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Les représentations culturelles d’étudiants étrangers

par José LUIS ATIENZA MERINO

| Klincksieck | revue de didactologie des langues-cultures et de lexiculturologie

2006/4 - n° 144
ISSN 0071- 190X | ISBN 9782252035498 | pages 465 à 483

Pour citer cet article :


— Luis ATIENZA MERINO J., Les représentations culturelles d’étudiants étrangers, revue de didactologie des langues-
cultures et de lexiculturologie 2006/4, n° 144, p. 465-483.

Distribution électronique Cairn pour Klincksieck.


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LES REPRÉSENTATIONS CULTURELLES
D’ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

Résumé : Les attitudes à l’égard des langues et cultures étrangères (mais aussi
envers toute autre réalité) dépendent largement des représentations qu’on en a.
Étudier ces représentations, les identifier, les interpréter, essayer de compren-
dre la manière dont elles se construisent est donc important pour mieux appré-
hender les attitudes. L’objectif de ce texte est de rendre compte des résultats
d’une recherche concernant les représentations culturelles d’étudiants étran-
gers d’une université espagnole. Après avoir précisé le cadre théorique de la
recherche, nous résumons une partie des résultats des travaux en trois chapi-
tres : le premier aborde les informations obtenues du premier des instruments
de collecte de données, un questionnaire ouvert ; le second, celles de l’une des
huit catégories analysées à partir de deux autres instruments : des entretiens
et des journaux croisés ; le troisième, présente un aperçu du travail d’intros-
pection individuelle que l’équipe de chercheurs réalisa avant de conclure ses
travaux pour essayer de comprendre dans quelle mesure ses représentations
culturelles sur la réalité espagnole et celle des pays étrangers des informateurs
avaient évolué au cours de la durée de la recherche.

Les attitudes à l’égard des objets (matériels ou spirituels) du monde sont


directement débitrices des représentations qu’on a de ces réalités (à moins
que ce ne soit pas le contraire, si les attitudes se fondent dans l’inconscient
des personnes, mais nous n’aborderons pas le sujet de ce point de vue cette
fois-ci). Comprendre les premières exige donc qu’on essaie d’appréhender
par la connaissance les secondes. C’est pourquoi, nous croyons utile, dans le
cadre de ce numéro des ÉLA qui se penche sur les attitudes à l’égard des
langues, de rendre compte d’une recherche sur les représentations linguisti-
ques et culturelles d’étudiants étrangers de l’université d’Oviedo (Espagne).
Réalisée entre octobre 2001 et juin 2004, le long rapport final a fait l’objet
d’une publication (Atienza, 2005 1) dont nous présenterons ici quelques-uns
de ses éléments.

1. L’équipe de chercheurs, tous professeurs de langue étrangère ou de didactique des langues,


était constituée aussi par Margarita Blanco Hölscher (allemand), Bernardo Pérez Fáñez (italien),
Isabel Iglesias Casal (espagnol langue étrangère), Gloria López Téllez (didactique de l’anglais),
Miguel Ángel López Vázquez (français) et Juan Angel Martínez García (français).

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1. LE CADRE THÉORIQUE ET LES INSTRUMENTS

1. 1. Un paradigme de recherche constructiviste et biographique


C’est seulement à partir d’une position ontologique relativiste qu’on peut
avoir intérêt à s’intéresser aux représentations des sujets. En effet, si l’étude
de celles-ci – et de leur évolution chez les personnes – a un sens c’est parce
que l’on se place – contre les positivistes et les néopositivistes – dans cette
position qui considère que les connaissances, loin d’avoir d’existence en
dehors des sujets et des contextes, sont en bonne mesure le résultat de l’acti-
vité cognitive et affective des premiers dans le cadre des seconds, c’est-à-
dire, elles sont des constructions sociales et expérientielles singulières, des
essais renouvelés et changeants pour donner du sens et de la cohérence au
vécu. Les représentations culturelles et linguistiques sont donc relatives aux
sujets et aux contextes.
Il n’y a donc point de connaissance objective mais subjective et interac-
tive, c’est-à-dire, résultante de processus interactifs, c’est pourquoi ce sont
ces derniers qu’on doit chercher à saisir plutôt que les connaissances elles-
mêmes. Dans le cas concret de ce travail, les processus de construction des
représentations linguistiques et culturelles nous importent plus que les repré-
sentations concrètes, même si enquêter sur celles-ci, les repérer, montrer
dans quelle mesure elles varient d’un à un autre sujet ou d’un groupe d’une
communauté à celui d’une autre, est une tâche nécessaire et préalable à
l’identification et la description des processus eux-mêmes. De là la nécessité
de projeter et d’utiliser des instruments variés pour la récolte de données et
d’une pluralité de niveaux d’analyse de celles-ci.
Ces instruments et niveaux d’analyse sont au service d’une méthodologie
herméneutique et dialectique, c’est-à-dire, une méthodologie interprétative
fondée sur la comparaison et le contraste de constructions divergentes qui
rendent possible une reconstruction des processus sociaux en tant que syn-
thèse de ces divergences, y comprises celles des chercheurs eux-mêmes.
Tel que nous venons de le caractériser, dans ses aspects ontologique, épis-
témologique et méthodologique, le paradigme de recherche dans lequel s’ins-
crit notre étude prend habituellement le nom de constructiviste, pour le dis-
tinguer aussi bien du paradigme positiviste ou néopositiviste que du critique
ou sociocritique (Rincón et autres, 1995 ; Bolivar, Domingo et Fernández
2001). Dans le domaine méthodologique, que nous avons intérêt à souligner,
l’objectif du constructivisme est d’arriver à comprendre la manière dont les
sujets éprouvent les significations intersubjectives – de sa propre culture ou
d’une autre – et comment ils s’arrangent pour les interpréter et les recons-
truire. Partant du principe de l’activité du sujet, l’objectif à terme des cher-
cheurs est de se rapprocher le plus possible des processus internes des sujets
pour les comprendre de l’intérieur.
Mais notre travail peut aussi être considéré un exemple, un peu particulier,
il est vrai, de recherche ethnographique et plus précisément biographique et
narrative. De manière encore plus fine, nous pouvons dire que nous avons

