qui
serven ta ussi bien que les bons rois et les bons
prêtres à représenter allégoriquement le Sei­
gneur et ses Eglises. Dans la Bible comme dans
les hiéroglyphes égyptiens, les plus mauvais
rois ou les plus mauvais prêtres, peuvent re­
présenter symboliquement le Seigneur sur la
terre, parce que c'est la fonction officielle dont
ils sont revêtus qui est considérée et non pas la
personne elle-même.
Le Seigneur ne brise pas le roseau froissé,
mais il le plie sans le rompre, et c'est ainsi
que Daniel son prophète emploie le seul lan­
gage que puisse accepter l'orgueil du grand
roi.
174. Il faut observer encore que la Bible ne
nous raconle pas l'histoire des hommes pour
nous intéresser au sort des royaumes politiques,
mais qu'elle choisi t parmi les faits historiques,
ceux qui peuvent être utilisés comme leçons
des choses, etqui peuvent en même temps ser­
vir à signitier dans le sens spirituel, les Egli­
ses et le Royaume du Seigneur dans le Ciel.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans la pro­
phétie de Daniel, c'est la description de ce se­
cond règne du Christ, qui doit édifier l'Eglise
de l'avtmir et se substituer progressivement à
l'Eglise chrétienne actuelle.
Ce nouvel Avènement du Seigneur dans le
monde est ainsi annoncé:
« Mais au temp!l de ces mêmes rois, le Dieu
« des Cieux suscitera un royaume qui sera éter­
'" nellement indestructible et dont la souverai­
« neté ne sera laissée à aucun peuple; mais il
« brisera et anéantira tous ces royaumes éternel.
2::>0 LA STATUE DE NÉnUCHADNETZAR

« lement, comme tu as vu une Pierre sans l'aide


« des mains, se détacher de la montagne et briser
« le fer, l'airai n, l'aq,ile, l'argent et 1'01'.» (Chap.
II. 4'1. 45.)
Il n·t'st pas difficile de lire dans ce langage
imagé, l'annonce d'un christianisme libéral et
humanilaire, qui doIt se substiluer progressi­
vement au christianisme autoritaire et dogma~
tique de nos Eglises actuelles.
175, raI' cet enseignement de la philosophie
de l'histoire, nous apprenons que l'humanité
ne suit pas dans le cours des siècles, d'autre
loi que celle que suit l'homme individuel, qui
passe par les quatre phases de l'enfanctl, de
l'adolescence, de l'âge mur et de la vieillesse.
Chacune de ces vicissitudes périodiques des
âges est comme la répétilion des quatre sai­
~ons de l'anuée, ou encore des quatre phases
du jour: le matin, le midi. le soir et la nuit.
De plus, chacune de ces phases se sui t hié·
rarchiquement, comme les nolions de tin, de
causes, d'effets premiers et d'efrets derniers:
elles définissent les lois de l'ordre ou la doc­
trine des degrés. Cette doctrine initie à la con­
naissance précédemment développée par nous
du domaine de la liberté de l'homme. Ce do­
maine embrasse les plans de la vie céleste, spi­
rituelle, naturelle et terrestre lV. nOS 6:3 à 66 ci
dessus).
Or, les lois de l'ordre, bIen que prévues de
toute éternité, ne constituent nullement la fa­
talité, mais elles constituent les conditions né­
cessaires à l'existence de la liberté srirituelle
et naturelle des hommes, dans la vaste éten­
due de son domaine.
La symbolique saerée s'allie naturellempnt à
la rigueur de l'esprit philosophique et scienti­
fique j sa douce poésie s'harmonise avec la r~·
gueur de la logique la plus sr,rupulensfl,
LA STA'l'UF: IlE NJ<:IJUCHADNETZAR 25i
titi. L.a tendance de l'humanité à mesure
qU'611e vieillit, de même que toute vieillesse qui
tombe en décrépitude, est de s'abandonner de
plus en plus à l'amour des choses externes, à
l'exclusion des vérités intérieures et supérieures
qui font l'âme et la vie des premières. Cet
amour excessif des choses externes caractérise
l'e:;prit du mal, de même que l'amour des vérités
interues et supérieures caracterise l'esprit du
bien.
Il tautque l'humanité revienne graduellement
par les influences providentielles d'une dispen­
salion nouvelle ou d'un Douvel Avènement du
Seigneur, à l'amour des vérités intérieures et
supérieures, sans exclure pour cela son zèle et
son progrès dans la connaissance dE:s vél'ités de
fait, qui sont ext2rnes et scientifiques.
A cette condition seulement, l'humanité trans·
formera la décrépitude dont est menacée sa
vieillesse, en sagesse nouvelie; et c'est dans
cette transformatlOn qut doit être lente et gra­
duelle pour rester cette fois, définitive, que
consistera la raison d'être et la misflion de la
cinquième Eglise qui est celle de l'avenir.
Celle-ci a déjà commencé à succéder aux quatre
précédentes Egli:;es.
On voit que les sociétés humaines du passé,
se rattachent à celles du présèllt, et présentent
celles de l'a venir comme leur conclusion der­
nière.
Il faut donc que la sagesse nouvelle lie la cin­
quième et dernière Eglise soit comme le courOL­
nement de la sagesse des quatres Églises précé­
dentes; il faut qu'elle dérive de ses antécédents
dans le passé et dans le présent de l'histoire de
l'humanité; il faut que le pl'Ogrès des idées
modernes s'adapte par son caractère rationnel
à la théologie de l'avenir.
C'est de cette cinquième Eglise dont Daniel
~52 LA STATUE DE NÉBUCHADNE'l'ZAR

parle aux chapitres II et VII de son livre; c'est


d'elle encore do nt s'occupe le livre entier de
l'Apocalypse, où elle est nommée:« la Jéru­
salem nouvelle. » Elle est la Vérité, ou la foi
en Jéhovah, figurée par la Pierre qui frappe la
statue de Nébuchadnelzal', et cette foi ou cette
pierre deviendra un grand Rocher qui remplira
toute la terre.
CHAPITRE xxn

De la mort, du jugement dernier et de la


résurrection
ln. - Il est plus aisé de nous réformer durant notre vie
terrestre que d'attendre pour cela notre introduction
dans le monde des esprits. - 178. C'est la vél'ité qUi
nous juge, mais le jugement particulier qui concerne
cbaque homme individuellement est distinct du juge­
ment dernier qui concerne la fin du monde. La fin d'un
monde arrive lors de la rupture de l'équilibre entre le
bien et le mal; elle est suivie aussitôt d'une dis)?ensation
nouvelle, et d'une Résurrection nouvelle du Seigneur
dans les âmes des hommes. - 179. De l'Eglise Adamique
ou de l'âge d'or de l'humanité; de sa décadence, de son
jugement dernier et de la Résurrection du Seigneur dans
l'Eglise de Noé qui fut l'âge d'argent. Du déclin de ce
del'IlÎer âge, suivi rie l'incarnation de Jéhovah dans le
Christ. - 180. Le second jugement dernier qui eut lieu
pendant la vie terrestre du Seigneur fut exécuté sur
tous les hommes des Eglises précédentes, qui n'avaient
pas été compris dans le précédent jugement.-Un. L'in­
carnation de Jéhovah et sa Résurrection, nous enseignent
le chemin de notre propre regénération et de notre
résurrection à la vie spirituelle. - 182. La Résurrection
du Seigneur dans un corps glodeux: après lion départ
de la vie terrestre, nous annonce son règne en esprit
qui doit succéder à son règne en chair et la fin de la
premIère Eglise chrétienne. Celle-ci a cessé d'être dans
le mouvement des idées modernes, et ne pourrait s'y re­
mett.re qu'au profit de l'Eglise de l'avenir. - 183. Un
troisième jugement demier a été exécuté dans le monde
spirituel il y a un siècle, mais cette nouvelle fin du
monde ne ressemble nullement il. l'idée que s'en fout ceux
qui se laissent trop impressionner par le sens littéral de:;
l!lcritures. - 184. Le témoignage de Swédenborg sur la
réalité de ce troisième jugement dernier doit être con­
firmé par une explication rationnelle des faits sur les­
quels il porte, et ne pas se trouver en opposition avec
le sens spirituel des Ecritures.- 185. La vraie preuve que
la mission de Swedenborg fut d'annoncer et d'expliquer
le noa veau règne en ,esprit du Christ, est établie par
l'interprétation rationnelle qu'il nous donne du sens
spirituel de la Bible, l'Eglise de l'avenir ne pouvant plus
comme celle du passé, être fondée sur le miracle.
22
254 Dl>: LA MORT, DU JUGEME NT DERNIER

c Il fallait d'entl'e les morts que


le Seigneur ressusci tùt". (Jean,
n.20.)!

177. L'homm e qui vit seulem ent de S;1 vie


corpor elle et sensue lle peut être consid éré
comme mort 8piritu elleme nt, du moins, comme
n'étant pas encore né à la vie spiritu elle. Cette
vie spiritu elle consist e dans la régéné ration de
l'âme parce qu'elle est une initiati on continu elle
de l'âme à la jouissa nce de la vie dè l'espri t.
L'âme, en effet, est unie boU corps dans le
monde de la nature et il faut que pour naître à
son tour dans la vie de l'espri t qui est sa vie
propre , l'âme s'élève du. natura lisme au spiri­
tualism e. Il faut donc aussi que tout homme
sache mettre à profit sa vie terrest re: celle-c i
est compa rable à une école d'appr entissa ge
dans laquell e un appren d à s'éleve r à la vie spi­
rituelle . Or, le monde physiql1e est le monde
des effets; il est purem ent symbo lique du
monde des causes qui est le mancie spiritu el.
S'il n'en était pas ainsi, et s'il n'y avait pas Ulle
révélat ion de Dieu,e n ce qui concer ne les vérités
spiritu elles, il seràit difficile de concev oir
'comment l'homm e pourra it se former des idées
précise s sur les choses qui sont au-des sus ùe la
nature , c'est-à -dire, sur les choses du monde
spiritu el. .
Bien que notre âme soit immor telle, il est
nécess aire de faire notre choix pour le bien ou
pour le mal, lors de notre vie dans le monde
terrest re. Il est difficile de reveni r sur ce choix
après la mort., car notre corps spi rituel ne doit
pas s'appro prier à la fois le bien et le mal, mais
seulem ent l'un ou l'autre . Ceux qui se sont
confirm és dans le mal au point de l'enrac iner
dans le cœur, ne peuven t reveni r au bien. En
b DE LA RÉSURRECTl0N 255
effet, rien de matériel n'existe dans le monde
spirituel; si donc, lors de l'arrivée de l'homme
dans le monde des esprits, qui est le monde
intermédiaire entre le Ciel et l'enfer, il n'est pas
encore purifié de l'amour du côté externe des
choses, les épreuves par lesquelles il doit pas:'"
sel', }Jour s'élever dans le bien, sont plus péni­
bles encore que s'il avait subi ces épreu ves dans
le monde terrestre de la matière.
La raison en est que les transition:> des exter­
nes aux internes,qui nous sont nécessaires pour
nous élever librement au-dessus du bien-être
matériel, n'étant plus d'une nature fixe et gros­
sière dans le monde spirituel où rien de maté­
riel n'existe, nous pouvons les regretter au
point de nous laisser entraîner avec plus de
violence vers l'amour exclusif du côté externe
des choses. . .' .
Les enfants et tous ceux qui sont morts, avant
de s'être acquis dans le monde terrestre une
individualité propre, et assez bien caractérisée
pour qu'elle les suive dans le monde spirituel,
doivent être instruits par les anges et les bons
esprits. Ils deviennent eux-mêmes (ies anges
bienheureux, mais il est permis de croire que
les progrès qu'ils peuvent faire, n~ sont pas
obtenus d'une maniè.re aussi étendue et aussi
complète que che:;: ceux: qui se sont d'avance
confirmés dans l'amour du bien et du vrai, du­
rant les épreuves de leur vie, dans cette pépi­
nière des cieux qu'on appelle le monde terrestre.
178. La Vérité doit alimenter nos âmes, et
c'est elle aussi qui no.1S juge, lorsque nous la
délaissons et que nous lui preferons le mal et le
faux; mais ce jugement pat'ticulier qui peut con­
cerner chaque homme individuellement est dis­
tinct du jugement dernier qui marque la fin
d'un mpnde.
256 DE LA MORT, DU JUGEMENT DERNIER

Il faut observer, en effet, que l'humanité est


maintenue dans la liberté, tant qu'elle reste
sollicitée également et généralement, entre le
bien et le mal; mais lorsque le mal finit par
l'emporter sur le bien, l'équilibre est rompu, et
dans ce cas, il y a dans le monde spirituel, un ju­
gement dernier qualifié de fin du monde. Ce ju­
gement dernier est suivi aussitôt d'une dispen­
sation nouvelle, au moyen d'une Révélation et
d'une résurrection nouvelle du Seigneur dans
les âmes des hommes.
Le dimanche de Pâques arrive toujours au
printemps parce que le printemps est comme la
résurrection de la nature après sa mort figurée
par l'hiver: c'est donc l'époque de l'année qui
correspond le mieux à l'enseignement de la
résurrection du Seigneur dans les âmes des
hommes. C' ~st surtout à cette occasion du re­
nouvellement de la nature qu'il paraît opportun
de jeter un coup d'œil rapide sur les différentes
résurrections du Seigneur dans le passé, pour
mieux comprendre celle de l'avenir ou son règne
nouveau qu'on fête plus particulièrement le jour
de Pâques.
Il y a eu, dans le passé, ainsi que nous l'avons
vu précédemment, certains états de décadence
des sociétés humaines, qui sont comparables à
l'engourdissement du froid des hivers les plus
rigoureux qu'il soit possible d'imagIner.
Mais chacun de ces états de décadence de
l'humanité a été suivi d'une résurr2ction du Sei­
gneur dans les âmes des hommes. '
179. Nous avons vu, en effet, dans le chapitre
précédent, que l'humanité primitive s'était éle­
vée au moyen de son Eglise, dite Adamique ou
Très-Ancienne, à l'amour du bien pour le bien,
et que cet amour avait si complètement im­
prégné les mœurs qu'il suffisait comme lien
ET DE LA RÉSURRECTION ~57

social durant cet âge d'or, pour maintenir la jus­


tice et la fraternité dans les sociétés humaines.
Mais nous devons constater avec la Bible que
ce progrès inouï de la civilisation première, fut
suivi d'un état de décadence, arrivé par suite
d'une corruption complète de la volonté de
l'homme; celle-ci perdit son état d'intégrité, ce
qui fit disparaître graduellement tout le bien et
tout le vrai de l'âme humaine, La sagesse an­
tique des Très-Anciens, fut dès lors transformée
en idolâtrie et en magie; ce fut un des signes de
la fin de ce premier monde.
Alors, Jéhovah-Dieu exécuta dans le monde
spirituel son premier jugement dernier, qui est
figuré dans la Gen2~e par un déluge d'eaux, ce
qui signifie un déluge de faux et de maux,
Nous avons observé que dans le Ciel, qui
est en dehors des espace~ et des temps, il y a
extension de toutes les affections du bien et
du vrai et conjonction immediate avec tous ceux
qui sont dans des affections semblables, (voir
no 47 ci-dessus); de même dans l'enfer, il y
a extension de toutes le::; affections du mal et du
faux, et communication et conjonction immé­
diates, avec tous ceux qui sont dans des affec­
tions semblables.
Lors donc que le mal l'emporte sur le bien
parmi les hommes, le monde des esprits qui est
intermédiaire entre le Ciel et l'enfer, se peuple
de plus en plus d'esprits méchants, et l'équi­
libre entre le bien et le mal, se trouvant rompu
au profit du mal, l'homme dominé par ces
influences mauvaises du monde spirituel cesse
d'être libre d'aller au bien. De là, la nécessité
d'un prompt jugement dernier,
Une nouvelle resurrection du Seigneur, un
second· et nouveau règne de Dieu parmi les
hommes, suivit ce jugement dernier de l'âge
25R DR LA ~IORT ET DU JUGE~lENT DEltNiF.R

d'or de l'humanité, sous la forme de l'Eglise de


de Noé, dite Eglise Ancienne. Cette Eglise nou.
velle eut pour lien social l'amour du vrai pour
]e vrai, qui suffisait encore pour maintenir le
règne de la paix et de la justice dans les socié.
té humaines, car elle inaugura l'âge d'argent.
L'Eglise Ancienne qui fut l'âge d'argent, eut
aussi sa Révélation et sa Résurrection du Sei­
gneur dont nous aurons à nous occuper dans un
aufre chapitre. Ses phases succel;lsives, ses pro­
grès et son déclin fUl'ent reprèsentés par une
graode variél é d'E;slises particulières et sucees­
sives, qui furent personnifiéeil som: le nom de
personnages mythiques dits patriarches; mais
lorsqu'elle devlllt complétem€'nt externe dans
son culte, alors elle passa par les phases der­
nières des Eglise~ particulières d'Héber et dl's
Israëli tes. Toutes 1es phases de l'Eglise Ancienne
forment autant d'Eglises particulières. dites
représentatives, 11 cause du sens interne ou
spirituel voilé sous les f.)rmes du cérémonial
de leurs cultes variés.
Les hommes sont devenus d'un génie enlière­
ment sensuel sous l'Eglise d'Héber et l'Eglise
Israëlile,qui furent les deux dernières phases de
I"Eglise Ancienne déjà transformée en âge d'ai­
rain par J'Eglise d'Héber et en âge de fer par
J'Eglise Israélite; alors Jéhovah pour continuer
à être présent chez les hommes, dût s'incarner
dans le Christ et se manifester à eux sous une
forme externe et seosuelle.
180. La Bible nous enseigne que c'est durant
sa vie terrestre, que le Seigneur dût exécuter
un second jugem ent d eroier. Ce jugement englo­
ba les hommes de l'Eglise Ancienne, de I\E~lise
Israélite, et en même temps ceux qui n'avaient
pas été compris dans le jugement dernier du
monde de la décadence de l'age d'or. Lorsque
ET DE LA RÉSl RREC'l'ION 259
tout un groupe d'Eglises finit par un jugement
dernier, parceque ce groupe englobe l'ancien
esprit qui s'eteint dans le monde des âges pas­
ses, alors la Bible et notamment l'Apocalypse
nous enseignent aussi que les Cienx peuplés
par les hommes des Eglises de ce monde du
passe sont complétés on achevés.
D'après les mêmes enseignements, il y a dans
le monde spirituel autant de Cieux distincts
qu'il y a de génies distin cl s des sociétés humai­
nes. Or, il peut arriver que le Seigneur permet­
te aux m<:'lchanls de s'édifier, dans le monde des
espl'its,des Cieux factices qui ne sont aussi qU6
des demeures factices, dans lesquelles ils res­
tent jusqu'au prochain jugement dernier. Cela
arrive lorsqu'ils se sont trouvés en consociation
avec des espl'its bons, mais simples, qu'ils ont
entraînés avec eux et qu'ils ont trompés.Ce n'est
que lorsque la fin des temps est survenue que
ces bons esprits peuvent être separes de leurs
cODsocies mechants. suivant la parabole du bon
grain et de l'ivraie. Les mechants se precipitent
alors d'eux-mêmes dans l'amour plus accentue du
mal et du faux, c'est-à dire dans l'enfer.
Le second jugement dernier arriva à la suite
de la destruction du vrai intellectuel dans l'en­
tendement des hommes del'Eglise Ancienne, de
même que le premier jugement dernier, était
al'l'ive à la suite de la destruction du bien de la
volonle. Ce second jugementdernier est annoncé
ainsi dans l'Evangile: «~1aintenant il y a juge­
» ment de ce monde; maintenant le chef de ce
» monde sera jeté dehors».(J ean,XII.3I.) De plus
il est écrit dans Luc: «Jésus dit : j'ai vu Satan
« comme un eclair tomber du Ciel,. (Luc X. 18).
On sait que Salan n'a jamais été qu'une person­
nification de tous ceux qui sont dans les affec­
tions mauvaises,
260 DE LA MORT, DU JUGEMENT DgRNIER

181. Aprés ce second jugement dernier, le


Seigneur posa les premiers fondements de l'E­
glise chrétienne. C'est alors que l'incarnation de
Jéhovah dans le Christ et sa résurrection d'en­
tre les morts, devinrent chez les hommes de
l'Eglise chrétienne, une leçon des choses pour
l'enseignement de tous; en effet, cette résur­
rection fut le type et le modèle de la résurrec­
tion de chacun de nous à la vie spirituelle, et
Pindication des moyens que nous devions em­
ployer pour naître à nouveau, c'est-à-dire pour
nous régénérer.
De plus cette régénératiou ou cette résurrec­
tion du Seigneur par la victoire surIe mal héré­
ditaire qu'il tenait de Marie, tut en même temps
la glorification de l'Humain du Seigneur, et le
signal de son union avec son Divin qui était Jé­
hovah.
L'Humain glorifié du Seigneur, devint alors
le Divin naturel: en effet, l'Evangile nous en­
seigne que le Seigneur est ressuscité ave'~ tout
son corps naturel et qu'Il n'en a rien laissé dans
le sépulcre. Dès que cette glorification fut
opérée par l'union de son Divin avec son Hu­
main, il ne restait plus rien du mal héréditaire
provenant de Marie, et il n'était plus son fil~.
Son corps naturel a dès lors joui de tous les
privilèges de son corps divin. Mais avant cette
union et durant le combat contre le mal héré­
ditaire provenant de Marie, l'union entre le
Divin et l'Humain n'était pas réalisée, et le
Christ était encore dans l'état d'exinanition,
c'est-à-dire, d'humiliation à l'égard du Divin.
Ce premier état est comparable à celui de tout
homme qui passe par la phase de réformation
avant d'arriver à l'état de régénération, ou qui,
de naturel, devient spirituel.
En ce qui concerne le Seigneur, cet état est
ET DE LA RÉSURRECTION 261
décrit dans les Psaumes et dans les Prophètes,
particulièrement dans Esaïe. Pendant cet état
d'humiliation. le Fils prie le Père et s'adresse
à Lui comme à un être distinct: il dit qu'il fait
la volonté du Père. Sans cet état d'hu­
miliation, il n'eût pu être crucifié. Mais le Sei­
gneur se montre dans: le second état, celui de
glorification,toutes les fois qu'Il dit que le Père
et Lui sont un, que le Père est en Lui et qu'Il
est dans le Père, et toutes les fois qu'Il fait des
miracles. L'état de régénération chez l'homme
correspond à ce second état du Seigneur; l'union
entre l'homme externe et l'homme interne,entre
le corps et l'es:prit, est opérée dès que l'externe
est subjugué par l'interne.
182. La résurrection du Seigneur dans un corps
glorieux après son départ de la vie terrestre,
nous annonce que son règne en esprlt doit suc­
céder à son règne en chair qui est le règne du
sens littéral dela Parole révélée, règne qui ne
pouvait être qu'éphémère. En d'autres termes,
la présence interne du Seigneur parmi les
hommes doit graduellement se substituer à sa
présence externe dans le sens de la lettre de la
Parole; c'est poltrquoi Il nous dit: « Il vous est
» avantageux que Moije m'en aille; car si Je ne
» m'en vais pas, le Consolateur ne viendra point
» à vous; mais si Je m'eu vai~ Je vous l'enverrai.»
Jean XVI. 7.) Ce consolateur ou Paraclet est le
Saint-Esprit dont la venue nous annonce son
règne en esprit. Cette fin du règne du Christ en
chair annonce donc aussi la décadence de la
première Eglise chrétienne,qui est décrite dans
le chapitre XXIV de l'Evangile de Matthieu et
surtout caractérisée dans le verset 28 : « Où est
» le cadavre là s'assembleront les aigles. »
Si ce dernier état de la première Eglise chré­
tienne, a été comparé à des aigles qui s'assem­
262 DE LA MORT ET DU JVGI!:M.E~T DERNiER

blent autour d'un cadaV1'e, c'est parce que les


aigles figurent les rationnels de l'homme qui,
s'ils se disent du bien sont des rationnels hons,
et s'ils se disentdu mal sont des rationnels faux.
Les raisonnements faux sont ici figures par des
aigles SUl' un cadavre et ce cadavre, est la pre­
mière église chrétienne arrivant à sa fin et se
détruisant elle-même par de fausses doctrines,
puis plus tm'd devenant entièrement discréditée
par celles- ci et par leurs conséquences.
L'œuvre de Voltaire ou Je l'ècole rationaliste,
qui a attaqué sans pitié les ardeurs et l'intolé­
rance des soi-disant chrétiens du dix-huitième
slècle, a rendu à la civilisation chrétienne le
senice de la faire consciente de sa propre va­
leur, Voltaire a montré que les progrès de l'a­
doucissement des mœurs prévalaient contre les
tendances de l'ancienne Eglise chrétienne e11e­
même, car celle-ci s'en éloignait, en s'obstinant
dans sa soif de domination et dans son intolé­
rance sectaire. C'est pourquoi, cette Eglise s'est
mise elle-même dans l'impuissance de faire pé­
nétrer le bien et le vrai dans les mœurs pour les
app li quel' à la vie sociale; elle a donc terminé
sa carrière dans le monde et elle est arrivée à
sa fin. Tous ses efforts, en supposant même
qu'elle tasse un pas en arrière vers son principe
originaire, pour réagir contre ses tendances ac­
tuelles, ne peuvent profiter qu'à la nouvelle
Jérusalem, à la nouvelle Eglise chrétienne, qui
seule est dans le mouvement des idées modernes
et qui seule peut devenir l'Eglise universelle.
C'est sur ce progrès de l'adoucissement des
mœurs publiques, que se greffe donc maintenallt
le nouveau règne du Christ; son règne en esprit
est aussi celui de la nouvelle Eglise chrétienne
annoncée dans l'ApocalypsA sous le nom de J é­
rusalem nouvelle~
ET DE LA RÉSURRECTioN 263
183. Vers la fin de l'Eglise chrétienne an­
cienne uoe ère nouvelle a été inaugurée, il y
a un siècle déjà, par un troisième jugement
deI'Dier. Ce jugement dernier fut opéré à la fin de
la première Eglise chI'étienne devenue impuis­
sante à réaliser la charité dans les œuvres so­
ciales; il est prédit et décri t dans l'Apocalypse;
comme les deuxjugements derniers précédents,
il eut lieu dans 113 monde spirituel.
l"lais il faut nous hâter d'ajouter tIue ce juge­
ment dernier ayant, de même que les deux pré­
cédents, été exécuté dans le monde spirituel, est
tout différent de celui qu'attendent les chrétiens
de la première Eglise chrétienne qui se laissent
impressionner par le sens littéral des saintes
Ecritures beaucoup plus que par le sens spiri­
tuel qu'ils ignorent encore.
184. Emmanuel Swedenborg s'est fait connaî­
tre au XV lue siècle par ses nombreux écrits
théologiques, comme le hérault de la nouvelle
Eglise de l'avenir, dont il a formulé les doctri­
nes, en les puisant dans les textes mêmes de la
.Bible, et en les présentant sous une forme ration­
nelle. C'est lui qui nous annonce que le jugement
dernier (de la première Eglise chrétienne, tel
qu'il est pl'édit et décrit dans l'Apocalypse (1), fut
opéré dans le monde spirituel durant l'année
1757, sur les habitants méchants du monde des
esprits, dont le nombre s'tHait accru de manière
à devenir nuisible aux hommes, en leur ôtant la
liberté de progresser dans le bien.
Les bons esprits ont été élevés au ciel) les mé­
chants précipités en enfer, et l'intluence di vine
qui s'exerce constamment sur les hommes par
l'office des anges et des bons es prits, a été rendue
plus efficace à la suite de la communication
(Voir notamment Cllap. XVII à XXI de l'Apoc.)
264 DE LA ~IOItT, DU JUGEMENT DERNIER

plus abondante d'amour et de sagesse; c'est la


cause inconnue de ces progrès faits par l'huma­
nit.3 depuis un ~iècle dans la voie des amé­
liorations sociales et des découvertes scienti­
fiques, qui sont sans comparaison avec les
progrès des temps antérieurs et qui ont tant
étonné ceux qui ignoraient leur origine spiri­
tuelle.
Swédenborg, professe d'avoir eu sa vue. spiri­
tuelle ouverte de manière à voir ce qui se
passe dans le monde spirituel. Pour s'en con­
vaincre il suffit de voir que les faits dout il
témoigne sont établis rationnellement, et sont
conformes au sens spirituel et à la doctrine
des saintes Ecritures, Jusqu'à présent, personne
n'a réussi à le mettre en contradiction avec lui­
même ou avec l'ensejgnement de la Bible.
18:>. La vraie preuve que la mission de Swé.
denborg, est d'annoncer et d'expliquer le nou­
veau règne en esprit du Seign8ur parmi les
hommes, est suffisammen t établie par l'ouverture
qu'il a faite du sens spirituel de la Bible, et sur­
tout par l'interprétation rationnelle qu'il nous
donne des prédictions de l'Apocalypse ainsi que
du chapitre XXl V de l'Evangile de Matthieu.
L'Eglise de l'avenir, en effet, ne peut plus êlre
fondée sur le sens littéral de la Parole, ni même
sur le miracle, comme l'Eglise du passé; mais
elle peut être fondée sur le dévoilement du
sens spirituel des saintes Ecritures et sur une
explication rationnelle des doctrines chrétien­
nes puisées dans le sens littéral des textes bi­
hliques, Jusqu'à présent, les beaux principe:o de
la fraternité et de la justice, n'ont été procla­
més et acceptés que théOriquement; il faut qu'ils
s'établissent dans nos mœurs, c'est-à·dire dans
la pratique sociale, en même temps que dans le
cœur de,s hommes.
CHAPITRE XXIII.

De l'Esprit·Saint,
186. L'Esprit-Saint e~t l'influx du divin VI'ai chez l'homme
qui se trouve ainsi impiré de. Dieu. La Parole révélée
e,t une création de l'Esprit-Saint. 11 y a deux ~orles
d'intlux qui se rencontrent à la fois pour éclairer nos
mentais: l'influx de l'Esprit-Saint et l'influx de la na-
ture. L'entendement humain est comme un bureau de
change, dans lequel se fait la permutation. - J87. Le
Bien et le Vrai divins pas~ent par tous les plans de la vie
céleste, spirituelle et naturelle, en se manifestant conti-
lluellement, pour 8'aclapter à chacun d'eux, et ils S6
t!'::msforment en mal et en faux, en de~cendant dans les
plans opposé8 de la vie infernale; de là, procèdent les
différents sens de la Parole révélée et les corre~pon­
dances des signes avec les cho~es ~ignitlées. - 188. Le
Seigneur s'adressait, durant les temps de l'Eglise lsra()-
lite, aux ProphètCi! et aux autres écrivains sacrés de
l'Ancien Te~tament, soit par des visions, soit par une dico
tée desa Parole. Nécessité de l'incal'Dation de Jéhovah
dans le Christ, pour que le Ciel continuât à communi-
quel' avec la terre. Nécessité de l'union entre le Divin et
l'Humain du Seil!neUl'. - 189. Distinction entre l'Esprit
de ~ainteté de l'Ancien Testament et l'Esprit-Saint du
Nou veau Testament. C'est toujours sous la forme hu-
maine que les hommes doivent voir Dieu dans leur pen-
sée. - 190. L'Esprit-Saint accroîtra en puissance dans
l'Eglise de l'avenir, durant le règne du Christ en esprit.
L'entendement ne devra plus être mis sous l'obéissance
de la foi. Devoilement par Swédenborg du sens interne
de la Bible qu'il tire du pens de la lettre; il ne professe
pas d'al'oir eu des visions proprement dites, telles que
les Prophètes les ont eues; il dit que le spiritisme est le
chemin de l'hôpital des fous. On peut dire que ses écrits
sont une ~ol'te de commentaire de la Bible. -191. L'Es-
prit-Saint varie chez chacun de nous, suivant l'accueil
que nous lui tallions, et suivant notre individualité
propre, Nous sommes tous apôtres: à chacun, de nous,
le Seigneur dit: « Recevez l'Esprit-Saint. "
23
266 DE L'ESPRIT-SAINT

~ Comme M'a envoyé Je Père,


MOI aussi Je vous en voie; et
disant cela, Il insuflla, et leur
dit: Recevez l'Esprit Saint. »
(J ean, XX. 21, 22).

186, L'Esprit-Saint est l'influx du divin Vrai


chez l'homme, qui se trouve ainsi inspiré de
Dieu. Inspirer est un mot dérivé du latin, qui
veut dire: « souffler dans. »
Comme le Seigneur souffle son esprit et son
amour chez les anges et les hommes, on peut
dire d'eux qu'ils sont inspirés ou insufflés, car
tous reçoivent du Seigneur les substances spi­
ritutlles de son souffle ou de son Esprit divin,
qui sont le Bien elle Vrai.
On voit donc que ces mots: « Recevez l'Es­
prit-Saint », sigmfient la même chose que ces
mots de l'Ancien Testament: «Jéhovah souf[1a
» dans ses narines la respiration des vies» (Ge­
nèse, II. 7.) il savoir la vie de la foi et de l'a­
mour, car l'Esprit-Saint est le divin Vrai pro­
cédant du Seigneur: or, le Seigneur' est aussi
le divin Bien et,par suite,la source d'où provient
la vie spirituelle.
La Parole révélée est une création de l'Es­
prit-Saint, car elle a été insufflée ou inspirée
de Dieu chez les écrivains sacrés qui nous l'ont
transmise; c'est pourquoi elle contient l'amour
et la sagesse divines qui sont les causes origi­
naires de la création du monde. En effet, il est
dit : « La Parole était chez Dieu, et la Parole
« était Dieu! Toutes choses pàr Elle ont été fai~
« ttlS. »(Jean, 1. 13).
Mais lorsque nous lisons la Bible, nous nous
servons de l'intermédiaire de notre vue natu­
relle pour ouvrir intérieurement notre vue spi­
rituelle. Il y a. donc deux sortes d'influx qui
ooncourent à la fois pour éclairer nos mentais.
r: .
DE L'ESPRiT-SAiNT 267
Il y a l'influx de la nature et il y a l'influx
de l'Esprit-Saint; c'est p@urquoi Swedenborg
écrit: « La foi de Dieu entre dans l'homme par
le chemin antérieur qui va de l'âme dans les
supérieurs de l'entendement, mais les connais­
sances sur Dieu entrent par le chemin posté:
rieur, parce que l'entendement les puise par
les sens du corps dans la Parole révélée; et la
rencontre se fait au milieu de l'entendement.
La foi naturelle qui n'est qu'une persuasion,
devient la foi spirituelle, qui est la reconnais­
sance elle.même; l'entendement humain est
donc comme un bureau de change dans lequel
se fait la permutation. » (Vem christiana Reli­
gio, no 11).
187. L'Esprit-Saint ou l'influx divin de la vé­
rité est le Verbe ou le Logos. Il descend de la
sphère qui entoure le Seigneur et qui est le
soleil spirituel, pour rayonner sa chaleur et sa
lumière spirituelles, c'est-à-dire le bien et le
, vrai divins. Ces substances spirituelles créent
tout ce qui existe. Elles passent à travers les
cieux pour descendre dans leurs vases récep­
tacles et revêtir des formes adéquates à la
compréhension des hommes.
Nous avons vu qu'il y a lieu de distinguer le
mental humain en trois régions (v. nOS 63 à 79),
car l'homme est libre, dans l'étude de la Véritp.,
de s'attacher de préférence, soit aux fins, soit
aux causes, soit aux effets. La région suprême
de ces trois différents génies du mental humain
est la région intime, la région spirituelle est la
moyenne, et la régiofl naturelle est l'infime.
Le mental de l'homme, grâce à l'alimenta­
tion spirituelle qll'i! reçoit de l'Esprit-Saint,
croit comme son c.orp~, celui-ci en stature,
celui·là en sagesse.
L'influx divin passe donc à travers les socj~-
268 DE L'ESPRIT-SAINT

tés du Ciel c~leste, de là il pénètre en se modi­


fiant ou en s'adaptant au monde des causes chez
les sociétés du Ciel spirituel; de celui-ci, il
passe et pénètre dan!lle Ciel naturel et chez les
hommes naturels. De là proviennent les trois
sens de la Parole révélée: le sens céleste, le
sens spirituel etle sens naturel, car il faut à
chacun un langage approprié auquel puisse s'a­
dapter l'influx divin dont il est le vase récepta­
cle. On voit que la vérité va toujours en s'alté­
rant à mesure qu'elle descend, car elle revêt
des formes de plus en plus externes, jusqu'à ce
qu'elle pénètrd dans les sociétés des hommes
purement externes et sensuels, pour adapter à
la Parole révélée et écrite, son quatrième sens
qui est le sens littéral.
La vérité passe donc,à mesure qu'elle descend
de la sphère divine, à travers les sociétés an­
géliques, du degré spirituel au degré naturel
pour arriver au monde intermédiaire 'entre le
Ciel et l'Enfer, puis enfin dans les sociétés in­
fernales des degrés opposés qui sont l'amour du
faux et l'amour du mal. Le bien et le vrai divins
se transforment alors dans des maux et des faux.
directement opposés à ce qu'ils étaient origi­
nairement. Mais cetl e descente de la Vérité di­
vine, en passant par les différents degrés qui
sont les plans de la vie céleste, de la vie spiri­
tuelle, de la vie naturelle pour aboutir aux
degrés correspondants de la vie infernale, sup.
pose toujours le respect de la loi des corres­
pondances, dans tous ces plans de vie dis­
tincts. Or, la science des cùrrespondances sert à
retrouver la même vérité ou à la reconnaître
dans toutes ses altérations à travers ces diffé­
rents plans ,de vie; on peut, en effet, par cette
science, remonter des effets naturels aux cau­
ses spirituelles, et suivre toutes les transforma·
DE L'ESPRIT-SAINT 269
tions subies par les signes pour exprimer dans
chaque plan de vie différent les choses signi­
fiées.
Ces tranformations SuccE'ssives de la même
vérité, suivant l'individualité· propre de chacun
de ceux qui lui servent de vases réceptacles,sont
infiniment variées. Ainsi le Seigneur ne pouvait
révéler sa Vérité aux hommes externes de l'E·
glise Israélite qui, par suite de leur génie sen·
suel, avaient les intèriAurs de leurs mentaIs en­
tièrement bouchés à l'influx divin, de la même
manière qu'il avait parlé aux hommes de la
Très-Ancienne Eglise,rlont les intérieurs étai ent
restés ouverts à l'intiux divin.
183, Il résulte en effet,de nos textes bibliques,
que le Seigneur parla aux Prophètes soit par des
visions, soit par des anges ou des esprits qu'Il
emplissait de son aspect et auxquels Il inspi­
rait ce qu'ils écrivaient; alors les textes de la
Parole révélée étaient écrits sous la dictée de
ces esprits, de telle sorte que c'était bien une
dictée, et non un intiux.
Les Prophètes ont donc dû écrire exactement
ce qui leur était dicté, alors même qu'ils n'en
comprenaient pas le sens.
La Bible nous fait bien saisir cette distinction
entre la dictée et la vision, car les écrivains sa·
crés, tels que Daniel, Ezéchiel, Zacharie et
Jean, lorsqu'il a écrit l'Apocalypse, ont eu soin
de dire, soit que Jéhovah a parlé avec eux et à
eux, soit qU'Ils O[lt été en esprit ou en vision.
Dans ce dernier cas, leur vue spirituelle a été
ouverte, et ils ont vu et ont écrit ce qui se pas­
sait dans le monde spirituel; dans le premier
cas, les mots étaient in~pirés par le Seigneur
chez l'esprit angélique , qui avait reçu la mission
de les dkterdans les oreilles de l'ér.rivain sacré.
Il en résulte que les paroles ainsi écrites sont
270 DE L'ESPRIT SAINT

remplies du divin et qu'elles contiennent un


sens interne, en vertu de la loi des correspon­
dances,
Le SeignAl).r s'adresse donc ainsi, en même
temps, aux hommes de tous les temps et de tous
les pays, car le sens litt'3ral est à. la fois l'en­
veloppe du sens naturel, du sens spirituel et
du sens céleste : c'est en cela que consiste
l'inspiration de la Bible, et c'est là aussi le
moyen pour le Sp,igneur de rester en commu­
nication avec les hommes par la Parole révélée
sous la forme d'une Bible écrite.
Lorsque les hommes devinrent tout à. fait
externes et' sensuels ,de telle sorte qu'une Bi ble
écrite ne suffisait plus, parce que les intérieurs
du mental humain étaient complèterr.ent bou­
chés à l'influx divin, qui ne pouvait plus se
rencontrer dans les mentaIs humains avec
l'influx de la nature, il fallut alors que le Sei­
gueur s'incarnât pour redevenir présent à la
pensée de l'homme sous sa forme humaine et
son unité divine,
Mais le Seigneur sous sa forme humaine
devait, pour atteindre ce but de la rédemption
de l'humanité, commencer par se mC'ttre dans
les conditions du péché héréditaire qu'il se
proposait de combattre et de vaincre. Il devait
réaliser l'union entre le divin et l'humain et
par suite rétablir la communic'l.tion entre le
Ciel et la terre.
L'esprit de Dieu qui descendit sur Jésus lors
de son baptême par Jean, fut représenté par
l'apparition d'une colombe (Math. III. 6 ). parce
que la colombe, dans la Bible, a toujours été le
représentatit' de la purification et de la régé­
nération de l'homme par le divin Vrai.
Le Chri~t annonçait ainsi au monde qu'il était
venu pour combattre le mal héréditaire qu'il
DE L'ESPRiT-SAINT 271
tenait de Marie, et que le divin Bien qui était
en Lui de conception, c'est· à-dire son âme qui
était Jéhovah, ne pouvait s'unir à l'esprit de
Jéhovah, ou au divin Vrai qui influait en Lui,
qu'après sa victoire campi ète sur le mal héré­
ditaire inhérent encore à sou corps charnel. En
effet, ce n'est qu'après cette union que la glon­
fication fut réalisée et que le Père et le Fils,
l'âme et le corps, ne faisaient plus qu'u n : alors
la purification était complète et le Procédant
qui dériva de cette union fut l'Esprit-Saint, dit
Consolateur ou Paraclet.
189. Il en ré~ulte que, dans les Gglises qui
précédérent l'Eglise chrétieone, on n'avait pas
encore l'Esprit-Saint, dont il est question dans
le Nouveau Testament. .
En effet, l'Esprit de sainteté qui est mentionné
au Psaume LI. 13, et deux fois dans Esaïe LIlI.
10, 11, ainsi trois fois seulement dans l'Ancien
Testament, devint l'Esprit- Saint du Nouveau
Testament.
Nous savons que dans l'Evangile de Jean
(III. 39), il est dit: « Il n'y avait pas encore un
» Esprit·Saint,parce queJésus n'était pas encore
» glorifié.» S'i! est vrai, qu'auparavan t il es t dit
qu'un Esprit-Saint a rempli Elisabeth (Luc, I.
4) ; si cela est dit (je Zacharie (Luc 1. (7), et
aussi de Siméon (Luc II. 21), c'était parce que
l'Esprit de Jéhovah le Père, les avait remplis,
lequel Esprit fut nommé Esprit-Saint, à cause
du Seigneur qui était déjà dans le monde.
Noug savons aussi ce que fut l'Esprit de
sainteté dans chacune des Eglises qui précé­
dèrent l'Eglise chrétienne, par cela même que
nous connaissons le génie des sociétés humaines
qui se rattachent à chacune de ces Eglises.
Il était plus intérieur, parce que les hommes
272 DE L'ESPRiT- SAINT'

eux-mêmes étaient d'un génie moins extérieur


qu'ils ne le devinrent plus tard.
C'est cepenùant toujours le même influx di­
vin qui peut maintenant passer directement de
Jéhovah incarné dans le Christ pour pénétret'
àans le mental des hommes de nos jours, bien
qu'ils soient plus extérieurement sensuels que
le'lrs prédécesseurs des Eglises Anciennes.
Ainsi personne ne pouvait voir Jéhovah
avant qu'Il fût incarné dans le Christ, c'est-à­
dire, avaDt qu'Il fût descendu jusque dans le
plan de vie physique et c'est ce que dé­
clare l'Evangile (Jean r. 18); c'est aussi ce qui
résulte de l'Ancien Testament, car Jéhovah
n'apparaît jamais aux hommes, autrement que
par l'intermédiaire d'un ange; c'est aussi, sous
cette forme angélique et humaine, que les
hommes pouvaient avoir Dieu présent dans
leur pensée, et Le voir dans son unité. C'est en­
core sous la forme humaine que nos hommes
actuels peuvent. voir dans leur pensée, Jéhovah
incarné dans le Christ.
190. Ainsi le Seigneur a dû s'incarner, pour
rattacher son alpha à son ôméga, et permettre,
par Ui! procédé semblable, à l'humanité de rat­
tacher également sa fin à son commencement,
ou son amour trop exclusif des choses externes,
aux vérités intérieures et supérieures qui en
constituent rame et la vie. Dieu a donc dû aug­
menter au moyen d'une dispensation nouvelle,
la lumière procédant de l'influx de la nature,
afin d'amener cet influx de la nature, dans les
. mentais humains, à la rencontre de l'influx di­
vin. La connaissance plus ou moins élévée de
la Parole révélée, suffit alors pour maintenir la
communication entre le Ciel et la terre.
Mais après le règne du Christ en chair 'qui
estle règne du sens littéral de la Parole révé­
DE L'ESPRiT-SAI~T 2ï3
lée, doit venir le règne du Christ en esprit et
la connaissance du sens spirituel des saintes
Ecritures, c'est-à-dire un accroissement des
lum1ères spirituelles qui ioflueront en nous du
Saint-Esprit.
C'est à propos de celte édification de l'Eglise de
l'avenir, par le moyen de ce second Avènement
du Christ, que Swedenborg nous dit, qu'on
pourra écrire sur le frontispice du;nouveau Tem­
ple : Nunc licet! pour annoncer au monde, qu'il
est permis maintenant de pénétrer par l'enten­
dement dans tous les secrets de la Parole révé­
lée, et cela parce que les doctrines chrétiennes
forment une chaîne de vérités que le Seigneur
a eu soin de révéler dans certains passages de la
lettre même de la Bible. En d'autres termes,
dans l'Eglise de l'avenir', l'entendement ne doit
plus être mis sous l'obéissance de la foi, comme
dans les Eglises du passé, car la cODnais~ance
des textes bibliques qui renferm ent la doctrine
chrétienne dans le sens de la lettre, devient un e
clef pour nous élever à la connaissance des cor­
respondances de cette lettre avec le seDS spiri­
tuel. C'est par cette méthode que Swedenborg
nous Mvoile le sens ÏIJterne de la plus grande
partie de la Bible; il appuie de plus ce dévoile­
ment du sens interne de la Bible, par la Bible
elle-même, du témoignage de tout ce qu'il a
lui-même vu et entendu dans le monde spirituel,
lorsque sa vue spirituelle eut été ouverte par
le Seigneur. Ce témoignf-ge, il est vrai, n'est pas
nécessaire pour confirmer l'exactitude du sens
spirituel, puisque ce dévoilement est fait princi­
palement au moyen même des textes du sens
littéral.
Il est important cependant de remarquer, à
propos de ce témoignage, que Swedenborg n'a
pas eu, et qu'il ne professe pas d'avoir eu des
274 DE L'ESPRIT SAINT

visions proprement dites, telles que les prophè­


tes les ont eues; mais il a eu des entretiens avec
les esprits et la faculté de voir ce qui se passe
nans le monde spirituel. Ses conversations avec
les esprits, tantôt bons, tantôt mauvais, et les
témoignages qu'il nous apporte de ce qu'il a vu
dans le monde spirituel n'ont d'autre but que
de donner plus d'au'orité ou plus de force à ses
explications des textes bibliques. Ce ue sont
donc pas des visions exclusivement figuratives
et représentatives de vérités spirituelles, telles
qu'ont été les visions de Jean dans l'Apocalypse
et les visions des Prophètes. Ot" des visions
simplement confirmatives des commentaires
qu'il fait des textes bibliques, pour en dégager
le sens spirituel, ne constituent que de simples
enseignements de vérités spirituelles, qui sont
restées généralement ignorées jusqu'à présent,
parce qu'elles provenaient d'un monde diffé­
rent de celui dans lequel se passe notre vie
terrestre.
Bien loin de vouloir encourager, par son
exemple, ce que de nos jours on appelle le
spiritisme, Swedenborg disait à son ami Ro­
bsahm qui lui demandait si d'autres que lui
ne pouvaient jouir du commerce avec les es­
prits: <.1: Prenez garde, c'est le chemin qui mène
à l'hôpital des fous ». En effet, les semblables
attirent leurs semblables, c'est en vertu de
cette loi que l'homme actuel qui est encore
plongé dans un amour trop exclusif du côté
externe des choses et qui. n'est pas régénéré,
ne peut entrer en communicatIOn qu'avec des
esprits qui sont également dans l'amour exclu­
sit' des choses externes; tels sont les esprits
infernaux, ils ne cherchent qu'à perdre l'homme
en l'induisant en erreur, et lorsqu'lis ont prise
sur lui, il tompe dans l'aliénation mentale et se
DE L'ESPIUT -SAINT 275
trouve classé parmi ceux que l'Evang ile ap­
pelle des posséd és.
Cepend ant, Swede nborg, en parlan t de l"hom·
me régéné ré, dit, dans plusieu rs passag es de
ses écrits, ainsi que cela est d'ailleu rs ensei­
gné dans la Bible, que la vue spiritu elle peut
être ouvert e, mais except ionnel lement chez
certain s homme s, lorsque Dieu le perme t, et
lorsqu' il a prépar é pour c€la l'homm e, en le
mettan t à l'abri des danger s de celle communi­
cation avec des esprits inferna ux qui ne cher­
chent qu'à le trompe r et à le rendre aussi mé­
chant qu'eux . Ce danger qui est très sérieux
pour les hommes sensue ls et extern es, n'exis­
tait pas pour les homme s régéné rés, tels que
ceux de l'âge d'or et de l'âge d'arge nt; ceux-c i
poüvai ent avoir impun ément ces commu nica­
tions avec le monde spiritu el.
Swéde nborg n'a été qu'un simple témoin des
choses qui se passen t dans le monde spiritu el
et ses témoig nages ne sont destiné s qU'à con­
firmer l'expli cation qu'il nous donne du sens
interne de la Bible, à Paide des textes mêmes
de la Bible.
Les écrits de Swede nborg, on le voit, ne sont
pas destiné s comme ceux des prophètBs ou des
autres écrivai ns inspiré s de Dieu, à être ajou­
tés à la Bible, pour en former partie inté­
grante ; mais ils sont destiné s à aider à son
étude, en la comme ntant et en la mettan t à la
portée de tous indisti ncteme nt, même dans ses
points les plus obscur s. Ils sont, en outre, des­
tinés à servir aux homme s, de témoig nage des
événem ents qui se sont passés et qui se pas­
sent dans le monde spiritu el; sans la connai s­
sance de ces événem ents, la Bible restera it
encore un livre purem ent mystiq ue, et indéfi­
niment fermé à l'intell igence des homme s sur­
276 DE L'ESPRIT-SAINT

tout en ce qui concerne le jugement dernier,


dont on a une idée SI fausse et si obscure, lors­
qu'on accepte le sens littéral seul.
191. En résumé, l'Esprit-Saint est bien l'influx
divin qui doit descendre en chacun de nous, et
qui procède uniquement de la sphère qui en­
toure le Seigneur. Mais l'Esprit-Saint varie chez
chacun de nous, suivant notre individualité pro­
pre, suivant la réception que nous faisons à
cette chaleur et à cette lumière spirituelles, qui
alimentent nos âmes et nos corps spirituels pour
les développer en. puissance et en beauté.
Il est connu que les apôtres après que le Sei­
gneur les eut choisis pour les gratifier plus en­
tièrement du Saint-Esprit, prêchèrent l'Evan·
gile dans une grande partie du globe et qu'ils le
propagèrent par des écrits; mais chacun d'eu'X
le fit SUlvant la tournure particulière de ses pen­
sées; ainsi Pierre a enseigné et écrit d'une ma­
nière, Jacques d'une autre et Jean d'une autre;
chacun selon son intelligence et selon le cachet
de son individualité propre. Le Seigneur les a
tous remplis de son Esprit, mais chacun en a
pris une mesure selon la qualité de sa percep­
tion, et chacun aussi, a agi selon la qualité de
son caractère. Il en est de même de nous tous :
pourvu que nous aimions la vérité et que nous
désirions la faire prévaloir dans la pratique so­
ciale, nous sommes tous des apôtres; nous de­
yons, suivant une variété infinie de moyens,
coopérer par la parole ou par nos actes, il l'éta­
blissement de la fraternité et de la justice dans
les sociétés humaines; aussi le Seigneur s'est
adressé à nous tous gui sommes destinés à coo­
pérer à son œuvre : et Il insuffle l'Esprit-Saint,
que chacun reçoit différemment, pour en faire
un usage conforme aux tendances de son libre
arbitre.
CHAPITRE XXIV
Les Préadamites.
l!JZ. L'histoir e de la création du monde est l'histoire figu­
rée de la régénéra tiou de l'human ité primitiv e, qui s'é­
leva du naturalis me au spiritual isme. - 193. Les hom­
mes sont faits à l'image et à la. ressemb lance de Dieu,
lorsqu'il s deviennen t, par leur entende ment et leul'
volonté, les vases réceptac les' de sa sagesse et de ~on
amour. L'œuvre de la régénéra tion de l'âme humaine
s'opère par une coopéra tion de Dieu avec l'homme.
L'homme peut détruire l'image de Dieu en lui, mais il
ne peut détruire la ressemb lance de Dieu. - 19L Les
préadam ites ont peuplé la terre dès l'époque quater­
naire. Il a dû surgir a'l milieu de toutes les variétés
du r'ègne animal, une (orme auimale particuli ère dotée
de la fa::ulté de s'élever à Dieu et de lui être conjoint e
Rpirituellement par l'approp dation du Bien et du Vrai
divins. ­ 195. L'homme primitif est né dans l'instinc t
de l'amour de son semblab le. - 196. Pour naître à nou­
veau spiritup.llement, il a dû dégager par la pensée et le
cœur, le Bien et le Vrai divins des formE1s variées de
leurs applications à la vie. - 197. Par le premier jour
de la création , il est enseigné que Dieu créa le Ciel qui
est l'homme interne, et la terre qui est l'homme exter­
ne, - 198. Le second jour de la régénéra tion, l'homme
apprend li. f;lire une distincti on entre le vrai et ie faux,
entre le bien et le mal. - 199. Au troisième j our, l'hom­
me commence à produire quelques fruits spirituel s de sa
terre; il se l'epent et de naturel il devient spiritue l.
L'human ité sort alors de l'~\ge de fer pour er,trer dans
l'âge d'airain. - 200. Le quatrièm e jour annonce la créa­
tion de deux grands luminair es, l'amour et la foi, qui
ref1ètent clalls l'homme, leurs rayons de chaleur et de
lumièl'e spirituel les. Les étoiles qui sont alors créées,
sont les nouvelles connaiRsances du bien et du vrai. ­
201. Le cinquième jour, Dieu commence à faire produire
à l'homme des choses qualifiées d'animée s. L'âge d'ar­
gent est inauguré , parce que l'homme s'est élevé à l'a­
mour du vrai pOUl' le vrai. - 202. Le sixième jour
l'homme est appelé " l'image de Dieu ", parce que son
entendem ent et sa volonté sont régénér és; ce qui est
signifié par: « Il les créa mâle et femelle ». ­ 203. L'état
céleste commence, qui est l'âge d'or, état dans lequel
l'homme s'élève à l'amoul' du bien pour le bien : c'est
le septième jour de la création ou de la régénéra tion de
l'homme, Aloril, l'homme est fait «,Lme vivante ", et
ainsi à l'image et à la ressemb lance de Dieu.
~4
418 LES PRÉADA~iJTES

« Et Dieu dit: Faisons l'hornrtlè


à notre image selon notre
r~ssemblance.:>(Genèse, 1.?6.)