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utilisé l’une des démarches de cette modalité de recherche : les récits de vie
croisés (Bolivar, Domingo et Fernández, 2001). En effet, l’essentiel de notre
travail a consisté à croiser des récits de vie, en utilisant des procédés pluriels.
Il s’agit, c’est vrai, de récits de vie partiels et sur une réalité très précise, les
représentations culturelles et leurs modalités de construction, mais des récits
de vie en fin de compte, y compris en ce qui concerne l’instrument le plus
éloigné en apparence du récit, le questionnaire. Une analyse des questions
posées et des réponses données permet en effet de percevoir que chaque infor-
mateur réalise un récit télégraphique et entrecoupé d’aspects de sa biographie
se référant à la manière dont il conçoit certains aspects de son pays d’origine et
du pays d’accueil, leurs langues respectives, leurs personnalités les plus repré-
sentatives, etc. La somme des réponses – surtout si l’on tient compte du texte
complet de celles-ci et non seulement du terme seul résultant de leur réduction
à des catégories – dessine un profil humain propre à chaque informateur. Mais
ce caractère biographique devient beaucoup plus évident dans le cas des deux
autres instruments utilisés, les entretiens et, surtout, les journaux croisés.

1. 2. Instruments de recueil des données et public informateur


Comme nous l’avons fait entendre à plusieurs reprises, nous avons utilisé
trois instruments pour la collecte des informations :
– Un questionnaire ouvert à large spectre organisé en deux parties : la première
comprenait 17 questions et l’objectif était de dessiner un profil de l’informa-
teur (origine nationale, âge, sexe, langue maternelle, formation académique,
niveau de langue espagnole et, le cas échéant, des autres langues parlées,
séjours préalables en Espagne, voyages dans d’autres pays) ; la deuxième,
composée de 20 questions, visait à connaître les représentations culturelles
des informateurs concernant leurs pays d’origine et l’Espagne. Les réponses
aux questionnaires ont été obtenues en octobre 2001 pendant l’une des séan-
ces, d’une heure de durée, des cours d’espagnol que l’université d’Oviedo
organise chaque année à l’adresse de ses étudiants d’origine étrangère. Ceux-
ci avaient le choix de lire le questionnaire et d’y répondre en l’une de ces cinq
langues : espagnol, italien, français, anglais et allemand.
– Des entretiens semi-directifs maintenus avec sept informateurs, choisis
parmi ceux dont les réponses au questionnaire avaient été, de l’avis des
chercheurs, les plus riches et qui, par cela, laissaient espérer la même
richesse dans les entretiens. Ce critère se croisait avec un autre : il fallait
assurer l’éventail de nationalités le plus large possible.
– Des journaux croisés élaborés par sept couples constitués par un étudiant
(choisi dans chaque cas selon les mêmes critères ci-dessus indiqués pour
les entretiens) et un chercheur 2.
Le questionnaire a été répondu par 168 étudiants dont voici la distribution
par nationalités : 45 Nord-Américains, 36 Allemands, 27 Italiens, 18 Anglais,

2. Pour le traitement quantitatif des données de l’enquête nous avons utilisé le programme
d’analyse SPSS ; pour faciliter l’analyse qualitative des informations obtenues des entretiens et des
journaux croisés nous avons fait appel au programme Atlas-ti.

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12 Français, 8 Irlandais, 6 Chinois, 2 Belges, 2 Grecques, 2 Roumains, 2 Por-
tugais et 1 de chacune de ces origines : Brésilienne, Danoise, Estonienne,
Japonaise, Polonaise, Suédoise, Suisse et Ukrainienne. Nous n’avons cher-
ché, on le voit, à satisfaire représentativité aucune ou à respecter un quelcon-
que équilibre entre les différentes nationalités. Notre seule préoccupation a
été de toucher le plus grand nombre d’étudiants et la plus grande diversité de
nationalités. C’est la richesse et non la représentativité des témoignages qui
nous intéressait autant que de découvrir des lignes de force identifiables.
Dans les entretiens, ont participé un suédois, une Française, un Anglais,
une Irlandaise, une Roumaine et une Allemande ; et dans les journaux croi-
sés, un Irlandais, une Anglaise, une Suisse, une Roumaine, une Allemande et
un Italien. Le point de départ du travail avec ces deux instruments a été le
même : les réponses aux questionnaires des étudiants concernés dans chaque
cas. Il s’agissait de leur faire préciser, approfondir, nuancer, justifier, mettre
en contexte, etc. les informations qu’ils y avaient données. Si pour le cas des
entretiens la manière de faire peut très bien être imaginée, il nous semble
nécessaire de proposer quelques précisions au sujet des journaux croisés.
L’utilisation de cet instrument constitue l’un des aspects les plus originaux
de notre recherche. On espérait par son intermédiaire – et les résultats obte-
nus montrent le bien fondé de cet espoir – rendre compte des conceptions des
informateurs sur les modalités de construction des représentations et des
microprocessus ayant lieu dans l’évolution de celles-ci tout le long de la
durée de la recherche. S’il est vrai que le journal est un instrument habituel-
lement utilisé dans le domaine de la recherche qualitative (voir, par exemple,
les journaux ou carnets de bord des anthropologues ou des professeurs),
l’utilisation que nous en avons faite est nouvelle. Nous avons conçu ces jour-
naux comme instrument de dialogue entre deux processus de réflexion croi-
sés : ceux constitués par les réflexions de l’étudiant et celles du chercheur de
chacun des sept couples. Notre hypothèse, largement confirmée, était que,
dans le journal, les étudiants-informateurs et les professeurs-chercheurs 3 non
seulement rendraient compte de leurs expériences, croyances, attitudes et
pensées concernant leur propre culture et celle de leur interlocuteur mais ils
seraient aussi amenés à les réajuster, les enrichir, les relativiser, les transfor-
mer, etc., ainsi qu’à prendre conscience, grâce au dialogue spéculaire avec
l’autre, du caractère de construction culturelle de ces représentations et,
donc, de leurs évolutions possibles, et des modalités d’une telle construction
et évolution. Et ceci parce que chacun des deux auteurs de chacun des sept
journaux a eu l’opportunité de demander à l’autre de préciser, commenter,

3. Mais nous avons montré que l’un des objectifs de cet instrument est aussi de brouiller les
rôles : étudiants et professeurs deviennent en même temps des informateurs et des chercheurs. En
effet, le journal instaure un dialogue entre égaux. Le professeur prend l’initiative de rédiger les
premières pages (sans limitation quantitative ni thématique), en réaction aux réponses données par
l’étudiant au questionnaire. À partir de ce moment il se sent engagé, autant que l’étudiant, dans le
jeu des échanges (une fois par mois de part et d’autre pendant quatre mois) de représentations qu’il
vient d’instaurer. L’étudiant, à son tour, est autorisé à prendre les initiatives qu’il considère néces-
saires afin de connaître et comprendre en profondeur les représentations du professeur ou les faits
culturels observés depuis son arrivé dans la région.

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développer ou avancer des exemples d’aspects qui auraient pu rester obscurs
ou imprécis où à propos desquels il aurait souhaité avoir des informations
complémentaires et, en ce faisant, il a aussi eu l’opportunité de mettre en
cause ses représentations préalables.

2. QUELQUES RÉSULTATS

Nous ne pouvons ici que proposer un survol d’une partie des résultats de
la recherche en forme de conclusions générales, illustrées quand il le faudra,
par des exemples.

2. 1. Le questionnaire
a) Les résultats du questionnaire ne sont pas, sauf des exceptions signifi-
catives, pour surprendre. En général, ils confirment ce que des connaisseurs
du milieu d’origine des informateurs auraient pu attendre.
b) Il y a, pourtant, beaucoup d’informations nouvelles, étant donné le large
éventail de pays représentés et la connaissance très limitée que l’équipe de
chercheurs avait de ceux-ci. La leçon la plus évidente est que notre vision du
monde environnant est très ethnocentrique et étroite et qu’elle ne s’entrouvre
qu’à la culture des pays les plus légitimés et légitimateurs, tels que les États-
Unis, et les nations européens les plus puissantes. Les chercheurs se sont
rendus compte qu’ils ne connaissaient rien des cultures roumaine, irlandaise,
polonaise, danoise, suédoise, etc.
c) L’analyse des représentations qu’ont les sujets étrangers de leurs pays
respectifs permet d’établir ce constat : un parallélisme existe entre ces repré-
sentations et la manière dont ces nations se sont historiquement construites,
créant au passage leurs mythes, valeurs et principes. L’on pourrait énoncer
l’hypothèse suivante : les représentations que les sujets d’une communauté
nationale donnée ont aujourd’hui de leur pays, ne sont pas seulement les
traces des événements historiques qui ont marqué ces nations mais elles sont
aussi un bon instrument pour les donner à connaître aux étrangers, dans la
mesure où ces représentations permettent de remonter cette histoire. Et cela
pas seulement en ce qui concerne les événements eux-mêmes (les gestes, les
personnages, les produits architecturaux, artistiques, juridiques, etc.), mais
aussi la manière dont ces événements se sont intégrés dans l’imaginaire col-
lectif, les mécanismes cognitifs et affectifs qui font que ces phénomènes
construisent des liens entre les sujets et les font solidairement responsables
d’en témoigner et de les transmettre aux générations futures.
Prenons deux exemples : d’abord celui des questions 4 7 et 8, après celui
des questions 9 et 10, concernant respectivement les monuments et les per-
sonnalités les plus représentatifs de chaque pays et de l’Espagne.

4. Voici les énoncés des vingt questions : 1 et 2 : Quels sont les 5 problèmes les plus graves de
votre pays/de l’Espagne ? ; 3 et 4 : Signalez 5 caractéristiques de la manière d’être de vos conci-
toyens/des Espagnols, tel que vous le voyez ; 5 et 6 : Signalez 5 réalités, objets, aspects (matériels

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EEUU Allemagne Italie

Stat. Liberté (68 %) P. Branderbourg. (52 %) Colisée (70 %)


Mais. Blanche (55 %) Cathé. Cologne (30 %) Tour de Pisa (63 %)
Golden Gate (31 %) Reichstag (28 %) Duomo Milan (59 %)
M. Rushmore (24 %) Neuschwanstein (25 %) Ba. Saint Pierre (26 %)
Pentagone (20 %) Mur de Berlin (14 %) Saint Marc (26 %)

Royaume-Uni France Espagne

Buckingham (100 %) Tour Eiffel (91 %) Alhambra (34 %)


Big Ben (94 %) Arc Triomphe (75 %) S. Famille (31 %)
Parlament (78 %) Versailles (58 %) Le Prado (22 %)
Cath. Saint Paul (28 %) Notre-Dame (41 %) Guggenheim (15 %)
Tower Bridge (28 %) Louvre (25 %) C.S.Jacques (12 %)

7-8 : Monuments les plus représentatifs


Le nombre total de monuments architectoniques ou naturels cités, l’Espa-
gne exceptée, a été de 260. Ils constituent sans doute une partie importante
du patrimoine culturel de l’humanité, vu qu’ils ont été choisis par des sujets
de 19 pays pour représenter ces derniers. La lecture du tableau ci-dessus, qui
réunit les cinq premiers résultats pour les cinq pays ayant le nombre d’étu-
diants le plus important dans notre échantillon, permet de proposer certaines
conclusions :
i. En général, l’on préfère les monuments civils aux religieux, les deux
extrêmes de cette préférence étant les USA – qui ne comprend aucun des
derniers – et l’Italie – qui inverse la donne : quatre sur cinq sont reli-
gieux.
ii. On repère trois manières de se référer aux monuments représentatifs : l’un,
plus centralisé – où tous les monuments cités se concentrent dans la capi-
tale de la nation –, correspond au Royaume-Uni et à la France, pays pion-
niers dans la construction d’une démocratie fortement organisée autour
d’un centre de décision, même si le premier a été capable de concilier cela
avec la valorisation des nationalités qui l’intègrent ; un autre, plus dis-
persé, qui correspondrait aux EE.UU, dont la cohésion forte se fonde sur
une reconnaissance des différences qui ont été à l’origine du pays et sur le