192. L'histoire de la création du monde en six


jours figure dans un langage mythique, ulle
autre histoire d'une élévation plus grande:
celle-ci est l'histoire de la régénération de
l'humanité primitive, passant par des phases
successives, d'un état de naturalisme et de
grossière obscurité à une sagesse élevée, qui
en fait l'image et la ressemblance du Créateur.
Les mots créer, former et faire, qui se ren­
contrent si souvent dans la Bible, parce qu'ils
exprimentl'attribut principal de l'Etre suprême,
doivent être entendus dans le sens de créer,
former et faire spirituellement, c'est-à-dire
régénérer. .
C'est pourquoi partout dans la Bible, le Sei­
gneur est nommé le Rédempteur, le Facteur, le
Formateur, le Rénovateur, autant d'expressions
qui nous donnent l'idée d'une création nouvelle
et permanente du monde spirituel dans le
monde naturel: celui-ci est le monde des
hommes dont la destination est d'être la pépi­
nière des Cieux.
La nature est le vétement avec lequel le
Seigneur se revêt dans toutes ses créations:
c'est le voile qui en partie cache et en partie
révèle sa face. Il se tient derrière, guide ses
mouvements et ajuste} avec une précision ma­
thématique, toute sa puissance créatrice pour
corporifier sa propre Vie, son propre amour, sa
propre sagesse, jusque dans des êtres humains
destinés à devenir des organes de cette vie de
Dieu.
193. Les hommes sont donc faits à son image
et à 'sa ressemblance, lorsqu'ils deviennent par
leur entendement et leur volonté, les vases
LES pnÉ.O\DAMlTES 279
réceptacles de son bien et de son vrai divins,
c'est-à-dire de sa sagesse et de son amour.
Il Faisons l'homme », dit le Seigneur, ce qui

revient à dire: " Coopérons avec l'être humain


pour l'élever avec son propr8 assentiment, à
ma Sagesse et à mon Amour », et pour qu'il de­
vienne un organe de la vie divine.
Or, une telle coopération du Créateur avec
sa créature, ne peut se réaliser qu'à la condi·
tion que l'homme arrive à être tout à fait cons­
cient que le Bien el le Vrai divins, qui peuvent
l'élever à la sagesse et à l'amour, ne sont pas
en lui, pour la moindre parcelle, mais en Dieu
seul; sinon, il perd le sens de son rôle véri­
table, comme coopérateur de l'œuvre divine en
lui, et au lieude devenir sage,il devient insensé.
C'est done seulement en acquérant et en con­
servant la conscience de ce qu'il est réellement,
c'est-à-dire, simple vase récipient du Bien et
du Vrai divins, qu'il devient et qu'il peut
rester l'image de Dieu, ce qui suppose la vie
de la sagesse en lui. Cette connaissance de lui­
même à titre d'organe de la vie de Dieu, ne
doit pas empêcher l'homme d'agir comme par
lui-même en toutes choses,bien qu'il sache que
ce n'est pas par lui-même qu'il agit, mais par
Dieu, qui l'aide à coopérer à l'œuvre divine en
lui. Agir comme par lui-même c'est là, en effet..
ce qui lui dùnnJ la ressemblance avec Dieu, et
par suite la vie de l'amour. Mais les hommes
qui croient qu'ils agissent réellement par eux­
mêmes dt telle sorte que ce soit d'eux-mêmes
que provient le bien ou le mal, s'approprient
toujours le mal et jamais le bien, parce qu'ils
se l'attribuent et qu'ils placent ainsi cneux-mê­
mesle mérite,au lieu de l'attribuer au Seigneur.
L'homme qui cesse de se laisser diriger par
le Bien et ~e Vrai, qu'il nie alors être émanés
280 LES PRÉA DAMITES

de Dieu, croit pouvoir se diriger par lui-même;


il détruit l'image de Dieu en lui, et il perd son
état d'innocence, mais il ne peut pas détruire
en lui la ressemblance de Dieu qui reste indé­
lébile en ce sens qu'il agit toujours comme par
lui-même, qu'il soit dans le bien ou qu'il soit
dans le mal.
C'est ce qui explique pourquoi Dieu dit:
» Voici, l'homme a été comme l'un de nous sa­
~ chant le hien et le mal. » (Gen.III.22). Dans le
même sens le serpent qui est le sensuel avait
dit à la femme: ( Vous n9 mourrez pas en mou­
» rant,parce que Dieu sait qu'au jour que vous en
» mangerez,vos yeux seront ouverts,etvous se­
» rez comme Dieu sachant le bien et le mal. Jl
(Gen. III. 4,5.)
En perdant l'image de Dieu, l'homme devient
sensuel et il revêt l'image du serpent qui re­
présente ce qui est sensuel; mais qu'il soit
l'image de Dieu ou l'image du serpent, n'ou­
blions pas qu'il ne peut détruire en lui la res­
semblance de Dieu, car s'il esll'image de Dieu,
il pense, parle et agit comme par lui-même,
tout en ayant conscience que c'est par Dieu; et,
s'il est l'image du serpent, il croit qu'il pense,
qu'il parle et qu'il agit par lui-même, bien que
cela soit une pure illusion.
"
194. Il a fallu des siècles et des siècles pour
que les hommes primitifs arrivassent à cet àge
d'or des sociétés humaines, figuré dans l'his­
toire de la créatil)n d'Adam, et qu'ils fussent
ainsi dotés de l'image et de la ressemblance de
Dieu. Suivant l'opinion exprimée par Isaac de
la Peyrère, gentilhomme protestant du dix­
septième siècle, et par bien d'autres encore,
qui ont pénétré le voile de la lettré des textes
sacrés, ces hommes primitifs peuplèrent la
LES ?nÉAD.UIlTES 281
terre pendant des siècles, anterieurement à
Adam.
En effet, il est dit que Caïn alla dans la con­
trée de Nod et que là il prit une femme.(Genès~,
IV .17). D'où venait cette femme s'il n'y avait
pas d'antres personnes vivanies que son père
et sa mère ~ Quand il tua son frère Abel, et fut
condamné par Jéhovah, il se plaignit que toute
personne qui le rencontrerait le tuerait; alors
Jéhovah mit un signe sur lui pour le protéger.
De qui poulrait-il avoir peur s'il n'y avait per­
sonne sur la terre que son père et sa mère 1
(Chap. IV. 17). Il bâtit. une ville, est-il dit, e~
l'appela ùu nom de son fils Hénoch. D'où eurent­
ils les matériaux? Sllrement une cité suppose
l'existence .de plus d'une famille. En pensant
donc à Adam, nous devons renoncer à l'idee de
la création naturelle de J'homme comme faisant
l'objet du récit de la Genèse. Adam est, en effet,
le nom génèric:ue de tous les êtres humains. En
Hebreu il signifie homme.
Cette croyance à l'existence des préadamite~
et à la grande antiquité de J'homme, se répand
de plus en plus, de nos jours, surtout depuiiJ
qu'elle estscienlifiquement établie par les dé­
couvertes de nos géologues et les travaux de
nos philologues. La g6010gie nous apprenrl
aussi, que la croûte terrestre qui a plusieurs ki­
lomètres d'épaisseur, a été formée par J'accu-.
mulation des plantes et des animaux qui ont vé­
cu et qui sont morts, mais qui ont laissé leurs
restes, comme une preuve de leur existence
dans les âges les plus reculés. On ne met plus
en question J'existence de l'homme de l'époque
qualernaire et l'on prétend. même que l'homme
de l'époque tertiaire a existé également.
Il est en Effet. rationnel de penser qu'au milieu
de toutes les variétés des espèces d'animaux
2~2 LES pnÉADAMITES

qui embrassent le règne allimal et qui toutes


visent à la forme humaine sans jamais pouvoir
y atteindre, il a surgi une forme animale parti­
culière, dotée de plus que les autres variétés d'a·
nimaux, de la faculté de s'élever jusqu'à Dieu et
de lui être conjointe spirituellement. Cette con­
jonction spirituelle s'est opérée par l'appropria­
tion du Bien et du Vrai divins à la forme humaine
devenue leur vase récipient.
C'est ainsi que l'homme, en vertu de la forme
humaine modelée sur l'image de la forme divine,
a pu être lié au divin, et doté d'une âme immor·
telle enveloppée dans son âme purement ani­
male et mortelle.
Mais ce principe de vie spirituelle n'a sans
doute pu recevoir tous ses développements de
suite; il a fallu à la créature humaine bien
des siècles pour s'élever progressivement de la
vie animale au plan de la vie naturelle et ra·
tionnelle, puis au plan de la vie spirituelle et
enfin à celui de la vie céleste.
195. On conçoit donc que les Préadamites
étant nés dans la vie d'un animal supérieur à
tous les autres, devaient être nés dans une af­
fection naturelle également supérieure à toutes
celles qui distinguent les animaux les uns des
autres suivant leur espèce; ceux-ci, en effet,
ont l'instinct de l'affection naturelle particu­
lière, dans laquelle ils sont nés, ce q1lÏ constitue
pour eux une science toute faite, devant leur
suffire, pour qu'ils sachent eux-mêmes subve­
nir aux besoins de leur existence matérielle;
aussi l'affection supérieure dans laquelle était
né le Préadamite, le dota également d'une
science toute faite. La destinée même de l' hom­
me semble indiquer quel devait être cet ins­
tinct et quelle était cette affection naturelle
supérieure dans laquelle il a du naître: c'étai t
LES pnÉADHIITgS 283
l'amour du semblable et par suite l'amour du
bien qui, dans l'origine, constitua p~ur lui un
instinct et en même temps une SCIence toute
faite, toute formée en lui.
196. Mais cet amOllI' instinctif qui fut chez
lui le bien de la volonté, ne put s'exercer d'a­
bord que sur le côté naturel et externe du bien
et du vrai. pour s'élever au-dessus de ce natu­
ralisme, il dut donc naître à nouveau spirituel­
lement, afin de savoir dégager par le cœur et
par la pensée le Bien et le Vrai divins des formes
variées de leurs applications à la vie, en les
erigeant en principes, non pas seulement domi­
nants, mais vivants. (voir nOS 32, 33, et 34 ci­
dessus comment ils sont vivants).
197. Le premier jour de la création, Dieu
créa le ciel et la terre; ce qui revient à dire que
le Divin Vrai régénéra l'homme interne et
l'homme externe de manière à élever l'être
humain au ·dessus du naturalisme dans lequel il
était né et à rendre cette création spirituelle ..
C'est pourquoi, lorsqu'il s'agit d'expt'imer la
puissance du Vrai qui infiue dans l'homme, son
vase réceptacle, c'est toujours Dieu qui est
nommé dans la Bible, tandis que le mot Dieu
est remplacé par celui de Jéhovah, lorsque c'est
l'influx du Divin B;en qui agit plus directement
sur l'homme.
On lit dans Jérémie:« J'ai vu la terre et voici:
«le vague et le vide et les Cieux,et ils n'ont point
« de lumière. » (Jél'émie, IV. 23).
Ce passage nous indique que le ciel signifie
l'homme interne et la terre l'homme externe.
La te!'re est dite, dans la Genèse, être vague et
vide, lorsqu'il n'y a encore rien de bien ni enco­
re rien de vrai dans l'homme; l'obscurité qui
règne sur les faces de l'abîme, figure l'état de
284 LES PRÉADAMlTES

son ignorance et de son aveuglement résultant


ùe l'ardeur de ses appétits sensuels.
Le Ciel n'est pas ùans un lieu, mais il est en
chacun de nous. «Le Royaume de Dieu est en
«dedans de vous.» (Luc XVIr.21.) Ce mot Ciel est
même mis au pluriel dans le texte original Hé­
breu parceque l'homme interne est doté de
deux facultés, la volonté et l'entendement j cel­
les-ci se réfèrent, en effet, aux deu:r.: Royaumes
du Seigneur, le royaume céle.3te et le royaume
spirituel, qui, eux-mêm€'s, correspondent aux
principes essentiels de son divin amour et de sa
divine sagesse.
Dès le premier jour de la création nouvf'1lû
de l"homme, apparaît« l'Esprit de Dieu qui se
« meut sur les faces des eaux.» Celles-ci repré­
sentent les connaissances du vrai et du bien
nouvellement acquises par l'homme et qui,
convenablement amenées à la vie, doivent faire
naître en lui la première lumière. Par l'Esprit
de Dieu, la divine miséricorde du Seigneur est
entendue, et par se mouvoir, est signifiée l'opé.
ration de cette divine miséricorde sur l'homme
interne, appelant à la vie ce qui y est emma­
gasiné, doucement, affectueusement, comme le
mouvement de la poule qui couve ses œufs.
Ces connaissances ou vrai et du bien sont
pareilles aux eaux qui se meuvent et se modi­
fient indéfiniment, et elles doivent s'accroître
toujours sous l'influence de cette lumière nais­
sante du premier jour, lumière bienfaisante
que Dieu crée dans la pensée de l'homme et
qu'il juge bonne, parce qu'eUe vient de Lui.
Dieu la distingue donc des ténèbres de l'igno­
rance.
198. Le second jour affirme plus nettement
encore cette distir.ction entre la lumière et les
ténèbres, car il est fait ~ une étendue dans le
LES PRÉADAMITES 285
« milieu des cieux» qui «fait une distinction
« en tre les eaux par les eaux.» Il s'agit ici d'une
distinction entre le vrai et le faux, et entre le
bien et le mal, faite par l'homme interne lui­
même, ainsi. une distinction entre les connais­
sances qui lui viennent du Seigneur et les con­
naissances mondaines et sensuelles qui lui sont.
propres. C'est alors que cette étendue est nom­
mée au verset 7, Ciel; elle est l'homme interne,
199. Au troisième jour de la création, l'homme
commence à produire quelques fruits de sa
terre. Il s'agit ici d'un nouvel état de l'homme,
dans lequel le bien·être matériel n'est plus re­
cherché qu'autant qu'il apparaît comme le ré­
sultat du bien-être spirituel conquis. On sort
alors d'un âge qu'on peut comparer à l'âge de
fer, car le fer dans la Bible figure le vrai na­
turel, non encore transformé en bien; on entre
dans le nouvel âge qu'on peut comparer à l'âge
d'airain, parce que l'airain figure dans la Bible
le bien Daturel ou le bien de ce vrai naturel,
résultant des applications externes du vrai corn·
pris rationnellement.
Les mers ou les eauA rassemblées vers un
seul lieu pour que l'aride paraisse, figurent l'ac­
cumulation des connaissances du bien et du
vrai, accumulation qui, par son voisinage avec
la terre, doit la fertiliser.
Mais cette fertilisation de la terre ou (je
l'homme externe, suppose qu'il s'est repenti
de son attachement trop exclusif au côté ex­
ierne d es choses et qu'i! a sacrifié ses goûts
sensuels à des goûts spirituels, qu'ainsi sa piété
lui fait produire des biens encore de natUl'e
inanimée il est vrai,mais comparables àquelque
chose de tendre comme la verdure, puis ensuite
comparables à quelque chose de plus consis­
2~6 LES PRÉADAMiTES

tant, portant du fruit que le Seigneur pourra


1éconder et faire germer en lui.
200. Le quatrième jour, l'homme se trouve
affecté par l'amour et éclairé par la foi; cela es t
l'tlprésenté par la création de deux grands lumi­
naires dont l'un figure la chaleur du bien qui se
développe en lui, et l'autre l'amour du vrai, qui
éclaire plus complètement sa pensée. Ces deux
grands luminaires reflètent donc en lui, leurs
rayons de chaleur et de lumière pour éclairer
la terre et fertiliser son homme externe. L~
soleil devient ainsi le symbole de son amour
pour le Seigneur, et la lune qui reflète en lui h.
lumière du soleil, exprime sa foi en Lui.
Le firmament qui reçoit leur chaleur et leur
lumiére, exprIme que le S8igneur demeure en
lui. Les étoiles,sont les nouvelles connaissances
innombrables et variées du bien et du vrai qui.
sont alors reçues et fixées dans l'homme iuterne ;
c'est-à-dire dans l'homme spirituel.
201. Cet état spirituel qui l'élève à l'amour
du vrai pour le vrai, l'élève en même temps au
cinquième jour de sa régénération,durant lequel
l'homme produit des choses qui apparaisse ut
comme animées.
Le reptile est le sensuel, ici appelé «âllle
vivante », parce que les connaissances sen­
suelles de l'homme qui se régénère sont domi­
nées et vivitiéespar le.vrai et le bien spirituels.
C'est pourquoi ces connaissances sensuelles et
externes sont figurées par les eaux qui font
ramper le reptile, âme vivante.
« L'oiseau qui vole sur les faces de l'étendue
» des cieux »,figure la conception rationnelle de
ces vérités externes qui sont ainsi vivifiées par
des vérités internes jusque dans l'homme ex­
terne et sensuel.
Ce
, nouvel âge peut
.
être ~omparé
. à l'âge
.'
d'ar..
LES t'HEADAMITES 281
gent, parce que l'argent figure le vrai spirituel.
202. Au sixièm e jour de sa régénératIOn,
l'homme s'affermit comme homme spirituel car
il est dit de lui: «A l'image de Dieu llie créa;
« rnâl~ et femelle, Il les créa.» Cela signifie que
le Seigneur forma dans l'homme spirituel, la
foi qui appartient à l'entendement, puis il la
forma au point de vue de l'amour qui appartient
à la volonté. Il régénéra donc son entendement
et sa volonté, ce qui est signifié par ces mots:
« Il les créa mâle et femelle.» Le mâle est le
vrai qui est reçu par l'entendement, et la fe­
melle est le bien de ce vrai qui est reçu par la
volonté. Ceci nous présente le préadamite juste
au moment où il va cesser d'être préadamite
pour devenir Adam, c'est-à·dire l'homme même:
il est alors qualifié de très bon parce que toutes
les vérités de la fol ne faisaient plus qu'un avec
celles de l'amour et qu'il était achevé et entiè­
rement créé comme Image de Dieu, ou comme
vase récipient de la sagesse de Dieu par son
entendement et de l'amour de cette sagesse par
sa volonté: mais il n'était pas encore Adam, tel
qu'U sera crécl au chapitre II de la Genèse, parce
que sa volonté n'était pas encore élevée à l'a­
mour suprême du bien pour le bien, qui est d'un
degré au-dessus de l'amour du vrai pourle vrai,
et que son entendement n'était pas encore de­
venu la sagesse de cet amour du bien pour le
bien.
203. C'est en s'élevant au septième jour de sa
régénéra tion que la terre ou l'homme externe
cessa d'être à l'état inculte au point de vue de
la vie céleste, et qu'elle devint un humus fer­
tile, parce que l'homme externe devint alors
entièrement assujetti à l'homme interne; il ne
fut plus seulement à l'image de Dieu, mais à la
essemblance .de Dieu, tandis que le préadamite
288 LES PRÉADAMlTES

bien que devenu spirituel après un temps,


n'arriva pas encore à la parfaite ressemblance
qui fut donnée à Adam comme si elle lui appar­
tenait.
Ce n'est qu'en s'élevant ~ur le plan de la vie
céleste ou de l'amour du bien pour le bien,
amour qui est comparable à l'âge d'or, parce
que l'or dans la Bible figure le bien céleste,
que l'homme Adam y arrive. C'est annoncé
dans les termes suivants:
c Les cieux et la terre furent achevés et toute
» leur armée, » (Genèse, II. i); ce qui signifie
que l'hoffime interne et son homme externe
sont régénérés par l'amour,la foi et les connais­
sances de l'amour et de la foi,précédemment dé­
signés par les grands luminaires et les étoiles.
De plus, il est ajouté que Dieu bénit le sep­
tième jour, parce qu'en ce jour, il se reposa de
toute son. œuvre (Gen. II. 1-3). En réalité, c'est
l'homme qui se repose ici, parce qu'il n'a plus
à lutter contre le mal et le faux, dont il est de­
venu complètement victorieux, en s'élevant à
l'amour du bien pour le bien; il est arrivé alors
à la pleine jouissance de l'état de bonheur et de
paix. Ce repos n'est pas le repos de l'inaction,
car c'est celui de la cOJlcorde et de la coopéra­
tion au complet développement de l'œuvre di­
vine. Dieu, ne se repose pas, puisqu'il crée per­
pétuellement, sans jamais éprouver de fatigue.
C'est plus tard, que s'achève la création de
l'homme préadamite, devenu alors Adam,
quand il est dit que J éhovah·Dieu souffie dans
ses narines « la respiration des vies» et que
l'homme est fait en « âme vivante» (Gen. II, 7).
L'homme conservera ensuite, malgré sa cor·
ruption ultérieure, prédite dans la Genèse, la
marque indélébile de son origine céleste, c'est­
à·dire sa ressemblance avec Dieu.
CHAPITRE XXV

Le Jardin de la Sagesse.
204. L'homme arl'ivé au septième jour de sa naissance nou-
velle est élevé à l'état céleste. - 205. L'homme est dit
mort lorsqu'il ne reconnaît d'autre bien et d'autre vrai
que ce qui concerne la vie corporelle; il est dit spirituel.
lorsque son interne est régér.éré, ce qui a lieu, lorsqu'il
est dans l'amour de la sagesse; et, il est dit céleste, lors-
que son homme externe est assujetti à son 'homme in-
terne, ce qui a lieu, lorsqu'il est dans la sagesEe de l'a-
mour, - 206. Les formations de l'homme céleste sont
nommées par la Genèse les « nativités des Cieux et de la
terre. » - 201. Le caractère de notre conjonction avec le
Seigneur, c'e,st-à-dire, a\'ec son Bien et son Vrai, dépend
du plan de vie sur lequel nous nous trouvons aptes à le
mieux connaître. - 2U8. La Parole révélée chez les pre-
miers hommes n'était pas écrite, mais elle était révélée
directement de Dieu à chacun d'eux en part.iculier. De là
l'origine du culte des ancêtres, qui, plus tard, fut changé
en magie et en idolâtrie. - 209. Pour que l'homme cé-
leste soit créé, il faut que toute opposition ait cessé entre
l'homme interne et l'homme externe, - 210. Le récit d'un
Paradis terrestre se retrouve dans toutes les mythologies:
il ne doit pas être entendu il. la lettre, mais tous ces récits
se référent à un état de sagesse élevée, qu'on peut quali-
fier d'Eglise Trés-Ancienne pour distinguer cet âge d'or
de l'humanité, des âges ({ui suivirent. - 211. L'Arbl'e des
Vies situé au centre du Jardin de la sagesse est l'influx
du Seigneur dans son dou'Jle caractère de chaleur et de
lumière spirituelles. L'arbre de la science du bien et du
mal est l'influx de la nature, et aussi l'esprit du mal,
lorsqu'il exclut l'influx du Seigneur. - 212. La science
ne peut uous servir 'de nourriture spirituelle pour ~éné­
trer les vérités de la foi, mais. elle peut servir à les con-
firmer. Tous les autres arbres du prdin de la sagesse
sont destinés à l'alimentation de nos âmes. - 213. Le
grand fleuve qui arrosait le Jardin d'Eden avec ses quatre
branche.s sont: l'amour, la sagesse, la raison et la science.
- 214, Le Royaume de LJieu doit se réaliser d'abord au-
dedans de nous, avant de pouvoir nous doter du Paradis
terrestre qui doit établir la Justice et la fraternité dans
les sociétés humaines.
25
290 LE JAIl.D:N DE LA SAGESSE

« Et Jéhovllh-Dieu planta un
jardin en Eden, du côté de
j'Orient... et l'Arbre de3
Vies dans le milieu dujar­
din et l'arbre de la science
du bien et du mal. Et un
fleuve sortait d'E~en pour
arrosel' le jardin, et de là,
il se divisait en quatre
bras (Gen. II, 8-10).

2('4. Nous avons vu que l'homme, arrivé au


septième jour de sa nouvelle naissance, doit
être élevé à l'état céleste, et ainsi à l'amour du
bien pour le bien, Il va donc atteindre le degré
suprême de la sagesse, car il se trouve muni
de toutes les connaissances de l'amour et de la
foi, précédemment désignées par les deux
grands luminaires et les étOiles. Ces connais­
sances nouvelles n'avaient servi jusqu'alors,
qu'à imprégner son homme interne de leur
chaleur et de leur lumière spirituelles, mais
n'avaient pas encore fécondé son homme ex­
terne. Maintenant, elles vont régénérer ce
dernier et l'assujettir entièrement à son.homme
interne. C'est ce que la Bible exprime au com­
mencement du chapitre II de la Genèse, dans
les termes suivant::; : ( Les Cieux et la terre fu­
rent achevés et toute leur armée :P.
Cette régénération ou cette transformation de
l'homme spirituel en homme céleste, ne s'opère
pas tout d'un coup; elle doit passer par des
phases nouvelles que les versets suivants du
chapitre Il de la Genèse vont nous décrire.
Il s'agit, en effet, pour l'homme céleste, de
développer et d'utiliser ses connaissances nou­ 1.
velles, car s'il est déjà né à la vie céleste, il n'a
pas encore vécu de cette vie nouvelle.
205, Durant les deux premiers jours de la

j'II
LE JARDIN DE LA SAGESSE 291
création, le préadamite est considéré comme
mort, ou comme n'étant pas encore né, parce
qu'il ne reconnaît d'autee bien et d'autre vrai
que ce qui concerne le corps physique et le
monde terrestre: il peut donc, spirituellement
parlant, être qualifié d'homme mort.
Pour renaître à nouveau et devenir spirituel,
il doit s'élever à l'amour de la sagesse, c'est-à­
dire, qu'il doit reconnaître le vrai et le bien
spirituels d'après la foi en vertu de laquelle il
pense, agit et vit, mais non de même d'après
l'amour. L'homme céleste au contraire, qui
doit s'élever à la sagesse de l'amour, ne re­
connaît plus d'autre foi que celle qui dérive de
l'amour de Dieu et du prochain. Or, c'est cette
différence de qualité entre l'homme spirituel et
l'homme céleste, entre l'amour de la foi et la Coi
de l'amour,ou entre le bien du vrai et le vrai du
bien, c'est ceUe différence importante, entre
l'amour de la sagesse et la sagesse de l'amour,
q1lÏ modifie le nom du Créateul' dans la Bible:
Il est dit Dieu, pour exprimer qu'il agit comme
puissance du divin Vrai, et Il est dit Jéhovah,
lorsqu'il y a lieu d'exprimer sa qualité comme
Essence, ou comme divin Bien.
C'est pourquoi aussi le Créateur est nommé
Dieu dans tout le chapitre premiûr de la Ge­
nèse, où il s'agit de la régénération de l'âme
humaine par la puissance du divin vrai, tandis
que Jéhovah-Dieu est nommé dans le second
chapitre, parce que l'homme céleste est alors
créé par le divin Bien qui trouve son instru­
ment de réalisation dans le concours de Dieu
ou du divin Vrai.
206. Les formations de l'homme céleste dont
doit s'occuper le chalJilre II de la Genèse, sont
qualifiées de nativités; il est dit: « Voilà les
cc nativités des Cieux et de la terre, lorsqu'II les
292 LE JARDIN DE LA SAGESSE

« créa dans le jour où Jéhovah-Dieu fit la terre


c et les Cieux.» (Gen. II, 4.)
Les nativités sont effectivement les naissan­
ces nouvelles; nous dirions aujourd'hui les
évolutions ou les phases de développement de
l'âme humaine élevée au plan de la vie cé­
leste.
La réformation chez l'homme céleste com­
mence par le Ciel ou par l'homme interne,
tandis que chez l'homme spirituel, elle com­
mence par la terre ou par l'homme externe,
ainsi que cela eut lieu durant les six premiers
jours de la création ou de la régénération du
préadamite. N'oublions pas non plus que si
l'homme spirituel est élevé à l'amour de la t'a·
gesse, l'homme céleste est d'un degré au-dessus,
car il est élevé à la sagesse de l'amour ..
En effet, l'amour qui est l'expression du bien,
est plus intérieur que la sagesse qui est l'eX­
pression du l'rai; il en est l'essence t3t celle-ci
en est l'existence.
:207. Pour bien comprenilre les formations ou
les nativités de l'homme céleste, il est utile
d'observer que le Seigneur se cache de nous
sur les plans de la vie externe, à mesure que
nous progressons assez pour nous trouver ca·
pables de Lerencoutrer, ou de rencontrer son
Vrai et son Bien sur les plans de la vie interne.
Expliquons cela par un exemple facile à com­
prendre.
L'Eglise juive ne pouvait chercher et trouver
Dieu que dans le miracle, parce que dans cette
Eglise, l'homme devenait pieux et religieux,
en vertu de la crainte que Dieu inspirait, beau­
coup plus qu'en vertu de l'amour dont il était
encore incapable de s'inspirer.
Mais l'Eglise de l'avenir cherchera et trou­
vera Dieu dans l'amour qu'Il inspirera, et par
LE JARDIN DE LA SAGESSE 293
suite, l'homme Le comprendra assez pour Le
trouver dans une conception rationnelle du sens
spirituel.des Ecritures saintes et dans les con­
firmations scientifiques des vérités spirituelles
acquises par la Révélation. La raison et la
science sont là deux courants de vie de l' homme
externe qui sont figurés plus loin dans le cha­
pitre II de la Genèse, par les deux derniers bra,3
du grand fleuve du Paradis terrestre, dont nous
allons avoir à nous occuper,
Le caractère de notre conjonction avec le Sei·
gneur, c'est-à-dire avec son Bien et son Vrai,
dépend du plan de vie sur lequel nous sommes
aptes à le mieux connaître, et la foi de celui qui
connaît le Seigneur intérieurement, e:>t plus
durable et réelle que la foi de celui qui connaît
le Seigneur seulement dans la lettre de la Pa­
role, c'est-à-dire extérieurement, ainsi que le
connaissaient les JUifs.
208, Observons à ce propos que la Parole ré­
vélée chez les hommes primitifs n'était pas une
Parole écrite comme notre Bible, mais elle con­
sistait dans une Parole révélée à chacun d'eux,
en particulier, et révélée directement de Dieu,
(V. nO 51 ci-dessus).
Nous trouvons les derniers vestiges dp, cette
Parole révélée aux, hommes pl'imitifs, dans le
culte des ancêtres: celui-ci se transforma en
magie et enidolatrie, à la suite des siècles. Ce
culte consistait en ce que cbaque famille gar­
dait le dépôt des traditions de ses pères: ces
traditions étaient dans le souvenir qu'on avait
conservé au foyer domestique des communica­
tions des ancêtres avec le monde spirituel.
Ce culte des ancêtres dont il est tant question
dans l'histoire de la Grèce et de Rome, a encore
laissé des traces chez les peuples de l'Orient et
notamment chez les Chinois: nous trouvons de
_94 LE J A!WIN DE LA SAG li:SSE

grands et d'utiles developpements sur ce sujet,


dans le livre de M. Fustel de Coulanges:« la Cité
antique. "
2(;9. Ces préliminaire;; posés, nous pouvons
mieux aborder l'étude ùes développements de
l'homme céleste, et examiner le verset 5 du
chapitre Il, où il est dit qu' « aucune plante du
« champ n'était encore dans la terre et aucune
« herbe du champ ne gerr,lait encore »; cela si­
gnifie que dans ce commencement de la forma­
tion de l'homme céleste, l'homme externe n'a­
vait pas suffisamment progressé et qu'il n'était
pas encore entièrement élevé à l'état célest.e:
c'est pourquoi il est ajouté qu'il «n'y avait au­
cun homme pour cultiver l'humus ». Ceci doit
évidemment s'entendre de l'homme céleste, car
l'homme spirituel avait été décrit comme cree,
au verset 27 du chapitre premier, et même il
était dès lors, qualifié d'image ùe Dieu.
Mais pour que l'homme céleste externe soit
achevé à son tour, il faut que toute opposition
ait cessé entre l'homme interne et l'homme
exlerne, ou entre le ciel et la terre, de
manière que celle·ci soit entièrement as·
sujettie à l'autre. Lorsque cela arrive, l'homme
externe lui-même devient àson tour homme par
exceltence ou Adam, tandis que dans l'état spi­
rituel, c'était l'homme interne seul qui pouvait
mériter ce nom d'homme ou d'Adam. Doréna­
vant, cet homme externe, identitié à l'homme
interne par son assujettissement entier il. celui·
ci, se laissera guider par lui et restera sous
son obéissance la plus absolue à cause du bien
implanté dans sa volonté et dans ~on cœllr.
La Bible, en effet, après aVOIr dit qu'aucune
herbe du champ ne germait encore, parce que
Jéhovah·Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la
terre, et qu'il n'y avail aucun homme pour cul· .
LE JARDIN DG lA SAGESSE 29::>
tiver l'humus, ajoute: « Et il fit monter de la
« terre une vapeur et il arrosa toutes les faces de
~ l'humus. ,,(Gen. II. 6.)
Cela revient il tlire dans le sens interne que
le Seigneur produisit cette tranquillité de la
paix qui existe, lorsque le combat des tentations
a cessé, et qui est comme une vapeur par laquelle
l'homme externe est arrosé ou instruit au moyen
de son homme interne. Enfin la création de cet
homme interne progresse encore, et paraît
achevée lorsqu'il ést dit au verset 7: « Jéhovah­
« Dieu forma l'homme poussière de l'humus et
« il souffla dans ses narines la respiration des
« vies, et l'homme fut fait âme vivante. ~ Cela
signifie que le Seigneur forma l'homme extarne
qui n'avait pas encore été homme, car i1·avait
été dit au verset 5 ci -dessus qu'il n'y avait au­
cun homme pour culti ver l'humus; le Seigneur
lui donna donc la vie de la foi et la vie de l'a­
mour et l'homme externe tut fait vivant. Cepen­
dant ces deux vies, toutes distinctes qu'elles
soient dans leur nature, n'en doivent former
qu'une seule dans leur essence, car elles sont
semblables aux battements du cœur concordant
avec 18 respiration des poumons. De plus ce
n'est plus le reptile que Dieu se contente de
nommer âme vivante., lorsque l'homme n'est
qUl:: spirituel, mais c'est l'homme lui-même, car
il commande à tous les animaux, c'est-à-dire à
toutes les bonnes affections qui sont maintenant
à sa complète dévotion.
~1O. VIent ensuite la description du Paradis
terrestre ditEden.
Celui qui étudie les plus anciens m.onuments
de la littérature sacrée, observe que tous les
documents d'origine préhistorique, nous don­
nent la description d'un peuple primitif qui avait
été introduit dans un magnifique jardin dans
296 LE JARDIN DE LA SAGESSE

lequel il y avait un Arbre de Vie. Les Chinois,les


Hindous, les Persans, les mythologies des peu­
ples du Nord, de même que celles des peuples
orientaux, sont unanimes sur ce point. Lejardin
des Hespérides des Grecs nous décrit l'arbre
aux pommes d'or. Toutes ces descriptions sont
à n'en pas douter des récits allégoriques qui ne
doivent pas être entendus à la lettre.
Cela nous montre clairement que les croyan­
ces des peuples les plus distants les uns des au­
tres, dévoilaient un état de civilisation etde sa·
gesse élevée que nous qualifierons d'Eglise
Adamique ou d'Eglise Très-Ancienne, pour dis­
tinguer cet âge d'or des autres âges qui suivi­
rent. Ainsi dans les temps primitifs, Dieu avait
initié l'homme à la sagesse et il J'esta probable­
ment des siècles dans cet état d'innocence,
avant-de se corrompre. C'est ce qui est ensei­
gné dans le chapitre II de la Genèse par la des­
cription du jardin de l'Eden. Les noms mêmes
du jardin, de ses arbres, de son fleuve divisé en
quatre bras, nous indique assel. clairement que
tout cela doit être compris allégoriquement.
211. Nous devons donc rechercher "d'abord la
signification de l'Arbre de Vie. Il est dit dans
l'Apocalypse: « A celui qui vaincra~je lui don­
« nerai à manger de l'Arbre de Vie, qui est dans
« le milieu du Paradis de Dieu. 'P (Apoc. II, 7).
Nous lisons encore: « Au milieu de sa (Jlace et
« du fleuve de çà et de là, Arbre de Vie faisant
« douze fruits, selon chaque mois rendant son
« fruit; et les feuilles de l'arbre pour médicament
« des nations 'P. (Apoc. XXII. 2.)
Il faut évidemment entendre tout cela dans
un sens figuré, d'autant plus que nous savons
que du Seigneur, source unique de notre vie, il
descend en nous deux grands fleuves qui sont
l'amour et la sagesse.
LE JARDIN DE LA SAGESSE· 2(-)ï

Ces deux grands fleuves doivent imprégner


nos âmes, fertiliser le jardin de notre sagesse,
dit Paradis terrestre, et ainsi l'Arbre des Vies
situé au centre de ce jardin. Nous dirons même
« l'Arbre des deux Vies », parce que le mot hé­
breu « hachayem », rendu par le mot« vies ",
est au duel, ce qui indique qu'il n'est pal> plus
au singulier qu'au pluriel, suivant les règles
de la grammaire hébraïque.
L'Arbre des Vies se présente donc comme
l'influx du Seigneur dans son double caractère
de chaleur et de lumière spirituelles. Cet Arbre
est situé au milieu du jardin de l'âme: c'est le
centre de ce jardin, et il imprègnera tous les
principes de l'Eglise de l'avenir, dont il est
question dans le passage de l'Apocalypse
cité ci· dessus: les douze fruits qu'il porte si­
gnifient les états variés de la régénération de
l'âme humaine. Les feuilles figurent les véri­
tés qui servent à c~ tte régénération des ames
et qui les inondent de lumière.
L'arbre de la science du bien et du mal est
également une ingénieuse allégorie pour nou:.
enseigner la sagesse. La connaissance du côté
externe des choses peut être appelée la COn­
naissance du bien et du mal: en effet, l'amour
de ce côté externe des choses à l'exclusion des
vérités internes et supérieures, qui en consti­
tuent l'âme, est l'amour du monde qui, avec
l'amour de soi-même, est l'origine du mal.
L'esprit du bien n'exclut pas l'amour de s'ins­
truire des vérités de fait, dites externes, na­
turelles ou scientifiques, ni à plus for te raison,
l'amour plus élevé des vérités internes qui
donnent la vie à ces choses externes.
212. Il en résulte que la connaissance du côté
externe des choses est utile, bien que par elle­
même, elle ne porte pas sur la vérité réelle.
298 I,E JARDIN DE LA SAGESSE

Cette connaissance des choses externes peut


cependant être figurée par un arbre qui a ses
usages dans le jardin de la sagesse, mais son
fruit n'est pas pour être mangé. Il n'est pas
destiné à être mangé ou à servir de nourritul'e
à notre corps spirituel, parce que les vérités
externes qu'il représente ne doivent servir
qu'à confirmer les vérités supérieures et inté­
rieures figurées par l'arbre des vies, et qui sont
les vérités du sens interne de la Parole révé­
lée. La science ne peut nous servir de nourri­
ture pour pénétrer ces mystères ou ces vérités
de la fOi, qui sont conr,ues seulement par la
révélation, mais elle peut nous servir à les
confirmer.
C'est pourquoi cet arbre de la science qui
figure les vérités externes doit rester placé,
non plus au centre du jardin de la sagesse
comme l'Arbre des vies, mais sur sa circonfé­
rence ou sur ses côtés externes.
Tous les autres arbres du jardin qui figuren t
les perceptions de la sagesse et les développe­
ments des perceptions supérieures figurées par
l'arbre des vies, sont destinées à l'alimentation
de nos âmes; nous pouvons donc manger de
leurs fruits; mais de l'arbre de la science du
bien et du mal, nous ne pouvons manger sans
marcher dans le chemin des illusions, des er­
reurs et de la mort spirituelle, car la science
n'est pas destinée à prédominer sur la sagesse,
mais elle est destinée à être transformée en
sagesse.
'213. 'l'out nous prouve nouc que le jardin
d'Eden n'était situé dans aucune partie du
monde terrestre; on sait aussi que le mot
« Eden» en hébreu signifie (( délice )) ou jardin
de la joie. Cependant, les hommes qui n'ont
compris la Parole que dans son sens littéral,
LE JARDIN· DE LA SAGESSE 299
ont cherché partout pour découvrir une terre
arrosée par quatre fleuves coulant d'une même
source, l'un de ces neuves devant être l'Eu­
phrate; mais rien de satisfaisant à ce sujet
n'a pu être découvert.
On voit aussi que dans la Bible, Eden et ses
arbre8 sont les symboles d'un Paradis spirituel
ou d'un jardin de la sagesse et non d'un jardin
naturel et terrestre. Dans ces conditions, le
tleuv.e qui arrosait le jardin avec ses quatre
branches est facile à coonaitre.
Ce grand tleuve est le' divin Vrai, il est
nommé : «. un pur fleuve d'eau de la vie "
(ApOC. XXII. 1.) En effet, le Vrai qui flue du
Seigneur est la sagesse qui tlue de son amour:
il vient comme un fleuve, mais lorsqu'il est
reçu par l'homme, il revêt quatre caractères
différents, qui apparaissent comme quatre bran·
ches ou quatre fleuves découlant d'une même
source.
Le lJremier fleuve nommé Pischon, est l'in­
telligence de l'amour influant dans la volonté;
il apparaît à l'homme interne qui parle d'a­
bondance du cœur, parce que sa pensée est
éclairée p'lr les lueurs qui jaillissent de la cha·
leur de son amour. L'or de cette terre arrosée
par ce fleuve est dit bon, parce que l'amour cé­
leste qui rend l'homme riche spirituellement
est le bien.
Le second fleuve Gichon, l:elui qui coule au­
tour de la terre de Cusch, est l'entendement de
la sagesse ou la connaissance de toutes les cho­
ses qui appartiennent au bien et au vrai, ou à
l'amour et à la foi; celles ci influent dans l'en­
tendement de l'homme interne.
Le troisième fleuve est Chiddekel; il figure
la raison ou la faculté rationnelle qui appar­
tient à l'homme externe. Il est dit aller « orien­
200 LE JARDIN DE LA SAGE.sSE

talement. vers Aschur », parce que l'Assyrie est


la terre qui est souvent nommée dans la divine
Parole, lorsqu'il s'agit de ceux qui veulent
comprendre les choses rationnellement.
Le quatrième fleuve est l'Euphrate et il figure
la science; c'est le côté externe du vrai; l'Eu­
phrate limitait l'Assyri e, de même que la
science ou la vérité de fait limite la faculté
rationnelle rour servir de thème de dévelop­
pement à celle-ci.
Heureux l'homme qui laisse son âme se ra­
fraîchir et son corps spirituel se baigner dans
les eaux de ces quatre fleuves, et qui sait pré­
senter leurs eaux en harmonie les unes avec
les autres, de manière à ce que la chaleur de
l'amour soit éclairéfl par la lumière de la pen­
sée, sous. une forme rationnelle et par les con­
firmations des vérités scientifiques!
Un tel homme est dans un État parfait d'équi­
librE, en ce qui concerne les facultés de son
âme, car il réalise la justice et la fraternité
dans tous les actes de sa vie, il réalise, par
conséquent, le principe de liberté par le prin­
cipe d'autorité dans le principe d'utIlité.
214. Tels sontles enseignements qui: décou­
lent de la connaissance de cette création cé­
leste de l'homme, de ce jardin de la sagesse,
si bien figuré par Url Paradis terrestre, car il
suppose aussi l'établissement de la justice et de
la traternitédans les sociétés humaines.
Le Royaume de Dieu doit d'abord être formé
au dedans de nous, (Luc, XVII, 21.) et ce
royaume doit se réaliser sur la terre par un Pa­
radis terrestre.
Souvenons·nous donc que les quatre bras de
son grand fleuve, sont à la fois, l'amour, la sa­
gesse, la raison et la science, mais nullement
la raison et la science à l'exclusion de l'amour
et de la sagesse!
CHAPI TRE XXVI,
Le déclin d'un beau jour.
215. "Etre seul », signifie, dans la Bible, un état très
élevé de l'âme humaine , état dans lequel se trouvent
ceux qui se délecten t dans le plaisir de se sentir conduits
par le Seigneur seul. - 216. " Avoir un aide comme chez
soi l', signifie, dans la Rible, ne plus se sentir seul avec
Dieu, ainsi vivre un peu plus au point de vue des choses
externes , et un peu moins au point de vue des choses in­
ternes; mais le Seigneur cherche au préalable , à éclairer
l'homme sur la valeur réelle de ce désir, ­ 217. Il est
dit souvent dans la Bible que Dieu parle lorsque c'est,
en réalité, un désir de l'homme que celui-ci prête à Dieu.
2' 8. Jéhovah- Dieu fait passer en revue, sous la figure de
bêtes et d'oiseau x, toutes lés bonnes affections auxquell es
il suffirait que l'homme s'attachâ t pour ne plus dé~irer
avoir" un' aide comme chez lui. » ­ 219. Le préadam ite est
né dans l'instinct naturel de l'amour du semblab le; cet
amour englobe toutes les a!:ectlons particuli ères réunies
et représen tées par chaque animal suivant son espèce.
De même que J'homme typifie tous les êt.res de la créatIon
dans leur ensemble , de même Dien personni fie tous les
hommes dans leur ensemble . L'Eglise adamiqu e les typi­
tlait comme un organe parlait de la vie de Dieu. - 220.
Du culte des animaux , de la métemps ycose et de la trans­
formatio n de la science en sagesse. ­ 22J. Les bêtes du
champ figurent dans la Bible toutes les affections célestes
du bien, et les oiseaux des cieux !(lutes les affections spi­
rituelles du vrai. Ces bêtes ou ces bop.nes affections sont
dites être amenées à l'homme pour que celui-ci leur donne
un nom, c'est-à-d ire reconnai sse leur valeur réelle et par
suite ne persiste pas dans son erreur à vouloir « un aIde
comme chez lui. lo - 222. Le désir de l'homme de se sentirt
en possessio n d'un aide comme chez lui, doit cependan
être satisfai t: cela est représen té par un assoupis sement
que Jéhovah- Dieu fait tomber sur l'homme et qui n'est
qu'une sorte de sommeil de la vie intérieur e dont il Jouissait
préc6dem ment. - 223. La côte est le symbole de la dureté
du cœur de l'homme Cette côte e~t vivifiée en femme:
celle-ci figure l'homme externe qui absorbe l'homme in­
terne, de manière à ne plus faire avec celUI-ci qu'une
seule chair, ou de maniêre à ne plus être distinct de lui.
- 224. Cependa nt, Dieu peut encore insinuer l'inoocen ce
de l';gnorao ce durant ce premier état de déchéanc e des
hommes de l'Eglise adamiqu e, mais ce n'était plus que
le déclio d'un beau jour.
26
302 LE DÉCLIN D'UN BEAU JOUR

" Jéhovah -Dieu: il n'est pas


bon que l'homme soit seul,
je lui ferai un aide comm;
chez lUI." (Genèse II. 18.)
215. Dans notre étude du serlS interne du
premie r chapit re de la Genèse , nous avons vu
que toutes choses avaien tété consid érées par
Jéhova h-Dieu comme trés bonnes , parce que
les vérités qui appart iennen t à la foi, et qui
sont dans l'enten demen t de l'homm e régéné ré,
étaient en union parfait e avec celles qui appar­
tienne nt à l'amou r et qui sont dans sa volonté .
Nous abordo ns mainte nant le verset 18 du
chapit re II de la Genèse , et c'est ici que Jého­
vah-Di eu comme nce à dire qu'il y avait quelqu e
chose qui n'était pas bon: « Il n'est pas bon que
l'homm e soit seul. »
Nous avons donc à recher cher ce qui est en·
tendu dans la Bible par « être seul» et pour­
quoi l'homm e doit mainte nant cesser d'être seul.
Moïse a prédit que, « Israèl habite ra seul, »
(Deuté r. XXXIII 28.), prédict ion qui s'appli que
dans le sens spiritu el à l'Eglis e de l'aveni r, à
la Jérusa lem nouvel le dont il est traité dans
l'Apoc alypse. Cela esl encore dit çl'Israë l par le
prophè te Balaam : CI. Voici le peuple , il habite
«seul, et il n'est pas compté parmi les nations .»
« (Nomb res. XXIII. 9.) On lit encore dans J éré­
mie : CI Levez- vous, montez vers la nation en
«repos qui habite avec confian ce; elle n'a ni
«porte , ni verrou ; ils habiten t seuls.» (Jérém ie
c XLIX. 31.)
Elre seul, signifie donc dans la Bible et par
suite dans le langag e de la sagess e antiqu e, un
état élevé de l'âme. Dans la Genèse , cet état
s'appli que plus particu lièrem ent à ceux qui se
délecte nt dans le plaisir de se sentir entière ­
ment condui ts par le Seigne ur seul, ou par son
Bien et son Vrai.
LE DÉCLlN D'UN BEAU JOUR 303
Ils se sentent seuls avec Dieu, parce qu'ils se
bont élevés à l'état d'hommes célestes, état dans
lequel les maux et les mauvais esprits n'ont plus
de prise sur eux.
216. Ainsi la postérité de la Très-Ancienne
Eglise dont nous nous occupons maill.tenant ne
voulut plus l'ester dans l'état Adamique ou
d'homme céleste; elle ne voulut plus se laisser
entièrement conduire en toutes choses par le
Seigneur; elle voulut. que l'amour de soi At
l'amour du monde aient un peu plus de prise sur
l'amour de Dieu et l'amour du prochain; en un
mot, elle ne voulut plus rester tout-à·fait seule
avec Dieu. Elle commença donc à éprouver le
désir de se conduire un peu plus par elle-même.
Ce désir dès qu'il prend racine dans le cœur
humain doit être satisfait par Jéhovah-Dieu,
autrement l'homme cesserait d\agir suivant son
libre arbitre.
Or, pour vivre un peu plus au point de vue
des choses externes et un peu moins au point de
vue des choses internes, l'homme désirait trou­
ver le mobile de ses pensées et de ses actes,
dans quelque chose qui parut lui appartenir- en
propre et qu'il appelle dans la Genèse « un aide
comme chez lui. »
Cependant avant de lui accorder cet aide
comme chez lui, Jéhovah-Dieu, pouvait encore
sans porter atteinte au libre arbitre de l'homme,
faire péI).étrer la lumière dans la pensée hu­
maine pour l'éclairer sur la valeur réelle dece
désir si pressant d'avoir un aide comme chez
lui. Nous avons une preuve frappante de celle
sollicitude divine dans les vorsets qui vont sui­
vre et qui nous montrent par quels enseigne­
ments Dieu s'efforce de protéger l'homme contre
ses erreu rs.
217. Mais avant de les examiner, il y a lieu
304 LE DÉCLIN D'un BEAU JOUR
d'abord de rechercher pourquoi d'après le sens
littéral de la Genèse, c'est Dieu lui-même qui
nous dit, qu'il n'est pas bon que l'homme soit
seul, lorsque cette expression, être seul, qualifie
néanmoins, un état très élevé de l'âme hu­
maille. ,
Observons à ce sujet, qu'il est souvent écrit
dans la Bible que Dieu parle, lorsqu'il s'agit,
en réalité, d'une chose de conscience ou de foi,
qui tourmente l'hommo. Celui-ci prête donc à
Dieu ses propres désirs, lorsqu'ils deviennent
trop impérieux. Par exemple, Dieu est dit se
venger, se mettre en colère, bien que ce soit
l'homme seul qui éprouve des sentiments de
vengeance et de haine. On peut encore citer
l'exemple d'Abraham qui prend les injonctions
de sa conscience d'idolâtre pour un commande­
ment que Dieu lui donne, suivant le sens littéral
du texte, d'offrir son propre fils Isaac, en holo­
causte (Gen. XXII. ~.)
Le mal que l'ham me désire lorsqu'il s'imagine
que c'est un bien, ne lui est pas refusé, et même
Dieu laisse supposer à l'homme sensuel que telle
est aussi la volonté divine. Cependant le Sei­
gneur s'efforce, avant de l'abandonner tout à
fait à sa mauvaise pensée, d'éclairer l'homme et
de l'éloigner du mal autant que cela est compa­
tible avec son libre arbitre.
218. C'est ainsi qu'avant de satisfaire son dé­
sir d'avoir un aide comme chez lui, Jéhovah­
Dieu va lui faire passer en revue une à une,
sous la figure de bêtes et d'oiseaux, toutes les
bonnes allections auxquelles il suffirait à
l'homme de s'attacher pour ne pas perdre son
état d'intégrité comme homme céleste.
,Jéhovah amène donc tour à tour à l'homme,
les bêtes et les oiseaux pour qu'il assigne à cha­
cun d'eux un nom, c'est-à-dire pour qu'il recon­
LE DÉCLI:" D'UN BEAU JOUR :305
naisse les qualités que chacune de ces bonnes
affections tigurent.
Il est donc dit: < Jéhovah-Dieu forma de
« l'humus toute bête du champ et tout oiseau
t( des cieux, et il les amena vers l'homme pour

'( qu'il vît comment il les nommerait, et cha­


" que nom que l'homme donnait à une âme
« vivante, c'était son nom ~. (Gen. II. 19.)
Cela revient à dire dans le sens interne, que
Jéhovah-Dieu fit germer da os l'homme externe
ou naturel toutes Jes affections cMestesqui sont
celles de la volonté, et toutes les affections spi­
rituelles qui sont celles de l'entendement, pour
lui donner à connaître quetles etles étaient;
chaque nom que l'homme donnait à ce qu'il y
avait de vivant en lui, était la véritable qua·
lification qu'on devait lui attribuer.
Il est facile de justifier cette int~rprélation
du sens interne du verset 19 de 110tre chapitre
II de la Genèse, en observant que la terre, dans
la Bible, signifie l'homme externe en général,
tandis que l'humus est la terre ou l'homme ex­
terne qui reçoit les sem ences que Dieu veut faire
germer en lui. Or, ce qui germe ici dans l'homme
externe, ce sont toutes les affections qui a p.
partiennent à la volonté.
219. Rappelons·nous, en effet, que le préada.
mite était né dans l'insti'nct do l'amour du sem­
blable, ce qui était un amour naturel bien au­
trement élevé que celui dans lequel naît chaque
animal sui,ant son espèce. Cette affection natu­
relle dans laquetle naît chaque animal suivant
son espéce, le fait naître aussi dans une science
toute formée en lui, c'est-à-dire dans un instinct
qui lui donne le moyen de subvenir par lui·
même à la satisfaction natureIie de cet instinct.
Mais l'amour naturel supérieur dans lequel
naquit l'homme primitif, est une pl'euve que la
3ÜG LE DÉCLIN D'UN BEAU JOUIt

création des trois règnes de la nature se cen­


tralise dans la création de l'homme: toute subs·
tance créée, tüut minéral, taule plante, tout
animal évolue autour de l'homme et gravite vers
lui.
En elfet, le préadamite était né non seule·
ment dans l'instinct naturel de l'amour de son
semblable mais aussi dans la science qui lui en·
seigne à vi vre en paix avec tous ses semblables:
son amour de son semblablfl englobait donc tou­
tes les affections parliculières réunies et re­
présentées par chaque animal suivant son es­
pèce.
C'est pourquoi l'homme Iypifiait par son affec­
tion pour le prochain tous les animaux dans
leur ensemble, et chacun de ceux-<!i pouvait
figurer chez lui, chacune des affections par­
ticulières qui formaient par leur réunion cet
amour général de l'homm3 pour son semblable.
Cependant malgré ce caractère gènéral de
l'afl'ection naturelle de l'homme primItif, on ne
pourrait trouver un seul homme dans lè passé,
dans le présent, et même dans l'avenir, qui wit
exactement semblable à un autre homme, pas
plus par SaIl caractère que par son visage, cha·
cun ayant et devant conserver son iadividualité
propre qui le distingue de ses semblables.
Il en résulte que de même que l'homme ty·
pifie tous les êtres de la créalioll dans leur en­
semble, de même Dieu personnifie tous les
hommes dans leur ensemble, car Il les englobe
tous, ainsi que nous l'avons vu précédemment
lorsque nous nous sommes occupés du macro·
cosme, ou du grand être humanitaire. Celui·ci
élait typifié enc9re par l'Eglise Adamique qui
le présentait alors comme uu organe parfait de
la vie de Dieu. (Cha p. XII ci-dessus).
220. Dans la croyance des hommes primitifs
U DÉCLIN D'UN BEAU JOUR 307
et notamment des ancip.os Egyptiens, chaque
animal représentait hièr'oglyphiquement une
.affection particulière concordante avec 1ïnstinct
naturel qu'on attribuait à cet animal suivant SOIl
espèce. Mais nous savons que ce culte des ani­
maux lors de la décadence de la sagesse antique
se transforma en idolâtrie, parce qu'on ne le
comprenait plus que dans son sens littéral et
qu'il était réduit à un vain cérémonial; de là
toutes les fables des anciennes mythologies.
Il y avait donc là originairement une méthode
d'enseignement très attachante et très intéres­
sante pour l'étude des sciences naturelles. Cette
élude se présentait, en effd, comme un pro­
gramme d'éducation autant scientifique que re·
ligieux. C'est ainsi que la science se trouvait
transformée en sagesse; c'est ainsi que la
science devenait le manteau de la religion.
Bien plus, ces changements de goûts et d'af­
fections qui se produi~ent dan:! le cours de la
vie humaine, jettent une grande lumière sur la
véritable valeur des préteodlles croyances des
allCiens peuples à la métempsycose. En efft:lt,
nos transformations morales, à mesure que la
repentance nous purifie de nos maux, sunt de
véritables métamorphoses de nous-mêmes;
celles-ci peuveot donc être figurées par les
animaux qüe nous paraissons personnifier, lors­
qu'ils représentent, par leurs instincts naturel::,
les goûts et les affections nouvelles qui germent
eo nous dani' le cours de notre vie, suivant l~s
différentes phases, soit de notre régénération,
soit de notre déchéance morale.
:121. Les animaux, en effet, sont qualifiés de
bons ou de mauvais, suivarJl qu'ils sont utiles
ou nuisibles, suivant qu'ils typifient de bonnes
(lU de mauvaises affections; et, ils se pré:;enten t
ainsi a nous comme les images des sentiments
3 ü 8 L E DÉCLIN D'UN DEA.U JOUR

bons ou mauvais, qui inspirent les hommes du­


rant le cours de leur vie.
On ne doit donc pas s'étonner que la Genèse,
en nous disant que Jéhovah-Dieu forma de
l'humus, toute bête du champ, nouS fasse enten­
dre par cette figure; que le Seigneur déve­
loppe en l'homme ou fait germer en lui, dans
son âme, toutes les affections célestes.
Toute bête du champ que Jéhovah-Dieu
forme de l'humus est le symbole de toutes les
affections célestes du bien qui inspirent la vo­
lonté ou le cœur de l'homme.
En ce qui concer!le les affections spirituelles
du vrai qui appartiennent à l'entendement, elles
sont à leur tour figurées par tout oiseau des
cieux. En effet, les pensées de l'homme en se
présentant sous une forme rationnelle, portent
sur des vérités qui paraissent avoir des ailes,
comme les oiseaux.
Jéhovah-Dieu est donc dit faire germer dans
Phomme externe ou naturel, toutes les affections
du bien et du vrai, pour les amener vers
l'homme, afin qu'il vît comment ils les nom­
merait. 01', chaque nom que l'homme donnait à
uue âme vivante, c'est-à-dire, à ce qu'il y avaIt
de vivant en l'homme « c'était son nom~, ainsi
sa véritable qualification. Au verset suivant, il
est ajouté que « l'homme donnait des noms à
" toute bête et à l'oiseau des cieux, et à toute
" bête du champ », et cependant malgré la pos­
session de toutes ces richesses spirituelles, qui
consistaient dans toutes les affections du bien
et du vrai, l'homme ne trouvait pas" un aide
comme chez lui. »
222. Il nous reste à voir maintenant, comment
la Genèse enseigne, que ce désir de l'homme
de ~e senlir en pos:session d'un aide comme
chez lui, est enfi.n satisfait, mais d'une manière
LE DÉCLIN D'UN BEAU JOUR 309
JIui ne lui soit pas trop nuisible, afin qu'il puisse
encore jouir des joies du jardin d'Eden.
Il est dit: c Jéhovah-Dieu fit tomber un as­
soupissement sur l'homme et Il prit une de ses
côtes et 11 ferma la chair à sa place.» (Gen.rI.21.)
Il résulte de ce texte que le désir de l'homme
de ne plus se sentir seul en face de Dieu, est
une disposition qui le pou8se à s'abandonner de
plus en plus à l'amour de soi et à l'amour du
monde, ou à l'amour des cholles externes, dis­
position très fidèlement figurée par un assou­
pissement de la vie intérieure et élevée dans
laquelle l'homme s'était antérieurement complu
depuis qu'il était devenu céleste.
Cet homme par excellence qui est appelé
Adam est donc représenté comme tombé dans
un profond sommeil. Le sommeil a toujours
été dans la Bible le véritable symbole de
l'état naturel de l'homme, et la veille, le symbole
de son état spirituel. Nous vivons beaucoup
plus dans notre homme externe que dans notre
homme interne, à mesure que nous nous écar­
tons de la sagesse. C'est ce qui explique pour­
quoi la très Ancienne Eglise personnifiée dans
Adam, revêt ici la fùrme d'un culte d'un carac­
tère un peu plus externe, dans lequel l'amour
de soi en se réveillant se met en opposition
avec l'amour deDieu, qui se refroidit et s'assou­
pit. De là le besoin que l'homme éprouve d'avoir
un aide comme chez lui.
223. La satisfaction de ce besoin nouveau, de
l'homme céleste, est figurée dans la Genèse par
l'acte de prendre, durar.t l'assoupissement d'A­
dam, une de ses côtes, qui se revêt de chair et
se transforme en femme.
La côte est un os qui protège la poitrine et le
cœur de l'homme: c'est donc le symbole de
cette dureté du cœur vers laquelle l'homme
310 LE DÉCLIN D'UN llEAU JOUr-:.

commençait à pencl.ler, et à cause de laquelle


il était sur le point de perdre son état d'homme
céleste.
CeptJndant, ce désir de l'homme d'agir en
vertu d'un mobile qui lui soit propre, pouvait
être vivifié par le Seigneur, dès lors que l'homme
reconnaissait toujours, quoiquè plus faible­
ment, que le bien P.t le vrai ne sont pas en lui,
mais émanent de Dieu seul.
On retrouve ce symbole de la dureté du cœur
figuré par l'os dans d'autres passages de la
Bible comme dans Esale, qui dit : « Vos os ger­
« meront comme l'herbe. » (Esaïe LXVI, 14), et
notamment dans Ezéchiel, qui s'écrie: «Osse­
« ments desséchés,je vous donnerai des nerfs, je
«ferai croître sur vous de la chair, je vous cou­
« vrirai de peau, je mettrai en vous un e!'prit et
« vous vivrez.» (Ezéchiel, XXVII, 6.)
La femme qui apparaît comme le résultat
de cette vivification de la dureté du cœur de
l'homme, figure l'Eglise, car partout dans la
Bible, la femme a cette signification. Ceci posé,
tous les versets qui suivent et qui terminent le
chapitre II de la Genèse, deviennent faciles à
comprendre dans leur sens interne.
On lit: «Jéhovah-Dieu èdifia en femme la
«côte qu'il prit de l'homme et il l'amena vers
« l'homme ». En d'autres termes, le Seigneur re­
leva en propre vivifié par lui, le propre non vi·
vifié qui était tombé, et qu'il prit de l'homme,
etillui donna le propre vivifié par Lui. C'est
pourquoi, il est écrit dans le verset suivant:
« L'homme dit: cette fois c'est l'os dtl mes os
« et la chair de ma chair; à cause de cela, elle
« sera nommée épouse, parce qu'elle a été prise
« du mari »). (Genèse II. 22-23.)
Nous avons vu, en effet, lorsque nous nous
sommes occupés de la constitution du mariage,
LE DÉCLIN n'UN BEAU JOua 311
que l'union matrimoniale existe réellement,
lorsque l'épouse cherche toujours à réaliser la
pensée de son mari de manière que celui· ci
éprouve la' sensation de vivre ainsi dans sa
femme: alors ils sont dits être une seule chair,
parce qu'ils vivent dans la communauté des mê­
mes richesses spirituelles, et de la réalisation
du même bien.
Cette figure de la Genèse de l'union de deux
en une seule chair peut aussi exprimer le ma­
riage du Seigneur avec son Eglise, mais ici il
exprime plus particulièrement l'adjonction du
propre vivifié par le Seigneur dans l'homme
externe à son propre non vivifié dans l'homme
interne.
Il en résulte que l'homme céleste se trans­
forme ici en hommp céleste-spirituel, car il dé­
choit de son état él€lvé.
Pour bien préciser le caractère de cette pre­
mière déchéance de l'homme de l'Église Adami­
que il ya lieu d'observer que l'état de l'homme
céleste est tel que l'homme interne est distinct
de l'homme externe, et cela au point qu'il per­
ÇOit clairement ce qui appartient à l'interr.e et
ce qui appartient à l'externe; de plus, il per­
çoit aussi que SOli homme externe est gouverné
par le Seigneurau moyen de son homme interne.
M,iis cette postérité de la Très-Ancienne
Eglise désirait vivement revenir dans la vie
propre à l'homme externe, et s'éloigner de la
vie propre à l'homme interne. Il en résultait
que son état était changé, au point qu'elle ne
percevait plus, qué l'homme interne était dis­
tinct de l'homme externe; elle ne les voyait
plus que comme formant une seule chair. Cette
postérité inclinait donc vers l'adoption d'uu
culte religieux plus externe qui devenait, par
conséquent, céleste-spirituel, car c'était le pre­
:312 LE DÉC 1..1 l' D'UN BEAU JOUR

mier pas qu'il fallait faire, pour commencer à


déchoir de l'état d'intégrité de l'homme ce­
leste, sans pour cela avoir encore à perdre la
jouissance de toutes les joies du jardin de la
sagesse, dit Paradis terrestre. L'homme externe
qui absorbe l'homme interne au point de de­
venir comme une même chair avec lui, est ainsi
décrit dans le verset suivant: u C'est pourquoi
« le mari laissera son père et sa mère, s'atta­
« chera à son épouse et ils seront en une seule
« chair. »
Le mari signifie ici l'homme interne qui s'a­
bandonne pour ainsi dire lui-même: « laisser
son père et sa mère », ç'est laisser l'homme
interne, parce que l'homme interne est, en rea­
lité, celui qui conçoit et enfante l'homme ex":
terne. L'homme externe, à ses yeux, est donc
1e seul qui subsiste.
224. L'homme interne coopère à cette ab·
sorption de lui-même dans l'homme externe
pour bien se confondre avec celui-ci. Cepen­
dant, ils restent encore dans un état d'inno­
cence, car il est ajouté: « Ils furent tous deux
« nus, l'homme et son épouse, et ils ne rougirent
« point. ,,(Gen. II. 25.)
En effet, le Seigneur par l'assoupissement
d'Adam insinue l'innocence de l'ignorance dans
l'homme interne, afin de le maintenir autant
que possible dans son état d'intégrité.
'l'el fut le commencement de la fin de l'âge
d'or; ce fut aussi le déclin d'un beau jour.
CHAPITRE XXVII

La ohute de l'homme et la Rédemption.


225. Le bor. et le mauvais serpent; le premier figure l'homme
qui place les choses sensuelles à la dernière place; le
second figure celui chez qui les choses sensuelles prédo-
minent sur les vérités intérieures et supérieures. - 226. Le
chapitre III de la Genèse roule tout entier sur l'influence
nuisible du mauvais serpent. Le tort de nos premiers
parents, fut de déplacer l'arbre de la science pour le mettre
au centre du jardin de la sagesse, à la place qui devait
rester occupée par l'arbre de vie. L'esprit du bien t:nit la
science à la sagesse, mais l'esprit du mal subordonne la
sagesse à la science. - 2.27. Le serpent figure le sensuel,
la femme, l'amour de soi ou le propre, et le mari, la fa-
culté rationnelle, - 228. Les versets 7 à 15 décrivent la
perte de l'état d'innocence. Le vp·rset 14 décrit la malédic-
tion divine. Le verset 15 est l'annonce de la venue du Sei-
gneur parmi les hommes pour les racheter de la malédiction
céleste. Le serpent blesse le Seigneur au talon, parce que
c'est par les choses infimes et sensueiles que le serpent
doit obtenir une prééminence éphémère. - 229. Le ser-
pent d'airain élevé par Moïse dans le désert est l"em-
blême de notre naissance nouvelle lorsque nous compre-
nons assez le vrai pour l'appliquer à la vie. - 230. La
Rédemption est signifiée aussi par l'image du bon serpent.
Le bâton de Moïse qui se changeait en serpent signifie la
science séparée de la sagesse et le sensuel qui prédomina
sur Je spirituel. - 231. A moins qu'il n'y ait un divin
sensuel pour relever le sensuel humain de sa chute par
son isolement du spirituel, la mort et la résurrection du
Christ deviennent des choses vaines. - 232. L'église Ada_
mique est plus particulièrement décrite par la femme dans
les versets suivants. A partir du verset 20, il est fait une
récapitulation de ses différeots états de gloire et de chule.
Le verset 23 montre l'homme chassé du jardin de la sa-
gesse. Le verset 24 a pour objet de prémunir contre les
dangers de la profanation par les ~hérubil:s qui gardent
le chemin de l'arbre des vies. Le profanateur est celui
qui renie la verite après l'avoir reconnue de cœur.

27
314 LA CHUTE DE L'nOMME ET LA RÉOEMPTION

« Je mettrai de l'ini­
mitié entre toi el la
femme et eutre ta
semence et sa se­
men ce. Il t'écrasera
la tête et toi, tu la
blesseras au talon. "
(GIlI1. 111. 15).
225. Le serpent se glisse et rampe par des
ondulations qui parcourent tout son être et lui
communiquent la configuration des moindres
accidents du terrain sur lequel il se moule exac­
tement. Cet animaL a des points de ressemblance
avec l'esprit subtil du savant, qui ne recule pas
devant les laborieux tâtonnemenls de l'analyse
la plus minutieuse des phénomènes de la nature
physique. La circonspection est la qualité (Jomi·
nante chez le savant, comme chez le serpent
qui passe pour le plus prudent et le plus rusé
des animaux.
L'homme sage et intelligent place toujours les
choses sensuelles à la dernière place, parce
qu'elles cons ti tuent la vie puremen t extérieure
ou physique, et qu'elles appartiennent au monde
des effets, qui est bien au-dessous du monde
des causes. Mais l'homme qui est dépourvu de
sagesse renverse cet ordre: chez ce dernier,
les choses sensuelles pre nnen t la première place,
et elles prédominent sur les vérités supé­
rieures.
Les anciens prenaient le serpent comme
l'emblème de l'homme sensuel, dans le bon ou
le mauvais sens. Or, suivant que les vérités
sensuelles et extérieures étaient dominées par
les vérités intérieures et supérieures chez lui,
ou suivant qu'elles prédominaient sur celles-ci,
ils reconnaissaient un bOIl et un mauvais ser­
pent.
Si nous aimons les choses sensuelles, les
LA CHUTE DE I:HOM~IE ET LA nÉDEMPTlON 310
scènes et les charmes du monde extérieur, seu­
lement pour nous familiariser avec leurs uHages,
et ~ubordonner cet amour du sensuel à l'amour
plus élevé des vérites intérieures, nous sommes
suivant la parole du Christ: «Prudents comme
des serpent~ et simples comme des colombes. »
(Matth. X, 16.)
226. J\lais le chapitre III de la Genèse que
nous nous proposons d'étudier dans son sens in­
terne, roule tout entier sur l'influence nuisible
du mauvais serpent, ou de la prédominance que
nous donnons à l'amour des choses sensuelles.
Pareil à l'animal qui, suivant SOli eEpèce, ne
vit que dans une sphère particulière, l'homme
rétrécit son champ d'action, à mesure qu'une
passion predomine en lui, de manière à effacer
les sentiments supérieurs.
Le tort qu'eurent nos premiers parents fut
d'après l'enseignement de la Genèse de vouloir
manger du fruit de l'arbre Je la science et de
délaisser le fruit de l'arbre de vie, primitive­
ment placé au milieu du jardin de la sagesse,
dit Paradis terrestre, Ils déplacèrent l'arbre de
la science pour le mettre il. la place de l'arbre
de vie, au milieu du jardin d'une sagesse IJOU­
velie imaginée par eux, mais déchue de l'état
d'innocence.
L'innocence de la sagesse consisttJ à se lais·
sel' conduire par le Seigneur ou. par sa Vérité,
et l'on sort de cet état d'innocence, lorsqu'on
veut se conduire soi-même. Cela revient à
dire, que nos premiers parents voulurent se
guider dans la recherche de la vérité par eux­
mêmes, à l'aide seulement des connaissances
acquises par les sens physiques, ainsi par la
science seule à l' excl usion de la sagesse; ils
auraient dû se borner il. se servir de cette mé­
thode d'investigation encore peu développée
316 LA OHT:TE DE L'HOMME ET LA RÉDEMPTION

chez eux, pour confirmer les vérités spiri­


tuelles qu'ils apprenaient par une révélation
intérieure émanée directement de Dieu. l1elle­
ci était une lumière intilrieure de la pensée
qui était reconnue par eux comme provenant
de l'influx général du soleil spirituel; elle leur
faisait voir les vérités spirituelles intérieure­
ment, ainsi les causes dans leurs effets exter­
nes, tandis que la lumière du soleil naturel nous
fait voir ces vérités externes et scientifiques
extérieurement, ainsi par l'intermédiaire de
nos sens physiques.
L'esprit du bien unit donc la science à la sa­
gesse, c'est-à-dire, le côté externe des choses
aux vérités intérieures qui en forment l'âme et
la vie, mais l'esprit du mal cherche la science
à l'exclusion de la sagesse, ou il subordonne
celle-ci à celle-là.
C'est avec raison, que l'analyse distingue dans
la pensée l'objectif du subjectif; seulement ce
n'est là que la moitié de l'œuvre à réaliser, et
une moitié qui est morte, car c'est la synthèse
qui lui donne la vie. D'ailleurs, la science mise
en opposition avec la sagesse, ne peut servir
qu'à nier celle-ci, ou à nier graduellement tou­
tes les vérités spirituelles, au lieu de servir,
comme c'est son rôle à les confirmer, à les con­
solider et à les développer dans les applications
les plus étendues.
227. Mais pour mieux comprendre ces ensei­
gnements, examinons dans leur sens interne,
les principaux versets du chapitre III de la Ge­
nèse. Les hommes inspirés par l'amour de soi,
qui a été appelé « le propre » dans notre
examen du précédent chapitre, commencent à
ne plus croire que ce qu'ils peuvent saisir par
les sens; le sensuel est alors représenté par le
LA CHUTE DE L'HOMME ET LA RÉDEMPTioN 817

serpent, l'amour de soi ou le propre par la


femme et la faculté rationnelle par le mari.
Les six premiers versets ont donc pour but de
nous enseigner que le sensuel persuade au pro­
pre de l'homme, par la femme, d'examiner si
les vérités qui concernent la foi dans le Seigneur
sont certaines; il veut arriver à établir leur
évidence directement par les sens extérieurs
et la prouver ainsi, ce qui est signifié, par man­
ger de l'arbre de la science.
L'acquiescement donné par la t'acuIté ration­
nelle de l'homme est figuré par lemari, qui con·
sent à en manger,
228. Les versets 7 à 13 décrivent un nouvel état
de déchéance de l'Eglise Adamique, car dès le
verset 7, il est di t qu'alors « les yeux de tous
c deux furent ouverts et ils connurent qu'ils
« étaient nUS:l); ce qui signifie qu'intérieure.
ment, ils reconnurent qu'ils ne se trouvaient
plus comme auparavant, dans l'état d'innocence,
puisque la nudité devenait pour èux. une honte
et un scandale, qui les obligeaient à se faire
des ceintures.
On peut en conclure que, s'ils avaient cessé
d'être dans un état de bien spirituel, ils étaient
encore dans un état de bien naturel. Mais la
malédiction divine ne tarde pas à se manifester
au verset 14 et au verset 15. Jéhovah-Dieu s'a­
dresse ainsi au sensuel: ( Je m.ettrai de l'ini­
« mitié entre toi et la femme et entre ta semence
« et sa semence », ce qui revient à dire: je met­
trai de l'inimitié entre tout mal en général et
l'Eglise, et entre ton manque de foi et la foi dans
le Seigneur. Il est ajouté: Cl: Il t'écrasera la tête,
Cl: et toi, tu le blesseras au talon h. Il s'agit ici du

Seigneur qui, en écrasant la tête du serpent,


abaisse la domination du mal en général j le
sensuel, en blessant le Seigneur au talon~ le
.318 LA CHUTE DE L'HOMME ET LA RÉDEMPTiON

blesse dans son naturel infime, qui est son' cor­


porel.
Personne n'ignore, dans le monde chrétien,
que c'est là le premier texte de la Bible, qui
annonce la venue du Seigneur parmi les hom­
mes. On voit, dans ce passage, que la femme qui
s'est présentée précédemment comme l'em­
blème des choses externes et sensuelles qui sé­
duisirent l'homme, se présente aussi comme
l'emblème de l'Eglise, et par suïte, elle repré.
sente aussi le corps dans lequel le christ s'in­
carna pour écraser la tête du serpent, lorsque
le mal devra trouver son remède dans ses ex.cès
mêmes.
Le serpent blesse le Seigneur au talon, préci­
sément parce que c'est par les choses infimes et
sensuelles qu'il doit obtenir une prééminence
'éphémère.
La science, en s'isolant de la sagesse, est
devenue la cause de la ruine de la civilisation
antique; mais elle donnera plus tard, en s'é·
tendant à tùutes choses en général, le signal
de son ralliement à son ancienne compagne dé·
laissée, par l'influence directe d'une berme­
neutique nouvelle, celle du Verbe incarné.
229. Lorsque les Israélites d~ns le désert fu­
rent mordus par des serpents, Moïse en vertu
d'un ordre divin éleva sur une perche un ser­
pent d'airain, pour que ceux qui étaient mor·
dus (Nombres XXI. 9.), fu.ssent guéris en tour­
nant leurs regards vers ce serpent d'airain.
Cette guérison miraculeuse est l'emblème de
notre naissance à la vie spirituelle, lorsque
nous comprenons assez le vrai pour l'appliquer
à la vie.
C'est à ce serpent d'airain que le Seigneur
compard son œuvre dans le monde, lorsqu'il dit :
« De mêm e que Moïse éleva le serpent dans
LA CHUTE DE L'HOMME ET LA RÉDEMPTION 319
«: le désert, de même il faut que soit élevé le
«Fils de l'homme, afin que quiconque croit en
« Lui, ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éter-
«nelle ».
Le Seigneur prit donc sur Lui, cette nature du
serpent, cette nature sensuelle qui est la nôtre.
IlIa prit avec toutes ses erreurs et ses infir-
mités pour la rétablir dans son véritable ordre
céleste.
La rédemption est signifiée dans chacune de
ces images du serpent.
Dans l'une, le serpent est représenté comme
amenant l'homme à se croire semblable à Dieu,
qui connaît le bien et le mal, et il est prédit
que la tête du serpent sera écrasée.
Dans l'autre, un serpent de bronze est élevé
par l'ordre divin, guérissant celui qui le regar-
dait, des morsuras des serpents vénéneux.
Enfin, dans une troisième image, c'est le Fils
de l'homme qui est élevé d'une manière sem-
blable pour que quiconque croit en Lui puisse
avoir la l'ie éternelle.
230. On voit que dans chacune de ces trois
images il est fait allusion à la Rédemption, et
de leur ensemble il ressort cet enseignement,
que la vie naturelle lorsqu'elle s'inspire des
vérités spirituelles est bonne, sage, pure et
belle; une telle vie trouve son image dans le
bon serpent et aussi dans· le bâton que Moïse
tenait dans sa main. Mais ce bâton d'appui de
Muïse devint un serpent, dans le mauvais sens,
lorsqu'il fut jeté il. terre, c'est-il·dire, séparé de
la vie divine figurée par Mùïse ; cette sépara tion
représente, en effet, l'homme qui veut alors se
diriger par la science séparée de la sage~ se, sui-
vre sa propre voie eu dehors de celle qui lui est
tracée par le SeignE:ut'.
Un bâton signifie ce qui soutient l'homme, et
:320 LA CaUrE DE L'HOMME ET LA RÉDI'lMPTlON

par suite correspond à ce qui donne un 1\upport


à son corps llpirituel qui est son âme. Tous nos
cinq sens constituent un appui dans la main de
l'homme spirituel, car pour que celui-ci s'affer­
misse et développe sa vue spirituelle, il est né·
cessaire que sa religion lui fournisse à la fois
des enseignements naturels et des enseigne­
ments spirituels.
Le bâton représente chez l'homme naturel,
la vie naturelle dans son état de subordination
à l'homme spirituel, car il sert comme appui,
de même que la pratique des commandements
de Dieu est un ferme appui pour notre homme
spirituel.
L'Eglise qui ignore les vérités scientifiques
est impuissante et faible, mais l'Eglise qui les
lient dans sa main ou dans sa puissance, et s'en
sert comme d'un appui, est puissante et forte.
A cette E~lise, le Seigneur révèle la vraie doc­
trine, et lui ouvre le sens interne de la Parole:
telle sera l'Eglise de la Nouvelle Jérusalem.
Cette Eglise fera de merveilleux progrès sur
cette terre, parce qu'elle tient la science comme
un bâton d'appui dans sa main.
Lorsque la géologie fut créée. l'ancienne ma­
nière d'entendre littéralement les saintes Ecri­
tures, fut êntièrement discréditée, car pour tous
ceux qui pen5ent, tout était fini avec rinterpré­
tation littérale des onze premiers chapitres de
la Genèse. Mais pour la Nouvelle Eglise, c'était
un bâton qui ne peut devenir un serpent, que
s'il est jeté à terre: or, la Nouvelle Eglise sait,
le saisir, et alors il devient pour elle un appui
tel qu'elle le tient solidement de nos jours.
La vraie théologie ne se détourne jamais de
la vraie science: Dieu est à la fois l'auteur de
la Parole révélée et de la nature, de telle sorte
que la contradiction entre les deux ne peut
LA CHUTE DE L'HOMME ET LA aÉDIU!PTION 3Zf
exister pour la Nouvelle Eglise, qui est destinée
à lire couramment la sagesse de Dieu dans la
Bible de la nature, comme dans la Bible écrite,
Séparé du mental interne, jeté à terre, le
mental externe ou naturel, devient la proie des
illusions sensuelles, et tous ses raisonnements.
sont faux; c'est ainsi qu'il devient un serpent,
croyant aux illusions des sens; il transforme
80n bâton d'appui en Uil. serpent de sensualité
et de méchanceté, rampant à terre et mangeant
la poussière, croyant même que tous ceux-là
sont ignorants et stupides, qui marchent droit
et préfèrent une nourriture différente.
Comment le serpent doit-il être saisi de ma­
nière à redevenir un bâton d'appui î Nous qui
avons été piqués par les serpents, comment de­
vons-nous être guéris de nos morsures, de ma­
nière à ce que nous puissions vivre? La science,
comme le serpent en Eden, devait nous servir à
marcher droit: c'était le Qessein de Dieu de
nous faire prendre ce serpent pour bâton d'appui,
cette vie naturelle, la nôtre, en l'unissant à
notre vie spirituelle, en la convertissant en un
bâton d'appui.
C'est pourquoi Dieu dit à Moïse:« Etends ta
« main et prends la queue du serpent. )) (Exode
IV. 1-4.)
C'est ce que nous devons faire; mais d'abord,
il faut s'enfuir de lui, car Moïse, en se sauvant
du serpent, nous enseigne l'horreur que nous
devons éprouver à la vue de nos maux, Notre
mental nalurelreste un serpent, s'il n'est pas
changé en un bâton ù'appui. S'il est dit dans
l'Exode qu'en le prenant, nous devons le saisir
par la queue, c'est parce que la queue du ser­
pent correspond aux choses dernières du men­
tal naturel-sensuel. Toutes les pensées sen­
suelles forment la queue du serpent, et c'est par
322 LA CHUTE DE L'HOMME ET LA RÉDEMPTION

la subordination de ces pensées sensuelles aux


vérités antérieures et supérieures que nous de­
vons commencer notre régénération.
Le Seigneur a fait tout son possible pOUl' nous
aider dans cette l'oie, car Il descendit ~ur le
plan de notre vie naturelle et sensuelle; c'est
ainsi qu'il éleva de terre le serpent et qu'Il en
fit un bâton d'appui, dans la malO de sa Divinité.
Ce que nous ne pouvons faire par nous-mêmes,
a été fait pour nous. La puissance du mal a été
brisée; la tête du serpent a été écrasée. Ces illu­
sions de la vie du serpent ont été dissipées;
l'ancien serpent a été lié au fond de l'abîme.
La malédiction a été éloignée de la femme et
de l'homme; la mort et l'enfer ont été conquis
et toutes les créatures ont été rachetées. Œuvre
merveilleuse de la Rédemption! Aussi, le Sei­
gneur s'écrie: c Et Moi, quand j'aurai été élevé
« de terre, je tirerai tout à Mùi »(Jfan XII, 32).
231. A moins qu'il n'y ait un divin sensuel pour
relever le sensuel humain de sa chute, la vie,
la mort et la résurrection du Christ rleviennent
des choses vaines. Sans ce divin sensuel, il n'y
aurait aucune salvation pour nos âmes, aucun
remède contre la morsure du serpent. Mais le
Christ a pris notre nature physique pécheresse
entière sur Lui, afin de 1I0US entrainer avec
Lui à combattre victorieusement le péché d'A­
dam, notre mal héréditaire. C'est pour être
vainqueur dans ce combat contre le mal hérédi­
taire qu'il tenait de Marie, qu'il a souffert et
qu'il a été tenté comme nous le sommes. Il a été
mordu comme nous le sommes par des serpents
et Il figura Lui-même le serpent d'airain, lors­
qu'Il devint le degré sensuel divin par sa nature
humaine glorifiée. C'est pourquoi Il nous dit:
« Voicije vous ai donné le pouvoir de marcher
c sur serpents et scorpions et sur toute la pui s­
LA CHUTE DE L'HOMME ET LA RÉDEMPTION 323
ct sance de l'ennemi et rien ne vous nuira. »
(Luc X. 18.)
Le viel Adam, notre propre, nous empêche de
voir, de savoir, de croire, et de réaliser nos
états réels qui sont intérieurs et spirituels; son
péché héréditaire se répète et s'aggrave de gé­
nération en génération. Mais à mesure que ce
propre est détruit en nous, c?ndamné et chassé,
dans cette même mesure, nous sommes capa­
bles de voir le vrai, de connaître Dieu et de re­
devenir un avec Lui et avec l'humanité rache­
tée.
Voilà pourquoi aussi le Seigneur est venu dans
le monde; voilà pourquoi Il s'est incarné: c'est
pour écraser l'amour trop exclusif des choses
externes ou sensuelles; c'est pour écraser la
tête. c'est-à·dire le pouvoir dominant du ser­
pent.
232. Dans les versets suivants du chapitre III
de la Genèse, l'Eg!iseAdamique est plus ample­
ment décrite sous l'emblème de la femme; elle
s'aima elle-même ou elle aima le propre, au
point de ne plus rien pouvoir saisir du vrai,
quoiqu'il lui eût été dunné une faculté ration­
nelle pour dominer; mais celle-ci se corrompit,
de sorte que la raison fut détruite et que le rai­
sonnement seul resta.
A partir du verset 20, il est tait une récapitu­
lation des différents états de gloire et de chute
de l'Eglise Adamique; le verset 23 nous montre
l'homme chassé du jardin de la sagesse, dit Pa­
radis terrestre. Il est dit, au verset 24 et der­
nier: « Il chassa l'homme et fit habiter du côté
{( de l'Orient vers le jardin d'Eden, les chéru­
« bins et la flamme du glaive qui tourne pour
« garder le chemin des vies. »
On voit ici combien le sens de la lettre de la
Parole révélée peut voiler comme la nuée le.
:;24 LA CHUIE DE L'HOM Mg ET LA HÊDEMPTION

sens spirituel, et ainsi ce sens de la lettre de­


vient une garde qui est figurée par les chéru­
bins.
En effet, celui qui est enclin à profaner les
vérités spirituelles cachées sous la lettre de la
Parole, est empêché comme par une garde, d'en
pénétrer le sens, tandis que celui qui s'en sert
d'après l'amour du bien, pour enseigner et con·
firmer le vrai, peut en pénétrer le sens et il
progresse en sainteté et en capacité.
Ainsi la divine Providence détourne l'homme,
autant que cela est possible, sans violenter son
libre arbitre de la connaissance de la vérité,
lorsqu'elle est trop élevée pour lui. C'est une
loi providentielle qui a été faite en raison de ce
que le sort de celui qui renie la vérité après
l'avoir reconnue de cœur est des plus tristes.
En effet, dans le vrai en lui, est caché le
faux, dans le bien est caché le mal comme un
venin secret: de même dans le blé, il Y a 80U­
vent l'ivraie; celui qui mange le pain de blé
mélangé à l'ivraie éprouve des nausées, le coma,
ou les convulsions: or, le blé figure le bien,
l'ivraie le mal. Aussi, de tels hommes éprouvent
comme un vomissement; ils sont qualifiés par
le Seigneur de : (1: Race de vipères ) (Matth.
XII, 34, XXIII, 33.)
Mais lorsque nous avons lutté contre le mal et
le faux et que nous devenons vainqueurs par
l'aide du bien et du vrai divins, dans nos com­
bats pour la régénération, nous nous relevons
de la chute dans le naturalisme: alors la paix
et le bonheur sont restaurés en nous-mêmes, et
nous réalisons les bonnes paroles de la divine
promesse, car nous retrouvons le paradis et son
arbre de vie, annoncés dans l'Apocalypse:« A
c celui qui vaincra je lui donnerai à manger de
c l'arbre de la vie, qui est dans le milieu du pa.
c radis de Dieu. »(Apoc. II, 7.)
CHAPITRE XXVIII

Le Déluge
233. Le déluge dont il est question dans la Bible, n'a pour
objet que de décrire IIgurativement un déluge de maux
qUI mit fin à l'Eglise Adamique. A celle-ci succéda l'E­
glise de Noé. - 234. Les fils de Dieu personnifient les
points de doctrine de la foi; les filles des hommes, les
cupidités; de leurs mariages naissent les géants dits Né­
philim. Le déluge de Noé est si peu un déluge universel,
qu'il laisse les Néphilim vivants; les Israélites constatent
leur existence dans la terre promise. - 235. Il n'y a pas
de conjonctIOn possible avec Dieu, c'est-à-dire avec la
v<!rité spirituelle, s'il n'y a pas quelque part sur la terre,
une EglIse qui soit en possession de la Parole révélée, et
qui, par elle, connaisse la vérité. Tous les hommes dans
le ciel et sur la terre sont présents devant Je Seigneur
sous une forme humaine générale dite Très-Grand-Homme,
ou Macro-Urane; le Seigneur en est l'âme et la vie. Les
Eglises et les hommes qui possèdent la Parole révélée
sont comme le cœur et le poumon de ce Très-Grand­
Homme. Mais lorsque ces Eglises tombent en décadence,
l'humanité est menacée du péril d'une interruption de
toute communication, entre le Ciel et la terre, péril très
sérieux, parce que le monde terrestre est la pépinière des
Cieux. - 236. L'Eglise universelle est partout sur Je
globe entier, bien qu'elle soit plus spécialement où il y a
la Parole rèvélèe. Chacune des Eglises du passé a repré­
senté tour à tour le Tri>s-Grand·Homme. Ainsi, tous les
patriarches qui sont nommés comme ayant formé la pos­
térité d'Adam, indiquent autant de modifications subies
par le Très-Grand-Homme à. la suite des siècles, autant
de modifications du génie des sociétés humaines. 11 en est
de même des patriarches nommés comme formant la pos­
térité de Noé: tous personnifient des variétés nombreuses
d'Eglises; c'est dans le style mythique que sont écrits les
onze premiers chapitres de la Genèse. - 237. Noé, avec
ses 950 années d'existence, a re.ndu perplexes ceux qui
n'acceptent que le seus littéral de la Bible, mais c'était la
coutume de grouper sous un même nom, tous ceux qui
étaient du même sentiment. - 238. Le langage des nom·
bres nous montre ce que si~nlfie le chiffre quI représente
l'âge de Noé. S'il est dit qu il vécut 350 ans après le dé­
luge, c'est parce que ce nombre signifie la décadence, ici
la fin de l'Eglii>e Adamique et une dispensation nouvelle
eD mème temps.
28
326 LE DELUGE

« Noé vécut après le déluge


trois cent cinquante ans, et
tous les jours de Noé furen t
neuf cent cinquante ans et il
mourut._(Genèse IX. 28,29).

233. Nous nous propbsons de montrer que le


déluge dont il est question dans la Bible n'a
pour objet que de décrire figurativement un
déluge de maux, qui mit fi n à l'Eglise Adamique
dite Très-Ancienne, et que le patriarche Noé
qui est représenté comme ayant vécu neuf cent
cinquante ans, embrasse dans le sens figuratif
de ce nombre 950, toute l'histoire de l'Eglise
Ancienne qui succéda à la précédente Eglise.
Lafln d'une Eglise est souvent décrite dans
la Bible sous la figure d'un déluge ou d'une
inondation bien qu'il ne s'agisse, en réalité, que
d'un déluge de maux et de faux qui annonce
cette fin. Cela tient à ce que dans la Parole
révélée, le Vrai qui émane de Dieu seul est
considéré comme provenant d'une source d'eau
vive; mais quand cette eau prend les propor­
tions d'un torrent ou d'une inondation au lieu de
signifier le vrai, elle signifie le faux qui alors
submerge tout.
C'est pourquoi le prophète Daniel annonce la
fin de l'J~glise Israélite ell la présentant co mme
une inondation (Dan. IX. 26). De même le pro­
phète EsaÏe dit, pour annoncer aussi la fin de la
même Eglise:c Voici venir de par le Seigneur
»un homme fort et puissant, comme un ouragan
~ de grè1e, un ouragan destructeur, comme une
)1 tempête qui précipite des torrents d'eaux. »
(EsaïeXXVlII. 2.)
Les eaux d'an torrent, d'un fleuve ou d'un dé­
luge, sont des expressions usuelles dans la Bible
pour d,écrire les fausses doctrines qui prevalent
LE DÉLUGE 327
et submergent tout bien et tout vrai dans les
âmes des hommes; les principes irréligieux
abondent dans ces époques de trouble et étouf­
fent toutes les saines doctrines; alors, les tradi.
tions des hommes wnt mises à la place des
enseignements divins.
C'est pourquoi le Seigneur dit en faisant allu­
sion à son second Avènement:
« Comme furent les jours de Noé, de même
»aussi l'Avènement du Fils de l'homme.» (Matth.
XXIV 37).
234. Mais il y a certaines particularités qui
sont propres à la fin de chaque Eglise: ainsi lors
du déluge de Noé il est dit: " Il Y avait en ces
» jours.,.là des Néphilim(des géants), et surtout
»après gue, les fils de Dieu furent entrés vers
» les filles des hommes et eurent engendré avec
Ji) elles. li> (Genèse VI. 4).