ou no) que vous estimez représentatifs de votre culture/de la culture espagnole ; 7 et 8 : Indiquez les
5 monuments les plus représentatifs de votre pays/de l’Espagne ; 9 et 10 : Indiquez le nom des 5
personnalités les plus représentatives de toute l’histoire de votre pays/de l’Espagne ? ; 11 et 12 :
Votre langue/la langue espagnole vous semble…… (indiquez trois caractéristiques) ; 13 et 14 :
Quand vous entendez le nom de votre pays/de l’Espagne quels sont les images, les mots, les idées
qui vous viennent à l’esprit ? ; 15 et 16 : Quelles sont les traditions les plus remarquables de votre
culture/de la culture espagnole ? ; 17 : La connaissance que vous avez acquise jusqu’à présent de la
langue et culture espagnoles a-t-elle eu une influence sur votre manière d’être, vos comportements,
votre vision du monde, etc. ? ; 18 : Pensez-vous que la manière d’être, le comportement, l’appa-
rence externe enfin des Espagnols sont différents de ceux de vos concitoyens ? ; 19 et 20 : Quels
aspects culturels de la vie espagnole croyez-vous qui peuvent faciliter/perturber votre intégration ?
Pourquoi le pensez-vous ?

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poids fort des symboles du pouvoir politique et militaire ainsi que des
valeurs de la liberté et la tradition récente ; le troisième, plus dispersé, qui
correspond à l’Italie, pays qui est le résultat d’une agrégation de pouvoirs
régionaux relativement récente et dont les ressortissants semblent ne pas
pouvoir rencontrer un symbole civil les réunissant que dans le passé loin-
tain : le Colisée. L’Allemagne serait un cas particulier, marquée comme
elle l’est par des événements plus au moins contemporains : le fascisme,
la deuxième guerre mondiale et ses conséquences et la réunification
récente se lisent dans les choix faits.
Voici maintenant quelques observations concernant la liste des monuments
espagnols :
i. Toutes les périodes et pratiquement tous les styles architecturaux sont ici
représentés : nous avons d’abord – avec l’Alhambra (et la Mosquée de
Cordoue qui vient peu après, en septième position) – une référence à la
culture arabo-andalouse ; vient ensuite la modernité imaginative, la
Sainte Famille (à laquelle il faut ajouter la sixième place occupée par le
Parque Güell et, plus loin, d’autres références aux travaux de Gaudí, tel-
les que « la Pedrera » ou les « immeubles Gaudí ») ; on cite après deux
des musées les plus importants de l’Espagne l’un classique, Le Prado,
l’autre futuriste, le Guggenheim, cité peut être en tant que contenant plus
que par rapport aux œuvres qu’il contient ; enfin, la dernière de la liste est
la Cathédrale de Saint Jacques qui rassemble les styles roman et baroque,
en même temps que, par les pèlerinages, l’histoire passée et présente de
l’Espagne et de l’Europe.
ii. Les choix faits soulignent la richesse architectonique de l’Espagne, que
les informateurs ont soin de remarquer à plusieurs reprises et de manières
diverses dans leurs réponses au questionnaire. Dans cette même ques-
tion, certains répondent par des généralisations telles que « les cathédra-
les », « les châteaux », « les grandes places des villes », etc.
iii. Les cinq monuments cités sont placés chacun dans des villes différentes,
lesquelles se situent dans les quatre coins de l’Espagne : Andalousie,
Catalogne, Pays Basque, Galice et Madrid. On ne peut que s’étonner de
constater que cette dispersion est un reflet parfait de la tendance espa-
gnole à la décentralisation et du poids chez nous des périphéries. Au
contraire de ce qui semble se passer dans les autres pays référenciés dans
le tableau ci-dessus, la capitale de l’Espagne manquerait, aux yeux des
étrangers, de monument où l’imaginaire collectif pourrait se satisfaire (le
premier monument de Madrid cité ne vient qu’en huitième place, si nous
excluons le Prado qui témoigne plutôt de notre richesse picturale).

EEUU Alemagne Italie

M. L. King (55 %) Goethe (27 %) Mussolini (37 %)


Washington (46 %) Schroeder (19 %) L. da Vinci (37 %)
M. Jordan (37 %) Kohl (13 %) Dante (33 %)
Bush (33 %) Steffi Graff (11 %) Jules César (29 %)
Kennedy (28 %) Schiller (11 %) Garibaldi (25)

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Royaume-Uni France Espagne

Tony Blair (72 %) Chirac (41 %) Franco (41 %)


Shakespeare (50 %) De Gaulle (41 %) Juan Carlos (29 %)
Beatles (33 %) Napoleon (33 %) Picasso (28 %)
Pri. Diana (33 %) Depardieu (25 %) Aznar (20 %)
Beckham (27 %) Coluche (25 %) Cervantes (18 %)