Lefl fils de Dieu personnifient les points de


doctrine de la foi et les filles des hommes, les
cupidités avec lesquelles furent mélangés les
principes religieux; il en résulta la naissance
des Néphilim ou des géants. Ils sont ainsi appe­
lés à cause de l'orgueil dont ils étaient gonflés.
On peut retrouver dans cette figure biblique
l'histoire mythologique des géants qui essayè­
rent d'escalader le Ciel, mais ils' furent exter­
minés par Jupiter à l'aide d'Hercule. Dans notre
Bible, ce sera Noé et ses trois fils qui seront
leurs vainqueurs.
L'histoire du déluge ue Noé ne peut être ac­
ceptée que dans le sens symbolique, car ce dé­
luge, bien loin de détruire tous les hommes, à
l'exception de la famille de Noé, ainsi qu'on
pourrait le croire si on l'acceptait dans le sens
littéral, laisse vivants les Néphilirn. En effet,
ceux qui furent chargés plus tard d'apporter
aux Israélites des renseignements sur la terre
328 LE D"ÊLUGE

promise, ont dit: «Et là MUS vîmes les Nephi­


«Jim (les géants), les fils d'Anak qui descendent
«des Néphilim. »(Nombres XIII. 34.)
La corruption dans laquelle la postérité de la
Très-Ancienne Eglise tomba, était telle qu'on
lit dans la Genèse: « Jéhovah vit que le mal de
«l'homme était multiplié sur la terre et que toute
« l'imagination des pensées de son cœur n'était
«que mal chaque jour. Et Jéhovah se repentitde
« ce qu'il avait fait l'homme sur la terre et il s'en
«affligea jusque dans son cœur.« (Gtnèse VI.5.6.)
Cela revient à dire: c le Seigneur vit que la
volonté du bien commença à être nulle et qu'il
n'y avait plus de perception de vrai et de bien j
alors il eut compassion dans sa sagesse et Il
s'affligea dans son amour ».
En effet, le Seigneur ne peut pas se repentir
ainsi que cela est enseigné dans la Bible: «Dieu
«n'est point un homme pour mentir, ni fils d'un
« homme pour se repentir.» (Nombres XXIII.19.)
Lorsque les leçons de la sagesse divine cessent
de nous agréer, il nous semble que le Seigneur
se repent et change d'avis, mais ce n'est là
qu'une apparence; il est dit en effet: « Je Suis
« l'Eternel, Je ne change pas.) (Malachie III. 6).
En réalité, le déluge bien que n'étant qu'un
déluge de maux, fut d'un caractère plus sérieux
qu'aucun déluge d'eaux, car il entraîna la perte
des âmes. C'est là le vrai déluge qui prévaut à
la fin de toute Eglise, bien que l'histoire de
chacune de ces déchéances d'Eglises demande
à être dépeinte par des caractères distinctifs.
On a agitè la question de savoir pourquoi ce
déluge de maux qui décrit la fin de l'Eglise
Très-Ancienne ou de l'âge d'or, n'aurait pas pu
être en même temps un déluge d'eaux, ce qui
en aurait fait aussi une leçon des choses spiri­
tuelles par une leçon des choses naturelles; de
LE DÉLUGE 329
même on pourrait admettre qu'une race parti­
culière de géants à laquelle il est fait allusion
(Genèse VI. 4, Nombres XIII. 34) a réellement
existé sur la terre. Mais la géologie nous ensei­
gne qu'il n'y a aucune trace de déluge uni ver­
sel sur la terre; en ce qui concerne les géants
on signale bien quelques exemples particuliers,
mais on n'a aucune preuve sérieuse de l'existen­
ce de toute une race d'hommes qu'on puis3e sé­
rieusement qualifier de géants.
Si donc le déluge est décrit comme universel
au point de couvrir les plus hautes montagnes
(Genèse VII. 19.), c"est parce que c'était l'usage
des hommes primitifs d'entendre le langage
figuré non pas dans les mots, non pas dans les
signes, mais dans les choses signifiées par des
images ou par des hiéroglyphes. Or, il s'agissait
ici de décrire un déluge de maux submergeant
tous les hommes, mais non en réalité toute la
terre.
D'ailleurs un déluge assez grand pour couvrir
toutes les montagnes les plus hautes, suppose­
rait une bien plus grande quantité d'eaux que
toutes celles qui existent sur notre globe; il y a
donc aussi une impossibilité matérielle à admet­
tre le texte' dans son sens littéral.
235. Toutes les hypothèses que nous pouvons
imaginer pour comprendre le déluge de Noé
nous ramènent donc toujours à cette conclusion
qu'il s'agit, en réalité, d'un déluge de maux
qui détruisit l'Eglise et la civilisation de l'hu­
manité primitive.
Mai::; il faut encore admettre qu'une nouvelle
Eglise, qu'une nouvelle civilisation a du être
édifiée sur les ruines de l'ancienne.
En effet, il n'y a pas de cODjonction possible
avec Dieu, c'est-à-dire avec la vérité spiri­
tuelle, la seule qui puisse alimenter nos âmes,
330 LE DÉLUGE

s'i! n'y a pas quelque part sur la terre une


Eglise qui soit en possession de la Parole ré­
vélée et qui par elle connaisse la Vérité.
Cette vérité révélée est le trait d'union ou le
moyen d"e conjonction entre le Ciel et la terre.
Nous avons vu, (ci-dessus no 100, in fine) que
tous les hommes dans le Oiel comme sur la
terre sout dans le monde spirituel, devant le
Seigneur comme un seul homme, et qu'ils doi­
vent ainsi présenter spirituellement une forme
humaine générale. Celle-Cl embrasse l'en­
gemble de tous les usages des organes du corps
humain, usages qui expriment ou font naître
spi rituellement à la vie, les affections des so­
ciétés angéllques.
Le Seigneur est le centre et la source de
toutes ces affections dont l'ensemble figure
spirituellement la forme humaine. Il est l'âme ou
la vie de ce Très·Grand Homme, ditGrand Monde
ou Macro-Urane, dont chaque organe repré­
sente dans le Ciel autant de demeures distinc­
tes pour les sociétés angil1iques qui, elles-mê·
mes sont les organes de la vie de Dieu. De plus,
les Eglises et les hommes qui lisent la Parole
révélée et qui la méditent de malllère à entre­
tenir cette communication entre le ciel et la
terre, et de manière à y puiser les enseigne­
ments de la sagesse divine, forment spirituelle­
ment le cœur et le poumon de ce Três-Gralld
Homme: le royaume céleste du Seigneur en est
comme le cœur et le royaume spirituel en est
comme le poumon.
Dans le corps humain, tous les autres or­
ganes, les membres et les viscères subsistent
et vivent d'après le cœur etle poumon, qui cor­
respondent à la volonté et à l'entendement.
De même tous les habitants du monde ter­
restre qui adorent un seul Dieu et qui vi vent
LE DÉLUGE 331
bien, font partie intégrante de ce Très-Grand
Homme spirituel, fussent-ils en dehors de son
cœul' et de son poumon, c'est-à-dire en dehors
des Eglises qui connaissent la Parole révé­
lée; mais lorsque celles-ci tombent en déca­
dence, l'humanité est menacée du péril d'une
interruption de toute communication entre le
ciel et la terre, c'est-à.dire, du péril de la ces­
sation de toute conjonction de Dieu avec
l'homme.
Ce péril est très sérieux, car le monde ter­
restre est la pépinière des cieux. C'est pour­
quoi il faut qu'il y ait toujours sur la terre une
Eglise assez proche de la vérité, pour être sus­
ceptible d'exercer une influence providentielle,
plus ou moins directe sur les sociétés hu­
maines et sur tous les· hommes indistincte­
ment.
236. Il en résulte que l'Eglise universelle est
partout sur le globe entier quoiqu'elle soit spé­
cialemen.t là où le Seigneur est reconnu et où il
y a la Parole révélée. Or, les quatre Eglises du
passé figurées par les quatre âges du monde,
ont eu tour à tour la Parole révélée i mais elles
sont l'une après l'autre tombées en décadence,de
telle sorte que la suivante a été édifiée sur les
ruines de la précédente. C'est ainsi que l'Eglise
chrétienne de l'avenir, la cinquième et der­
nière Eglise, doit s'élever sur les ruines des
précédentes. Or' chacune d'elles a modifié le
Très-Grand Homme; celui-ci doit toujours res­
ter en présence du Seigneur pour que la conjonc­
tion entre le ciel et la terre puisse continuer.
La première Eglise, ainsi que nous l'avons vu,
a été personifiée dans Adam qui représentait
sur la terre, le Très-Grand Homme de l'âge
d'or, et la seconde, qui lui a succédé, a été per­
332 LE DÉLUGE

sonnifiée dans Noé qui représ entait, sur la terre,


le Très-G rand Homme au point de vue de l'âge
d'argen t. Il en a été de même de toutes les
Eglise s particu lières qui ont été person nifiées
dans la Bible sous différents noms de pa­
triarch es. Ainsi, tous les patriar ches qui sont
nommés comme ayant formé la postéri té
d'Adam, représ entent autant de transfo rma­
tions et de modifications de ce Très-G rand
Homme, à la suite des siècles et des modifica­
tions du génie des société s humain es.
En effet, l'Eglis e Adamique après avoir at­
teint l'éléva tion de l'homm e céleste fut chassé e
du Paradi s terrest re; puis elle se corrom pit
de plus en plus jusqu'à ce qu'elle périt dans
le déluge ; alors une nouvel le Eglise fut formée
par Noé qui représ enta sur la terre le Très­
Grand Homme comme Eglise spiritu elle et
qui caracté risa l'âge d'argen t.
La Très Ancienne Eglise de même que l'E­
glise de Noé dite Ancien ne, est représ entée par
des variété s nombr buses d'Eglises qui sont
chacun e désign ées dans la Bible par un nom
différent de patriar che dont il est dit qu'il a vécu
plusieu rs siècles . Les fils et les filles de chacun de
ces patriar ches person nifient autant de modifica·
tions de l'Eglis e princip ale dont ils descen dent,
et représ entent sur la terre autant de modifica­
tions du Très grand homme, suivan t les varia­
tions du génie des société s humai nes; ses fils,
lorsqu' il s'agit de disting uer l'Eglis e par une
modification dans la qualité du vrai qui la ca­
ractéri sait primit ivemen t; ses filles, lorsqu e
c'est une modification dans la qualité du bien de
ce vrai qui est entend ue.
Chaque nom de person nage dans les onze
premie rs chapit res de la Genèse, ainsi que
leurs centain es d'anné es d'exist ence, décrit
LE D"ÉLUGB 333
avec la brièveté du style mythique, quelque
état ou quelque caractère nouveau qui distingue
l'Eglise et la représente telle qu'elle a été dans
les âges du passé.
Lorsque l'Eglise adamique est consommée ou
qu'elle arrive à sa fin, elle est submergée dans
un déluge de taux, alors l'Eglise de Noé lui
succède.
237. Noé avec ses neuf cent cinquante années
d'existence,a rendu très perplexe tous ceux qui
s'imaginaient, que le texte des onze premiers
chapitres de la Genèse était écrit dans le
même style historique que le chapitre XlI qui
entame l'histoire d'Abraham. Mais le style his­
torique lui·méme èst une histoire spirituelle,
qui de même que le style mythique, est écrite
sous la forme d'une histoire naturelle.
C'est par suite de cette méprise qu'un auteur
français bien connu, le célèbre Rollin, qui com­
mence l'histoire des Assyriens, à un siècle seu­
lement de la date supposée du déluge, se trouve
très embarrassé de voir qu'ils forment un grand
empire avec d'immenses armées, des millions
de fantassins et des centaines de mille de cava­
liers; qu'ils ont des villes nombreuses et qu'ils
font la guerre dans des. contrée éloignées aussi
populeuses que leur pays.
Voilà un fait assez frappant pour nous ouvrir
les yeux sur la valeur de la longévité des pa­
triarches.
Mais dans le langage de la sagesse divine,
qui voile presque toujours le sens spirituel de
ses enseignements, de même que le corps spiri­
tuel de l'homme est voilé par son corps naturel,
le deI entier est tiguré par un Ange (Psaume
XXXIV, 8); une nation est comparée à un
homme (Ezechiel, XXXI); une hérésie est com­
parée à Babylone, qui est dite la mère des im­
334 LE DÉLUGE

pudicités (Apoc. XVIII. 5.); un grand nombre


d'esprits est nommée légion, (Marc. V. 9) et
l'Eglise est dite ne former qu'un seul corps, (I
Corinth. XII. 27;.
On voit que c'était la coutume des anciens de
grouper ainsi,sous un même nom, tous ceux qui
étaient du même sentiment; ils étaient considé·
rés comme s'ils ne formaient qu'un seul ètre.
Tous les patriarches dont il est question dans le
style mythique des onze premiers chapitres de
la Genèse, ne nous indiquent pas autre chose
que l'énonciation sommaire des modifications
que subirent la Très-Ancienne Eglise et l'Eglise
ancienne, à la suite des temps.
De plus chacun de ces noms a sa signification
particulière en langue hébraïque. Par exemple,
le nom de Noé e8t un mot qui signHie en Hébreu
consolation ou repos, ce qui indique son carac­
tère représentatif; c'est une Eglise nouvelle et
meilleure sulJstituée à celle qui fut déchue et
submergée dans un déluge de faux.
L'Eglise de Noé ou l'Eglise Ancienne repré­
sente une nouvelle ère, un nouvel âge, une re­
naissance des scciétés humaines.
238. Peut-on supposer, en effet, qu'un homme
vivrait cinq cents ans avant d'avoir eu des en­
fants! Cependant il nous est bien dit que Noé
fut âgé de cinq cents ans avant d'avoir eu des
enfants, et que c'est alors !;eulement que naqui.
rent ses trois fils, Sem, Cham et Japhet (Gen.
V. 32). De plus, comme Noé vécu t trois cent cin­
quante ans après le déluge, il a du vivre encore
plus de soixante ans après la naissance d'Abra­
ham, car d'après les dates indiquées dans le
onzième chapitre de la Genèse, Abraham naquit
deux cent quatre vingt douze ans après le dé­
lUBe.
LE DÉLUGE 365
En réalité, l'Eglise qu'elle soit composée d'un
grand ou d'un petit nombre d'hommes, est figu­
rée dans le style mythique de la Bible, soit par
un homme, soit par une femme, suivant le ca­
ractère des Eglises auxquelles elle succède.
Ainsi que nous l'flvons expliqué déjà, il faut
observer au sujet des nombres indiqués dans
la Bible que l'addition des centaines ou des
mille ne fait aucune différence, en ce qui con­
cerne la signification spirituelle des chiffres.
Il s'agit, en effet, de trouver le vrai sens du
langage spirituel des nombres; or, un langage
spirituel suppose un langage tout à fait en
dehors des idées d'espaces et de temps, c'e~t­
à-dire en dehors des idées de grandeurs et de
quantités; celles-ci sont remplacées par des
idées de qualités. Dans un tel langage, tout ac­
croissement dans l'étendue ou dans l'espace,
indiqué seulement la répétition des mêmes
principes déjà nommés; ce qui revient à l'acte
de souligner une idée d'autant plus souvent
qu'on entend s'y appuyer plus sensiblement.
Le nombre cinq cents, signifie donc la mêm(l
chose que cinq; six cents, la même chose que
six, et trois cent cinquante, la même chose que
trais et demi.
Le chiffre cinq, ainsi que nous l'avons vu
précédemment (v. na i 11 ci-dessus), signifie
peu de chose. Le nombre six nous rappelle les
six jours de travail par lesquels doit passer
l'âme humaine avalit d'aboutir au septième jour
qui est le Jour de sa régénération.
Les premiers six cents ans de l'âge de Noé
représentent donc les six phases de cette régé­
nération. Trois cents, ou trois sont des nombres
qui indiquent une fin à laquelle on est pleille­
ment arrivé, parce que trois suppose les trois
éléments de l'unité de tout acte humain, à sa­
336 LE DÉLUGE

voir la fin réalisée par la cause dans l'effet; et


ensuite cinquante ou une demie représente le
commencement d'une nouvelle chose, ici le
commencement d'une nouvelle Eglise, après 1a
décadence de l'Eglise de Noé, décadence indi­
quée par la mort de Noé. Nous verrons dans la
suite,qu'une seconde phase de l'Eglise Ancienne
est décrite par l'Eglise i'Héber, qui succéda à
celle de Noé, et gue sa troisième et dernière
phase fut l'Eglise Israélite.
Trois et demi est un nombre souvent men­
tionné dans l'Apocalypse, pour exprimer la plt3­
nitude de la fin d'une Eglise tombée et le com­
mencement d'unEl nouvelle Eglise, qui est édi­
fiée sur les ruines de l'ancienne.
C'est en vertu de cette signification de trois
et demi, qu'il est dit que Noé est mort trois
cent cinquante ans après le déluge.
Noé représente donc une dispensation nou­
velle, après la décadence et la fin de l'Eglise
adamique qui était déchue. Cela est indiqué
par le verset 28 qui dit qile Noé vécut après le
déluge 350 ans; mais tous les jours de Noé fu­
rent950 ans nous dit le verset 29, et «il mourut.»
Il résulte de la signification de ce nombre 950
que la dispensation nouvelle qui fut l'Eglise de
Noé, eut à son tour ses phases de décadence et,
finit par s'éteindre. Cette chute fut suivie d'une
dispensation nouvelle qui, ainsi que nous le ver­
rons dans la suite, fut un culte plus externe
personnifié dans Héber.
CHAPITRE XXIX

L'A.rche de Noé.
239. Des commencements de l'âge d'argent. Pourquoi l'his­
toire de l'arche de Noe ne peut être acceptée dans le sens
littéral. - 240. Des differentes arches dont il est question
dans la Bible; chacune d'elles représente l'Eglise; c'est
aussi l'Eglise qui sauve J'homme de tous· les déluges spi­
rituels, et lui donne par ses enseignements les moyens de
renaître à nouveau. Des origines de la Bi!lle ancienne qui
servit de Jévelation à l'Eglise de Noé. - 241. L'arche de
Noé est faite en bois de Gopher, à cause de la nature re­
sineuse et inflammable de ce bois, qui symbolise la phase
inférieure de la régénération de l'âme humaine. - 242.
Faire l'arche par loges signifie faire une scission entre la
volonté et J'entendement de l'homme. Cette scission était
devenue nécessaire pour que la volonté corrompue puisse
être régénérée par Ja lumière de l'entendement. Diflërences
de conformation clu crâne chez Je préadamite, chez l'homme
de l'âge d'or, chez l'homme de l'âge d'argent, et chez
l'homme actuel. - 243. Les trois dimemions de l'arche
sont tirées des nombres trois et cinq, pour faire entendre,
qu'à l'avenir, l'homme sera sauvé et régénéré par la lu­
mière du vrai. La fenêtre de l'arche signifie que l'entende­
ment de l'homme doit être ouvert, la volonte ayant éte
corrompue et par suite fermée. La porte indique le chemin
par lequel le vrai aura accès dans la volonté pour régenérer
celle-ci. - 244. Les trois étages de l'arche figurent les
trois régions du mental humain, et ainsi :es degrés natu­
rel, spirituel et céleste: ce sont les trois degrés de la régé­
nération qui correspondent aussi aux trois Cieux. - 245.
Les animaux impurs, de même que les animaux purs,
doivent entrer dans l'arche, parce que Je mal ne peut être
déraciné de l'ame humaine, avant que la régénération ne
s'opère. Cette régénération commence par la crainte de
Dieu avant de pouvoir se réaliser par la sagesse et par
l'amour de Dieu.
29
338 t.' ARCHE DE NOÉ

" Fais-toi une arche de bois


de Gopher : tu feras l'arche
par loges, et tu l'enduil as
de bitume en dedans et en
dehors." (Genèse VI. 14).

239. Noé symbolise l'Eglise spirituelle dite


Eglise Andenne; celle- ci répond à la belle dé­
nomination de l'âge d'argent, et elle représente
une deuxième civilisation des sociétés humai­
nes, qui avaient pour lien social, l'amour du
vrai pour le vrai.
Nous avons vu que la première civilisation
de l'humanité primitive, était représentée par
l'Eglise Adamique, dite Très-Ancienne; elle
avait pour lien social, l'amour du bien pour le
bien, et représentait l'âge d'or.
En ce qui concerne l'Eglise de Noé, il s'agit,
dans les chapilres VI à X de la Genèse, des dif­
férentes phases par lesquelles les hommes de
cette Eglise durent passer pour se régénérér
avec l'aide d'une nouyellc dispensation, et pour
s'élever, de l'état de naturalisme dans lequel ils
étaient tombés, à l'état spirituel.
De même .:rue pour l'lùstoire d'Adam el du dé­
luge, tout nous démontre l'impossibilité de
.comprendre l'histoire de l'arche de Noé, dans le
sens littéral.
En effet, l'ordre fut donné qu'un mâle et
qu'une femelle de toutes les espèces d'animaux
fussent introduits dans l'arche. Celle-ci avait
été construite dans une contrée située entre le
Tigre et l'Euphrate: les animaux devaiént donc
y venirde toutes les régions, de la terre quelque
distantes qu'elles fussent.
De notre temps, le plus grand navire qui fut
cODstruit,le « Great Eastern» peut nous servir de
terme de comparaison; ce navire avait, un "Yolu­
(
, ,
L ARCHE DE NOE 339
me d'un quart de plus que l'arche de Noé; il
pouvait contenir dix mille hommes; mais pour
aller aux Indes il ne pouvait prendrd à bord
. que quatre mille hommes. ])e plus, des ouver­
tures existaient tout autour, :le manière à per­
mettre à l'ait' de circuler dans le navire.
Or, il n'y avait dans l'arche de Noé qu'une
ouyerture pour une porte, et la porte fut fermée,
après que Noé fut entré; il Y avait encore une
fenêtre étroite placée en haut. Il ne pouvait
donc y pénétrer qu'un peu de lumière à l'étage
supérieur de l'arche, et les deux étages au-des­
sous devaient être absolument sombres. De
plus nous devons encore supposer dans l'arche,
la présence de milliers de créatures, toutes
dans l'obscurité et privées d'air pendant douze
mois: on ne pellt admettre qu'il tût possible de
les nourrir sans leur donner d'air.
L'arche de Noé devait encore porter ses
voyageur's durant une année, et avoir des pro­
visions pour deux ans au moins, car ils ne pou­
vaient se procurer aucun moyen de subsistance;
ils avaient à faire les semailles et à attendre une
autre moisson, après avoir quitté l'arche. Or,
cetle nourriture devait nécessiter un plus grand
emplacement que celui qui était occupé par les
animaux eux-mêmes; une autre difficulté surgit
pour la nourriture des carnassiers.
Il n'est pas besoin d'insister sur ces faits: il
suffit de les signaler pour reconnaître que le
sens littéral de cette histoire est inacceptable j
en réalité, il faut y voir une description d'une
grande catastrophe spirituelle, telle que celle
qui survient à la fin d'un cycle ou d'un âge du
monde, et aussi la description d'une dispensa­
tion nouvelle qui vient inaugurer une Douvelle
ère.
~e Seigneur est dit, avoir fait un déluge lors­
340 L'ARCHE DE NOÉ

que le mal et le faux eurent submergé tout ce qui


restait de bien et de vrai dans le cœur de la
généralité des hommes, et lorsque les restes'
du bien et du vrai qui avaient persisté chez quel­
ques-uns, eurent servi à Mifier une nouvelle
Eglise sur les ruines de l'ancienne, afin de sau.
ver du naufrage les âmes de ces quelques hom..
mes justes et intègres.
240. Il est question dans la Bible de différen­
tes arches: l'arche de Noé, l'arche de joncs,
par lequel Moïse fut sauvé des eaux, l'arche
d'or dans le Tabernacle chez les Israélites et
l'arche vue par Jean dans les Cieux (Apoc. XI.
19.)
Or, ëhacune de ces arches représente l'Eglise,

et c'est bien aussi l'Eglise qui sauve l'homme

de tous les déluges spirituels.

Il est dit au chapitre VI. 9 :


«Voici les nativités de Noé : Noé fut un

» homme juste et intègre dans ses générations;

» Noé marcha en lui·même avec Dieu. "

Cela revient à dire:


« Voici la description de la réformation ou
de la régénération de cette Eglise ancienne dite
de Noé: e-lle put recevoir la charité dans les
choses de la foi; la doctrine sur. la foi fut con..
servée pour l'usage de cette postérité. »
Cette interprétation se justifie d'elle-même
lorsqu'on observe que les nativités dont il s'a­
git ici, ne peuvent que se référer à la seconde
naissance de l'homme par la foi et par la cha­
rité. En ce qui concerne l'expression c marcher
avec Dieu », c'est une répétition de celle du
chap. V, vers. 22, 24, relativement à Hénoch.
Quelques hommes de la Très·Ancienne Eglise,
personnifiés dans Hénoch, réunirent en un corps
de doctrine les traditions principales de leur
Eglise pour l'usage de cette postérité nouve Ile
, ,
L ARCHE DE NOE 341
qui devait inaugurer l'Eglise de Noé: c'est ce
qui est appelé, dans le langage mythique de la
Genèse, « bâtir une ville », acte déjà attribué à
Hénoch, fils de Caïn (Genèse IV, 17). Or, Hé-
noch est un mot qui signifie en Hébreu, un
commencement d'instruction; cela résulte en-
core de la signification du mot« marcher» et
de ce qu'il est dit marcher avec Dieu et lion
avec Jéhovah. Marcher avec Dieu, c'est ensei-
gner et vivre selon la doctrine de la foi, tandis
que marcher avec Jéhovah, vaudrait dire,vivre
d'une" vie d'amour; marcher av-ec Dieu, c'est
donc marcher dans la loi, marcher dans la vé-
rité.
Il est ajouté: « Et Hénoch ne fut plus, parce
que Dieu le prit ». (Gen. V. 24). Cela signitle
que cette doctrine fut préservée pour l'usage de
la postérité. Toute chose qui sert à transmettre
un fait donné de génération en génération, est
dite dans la Bible, ne laisser aucune trace de
mort derrière elle. Telle est aussi la raison des
faits concernant la mort de Moïse et d'Elie. On
sait que le corps de Moïse qui représente la
Parole historique, fut enterré par J éhuvah
(Deuter. chap. XXXIV. 5-7.) et aucun homme
ne connut son tombeau; de même le corps
d'Elie (lI, Rois, 11-17), qui représente la
Parole prophétique. Il en est de même du
corps du Seigneur qui ne put être trouvé au
sépulcre (J ean XX. 5-7.) On sait aussi que dans
la scène de la Transfiguration, on vit Moïse et
Elie s'entretenant avec le Seigneur.
Nous connaissons donc maintenant les origines
de cette ancienne Révélation qui servit de Bible
aux hommes pour édifier l'Eglise de Noé, et
dont nous avons conservé des traces,non-seule-
ment dans le livre de Hénoch, qui fait partie de
nos apocryphes, mais encore nous en possédons
342 L'ARCHE DI~ NOÉ

des extraits dans notre Bible actuelle (Nombres


XXI. 14. 15, 27-30; II Samu'~l I. 17, 18; Josué
X. 12, 13).
La Bible à l'usaga de l'Eglise Ancienne con.
tenait une partie historique connue sous le nom
de « Guerres de Jéhovah lI>, et Ulle partie pro­
phetique appelée « le livre de Jaschar ou du
Juste. » Les onze premiers chapitres de la Ge·
nèse se présentent aus~i comme des extraits de
cette Bible Ancienne.
241. Voyons maintenant c:Jmment le Seigneur
donne à l'homme de l'Eglise de Noé les moyens
de marcher avec Dieu. Dieu dit à Noé: « Fais·
« toi une arche de bois de Gopher. )) •
Ce bois de Gopher est une espèce de bois de
sapin; il est résineux et il est facilement in­
flammable. C'est un représentatif de la religion
de ceux qui sont maintenus dans l'ordre par la
crainte de Dieu, mais qui ne sont pas main LlllUS
uniquement dans le bion, par l'amour de Jého­
vah.
Lorsque nous craignons les punitions et que
nous vivons sur l'espoir des récompenses, c'est
encore l'amour de nou!\-mêmes qui nous ins­
pire nos sentiments religieux. Dans ces condi­
tions nous édifions notre arche sous la pression
de la crainte de la mort éternelle, mais nous ne
l'édifions pas avec l'or céleste, comme l'arche
du témoigna~e faite par Aaron: Nous la faisons
donc en bois de Gopher, car ce n'est qu'avec
l'aide de Dieu et du temps, que nous édifierons
une arche plus parfaite d'or et d'amour.
Ainsi, cette circonstance que ce bois est de
nature résineuse, facilement inflammable, le
rend apte à symboliser une phase externe et
encore inférieure de la régénération de l'âme
humaine: cet état externe de régénération ne
représente en effet, que la première phase, cene
L'ARCHE DE NOÉ 343
de réformation. Se faire une arche en bois de
Gopher, revient donc à dire dans le sens spiri­
tuel, que l'homme de l'Eglise de Noé avec ses
concupiscences, ne commence encore que la
première étape de sa régénération.
242. Notre texte ajoute: « Tu feras l'arche '
» par loges.»
On sait que les différentes protubérances du
crâne, et les circonvolutions du cerveau humain
représentent autant de facultés particulières
qui relèvent soit de la volonté, soit de l'enten­
dement; ce sont donc autant de loges particu.
lières des organes de ces deux grandes facultés
et,dans une vue générale de leur ensemble, elles
forment deux grandes loges distinctes; la vo~
lonté et l'entendement, le côté droit et le côté
gauche de la boîte crânienne, division com­
mune au cerveau et au cervelet.
CAS deux grandes loges, qui dans l'arche
de Noé, séparent et distinguent le comparti­
ment des bêtes, de celui des oiseaux, et qui
dans le cerveau, séparent les affections et les
volontaires représentés par les bêtes, des intel·
lectuels etdes rationnels figurés par les oiseaux,
marquent une grande ligne de démarcation en­
tre l'Eglise d'Adam, dite rrrès Ancienne, et l'E­
glise de Noé dite Ancienne.
A ladift'érence de l'animal qui oonserve tou­
jours l'instinct particulier à son espèce, et en
qui se trouvent formées les idées qui consti­
tU6nt la sciencfl particulière à cet instinct,
rhomme de l'Eglise Adamique, avait perdu
irrévocablem()llt l'idée innée du bien, et la
perception du vrai, parce que sa volonté était
entièrement corrolIlpue,par suite de l'abus qu'il
en avait fait.
Ce mal s'était aggravé chez ses descendants
au point de devenir héréditaire; l'homme vint
344 L'ARCHE DE NOÉ

alors au monde non plus avec les idées innées


qui lui enseignaient la pratique de l'amour du
semblable, mais dans une ignorance complète
de toutes choses, même de celles qui sont in­
dispensables à son existence physique. Ne sa­
chant plus rien, il devait tout apprendre, mais
grâce à son entendement, il lui restait l'aptitude
à tout apprendre.
L'entendement de l'homme dut donc, à partir
des temps de l'Eglise de Noé, et par suite de la
perte de la perception du vrai, faire scission
avec sa volonté qui était corrompue; de cette
manière,l'intendement fut indépendant de celle­
ci, et il devint capable, par J'aide d'une chose
nouvelle appelée « la conscience, » de guider Ja
volonté, de l'éclairer, de la ramener au bien,
et ainsi de faire naître l'homme à nouveau. Par
ce moyen la possibilité de régénérer l'âme hu­
maine subsistait encore, et celle-ci pouvait con­
tinuer comme par le passé à opérer sa conjonc­
tion avec Dieu. C'est ainsi que le lien social de
l'Eglise de Noé devint l'amour du vrai pour le
vrai.
Oette distinction entre le premier et le second
âge du monde est conforme aux enseignements
de la Bible, autélnt qu'aux conclusions que la
science peut maintenant tirer de l'étude des
crânes les plus anciens comparés à d'autres
moins anciens. La forme particulière des plus
anciens paraît être celle dite dolicocéphale.
Dans cette dernière forme les organes instinctifs
de la volonté contenue dans le cervelet avaient,
chez ces hommes primitifs dits Antédiluviens,
un développement plus considérable que ceux
de l'intelligence qui étaient contenus dans le
cerveau. De là la dépression du front qui était
très fuyant. Cette dépression est extraordinaire
pour notre humanité actuelle car elle montre la
L'ARCHE DE NOÉ 345
prédominance des instincts sur les facultés vo­
lontaires et intellectuelles; elle persiste encore
ch~z certaines peuplades sauvages déchues.et
tombées dans la bestialité; on la retrouve
aussi chez quelques grands criminels; mais si
cette forme particulière du front fuyant a dû
caractériser les préadamites, il n'est pas pro­
bable qu'elle existât chez l'homme de l'âge d'or.
En effet, celui-ci devait avoir très développé
chez lui, non seulement le cervelet et par suite
les idées innées du bien qui y étaient localisé~s,
mais aussi, les facultés volontaires et les facul­
téR intellectuelles qui sont localisées, les pre­
mières dans la partie droite du cerveau, les
secondes dans la partie gauche, et qui caracté­
risent le développement spirituel de ces ins­
tincts naturels. Il a dû en résulter une magnifi­
que forme de la voûte crânienne ayant tout au­
tant de développement sur le front et le sinci­
put, que sur l'occiput. Or, on a observé. quel­
ques rares exemples de cette beauté des for­
me!': de la tête, à nos dernIères expositions
universelles dans la section des crânes fossi­
les. Chez nos hommes actuels, c'est en géné­
ralle devant de la tête ou le cerveau qui est
développé en dehors de toute proportio n avec
le développement du cervelet, celui-ci étant
déprimé.
A partir des temps de l'âge d'argent ou de
l'Eglise de Noé, l'homme ne peut donc pl us être
régénéré que par l'appropriation de la vérité;
celle-ci est la lumière spirituelle qui imprègne
notre entendement et lorsqu'elle pénètre jus­
que dans la volonté, le vrai se transforme en
bien et régénère aussi cette volonté primitive­
ment corrompue. La foi devient donc à partir
de la fin de l'âge d'or une chose nouvelle, car
346 L'ARCHE DR NOl<;

la perception du bien et du vrai est r.emplacée


par la conscience.
C'est à cause de cette puissance de la lumière
de la vérité appelée foi que le Seigneur peut
séparer la volonté de l'entendement, pour im­
planter par la foi la charité dans le cœur hu­
main. Cela est signifié par ces mots: « Tu feras
l'arche par loges. )) Il est ajouté: «Tu l'enduiras
» de bHume au dedans et en dehors» (Genèse VI.
14). Cela revient à dire: que l'Eglise soit pré­
servée de l'inondation des cupidités en dedans
et en dehors. En effet, l'homme doit maintenant
être réformé par les intellectuels; c'est pour~
quoi on se sert du mot bitume qui donne l'idée
d'une protection contre le mal et le faux,
243, Le texte dit ensuite: « Tu la feras ainsi:
»la longueur de l'arche sera de trois cents
» coudées; sa largeur de cinquante coudées,
» et sa hauteur de trente coudées. » Ceci signi­
fie que le bien et le vrai, réservés par le Sei­
gneur dans l'intérieur de l'homme de cette
Eglise,devaient être développés en sainteté!
En effet, les dimensions de l'arche sont tirées
des nombres trois et cinq, ce qui nous fait d'a­
bord entendre que l'homme de l'l~glise nouvelle
sera sauvé et régénéré par le vrai. Dans le lan­
gage des nombres et dans la Bible, trois corres­
pond au vrai réalisé, et sept au bien réalisé.
Le bien sur lequel le vrai prédomine ici, est
figuré par la longueur qui est trois; la sainteté
que le vrai enseigne est figurée par la hau­
teur; le développement que le mental prend
d'abord dans la connaissance du vrai, lorsqu'il
vient d'échapper aux torrents d'iniquités, est
figuré par la largeur qui est exprimée ici par
cinquante; ce nombre, dérivé de cinq, signifie
peu.
I.e texte dit ensuite: « Tu feras à l'arche un~
iL' ARCH:& DE NOÉ 34'7
)) fenêtre, et tu la feras en haut d'une coudée. »
Cela revient à dire que c'est maintenant l'intel­
lectuel de l'homme qui doit être @u"fert, la vo­
lonté ayant été fermée par suite de sa submer­
sion dans les cupidités.
«Tu placeras la porte de l'arche sur son côté» ;
ceci signifie qu'il y aura cependant accès dans sa
volonté, ou audition de l'entendement par la
transformation de la lumière du vrai, en chaleur
du bien. Le Seigneur dit aussi: «J e me tiens à la
J) porte et je heurte; si quelqu'un entend ma voix
» et ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je sou­
:1> perai avec lui et lui avec Moi.» (Apoc. III. 20.)
244. « Tu la feras avec un bas étage, un se­
cond et un troisième. »Il faut, en effet, pour
qu'il y ait accès du vrai par le bien dans la
volonté, il faut qu'il y ait dans le mental hu­
màin, trois régions qui forment les trois degrés
de régénération de l'âme humaine. Nous avons
vu précédemment que ces trois degrés du men~
tal sont, le naturel, le spirituel et le céleste: ils
correspondent aux trois Cieux,dans chacun des­
quels l'enseignement de l'Eglise doit pouvoir
nous introduire, suivant l'usage que nous fai­
sons de notre libre arbitre. Il y a, en effet, les
vérités de fait et les vérités scientifiques, qui
peuvent imprégner la volonté, de manière que
leur lumière se transforme en chaleur du bien
naturel; elles forment l'étage le plus bas de
l'arche, c'est·à-dire le degré naturel. Il y a
les vérités rationnelles qui peuvent impré­
!:>ner notre volonté et se transformer en amour
du vrai pour le vrai; c'est le degré spirituel ou
le second étage de l'arche. Il y a enfin les véri­
tés intellectuelles dont la lumière, en impré­
gnant notre volonté, peut se transformer en
amour du bien pour le bien; c'est le troisième
étage de l'arche~ ou le degrè le plus élevé de la
348 L' ARCHE DE NOÉ

demeure de l'homme dans le Ciel; c'est l'état


céleste.
245. Mais que faut-il entendre par les ani­
maux qui entrent dans l'arche, les purs comme
les impurs? (Genèse VII. 2.)
Nous avons vu précédemment que les ani­
maux slgnifiaient les affections, et c'est à cause
Je cette signification qu'il est dit que le Sei­
gneur « fait une alliance avec les bêtes des
«champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la
« terre .• (Osée IL 20; Genèse IX. 10).
Les bêtes pures figurent les bonnes affections et
les bêtes impures,les mauvaises. Si les affections
mauvaises entrent avec les bonnes, c'est parce
que le bon grain ne peut être séparé de l'ivraie,
avant que le temps de la moisson ne soit arrivé.
Ce temps de la moisson est arrivé, lorsque la
régénération est opérée, car c'est alors seule­
ment que l'homme produit une bonne moisson.
Il faut que le mal ait le temps de s'épancher au
dehors avant de pouvoir être reconnu et déra­
ciné du cœur humain. La santé de l'âme, de
même que la santé du corps ne s'obtient aussi
que très graduellement.
Il faut commencer sa régénération, par
cette crainte de Dieu qui forme le seuH dutem­
pie de la sagesse et par la repentance,avant de
pénétrer dans le temple ou dans le sanctuaire
de l'amour de Dieu. C'est pourquoi Dieu a dit à
Noé: « Fais-toi un'l arche de bois de Gopher :
« tu feras l'arche par loges,et tu l'enduiras de
« bitume en dedans et en dehors. »

If,
CHAPITRE XXX.

Le signe de l'Alliance entre Dieu et l'homme.


246. L'arc-en-ciel est le signe de l'alliance enti'e Dieu et
l'homme à partir des temps de l'âge d'argent qui eurent
pour lien social, l'amour du vrai pour le vrai. La vé­
rité est une lumière spirituelle, qui trouve ses images
et les symboles de ses faces variées dans la lumière
naturelle et les riches couleurs de l'arc-en-ciel. - 247.
Les hommes se sont relevés de la chute dans laquelJe se
corrompit leur volonté, au moyen d'une scission entre
cette volonté COl'l'ompue et l'entendement. L'entende­
ment conserva la faculté de voir la vérité et par suite
d'éloigner les maux de la volonté pour purifier celle-ci
et pour la faire naître à nouveau. - 248. Les élements
constitutifs de rarc-en-ciel naturel, reproduisent figu­
rativement les éléments constitutifs de l'arc-en-ciel spi­
l'ituel: c'est ainsi que la lumière du vrai se transforme
en chaleur du bien et qu'il y a alliance entre Diell et
l'homme. - 249. L'entrée dan~. l'arche indique qui
l'homme de l'Eglise de Noé, devait être mis en sûreté
contre le danger de succomber aux tentations. Les trois
fils de Noé figurent les cultes divers qui dérivèrent de
l'Eglise mère. - 250. Les sources du grand abîme qui
sont rompues concernent l'état de tentation quant aux
volontaires, et les cataractes rlu ciel qui furent ouvertes,
décrivent les tentations quant aux intellectuels. L'entrée
dans l'arche, encore annoncée au verset 13, indique que
les membres de l'Eglise nouvelle doivent être régénérés
et élevés à l'état spirituel. - 251. Le corbeau que Noè
mit dehors figure les faussetés que l'Eglise sut eloigner.
La colombe figure la réception des vérités et des biens
de la foi quand les faussetés ne font plus obstacle. La
feuille arrachée d'un olivie!' signifie que le peu de vrai
qui rtlstait dans l'homme de l'Eglise devint le bien de la
charité chez lui, - 252. Tout le temps que Noé était
dans l'arche représente l'état de servitude de l'âme hu­
maine et sa sortie décrit l'état de liberté. - 253. Il es t
dit que Noé ôta la couvertu!'e de l'arche, pour figurer
les vérités de la foi qu'il vU et reconnut. Savoir est le
premier degré de la régénération; !'econna'ltre est le
second; a voir la foi es t le trois;ème, La régénération
de l'Eglise de Noé est figurée par l'odeur de l'epos que
sentit Jéhovah. - 254. Le chapitre IX de la Genèse, jus­
qu'au verset 20, décrit l'état de cet homme régénéré,
dont l'interne domine SUI' l'externe. La vél'ité mise en
pratique devient la charité dans laquelle le Seigneur
est présent: alors intervient l'arc-en-ciel comme signe
de cette intelligence de la sagesse divine chez l'homme
et de son alliance avec Dieu.
30
300 LE SIGNE DE L'ALLIANCE

" Et Dieu dit: c'est ici le signe


de l'Alliance que Moi je donne
entre Moi et vous et toute âme
vivante qui est avec vous, dans
les générations du siècle. ,,(Gen.
IX. 12).

246. L'arc·en·ciel qui fut adopté comme signe


de la nouvelle alliance entre Dieu et les hom­
mes de l'Eglise dé Noé, ne s'est certainement
pas montré dans le Ciel pour la première fois
seulement après le déluge. On ne peut douter,
en effet, que les lois qui réglaient les phénomè­
nes de la lumière, ne fussent les mêm.es depuis
le commencement du monde. Il y a donc eu des
arcs- en-ciel, bien antérieurement au déluge, et
même des milliers d'années avant que l'homme
existât sur notre globe. Mais l'étude du sens
spirituel de la Bible peut seule nous expliquer
pourquoi il semble résulter de son sens littéral
que rarc-en-ciel a apparu, dans le Ciel pour la
première fois, seulement après le déluge.
Si ce signe de l'alliance entre Dieu et l'homme
est devenu significatif, principalement à partir
des temps de la nouvelle dispensation au moyen
de laquelle fut édifiée l'n:glise de Noé ou l'âge
d'argent, c'est parce que cette nouvelle Eglise
avait pour fondement l'amour du vrai pour le
vrai, et que la vérité est la lumière spirituelle
"dont la lumière naturelle ref1éte les faces dans
les splendeurs de l'arc-en-ciel.
La nuée qui voile citte splendeur, figure dans
la Bible le sens littéral de la Parole révé­
lée, et l'arc-en-ciel brille dans la nuée comme
dans l'âme de l'homme régénéré, c'est-à-dire,
comme signe de son intelligence des vérités
spirituelles qui ont servi à édifier le lien sodal
ENTRE DIEU ET L'HOMME 351
de l'âge d'argent. Ce lien social est donc l'amour
de ces vérités en elles-mêmes.
247. Nous avons à rechercher dans la Genèse,
les textes qui décrivent figurativement les pro­
grès de cette alliance des hommes avec Dieu;
il est intéressant de connaître les efforts qu'ils
ont dû faire, pour surmonter leur état de corrup·
tüm après la décadence de l'âge d'or. Comment
ont-ils pu encore, après le déluge de maux dans
lequel périt leur amour du bien, se relever pro­
gressivement de leur état de naturalisme, jus­
qu'au degré spirituel, pour fonder une Eglise
spirituelle sur les ruines de l'ancienne Eglise
céleste?
Nous avons vu que leur seule chance de
salut, se présenta, sous la forme d'une scission,
entre la volonté et l'entendement. La part du feu
avait été faite en ce sens, que la volonté était
entièrement corrompue et qu'elle ne pouvait
plus servir à inspirer l'entendement. Il a donc
fallu que ce fût l'entendement qui vint à l'aide
de la volonté, en faisant renaître celle-ci à la
chaleur de l'amour du bien par la lumière du
vrai.
11 en résulta une chose nouvelle: à la
place de la perception du bien qui était totale­
ment perdue, fut créée la conscience, ainsi une
ferme conscience du vrai; c'était la foi qui
était destinée à faire germer la charité dans la
volonté, et à faire pénétrer le bien dans le cœur
humain.
248. Mais avant d'aborder les textes princi­
paux de la Genèse, qui donnent avec détails,
l'explication symbolique de ce relèvement de
l'humanité par la lumière de la vérité, il est
utile d'étudier les éléments constitutifs d'un arc.
en-ciel naturel, pour mieux comprendre l'utilité
de la connaissance de l'arc-en-ciel spirituel.
3~2 L~; SiGNE DE L'ALLiANCE

Il faut, pour l'appar ition du phénom ène de


l'arc-e n-ciel nature l, qu'il y ait le soleil
avec sa lumièr e, sa chaleu r, l'atmos phère et
enfin, la pluie qui tombe. Dans de telles condi­
tions, si le specta teur a le dos tourné vers le
soleil qui brille, et s'il l'oit la pluie dans la di­
rection opposée, il verra aussitô t un arc-en ·ciel.
La lumièr e et les nuages ne produi sent aucun
arc-en- ciel, soit naturel , soit spiritu el, si les
nuages ne descen dent pas sous la forme de
gouttes de pluie sur la terre: alors seulem en t,
la lumièr e du soleil est réfléch ie et l'arc- en­
ciel appara ît dans la nuée.
De même que dans rarc-en -ciel nature l, il
faut aussi que dans rarc-e n-ciel spiritu eL la
pluie tombe pour le produi re: la pluie spiritu elle
est l'instru ction qui fait pénétr er la clarté du
sens spiritu el de la Parole , à travers la nuée;
celle-ci est le voile du sens littéral , qu'il s'agit
de percer :
Aussitôt, la vérité se décom pose daos ses
sept princip ales nuance s, c'est-à -dire dans ses
princip ales faces, qui figuren t toutes ses ap­
plicatio ns à: la vie qui sont nécess aires à la ré­
généra tion de l'àme humain e.
Dans l'atmos phère spiritu elle, brille le soleil
de justice , au milieu de la sphère qui entour e le
Seigne ur, et c'est de ce soleil que rayonn ent la
chaleu r et la lumièr e spiritu elles qu'on appell e
le Bien et le Vrai: alors, dès que la pluie tombe,
Parc-e n-ciel appara ît dans sa gloire. Mais les
connai ssance s spiritu elles doiven t avoir leurs
échos ou leurs répétit ions corresp ondant es dans
les atmosp hères nature lles. Alors, ces connai s­
sances spiritu elles descen dent dans les appli­
cations , ainsi dans la pratiqu e de la vie extern e
et sensue lle. Or, vouloi r que ces vérités soient
appliqu ées à la vie, revien t à les transfo rmer

1
-
ENTRE DIEU ET L'HOMME 353
en chaleur du bien. autant dans la pratique
religieuse que dans la pratique de la vie sociale.
C'est ainl'i que cette lumière spirituelle se
transforme en chaleur naturelle, et alors les
hommes l)ont illspirés par la charité.
Dans la mesure que l'homme accepte le bien
et le vrai pour les appliquer à la vie, par amour
de Dieu et par amour du prochain, dans la même
mesure, il y a alliance entre Dieu et l'homme,
entre le Ciel et la tert'e, et c'est là ce qui est
signifié par l'arc dans la nuée,
249. Parcourons maintenant les textes qui
nous enseigneront comment ces principes géné­
raux de l'alliance entre Dieu et les hommes fu­
rent plus particulièrement appliqués à l'édifi­
cation de l'Eglise de Noé, qui inaugura l'âge
d'argent. Nous trouvons ce travail tout fait
dans le livre des «Arcanes célestes »,d'E. Swe­
denborg; nous allons en noter les principaux
passages; ceux qui voudront de plus amples
développements ou de plus complètes justifica­
tions du sens spirituel de ces textes, les cher­
cheront toujours de préférence dans cet impor­
tant ouvrage de notre auteur.
Il est dit que: «Noé était fils ou âgé de six
» cents ans, lorsque le tiéluge des eaux arriva
}) sur la terre.» (Gen. VII. 6.) Ce verset décrit le
premier état de la tentation, en ce qui concerne
les choses intellectuelles de l'Eglise de Noé,
On s'est servi ici du nombre six cents, nombre
dans lequel dominent dix et six, parce que dix
signifie, ainsi que nous l'avons vu dans notre
étude du langage des nombres, les restes du
bien et du vrai, et six, le combat contre les
tentations: ainsi, six cents signifie l'état de ten­
tation. Il est dit enl'uite: « Noé entra, et ses fils,
'1l et son épouse, et les épouses de ses fils avec

» lui dans l'arche, de devant les eaux du dé­


354 LE SIGNE DE L'ALLIANCE

» luge, (Genèse va, 7.) Cela revient à dire,


1)

que les vérités, les biens, ainsi que les vérités


conjointes aux biens, qui étaient acceptées par
l'homme de l'Eglise de Noé, devaientle mettre
en sûreté contre les tentations.
En dehors de Noé lui-même, il est fait men­
tion de ses trois fils, Sem, Cham et Japhet, ainsi
que de leurs femmes; tous entrèrent dans l'ar­
che et furent sauvés. Les trois fils de Noé
décrivent figurativement les cultes distincts qui
dérivèrent de cette Eglise ancienne; mais, il
serait trop long d'expliquer avec délails la &i­
gnification symbolique de tous les personnages
mythiques qui se suivent depuis Adam jusqu'au.
déluge, et depuis le déluge jusqu'à Abraham,
le premier qui soit un personnage non plus
mythique, mais historique. Cette signification
symbolique peut être recherchée autant dans
les racines hébraïques de leurs noms, que dans
la connaissance du langage des nombres figu­
ratifs attribués à la durée de leur séjour sur
cette terre. Ils représentent, en réalité, autant
d'Eglises particulières, et autant de déchéances
de l'Eglise mère. '
Les Eglises ont des fils et des filles, de même
que les individus et de même que les nations.
Chaque Eglise, issue de la même Eglise mère,
est un enfant de celle-ci. A titre d'exemple,
dans nos temps modernes, nons pouvons obser­
ver que, de l'Eglise romaine, sortirent trois
Eglises: les Eglises anglicane, luthérienne et
calviniste. De l'Eglise anglicane naquirent les
Puritains, les Méthodistes, les Baptistes, les
Indépendants, et toutes les nombreuses sectes
qui, de même que les enfants, les petits-enfants
et les arrière petits-enfants, sont issus de
l'Eglise Romaine.
250. Le texte de la Genèse dit ensuite:« En
ENTRJo: DIEU ET L'HOMME 35~

" l'an six cents de la vie de Noé,au second mois,


" le dix-septième jour du mois, en ce jour-là,
» toutes les sources du grand abîme furent rom­
" pues,et les cataractes du ciel furentouvertes.»
(Gen. VII. 11.) Il s'agit ici de ces telJtations
auxquelles furent en b.utta les hommes de l'E.
glise de Noé, car, du verset 6 à ce verset 11, il
a été question du premier état de tentation, qui
concernait les choses intellectuelles; mais à
présent, il s'agit de la tentation des volontaires,
qui n'est pas séparable de la tentation des in­
tellectuels.
Les sources du grand abîme qui sont roml'ues,
concernent l'état de tentation quant aux volon­
taires, et les cataractes du ciel qui t'urent ou­
vertes,décrivent les tentations quant aux intel­
lectuels.
Dix-sept est un nombre qui signifie, soit le
commencement, soit la fin de la tentation.
" Et il Y eut une pluie sur la terre, pendant
" quarante jours et quarante nuits. »(Gen, VII.
12. ) Le nombre quarante figure partout, dans la
~ible, le temps nécessaire pour l'accomplisse­
ment des tentations.
Le verset 13 annonce encore l'entrée dans
l'arche de Noé, de sa femme, de ses tils et de
leurs épouses. Cela signifie que les membres
de l'Eglise nouvelle furent dès lors en bon che­
min pour être sauvés, c'est à dire, régénérés
et élevés à l'état spirituel.
251. Le chapitre VIlI de la Genèse nous décrit
l'homme de cette nouvelle Eglise, ainsi que son
état après la tentation. Il est dit: « Et l'arche se
»reposa au septième mois, le dh-septième jour
» du mois, sur les montagnes d'Ararat.» (Genèse
VIII. 4.)
Le mot Ararat en Hébreu, signifie lumière:
les montagnes signifient les biens de l'amour et
356 LE SIGNE DE L'ALLIANOE

de la charité. Les montagnes d'Ararat, signifient


les lumières intérieures de la divine sagesse
fluant dans l'âme. Le repos vient toujours lors­
que l'amour et la sagesse sont intérieurement
conjoints. Quand le bien et le vrai se rencon­
trent, la justice et la paix s'obtiennent. On lit
ensuite: « Et il arriva qu'à la fin des quarante
»jours, Noé ouvrit la fenêtre de l'arche qu'il
li> avait faite. Et il mit dehors le corbeau; et il
»sortit allant et revenant,jusqu'au complet taris­
» sement des eaux de dessus la terre.» Le cor­
beau figure les faussetés que l'homme de l'Eglise
de Noé sut éloigner de lui, jusqu'à ce qu'elles
fussent dissipées, ce qui est flguré par le taris­
sement des eaux. Il est dit ensuite:« Et il mit
» dehors la colombe,pour voir si les eaux étaient
» diminuées de dessus les faces de l'humus. »
(Genèse, VIll. 8.)
La colombe figure la réception des vérités et
des biens de la foi, quand les faussetés ne leur
font plus obstacle; mais,« la colombe,» est-il
ajouté, « ne trouva pas où reposer la plante de
» son pied,et elle retourna à lui dans l'arche,car
» les eaux etaient encore sur les faces de toute la
li terre; et il étendit la main, et il la reçut, et il
li> la retira vers lui dans l'arche." (Gen. VIII.9. )
Les eaux sont ici les faussetés qui persistent
dans l'âme humaine, ce qui fait obstacle à ce
que le bi en et le vrai prennent racine.
0: Et il attendit encore sept autres jours, et il
» !Oit de nouveau la colombe hors de l'arche.»
( VlII. 10. ) Cela signifie que l'Eglise fut dans
le commencement du second état de la régéné­
ration, et qu'ainsi elle fut dans l'état de récep­
tion des biéns et des vérités de la foi. En effet,
les sept jours désignent la sainteté, parce qu'il
s'agit maintenant de la charité; nous venons de
ENTRE DiEU ET L'HOMME 357
voir que la colombe désigne la réception des
biens et des vérités de la foi.
e La colombe revint à lui vers le temps du
» soir; et voici une feuille arraché€\ d'un olivier
li) était dans son bec ». (Gen.VIII. H.) Ce texte a

pour objet de nous faire entendre que les biens


et les vérités représentés par la colombe appa­
raissent un peu, c'est-à-dire dans une lumière
encore obscure, telle que celle du temps du soir
ou au point du jour avant le matin. La feuille
arrachée d'un oli-vier signifie ce peu de vrai
qui apparaît alors dans l'homme de l'Eglise de
Noé; or, ce peu de .-rai devenait déjà le bien
de la charité chez lui.
Il est dit ènsuite que « Noé connut que les
» eaux de dessus la terre étaient diminuées,»
pour indiquer que les faussetés qui faisaient
obstacle n'étaient pas si grandes qu'auparavant.
«Il attendit encore sept autres jours; et il
» mit 'dehors la colombe,et elle ne continua plus
li) à revenir à lui. » Ce passage annonce le com­

mencement du troi&ième état de réception des


biens et d.es vérités de la foi qui amena l'homme
de l'Eglise de Noé à l'état de liberté.
252. Tout le temps que Noé était dans l'arche
représente, en effet, l'état de servitude; mais
l'état de liberté est encore décrit dans les ver­
sets 10 à 18, en ce qu'il est dit, non seulement
que Noé sortit de l'arche, mais encore que tout
ce qui était avec lui sortit aussi. La colombe
figure donc le vrai procédallt du bien; elle sor­
tit avant les autres: parce que toute liberté
existe par le bien de la foi, c'est-à· dire par
l'amour du bien.
Quand l'homme est régénéré pour la premiére
foil? il vient dans l'état de liberté; avant, il
était dans l'état de servitude.
En ce qui concerne le troisième état de la
358· LE &lGNE DE L'ALLiANCE
régénératlon de l'homme de l'Eglise de Noé, ce
nouvel état est annoncé ensuite dans le verset
13 comme accompli. Il est dit:« Et il arriva
» que l'an six cent un ,dans le commencement du
» premier du mois,les eaux séchèrent de dessus
» la terre. » Cela signifie qu'à la tin du dernier
terme de la tentation, et dans le commence­
ment du premier terme de la régénération, les
eaux séchèrent sur la terre, c'est-à-dire que les
faussetés furent séparées des volontaires.
~Q3. S'il est dit ensuite que c Noé ôta la cou­
verture de l'arche et il vit: »c'est parce qu'il
vit les vérités de la foi et alors les reconnut
après que les faussetés eurent été écartées;
ce qui fut pour l'homme de cette EglisB la ré­
génération. '
Dans la Parole révélée, dit Swedenborg (Ar.
canes célestes, nO 896), « voir, c'est comprendre
» et avoir foi; ici, c'est reconnaître les vérités
» et avoirfoi en elles ;... en effet, savoir est le pre­
» miel' degré de la régénération, reconnaître est
)) le second, avoir foi est le troisième ... Ceux qui
. » ont foi, savent,reconnaissent et croient; ceux­
" là ont la charité; ceux-là ont la conscience;
» c'est pourquoi 1'011 ne peut parler de foi, ou dire
»de quelqu'un qu'il a la toi, à moins qu'il ne
lt réunisse ces caractères; c'est là ce qu'on doit

» entendre par avoir été régénéré. Savoir seule­


» ment ce qui est de fOi,c'est de la mémoire sans
» que le rationnel donne son consentement; re­
» connaître ce qui est de foi, c'est une sorte de
»rationnel qui consent, poussé par certaines
» causes et . par certaines tins, mais avoir
»foi, cela vient de la conscience, c'est-à­
» dire du Seigneur opérant par la conscience ... »
La régénération de l'Eglise de Noé, est encore
figuréé dans le verset 21 qui débute ainsi: c Et
» Jéhovah sentit une odeur de repos. » Ce texte
ENTRE DiEU ET L'HOMME 359
indique que le culte des holocaustes fut agl'éé
par .le Seigneur; nous verrons plus tard com­
ment ce culte déclina.
254. Le chapitre IX de la Genèse, jusqu'au ver­
set 20, décrit l'état de cet homme régénéré
dont l'interne domine maintenant entièrement
sur l'externe.
L'alliance établie ensuite entre Dieu et l'hom­
me de L'Eglise de Noé est ainsi figurée au ver­
set g: «Moi,Me voici,J'établis mon alliance avec
» vous et avec votre semence après vous. » Cela
signifie que le Seigneur est présent dansla cha­
rité chez l'homme régénéré spirituel et avec
ceux. qui sont créés de nouveau; ce qui est ré­
pété au verset 11. Il est dit ensuite que la chair
ne sera plus ex.terminée par les eaux du délu­
ge, pour indiquer que les hommes ne périront
plus comme ont péri ceux de la Très-Ancienne
Eglise. On a vu, en effet, que par suite de la
nouvelle alliance, il y avait séparation entre la
volonté et l'entendement; à l'avenir, c'est la lu­
mière .de l'entendement qui reste comme une
sentinelle vigilante pour éloigner tout obstacle
empêchant que la volonté puisse être régénérée,
et pour éviter' que l'âme humaine soit étouffée
dans des persuasions qui tuent et suffoquent.
Enfin, le signe de cette alliance nouvelle est
l'arc-en-ciel: «J'ai donné mon arc dans la nuée,
» et il sera en signe de l'alliance entre Moi et la
» terre JJ. (Genèse IX. 13).
Ce qui revient à dire que l'état de l'homme
régénéré est comme l'arc-en-ciel. C'est une
lumière spirituelle qui apparaît dans l'obscurité
Cette obscurité est la nuée qui figure le sens
littéral de la Parole, au-dessus de laquelle on
verra la gloire du Seigneur. Nous avons vu que
c'est aussi l'indice de la présence du Seigneur
dans la charité, et plus il y aura présence dans
360 LI!: SIGNE DE L'ALLIANCE

le propre intellectuel de l'homme, plus son pro­


pre volontaire corrompu sera repoussé. On
trouve une répétition de ces promesses dans les
versets suivants, 14 à 17.
C'est pourquoi le Seigneur dit: « C'est ici le
» signe de l'alliance que Moije donne entre vous
»et Moi,et vous et toute âme vivante qui est avec
» vous dans les générations du siècle.» (Genèse,
IX. 12.) En d'autres termes: il y a présence du
Seigneur dans la charité, ou conjonction du Sei­
gneur avec l'homme par la charité, et par toutes
les choses qui ont été régénérées chez l'homme
et perp~tuel1ementchez tous ceux qui sont ainsi
nés de Douveau.
CHAPITRE XXXI.

L'ivresse de Ifoé.
255. La culture de la vigne figure toujours dans la Bible
la culture de la vérité spirituelle; c'est pourquoi Noé qui
représente l'Eglise spirituelle est dit cultiver la vigne. ­
256. L'ivresse spirituelle suppose la loi séparée de la cha­
rité, et par suite le vrai isolé du bien de ses applications
dans l'âme humaine: elle met à. nu la honte de celui qu i
est dépourvu de charité à l'égard de ses frères. Cette ivres­
se spirituelle décrit l'élat de décadence de l'Eglise de Noé,
chez ceux qui sont représentés par Cham. - 257. Les
frères de Cham se divisent en deux classes: ceux de l'E­
glise interne dite de Sem, et ceux de l'Eglise externe dite
de Japhet; les premiers sont plus particulièrement dans
l'amour de Dieu et les seconds plus particulièrement dans
l'amour du prochain. - 258. Sem et Japhet représentent
ceux qui cherchent à cacher les fautes des autres. Canaan
est maudit à la place de Cham; le sens littéral des textes
ne peut nous fournir une explication plausible de ce fait
anormal. Ce n'est que' par le sens spirituel que nous ap­
prenoDs que Canaan, qui représente leculte externe isolé du
culte interne, est maudit parce que ce culte hypocrite, est une
chose des plus viles; Ceux qui !ont dans un tel culte des
viennent, suivant le langage biblique, le serviteur des ser­
viteurs de leurs frères. - 259. Utilité et nécessité des ser­
vices vils dans la pratique sociale. La pratique sociale des
principes religieux peut seule relever de la malédiction
ceux qui remplissent des services vils, et leur permettre
de s'élever progressivement dans la sagesse, etainsi leur per­
mettre aussi de s'enrichir autant spirituellement que na­
turellement.- 260. L'ùge de Noé dont parle la Genèse,ügure
dans le langage des nombres, les phases de progrès et de
décadence de l'Eglise de Noé, puis sa. mort ou son extinc­
tion arrive, lorsque l'Eglise d'Héber et l'Eglise 1Braélite lui
succèdent,
31
362 L'IVRESSE DE NOÉ

" Et Noé commença à étre


homme de l'humus, et il
planta la vigne, et il but
du vin, et il s'énivra. "
(Gen. IX. 20,21.)

255. La culture de la vigne figure toujours,


dans la Bible, la culture de la vérité spirituelle;
c'est pourquoi Jésus dit : « Moi, je suis le vrai
« cep et mon Père en est le cultivateur. » (Jean
XV.!.) ..
L'Eglise de Noé, en raison de ce qu'elle était
une Eglise spirituelle, est donc représentée par
une vigne, et ses fruits, qui sont les raisins,
signitient les (lluvres de la charité. Comme la
vigne signifie l'Eglise spirituelle, il en est de
même du cep, car le cep appartient à la vigne;
mais le vin figure la foi qui procède de la cha­
rité. On voit que Noé, en devenant homme de
l'humus, et en plantant la vigne, figure l'Eglise
spirituelle, dite Eglise Ancienne, lorsque ses
membres cultivèrent leurs mentaIs par le moyen
des doctrines de la foi, enseignées dans la Pa­
role révélée. ...
Nous avons vu aussi qu'après la victoire dans
le combat contre les tentations, les membres
de l'Eglise de Noé s'élevèrent à l'étatspirituel
de l'amour du vrai polir le vrai, et qu'alors,
l'arc-en-ciel devint le symbole de leur intelli­
gence de la sagesse divine et le signe de leur
alliance avec Dieu.
256. Mais hélas 1 même dans les bonnes cho­
ses, il p'eut se glisser des ab'us : dans les choses
spirituelles, comme dans les choses naturelles,
il peut y avoir des excès de nourriture, comme
des excès de boisson, et trop peu de travail
utile. Nous vivons souvent pour le manger et le
L'IVRESSE DE NOÉ 363
boire, au lieu de manger et de boire seulement
pour vivre. Or, ceux qui ont raprésenté l'Eglise
Ancienne, sont tombés dans cet amour du bien­
être matériel, et c'est ainsi que commença la
décadence de l'âge d'argent. C'est pourquoi, il
nous est dit de Noé, dans le langage mythique
de la Genèse:« Il 'but du vin, et il s'enivra. »
Il nous reste donc à chercher comment cetle
ivresse naturelle se trouve être en parfaite cor·
respondanee avec l'ivresse spirituelle.
De même que les hommes de l'âge d'or vou­
. lurent manger de l'arbre de la science, c'est-à­
dire, se conduire par eux-mémes, et ne plus se
laisser conduire par la vérité révélée de Dieu,
de mème, les hommes de l'âge d'argent, ont
voulu aussi abstraire la vérité religieuse de
leur propre intelligence, isoler la foi de la cha­
rité, ne plus croire que ce qu'ils saisissaient par
les sens, et ainsi tomber dans des fantaisies et
des erreurs sur les vérités spirituelles, ce qui
les rendit spirituellement ivres.
C'est d'eux que parle le prophète Esaïe, lors·
qu'il s'écrie: « Ils sont ivres, mais ce n'est pas
«de vin; ils chancellent, mais ce n'est pas l'effet
«des liqueurs fortes. ~ (Esaïe XXIX, 9.) On ap­
pelle donc, dans la Bible, ivres, ou ivres sans
vin, ceux qui s'inquiètent peu de la Parole ré­
vélée et des vérités de la foi, et qui prétendent
découvrir les mystères de la foi par l'aide de
la science seule. Une fois lancés dans cette
voie, ils errent de fantaisie en fantaisie pour la
défense d'un système ou d'une illusion qui de­
vient comme leur idole, jusqu'à ce qu'ils per­
dent de vue le principe essentiel de la religion;
alors, l'amour fraternel, la charité, n'est plus
leur principe dominant, mais c'est l'infatuation
d'eul.-mêmes qui le devient. Il en fut ainsi de
364 L'IVRESSE DE NOÉ

Noé: «n était ivre et il se découvrit dans le


« milieu de sa tente. :t (Gen. IX. 21.)
Il Y a aussi certains hommes qui formulent
la vérité suivant leurs impressions premières
et qui ne veulent pas se donner la peine de
l'approfondir; l'orgueil étouffe chez eux toute
humilité de cœur, ils tranchent autoritairement
les questions qui leur sont soumises; ils s'at­
tendent donc à ce que leur décision soit impo­
sée autoritairement à tous. Tel est le cas de
Noé, lorsqu'il est dit ivre: la mise à nu de sa
vanité est entendue, dans la Genè:;e, par l'acte
de se découvrir dans le milieu de sa tente.
n est souvent fait allusion dans la Bible à cet·
te mise à nu, ou à cette révélation du caractère
intérieur d'un homme. Le Seigneur y fait allu·
sion dans l'Apocalypse:« Je te conseillé d'ache­
« ter de Moi de l'or éprouvé au feu, llour que tu
« sois enrichi, et des vêtements blancs pour que
« tu en sois revêtu, afin que ne soit pas mani­
e festée la honte de ta nudité» CApoc. Ill. 18).
Lorsque Adam et Eve eurent ouvert leurs yeux
sur la réalité de leur chute et qu'ils s'aperçurent
qu'ils étaient nus, ainsi, lorsqu'ils furent cons­
cients de s'être trop abandonnés à l'amour d'eux­
mêmes,ils cousirent des feuilles de figuier pour
se faire des ceintures(Gen.,III. 7). Les feuilles de
figuier représentent le degré inférieur du vrai
spirituel c'est-à-dire, le vrai naturel ou le sens
naturel de la Parole révélée, et il se réfère au
culte externe. Celui qui s'attache seulement aux
choses externes,croit qu'il peut sauver son âme
par sa soumission au cérémonial du culte et obte·
nir ainsi l'absolution de ses péchés, bien que ses
désirs intérieurs restent mauvais: tels sont ceux
qui, dans le langage de la Genèse, s'enivrent et
se découvrent dans le milieu de leur tente. Cet
état de décadence de l'Eglise de Noé est obser­
L'IVRESSE DE NOÉ 365
vé chez ceux qui sont représentés par Cham. Ce
fils de Noé ligure donc ceux qui, tout en ayanfla
foi et la connaissance des choses de l'Eglise,
sont cependaut destitués d'amour et de charité:
iis voient, en effet, la nudité des autres, mais
au lieu de la couvrir etde la cacher, ils la révè-
lent à leurs frères.
207. L'esprit du bien nous inspire le désir de
supposer le bien chez les autres, autant que cela
est possible, et s'il y a du mal, de l'excuser au-
tant qu'il peut l'être. Les mauvais esprits sont
appelés dans l'Apocalypse les accusateurs de
leurs frères, car nous lisons: «Précipité a été
« l'accusateur de nos frères, qui les accusait de-
«vant notre Dieu jour et nuit. » (Apoc. XII. iD).
« Les frères» signifient ceux qui sont dans le
bien; ils écoutent Cham, mais avec un esprit
différent, car ils se divisent en deux classes: il
ya ceux tels que Sem qui sont inspirés par l'a-
mour de Dieu, et il y a ceux qui, tels que Japhet,
sont plus particulièrement inspirés par l'amour
du prochain. Il y a, en d'autres termes, l'Eglise
interne et l'Eglise externe. Il est dit ensuite:
« Sem et Japhet prirent une couverture, et tous
«deux la posèrent sur leurs épaules,etils allèrent
. « à reculons.» (Gen. IX.23.) «Ils prirent une cou-
verture », c'est-à·dire qu'ils envisagèrent le fait,
de manière à l'excuser et àle voiler. Ils prirent
le manteau de la charité qui couvre une multi-
tude de péchés et le développèrent pour voiler
ce qu'ils ne désiraient pas voir. «Ils allèrent â
reculons» ne désirant pas voir ce qu'ils savaient
exister, mais qu'ils se sentaieut malheureux de
connaître.
Ils posèrentla couverl.ure sur leurs épaules,
ce qui signifie qu'ils couvrirent ce qu'ils dési-
raient cacher, de tout leur pouvoir, à la vue du
public. Toutes les fois qu'il est parlé dans la
366 t'iVRESSE DE NOÉ

Bible d'un acte fait avec vigueur, cela est dit


être fait avec les épaules.
258. L'excellent esprit dans lequel se trouve
celui qui cherche à cacher les fautes des autre!',
lorsque cela est possible, est décrit dans la
Genèse par cette conduite de Sem et de Japhet,
et par le texte qui suit immédiatement:« Et
« Noé fut réveillé de son vin, et il apprit ce que
« lui avait fait son fils le plus jeune. Et il dit:
« Maudit soil Canaan,il sera le serviteur des ser­
« viteurs de ses frères.» (Genèse IX. 2-i, 25.)
Ce passage a été l'occasion de bien des contro­
verses de la part de ceux qui restent trop atta­
chés au sens httéral de la Bible. On s'étonne que
Cham lui-même ne soit pas maudit,bienqu'il soit
l'offenseur et que cette malédiction retombe sur
son fils Canaan, précisément sur le plus jeune de
es enfanls, et non pas sur tous. De plus, cette
malédiction parait être contraire au caractère
miséricordieux de l'Être Divin.
Il est dit, en effet: fi. L'âme qui pêche, c'est
fi. celle qui mourra. Le fils ne portera pas l'ini­

«'luité de son père,et le père ne portera pas l'i­


« niquité de son fils. La justice du juste sera sur
« Jui,et la méchanceté du méchant sera sur lui.»
(Ezéchiel XVIII, 20).
Dans le cas de Canaan, on volt donc que c'est
l'offenseur principal qui échappe et qu'un autre
est puni à sa place.
Comment expliquer ce fait anormal1 Quel­
ques-uns ont pensé que Canaan était le fils pré­
féré de Cham, et que le père était puni, en lui,
afin de le bl~sser dans ses affections les plus
chères.
Mais cette explication ne tient pas debout,
car notre cœur se révolte contre l'Idée d'attri­
buer de tels raffinements de cruauté au Créa­
teur du monde, et il n'est pas admissihle que
L'IVRESSE DE NOÉ 367
nous connaissions Dieu, lorsque nous ignorons
qu'Il est un Dieu miséricordieux, ou que les
châtiments ne sont que les conséquences des
maux qui sont en nous et qui portent en eux­
mêmes leur peine. Si donc Cham et Canaan ont
été maudits, jl faut en faire remonter la cause
à J eurs propres défauts de caractère et non à
un Dieu de miséricorde. On s'écarte de l'ensei­
gnement réel de la Bible, lor~qu'on ne remonte
pas directement à son sens spirituel, et qu'on
s'évertue à imaginer des variantes ou d es jus­
tifications impossibles du sens littéral.
De plus, c'est ajouter à la Parole de Dieu;
nous devons donc chercher ailleurs. Observons
encore que les nations dérivées de Cham furent
plus puissantes que ne furent jamais les Israéli­
tes qui sont considérés comme étant de la race
de Sem.
C'est de Cham, en eff6t, que descendaient les
puissants Assyriens avec leur grande capitale,
Ninive; c'est de Ch-:lm aussi que sortit cette
puissante BabJlone qui domina au loin et qui
compta la Judée parmi ses tributaires les moins
importants. De Canaan aussi, dont le nom en hé­
breu signifie marchand, dériva Tyr ainsi que
l'empire commercial des Sidoniens. Nous de­
vons donc reconnaître que ce n'est qu'après un
grand nombre de siècles qu'il y aurait eu un ac­
complissement littéral de la prophétie concer­
nant la malédiction de Canaan, car ce fut seule­
ment, lorsque les Israélites eurent fait la conquê­
te de la terre promise. Bien plus pour admet­
tre l'accompiissementlitléral de cette prophétie,
nous devons regarder Canaan comme le type de
sa race, de même que nous prenons Noé pour le
type de l'Eglise Ancienne. En somme, on est bien
obligé de reconnaître qu'aucun Canaan indivi­
368 L'IVRESSE DE !'lOB

duel ne devint le serviteur des serviteurs de ses


frères.
Nous (Jevons donc encore diriger nos re­
cherches ailleurs. Nous avons vu que Cham re­
présentait dans le sens spirituel de la Bible, ceux
qui dans l'Eglise Ancienne étaient dans la foi,
tout en restant dépourvus de charité. Il ne suffi t
pas de connaître les bons princi pes et de les
professer avec éclat, il faut encore savoir les
appliquer à la vie sociale. Si donc, la foi ne s'u­
nit pas à la charité, elle se fixe dans une pure
forme de culte externe, sans aucune vie inté­
rieure i elle devient alors une superstition. Les
hommes qui tom bent dans cette hérésie se lais­
sent aller à la haine pour leur prochain tout en
fréquentant leur église et en participant au
cérémonial du culte; mais ce sont simplement
des hypocrites. Dans un tel culte externe l'égoïs­
me règne encore avec toutes ses convoitises et
ses passions. Les criminels les plus endurcis, se
montrAnt souvent comme les dévots les plus ar­
dents.
On comprend donc qu'un tel culte soit maudit
à cause de sa coéxistence avec ces impuretés
intérieures du cœur; une religion aussi hypo­
crite est la plus vile de toutes les choses viles, et
c'est ainsi que les hommes qui sont dans un tel
culte, deviennent « les serviteurs des serviteurs
de leurs frères». Cela est d'ailleurs confirmé par
la suite du texte qui dit: «Béni soit Jéhovah,
« Dieu de Sem, et Canaan sera son serviteul'. »
(Genèse IX. 26.) Ce qui revient à dire, que tout
bien est à ceux qui par leurs internes adorent le
Seigneur.
Ces hommes qui placent leur cuIte seulement
dans les externes, sont classés parmi ceux qui
ne peuvent rendre que des services vils à leurs
L'IVRESSE DE NOÉ 369
compagnons de l'Eglise interne du Seigneur,
figurée par Sem.
Ensuite, le texte continue ainsi: « Que Dieu
« dilate Japhet, ét il habitera dans les tentes de
« Sem,et Canaan sera son serviteur (Genèse IX,
J)

27.) Ce passage signifie que Dieu donnera les


lumières nécessaires à l'Eglise externe signifiée
par Japhet, car elle forme, pour ainsi dire, le
complément de l'Eglise interne figurée par
Sem, par cela même qu'elle habite dans les
tentes de Sem. Il en résulte que les internes du
culte chez Sem constituent l'âme et la vie des
manifestations externes du culte chez Japhet.
Les deux Eglises personnifiées dans Sem et
dans Japhet étaient donc uoies comme l'âme
est unie au corps chez l'homme individuel;
elles pouvaient même représeuter sur la terre
les deux royaumes du Seigneur dans les cieux:
le Royaume céleste et le Royaume spirituel,
ou encore, le Ciel céleste et le Ciel spirituel;
il faudrait supposer dans ce cas que les hommes
de l'Eglise de Cham qui remplïssaientdes servi·
ces vils pouvaient encore avoir parmi eux des re·
présentants du Ciel naturel qui rendaient des sere
vices à leurs frères du Royaume céleste et du
Royaume spirituel. Cette comparaison que nous
faisons, pour mieux caractériser la distinction
des trois Eglises issues de l'Eglise de Noé, peut
paraître un peu risquée, car ceux qui placent le
culte seulement dans les externes isolés de leurs
internes, comme les hommes de l'Eglise de Ca·
naan, semblent s'être eux·mêmes éloignés de
toute religion sérieuse; mais la Genèse nous
enseigne qu'ils doivent tout au moins rendre à
leurs frères des services vils. Nous pouvons,
de plus, tirer cie ce fait, un enseignement
utile en ce qui co!).cerne la pratique sociale des
principes religieux.
370 L'IVRESSE DE NOÉ:

259. Les exigences de la vie civile des SOCle­


tés doivent, en effet, pouvoir se concilier avec
ceUe pratique sociale des principes religieux;
l'amour du prochain ne doit pas rester une
vaine théorie, reléguée dans le temple; mais,
cet amour du prochain a dû, ainsi que nous
l'avons vu précédemment, trouver, dans les
temps de l'âge d'argent, ses applications à la
vie sociale, et même suffire pour maintenir la
paix et la justice dans les sociétés humaines,
Il faut pour cela qu'il règne en toutes choses
de l'ordre et de la subordination; quelques-uns
doivent diriger, et d'autres doivent être diri·
gés; il faut à toute entreprise un chef ou un
directeur; mais chacun, directeur ou dirigé,
doit être satisfait de sa part dans l'œuvre com­
mune; ainsi, le chef doit tendre à s'affranchir
de tout amour de dominer sur ses semblables,
et s'inspirer de l'amour mutuel et fraternel, qui
ne vise qu'à rendre service à autrui: c'est ce
quefaisaientSem etJaphet danS leurs rapports
mutuels; les deux Eglises étaient unies frater­
nellement.
Quant à ceux qui rer,lplissent des offices infé·
rieurs, ils peuvent, malgré la malédiction qui
pèse sur Canaan, se relever de cette malédiction,
en se réjouissant des services qu'ils rendent,
tout aussi bien" que leurs maîtres ou directeurs,
qui se réjouissent de leur côté, d'avoir été utiles
à la société; ils' s'élèveront alors au·dessus de
leur avilissement, ils cesserol1t d'être dans la
foi séparée de la charité et ils s'affranchiront
de la malédiction qui frappe Canaan et ses des­
cendants.
Mais lors même qUE' dans la vie sociale, les
besoins matériels indispensables à la vie terres­
tre se trouveront assurés et satisfaits chez tous
ipdistinctement par l'accroisseJ11ent du pi en·être
L'IVRESSE DE NOÉ 371
général, il n'en est pas moins vrai, qu'il existera
toujours dans le monde, des hommes sages et
d'autres moins sages et par conséquent dans
toute civilisation élevée, des plus riches et de::;
mains riches, la richesse matérielle devant
alors devenir le signe des richesses spirituelles.
Ceux qui remplissent des usages subordonnés
ne doivent pas avoir honte de porter des vête­
ments plus simvles et d'habiter des maisons
moins luxueuses, ou de présenter de toute ma­
nière des dehors moins brillants que ceux qui
sont-ellgagés dans des fonctions plus élevées. La
raison en est dans la moins grande utilité de
leurs services.
Les aptitudes et les moyens de chacun étant
infiniment variables, leurs services sont dignes
d'un salaire différent, mais proportionnel. C'est
ainsi que les richesses matérielles seront appré­
ciées et évaluées d'après leurs correspondances
avec les richesses spirituelles; or les services
vils sont comme des échelons pour permettre, à
ceux qui les remplissent avec cœur,de se racheter
de leurs péchés par la repentance, de s'élever
progressivement au-dessus de leur position, et
de devenir sages à leur tour.
260. Le chapitre IX de la Genèse finit avec les
versets 28 et 29 dans lesquels on lit: «Et Noé
« vécut,après le déluge,trois cent cinquante ansj
« et tous les jours de Noé furent neuf cent cin­
\': quante ans et il mourut.»
Nous avons vu précédemment (no 238 ci-des­
sus), que Noé figure ici, par la signification du
nombre 360, une dispensation nouvelle, après
la décadence et la fin de l'Eglise Adamique qui
était déchue.
De même nous avons v u que la signification du
nombre 950, indique que l'Eglise de Noé eût à son
tour ses phases de décadence, suivies aussitôt
372 L'ivRESSE DE NOÉ

après son extinction ou sa mort, d'un type nou­


veau d'Eglise qui se réalisa dans un culte encore
plus externe personnifié dans Héber, l'ancêtre
d'Abraham.
~lais toute l'histoire de l'Eglise de Noé est
encore une fois présentée sous une nouvelle
forme, dans le chapitre sUivant de la Genèse,
qui est le chapitre X: elle est, en effet, décrite
figurativement sous les noms des différente3 na­
tions, ou des pères des nations chez lesquelles
elle fut propagee. .
Au chapitre XI, l'histoire de l'Eglise de Noé·
est encore racontée une troisième fois sous une
nouvelle forme figurative, ce qui fait penser
qu'elle a dû laisser de profonds souvenirs chez
les hommes de ces premiers âges j ici, elle est
présentée dans ses phases de décadence sous la
figure de la construction de la tour de Babel
et de la confusion des langues. Enfin, sa mort ou
son extinction s'accomplit, lorsque l'Eglise
d'Héber et plus tard l'Eglise Israélite la conti­
nuent et lui succèdent sous des formes de culte
encore plus externes.
CHAPITRE XXXII

La Tour dè Babel.
261. I:.e chapitre XI de la Genèse a pour objet de nous pré­
senter l'Eglise Ancienr:.e dans une vue d'ensemble qui en­
globe les trois l"glises de Noé, d'Heber et l'Israélite•
....;.. 262. Ces trois Eglises se rattachent cependant par un
caractère commun a un type unique d'Eglise; ce caractère
commun est le culte représentatif: c'est ainsi qu'elles se
confonp,ent quelquefois dans une seule Eglise Ancienne.
- 263. La Jin des deux premières Eglises Anciennes, fut
... marquée, chacune à son tour, par un jugement particulier
qui caractérisa leur déchéance, mais qu'il ne faut pas con­
fondre avec le second jugument général et dernier qui
engloba toutes les Eglises antérieures à la venue du Sei­
gneur dans le monde. - 264. L'état spirituel de l'Eglise
de Noé est figuré par les e1pressions: " une seule lèvre et
les mêmes paroles ". De là l'union fraternelle persistant
pntre tous les hommes, malgré la diversité des cultes. Dis­
tinction à faire entre la connaissance des correspondances
dans l'~glise Adamique et leur science dans l'Eglise de
Noé. Cette science fut connue dans un grand nombre de
contrées, mais elle se transforma en récits fabuleux et
en superstitions qui f[;rent l'origine de toutes les my­
thologies. - 265. l'Eglise d'Héber et l'Eglise Israélite, qui
succedèrent à l'Eglise de Noé, inclinèrent de plus en plus
vers le despotisme sacerdotal et vers le mysticisme, en
conservan~ les représentatifs du culte, après avoir perdu
de vue leurs significatifs. Ceux-ci ne renaîtron t que dans
l'Eglise chré.tienne de l'avenir. - 266. L'Orient, partout
dans la Bible, figure l'amour procédant du Seigneur; les
vallées sont les symboles des at!ections inférieures. ­
267. Faire les briques et les cuire au feu, figure les
faussetés forgées par l'esprit humain; le bitume figure le
mal de la cupidité; la vil!e et la tour qu'on devait bâtir
avec la brique, figure la prétention orgueilleuse de la do­
mination sacerdotale. - 268. La descente de Jéhovah pour
voir la ville et la tour, signifie le juge:nent particulier de
l'Eglise de Noé et caractérise sa déchéanee. - 269. La
confusion des lèvres représente la scission qui engendre
les Eglises sectaires; celles-ci ne peuvent plus s'entendrE',
ni parler le même langage. Cette confusion des langues,
est signifiée par Babel et représer.te les Eglises qui, au heu
de s'unir par 13; charitè se divisent au nom du dogme.
32
374 LA TOUR DE BABEL

c Et ils dirent: Allons, bâ­


tissons-nous une ville et
une tour, et que son som­
met soit dans le Ciel. "
(Genèse XI. 4.)
261. Le chapitre Xl de la Genèse nouS pré­
sente encore une description de l'Eglise An­
cienne. Cette Eglise a déjà fait l'objet des cha­
pitres VI, VIl, VIII, IX et X, mais les nOuveaux
symboles, sous lesquels elle est décrite au cha­
pitre XI, contiennent, dans leur sens interne,
de nouveaux enseignements utiles à connaitre.
Le chapitre entier a pour objet de nouS pré­
senter cette Église Ancienne dans une vue
d'ensemble, comme ayant formé trois groupes
d'~glises particulières qui se rattachent à trois
liens sociaux différents des sociétés humaines.
Les versets 1 à 9 embrassent les progrès de
l'Eglise spirituelle de Noé, sa décadence est
figurée par la construction de la tour de Babel
et la confusion des langues. Les versets 10 à 27
concernent l'édification de l'Eglise d'HébE'r qui
était une Eglise élevée seulement au degré na­
turel, le lien social n'étant plus que l'aIUour des
effets du bien et du vrai; cette Eglise corres­
pond à l'âge d'airain des sociétés humaines, dit
âge héroïque. Enfin, lèS versets 27 jusqu'à la
fin, sont relatifs à l'Eglise Israélite et nous
amènent à l'âge de fer des sociétés humaines
durant lequel le lien social n'est plus que l'a­
mour du bien-être matériel.
Ces trois phases de l'Eglise Ancienne sont, à
juste titre, souvent considérées comme formant,
en réalité, trois Eglises Anciennes distinctes et
successi ves, car elles se suivent en se substi­
tuant l'une à l'autre dans la suite des siècles,
absolument comme l'âge d'airain succède à.
l'âge 'd'argent, et l'âge de fer à l'âge d'airaln.
LA TOUR DE BABEL 375
Cependant, ces églises se rattachent toutes les
trois, malgré la différence des liens sociaux qui
caractérisent les sociétés humaines de chacune
de leurs époques respectives, à un type unique
d'Eglise; c'est celui dans lequel le eulte repré­
sentatif con tinue toujours à régner.
262. Ce caractère général et commun permet
donc, soit de les embrasser toutes les trois sous
le seul nom de l'Eglise Ancienne, dans lequel
se confondrait alors l'Eglise Israélite, soit de
les distinguer chacune au point de vue de leurs
caractères distinctifs et alors de les appeler les
trois Eglises Anciennes.
Lorsqu'on les confond sous la même qualifi­
cation de c l'Eglise Ancienne » c'est parce qu'on
les envisage seulement au point de vue du
maintien, chez elles, du culte représentatif: or,
il arrive à la longue que les choses signifiées
par les représentatifs ne sont plus comprises
ni acceptées; tel fut le cas de l'Eglise Israélite,
lorsque celle-ci eutremplacé les enseignements
de la Parole révélée par des traditions mortes;
ces traditions mortes ne furent plus alors que de
pures superstitions.
263. La fin des deux premières Eglises An­
ciennes fut marquée chacune à son tour, par un
j ugem ent particulier qui caractérisa sa dé­
chéance ; elle ne le fut pas par un jugement gé­
néral et dernier de toutes les Eglises du passé,
comme celui qui fut annoncé par le Seigneur.
(Jean XII, 31. Voir no i80 ci-dessus) j celui-ci
eut lieu lors de la venue du Christ dans le
monde.
264. Ces trois phases de l'Eglise Ancienne
embrassent un trop grand nombre de sujets
dignes de notre méditation, pour que nous puis­
sions les étudier d'un seul coup; nous nous
contentero!ls donc, pour le présellt, d'e~am~ner
3i6 LA TOUR DE BABEL

les enseignements contenus dans les neuf pre­


miers versets du chapitre XI de la Genèse, et
ainsi ce qui concerne la première phase de
l'Eglise représentative, dite Ancienne, jusqu'au
temps de sa décadence, époque où elle fut rem­
placée par l'Eglise d'Héber.
Il est dit au verset 1er: «Il y eut dans toute la
terre une seule lèvre et les mêmes paroles ••
La terre est le sol dans lequel la semence de
la Parole de Dieu est semée; la lèvre figure la
Parole de Dieu qui contient la doctrine dans
son sens littéral et dans son sens interne la vé­
rité spirituelle, ou la chose signifiée derrière le
signe.
L'Eglise était alors spirituelle, et, par suite,
ses membres étaient dans l'état de charité et
d'amour mutuel. .
Il en résultait que, bien que les cultes pussent
différer entre toutes les Eglises particulières
qui se rattachaient à l'Eglise de Noé, la charité
ou l'amour du vrai recherché en luI-même,
suffisait cependant, comme lien social, pour unir
entre eux les hommes de tous les cultes et de
toutes les nationalités. Lorsque la charité rè­
gne, la variété ne désunit pas, mais elle fait
mieux ressortir, et elle rend plus puissante l'u­
nité du but. Les idées peuvent être variées, mais
l'esprit cependant reste le même, malgré la va·
riété iGfinie des formes. Le langage, dans un tel
cas, est un et les paroles sont à l'unisson.
Chez les hommes de l'Eglise Adamique, la
connaissance des correspondances entre les
signes et les. choses sig.nifiées était révélée
directement de Dieu, par leur perception du
bien, car ils étaient nés dans l'amour du bien.
Mais chez les hommes de l'Eglise de Noé, lors­
que la perception du bien fut remplacée par la
conscience du vrai, la connaissance des cor­
LA TOUR DE BABEL 377
respondances devint la science des correspon­
dances, parce qu'elle dût devenir une préoccu­
pation de l'esprit. En effet, la pensée humaine,
dans ces nouvelles conditions du génie humain,
devait faire un effort pour voir la vérité spiri­
tuelle à travers le voile de la vérité naturelle.
C'est pourquoi aussi les post.diluviens eurent
la foi, chose nouvelle et inconnue jusqu'alors;
elle enveloppait l'amour ou la charité qui, an­
térieurement, suffisait seule.
Cette connaissance des corre~pondances, •
ainsi transformée en science, fut non seule­
ment connue, nous dit Swedenborg, mais cul­
tivée dans un grand nombre de royaumes; elle
était la principale science des anciennes civi­
lisations; mais elle fut perdue depuis le com­
mencement des temps historiques. Elle était
bien connue en Asie, dans la terre de Canaan,
dans l'Egypte, l'Assyrie, la Chaldée, la Syrie,
l'Arabie, à Tyr, à Sidon; des côtes maritimes,
elle fut transportée en Grèce; mais là elle fut
changée en récits fabuleux, ainsi qu'on peut le
voir par les récits des écrivains les plus ancien
de celte contrée.
Ce n'est que par la doctrine qui se trouve
écrite çà et là dans les textes de la Parole ré­
vélée, et dans son sen!'llittéral, qu'on s'est trouvé
à partir des temps de l'édification de l'Eglise de
Noé par une Bible écrite, en possession d'une
clef pour lire dans son sens interne et s'élever
ainsi àl'amour de ce sens interne; mais lorsque
le sens littéral des textes fut torturé parce qu'on
voulut y trouver des arguments pour édifier une
autorité sacerdotale destinée à dominer sur
les consciences, et sur l'uuivers entier, on per­
dit la possession de cette clef qui ouvrait le
sens interne, et la doctrine fut falsifiée et cor­
rompue en même temps que ce sens interne.
378 LA TOUR DE BABEL

C'est ainsi que cette science des correspon"


dances,après avoir été transportée en Grèce, se
transforma en récits fabuleux et en superstitions
indignes.
Les représentatifs du culte n'étaient donc plus
que des signes séparés de leurs significatifs et
ils furent alors la source de toutes les mytholo­
gies anciennes La perte des choses signitlées
par ces signes hiéroglyphiques, est décrite dans
la Bible par la construction de la tour de Babel
et la confusion des langues.
265. L'Eglise d'Héber et l'Eglise braélite, qui
s ucqédèrent à l'Eglise de Noé, eurent donc un
cul te externe; elles inclinèrent de plus en plus
vers le despotisme sacerdotal et vers le mysti­
cisme, en conservant les représentatifs dans le
cérémonial du culte, après avoir perdu de vue
leur sens sigaificatif. C'est ainsi que le vrai qui
était dansles trois Eglises Anciennes, l'instru­
ment principal de la régénération de l'âme
humaine, se transforma en principe autoritaire,
sous le prestige du pouvoir sacerdotal. Ce vrai
descendit donc jusque dans le plan de la vie
matérielle, et dut, à son tour, être transformé
en principe utilitaire, à la fondation de l'Eglise
chrétienne; les anciens représentatifs furent
alors abolis, pour renaître sous une forme plus
simple et plus compatible avec l'esprit nouveau,
dans les deux sacrements du baptême et de la
communion. Dans l'Egiise de l'avenir qui sera la
seconde Eglise chrétienne, les représentatifs
prendront un développement de plus en plus pro­
fond en s'étenflarlt, non seulement à la connais­
sance des choses signifiées dans le sens interne
par les signes du sens littéral de la Parole révé.
l ée, mais encore aux œuvres de charité qui em­
brasseront la pratique et les applIcations de tou­
tes nos sciences sociales. Cette pratique sociale
LA TOUR DE BAnEL 379
estdëjà reconnue nécessaire par la doctrine chré
tienue, telle qu'elle ést écrite daus le texte lit­
téral de la Bible, et cette doctrine, dès qu'elle
en sera bien dégagée, fournira à son tour la
clef qui est nécessaire pour pénétrer dans le
sens interne, à travers le voile de sa leltre.
266. Mais, reprenons l'étude des lIeuf premiers
ver&ets du chapitre XI de la Genèse, dont nous
avons dû nous écarter momentanément, afin de
mieux éclairer l'esprit général de ce chapitre.
Il est dit au verset 2: li Et il arriva que, quand
« ceux-ci partirent de l'orient, ils trouvèrent
c une vallée dans la terr~ de Shinéar, et ils y
« habitèrent. »
Ce texte nous annonce que les peuples an­
ciens partirent de l'orient; c'est une manière
ùe nous faire entendre qu'ils se relâchèrent de
leurs liens fraternels. En effet, l'Orient, partout
dans la B!ble, figure l'amour procédant du Sei­
gneur, reprllsenté alors par le soleil qui se
lève à l'orient. Ils s'éloignèrent donc de cet
amoUl', et desceQdirent dans la vallée. Dans la
Bible, les vallées sont les symboles des affec­
tions inférieures, et les montagnes, ceux des
affections ~upérieures. La terre de Shinéar
signifie le culte externe dans lequel est le pro­
fane.
267. Le texte de la Genèse continue ainsi par
son verset 3: «Et ils dirent, l'homme à son com­
« pa gnon : allons,faisons des briques, et cuisons­
« les au feu; et ils eurent la brique au lieu de
« pierre,etils eurent le bitume au lieu d'argile .•
La pierre signifie le vrai; en effet, la pierre,
par ses qualités naturelles, produit une fonda­
tion solide, et elle est une matière qui convient
aux murs des édifices; elle est donc bien la
correspondance du Vrai Divin. De là vient que
-la brique, parce qu'elle est le produit du travail

-
380 LA TOUR DE BABEL

humain, et qu'elle est substituée à la pierre,


figure les opinions provenant de l'imagination
des hommes.
Toutes les pratiques du culte, et toutes les
superstitions qui tendent à l'exaltation de l'or­
gueil sacerdotal, sontdes briques de l'invention
humaine, mises au lieu et place des pierres
d'un édifice réellement spirituel. Le feu qui
cuit les briques, représente le désir persistant
d'avoir la domination sur les âmes des hommes,
désir qui produit du zèle pour soi-même, et
non pour l'amour de Dieu et du prochain. Le
bitume, à cause de sa nature inflammable, et
de son usage, qui était de servir de lien pour ci­
menter les briques, figure le mal de la cupidité.
C'est aussi la cupidité de la domination qui
tient en cohérence le système babylonien.
Le texte continue ainsi: « Et ils dirent: Al­
« Ions, bâtissons-nous une ville et une tour, et
« que son sommet soit dans le ciel; faisons-nou&
" un nom, de peur que nous ne soyons peut-être
« dispersés sur les faces de la terre.»(Gen. XI, 4.)
De même que le jardin d'Eden, la tour de
Babel a été une énigme pour ceux qui s'en
tiennent au sens littéral de la Bible; mais com­
ment supposer que des hommes aient eu l'idée
aussi enfantine de vouloir atteindre le ciel par
une construction en briques, faite dans les pro­
fondeurs de la vallée, quand Hs n'avaient pu
atteindre au ciel, pendant que l'arche de Noé
était arrêtée sur les hauteurs du mont Ararat,
dans la région CI es neiges perpétuelles? Ce n'est
donc que dans le sens allégorique qu'une telle
histoire peut être comprise, On voit que dans
l'Apocalypse, « Babylone la grande, ~ est le ~ym
bole d'une Eglise égoïste et superstitieuse. (Ap.
XVlI. 0; XVIII. 9; 21.) Il s'agit du pouvotr sacer·

\
LA TOUR DE BAREL 381
dotal qui veut dominer sur les consciences et
sur toute la terre.
e Bâtissons-nous une ville,» signifie fai­
sons-nous un système de doctrine sur lequel
nous édifierons une Eglise; or, la véritable
Eglise du Seigneur est une cité qui descend du
Ciel; c'est une ville de protection pour l'àme
humaine, contre les assauts de nos tentations;
mais ce n'est plus un système propre aux hom­
mes, fabriqué uniquement pour donner satisfac­
tion à leurs désirs. Ils disent donc: c Bâtissons­
nous une ville et une tour. » La ville est ici la
doctrine pervertie de l'Eglise, et la tour repré­
sente la prétention arrogante de l'amour de soi
dans une telle Eglise.
La vraie Eglise est représentéA, dans l'Evan­
gile, par le Seigneur (Matth., XXI, 33.) e qui
« planta une vigne, et d'une haie l'entoura, et y
« creusa un pressoir, et bâtit une tour. »Ici la
tour signifie la pensée élevée de ceux qui sont
hommes spirituels, tandis que la tour que les
hommes, inspirés par l'orgueil, bâtirent, c'est
la prétention d'être adorés de tous.
Lorsque les hommes prostituent la religion
pour satisfaire à un orgueil insensé, rien ne
leur coftte pour arriver à leur but. Ils s'arrogent
la puissance de Dieu, et ils se meltent en son
lieu et place. Les offenser, c'est offemer Dieu;
les contredire dans leurs dogmes, c'est s'attirer
la plus forte excommunication. Ils prétendent
que leurs pouvoirs touchent au Ciel, qu'ils ont
les clefs des portes du Ciel, et ils en refu­
.sent l'entrée à ceux qui ne veulent pas se
dire leurs très humbles serviteurs. Telle a été
la prétention orgueilleuse de Rome, la Baby­
lone de l'Apocalypse, et telle a été la Babel de
la plaine de Shinéar.
382 LA TOUR DE BABE

Leur langage est toujours: « Faisons-nous


une Eglise à part, dans laquelle nous n'admet­
trons que les amis de notre autorité person,
Delle. ~
Mais, les ministres de la vraie religion imi­
ten t celui qui était le serviteur de tou s, et qui
disait: «Apprenez de moi que je suis doux et
« humble de cœur, et vous trouverez du repos
« pour vos âmes. »( Matlh. XI. 29. )
Ce bel enseignement n'empêche pas,' cepen­
dant, les sectaires du pouvoir sacerdotal et les
autoritaires de s'écrier toujours: «Faisons-nous
« un nom, de peur que nous De soyons peut-être
« dispersés sur les fac~s de toute la terre. »
268. Le verset 5 continue ainsi: «Et Jéhovah
« descendit pour voir la ville et la tour que bâ­
« tissaient les fils de l'homme. »
Il est dit dans la Bible que le Seigneur voit,
quand Il rend manifeste à ses créatures, ce
qu'Il voit. Il est certain que Celui qui remplit
le Ciel et la terre est présent partout et qu'Il
sait tout. Mais, lorsqu'Il se manifeste à l'homme
par sa Vérité qui juge celui-ci dans ses actes,
Il nous apparaît alors comme commençant à
observer. Il en résulte que ce verset 5 signifie
dans son sens interne que le jugement particu­
lier de cette Eg:ise de Noé se fit, parce que les
hommes de cette Eglise avaient perverti la doc·
triue, et profané le cuIte par les faussetés qu'ils
lui substituaient. C'est ce qui est plus ample­
ment développé dans les versets suivants:
6. «Et Jéhovah dit: «Voici un seul peuple,et
« une seule lèvre à eux tous, et voilà leur entre·
« prise pour faire, et maintenant, rien ne les
« détournerait de ce qu'ils ont pensé faire.
7. » Anons, descendons, et confondons là leut'
« lèvre, afin qu'ils n'entendent pas, l'nomme, la
!< lèvre de son çOIl1pa~non, - .
LA TOUR DE BABEL 383
8» Et Jéhovah les dispersa de là sur toutes les
c faces de la terre, et ils cessèrent de bâtir la
« ville.
9. »C'est pourquoi il appela son nom Babel,
« parce que Jéhovah confondit la lèvre de toute
« la terre, et de là Jéhovah les dispersa sur les
« faces de toute la terre. ,.
269. Nuus avons vu que toutes les religions
antiques avaient perdu leur sens interne, et
restaient voilées et complètement obscurcies
par leur sens littéral, le seul qu'on acceptât;
toutes les mythologies anciennes n'étaient plus ,. 1.

que des histoires fabuleuses; elles furent l'ori­


gine de toutes les idolâtries du paganisme, et
de toutes les superstitions. Or, comme on ne
s'entendait plus sur la vérité spirituelle, il y
eut, suivant le langage biblique, une véritable
confusion de langues; on ne comprenait plus
la religion dans son sens élevé, et on ne s'at­
tachait plus qu'au merveilleux et au miracle,
c'est-à-dire au mys ticisme.
La confusion des lèvres représente donc les
différentes doctrines qui s'élèvent lorsque le
despoEsme sacerdotal se fait sentir et vient
peser sur les consciences. Ces différences font
des scissions qui engendrent des Eglises sec­
taires; celles-ci ne s'entendent plus, parce
qu'elles ne peuvent plus parler le même lan­
gage. Cette confusion des langues est signifiée
par le mot hébreu Babel: chacun alors a son
langage propre,ou une doctrine particulière, au
nom de laquelle,on s'excommunie mutuellement.
Telle a été la Babel des temps anciens, et
telle est aussi la Babel de nos différentes Egli­
ses actuelles.
L'histoire de Babel est, quant à sa lettre, une
histoire qui semble pour des enfants; mais,
quant à son esprit, elle est d'une grande impor­
384 LA TOUR DE BABEL

tance, car elle trouve son actualité dans toutes


les divisions des différentes Eglises chrétiennes;
celles-ci, au lieu de s'unir par la cha rité, ou par
des liens fraternels, pour travailler de concert
à l'œuvre du bonheur de l'humanité, se divisent,
sous le fallacieux prétexte que chacune voit le
dogme religieux à un point de vue différent.
En résumé, nous ne devons pas bâtir de ville,
ni de tour pour nous- mêmes, mais nous devons
tous coopérer à l'édification de la Jérusalem
nouvelle. C'est dans cette Eglise de l'avenir, que
les principes d'union des hommes formeront des
mœurs nouvelles et qu'une véritable fraterniti
deviendra la pratique sociale des hommes de
toutes les nations.
CHAPITRE XXXIII
Les Hébreux et le Culte des saorifices
270. Le culte des sacrifices institué par Héber est pareil à.
celui qui fut l'établi ensuite chez les descendants de Ja·
cob, L'histoire de la tour de Babel marque la fin du style
mythique et le commencement du style historique de la
Genèse, - 271. Le culte des sacrifbes est int imement lié
à la nouvelle Alliance de Dieu avec l'homme, Par ce culte,
on offre à Jéhovah les bonnes affections et les bonnes
pensées représentées hiéroglyphiquement par chaque
animal suivant son espèce. Le Seigneur accepte ce nou­
veau culte parce qu'il s'adapte aux transformations du
génie hl1main, - 272. Le sang répandu sur l'autel repré­
sentait le Di vin vrai que le Seigneur appelle le sang de
la nouvelle Alliance. Le jabot des oiseaux correspond à
la mémoire de l'homme lorsqu'elle est remplie de faits
non encore digérés par la faculté rationnelle. - 213, L·oi·
seau devait être entamé et non dhisé, mais le contrail'e
avait lieu pour les autrlls animaux. Pourquoi 1 - 214.
L'attente d'unFils de Dieu fut une croyance qui dévia de
sa pureté originaire au poin t d'amener l'usage du culte
des sacrifices humains: ceux-ci furent atténués ensuite
par l'usage du culte des sacrifices d'animaux. - 275. Le
sacrifice de Jésus SUl' la croix ne fut que le résultat de
ses luttes contre le mal héréditaire qu'il tenait de Marie;
sa victoire dans ce combat contre les tentations eût aussi
pOUl' résultat la glorification de son Humain alors uni à
Jéhovah ou à son Divin. Pour les hommes, le sacrifice
réel est de rendre quiescent leur amour exclusif des choses
externes. - 276, Les quatre phases par lesquelles a passé
l'Eglise 1sraélite. - 271, L'attachement des Israélites à
leul' religion repose surtout sur l'espoir d'un royaume
temporel destiné à les faire dominer sur tout l'univers.
La mission réelle du peuple Juif a été de conserver intact
le dépôt de l'Ancien Testament, dépôt envisagé par lui
comme un inptrument de domination à venir sur le mon­
de, et par suite comme un trésor qu'il fallait préserver
de toute altération. - 278. La promesse de la tel'l'e
Canaan faite par Jéhovah à la descendance d'Abraham
f;ignifiait et représentait la promesse du Royaume céleste
aux justes et nullement celle d'un royaume terrestre.
Entendue littéralement par les Juifs, elle devait leur can­
sel' une amére déception.
33
386 LES H.f:BREUX El' LE CULTE DES SACRmaEls

~ En ce jour là, Jéhovah trai·


ta alliance avec Abram."
(Genèse XV.IS.)