9-10 : Personnalités les plus représentatives


La liste de personnalités parle elle aussi de la personnalité des peuples.
Les étudiants venant des EEUU citent surtout des présidents, ces « pères de
la patrie » qui les ont guidés et soutenus dans de moments difficiles dont,
comme la plupart de leurs compatriotes, ils se sentent fiers : outre Washing-
ton, Kennedy et Bush, présents dans la liste, Lincoln occupe la sixième place,
et, un peu plus loin, viennent les noms de Jefferson et Roosevelt. La présence
de M.L. King en première position s’explique sans doute aussi par le rôle de
référence morale qu’il a joué. Aucun créateur dans la liste, pourtant, contre
ce qui se passe dans tous les autres cas. Pour ne parler que des français – mais
de choses semblables pourraient être dites des autres pays –, si, d’une part, la
position est semblable à la précédente (à côté de Chirac sont convoqués
Napoléon et De Gaulle qui ont représenté l’orgueil national en deux moments
bien différents, l’un d’expansion, l’autre de repli), de l’autre, ils marquent
aussi leur fierté par leur puissance créative et rebelle, que l’acteur Depardieu
et le corrosif Coluche représentent parfaitement. Les étudiants étrangers de
l’Université d’Oviedo font de l’Espagne aussi un pays d’hommes d’état et de
culture.
d) La double fonction des représentations que nous avons souligné ci-des-
sus (elles témoignent du passé et le transmettent et en même temps permet-
tent de le reconstruire) semble se vérifier quel que soit le nombre des sujets
interrogés (par exemple, 8 pour l’Irlande ou 45 pour les EEUU). Nous avan-
çons cela avec la plus grande prudence, mais les résultats semblent avaliser
cette hypothèse.
e) Cela ne veut pas dire qu’un seul système représentationnel existe pour
chaque pays. Notre recherche montre le contraire, mais il semble bien qu’un
système dominant s’impose. Or, à côté de celui-ci d’autres s’affirment mar-
ginalement mais non sans éclat. Ces modèles minoritaires ont des origines
différentes : ils peuvent se fonder sur l’appartenance de l’informateur à un
collectif idéologique, social, confessionnel, etc., ou sur des expériences sin-
gulières et plus ou moins exceptionnelles.
Ainsi ce jeune de 23 ans, originaire du Royaume-Uni, qui, après s’être
identifié comme écossais, propose seulement des personnalités de cette
nationalité dans sa réponse. Mais comme il sait bien qu’elles risquent d’être
méconnues par des étrangers il prend soin de préciser leur domaine profes-
sionnel : « Billy Connelly, musicien et acteur renommé ; James Hogg, littéra-
ture, C.R. Mackintosh, beaux arts ; David Hume, philosophie ; Adam Smith,
politique ». Ce même étudiant répondra à la question 13 (Quand vous enten-
dez ou lisez le nom de votre pays, quels sont les mots, images ou idées qui

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vous viennent à l’esprit ?) de cette manière : « Angleterre, car tant que nous
ne pouvons pas être écossais, notre identité se fonde sur ce que nous ne som-
mes pas ; Kilt (la jupe écossaise) ; Whisky ; Pubs ; Highlands and islands ».
Un exemple saisissant de la pluralité des représentations est offert par ce
petit éventail de réponses données par des étudiants nord-américains à cette
même question 13 :
– Diversité : le territoire, les gens, les croyances varient beaucoup.
– Manque d’histoire : nous sommes un très jeune pays. Nos croyances et nos cou-
tumes ne sont pas très enracinées et nous n’avons pas d’anciens monuments.
– Excès : les Américains travaillent jusqu’à la mort pour avoir assez d’argent pour
des choses artificielles et matérielles.
– Foyer : excursionnisme, la beauté des montagnes, des lacs… L’Amérique est
tellement belle et tellement intéressante à explorer !
– Opportunités : j’ai été éduquée en entendent toujours dire (et je le crois encore
aujourd’hui) que je peux faire quoi que ce soit et devenir ce que je souhaite être ;
tout ce que ma tête projette peut être réalisé, n’importe sa difficulté.

– Argent : c’est cela qui compte.


– Sang : huit millions de victimes depuis la deuxième guerre mondiale.
– Marketing : c’est ce que nous avons à la place de la culture.
– Apathie : depuis la guerre du Vietnam, les gens ne sont pas capables d’agir con-
tre ce qu’ils savent que ce n’est pas correct.
– Pitié : voir ci-dessus.

_ Pouvoir mondiale : il a une grande influence dans le reste du monde.


– Pouvoir économique : des gens de tous les coins du monde y collaborent pour
créer des technologies, des produits, des idées…
– Ignorant : il a peur de l’Islam, des autres cultures, au point de, parfois, interdire
d’autres langues.
– Foyer : grand, beau, familial, beaucoup de gens merveilleux.
– Liberté : l’idée de l’individualisme rend possible des élections personnelles et
libres.

– Le drapeau américain : Le symbole des USA.


– George Washington : « père » de notre pays.
– Liberté : c’est pour elle que nous luttons.
– Guerre/conflit : apparemment il y en a toujours une quelque part dans laquelle
les USA sont impliqués.
– Baseball : notre sport national

– Peur : 11 septembre.
– Fierté : 11 septembre.
– Force : 11 septembre.
– Unité : 11 septembre.
– Beau : 11 septembre.
Si ces extraits font peut-être un peu long, ils nous permettent d’illustrer
plusieurs choses : d’un côté, c’est pour cela que nous les avons amenés ici, la
diversité des représentations culturelles dont l’explication est à trouver dans
ces aspects idéologiques et expérientiels que nous avons ci-dessus soulignés ;
de l’autre, l’intérêt pour la différence, les marges, le singulier, le biographi-
que, etc., qui caractérise notre modèle de recherche ; en troisième lieu, le
détournement qualitatif d’un instrument en principe quantitatif, le question-
naire : d’une part, on voit dans ces exemples que les informateurs refusent