270. La nation qui reconnaissait Héber pour


ancêtre s'est appelée la nation des Hébreux. Ce
nom se réfère dans la Bible au culte des sacri­
fices de la seconde Eglise Ancienne. Les des­
cendants de Jacob formèrent la troisième et der­
nière Eglise Ancienne; ils reprirent le culte
des sacrifices. .
Les descendants de Jacob avaient, durant
leur séjour en Egypte, perdu jusqu'au souvenir
du nom de leur Dieu, Jéhovah; Moïse lui-même
dans sa jeunesse ignorait ce nom. O'est pour­
quoi la première chose dont ils furent instruits,
c'est que l~ Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob,
ainsi le Dieu des Hébreux était Jéhovah, comme
on peut le voir dans plusieurs passages de la
Bible. (Exode III. 6. - V. 3 et ailleurs).
Il est dit aussi que Noé offrit des holocaustes
à Jéhovah, (Genèse VIlI. 20.) mais cela est ex­
primé dar.s le style mythique des onze premiers
chapitres de la Genèse. Ces holocaustes ne
signifiaient alors que le culte du cœur, fondé
sur la charité et la foi.
Ce n'est que plus tard, quand les Egiises
devinrent plus externes par leur culte, qu'on
entendit le mot holocauste ou sacrifice dans le
~ens littéral. C'est alors que se place la fin des
Eglises ilérivées de Noé, et la décadence de
l'âge d'argent. Cette fin ou cette décadence a été
représentée dans la Bible par la construction de
a tour de Babel, et par la confusion des lan­
gues.
Le style mythique est interrompu après cette
légende du chapitre XI de la Genèse, et le
style historique commence en:::luite avec Abram;
LES millREUX ET LE CULTE DES SACRIFICES 387
c'est le premier personnage de la Bible qui re­
vêt un caractère historique.
L'Eglise d'Héber et son culte des sacrifices,
se transformèrent plus 1ard en idolâtrie; alors
commença l'histoire d'Abraham et de l'Eglise
Israélite. Ce culte des sacrifices institué par
Reber s'était étendu dans plllsieurs contrées de
l'Orient et notamment en Canaan. Balaam qui
était de Syrie, pays d'Héber, d'où sortait la na­
tion des Hébreux, offrit non-seulement des sa­
crifices, mais appela même Jéhovah son Dieu,
bien avant que les descendants de Jacob fussent
arrivés en Canaan.
La destruction déS resles de l'Eglise d'Héber
est décrite dans la Bible, par l'extirpation des
nations de la terre de Canaan, et aussi par plu­
sieurs extirpations et destructions dans les Pro­
phètes.
271. Nous avons à montrer que ce culte des
sacrifices est intimement lié à la nouvelle Al­
liance de Dieu avec l'homme pour l'établisse­
ment de l'Eglise Israélite, et nous avons aussi
à présenter sommairement les phases de progrès
et de décadence de cette Eglise.
Les peuples anciens avaient cessé de rendre
un cl,llte à Dieu dans le sens interne, c'est-à­
dire par les affections du cœur et par les pen­
sées rationnelles qui en découlaient. Or, ces
afftlctions bonnes et ces bonnes pensées, étaient
figurées dans la sagesse antique par les bêtes
et les oiseaux, dont chaque espèce représentait
une afiection ou une pensée différente. Nous
avons eu l'occasion d'expliquer déjà au no 50
ci·dessus, l'origine du culte symbolique des ani­
maux.
Bien que les hommes eussent perdu leurs
bonnes affections et leurs bonnes pensées lors
de l'apparition de Jéhovah à Abraham et à
388 LES HÉIlREUX ET LE CULTE DES SACRlFlCrs

Moïse, ainsi, lors de la fondation de l'Eglise


Israélite, les Hébreux crurent néanmoins de­
voir continuer leur culte à Jéhovah, en lui
offrant en sacrifice les animaux qui représen­
taient hiérogliphyquement ces bonnes affections
et ces bonnes pensées.
Le Seigneur accepta ce nouveau culte,devenu
beaucoup plus externe que l'ancien culte des
holocaustes, parce qU'lI s'adaptait mieux aux
modifications du génie humain qui devenait de
plus en plus externe.
Dieu respecte, en effet, toujours la liberté de
l'homme, et attire à sa vérité, sous des formes
infiniment variées, ceux qui se donnent libre­
ment à Lui. C'est pourquoi le Seigneur édicta
dans la Bible des lois sur les sacrifices, mais
de manière que leurs applications restassent
toujours représentatives des bonnes pensées.
alors absentes du cœur de beaucoup d'hommes.
Il ne faut pas en conclure que les sacrifices
ont été commandés parDieu,(Voir l Samuel XV.
22. - PS. LI. - Matth. IX. 13) ; le Seigneur
se borna seulement à les réglementer pour
qu'ils devinssent les représentatifs du culte
interne, ou de l'Eglise spirituelle qui devait re­
venir un jour.
C'est ainsi que le sang répandu sur l'autel,
devint le représentatif du divin Vrai. Partout
où il est question du sang dans la Bible, il s'agit,
dans le sens interne, de la vérité; nous avons
eu précédemment l'occasion de le montrer,
aux nos 32 et 37 ci-dessus.
272. La Parole révélée, lorsqu'elle est méditée
et ai mée, nous dévoile le vrai: c'est le sang
qui purifie nos âmel:l. Le Seigneur l'appelle: « le
~ sang de la nouvelle alliance, qui est répandu
» pour un grand nombre, en rémission des pé­
» chés. » (Matth. XXXI. 28.)
LES HÉBI\EUX ET LE CULTE DES sAcniFiCES 389
Les pensées de l'homme sont représentées
dans la Bible, par l€s oiseaux, et les affections
par les autres animaux: on voyait entre ceux·ci
et les oiseaux le même rapport qu'entre les
chqses de la volonté et celles de l'entende..
mt!nt. (1)
Dans le Lévitique, (I. 16.) il est dit, à propos
du sacrifice des oiseaux, que le sacrificateur
devait ôter le jabot avec la plume, et le jeter
prés de l'autel vers l'Orient.
Le jabot est la poche dans laquelle l'oiseau
dépose sa nourriture avant qu'ellp. soit digérée;
le jabot correspond à la mémoire de l'homme,
parce que l'instruction confiée à la mémoire,
et non encore digérée pal' la faculté rationnelle,
ni adaptée à la pratique de la vie sociale, est
semblable à la nourriture déposée dans le jabot
d~s oiseaux, et non encore digérée.
Lorsque nous quittons la vie terrestre, de
telles connaissances restées Clans la mémoire
seulement, ne sont d'aucune utilité devant
Dieu, et elles sont rejetées. Malheusement, la
religion de la mémoire seule est encore celle de
la grande majorité des hommes: ils la profes­
sent, mais ne la pratiquent pas dans leurs rap­
ports sociaux. Leur religion est celle du jabot
et des plumes, et elle est rejetée comme les
cendres. Si elle est rejetée près de l'autel vers
l'Orient, c'est parce que la vérité retourne ainsi
à Dieu, sans que l'homme se la soit appropriée,
ou en ait tiré aucune utilité, car il l'a gardée
dans sa mémoire seulement.
273. Une autre particularité remarquable dans
(1) Les caractères cunéiformes ont une grande -ressem­
illance avec les traces de pattes des oiseaux laissées SUl'
le sable, et ils servaient aussi aux anciens Assyriens à.
écrir~ les pensées de l'homme; cela pourrait expliquer la
Corme particulière de cette Ecriture.
390 LES HÉBREUX ET LE CIJLTE DES SACRlFICES

ce culte des sacrifices, c'est que l'oiseau sacrifié


devait être entamé et non divisé. Or, le cou­
traire avait lieu dans le sacrifice des autres ani­
maux; ceux-ci devaient être partagés par le
milieu. (Genèse, XV.10.)
Ainsi, pour les bêtes qui représentaient les
bonnes affections du cœur, il y avait division
complète, et chacun des morceaux était placé
l'un vis-à-vis de l'autre, parallèlement. Ceci
représente les deux côtés de l'allianc~ qui doit
s'opérer entre Dieu et l'homme. Le Seigneur
fait influer le bien dans l'homme: l'homme le
reçoit par l'intérieur. D'un côté, Dieu conjoint
l'homme à Lui; de l'autre côté, l'homme obéit.
« Demeure en Moi, ) dit le Seigneur, « et Moi
en toi. » (Jean, XV. 4, 5.) C'est ce qui a eu lieu
par le moyen du blen dans la volonté régénérée.
Mais les pensées de l'homme, qui sont représen­
téespar les oiseaux, ne sont pas susceptibles
d'être mises en parallèle avec le divin vrai,
car il doit y avoir des erreurs et des "illusions
dans ses pensées, bien qu'il puisse néanmoi ns
être dirigé dans la bonne voie. L'esprit est sou­
,ont la dupe du cœur.
Ainsi, le culte des sacrifices n'était qu'une
déviation du culte du cœur; en effet, l'homme
voit l'idée des sacrifices qu'il doit faire à Dieu,
dans l'idée d'une pénitence ou d'une expiation
qu'il doit s'i mposer pour racheter son péché; li
s'imagine qu'une fois la punition subie, le mal
du péché a disparu, et qu'il est pardonné.
Mais le Seigneur voit tout autrement les eho­
ses: dans la pensée divine, le mal du péché ne
disparaît pas apres que l'homme a subi la pé­
nitence, mais il disparaît par la repentance;
l'homme doit combattre, afin d'extirper d~
son cœur, par cette repentance, les maux et les
faux qui y sont enracinés, et leur substituer
LES HÉnREUX Ii.T LE CULTE DES SACRIFICl':S 3Ui
le bien et le vrai. Dieu est la source unique du
bien et du vrai; c'est, par conséquent, à Lui seul
que ce bien et ce vrai doivent être consacrés,
après le sacrifice à Lui fait également, du mal
et du faux.
Il en résulte que ce culte des sacrifices, tel
que l'homme le comprend, en général, n'est pas
tel que Dieu le comprend.
Comme l'homme le comprend, il est impar­
fait, car HIe yoit plutôt dans les privations ou
dans le sacrifice d'un bien externe, tandis que
Dieu le voit dans le sacrifice des mauvaises
affections et des mauvaises pensées, et dans la
consécration qui doit lui être faite du bien et
du vrai.
Cependant, tout imparfait que soit ce culte,
tel que l'homme de l'Eglise Israélite le conce­
vait, il suffisait néanmoins pour diriger l'homme
dans la bonne voie.
De même, la crainte de Jéhovah qui servait
de fondement principal à la religion des Israé­
lites, pouvait aider l'homme Juif à sortir d'une
vie sensuelle, bien que cette idée de crainte,
inspirée par unDieu miséricordieux, fut une idée
erronée. Mais le côté sal vifique d'une foi aussi
erronée n'en persistait pas moins, dès lors
qu'elle impliquait la reconnaissance de l'autorité
divine, et de son droit de tutelle sur l'homme.
Il suffit donc, à la rigueur, que l'homme re­
(onnai.sse qu'il a des devoirs à remplir envers
Dieu, bien qu'il ne les voie pas, ou qu'il ne les
accepte pas de suite dans toute leur étendue,
et tels qu'ils sont réellement enseignés par la
sa gesse divine. C' est là précisémen t ce qui
était représenté par les oi5eaux qui. devaient
être entamés mais non partagés.
274. Lorsque l'Eglise Ancienne, dite Eglise
de Noé, tomba, et que l'Eglise d'Héber lui fut
392 LES FÊBREUX ET LE CULTE DES SACRIFicES

substituée, avec le culte des sacrifices, le monde


était toujours dans l'attente d'un fils de Dieu,
qui devatt relever l'humanité de sa chute dans
le mal. Mais cette attente générale du monde
dévia de sa pureté originaire, et finit par intro­
duire l'usage, pour le père de famille, de sacri­
fier un enfant. C'est ainsi qu'Abraham prend
les injonctions de sa propre conscience d'ido­
lâtre pour un commandement réel que Dieu
lui donne, suivant le sens liitéral du texte,
Genèse XXII. 2.) d'offrir son fils Isaac en holo­
causte. Il est sou vent écrit, dans la Bible. que
Dieu parle, lorsqu'il s'agit, en réalité, d'une
chose de conscience etde foi. Comme on cro­
yait que le Fils de Dien, lorsqu'il viendrait
dans le monde, s'offrirait lui-même en holo­
causte; on en concluait qu'en sacrifiant son
propre enfant, on faisait expiation de ses
péchés.
Le culte des sacrifices, institué chez les Juifs,
ne fut donc qu'une atténuation et un progrès
sur les sacrificès humains adoptés chez les
peuples tombés en idolâtrie. A leur tour, les·
sacrifices des animaux chez les Juifs, furent
atténués chez les Chrétiens par le culte du sa­
crifice de soi-même, et la consécration à Dieu
du bien et du vrai divins, offrandes qui sont
toutes deux figurées par les deux sacrements
du Baptême etde la Sainte-Cène.
275. Ce sacrifice de soi-même fut réalisé de
la manière la plus parfaite par le Seign.eur,
qui donna sa vie pour les siens, (Jean, XV. 13.)
et qui fut élevé sur la croix. C'est le propre di­
vin amour du Seigneur qui le décida à s'incarner
pour combattre le mal héréditaire accumulé de
génération en génération jusqu'à Marie qui des­
cendait de la tribu de Juda et de la famille de
David. Ce mal héréditaire avait donc été trans­
LES HÉBREUX ET LE CULTE DES SACRIFICES 393
mis à l'Humain du Seigneur, qui dut le com­
battre et le vaincre pour que son Divin puisse
s'unir à son Humain, ce dernier se trouvant
alors puri fié et glorifié.
Or, cette victoire ne devait être et ne fut
complètement obtenue que par la passion de la
croix, qui fut la dernière des tentations à la~
quelle le Seigneur ait été en butte, dans son
combat contre le mal héréditaire provenant de
Marie.
La voie à suivre pour la régénération de l'âme
humaine est ainsi toute tracée j celle-ci trouve
son modèle dans la glorification du Christ. Le
mal est dans les illusions et l'amour trop exclusif
de chacun pour les choses externes, naturelles
et sensuelles; mais les déceptions qui résultent
de cet amour mis en pratique, conduisent aux
épreuves des tentations par des souffrances.Nous
nous tro'uvons alors dans l'alternative de choisir
entre les illusions et les réalités; les illusion~,
une fois ébranlées et non pas confirmées, amè­
nent les choses externes naturelles et sensuelles
à devenir quiescentes en l'homme,avant que les
choses spirituelles puissent se manifester par
l'amour des vérités intérieures et supérieures.
Lorsque le moment arrive où celles-ci dominent
sur les sens qui ne servent plus que d'instru­
ments, de telle sorte que l'homme externe de.
vient subordonné à l'homme interne et uni à
lui, il n'y a plus discordance entre eux et la ré­
génération estalors opérée.
276. L'Eglise Israélite, de même que l'Eglise
d'Héber, ne fut, en réalité, qu'une continuation
sous des formes plus externes, du culte des
choses représentatives, de vérités spirituelles
par des cérémonies et des vérités dont on avait
fini par perdre le sens significatif. C'était plus
qu'une union de l'Eglise et de l'Etat, car c'était
394 LES HÉBREUX ET LE CULTE DES SACRIFIC.ÉS

une Eglise remplissant toutes les fonctions de


l'Etat, celui-ci se trouvant ainsi transformé en
gouvernement théocratique.
De même que toutes les Eglises du passé,
l'Eglise Israélite a parcouru quatre phases qui
peuvent être comparées à son matin, à son midi, .
à son soir, et à sa nuit.
Le matin a été l'apparition du Seigneur Jé­
hovah, devant Abram et devant Moïse. (1)
Le midi a été la phase d'instruction par la
promulgation sur la mont Sinaï du Décalogue et
par la publication des lois appelées jugements
et statuts; ceux-ci concernaient les fêtes, les
sacrifices, le Sacerdoce, le Tabernacle, etc.
Le troisième état de cette Eglise ou son soir,
est marqué pal' sa déviation du vrai culte repré­
sentatif qui se transforma en idolatrie, ainsi
que cela est décrit dans les livres des Pro­
phètes. (2)
Enfin, le quàtrième état de cette Eglise, qui
est sa nuit, est marqué par la profanation des
choses saintes du culte; il en est question dans
les parties historiques de la Bible, où sont dé­
crites les actions déréglées des rois Israélites;
mais la consommation ou la fin de cette Eglise
est prédite, mais non décrite dans la Bible. Ce
fut la destruction de Jérusalem et la dispersion
sur toute la terre de la nation Juive. Cette fin de
l'Eglise est aussi prédite par les Peophètes. (3)
277. Toute la religion des Israélites, bien que
destinée à servir de fondement à l'Eglise chré­
tienne ne reposait que sur l'espoir d'un royaume
temporel, qui au nom d'une théocratie sacerdota­
(1) Genèse XVlII. 1- Exode lII. 2, 4. - Jean VIII. 56, 58.
(2) Esaïe V. 3 il. 12.- Jérémie, XII.lO à 13.-Joël, 1 à 10

etc.

(3) Esaie, VII. 23, 24.- Ezécllic1, XV. 8. XXXII. 7 à 9.,­


Jér'émie, IV. 23 à 3i. V. 10, 1~, etc.
LES HÉBREUX ET LE CULTE DES SACRIFICES 395
le,donnerait au peuple Juif la domination sur les
consciences, et la possession de toute la terr.e.
L'Eglise Romaine, par sa papaute, a essayé
plus tard, mais heureusement en vain, de
prendre à son profit cet idéal du peuple Juif.
Ce mysticisme despotique avait cependant, il
y avait longtemps déjà, été discrédité par la
chute de la première Eglise Ancienne, racontée
dans l'Ancien Testament, sous la figure de la
-chute de Babel et de la confusion des langues.
Il avait été flétri plus tard dans l'Apocalypse
par les allusions faites à « Babylone la grande,
» la mère des impudicités et des abominations
» de la terre. »(Apoc. XVII, 5.)
Ce désirdu peupleJuif, de dominer le monde,
perce encore aujourd'hui dans son aptitu1e par·
ticulière à s'enrichir dans les spéculations finan·
cières. C'est cette aptitude particulière qui le
rendit apte à remplir sa mission à l'égard de
l'Eglise chrétienne,et qui lui fit conserver intact
le dépôt de la Parole de Dieu, c'est-à-dire l'An­
cien.Testament j ce dépôt fut envisagé par les
Juifs comme un instrument de domination à venir
sur toutes les nations de la terre, et comme un
trésor qu'il était de leur intélêt de garder, avec
la sollicitude et la ténacité de l'avare. Mais ce
dépôt de l'Ancien Te8tament était destiné par le
Seigneur à être un instrument de régénération
de l'âme humaine.
278. L'alliance faite par Jéhovah avec Abra­
ham, comprise dans la lettre, ainsi judaïque­
ment, pourrait, à pl-eILlère vue, être considérée
comme fallacieuse, car ses effets ont été, pour
ses descendants, une véritable déception. Il
paraît, en effet, impossible de concilier cette
promesse avec la dispersion des Juifs qui atten­
dent encore maintenant leur Messie; cette con­
ciliation est, au contraire, possible pour tous
396 LES HÉBREUX ET LE CULTEl DES SACRIFICES

ceux qui voient l'esprit à travers la lettre. On


s'aperçoit alors,qu'en réalïté,ce sont les enfants
d'Israel qui ont manqué à leurs promesses; en
effet, si la promesse faite à Abraham est une
alliance, si le culte même des sacrifices, rap­
pelle continuellement, par ses représentatifs,
le souvenir de cette Alliance entre Dieu et
l'homme, le Décalogue est également une
alliance, la plus sérieuse certainement, car elle
suppose l'application dans la pratique même de .
la vie sociale, des conditions de cette alliance
entre Dieu et l'homme. Or, les Israélites n'ont
point rempli les conditions de l'Alliance avec
Dieu, parce qu'ils la rendirent de nul effet, par
leurs traditions. Ils ont substitué la tradition
aveugle à cette loi des commandements.Le Sei·
gneur Lui-même l'affirme dans l'Evangile de
Matthieu (XV. 6.)
De plus, il faut observer qu'en réalité, la pro­
messe de la terre de Canaan, signifiait et repré­
sentait, d'après la science des correspondances,
la promesse du Royaume céleste.
Ainsi, l'état de réj:!;énération qui est la cop­
quête du royaume céleste, vers l.aquelle le Sei­
gneur nous mène, a été représenté par la con­
quête de la terre promise, et les combats, ainsi
que les conditions à remplir, pour acquérir cette
terre de Canaan, qui figure le royaume céleste,
ont été représentés par les épreuves variées
des Israélites dans le désert.
L'alliance que Jéhovah traita avec Abraham
et avec Moïse, continue avec les Chrétiens de
l'Eglise de l'avenir, qui aspirent à édifier une
nouvelle Eglise qu'ils appellent, pour mieux
affirmer cette continuation ou cette reprise Je
l'ancienne Alliance: « la Jérusalem nouvelle. »
] cor

CHAPITRE XXXI v
L'Eglise chrétienne et le Royaume du Seigneur
2ï9. Le Royaume du Seigneur est au dedans de chacun
de nous; il faut donc, pour que le monde terrestre
puisse devenir une image ciu Royaume céleste, que la
fl-aternité et la justice pénètl'ent dans les mœurs. - 280.
LOl'sque l'humanité n'eut plus d'autre bien social que
l'amour du bien-ètl'e matériel, Jéhovah s'incarna dans le
Chl'ist, et exerça un SeCOnd jugemeJlt derni_el'I--p~r
'lr~'.ll~ttre toutes choses. en. ordre et rétablir par sa vérité
l SpI-rituelle, la communicatIOn avec les hommes; de là la
fondation de 1',Eglise chrélienne. - 281. Ce n'est plus
VCl-S le passé que l'homme peut regal'der, mais vers
l'avenir, pour substituer quelque chose de vivant aux
b'adilions mortes. L'Eglise chrétiennc n'est encore que
dans son berceau, malgré ses dix-huit siècl~s d'existence
car elle n'a fail que copiel' le sacerdoc~Jui(. - 282. Le
christianisme primilifeslloin d'être une exposition par-
faite de l'enseignemcnt de Jésus, parce que les disciples
et les apôtres ont dù adapter cet enseigncment de Jésus
aux étals charnels et ignorants de ceux auquels ils
\ s'adressaient. Il n'y a que le second A vènement du Sei-
1 gneur, ~on règne en esprit qui puisse ouvrir le sens
interne et la gloire de la Parole révélëe. - 283. Le but
du christianisme est de réaliser progressivement les
réformes sociales qui sont les promesses du second
AYènem'ent du Christ. - 284. Le Christ fut sollicité
trois fois durant sa vie terrestre de se constituel' juge et
de trancher des différends ayant un caractère jUl'idique
et politique: chaque fois, il Il refusé parce quo) son
Royaume n'était pus dc cc monde. - 285. Le Royaume de
_Dieu u'est pas él abli sur la terre et il ne pcul descendre
sur la terre qu'avec la Jérusalem nouvelle, suivant les
, 'prédictions de l'A pocalypse. L'Eglise doit rester une
lllécole d'enseignement et elle ne peut devenir une autorité
mondainë; qu'cn rcvêlant un caraclère sectaire et clérical.
- 2':6. Le signe qui indique que l'Eglise chrétienne actuelle
arrive à sa tin. pour faire place à l'Eglise de l'avenir, est
que la foi a péri, tandis que la charité a survécu et a
prnrluil l'adoucissement des mœurs: c'est cette chal'ité
qui .e~t la vérilable assise de l'Eglis.û _de l'avenir et qù i
seule rendra possible --la réarlsation du programme de
l'Eglise ~lll'étienlle. - 281, Si l'E:glise ne doit pas prendre
une part directe au gouvernement de l'Etat et aux entl'e-
prises sociales, elle d.oit a voir une influence réellc sur les
Ilmœurs pour établir la justice et la fraternité dans les
sociétés humaines.
34
398 L'ÉGLl~E CH~ÉTIENNE

« Mon royaume n'cst point


decemonde" (lean,XVlll.
30.)

279. L'Eglise chrétienne a dévié de sa voie, à


parlirde l'époque de l'~mpereur Constantin: c'est
aussi dès le quatrième siècle de notre ère, qu'elle
à commencé à devenir riche et puissante. Alors
elle a perdu de vue, cette grande vérité que le
Royaume du Seigneur n'est pas un royaume dans
lequell'ordre social puisse être maintenu par des
moyens externes, au nom d'une force armée,
ou par une organisation purement sacerdotale,
mais que le royaume du Seigneur est au dedans
de tout homme qui, par sa pensée et ses actes,
veut vivre en rapports fraternels avec ses sem­
blables.
Le monde terrestre ne pourra devenir un jour,
une image du Royaume du Seigneur qui est dans
le monde spi ri tuel, quO à une condition: c'est que
la fraternité et la justice s'établissent dans les
mœurs, et ne restent plus seulement à l'état de
declaration de principes, de profession de foi
ou de législation purement idéale.
280. L'Eglise Israélite a représenté l'huma­
nité dans l'amour exclusif du bien-être matériel,
lien social, qui en réalité, n'en est pas un lors­
qu'il se sépare des liens spirituels du bien et
du vrai.
Le but de Jéhovah en descendant dans le
monde, avant la destruction de ~'Eglise Israélite,
fut d'opérer la Rédemption et, au moyen de
celle-ci, de rétablir la communication par sa
Vérite spirituelle entre le Ciel et la terre, pour
que la régénération et, par suite, le salut de
l'homme continuassent à être possibles.
Nous avons vu, en effet, que l'humanité a par­
couru les étapes de sa décadence jusque dans
ET LE ROYAUME DU SEIGNEUR 399
l'âge de fer mêlé à l'argile, suivant ce que Daniel
nous dit de la statue que le roi Nabuchadnetzat'
vit en songe (i). Le fer figure le vrai externe. s6·
paré du bien de ses applications; c'est la foi f:é­
parée de la charité. L'argile figure le faux qui n'a
de consistance ni avec le bien, ni avec le vrai.
C'est lorsque l'humanité fut arrivée à cet état
de décadence l:pirituelle que Jéhovah s'incarna
comme fil~ de Marle, et que, par suite, il naquit
dans le mal héréditaire de. l'âge de fer mêlé à
l'argile.
Durant Ea vie terrestre, le Seigneur exécuta,
dans le monde sptrituel, un second jugement
dernier, sur tous les hommes ùes Eglises du
passé, ainsi que cela est annoncé dans l'Evan­
gi le; (J ea n XII, 31. - Luc X. 18) (2).
En effet, le Royaume ùe Dieu ne pouvait re­
venir sur la terre, avant que le Seigneur n'eùt
remi!", par son jugemelJt df'rnier, toutes choses
en ordre dans les Cieux; car c'est du monde
spiriluel que nous tirons la vérité spirituelle,
pour la tra nsformer dans ce monde terrestre
en règles de droit positif humain. C'est
donc grâce aux influences du monde spirituel
dans le monde terrestre, que l'humanité va
pouvoir maintenant s'élever insensiblement au­
dessus du plan de vie du bien-être matériel,
pour atteindre aux plans de vie de la liberté
spirituelle, qui forment les trois régions du
mental humain, qualifiés de degrés de hauteur.
(voir ci-dessus na 63 (ot s.)
L'incarnation eut lieu pour que l'humanité put
reprendre par voie ascendante, le cycle des
âges, que le Rédempteur seul pouvait lui don­
ner les moyens de remonter, eI} posant les pre­

(1) Voir chapitre XXI ci-dessus, de l'Evangile social.


~2) Voit' chapitre X».II ci-dessus, de l'Evangile social.
400 L'ÉGLISE CHRÉTIENNE

miers fondements de J'Eglise chrétienne et en


ouvrant la nouvelle ère.
2:31. Ce n'est donc plus vers le passé que
l'homme doit regarder, sous prétexte de con­
server les anciennes traditions intactes, et de
sauvegarder par elles la société de la barbarie;
mais c'est vers l'avenir qu'il doit tourner ses
regards; pour cela, il doit rejeter graduelle­
ment les traditions mortes, ne plus s'y attacher
obstinément, lorsqu'elles meurent d'elles·mêmes
dans la conscience des hommes et que l'esprit
nOuveau réussi t à leur substituer quelque chose
de vivant.
Le corps social remplit là un devoir aussi
impérieux, que l'homme individuel qui se repent
de ses erreurs passées, et qui, à mesure qu'il se
repent, réus~it à leur substituer des doctrines
vraies, de manière à se réformer et à se régé­
nérer intérieurement. Mais, ce n'est qu'à la suite
des siècles que le corps social peut aborder pour
chaque progrès nouveau, la première phase de
régénération, qui est la réformation par la re­
pentance, telle qu'elle a été figurée par le bap-.
tême.
Les dix-huit siècles par lesquels l'Eglise
chrétienne a passé, ne marquent encore que
le bdrceau du christianisme, et ils n'ont pas
suffi pour affranchir complètement le monde de
l'idée juive d'un gouvernp.ment sacerdotal.
En effet, les chrétiens ont bien accepté Jésus
comme le l\lessie attendu des Juifs, mais, quand
ils s'aperçurent que le Seigneur ne revenait
pas pour établir un royaume externe sur cette
terre, ils' essoyèrent d'établir, dans l'Eglise
chrétienne tout ce qu'ils purent introduire de
1 l'Eglise Juive, en adaptant sa prêtrise et son
1 ritualisme aux conditions d'existence de l'Eglise
.cbrétienne, pe même
. . " ,
ql~e les Juifs . .l~ur
, avaient
ET LE ROYAUME DU SEIGNEUR <lot
théocratie, qui devait être Ull gouvernement
entièrement externe en lui-même, un gouver­
nement destiné à contrôler l'Etat, de même les
catholiques-romains s'imaginent encore fonder
le Royaume du Christ sur la terre, en organi­
sant une Eglise qui se confondrait avec l'Elat,
ou à laquelle l'Etat serait asservi. C'est donc
un socialisme d'Etat qu'ils veulent, car ils
prétendent imposer leur fraternité et leur justice
1intéressées, au lieu de se contenter de rester
dans le rôle de leur mission qui est d'adoucir
les mœurs par l'enseignement de la fraternité
et de la justice dé~intéresséede l'Evangile.
282. Le christianisme primitif lui-même était
loin d'être une exposition parfaite et dernière
de la sagesse cachée de la Parole de Dieu, car
les disciples de Jésus et les apôtres durent
accommoder leur enseignement,aux. états char­
nels et ignorants de ceux auxquels ils écrivirent
et aux.quels ils prêchèrent.
L'apôtre Paul sentait bien que l'enseignement
du Christ visait à une sagesse pius élevée que
celle qu'il pouvait exprimer devant ses audi­
teurs et ses lecteurs. En effet, on lit dans son
épître aux Corinthiens: «L'homme naturel ne
« comprend pas les choses qui sont de i'~sprit de
« Dieu, car elies lui sont une folie; il ne peut pas
<i même les entendre parce qu'elles se discer­

« n ent spirituellement. Mais l'h_o!D~e spirUllel


« disc~rne toutes choses ~. (1 Corinth. n.14, 15.)
Les disciples et les apôtres prêchèrent plutôt
comme des hommes d'autorité que comme des
philosophes et des savants: ils en appelèrent
plus aux espérances et aux craintes des hommes
qu'à leur raison.
La vraie réforme de l'Eglise n'~st donc pas
la restauration du christianisme prim~tif, quel~
que pur et désintéressé qu'il se soit montré dao Il
402 L "EGLI~E CHHETIEN:-E

ses commencements; la vraie reforme doit re­


garder généralement vers l'avenir.
Les écrits apostoliques n'ont été que de
simples expositions de l'enseignement chré­
tien, inspirés par le zèle des premiers dis­
ciples du Christ; mais ils n'ont pas été directe­
ment révélés de Dieu. C'est pourquoi ces écrits
ne )}ossèdent qu'une lumière obscure et ne sont
pas pourvus du sens interne comme l'Ancien
Testament, les Evangiles et l'Apocalypse qui
sont réellement des livres inspirés de Dieu;
ceux-ci contiennent à la fois un sens naturel, un
sens spirituel et un sens céleste.
Il n'y a que le second Avènement du Seigneur,
son règne en esprit, et non plus seulement son
règne dans le sens littéral de la Parole révélée,
qui puisse procurer à l'Eglise et au monde, le
sens interne et la gloire de cette Parole révélée.
Le vrai mouvement de réforme du christia­
nisme est vers une interprétation plus ration­
nelle de sa Parole révélée et surtout vers ur~e
interprétation moins dogmatique. Lorsque l'en­
tendement ne sera plus sous l'obéissance d'une
foi aveugle dictée par le pouvoir ecclésiastique,
la foi chrétienne verra clairement l'esprit de
l'enseignement divin à travers le mysticisme du
passé.
283, Si une morale sociale ne devait pas dé­
couler de source des enseignements de la Bible
à quoi servirait la religion î Sans la religion ct
, sans une Eglise qui sache rester ,dans I?on rôle
~ld'écolè-a'enscigÎ1ement, la morale n'existerait
point, parce que les hommes ne seraient plus
alors les enfants d'un Père commun, c'est-à­
dire, qu'ils ne se sentiraient pas frères.
C'es t le sen tim en t de fra ternité, de mème que
le sentiment religieux d'où il dérive, qui inspire
la morale et les mœurs; or la morale découle
ET LE ROYAUIE DU SEIGNEUR 403
de la religion qui est le développement de
l'esprit de fraternité et elle constitue le fonde­
ment essentiel du droit et de la justice.
Le but du christianisme est donc de réaliser
progressivement les réformes sociales qui sont
les promesses d'un nouveau Messie, et en
même temps de montrer, combien ces réformes
sociales sont peu compatibles avec la dispari­
tion de tout sentiment religieux dans le cœur
des hommes.
Les doctrines religieuses, en s'adaptant aux
questions sociales, deviendront les principes
du droit divin moderne; de plus, ces principes,
pour s'y aqapter pratiquement, devront se trans­
former en principes de droit positif humain.
C'est ainsi seulement que le spirituel se
transforme légitimement en temporel, et se
sécularise dans les applications externes.
C'est donc au profit du corps social tout entier
que cette transformation sera opilrée et non
pas au profit des pouvoirs ecclésiastiques seuls.
L'enseignement religieux devant donc avoir
une influence purement morale, et du seul do­
maine de la conscience sur le monde, il en
résulte que cet enseignement perd toute autorité
dans les Eglises qui empiètent ou qui tendent
à empiéter sur les attributions de l'Etat.
284. Le Christ a fait tout ce qu'il était possible
de faire, pour nous enseigner que son royaume
n'était pas de ce monde j mais le sacerdoce,
romain a imité le sacerdoce païen, car il s'efforce
comme l'a fajt celui-ci de dominer sur les
consd~nces et d'accaparer les pouvoirs politi':"
ques.
Le Christ fut sollicité trois fois durant sa vie
dans le monde, de se constituer juge et de tran­
cher des différends ayant un caractère juridique
et même politique; mais, chaque fois, il s'y
404 L'ÉGLISE CHRÉTIENNE

refusa, et saisit ces occasions pour mieux accen­

tuer cet enseignement que« son royaume n'était

pas de ce monde. »

Une première fois, on lui demanda de se

prononcer sur la légitimité du droit de punir

la femme adultèl'e. Il eût été facile aux Juif::;

fanatiques, partisans des rigueurs de la loi

Mosaïque, de traîner la coupable hors de la

ville, et de la lapider. Mais le Christ sut la

délivrer des mains de ses bourreaux, par la

vertu de ces simples paroles: « Que celui de

« vous qui est sans péché, lui jette la première

c pierre. :.(Jean, VIII. 7.)

Une autre fois, le Maître fut requis de se pro­

noncer sur la légitimité du tribut à payer à

César, il répondit: « Rendez à César ce qui

« appartient à César, et à Dieu ce qui appartient

« à Dieu. »(Matth. XXII. 21.)

Par ces deux réponses, le Christ établit d'une

manière claire que les deux justices, celle de

Dieu et celle des hommes, fonctionnent sépa­

rément, bien que celle-ci puisse s'efforcer de

se régler sur le modèle de celle-là. Il le

montra aussi clairement, dans la troisième cir­

constance, lorsqu'il fut prié de trancher une

dispute entre deux frères, au sujet du partage

d'ull héritage; id, le Maître se refusa encore à

se faire le champion de l'une ou de l'autre

partie adverse, parCfl qu'il est le champion de

tous les hommes, indistinctement, et non

pas d'une classe d'hommes. On ne pouvait

cependant donter que" l'un des deux frères ne

fût dans son tort,juridiquement parlant, ce qui

n'empêche pas le Seigneur de répondre à celui

qui paraissait avoir le droit pour lui: «0 homme,

«qui m'a établijl1ge, ou pOlir faire partage entre

ft vous 'l Puis il Leur dit: Voyel et gardel'vous de

« l'avarice; car, quoique quelqu'un soit dans

.­ ---
---
ET LE HOYAtJME DU sEIi:nŒuR 40"
«1'i1Donilance, il n'a point la vie par ce qu'il pos­
« sède. »(Luc,XII.14, t5.)
Si, en effet, les deux frères étaient l'un et
l'autre enclins à l'avarice, à quoi servait-il, au
point do vue de la justice divine, àe redresser le
tort de l'un à l'égard de l'autre? Ne valait-il
pas mieux les laisser se débattre à l'école de la
vie et de l'expérience, les amener ainsi à faire
leur examen de conscience, et par suite aussi,
les amenerà une conver8ion sé['ieu~e et d~ttDi­
live!
285. Il en est de ces deux frères comme du
Royaume de Dieu: ce Royaume n'est pas établi
encore SUl' la terre et il ne descendra du ciel
'surlaterrequ'avec la Jérusalem nouvelle, lors­
que celle·ci s'édifiera dan~ ce monde par une
transformation du cœur hUIUl:fir! suivant'les pré­
(Ections de l'Apocalypse. L'enseignement géné­
raI qui se dégage de ces trois faits de l'histoire de
l'incarnation de Dieu dans le monde terrestre, est
que l'Eglise ne peut se rendre solidaire de telle ou
telle 'thèse juridique, politique ou sociale: c'est
rapetisser et diminuer son influence morale qui
s'exerce sur tous les hommes indistinctement,
que de sortir de sa sphère, et de se comprometlre
par des agitations stél'iles ell faveur d'intérêts
exclusivement externes et temporels; en effet
le domaine de l'Eglise se trouve sur un plan de
vie plus élevé, car il plane sur les hauteurs
inaccessibles aux intérêts purement terrestres.
L'Eglise est dOnc une école d'enseignement
!~~~a sage~e divine, et il faut se garder de la
faire descendre de ses hauteurs, pour devenir
une autorité mondaine, autrement, elle revêt
un caractère sectaire et clérical.
Aussi, il arrive depuis le siècle de Voltaire,
que le christianisme véritable se prêche et se
pratique 50~vent, eu 4ehrrs d~ toute F.1glis~,
406 r:ÉGLlSE CHRÉTiENNF.

qui, à l'exemple de l'Eglise de Rome, se met,


par son cléricalisme, en contradiction avec le
libéralisme des doctrines évangéliques. Il ~n
résulte cette conséquence· salutaire, que le
christianisme se sécularise au point qu'on peut
dit e que les sentiments chrétiens continuent
à imprégner la civilisation moderne; ils
réussissent à prévaloir contre ceux-là même
qui prétendent conserver le monopole de leur
enseignement et le droit exclusif de les propager
parmi les nation::.
280. C'est là aussi le signe que l'Eglise chré-
tienne actuelle est arrivée à sa fin, pour faire
place à l'Eglise de l'avenir; car c'est lorsque
l'Eglise s'est enga 6 ée dans une mission étran-
gère à la sienne propre, que s'est réalisé ce que
le Seigneur dit de Pierre, qui en représentait la
foi; Pierra, devenu vieux, est tenu, de même
que l'Eglise actuelle, à suivre une direction
qu'il ne voudrait pas suivre; mais Jean qui
représente l'esprit de charité qui a adouci nos
mœurs modernes, est dit demeurer jusqu'au
second Avènement du Seigneur dans le monde,
pour féconder cet enseignement et édifier la
Jérusalem de l'avenir. Tous les personnages de
la Bible, comme les deux principaux disciples
du Seigneur, Pierre et Jean, remplissent, dans
le sens spirituel de la Parole révélée, une ruIS-
sion particulière, et ils puisent dans cette mis-
sion un rôle significatif, ce qui les érige en
personnages représentatifs.
Ainsi, la foi de l'Eglise chrétienne du. passé
a péri par suite des fausses doctrines qui ont
èté enseignées; mais la charité a survécu à ce
naufrage de l'Eglise, en adoucissant les"rnœurs;
elle s'est laïcisée et nlême sécularisée dans les
principes de liberté, d'égalité et de fraternité,
\. qui sont en germe dans les cœurs de tolls, bicll
ET LE ROYAUME DU SEIGNEUR 407
qu'ils ne soient pas encore dans nos lois et nos
institutions: ce sont ces nouveaux germes de
la pensée mos erne qui forment déjà les pre­
mières assises de l'Eglise de l'avenir.;, ils nous
donneront les véritables solutions de' 'la ques­
tion sociale: L'école d'enseignement qulI'endra
cette pensée féconde, et qui la propagera dans
l'univers entier, se rencontre maintenant dans
de nombreux mais petits groupes de personnes,
dissémin~es çà et là dans le monde, et qui
lèvent hardiment l'étendard de la Nouvelle
Eglise chrétienne, dite Nouvelle Jérusalem.
Il ne faut donc pas s'étonner que la théologie
de toutes nos Eglises officielles, soit main tenant
si peu en bonneur et si peu populaire; elle a
été discréditée par le pouvoir sacerdotal, qui a
voulu en faire un instrument de domination sur
les consciences, une sorte de socialisme d'Etat
ou un moyen de subordi-nation de l'Etat à. l'Egli­
se. c'est avec justice qu'on ridiculise une foi
irrationnelle i malheureusement les vraies doc­
trines sont encore confondues avec les anciens
dogmes, et souffrent aussi souvent dans la même
réprobation.
L'Eglise de l'avenirpuisera ses doctrines dans
les textes mêmes de la Bible et dans le sens
spirituel ùe JaParoJe révélée; elle se distinguera
des autres Eglises par l'application rigoureus e
de ses principes à la vie familiale et sociale. La
doctrine dans l'Eglise de l'av~Dir, sera une
vénté présentée sous une forme rationnelle et
simplement proposée au respect, à l'admiration,
à l'amour, et à la libre acceptation de tous; ce
ne sera plus un dogme imposé à une foi aveu­
gle. En d'autres termes, la cbarité prédominera
sur la foi dans l'Eglise de l'avenir, et la foi ne
sera plus que son instrument de développement
et de progrès.
408 L'ÉGLISE CHRÉTIENNE

C'est donc bien, l'intelligence rationnelle de


la Parole révélée,qui édifiera la nouvelle Eglise
chrétienne, la rendra indestructible, et la met­
tra à l'abri du rationalisme.
287. En résumé, si l'Eglise ne doit pas prendre
une part directe et active au gouvernement de
l'Etat et aux entreprises sociales, parce que le
Royaume du Seigneur n'est pas de ce monde,
elle n'en est pas moins destinée par cela mê~e,
à. avoir une influence réelle sur les mœurs, par
l'enseignement d'une sagesee intelligible et
pratique. La religion, lorsqu'elle est bien enten­
1 due, ne nous enjoint nullement de renoncer au
1 monde, aux joies et aux épreuves de la vie de
1 famille et de la vie sociale. Bien loin de consis­

ter à. nous isoler du monde et des hommes, elle


doit, au contraire, nous pousser à. multiplier nos
raRPorls_sJ)ciaux, afin d'exercer la justice· etla
fraternité, sous les formes les plus variées, dans
toutes les branches des sciences sociales, et
dans toutes les occasions où il est possible de le
faire utilement et pratiquement. L'homme le plus
1 juste et le plus religieux, sera donc celui qui ins­

" piré par l'amour de Dieu, sera le plus utile à son


\.. prochain, parce qu'il saura faire ressortir la
p.Jlis~ance du_vrai, quoique cette puissance ne
soit pas ioujours rendue apparente en cette vie:
c'est pourquoi Jésus dit: «Mon Royaume n'est
u pas de ce monde. »
CHAPITRE XXXV

L'Eglise
, chrétienne et les miracles
288. Les miracles ne doivent plus être considérés comme
faits en violation des lois naturelles, mais comme des
applications de lois naturelles encore inconnues; ils
sont le résultat de la correspondance de causes spirit uel.
les qui se manifestent dans leurs effets natUJ'els. - 289.
Beaucoup de choses qui existent dans le monde spirituel
sont semblables à celles qu'on voit dans le monde ter·
restre, et elles servent aussi de moyens d'instruction
pour progresser dans la sages~e. - 290. Les affections
bonnes ou mauvaises étant les causes spil'ituelles, soit
de l'influx du bien et du vrai, par les sociétés angéliq ues,
Boit de l'inilux du mal et du faux par les sociétés infer-
nales, il en résulte que leur s effets naturels en se mani-
festant dans les différentes espèces d'animaux, distin-
guent ceux-ci en bons ou mauvais,suivant leur's caractères
représentatifs. - 291. Les miracles contraignent li. croire
et portent atteinte au libre-arbitre de l'homme; ils
n'ont été utiles que lorsque la foi naturelle éveillée par
eux a pu se t~ansfoJ'mer graduellement en toi spirituelle.
Celle-ci peul seule inaugurer le nouveau règne du Chr'ist
en esprit ct subslituer à la foi aveugle dlJstinée à s'é.
teindre, la foi-lumière. - 292. Pal'tout où la vérité n'est
pas enseignée pour elle-même, elle ne peut être reçue.
La foi qui remue les montagnes pour les jeter dans la
mer, n'est point aulre que celle qui éloigne du cœur de
l'homme l'amour de soi et l'amouI' du monde. Les temps
nouveaux qui inaugurent l'ère nouvelle sont commencés
depuis le dix-huitième siècle; la tendance actuelle est de
s'affranchir des espaces et des temps et de s'ell'orcer de
vivre de la vie du cœur et de la pensée, beaucoup plus
que de la vie sensuelle. - 293. Celui qui chel'che à com-
prendre Dieu, [ne tarde pas li. l'~im,er ~t à B'humilie~
devant sa Toute-PuiHancc, ce qUI n arrIve pas à celUI
qui l'ignore et qui prétend s'humilier devant sa propre
ignorance, dont il prétend aussi l'honorer.
35
410 L'ÉGLISE CHllÉTllèNNE ET LES MIRACLES

Venez cl débattons [lOS droits


dit Jéhovah (E!aïe 1. 18.).

288. Ce passage du prophète Esaïe fait un sin­


gulier contraste avec la prétendue nécessité de
la croyance aveugle au miracle. En effet, la
croyance à la violation des lois de la nature, par
l'accomplissement des miracles, a pu être con- •
sidérée comme cho~e de foi, chez les chrétiens
qui veulent qu'on accepte l'Ecriture sainte, ab­
solument dans son sens littéral, et qui ne se
préoccupent que fort peu du sens spirituel.
Mais pour s'adapter aux progrés des idées
modernes, l'Eglise de l'avenir ne peut comme
l'Egli~e du passé, être fondée sur une cro­
yance aussi aveugle, car elle doit au contraire
se fonder sur l'intelligence du sens spirituel de
la Parole révélée; elle doit même débattre ses
droits avec Jéhovah. Or, que peuvent signifier
ces mots: « débattre Iles droits avec Jéhovah, »
si ce n'est connaître les raisons au nom des
quelles nous devons croire à Jéhovah, et à toutes
les choses que la Bible nous enseigne comme
choses de foi.
Les miracles qui pourront s'opérer chez ceux
qui n'admettent point que l'entende1p.ent sQit
mis sous l'obéissance d'une foi aveugle, s'ex­
pliqueront donc rationnellement, et alors ce ne
I!eront plus des miracles proprement dits, puis­
qu'ils seront expliqués comm3 étant conformes
aux lois naturelles.
On ne peut douter que le Seigneur, durant sa
Tie terrestre, guérjs~ait les maladies j cela
semble même être l'œuvre principale qu'i! pré­
férait opérer, et à laquelle il se livrait le plus
fréquemment, pour jeter les premiers fOllde­
ments de l'Eglise chrétienne.
L'EGLISE CHRÉTIENNE ET LES MIRACLES 411
Mais tous ces miracles accomplis par le Sei­
gneur durant sa vie terrestre, étaient des ma­
nifestations externes et des signes destinés à
représenter figurativement l'état à venir de
l'Eglise.
Quand le Seigneur ouvrait les yeux de:; aveu­
gles et les oreilles des sourds, quand il déliait
la langue des muets, quand il guérissait les
estropiés et les lépreux, ces miracles signifiaient
que ceux qui son t ai nsi quali fiés spirituelle­
mént, en recevant l'Evangile, triompheraient de
leurs infirmités.spiritnelles et qu'ainsi ils obtient
draient la guérison de lenrs infirmités natu­
relles correspondanies. En effet, les aveugles
sont ceux qui wnt dans le faux ou dans l'igno­
rance du vrai; les sourds sont ceux qui ne per­
çoivent pas ce que c'est que le vrai, et qui, par
suite, n'obéissent pas; les muets sont ceux qui
n'ont pas foi au Seigneur et qui l'ignorent; les
estropiés sont ceux qui sont dans le bien na­
turel mais non dans le bien spirituel; entin lei
lépreux sont ceux qui sont impurs et qui dési­
rent être purifiés.
Il faut de plus observer, que les créations de
la nature, considérées en elles-mêmes, sont
autant de miracles, bien qu'elles nous soient
tellement familières qu'elleH ne nous appa­
ràissent· plus comme tels. De même que les
miracles elles sont le résultat des applications
de la science des correspondances; il en sera
ainsi pour les guérisons des maladies, lors­
qu'elles se produiront par les applicatiolJs des
causes spirituelles dans leurs effets naturels.
289. La Bible est écrite autant pour \'instruc­
tion des hommes que pour l'instruction de ceux
qui ont qUItté le monde terrestre d qui habitent
le monde spirituel: or, elle nous enseigne qu'on
voit 4ans ce dernier mOllde beaucoup de choses
H2 L'ÉGLISE CHRI::TIENNE ET LES MIRACLES

semblables à celles qu'on voit dans le monde ter·


restre. Un exemple remarquable de cette vérité,
nous est présenté dans le livre des Rois, lorsque
le prùphète Elysée pria le Seigneur d'ouvrir les
yeux de son serviteur. Il dit à ce sujet:« Jého­
» vah ouvrit les yeux de S0n serviteur qui vit la
» montagne pleine de chevaux, de chars de feu
~ autour d'Elysée J. (Il Rois VI. 17.) Il est dit
aussi dans l'Evangile que l'Esprit de Dieu appa­
rut sous forme d'une colombe. (Matth. III. 16.)
Ainsi, c'est la Biblè elle-même qui nous en­
seigne que celui qui a sa vue spirituelle ou verte.
voit, dans le monde spirituel, des choses sem­
blables à celles qu'il voit dans le monde terl'es­
1. tre, et qu'elles sont toutes r~présentatives des
états spirituels des habitants de ce monde; elle
servent ainsi encore mieux que dans le monde
terrestre, d'enseignement et de moyens pour
progresser dans la liages se, de même que dans
la connaissance de tout ce qui concerne le gou­
vernement de la divine Providence. En effet, le
monde entier et ses territoires, ses océans, ses
montagnes et ses rivières; ses végétations sans
fin, et ses terres arides; ses animaux, oiseaux,
poissons et insectes de toutes descriptions, se
trouvent réunis représentativement, comme les
signes des affections et des pensées diverses
qui embellissent la demeure de l'âme humaine.
Cela revient à dire, que rien n'existe à l'entour
de nous, qui ne soit u_ne image représ~ntalive,
de ce qui setrouve intérieurement en nous,
dans nos affections et nos pensées. Le monde
extérieur reçoit donc ses Cormes, ses nuances et
ses harmonies, du monde intérieur de l'affection,
et de la pensée auquel il correspond.
290. Nous avons vu précédemment que, dans
la sagesse antique, le culte des animaux exis­
tilit, (voir le n' ~O ci-dessus,) parce que cba~u!3
L'ÉGLISE CHRÉrIENNE ET LES MIRA.CLES 413
animal était le hiéroglyphe ou le représentatif
d'une affection particulière sui van t son espèce,
Or, chaque affection particulière est, dans sa
source originaire et divine, une substance ~pi­
rituelle, c'est·à·dire un bien ém ané de la sphère
qui entoure le Seigneur; tous les êtres organi­
sés qui en sont les vases réceptacles, peuven t
donc s'approprier ces affections sous une lorme
fi nie.
Nous venons d'observer que celui qui a sa vue
spirituelle ouvert~, peut voir dans le monde
spirituel, toutes les manifestations externes
produites par les pensées de chacun, BOUS les
lormes infiniment variées dE.S créations des trois
règnes de la nature; que de plus, ces creations
variées du monde spirituel, sont les causes spi­
rituelles des créations naturelles du monde ter­
restre. (Voir aussi n' 105 ci-dessus.)
C'est en raison de cette croyance de la sa­
gesse antique, que la Bible distingue les ani­
maux en bons ou en mauvais, suivant qu'ils
sont les représentatifs des bonnes ou des mau­
vaiges affections. Les animaux doux et utiles,
représentent les bonneg affections; ceux qui
sont sauvages et inutiles, les mauvaises affec­
tions.
Les affections sont, en effet, les substances
spirituelles vivantes du bien et du vrai, lors­
qu'elles influent de Dieu chez les sociétés angé­
liques, mais elles se transforment en mal et en
faux, lorsqu'elles sont reçues par les sociétés
infernales. Celles-ci à leur tour envoient un
influx dans les animaux mauvais qui les repré­
sentent: Ainsi, ces substances spirituelles qui
dérivent originairement de la sphère qui en­
toure le Seigneur, trùuvent leurs manifestations
externes et matérielles dans tous les êtres orga­
nisés 1 ceux-ci sont les vases réceptacles danll
4t4 L'ÉGLISE CHI{BTiENNE ET LIlS MIRACl.ES

lesquels elles infiuent, pour manifester à la vie


externe les affections diverses que chacun d'eux
représente, suivant son espèce.
Cette explication fort rationnelle des créations
des trois règnes de la nature, estingénieu~e et
en même temps vraisemblable au point de vue
philosophique et religieux; de plus, elle se pre.
sente comme un enseignement utile et bien
autrement ~alutaire pour la régénération de
nos âmes que l'enseignement qui peut résulter
de la brusque apparilion d'un tait qualifié mi­
racle, que personne ne peut expliquer.
Le miracle nous contraint à croire, fans nous
pe rsuadH de la réalité de la vérité qu'il préteu·
dai t nous enseigner.
Mais, pour les hommes sensuels et ignorants
comme l'étaieht les Israélites, il fallait des mi.
racles afin de leurir.spirer lacr.iote de Jého­
vah ; cette crainte leur était ~alutaire, et était la
seule préparation pour les introduire peu à peu
dans le sanctuaire de la sagesse.
291. L'Eglise chrétienne primitive a dû égale­
ment être fondée sur des miracles, parce que les
hommes encore sensuels et ignorants, avaient
besoin de ces signes externes de la puissance
divine, pour s'affermir dans leu!' foi au Dieu
unique incarné dans le Christ.
Mais si on étudie les miracles au point de vue
rationnel on voit qu'ils violententle libre arbitre
de l'homme, et qa'ils ne font naitre qu'une fui
sensuelle; celle-ci n'envisage que le côté ex­
terne des choses; il en résulte qu'elle doit mou­
rir, pour que la foi-lumière. puisse germer à sa
place dans l'âme humaine. Qu'est-ce, en ('fret,
que croire, et ne pas voir intellectuellementque
la chose est vraie1 Ceite foi naturelle et éphé­
mère, ne peut ôtre transformée en foi spiri.
tuelle et inébranlable, qu'à meS:lre qu'on voit
L'ÉGLISE CHRÉTIENNE ET LES MIRACLES 415
intellectuellement, c'est-à-dire qu'on comprend
les choses qu'on doit croire.
Cette nouvelle manière d'envisager la foi,
inaugure le nouveau règne du Christ, son rè­
gne dans le sens spirituel de sa Parole, et elle
se distingue de la foi du précédent règne du
Christ, qui est son règne dans le sens littéral
de la Parole révélée. Celui-ci à l'opposé du rè·
gne en esprit, met l'entendement sous l'obéis­
sance d'une foi aveugle.
Rappelons à ce sujet que la foi des disciples
du Christ de la primitive Eglise chrétienne
était vivante, parce qu'elle était toujours dis­
posée à se laisser éclairer par la faculté ration­
nelle, tandis que la foi aveugle de la décadence
chrétienne n'entendait que le sens littéral de la
Parole révélée et ainsi elle faisait obstacle à la
lumière de la faculté rationnelle qu'elle traitait
même de profanation.
292. Toute adhésion ou conversion à des
vérités nouvelles fondées uniquement sur des
fails :surnaturels qui frappent l'imagination, se
dissipe bientôt; partout où la vérité n'est pas
enseignée pour elle-même, elle ne peut être
réellement reçue; aucun témoignage externe, ou
caracfère surnaturel ne peut produire une con­
viction sérieuse dans un esprit chez lequel elle
ne se recommande pas par son évidence inté­
rieure comme véridique et raisonnable.
La foi naturelle n'est donc utile pour la régé­
nération de l'âme hUlllaine qu'à la condition de
servir de premier échelon, pour s'élever à la
foi spirituelle, à l'amour du vrai en lui-même,
amour qui seul peut nous donner la foi réelle et
salvifique ; nOus avons d'ailleurs suffisamment
développé ce principe que pour croire réel­
lement il faut comprendre, c'est· à-dire voir
416 L'ÉGLI8E CHRÉTiENNE ET LES MIRACLES

intellectuellement que la chose est vraie (no 67


et s. ci-dessus).
Il faut donc en conclure que cette foi artitl­
cielle qui peut être aussi qualifiée de foi histo­
rique, miraculeuse, ou de foi de la mémoire, est
loi n de constituer la foi salvifique, qui fait un
avec la charité ou avec l'amour. Par la foi spi­
rituelle seule, tous les maux qui jaillissent de
l'amour de soi et de l'amour du monde les deux
amours opposés à l'amour de Dieu et ll'amour
du prochain, sont éloignés du cœur de l'homme
et sont rejetés dans l'enfer d'où ils proviennent.
Le Seigneur, en effet, dit: «Si vous aviez de la
II foi et que vous disiez à celle montagne: Lève­

» toi, jette-toi dans la mer, cela se ferait. »


(Matlh. XXI, ~l).
Ce langage qui puise son (,llergie dans le désir
de donner une idée naturelle de la puissance de
la foi spirituelle, ne doit certainement pas être
pris à la lettre, car dans le sens littéral seu­
lement, il ne réaliserait qu'une foi mystique et
aveugle.
La science des correspondances enseigne ef.
fectivemellt, que la montagne lor~qu'elle est
prise en mauvaise part, signifie dans le sens
spirituel, l'amour de soi et du monde, ainsi
l'amour du mal, et que la mer signifie l'enfer. Il
s'ensuit que jeter la montagne dans la mer
signifie jeter dans l'enfer les amours qui, en eux­
mêmes, sont mauvais et diaboliques.
~93. Il ya cependant, encore beaucoup de chré­
tiens qui croient fermement que les passages <10
la Bible qui présentent comme possibles des
choses qui sont absolument impossibles, ou con­
traires à la raison,ou en opposition avec les lois
de la justice divine, doivent néanmoins étre
aveuglément acceptés comme vérIdiques. Cette
confiance aveugle dans la le Ure de la Bible a

l
~

L'ÉGLISE CHRÉTlENNF. ET LES MIRAcr.ES 417


pour utilité, disent-ils, d'habituer les hommes à
8'humilierdevant leur propre ignorance sur tout
ce qui concerne Dieu et notre connaissance des
choses du monde spirituel.
Il ya lieu d'observer ici, que cette manière de
voir a pu être utile à l'Eglise chrétienne encore
dans son berceau, et durant le régne du Christ
dans le sens littéral de la Parole, mais q 11ïl ne
peut en être de même durant le nouveau rè~ne
du Christ dans le sens spirituel de la Parole.
La foi devait commencer par la conception
naturelle de l'objet sur lequel elle llorte au
moyen du témoignage des sens: Ce fut ainsi
que l'Eglise chrétienne s'établit et que les mar­
tyrs la conwlidèrent. Une foi simple appuyée
seulement sur le témoignage des sens, une vie
d'obéissance plutôt que de convictioa, un dé­
vouement absolu qui considérait toutes les mor­
tifications de la chair comme l'hygiène la plus
salutaire pour la vie de l'àme, une vie solitaire
et l'isolement du monde, telles sont les vertus
que caractérisèrent cette Eglise chrétienne du
passé.
Mais les convictions rationnelles élevées et
éclairées, qui nous inspirent le désir de nous
méler aux affaires du monde, pour nous rendre
utiles à DOS semblables et satisfaire sérieuse­
ment au sentiment de l'amour de Dieu et du
prochain, caractérisent un contraire, la foi intel­
lectuelle adaptée aux idées et au progrès de la
civilisation moderne. Ces convictions ration­
nelles nous poussent, dans l'ordre économique,
à chercher les moyens d'élever tous les hom­
mesà un tel niveau de moralité, qu'il devienne
pl'atiquementpossible, de les transformer par la
coopération, la participation et toutes les formes
d'association, en frères.
Lia foHU1llipre qui doi~ réali~er pa magn!t1ql.lEl
418 L'ÉGLI.'>r. CIlHÉTIE:-lNI!: ET LE:> MIRA.CL"ES

programme de l'Eglise de l'avenir, a été réser­


vée pour les temps où l'homme s'éleverait au­
dessus du plan de vie sensuel-naturel, et cher­
cherait d'autres éléments que les traditions mol'·
tes du passé pour l'établissement de l'Eglise de
l'avenir.
Ces temps nouveaux commencent maintenant;
l'ère nouvelle a été inaugurée au dix-huilièmè
siècle par le mouvement social qui prit nais­
sance grâce à l'initiative des classes éclairées:
Cette ère nouvelle est pour nous le résllltat
premier des influences du jugement dernier
<lui eut lieu dans le monde spirituel; H marqua
la fin du cycle ancien.
Ce nouveau règne du Christ en esprit, dont
l'influence se voit déjà par l'adoucissement des
mœurs de notre siècle, ne fait que commencer;
mais il est nié surtout par ceux qui préfèrent
s'attacher aux traditions du passé et rester sous
le règne du sens littéral de la Bible. Ceux.-ci
ignorent encore que la fin du monde ancien est
arriv~e et que la Jérusalem nouvelle commence
déjà à édifier ses murs et ses tours et à descen­
dre du Ciel sur la tfrre suivant les prédictions
de l'Apocalypse. De même que les Juifs ils aUet:­
dent toujours leur Messie.
Un des signes que ces temps nouveaux sont
bien commencés, c'est que sur le plan de la vie
sensuelle, on veut maintenant s'affranchir des
e3paces et des temps pour vivre de lavie du
cœur et de la pensée, plus que de la vie len­
suelle. De là, les inventions de la "\"apeur et de
l'électricité, qui raccour"cissent les distances et
abrègent les temps. Il en rcsulte que les choses
natuJ'elies sont assujettises dlOl plus en plus aux
choses spirituelles: une telle subordjnation de
la matière à l'e~prit est bien un signé manifeste
~t un avant-coureul' de la transformation du

nl--~--;C- ------:.=-=-=--c~-=--==:..:::::....:...:==-=:::=:~....:::.::===-=...:..::::=~~
L'}:OLISE CHRÉT1ÉNNE ET LES MIRACLES 419
lien social, qui, de matérialiste, doit, à la suite
des temps, devenir spiritualiste.
Le signe, sur le plan de la vie spirituelle, est
que l'esprit humain, en recherchant des cro­
yances rationnelles, et en ne mettant plus
l'entendement sous l'obéissance d'une foi aveu­
gle, s'élève réellement au-dessus du sensuel en
matière de foi.
On veut voir par l'esprit, on veut voir par
l'âme; on veut comprendre ,avant de croire:
voilà pourquoi aussi les miracles sont oubli és
depuis le dix-huitième siècle ou tout au moins
passés à l'épreuve d'une ex))lication rationnelle j
voilà aussi pourquoi la lettre de la Parole qui
révèle seulement et n'explique pas, qui, de
plus, dans les apparences, fourmille de contra·
dictions, restera, encore pour quelque temps,
contestée et même dédaignée à cause de la sim­
plicité de son style.
L'Ecriture sainte s'adresse surtout aux hom­
mes de ces temps nouveaux qui doivent péné­
trer par l'intelligence dans tous les secrets de
la Parole, et proclamer que l'entendement ne
doit plus être mis sous l'obéissance de la foi,
comme dans les Eglises du passé.
C'est la Bible elle·même qui nous enseigne
jusque dans son sens littéral, cette obligation
nouvelle pour les chrétiens, de ne plus croire
que ce qui est saisi par l'entendement. Par
exemple, il est parlé dans l'Apocalypse d'une
condition malhereuse de l'Eglise, représentée
par le type d'une femme impure. Il est dit:
« Sur son front, un nom est écrit: Mystère;
« Babylone la grande,la mére des impudicités et
• des abominations de la terre. » (Apoc. XVII. 5.)
On peut encore opposer à. ceux qui veulent
que la religion ne consiste que dans la croyance
aveugle aux miracles et dans une sorte de mys­
420 L'ÉGLiSE CHRÉTlENNE ET LES ~URACLBS

ticisme, cet autre" passage de Matthieu, où Jésus


dit à ses disciples : ~ A vous.il est .donné de
«connaître les mystères du royaum~ des Cieux.•
(Matlh. XIII if. )
1

Toute la Parole révélée a pour tendance de


nous faire accepter la vérité, et de nous éloi­
gner de l'erreur; or, la vérité ne peut être
reçue, si elle n'est comprise rationnellement,
et ce n'est que par l'intelligence rationnelle de .
la Vérité que l'homme peut se régénérer et
devenir spirituel. C'est donc la Parole elle­
même qui nous enseigne quel est le sentiment
d'humilité qui doit inspirer tout chrétien: ce
n'est pas l'humilité de l'ignorance fondée sur le
mystère, ignorance dont on prétend s'honorer
comme d'une vertu, mais c'est cette humilité
du cœur, inspirée par la conscience même que
l'homme a, de son impuissance devant Dieu.
Pour aimer Dieu, il ne suffi t pas de le craindre
et encore moins de l'ignorer, il faut Le com~'
prendre, car, sitôt qu'on arrive à Le com­
prendre quelque peu, on ne manque pas d'occa­
sions de se sentir humilié devant sa Sa sagesse
et sa Toute-Puissance; ce qui ne peut arriver
à celui qni l'ignore et qui prétend s'humilier
devant sa propre ignorance.
Observons aussi que le Seigneur veut habiter
chez l'homme, parce qu1ll'aime; or, Il ne peut
l'aimer, ni habiter chez lui, à moins d'être reçu
et d'être réciproquement aimé: c'est ùe là et
non autrement qu'il'y a conjonclion aVec Lui,
et c'est dans cette conjonction avec la Vérité
qui est él!.alement Lui, que se révèlent toutes
les beau(és des corregpondances du côté externe
des choses avec leur côté iuterne.
CODnaître la Vérité, l'aimer, la comprendre
ou l'entendre rationnellement, pour être réelle­
ment conjoint avec Dieu, tel est l'enseigne­
ment d'Esa'ie le prophète, et de toute la Bible:
~ Venez, et débattons nos droits, :. dit Jéhovah,
(Esaïe, I. 18.)
CHAPITRE XXXVI
La Bible écrite et la Bible de la nature.
29~. Ce n'est que par la Bible que nous arri verons à com­
prendre le~ causes premières, tandis que la science na­
turelle ne nous dit rien de ces causes premières, aux
quelles cependant elle doit l'existence. - 295. La science
naturelle vue à la lumière de la Vérité révélée devient la
Bible de la naLure ; la Bible écrile lui sert donc d'étude
d'introduction. Jéhovah pénètre par son influx divin
qui est son Esprit saint, dans les vases réceptacles de
toute matière convenablement disposéeà cet effet; celle-ci
reçoit cet inf1ux, se l"approprie ct se développe en des
ol'ganismes infiniment variés. - 296. En naissant d'une
vierge, Jéhovah est parvenu à rendre sa présence
comme Dieu unique, aussi exteme et aussi puissante
dans la pensée humaine, que celle-ci était dev~nue elle­
même externe et par suite impuissante à concevoir Dieu
dans son unité avant l'incarnation. T(\lle est l'œuvre de
la Rédemption qui est distincte comme œuvre de Dieu,
de l'œu VI'e de l'homme; celle·ci est sa coopéralion à
l'œvre de Dieu. L'Humain du Seigneur est devenu Subs­
tantiel-Divin. - 29'7. Pal' la science divine seule, nous
pouvons comprendre les vérité3 spirituelles voilées der­
rière le3 faits de la science humaine. C'est pOUl' nous in­
culquer cet enseignement que le Seigneur nous dit qu'il
ne donnera plus d'autre signe à une génération méchante
ct adultère que le signe de JonlL3 dans le ventre de la
baleine. Explication du sens spirituel de ce miracle
et de celui de la résurrectioa du Christ. - 298. L'homme
qui eot né dans le IJaturalisme, doit laisser mourir en
lui-même ce naturalisme, de même qu'il est mort dans
le Christ pour ressusciter régénéré et glorifié. Pareille­
meut nos théories scientifiques doivent renaÎtl'e en doc­
trines de la sagesse. Il en est de même de la doctrine de
l'évolulion qui, au lieu de rester une lutte désespérée
pour l'existence, doit devenir une coopération des efforts
de tous pour l'établissement d'une justice rationnelle
ùans le l'llonde, - 299. Le règne de la lettl'e de la Parole
y compris la croyance à l'incal'nation de Jéhovall, doit
précéder le règne du Christ en esprit pour nous élever à
l'inLelligence du sens spirituel des représentatifs du
monde naturel. C'est là, la seule porte pour entrer dan s
la bergerie, suivant l'enseignement du Chl'ist qui donu
sa vie pour ses amis,
36
42i LA DIIlLE !tCllITI'; El'

" Nul n'a un amour plus


que celui-ci: quand
/;rl'and
quelqu'un dépose son âme
pour ses amis. » (Jean,
XV, 13. )

:C94. Il Ya dans ce passage de Jean un senti­


ment d'amour divin simplement exprimé,' mais
plus émouvant que les phrases les plus admira­
bles de l'éloquence humaine. La logique de ce
sentiment divin trouve ses développements
clans la Bible entière.
Un doute s'élève souvent sur l'utilité de la
lecture de la Bible comme moyen de connaître
Dieu; il Y a aussi, peu de nos contemporains
qui se sentent du goût pour l'étude de la Bible.
Ils rappellent la célèbre controverse qui s'é­
leva au xvm e siècle entre Capelle et Bux­
torf au sujet de la question des points-voyelles.
Capelle prouva que les points-voyelles, qui ont
pour objet de déterminer le sens du texte hébreu
ont été inventés par les rabbins, et qu'ainsi
toute l'infaillibilité des livres saints peut être
mise en doute: c'est pourquoi l'autorité de la
Bible a été fort ébranlée chez les protestants.
Mais Buxtorf aurait pu répondre ce que nous
avons observé ci-dessus nO 277, au sujet ne la
mission du peuple Juif à l'égard cle l'Eglise
chrétienne. Cette missi.)n fut précisément plus
complètement réalisée par les rabbins qu.i in­
ventèrent les points.voyelles dans le but de
conserver intact le véritable sens du texte hé­
breu ; celui·ci se perdait à mesure que s'alté·
rait l'usage de la langue hébraïque qui déjtl.
devenait langue morte.
Quant à ceux qui disent que Dieu se révèle
Lui-même, suffisamment dans ses œuvres et dans
les créations de la nature sans qu'il soit besoi fi
LA. BIBLE DE LA NATURE 423
d'une révélation, il est facile de répondre que
Diou ne se révèle nullement, dans ses œuvres
à coux qui se CJnnrment dans le materalisme ct
dans l'athéisme en s'appliquant exclusivemen t
à l'étude des fails purement scieniifiques ; ceux­
là sont aveugles et ils se refusent à affirmer
Dieu dans ses œuvres en se basant seulement
sur l'enseignement de la Bible écl'ite et révélée
de Dieu. On sait en effet, que les sciences natu­
relles ne traitent pas des causes premières; elles
ne peuvent rien nous dire de l'influx de la vie
dans les créations de la nature, car les faits
scientifiques ne font qu'exprimer les manifes­
tations extérieures de la vie physique qui for­
mulent simplement la vérité de fait.
C'est donc par la Révélation que nous pou­
vons connaître l'existence de Dieu et la science
ne peut nous servir qu'à nous confirmer dans la
connaissance des causes premières qu'elle·
même ignore sans le secours de la Révélation.
295. :Mais la science naturelle, vue à la lu­
mière des vérités révélées, ouvre chez nous de
nouveaux horizons; nous voyons alors toutes Jes
vérités scientifiques comme des représentatifs
de ces vérités spirituelles intérieures et supé­
rieures, qui constilutint l'âme et la vie des fait:!
ma'nifestés par la science naturelle. Nous pou­
vons, de plus, ajouter que la science naturelle,
devient pour' nous à la lumière de la vérité
spirituelle, une Bible nouvelle, la Bible de la
nature.
C'est seulement en suivant celle voie que nous
pouvons arriver à croire que Jéhovah est le
Père, l'âme et la vie de toute la nature créée.
Lui seul anime et fait mouvoir la matière pas­
sive et inerte qui, alors, dans ce sens général,
remplit le rÔle de mère; elle est la terre, la
JDa~rice universelle, et elle est de plus çompa­
424 LA BIBLE ÉCRITE ET

rable à une vierge éternelle, qui engendre,


depuis le commencement du monde son fils,
l'être incarné par l'opération toute interne de
l'influx divin, sans avoir rien de commun avec
un Dieu externe qni en serait le Père.
Le père et la mère externes de chaque être
en particulier ne viennent qu'en sous-ordre
et sont comme le!! instruments al! les repré­
sentatifs du Père commun, Jéhovah, et de la
nature, la mère commune.
Nous avons vu, en effet,qu'il suffit que l'influx
vivitlcateur de Jéhovah pénètre dans les va­
ses réceptacles de toute matière convenable­
ment disposée à cet effet j celle-ci reçoit cet
influx, se l'approprie et se développe suivant sa
nature, en ùes organismes infiniment variés.
(nos 50 et 290 ci-dessus.)
Les substances spirituelles du bien et du vrai
constituent toutes les essences des choses qui
f>ont créées, et qui sont diversement affec­
tées, suivant la nature de chaque vase récep­
tacle. Les formes infiniment variées de ces êtres,
ainsi créées, sont les manifestations externes
de ces essences des choses.
Ainsi, l'animal est le représentatif d'une affec­
tion particulière suivant ~on e~pèce; il ell est
de même du végétal et même du minéral. Mais
l'homme prend l'image de Dieu, et, par suite,
la forme humaine, à laquelle l'animal tend sans
pouvoir jamais y atleindrt'. L'homme est le
vase réceptacle de toutes les affections géné.
raIes du bien et du vrai, qui rayonnent
de la sphère qui entoure le Seigneur, et pénè·
trent dans sa volonté et SOD entendement:
c'est pourquoi l'homme est lié BU divin, et
il en résulte qu'il possède en addition à so n
âme animale, une âme vivante et immortelle.
~~6, J éb,ovap s'est jnc~rné 4ans le Cl~rist,
LA BIBLE DE LA NATURE 425
afin de lutter contre le mal hérédilalre de
l'homme, accumulé de génération en généra­
tion, depuis Adam Jusqu'à Marie. Il a voulu
combattre ce mal, le vaincre, unir le Divin à
l'Humain, puis ressuciter dans un corps glorifié.
C'est ainsi qu'Il attire les hommes à Lui, réta­
blit la communication entre le Ciel et la terre,
et permet à l'humanité de se relever de sa chute
dans le mal héréditaire, pour se régénérer et
se racheter.
Par ce moyen, Jéhovah parvint à rendre sa
présence, comme Dicu unique, aussi externe
qu'il était nécessaire qu'clle fut pour ètre per­
çue par la pensée humaine; l'homme en elfet,
était devenu tellement externe, qu'il était aussi
devenu par suite, impuissant à concevoir l'idée
de Dieu dans sa forme humaine, avant l'incal'l1a­
tion.
Telle est l'œuvre de la Rédemption: elle est
distincte de l'œuvre de l'homme, ou de l'œuvre
de sa régénération, en ce sens que celle-ci est
la coopération de l'homme à l'œuvre de Dieu.
JI faut donc que l'homme coopère à sa propre
régénération bien qu'elle soit l' œuvre de Dieu,
IJour pouvoir continuer, comme par le passé, à
communiquer avec la Vérité révélée, et, par
suite, pour pouvoir opérer son salul.
Mais, celte Rédemption du gtlnre humain,
bien que conforme aux. enseignements de la
Bibl;} de la nature, ne peut nous être révélée
et nous être euseignée préalablement que par
la Bible écrite; c'est donc par l'étude de notre
Bible écritè que nous devons commencer, si
nous voulons nous rendre capables de lire plus
lal'lÎ l'enseignement de la sagesse divine dans
la Bible de la nature.
Nous appren,frons, de plus, par la méditation
de cette Bible écrite (Voit' ci-dessus no 15G),
426 LA BIBLE ÉCRITE E!

que l'Humain du Seigneur, dès qu'il eut été fait


divin, n'a plus été un organe de la vie tIe Dieu,
mais qu'il a été la Vie même, ou Jéhovah Lui­
même: en effet, son corps n'était plus simple­
ment matériel, ni ~implement ~pirituel, mais il
était devenu Substantiel-Divin, ce qui n'àrrive
à aucun homme qui perd deftnitivement son
corps matériel lorsou'il meurt, et reste seule­
ment dans son corps substantiel ou spirituel.
Mais, le Seigneur ayant un corps en même
tem ps substantiel et di vi n, ce corps con tient de
la chair et des os d'uu caractère différent du
corps matériel, et dilIérent aussi d'un corps
simplement rpirituel ou substantiel. En efftlt,
il vint vers ses disciples, l(;s portes étant fer­
mées, et, après avoir été vu, il devint invisible
(Jean, XX, m, 20.) ; de plus, il put manger une
nourriture matérielle, ce qui e!'>t impossible à
un corps spirituel, qui n'a, nous dit Luc, ni
chair, ni os. (Luc, XXIV. 3g). Ainsi, le corps
dans lequel Jéhovah s'incarna fut divinisé jus­
que dans sa nature physique, ce qui fait que
ce corps n'avait plus riende commun avec Marie
sa mère terrestre. C'est ce qui explique les phé­
nomènes dont les disciples ont été témoins.
~97. De ce qui précède, il résulte que nous ne
pouvons pas nous élever, par la seule connais­
sallce des vérités externes, dites scientifiques,
à la connaissance des vérités internes, diles
spiritueIJes; mais, nous pouvons, par la con­
nai8sance ùes vérités de fail qui nous ont été
révélées dans notre Bible écritE'-, et qui consti·
tupnt la science divine, et non la science hu­
maine, nous Alever à la connaissance des véd·
tés internes et spirituelles.
C'est pourquoi le Seigneur a dit à ceux qui lui
demandaient un signe afin de croire:
« Une génération méchante et adultère re­
LA BI~LE DE LA NATURE 4')­
~I

» cherche un signe, mais de signe il ne lui sera


~ donné,sinon le signe de Jonas le prophète. Car
~ de même que Jonas fut dans le venlre dé la
» baleine, trois jours et trois nuits, de même le
»Fils de l'homme sera dan3 le cœur de la terre,
» trois jours et trois nuits. ~ (Matth. XII. 39, qO.)
Le Seigneur fait ici allusion à ses combats con­
tre les t.entations et à ses victoires sur les enfers.
La dernière tentation fut la passion de la
croix; elle eut pour consé'luence l'union com­
piète de son Divin avec son Humain, c'est·à·dire
sa glorification. La terre doit être fèrtilisée
c'est-à·dire être régénérée: c'est pourq uoi auss i
elle représente l'homme qui doit se régénérer.
Si donc il est dit que le Fils de l'homme doi t
être dans le cœur de la terre, c'est pour signi­
fier aussi, que le divin Vrai doit pénétrer dans
la volonté de l'homme, pour l'aiderà surmonter
ses tentations ou les maux de sa volonté, à
memre que ses connaissances du bien et du
vrai disper.~ent les fauBetés de son entende­
ment.
Les poissons signifient toujours dans la
Bible les vérités scientifiques qui appartien­
nent à l'homme naturel ex.terne; c'est dans le
plan de vie de ces scientifiques externes que
le Seigneur, était descendu en s'incarnant. Les
grands poissoft q , t.els que les baleines, figurent
les vérités scientifiques générales prédomi­
nantes. La mer symbolise ici l'amas des connais­
sances naturelles; celles-ci,lorsqu'on s'y attache
à l'exclusion des connaissances spirituelles,
donnent à la mer la signification de l'enfer.
Jonas représente donc l'homme qui est telle­
ment entraîné dans la mer des connaissances
mondaines, que ses faussetés intellectuelles en
sont assoupies. De même que les hommes de
la décadenl:e de l'Eglise Adamique, lorsqu'ils
428 LA BlBLE ÉCRITE ET

s'écartèrent de la sagesse divine, il ne veut plus


se laisser conduire par le Seigneur. Il veut se
conduire au mo.yell de la science seule, ainsi,
se diriger lui-même} et non plus se laisser diri­
ger par les vérités intérieures et supérieures
qui transformeraient en sagesse sa science mal
digérée. Jonas est donc dans le ventre de la
baleine, parce qu'il est livré au combat de la
tentation; il est nacessaire à chacun d'être ten­
té, afin qu'il puisse avoir l'occasion de se puri­
fier des maux héréditaires, et du naturalisme
dans lequel il est né.
De même que, dans le ventre, les aliments
doivent être purifiés, de telle maniére que les
parties nutritives puissent être séparées et
amenées dans tout le système, pendant que les
parties inutiles et nuisibles sont rejetées, de
même, l'homme qui combat contre les tenta­
tions mauvaises, est purifié et nettoyé de ses
fausses idées: il devient alors rationnel.
Par les trois jours et les trois nuits, il est en­
tendu que cette opération doit étre commencée
et achevée pendant un temps durant lequel il y
a des états alternés de vrai et de faux ou de jour
et de nuit.
Le nombre trois embrasse à la fois les trois
éléments de l'unité de tout acte dans son plein,
à savoir la fin qui se réalise par la cause dans
l'effet: c'es t pou rquoi le nombre trois es t tou­
jours, dans la Bible, le symbole de ce qui est
commencé etachevé. Il estdit encore que Jonas
pria le Seigneur et qu'il obtint que le poisson
le vomit sur la terre sèche.
Il n'y a pas de régénération possible pour
l'homme qui sait, mais qui ne fait pas ce qu'il
sait. Faire est ce qui est entendu par «la terre,.
car une chose est fixée sur la terre sèche ou
achevée lorsqu'elle est faite. Cette histoire si­
LA RIBLE Dt1: LA NATURE: 429
gnifie ùonc que les hommes trop entièrement
absorbés par leurs connai'lsance.'l scientifiqu.es,
sont si bien avalés par la baleine de Jonas, qu'ils
ne comprennent plus les enseignem~nts de la
sagesse divine: ils sont, par conséquent, heu­
reux de parvenir à se convaincre, à la suite de
leurs épreuves dans la lutte contre les tentations,
que la science n'est pas desti née à obscurcir l'iné­
telligence des choses divines, mais qu'elle est
destinée à confirmer celles-ci et à s'harmoniser
avec elles; c-est pourquoi elle doit servir de
manteau à la religion.
Ainsi, par ce signe de Jonas, Jésus entendait
un témoi~nage pour persuader qu'on crût qu'li
était le Messie et le Flls de Dieu qui devai t
venir; or, ce signe de Jonas signifiait aussi la
sépulture et la résurrectioll du Seigneur, ainsi
la pleine glorificatiotl de son Humain. Il fallait
queleshommes sensuels puissent d'abord croire,
et ensuite plus tard pénétrer le sens significatif
des miracles,notamment de ceux de Jonas,et de
l'incarnation de J éhovahdans le Christ puis de sa
ressurrection: c'est ainsi que Les hommes peu­
vent arriver de degré en degré à transformer
leur foi naturelle en foi spirituelle.
298. On voit donc que lorsque l'homme se sé­
pare de Dieu, et qu'il ne peut plus recevoir de
Lui, ses inspirations par les facultés internes,
Dieu dans sa miséricorde le relie à Lui, au
moyen des sens, de la scif\nce révélée et de la
raison.
IL en résulte aussi que l'homme né dans le
naturalisme doit laisser d'abord mourir en lui­
même ce naturalisme, de même qu'll est mort
dans le Christ sur la croix; ce n'est qU'ensuite
que nous ressuscitons dans le spiritualisme.
C't'st alors seulement que ce spiritualisme nou­
yellement né ell nons, peut nous J'aire revêtjr
430 LA nJllLE ÉCRITE ET

plus tard une nouvelle enveloppe t:xterne qui


cette fois, sera l'expression exacte de uous­
même, et non plus une expression mensongèr'e
comme celle que nous avons dû rejeter. Il faut
en effet, que notre homme externe cesse d'être
le maître de notre homme interne et qu'il de­
vienne au contraire son serviteur.
Un autre résultat important de celle transfor­
tion da la foi naturelle en foi spirituelle sera
marqué par une transformation correspondante
de la science en sagesse. En effet, les phéno­
mènes du monde naturel, bien que continuant
à s'expliquer par des théories scientifiques, ne
restent plus, pOUl' le croyant, des théories scien.
tifiques arides et sèches que peu de per­
sonnes se soucient de comprendre parcequ'elles
sont loin d'être attrayantes; mais elles se trans­
forment en doctrines de la sagesse parfaitement
attrayantes et intéressantes à étudier comme
toutes les créations de la nature qui sont de
véritables miracles; c'est ainsi que ces lois na­
turelles seront endossées par la théologie de
l'avenir qui sera la nouvelle science du droit
divin moderne, comme les conséquences et les
expressions éloquentes des ~'pplications à la
nature des lois spirituelles de l'amour et de la
sagesse divines. Il en est de même de la loi
naturelle de l'évolution qui ne doit pas rester
pour l'homme, comme pour l'animal, un combat
sauvage et désespéré pour la conservation de
l'existence matérielle au nom de la force brutale
primant le droit, mais qui doit devenir une
doctrine de la sagesse, c'est-à-dire un concours,
une union, une coopération générale d'efforts de
tous pour l'établissement d'une justice ration­
, nelle destinée à gouverner le monde.
La création n'est donc pas l'évolution de la
matière, mais elle est l'évolution des des&eins
LA J)IBLI~ 010: LA NA'L'U~\E ·131
du divin Amour, par le moyen des substanCl:8
spirituelles et increables qui pénètrent dans les
réceptacles infiniment variés de ia nature ex­
terne et même de la matièl'e inerte.
Ces desseins du divin amour se manifestent
par des représentatifs externes, au moyen de la
chaleur et de la lumière naturelles, images cor­
respondantes de la chaleur et de la lumière
spirituelles, qui réchauffent nos cœurs et éclai­
rent nos pensées. Il en résulte donc bien, que
toutes les lois naturelles peuvent être comprües
et présentées comme des doctrines de l'ensei­
gnement oe la sagesse divine.
299. Les représentatifs de la Bible écrite,
sont d'ailleurs choisis pour notre usage spécial,
afin de nous servir d'échelons, pour nous per­
mettre de monter, des vérités apparentes, aux
vérités internes et réelles.
Cette révélation préalable par la voie ex­
terne, qui constitue la science divine, doit nous
devenir familière, avant que nous puissions
transformer cette science divine, et plus tard,
la science humaine, en doctrines de la sagesse.
L'étude persistante de ces faits révélés de la
science divine, y compris le fait historique de
l'incarnation du Dieu unique, servira pour nous
élever à l'ihtelligence du sens spirituel des re­
présentatifs du monde naturel; elle nOU5 fera
progressivement ressaisir les vérités révélées,
au moyen de l'influxinterieur du bien et du vrai
divins, grâce au secours qui nous est octroyé
plus abondamment des vérités révelées et
manifestées extérieurement par l'influx de la
nature. (no 186 ci.dessus.)
La croyance au Dieu unique incarné dans le
Christ, est la seule voie qui nous reste ouverte
maintenant pour nous élever à la sagesse. (voir
no 87 ci-dessus.) La conjonction avec Dieu,
432 LA BIBLE ÉCRITE ET

dans la pensée plus externe de l'homme actuel,


ne peut avoir lieu qu'à la condilion d'y voir
Dieu comme homme, et ainsi à la fois sous la
forme divine et la forme humaine; mais, la con·
jonction avec Dieu invisible à la pensée n'est
plus possible. Voilà pourquoi le Seigneur dit:
« que la pierra qu'ont rejetée ceux qui bâtis­
» saient est devenue tête d'angle.» (Marc, XII.
10.) La pierre, ainsi que la personne de Pierre,
figure la foi à la divinité du Christ; aussi Jésus
s'écrie: « Moi je te dis que tu es Pierre, et sur
» ce rocher je bâtirai mon Eglise. » (Mallh.
XVI. 18-19.) Il suffit de lire les lignes qui pré­
cèdent ce texte, pour s'assurer qu'il s'agit de
la foi à la divinité du Christ, et nullement d'un
prt'ltendu pouvoir spécial concédé à la personne
de Pierre, qui est même qualifié de Satan, quel­
ques lignes plus bas.
Voilà pourquoi encore le Seigneur lui dit:« En
» vérité, celui qui n'entre pas par la poete dans
» la bergerie, mais qui monte par un autre en­
l) droit, celui-là est un voleur et U:l larron., , .

» Moi je suis la porte; par Moi, si quelqu'un en­


»tre, il sera sauvé. »(Jean, X, 1 et 9.)
En effet, entrer par la porte dans la bergerie
des brebis, c'est entrer par la foi dans l'amour,
pour se conjoindre à l'œuvre du Seigneur.
C'est ainsi que les hommes reconnaissent que'
toutes les choses de la foi et de la charité vien­
nent de Lui; mais, les attribuer à d'autres, et
surtout se les attribuer à Sui-même, c'est voler
dans le sens spiritûel, et, ainsi, placer le mérite
dans les œuvres.
Entrer par la porte, c'est entrèr par le vrai
qui appartient à la foi, vers le bien je la cl.1..al'itd
.et de l'amour; c'est aussi entrer vers le Sei­
gneur qui nous dit encore: « Nul n'a un amour
l) plus grand que celui· ci : quand quelqu'un dé­
1> pose son âme, » c'est-à-dire sa vie, «pour
»ses amis.» (Jean, XV. 13.)
CHAPITRE XXXVII

L'Eglise de l'avenir

300. Les visions présentées à la vue intérieure de Jean dans


l'île de Patmos, comme toutes les visions décrites dans
la Bible, ~ont des images r'epl'é~entatives des peneées
intérieures des habitants du céleste séjour. - 301. La
femme glorieuse figure l'Eglise de l'avenir enveloppée
du soleil, c'est-à-dire, du divin amour. La lune ~ous ses
piens figure la lumière de la foi. La tête est surmontée
de douze étoiles pour figurer toutf\S ses connaissances du
bien et du vrai. - 302. Cette Eglise nouvelle a déjà des
adversaires;ceux-ci soot figurés par le signe du grand dra.
gon qui se prépare à dévorer l'enfant,c'est-à-dire, la doc­
trine que la femme glorieuse doit enfanter. - 303. L'eû­
fant mâle que le dragon veut dévorer est dit paîtl'e toutes
les nations avec une verge de fer, pour signifier que la
doctrine doit être puisée d'abord dan!l le sens littél'al de
la Parole révélée; le sens littéral est figuré par lefer.Les
deux ailes données à la femme signifient les moyens em.
ployés pour que la Nouvelle JérueaJem soit mise à l'abri
des atteintes du dragon. Son état de tentation durant son
séjour dans le désert, signi fie sa phase de réformation.
La sainte Cité est vue " deecendant du ciel, ,. mais non
encore comme "une fiancée ornée pour son mari. » ­
30t, La prophétie des ),260 jours de son séjour dans le
désert signifie de même que toutes les prophéties de la
Bible, les états nouveaux qui doivent incessamment
arriver dans les différentes phases de l'évolution des so­
ciétés humaines, mais ne précise nullement les dates de
ces évènements. - 305. On ne doit pas s'étonner des
lenteurs du développement des doctrines de la Nouvelle
Jéru~alem. Les religions qui se sont le plus rapidement
répandues dans le monde, ont été les moins fécondes en
résultats. Il faut avant tout que les erreurs et les fausse­
tés soient éloignées de l'esprit de la généralité des hom­
mes pour que l'Eglise de l'avenir puisse s'établir dans le
ltlonde.
37
434 L'ÉGLISE DE L'AVENIR

, Un signe grand fut vu dans


le Ciel: une femme envelop­
pée du soleil et la IUlle sous
ses pieds, et SUl' sa tête une
coul'onne de douze étoiles.
(Apoc. XLI. 1.)