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parfois, avec raison, de se soumettre aux contraintes imposées par les cher-
cheurs ; d’autre part, l’on peut comprendre comment nous nous sommes
arrangés pour faire ressortir le singulier de la globalité, à savoir en notant,
comme nous l’avons déjà dit, tout ce qui ne pouvait pas être réduit à des
catégories dans les réponses données aux questionnaires, en valorisant ces
« déviations » et en leur aménageant un espace important dans notre rapport
final pour leur donner la parole et les interpréter (Atienza, 2005), tout cela au
prix d’un travail harassant pour les chercheurs ; enfin, les exemples ci-dessus
sont la preuve du fait que les réponses des informateurs constituent des véri-
tables récits de vie croisés, tel que nous l’avions dit en 1.1.
f) Les représentations que les informateurs ont sur l’Espagne sont soumises
aux mêmes règles que celles indiquées pour celles qu’ils ont de leurs propres
pays. Un accord majoritaire existe, indépendamment des nationalités d’ori-
gine, sur quelques-unes des représentations, lesquelles coïncident avec les
stéréotypes les plus connus sur notre pays, et qui ne manquent pas de vérité
parce que comme tout stéréotype, qui est quelque chose de différent du pré-
jugé, ces représentations n’ont pas comme seule origine des idées reçues,
mais elles se fondent sur des expériences réelles bien que limitées 5. Quand
nos informateurs répondent à la question 14 (Quand vous entendez ou lisez le
nom de l’Espagne, quels sont les mots, images ou idées qui vous viennent à
l’esprit ?) et pensent, dans l’ordre, aux taureaux, le soleil, les plages, la paella
et le flamenco, ils disent des vérités incontestables, les mêmes qu’on retrouve
dans d’autres enquêtes semblables 6. Mais, en même temps, toute une gamme
de réponses échappe à cette liste standardisée, offrant une vision riche, plu-
rielle et complexe de la réalité espagnole. Elles sont aussi vraies, le reflet d’un
autre regard orienté par l’origine nationale, sociale, idéologique, etc. ainsi que
par le parcours formatif ou par la connaissance plus ou moins profonde de
notre pays ou par d’autres éléments biographiques, regard différent, donc, où
des causes conscientes et inconscientes peuvent se conjuguer. Aussi, on pourra
lire dans la prolongation de la liste de cinq éléments ci-dessus, d’autres termes
tels que, guerre civile, histoire, des hommes et des femmes dansant avec des
vêtements très ajustés, émotivité, pauvreté, liberté sexuelle, terrorisme, régio-
nalisme, movida, asperges, Pays Basque, Madrid, Barcelone, Gaudí, hommes
à gosses moustaches… La reproduction complète de quelques-unes des répon-
ses précisera cette diversité de points de vue :
– Plaisir de vivre : les Espagnols apprécient beaucoup la vie de chaque jour avec
la famille et les amis.
– Stagnation : diminution de la population et difficulté pour trouver du travail.

5. C’est pourquoi nous avons combattu la mauvaise renommée des stéréotypes, dans la mesure
où nous les jugeons non seulement inévitables, mais aussi nécessaires (espace de passage vers une
plus grande complexité des représentations) et même utiles, dans la mesure où c’est grâce à cette
« richesse » apportée par les étudiants que l’on pourra mettre en place des activités pour les amener
à rendre ses représentations plus proches de la complexité de la réalité.
6. Voir, par exemple, Byram, Essarte-Sarries et Taylor (1991), Cain et Briane (1994), Atienza
(1996) et Oliveras (2000), ou, dans tous les cas, pratiquement les mêmes termes apparaissent en tête
de liste.

Livre 144.indb 474 2/03/07 9:42:28


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– Manque de motivation : les Espagnols aiment le plaisir à un point tel que pour
eux faire de l’argent manque d’importance.
– Cigarettes : On dirait que tout le monde fume ici. Quel est le pourcentage de
gens cancéreux ?
– Famille : familles fermées et unies ; les enfants sont élevés entourés de beau-
coup d’amour et sont sous la responsabilité de tous.

– Des gens en train de parler espagnol : j’entends la langue


– Des groupes des gens : je vois des groupes de cinq, dix personnes ou plus, qui se
promènent et se rencontrent.
– Taureaux : je ne peux rien pour eux. Les choses sont comme elles sont.
– Europe : l’Espagne fait partie d’un très large continent.
– Guerre Civile : misère et désolation, désespoir complet causé par l’Espagne à
elle-même, ce qui donna lieu à une génération qui connu et compris le sens du
mot « défaite ».

– Flamenco, musique, plages. L’industrie du tourisme est centrée dans l’Espagne


du sud.
– Vin/nourriture : les Espagnols se plaisent entre eux !
– Conquérants/cruels : la conquête des colonies.
– La mer : leur style de vie est dû à l’importance économique et culturelle de la
mer.
– Monuments, architectures incroyables : longue histoire d’une diversité de cultu-
res, bien entretenues, des châteaux, des aqueducs, des murailles, etc.
Des réponses pleines d’épaisseur et de vision en profondeur, qui ne nient
pas les stéréotypes les plus fréquents, et qui nous intéressent non seulement
par ce qu’elles disent de l’Espagne et des Espagnols mais aussi par ce qu’el-
les laissent entendre des rédacteurs de ces morceaux fugaces de biographie.
h) Les problèmes des sociétés développées semblent être partout les
mêmes : les réponses données aux deux premières questions et les résultats
de l’enquête contemporaine (décembre 2001) du CIS (Centre d’Investiga-
tions Sociologiques) pour l’Espagne le confirment :

Ensemble des pays étrangers Espagne Espagne selon le CIS

Chômage (49 %) Chômage (77 %) Terrorisme (71 %)


Racisme (26 %) Terrorisme/Séparatisme (41 %) Chômage (62 %)
Insécurité publique (21 %) Toxicomanie (14,9 %) Insécurité publique (16 %)
Toxicomanie (20 %) Insécurité publique (13 %) Toxicomanie (16 %)
Immigration (17 %) Immigration (11 %) Immigration (10 %)

Dans une autre recherche sur les représentations d’étudiants français et


espagnols des universités d’Oviedo et de Clermont-Ferrand (Atienza, 1996)
la liste était déjà proche de celle-ci. Pour les Espagnols, les problèmes les
plus graves de la France étaient, dans l’ordre, les essais nucléaires (1996 a
été l’année des derniers essais à Mururoa), le racisme, le terrorisme, le chô-
mage et la crise économique et ceux de l’Espagne, le chômage, le terrorisme,
la corruption, la confrontation politique, l’économie. L’échantillon français,
de son côté, avait considéré que les problèmes de l’Espagne étaient le chô-
mage, la pauvreté, le terrorisme, la toxicomanie et les différences sociales et
ceux de la France, la pauvreté, l’exclusion-SDF, le trou de la caisse de sécu-
rité sociale, l’intégration sociale et l’insécurité citoyenne.

Livre 144.indb 475 2/03/07 9:42:30


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i) Les représentations de nos informateurs concernant la langue maternelle
et la langue étrangère nous ont fortement étonnés. Ce n’est pas parce qu’ils
ont utilisé jusqu’à quatre-vingt-trois adjectifs différents pour la caractériser
(le chiffre est plus important dans les réponses aux autres questions), mais
parce que 42 % parmi eux disent de leur langue maternelle qu’elle est diffi-
cile, ce terme venant largement en tête de la liste de réponses (dans laquelle
on trouve aussi, mais à distance, laide et ennuyeuse). L’antonyme, facile,
n’est utilisé que par 10 % des étudiants. Comment interpréter cela ? S’agit-il
de donner de la valeur à sa propre langue face aux autres dans un pays étran-
ger ? Ou, plutôt, c’est l’expression d’une difficulté réelle ou, pour le moins,
vécue comme telle, concernant certaines des compétences linguistiques,
l’expression écrite, par exemple, et, plus précisément l’orthographe ? Ou ce
n’est qu’une manière qu’à le sujet de dire une difficile relation avec sa propre
langue, laquelle difficulté ne seraient que le symptôme d’un problème d’ori-
gine, c’est-à-dire, un problème lié aux effets de la manière dont la langue et,
avec elle, l’ensemble de l’ordre symbolique et culturel, lui a été donné dans
son enfance ? Nous n’écartons pas cette dernière possibilité, renforcée par
l’acceptation de la langue espagnole, que 37 % considèrent mélodieuse et
19 % facile. D’où vient cette difficulté de la langue maternelle et cette faci-
lité d’une langue étrangère ? Sans laisser de côté d’autres cadres interpréta-
tifs possibles, nous croyons que la psychanalyse pourrait apporter des éclai-
rages intéressants. Mais au lieu d’approfondir ici cette voie nous préférons
renvoyer le lecteur à certains de nos travaux (Atienza, 2003a, 2003b, Atienza
et G. Riaño, 2004, Pascual et autres, 2003).

2. 2. Les entretiens et les journaux croisés


Les données offertes par ces deux instruments ont été traitées ensemble.
Pour faciliter l’analyse, les informations ont été organisées autour de huit
catégories et soixante-sept sous-catégories. Nous ne citerons ici que les pre-
mières : Des aspects concernant la manière d’être et les attitudes à l’égard
de la vie ; des aspects sociaux, économiques, politiques et culturels ; des
aspects idéologiques et historiques ; des aspects éducatifs ; des aspects lan-
gagiers et psychoaffectifs ; des aspects physiques du pays et de leurs habi-
tants ; évolution personnelle ; modalités de construction des représenta-
tions.
N’ayant pas ici la place pour présenter les résumés des résultats de cha-
cune de ces catégories, nous nous contenterons de le faire par rapport à la
dernière de celles-ci, les modalités de construction des représentations, car
elle nous semble apporter les informations le plus significatives de cette par-
tie de notre recherche, et qu’elle est à mettre en rapport avec un des chapitres
les plus importants des pages que nous avons dédiées au cadre théorique. Il
ne s’agit pas pour nous de montrer comment les représentations se construi-
sent mais de rendre compte de ce que nous avons entendu dans les discours
de nos informateurs à ce sujet.
a) L’attitude de chaque sujet à l’égard de ce qui est différent, selon
qu’elle soit plus ouverte ou fermée, plus ou moins tolérante, semble être un

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élément déterminant dans la construction des représentations que les partici-
pants 7 ont des autres langues, cultures, personnes. Or, cette attitude n’est pas
facilement influençable, parce qu’elle serait une composante constituante de
la personnalité profonde des personnes : les plus ouverts seraient ceux qui ne
trouvent pas satisfaction à tous leurs besoins dans leur propre milieu culturel,
s’il faut écouter ce qu’un de nos informateurs affirme. Mais cette « manière
d’être » pourrait aussi être l’effet d’un apprentissage dans le cadre de la
culture nationale, locale ou familiale des sujets, comme cela a aussi été
signalé. On introduit par là un élément de rationalité qui ouvre la porte à une
mise en relation des attitudes avec des aspects cognitifs – qui produisent de
généralisations qui orientent nos attitudes (« pour pouvoir comprendre le
monde, nous créons des catégories dans lesquelles nous introduisons les
choses, parce qu’il est ainsi plus facile d’aborder ce monde qui est tellement
grand », écrit un des étudiants) – et même géopolitiques – les ressortissants
d’un petit pays peuvent être ouverts parce que la taille réduite de celui-ci et
le nombre peu important de ses habitants leur font conscients du fait qu’ils
ont besoin des autres (« nous ne sommes que neuf millions d’habitants…
alors nous devons prendre en compte les autres pays »).
b) Les expériences de formation sont naturellement l’une des sources de
construction de représentations les plus importantes. Plusieurs étudiants le
soulignent. Cette formation est parfois une simple information (« J’ai entendu
beaucoup de gens parler » de ceci ou de cela). Et comme l’information-for-
mation dépend en grande partie de l’origine nationale des personnes, cette
origine détermine la construction des représentations (« Je crois que les
différences dépendent de la manière dont nous sommes élevés, le milieu
ambiant, les mœurs et la manière de penser de chaque pays »). Naturelle-
ment, le poids de la formation institutionnalisée est sinon supérieure au
moins plus repérable, c’est sans doute la raison pour laquelle nos informa-
teurs se réfèrent à leurs études comme étant à l’origine de leurs représenta-
tions culturelles sur leur propre pays mais surtout sur l’Espagne : « ce sont
les choses que nous apprenons à l’école » ; « la plus grande partie de ce que
je connais de la culture espagnole vient de l’université » ; « Oui, oui, je le
dois aux cours de langue ».
c) Naturellement, la littérature et le cinéma sont deux importantes sour-
ces de représentations sur la culture de l’autre. Mais là aussi, cela se déduit
de ce que nos informateurs disent non point par la fréquence mais par la force
avec laquelle ils l’affirment. Le poids du cinéma est important surtout en ce
qui concerne les représentations à l’égard des EEUU, au point que quand
l’un des chercheurs, comme résultat des échanges croisés avec une étudiante
nord-américaine, en prend conscience il renonce à exprimer ses représenta-
tions sur ce pays parce qu’il le sait fabriquées, non issues de l’expérience
directe ou du contraste entre des informations variées et d’origines diverses.