300. Une série de visions célestes, furent pré­


sentées à la vue intérieure d~ Jean dans l'île de
Patmos. Ces visions figuraient dans des sym­
boles prophétiques, l'histoire de l'Eglise chré­
tienne, ses en'erirs, ses schismes, sa consom­
mation et son jugement dernier, puis la nais­
sance glorieuse de la Jérusalem nouvelle,
l'Eglise de l'avenir, qui doit succéder à celle du
passé.
Comme toutes les visions décrites dans la
Bible, ces visions sont des images représentati­
ves des pensées intérieures des habi tants du cé·
leste séjour; elles se modifient et disparaissent
suivant les changements des états intérieUl'S
qu'elles décrivent. Nous devons apprendre à
lire couramment dans la Bible ces changements
d'état qu'elles ont pour objet de représenter et
les enseignements divins qui en dérivent.
La Bible nous présente donc ces visions, non
comme des illusions, mais comme des images
destinées à notre instruction: ell e les quaI itie
de révélations de la sagesse divine pour ceux
qui se donnent la peine d'apprendre à les lire
et elle qualifie de voyants ou de prophètes ceux
qui ont eu ces visions (Voir Daniel, X. 7. ­
1 Samuel, III. i. IX. 9. - Proverbes XXIX. 18).
Les enseignements que les descriptions
bibliques renferment, seront mieux illis en
lumière, lorsque les doctrines de la Nouvelle
Jérusalem deviendront assez familières aux
hommes et par suite assez populaires pour
L'ÉGLISE DE L'AVENIR 435
trouver leurs applications dans toutes les bran­
ches des sciences sociales.
301. L'ayP.our de Dieu et l'amour du prochain
inspireront alors à la généralité des hommes de
nouvelles lumières; on comprendra mieux la
beauté de ces enseignements de la sagesse di­
viJie, beauté qui est comparable à celle d'une
femme enveloppée du soleil, ayant la lune sous
ses pieds et urie couronne de douze étoiles.
Le soleil, en effet, exprime le divin amour,
dont cette Eglise de l'avenir sera imprégnée et
enveloppée; la lune qui est sous ses pieds repré­
sente la lumière de la foi. La tête est surmontée
de douze étoiles parceque chaque passage du
texte sacré que nous comprenons dans son sens
spiritual brille comme une étoile dans le Ciel
de nos âmes. Le nombre douze figure toutes Jes
connaissances du bien et du vrai. Ce nombre
est le produit de trois multiplié par quatre: or
trois est le symbole de la plénitude dans le vrai,
tandis que quatre multiple de deux, se réfère
au bien.
302. Cette Eglise nouvelle est déjà depuis un
siècle, née parmi les hommes; bien qu'elle ne
soit encore que dans la phase de son enfance,
elle ne manque pas d'adversaires: ceux-ci sont
figurés dans l'Apocalypse par le signe du grand
dragon, qui se prépare à dévorer l'enfant que
la femme glorieuse doit enfanter. Si la femme
figure l'Eglise même, cet enfant représente la
doctrine de la Nouvelle Jérusalem qui doit nous
douner une intelligence rationnelle des textes
de la Bible, et se substituer progressivement au
mysticisme de la doctrine ancienne figurée par
le dragon et par les draconiciens.
Chaque nouvelle dispensation du Bien et du
Vrai divins, trouve la société humaine sous le
joug de l'amour de la domination q:ui se présente
436 L'ÉGLISE DE L'AVENIR.

aussicommel'amourdumystère etùes ténèbres;


c'est ainsi que l'Eglise du passé depuis qu'elle
s'est écartée de la vraie doctrine, est prète à
s'opposer à l'Eglise de l'avenir et à détruire le
petit enfant qui figure l'esprit nouveau. Celui-ci
ne demande qu'à grandir et à se développer
dans l'âme humaine. Lorsque Jéhovah se fut
incarné parmi les hommes, les Sadducéens et
les Pharisiens appelés dans l'évangile : « en­
geance de vipère~,» ( Matth. III. 7 et XXIII.
33. ) firent des efforts pour étoufft:lr ses doctrines,
et ils déclarèrent qu'il Y avait un démon en Lui,
qu'il était fou et qu'il était traître; c'est ainsi
que le serpent qui était en eux se préparait à
mordre. Par le pouvoir de son amour et de sa
sagesse, le Seigneur écrasa la tête du serpent;
mais celui-ci l'avait mordu au talon, c'est-à-dire,
à la partie qui figure le cÔté externe ou sensuel
de sa nature humaine; c'est la seule partie que
le sensuel, figuré par le serpent peut atteindre.
Les hommes sensuels,à juste titre qualifiés d'en­
geances de vipères, figurèrent le serpent et sa
morsure au talon, lorsqu'ils réussirent à faire
mettre le Christ en croix.
Le dragon lui-même qui est un serpent repré­
sente donc plus particulièrement ceux qui mé­
prisent la religion, parce qu'ils prétendent
qu'elle n'est pas susceptible d'être appliquée à
la vie familiale et sociale.
Il représente ceux qui se fient à des doc­
trines erronées de l'Eglise du passé, telle que
celle, par exemple, du salut par la foi sépa­
rée de la charité. Ceux-là jettent, sui vant le
langage de l'Apocalypse, des fleuves de faus­
setés, pour détruire la doctrine nou velle, et
l'empêcher d'introduire la lumière dans les
choses de foi, et aussi pour l'empêcher d'être
mise en pratique.
I.'ÉOLISE DE L'AVENIR 437
303.L'enfant mâle que le dragon veut dévorer
est dit: Ir paître toutes les nations avec une
verge de fer.» (Apoc. XII. 5.) Il s'agit de la
doctrine qui doit être dégagée du sens littéral
de la BibLe, ainsi que cela a déjà été expliqué
nO 69 ci-dessus. Le sens littéral de la Parole,
est figuré par le fer, parce qu'il suppose, lors­
qu'il est exciusivement accepté, le règne de
l'âge de fer, que nous avons décrit précédem­
ment. (no 211 ci-dessus.)
Mais ce sens littéral de certains textes de la
Bible, qui formulent la doctrine chrétienne, est
le fondement de la Nouvelle Jérusalem; il doit
servir à instruire les hommes, pour les élever
progressivement jusqu'à la lumière de le.ur in­
tp,lIigence rationnelle et ainsi au-dessus de ce
vrai li ltéral qui est externe. Cette lumière ainsi
que nous l'avons vu, (no 2(1) correspond à l'âge
d'airain des sociétés antiques, et suppose l'éta­
blissement du nouveau règne du Christ, qui
est l'âge d'airain de l'avenir; celui-ci doit suc­
céder à notre âge de fer actuel.
« Paître» signifie enseigner et instruire dans
la lumière rationnelle de la vérité: celle-ci est
l'alimentation spirituelle qui est figurée par
l'alimentation naturelle que suppose cette ex­
pression.
Par les deux ailes données à la femme (Apoc.
XII. 14.), pour qu'elle puisse s'envoler dans le
désert, sont entendus les moyens employés par
la Providence divine, pour que la Nouvelle
Jérusalem soit mise à l'abri des atteintes du
dragon, tandis qu'elle n'existe encore que chez
quelques-uns, et qu'ainsi eUe puisse se pré­
parer a s'étendre chez un gr'and nombre. Mais
pour y arriver, il faut mettre en application la
loi du progrès. Nous avons vu (no 22 ci-dessus),
que durant le cours de sa conversion, l'homme
438 L'l!;OLISE DE L'A VENIR

passe par deux phases; à savoir. la phase de


réformation et la phase de régénération.
Or, le premier élat de réformation est un état
de tentation, car la tentation persiste tant qu'il
y a plus ou moins de combat entre la volonté
et l'entendement, mais dès que l'homme veut de
cœur fuir le mal et faire le bien, il n'y a pas
tentation, parce qu'il n'y a plus combat. Dans ce
cas, le cœur veut ce que l'entendement pense,
et l'entendement pense ce que le cœur veut j il
n'y a plus désaccord, il y a harmonie entre les
deux facultés de l'âme. Mais aucun homme ne
peut arriver d'un seul bond à l'état d'affranchis­
sement de la tentation, car il est nécessaire
qu'il ait nntelligence du bien avant de le vou­
loir, et il est par suite nécessaire qu'il lutte
pour la conquête de la vérité.
Ce qui est vrai de l'individu est vrai de l'E­
glise: la Nouvelle Jérusalem ne peut s'établir
parmi les hommes qu'en luttant pour faire pré­
valoir la vérité dont elle est en possession et
pour eclairer le monde. Mais elle ne peut pas
réaliser la première phase de réformation avec
la même rapidité que l'homme individuel, parce
qu'elle est une association d'hommes qui tous
doivent se réformer pour coopérer à l'œuvre
commune, combattre l'erreur et faire recon­
naître l'utilité ainsi que la justice des vérités
nouvelles; celles-ci sont destinées à trouver
leurs applications dans toutes les branches de
nos sciences sociales. VEglise nouvelle doit
donc passer lentement,bien que so.rement,par le
premier état de réformation et de tentation,
avant qu'elle puisse arriver au second état de
égéoéralion el d'affranchissement de la tenta­
tion.
C'est dans cet ét!lt de transition que l'Eglise
est maintenant, et c'est ce qui est entendu pRr
L'tGLISE DE L'AVENIR 439
~ le désert, » dans lequel elle est nourrie spiri­
tuellementjelle e.stainsi mise à l'abri desaUein­
tesdu dragon,tandis qu'elle n'existe encore que
chez quelques-uns pour se préparer et pour
s'étendre ensuite chez un grand nombre. Elle est
dans« le désert, » non pas seulement en ce sens
llu'eIle est entourée par les restes dévastés de
la précédente Eglise, mais en ce sens aussi
qu'elle n'a pas encore prod uit 1eR fruits de la
nouvelle ère: elle se réjouit dans la lumiè­
re, mais non encore dans la vie de la nou­
velle Jérusalem. Elle conn~ît le vrai et elle
pense qu'il doit être appliqué, mais elle ne le
veut pas encore assez énergiquement ni assez
puissamment pour pouvoir l'appliq!1er à tous les
actes de la vie privée et de la vie sociale. La
sainte Cité e~t vue« descendant du Ciel,. mais
non encore comm'3 « une fiancée ornée pour son
mari.. Elle est donc bien dans l'état de « dé­
sert» et ainsi dans une condition constante de \
tentation et de combat ou de lutte pour l'exis­
tence. C'est pourquoi, elle n'est distinguée qu'a- '
vec difficulté des Eglises en décadence DU mi­
lieu desquelIes elle e~t, en apparence comme
perdue.
Oependant, la N'Ouvelle Jérusalem est une
Epolise céleste, car elle est une Eglise d'après
le Bien plus essentiellement encore que d'après
le Vrai: elle est, en effet, la couronne de toutes
les Eglises du passé. Cette Eglise de l'avenir
sera dans l'innocence de la sagesse ou de la
science transformée en sagesse; mais elle ne
sortira pas du « désert » ava~_t qu'eLle _~~~!ltre
danuoll véritable -hèdtage, iü avant que le de­
gré de sa vie céleste ai t commencé à être ouvert.
L'état présent de l'Bglise de la Nouvelle Jéru­
salem caracterisée comme un système de doc­
tri~es, et non enco.:e__dotée d'une pu.issance sal­
440 L'ÉGLISE DE L'AVENIR

vitique, est donc seulement un état de transi­


tian; c'est comme l'état d'une chrysalide des­
tinée à devenir un beau papillon qui volera dans
les jardins au milieu des parterres de fleurs.
304. Il est dit ensuite: « Et la femme s'enfuit
« dans le désert, où elle a un lieu préparé par
« Dieu, afin qu'on l'y nourrisse mille deux cent
« soixante jours. »(Apoc. XII. 6.) Plus loin, on
lit qu'elle serait nourrie un temps, des temps,
et la moitié d'un temps, à l'écart de la face du
serpent. » (Apoc. XII. 14.) Ces deux passages
ont fait croire à quelques-uns qu'il serait pos·
sible, par la connai.ssance de leur sens spiri­
tuel, de préciser combien ~e temps l'état pré­
sent de transition de la Nouvelle-Jérusalem
pouvait durer. Mais, c'est là. méconnaître la
vérité, en ce qui concerne toutes les pl'ophé­
ties de la Bible, qui ne doivent servir qu'à
predire des étaf,s nouveaux; ceux-ci doivent
nécessairement a.rriver, parce que ce sont les
différentes phases nécessaires à l'évolution des
sociétés humaines; mais, les prophéties bibli­
ques ne précisent jamais les époques de ces
évènements. En effet, les 1~60 jours dont il
est question ci-dessus, font 42 mois, ce qui
suppose une durée de trois ans et demi: trois
ans représentent symboliquement l'achèvement
d'une dispensation, signifiée par trois, et le
commencement d'une nouvelle dispensation,
signifiée par nne demie. La même chose est
indiquée par (f. un temps, des temps, et la
moitié d'un temps. »On voit donc que le sens
spirituel, ici pas plus que dans les autres pro­
phéties bibliques, ne peut nous donner d'indi­
cation précise quant au temps; il nous donne
seulement des indications en ce qui concerne
les vérités qui doivent finir par prévaloir dans
le monde.
L'BGlISE DE L'AVENIR 441
305. On ne doit pas s'étonner des lenteurs
du développement des doctrines chrétiennes de
la Nouvelle-Jérusalem, malgré l'enthousiasme
que leur étude inspire à beaucoup de personnes
très érudites, et bien que cette Eglise ait déjà
plus d'un siècle d'existence.
Ceux qui connaissent les lois de la croissance
des êtres créés, ne s'en étonnent pas, parce
qu'ils voient, dans cette lenteur, le signe d'un
développement réel et sérieux,
Les religions qui se sont le plus rapidement
répandues clans le monde, ont été externes et
les moins fécondes en résultals. Les animaux
d'une organisation inférieure croissent et se
multiplient plus rapidement que d'autres.Aucun
animal ne se développe Ri lentement que l'hom­
me par la sim pIe raison qu'aucune structure- phy­
sique dans le monde n'est si complexe, si mer­
veilleusement organisée que le corps humain.
Ces lois du développement des êtres sont d'une
application universelle; elles s'àppliquent aux
sociétés humaines et ainsi aux églises. Les re­
ligions qui se sont le plus rapidement répandues
dans le monde ont été les moins fécondes en
bons résultats. Les Mahométans se sont déve­
loppés très rapidement, mais leur religion pré­
sente des caractères sensuels et un culte pure­
ment externe: elle a été utile pour la foule des
Orientaux dont les pensées se limitent au plan
de la vie sensuelle.
Le Seigneur nous dit : « Bntrez par la
« porte étroite; parce que large est la porte, et
« spacieux le chemin qui mène à la perdition; et
« il y en a beaucoup qui y entrent. Mais étroite
« est la porle, et resserré le chemin qui mène à
« la vie; et il y en a peu qui le trouvent.:.(Matth.
VII. 13, 14.)
Le développement de la primitive EgHse
442 L'ÉGLISE DE L'AVENIEt

chrétienne fut comparativement lent jusqu'au


quatrième siècle, 10rsque.Constantin 10 Grand
se déclara lui-même chrétIen, et qu'il adultéra
en même temps qu'il popul~risa le christia­
nisme; après quoi, cette Eglise se répandit
\ comme un feu dévorant, et l'empire romain
) tout entier fut nominalement converti au chris­
tianisme. ,
Combien différente est la Nouvelle Eglise
chrétienne dite Nouvelle Jérusalem que la Bible
qualifie ainsi: «uue pierre_dét.achée ~ans l'aide
des mains, ensuiteun~andemontagne.» (Da­
niel II. 35.) Celte Eglise est comme le royaume
de Dieu; ce n'est pas une chose qui vient d'une
manière observable, c'est un royaume au dedans
de nous; ce n'est pas par la crainte, mais par le
progrès des mœurs que ses doctrinesdevfen­
dront sociales, De plus, il y a lieu d'observer
qu'il faut, premièrement, que le nouveau Ciel,
qui doit faire un avec l'Eglise dans les terres,
soit formé : c'est pourquoi on lit que Jean vit
« un nouveau Ciel, et la sainte Jérusalem des­
« candant de Dieu par le Ciel. » (Apoc, XXI. 1,
2.)
Il est certain que la Nouvelle Jérusalem,
doit descendre du Ciel sur la terre, ainsi que
cela a été prédit dans de pombreux textes sa­
crés; mais il est certain aussi que les erreurs
et les faussetés de la précédente Eglise doivent
auparavant être éloignées de l'esprit de la gé­
néralité des hommes; or, c'est ce qui demande
beaucoup de temps, Si Swedenborg avait été un
fanatique et un sectaire, il aurait probablement
prédit une acceptation générale et prompte de
ses doctrines comme d'autres l'ont fait à propos
de leurs doctrines particulières; mais au con­
traire il prédit que les doctrines révélées par
lui seront reçues avec difficulté et resteront p,en­
L'ÉGLISE DE L'AVENIR 443
dan t un certain temps cnez un petit nombre, tan­
( dis que leur réception générale se P!~pare ; ceci
il le prédit d'après la Bible, de telle sorte que
c'est en réalité, le Seigneur lui-même qui le pré­
dit. Il faut par exemple, suivant le passage de
l'Apocalyse (XXI. i, 2.) ci-dessus cité, que le
nouveau Ciel et la sainte Jérusalem descendent
du ciel suda terre. Cela revient à dire qu'il faut .
que les mœurs de la fraternité se généralisent
dans les sociétés humaines, avant que la paix. et
la justice puissent régner dans tous les rapports
sociaux. Or, chacun peut juger que nous sommes
loin encore de ce nouvel âge d'or de l'humanité.
Le premier pas à faire est que les hommes en
général. aient une conception rationnelle de la
doctrine qui doit fonder ces mœurs de la frater­
nité.
Dans le plan de vie de l'ère nouvelle de notre
monde moderne, le lien social, de matérialiste
et de rationaliste qu'il était précédemment,
doit se transformer graduellement en bien na­
turel et rationnel, de manière à établir dans
les sociétés humaines une justice rationnelle
sur les ruines et sur la destruction de l'ancienne
justice sensuelle et matérialiste.
Nous sommes donc encore dans une époque de
transition bien caractérisée, car nous nous trou­
vons également sollicités entre l'égoïsme du
jour et les aspirations encore vagues verli la
fraternité universelle.
Cette civilisation de notre avenir le plus
proche, correspond dans le passé,à l'âge d'airain
des sociétés antiques, qualifié aussi d'âge héroï­
que; sa sphère d'activité se concentre plus
directement dans la poursuite des développe­
ments progressifs du principe d'utilité sociale.
Cependant, elle doit nécessairement développer
aussi, dans une certaine mesure, les principes
L'ÉGLlSE DE L'AVENiR 444
d'autorité et de liberté dans leurs applications
sociales et utilitaires, sur le plan de vie qui est
celui du degré naturel. (no 68 ci-dessus).
S'il est vrai que l'Eglise chrétienne du passé
ait fait son temps, et ne puisse plus s'a­
dapter à 'nos idées modernes; s'il est vrai
aussi qu'elle soit finie complètement comme
culte interne, surtout depuis le dix·huitième
siècle, époque à laquelle eut lieu son jugement
dernier, il est vrai également que le monde
moderne sent le besoin le plus urgent de ne
plus croire que ce qu'il peut comprendre ration­
nellement. C'est grâce à ce besoin ncuveau qu'il
se trouvera progressivement transformé quant
à ses affections ét à ses pensées, de manière à
justifier la magnifique image du chapitre XII de
l'Apocalypse au sujet de cette métamorpho~e de
lui-même; cette Image représente l'Eglise de
l'avenir comme la couronne de toutes les Eglis,es
du passé, et, en mêinëtemps, comme une pro­
messë pour l'humanité future, d'atteindre aux
destinées les plus élevées.
L'image biblique de cette Eglise de l'avenir
est celle d'une femme qui représente l'épouse du
Seigneur, et le Seigneur comme son époux;
cette Eglise de l'avenir est donc bien exacte­
ment figurée par la femme glorieuse enveloppée
dn-sel-eil, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa
fête une couronne de douze étoiles.
CHAPITRE XXXVIII (1)

La question sooiale.
306. L'union fraterr.elle de tous les hommes et la. reconnais­
sance mutuelle de leur état de solidarité, est la seule, la
naie solution de la question sociale. L'Eglise chrétienne
par la date de sa fondation, marque l'époque à. partir de
laquelle, l'hllmanilé doit remonter le cycle des âges et
progresser indéfiniment. - 307. Les réfol'mes sociales
que le nouvel âge nous promet, ne s'obtiendront que par
les efforts héroïqlles de personnes morales, vasles corpo­
rations et associations coopératives j l'âge des héros indi­
viduels de la puissance et de la richesse est passé. ­
308. Les personnages myLhiques qui caractérisent l'âge
héroïque des temps préhisloriqu~s, ont typifié des corpo­
rations, personnes morales puissantes, qui se proposaient
de remplir certaines fonctions d'lltilité et de salubrité
,1 sociales. Toutes les associations eurent un caractère essen­

1 tlellement religieux dans l'âge d'airain des temps préhisto­


\ ri~uesj il en sera de même dans l'âge d'airain de l'avenir.
-309. L'organisme social doit, pour arriver il. la perfection,
refléter l'organisme humain. Les lois naturelles de la
physiologie sont représentatives des lois spirituelles de la
psychologie: la médecine du corps doit devenir le reflet
de la )Ilédecine de l'âme. - 310. Les signes des temps et
les progrès des idées modernes nous entraînent invinci­
blement vers ce nouvel âge héroiqu8 durant lequel une
race nouvelle de héros va naître sur notre terre, sous
forme de puissantes personnes morales, vastes associations,
qui ramèneront les profondet:rs de l'amour humain à la vie
et à une véritable ineal'nation sociale et scientifique de la
frater ni té humaine.

(1) Ce cbapitre sert de conclusion générale à. tous ceux qui priJ­


e~dent. Noire Evangile social ne peut préSenter qu'une vue
d'onsemblo des principes, qui doivent imprégner les mœurs
avanl 'lue la solution de la question sociale devienne réallsable.
38
446 J.A QUESTiON SOCIALE

" Voici, Ô qu'il est bon et qu'il


est agr'éable frères d'ha.biter
ensem])le! " (Pli. CXXXlI1. 1.)

306. L'union fraternelle de tous les hommes


et la reconnaissance mutuelle de leur état de
solidarité, est la seule et la vraie solution de la
question sociale. Cette union fraternelle de la
généralité des hommes est la conclusion néces­
saire des doctrines de l'Eglise de l'avenir.
La légende des quatre âges du monde, qui a
été développée spécialement dans notre cha­
pitre XXI, à propos de la statue que Nébu<:had.
netzar vit en songe, se présente aussi comme
la conclusion générale des enseignements de la
philosophie de l'histoire.
Nous avons observé que l'Eglise chrétienne
par la date de sa fondation marque l'époque à
partir de laquelle, l'humanité doit remonter le
cycle des âges, c'est-à-dire, progresser et non
plus comme par le passé, s'éloigner indéfini­
ment de l'antique sagesse.
C'est seulement depuis cette date qu'elle com­
mence à remonter l'âge de fer et d'argile; elle
sort péniblement, mais visiblement de cet âge
de ténèbres et d'ignorance barbare, durant le­
quel, il n'existait parmi les hommes d'autre lien
social que l'amour du bien-être matériel: c'est
l'intérêt personnel qui est encore le fondement
principal de tous les rapports sociaux. Cepen­
dant, l'humanité progresse.
Nous avons vu qu'à ce règne du sens mys­
tique et littéral de la Parole révélée. doit suc­
céder un nouveau règne, celui du Christ en
esprit, et ainsi le règne du sens spirituel des
saintes Ecritures.
Cette connaissance d'un christianisme ra­
tionnel peut exister déjà chez quelques hom'"
,
LA QUESTION SOCIALE 447
mes, mais elle est loin encore d'être suffisante,
loin surtout d'être familière et d'être populair-6,
(le nianière à descel1dre dans les applications
social es.
La doctrine des degrés expliquée précédem-
ment (nos 63 et s.),nous montre que durant cette
seconde et nouvelle ère ch-rétienlle de l'Eglise
de l'avenir, le domaine sur lequel s'exerce la
liberté de l'homme est le plan de vie, non plus
exclusivement matériel, mais le plan de vie du
degré naturel, sur lequel doivent se développer
If's effets externes, ou utilitaires du bien et du
v'rai, c'est-à-dire, toutes leurs applications so-
ciales et naturelles-rationnelles. (Voir no 305 ci.
dessus).
307. Nous avons précédemment ob~ervé (no 10
ci dessus), «que les réformes sociales que le
nouvel âge nous promet, ne s'obtiendront que
par }es. efforts héroïques de certaines in(iivi-
du~lités, qui auront reçu la mission toute pro-
videntielle de nettoyer ce qui reste encore des
écuries d'Augias de l'ancien monde; ce seront
des époques de tentations, des époques de com-
bats incessants pour déblayer le terrain, et pe~­
mettre à l'esprit llouveau d'édifier des institu-
tions rénovatrices, au lieu et place des ancien-
nes, tombées en pourriture. »
Nous avons observé également que ces«indi-
viduahtés. ces héros ou ces hercules de l'âge
hér_oïque de l'avonir, qui feront le déblaiem~nt
de l'_ancien-!l)onde, ne seront autres que des
per!:onnes morales; l'âge dl's héros indivi-
duels de la puissance et de la richesse, le temps
des grands despotes est passé. »
«Ces personnes morale~ et civill:'s en même
temps, sous des formes d'une variété infinie de
coopérations et d'associations corporatives,
r~tabliront dans les sociétés humaines, le culte
448 LA QUESTION SOCIALE

de la vérité et de la justice, non plus seu­


lement par de pures déclarations de principes 1
mais par des faits sociaux et économiqnes, ainsi
par la leçon même des choses. »
30S. Le premier précepte du décalogue qui
nous enjoint d'aimer le Dieu unique et de ne
pas rendre de culte à d'autres Dieux nous a
donné l'occasion d'observer qu'il y eut dans les
temps mythologiques, des Eglises et des Nations
personnifiées par des types de patriarches dans
la Genèse ét par des types de divinités et de héros
dans la mythologie. (No 142 ci-dessus).
On a été amené par l'étude aes monuments
de l'antiquité à considérer les personnages de
l'àge héroïque comme ayant typifié des corpo­
rations, personnes morales puissantes, qui se
proposaient de remplir certai.nes fonctions
d'utilité et de salubrité sociales. Elles agis­
saient sous la protection d'un Dieu ou plutôt d'un
des attributs du Dieu unique, personnifié sou­
vent aussi par le nom d'un héros.
Ce langage à la fois religieux et allégorique,
qui survécut à la décadence des âges d'or" et
d'argent, était encore d'un usage général durant
les temps de l'âge d'airain dëSsociétés antiques,
dit âge héroïque.
Ce nom de ltéros donne, par son étymologie
grecque qui signifie amour, cette idée de fra­
ternité et d'association mutuelle ou coopéra­
tive. 'fels auraient été les Cabires et les
Argonautes; ces derniers s'unirent pour la
conquête de la 'foiso.n...d:or. Celle-ci paraît figu­
rer principalement les épreuves par lesquell~s
i~ était nécessaire de passer pour réaliser la
!,égénération de l'âme humaine. Ce sont les
mêmes épreuves qui, plus tard, dans le christia.
nisme, furent qualifiées de combats contre les
tentations, et de victoires glorifiées par une
LA QUESTION SOCIALE 449
naissance nouvelle. Le phénix ne paraît pas
avoir figuré autre chose que cette renaissance
de l'âme ou sa résurrection glorieuse après la
mort du corps physique.
Les traditions, qui nous été transmises dans
les écrits anciens, nous presentent toutes les
entreprises industrielles, littéraires et artis­
tiques avec un caractère essentiellement reli­
gieux dans ces temps fabuleux et prehistoriques
de l'âge héroïque. Les monuments historiques
et législatifs les plus anciens, en conservent des
traces et comme des réminiscences accentuées.
Ainsi, le droit romain voyait,par l'organe des
jurisconsultes anciens, dans le contrat de société
quelque chose de plus qu'un simpl~ lien for­
mé par des intérêtsma.tér.iels, c'est-à-dire, une
véritâbie confraternité. On lit, par exemple,
dans la définition de l'action pro socio, (Loi 63
du Digeste): Societas jus quomodo f"aternitas în
se habet; cela revient à dire que la société ainsi
légalement organisée, est en quelque sorte
l'exercice d'un droit qui présente en soi un ca­
ractère de fraternité.
Dans l'àntiquité grecque, nous trouvons aussi
des monuments qui nous montrent que des asso..
ciations de toute nature ont existé et se sont
perpétué depuis les temps préhistoriques, ~ous
. forme de véritables fraternit~s, et qu'elles ont
existé dans des conditions morales plus élevées
que celles qui seraient pratiquement réalisables
de nos jours. Pour s'en assurer, il suffit de par­
courir les savantes recherches faites à ce sujet
dans le déchiffrement d'inscriptions grecques \
par M. Carle Vesclrer, et insérées dans la llevue )
archéologique de septembre 1865.
On découvre continuellement de nouveaux
textes épigraphiques qui établissent dans la vie
civile et religieuse de l'orient héllénique, l'exis·
1 450 LA QUESTION IOOIALI

te,!ce d'une multiplicité cl'associations dont les


auteurs anciens Ile nous avaient pas parlé.
Ces associations étaient appelées tautôt éra­
1 nistes, tantôt thiasotes, suivant leur caractère
plus spécialement industriel ou plus specialo­
ment religieux; plusieurs d'entre elles se pro­
posaient"d'âIder leurs membres dans l'ex.ercice
d'une profession déterminée; olles formaient
alors des corporations industrielles, commer­
ciales, maritimes, qui rappellent sous certains
rapports nos corporations du moyen àge. Le rè·
glement de chacune d'elles, ne demandait autre
chose aUJécipiendaire, que d'ê.lres!int, pleux
- - - -- .+ - - _ .. ­

ct bon.
-Quànd on songe qu'il s'agi.t d'institutions
autèri.t\l,ll'es -81i·c1iÎ'istianisme, il y a là, nous dit
avec raison M. Vcscher, un fait considérable
dans l'histoire morale de l'humanité. Nous
pouvons mettre en parallèle les souvenirs do la
chevalerie aumoyen-âge,les croisades'et toutes
les merveilleuses légendes à ce sujet, car nous
puiserons dans tout cet ensemble de faits aussi
extraordinaires que romanesques, les signes de
véritables réminiscences de l'age heroïque des
temps préhistoriques.
309. Ces fails peuvent encore être considérés
dans le passé comme les signes avant-coureurs
du nouvel âge héroïque que nous ré~erve l'ave­
nir.
Dans cett~ nouvelle ère nos aspirations à la
fraternité universelltl cesseront de rester à l'etat
vague et trouveront leurs formules scientifiques
et pratiques dans nos corJIJaissances plus ap­
profondies sur J'organisme humain.
Nous ayons vu, en effet, dans notre chapitre
XII ci-dessus, que l'organisme soc!al doit, pour
arriver à la perfection, refléter l'organisme hu
main, parce qu'il y a eutre l'homme et l'huroa­
LA QUESTION SOCIALE 45i
nHé, une analogie cOllstante de fonctions At
d'organes; chaque organe du corps humain r'lm­
plit une fonction distincte qu'aucun autre ne
peut remplir à sa place: l'estomac digère, les
poumons amènent l'air au sang que le cœur {,lit
circuler et ainsi de suite. Il en résulte que les
organes du corps humain sont corrélatifs et se
suppléent les uns les autres: l'un fournit ce
que l'autre ne peut fournir, et ainsi par les tl'/1­
vaux réunis auxquels tous coopèrent, le corps
est pourvu de tout ce qui est nécessaire.
L'organisme social doit être calqué sur ce
modèle: chaque institution du corps social, toute
société grande ou petite, doit manifester sous
une forme sociale, l'utilité similaire manifestée
parallèlement par le fonctionnement de chaque
organe du corps humain. L'homme social man­
ge, digère, se nourrit, fle perfectionne physi­
quement, comme l'homme individuel, et la sa­
tisfaction de tou!> ces hesoins phYSIques, trouve
sa correspondance dans la satisfaction de tous
1es besoins moraux, in tellectuels et spirituels,
autant chez l'un que chez (autre.
On voit donc que les lois naturelles de la
sociologie qui ùemaud ont encore à être déga­
gées et manifestees dans leurs formules scien­
tifiques, doivent se présenter' comme le reflet
et l'expression des lois spirituel1~s de la t.b60­
logie et de la philosophie: c'est ainsi que la
,science deviendl'a Je manteau de la religion et
la philososorhie leur trait d'union.
Mais la re$semblance entre l'homme social et
l'homme individuel n'f'st pas arpelée précisé­
ment, à devenir une ressemblance €xtérieure;
elle doit s'élever à une ressemblance inté­
rieure, à cause de la fidélité avec laquelle
l'homme social doit refléter l'image et hl. res­
semblance de Dieu, c'est-à.dire, le côté spiri­
...

452 LA QUESTION SOCIA.LE

tuel de l'homme individuel, son âme même.


~
Toutes les parties constitutives de celles-ci,
sont matériellement corporifié~s, incarnées et
représeÏÏfees dans les organes du corps humain;
elles peuyent même être formulées scientifique­
ment. Elles devront donc aussi sur une échelle
plus vaste être corporifiées, représentées, et
trouver leurs formules scientifiques, dans les
organes du corps social, c'est·à.dire, dans ses
1<. institutions.
De même que le cœur est l'organe propulseur
du sang qu'il renvoie circuler dans toutes les
parties du corps humain, de .même le bien est
le propulseur du vrai compris rationnellement
et destiné à circuler dans l'organisme social. En
effet, le sang correspond au vrai et le repré­
sente (Nos37, 93 et 103), comme le_cœur corres­
pond au bien et le réprésente également. -La
VerîteaTâquelle l'entendement humain s'est
élevé, doit s'implanter dans la volonté, c'est­
à-dire, dans le cœur, car la vie de l'homme est
principalement dans la volonté.
Nous avons vu précédemment (Nos 28 et 29),
quelle était la nature des rapports des trois
(acultés de l'âme avec les trois pouvoirs de l'Etat,
représentés dans l'homm~ physique, par le
cœur, le poumon et leur opération. Le cœur qui
représente la volonté et aussi le.principe de
la liberté, représente encore l'êpouvoir judi­
ciaire. Le poumon qui représente l'entende­
ment etal,lSsi le principe d'autorité, représente
enc.ra \fe pouvoir législatif; enfin le prin­
cipe d'utilité ou l'opération, est représenté par
r
·le pouvoir-exécutif, qui exécute au nom de la
nation, les ordres des deux premiers pouvoirs.
Nous avons vu qu'il résultait de ces termes
de comparaison entre l'organisme social et
l'organisme humain, la connaissance des prin­

-=n - - - ==1
LA QUli18'llON SOCiALE 453
cipes fondamentaux du droit politique et cons­
titutionnel, sauf les détails qui varient avec le
tempérament de chaque nation.
Il y a donc lieu de croire, qu'à mesure que
nos lumiè res s'accroîtront, nous arriverons, à
développer avec plus de précision et plus de
détails encore, ce parallélisme entre la consti­
tution humaine et l'organisation sociale; en pre.
nant donc comme termes de comparaison, les
usages des organes du corps humain avec leurs
correspondances spirituelles, nous connaîtrons
le mode de fonctionnement et l'utilité particu­
lière de cha cun des organes du corps social qui
se trouveront ainsi iùentifiées aux organés cor­
respondants du corps humain.
On arrivera ainsi, à formuler les lois en vertu
desquelles chaque organe ou chaque institution
du corps social doit évoluer.
Mais aussi longtemps qu'on continuera à igno­
rer ces correspondances entre la nature et l'es­
prit, il sera impossible de préciser les lois de
la sociologie d'une manière assez satisfaisante
pour les appliquer à notre organisme social, car
celui-ci est destiné de même que le Royaume
du Seigneur, à réaliser l'ordre humain. Pro­
gresser et évoluer vers le nouvel âge héroïque
de notre avenir le plus proche, c'est réaliser
l'édification sociale de cet ordre humain, qui
sera l'ère de l'union fraternelle des hommes:
alors, les lois naturelles de la physio~ogie se
présenteront comme les expressions logiques
et nécessaires des lois spirituelles de la psy­
chologie; la médecine du corps deviendra donc
la correspondance exacte et fidèle de la méde­
cine et de l'hygiène de l'âme.
210. Il nous reste à passer rapidement en
revue les signes des temps qui nous annoncent
<lM LA QUESTION SOCIAl.E

actuellement les approches de ce nouvel âge


héroïque de l'avenir.
Nous avons vu quo la foi chrétienne ancienne
a péri à la suite des fausses doctrines de l'Eglise
du passé, (n 08 19 et 286.), mais que des senti­
ments nouveaux de douceur et de tolérance se
sont fait jour à partir du xvm e siècle, par la
proclamation des principes de liberté, d'égalité
et de fraternité. La France a eu la gloire d'avoir
pris l'initiative de cette proclamation des prin­
cipes de l'humanité; elle a aussi démontré au
monde entier que ceux lUli R9uvernent les peu-
pies doivent être, ëiï·rl~alité, leurs ~erviteurs ;
l ces gouvernements doivent dominer non par un
principe mystique de droit divin, mais simple­
ment pour l'enseignement et pour l'utilité de
tous. La France a entraîné à sa suite la plupart
des autres nations, qui maintenant, aspirent à
posséder des institutions démocralig:ues et libé­
l'ales; celles-ci n'attendent plus, en effet, que
le progrès des mœurs de la généralité des hom­
mes, pour devenir des réalités pratiques.
La religion nouvelle de la pitié pour les mi­
§..éra"Qles a fini par naître et par triompher des
cruautés du paganisme et des bûchers de l'in­
quisition, ainsi de l'Eglise elle-même, usurpa­
trice du pouvoir séculier; elle a produit cet
adoucissement des mœllr3, cet esprit de tolé­
rance et de charité dont s'honore le monde mo­
derne. Or, ce don de charité dont le monde a
hérité à la suite du naufrage de l'Eglise du pas­
sé, est un progrès des mœurs qu'il faut noter avec
soin. En effet, l'homme ne reçoit la vérité qu'à
proportion qu'il est dans le bien, ou que ses
mœurs ont progl'essé, car la raison réclame des
preuves rationnelles pour la justification et la
consolidation des bonnes tendances que le cœur
conserve dans son affection.
I,A QUESTION SOOIALB 455
Nous devons étudi~r aussi ce progrès des
mœurs lorsqu'il se manifeste dans l'histoh"e des
faits éoonomiques : ainsi, nous avons vu d'abopd
le gouvernement absolu du patron dans l'atelier,
première phase des entreprises industr'ielles;
nous voyons ensuite succéder une sorte de gou­
vernement' constitutionnel, deuxième phase,
dans laquelle Je patron sent la nécessité d'asso­
cier ses ouvriers à la direction de son entre­
prise et à la participation aux bénéfices.
Or, il s'opère maintenant une transition qui
nous fait prévoir que l'association coopérative
se substituera sans doute à ce gouvernement
constitutionnel. Ce sera la troisième phase de
l'évolution industrielle, c'est-à-dire, le gouver­
nement des entreprises par les travailleurs eux­
mêmes.
A côté de cette transformation dans le mode
de production de la valeur marchandise, il s'en
opère une parallèle dans l'exploitation de la
valeur des capitaux: ceux-ci doivent cesser de
fl'uctifier par des placements ~suraires et dans
des jeux de bourse. Mais aussi longtemps que
l'association fraternelle entre le travail et le
capital paraîtra impraticable à cause de la cor­
ruption des mœurs ou de l'égoïsme des pauvres
comme des riches, les fortunes les plus solide­
ment assises diminueront et rendront la vie des
uns et d-es autres de plus en plus difficile. Un
appauvrissement général mais transitoire ré­
sultera de l'accroissement progressif des char­
ges publiques, d'une diminution constante de
l'intérêt de l'argent, ainsi que de la ruine de la
petite, par la grande industrie.
On peut donc prévoir que l'évolution des so­
ciétés humaines, pour aboutir à la solution de
la question sociale, ,est appelée encore à passer
par des épreuves et des misères assez profondes;
~56 LA QUÈSTION SOCIALE

ces épreuves feront naître un sentiment d'indi­


1 gnation chez la plupart des hommes contre les
l mœurs iniques et ,routinières du passé pour l'ac­
quisition de la valeur.
Cette phase de la repentance sociale, sera
l'origine d'une grande soif de justice, d'un grand
désir de réformation des institutions politiques,
et ce sera aussi le point de départ d'un réveil
plus uni versel ~ u senti ment de la solidarité hu­
1 maine. Il en naîtra de vastes associations coopé­
ratives c3t corporatives, ou chacun mettra Ses
etfortset son dévouement pour la réalisation de
la fraternité hU_Il!aine dans la production de la
richesse.
La concentration des capitaux, combinée avec
.- l'association destrayailleurs, est un phénomène
économique qui caractérlse les temps nouveaux,
et les distingue des temps où l'écu restait isolé,
parce qu'il était réduit à l'inertie, de même que
l'homme solitaire.
On peut en conclure, avec apparence de vé­
rité, que le temps 'des héros individuels de la
puis§ance et de la ricl~essc3;-en. même temps que
de l'oppre~sion des forts sur les faible1ol, va pas­
ser, et ne plus rester qu'à 1'étatde souvenir. C'est
une race bien autrement grande qui va naître de
puissante::! corporations, véritables géants, qui
vont çonquérir le monde, à mesure que la lumi~re
se fera sur les vrais principes de l'Evangile 130­
ciaLCes hommes nouveaux feront connaître les
profgndeurs dELl'amour humain par une incar­
nation sociale et en même temps scientifique
de la fraternité humaine. C'est alors quë tous
entonneront le chant de triomphe et de bonheur
qui a servi de thème de développement à ce
chapitre: " 0 qu'il est bon et qu'il est agréable,
frères, d'habiter ensemble".
l<'IN
INDEX

DES PASSAGES DE LA BIBLE cités dans cet ouvrage;


les numéros correspondants de l'Evangilé so­
cial sont indiqués à la suite.

Genèse
,. 14 239 et 8.,
2oH-244
1 ,. 192 et 8. VII
,. 2 245
7 198 6,7 2-19
JO
26 192 et li.
,. ll-t3 250
" 27 209 " 19 234
"
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11 27

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19,15,27,30 240
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Deutéronome LXVI
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Jéremie
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23 197

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XXXIV :',7 240 "

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Josuè 10-13 276

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XXXI
33 98

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Juges 15,16 142

Xl1l 6,9,10 41 "


XLIX 31 215

J. Samuel É':;échiel
111 1 300
XV
8 21ô

IX 9 300
XVIII
20 21)8

XV 70
XXVII
6 223

"22 271 XXXI

" 237

" XXXII
7-9 276

II. Samuel
DanIel
17,18 240

11
31-33 168

II. Roi$ 34,35 112

li Psaumes " 35 168,305

" 36-43 172

10472 "li
IV ., Hl
44,45 introd. V,

158,li4
in INDEX

III 36 et 8. 171 X 18 225


IV 16 tH « 19 152
VII lt liO XI 29 267
lt 9 123 XII 1-9 144
lt i3,14 introd. V., « 32,39 143,232
158 « 34,35 67
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26 233 « 48-59 145
5 123 XIII 11 293
7 300 « 33 165,232
XIV 30 89
Osée XV 1·19 150
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Joél « 18 142
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l-tO 276 XVlI 2 la7
Amos « 6 137
« 7 137
V 3 115 XVlll 3 132
Jonas « 16 67 et 8
« 18-20 7d
11 lt 297 « 20 67,160
Michée XIX 131 152
V 6 li5 XXI 5 293
« 21 29i
Zacharie « 22 178
1 8,11 41 « 28 ~72
VIII 23 ' 126 « 33 267
XIV 3,4 142 XXII 21 284
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lt 6 234 « 25,26 150
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Matthieu XXIV 185
« 3 Introd. VI
III 6 289 « 28 182
lt 7 302 « 29,30 35
11 121 30 lotrod. VI,
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«
137,152
lt 6 Id3 XXIV 37 233
lt 17 131 et B., 142 XXVI 25 139
lt 27-30 147,142 « 39 154
VI 78 151 et B. XXXI 28 272
lt 9,10 1 et B., 145
9-13 158 et B. Marc
"" 20 148 III 33-35 145
lt 33 99 V 9 237
lt 34 163 VI 2 144
VII 13,14 305 X 131
VIIl 13 89,31'5 « 8 127 et B.
IX 13 271 XII 10 142,159,299
22 89 29-31 138
" "
INDEX IV

Luc e 31 180,27
4 189 e 31,32 230,263
e 67 i89 e 45 159
Il 21 189 XIV 1 66,73 et 8.
m 21 152, e
e
9
12
51 et 8.142
143
IV 16,21,32 144
VI 6 144 e 13 1'3,275,299
VI1l 21 145 e 15 145 et s.
'IX 28-30 ]52 XV 1 255
e 29,36 153,154 e 4.5 273
X 1 . 158 e 13 .274,294 et
e 18 180 231,279 s.299
e 26,27,28 Li et s. XVI
XVll
7 182
99
e 27 143
e 28 139 XVlll 3,6 279 et B.
Xl 1 158et 8. XX 5,7 24.0
XII 6 112 e 16 41
e 14,15 284 e 19,20 ]56,296
e 52 112 e 21,22 186 et 1.
Xlii JO 144. e 29
89,177 et 8.
XVll 21 5~ et 8. 74,
XXI 'n 109
169,197,214. Apocalypse
XX 24-34 131
XXIV 4 41 Il 7 211,232
e 39 1r6,296 III 5 98
Jean e 10 257
e 18 256
1,3 31 et s' e 20 135,243
e 9 IDtrod. VI. IV 3 124
e 13 186 V 6 146
e 14 166 VU 9-15 41
e 18 189 XI 8 146
III 4 150 e 19 24.0
e 7 21 et e. XII 1 30':>
e 14 229 e 6 304
e 39 189 e 8 146
IV ;jt 163 e 10 256
38 Introd. IV. e 14 303,304
"
V 22 159 XI1l 170
VI 35 154,lô3 e 1-17 118
e 41 154 e 8 146
e 54 154 e 18 108 et s. 118
VU 17 165 XVll 5 267,277,293
Vill 32 58 e l' 161,265
e 56,58 276 XVlI·XXl 184
IX 41 149 XVIII 5 237
X 1-10 148 e 9,21 267
e 1.9 299 XIX 16 1ô1,200
e 30 1:9 XXI 1-2 145
e 38 52 e 9,10 14~
XII 20 263 e 12 158
e 24 Introd. IV. XXII 1 213
e 28 143 « 2 211
V INDEX

XII ~ 99 et s, 231
XXII 9 41
c 21 211 11 CorinOI.
AcUs XII 2 74
Xli 13-16 42
Galates
RomGins
11 14,16 134
111 28 Ul4
1 Corinth Jacques
11 14,15 282 1 13,14 165

~
TABLE DES MA.TIERES

Avant-Propos.
Introduction.
CHAPI'l'RE 10 Le Regne de DIeu comme danale
Ciel aussi sur la Terre •• de 1 à i2
II. La Pratique des enseignements
religieux o' . 13- 20
111. La loi du progrès . 2i- 30
IV. La 'Parolè- révélée 0 .. , .. 0 0 •• 31- 40
v. L'âme vivante et immortelle •••• 41- 50
VI. La Trinité. 0 ••••••••••••••••••• 51- 56
V,I. La Liberté........ 0" ........ ' " • 58- 66
vu/'. L'Autorité.••...• 0 • • • • • • • • • • "4 67- 72
IX. Les demeures daDsles Cieux ••.• 13- 82
x. Le sentiment du beau . 83- 91
XI. L'Homme ..•... o •• 0 ••• 00 ••• 0. 92- 98
XII. Le grand monde ••••...••.... 99-107
,uu. Le langage des nombres .•..... 108-118 ___
XIV. Le langage des couÎëurs •.... 0. il9-126
xv. La loi du mariage.•..•........
127-133
XVI. Le Décalogue. 0: . . . . 0 ....... 0.
134-140
XVII. Les f<.lces de Jéhovah et la Table
de Dieu •••.•.•••....•.•..• 1H-144
XVJ1I. L'Amour du prochain et la Table
de l'Homme.•.. o • • • • • • • • • • • • 145-150
XIX. La Prière••••••• '.' 0 ••••••••••• 151-157
xx. L'Oraison Dominicale•..••••. 0 • 158-167
xXI. Lli statue de Nabuchodnetzar .•• 168-176
XXlI. De la Mort, du Jugement dernier
et de la Résurrection ...• o ••• 177-185
XXIII. De l'Ellprit~Saint ••••.••••..••• 186-191
XXIV. Les Préadamites .•. 0 • o •••••••• 192-203
:uv. Le Jardin de la Sagesse•.••••.• 204-24f
TABLE DES MATlÈaE:S

XJ.YI. Le déclin d'un beau Jour . 215-224


XXVIJ. La 'chute de l'homme et la Ré­
demption•.•.••.•...••.....• 225-232
XXVIU. Le Déluge ....•............... 2;~3-238
XXiX. L'Arche de Noé.••........•.... 239-245
xxx. Le Signe de l'Alliance entre Dieu
et l'Homme .........•......• 246-254
XXXi, L'Ivresse de Noé . 255-260
xun. La Tour de Babel. ••..•..•....• 26t-269
XXXIII. Les Hebreux et le Culte des Sa­
crifices......••.•.•.••.•.•...• 270-278
XXXiV. L'Eglise Chrétienne et ·le Royau­
me du Seigneur ....•••...... 279-~87
xxxv. L'Eglise chrétienne et les mlrll.cles 288-293
:UVI. La Bible écrite et la Bible de la
nature . 294-~99
XXXVII. L'Eglise de l'Avenit' . 300-305
XXXVlll. La Question sociale .•...... ' . 360-310
AU DÉPOT 0
~
Dl: LA

NOUVruLLE ~TÉn
12, RUE THOmN, PARIS

ŒUVRES
TRADUITES

PAil M. l.b: BO\';l'DES GUA Y:::

NOTAMMENT:

La IIraie "eUgion ch"ètiellYle, contenant toUte la tht!u'


Jogie de la Nouvelle Église.- 1878, 2 vol. in..s•...•, .
])t; la HQur'elle Jéru$alem e~ de sa doctrine Cèle,",
18S4. 3e éd. 1 vol. in.,8 ; , .
Du Ciel et de sex nlervtlille4 ~t dt l'Hltfer., lK7~.
28 lId. 1 vol. in~8................. . .
Apocalypse'·évd1Je. 1856, 3vo!. in-I1 ~· .. .'.:
Les quatre doctt'ifl18 de la Nouvelle Jérusalem lur
l'Ecriture sainte, sur 'Ill Foi, SUI' le Seigneur, lur la'
Vic. t vol. in-12 .
Chaque doctrine sé(ll1rément •• , .. : ••. ,' .•..•...•..•

RIClIeR. La religIon du bon ,e III. 18l$q,. 1 vol: in-a.


UIOIIKlI. el LB Boys DES GUAn. Mélanges. 4 vol.
in·I2 1861-65 ~ ' .
GlUS (Le Rév. Chauncy). De.I'E$pr.U el de l'hofll1rye
comme être ,pil'ituel. Trad. ·de l'an!!l. par M .
186fi. in·lll. .
Hl·II"AXIl. La Nouvelle JJr/lsa1I!M( .1'aprèlio les ensei.
gnements d'l':. Swcdell.t>org. Ses progrès dans le
monde., ses principes de' droit divin ct leU'rs appliCQ>-
tions sociales. Paris i&Sg, 1 vol. in·IlL ..... _.....
~LlS8AV", DOllte et RévJlaiion, d'après j'anglais de
Jean Fo1liS, 189° -•..... : 'l fr.

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