7. Rappelons le : sept étudiants ont participé dans les entretiens et sept autres dans les journaux
croisés.

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L’importance de la littérature est aussi décisive et plusieurs de nos informa-
teurs écrivent qu’elle est à l’origine de leur passion pour un pays ou une
région du monde donnés, même si la connaissance directe ne se correspond
pas toujours avec ce que l’on avait imaginé à partir des lectures :
Pourquoi mon intérêt pour le monde de langue hispanique ? À l’époque ou je faisais
des études d’espagnol à l’université j’ai lu beaucoup de littérature latino-américaine
et, en lisant, mon intérêt a commencé à grandir, et même une passion est née pour
connaître les lieux qui avaient vu naître cette littérature, et mon intérêt pour la langue
et le défi que cela représentait pour moi a aussi augmenté. Dans la littérature que je
lisais il y avait un élément qui me semble magique et se mélange à la réalité (Réalisme
Magique). Il y a aussi la présence d’une nature sauvage et exotique que les hommes
ne peuvent pas contrôler. La littérature contient des idées et des thèmes comme la
présence indigène et le métissage des Créoles et les indigènes, et des idées différentes
sur ce que l’amour, la famille et les priorités dans la vie doivent être. Voilà certaines
des choses qui m’attiraient […] Dans la littérature, les idées de l’amour et de la famille
m’intéressaient parce qu’elles étaient vraiment mystérieuses et différentes et, comme
je n’étais pas tout à fait d’accord avec les normes dans ma propre culture, j’avais de
l’intérêt pour connaître celles des autres. […] Quand, finalement, je suis allé vivre à
l’Équateur j’ai réalisé que certaines des choses que la littérature racontait s’y trou-
vaient reflétées, d’autres pas.
d) Mais la source la plus citée par les étudiants étrangers de l’université
d’Oviedo comme étant à l’origine de leurs représentations sont les médias.
Même ceux qui voyagent au pays en parlent. Ils semblent jouir d’un statut
d’objectivité, de miroir reflétant la réalité, au contraire du cinéma qui serait
un lieu de fabulation et de déformation de celle-ci : « L’ETA n’est que ce que
je sais grâce à la télévision, les médias ». Mais des dangers guettent, car la
télévision, en particulier, peut donner l’impression de pouvoir uniformiser
certains comportements au point qu’elle peut induire l’illusion d’une proxi-
mité entre les cultures beaucoup plus grande que celle réellement existante :
« Je sais que cela est dû en partie à des choses telles que le contact entre les
cultures à la télévision et la musique américaine et peut-être que je cherche
des similitudes là où il n’y en a point, mais j’aime croire qu’elles existent bel
et bien ». Quoi qu’il en soit, les médias sont un très puissant instrument de
distribution et de généralisation des stéréotypes : « c’est ce que tu reçois
quand tu vas dans ton pays et que tu regardes la télé ; ce qui vient de l’Espagne
c’est les taureaux, le flamenco, tout cela, et alors ça devient automatique ».
e) C’est justement le poids des clichés et des stéréotypes qui est, avec la
précédente, la sous-catégorie la plus citée par les étudiants. Par contre, seu-
lement un professeur s’y réfère. Leur entité et mode de fonctionnement sont
pluriels : dans une même culture des stéréotypes concernant une même réa-
lité fonctionnent dans l’amalgame. Une étudiante, roumaine, souligne à quel
point cela peut être négatif pour certains pays : « Souvent les idées que les
gens se font sur un pays leur enlèvent l’envie de s’y rendre. Et ils ne savent
pas tout ce dont ils sont en train de se priver ! ». Une autre, nord-américaine
dans ce cas, remarque que les représentations culturelles ne pourront jamais
rendre compte de la diversité d’un pays et seront donc, nécessairement, sté-
réotypées : « Les EEUU sont un pays tellement grand ! ayant de normes dif-
férentes dans chaque zone… ». Une troisième, rappelle que la vérité que le
stéréotype possède tend à être magnifiée par les observateurs étrangers : « Ce

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sont des choses qui existent en Angleterre, mais c’est aussi que les étrangers
s’y focalisent quand ils pensent à l’Angleterre ». Dans ce dernier cas on
remarque le poids des hétéro-stéréotypes dont les effets peuvent être con-
traires : ils aident à prendre conscience de ce qui caractérise la culture mater-
nelle (« Moi, cela m’a servi pour voir les Espagnols du ‘dehors’, pour pren-
dre conscience du fait que les autochtones ne sommes pas conscients de ce
que nous faisons », écrit l’un des chercheurs dans son journal) mais ils peu-
vent aussi manipuler les auto-stéréotypes au point de forcer la personne a les
quitter : « Si j’ai écrit le nom de Dracula, dit une étudiante roumaine, c’est
surtout parce que c’est ce que les étrangers pensent comme étant une carac-
téristique de la Roumanie ». Enfin, les lieux communs et les stéréotypes
embrassent l’ensemble des aspects culturels : linguistiques, politiques,
sociaux, climatiques, folkloriques, gastronomiques, ceux concernant les
mœurs et le physique des personnes, etc.
f) Outre les sources de construction des représentations ci-dessus citées
les étudiants et professeurs se sont référés à d’autres, d’une entité mineure,
que nous avons réunies justement sous le chapeau d’autres sources des
représentations : le retranchement idéologique (parfois les représentations
des personnes contredisent les constats empiriques, la cause étant un aveu-
glement idéologique) ; traits de personnalité (les représentations qu’un sujet
a sur un pays donné peuvent ne pas être représentatives de ce pays, mais
plutôt de la sensibilité, la personnalité et les intérêts de la personne elle-
même) ; la représentativité « critériée » (les faits culturels ont besoin de
remplir certaines conditions ou critères pour être considérés représentatifs
d’une culture) ; la proximité « impliquante » (pour pouvoir se construire des
représentations on a besoin d’une proximité et d’une implication affective et
cognitive sans lesquelles on ne peut pas être attentif à l’étrangeté de l’autre :
souvent l’arrivée dans un autre pays libère le sujet des contraintes de la vie
ordinaire, relâche les tensions causées par son « être au monde » et ses habi-
tudes de lien et d’engagement avec le milieu proche, que l’on peut alors
regarder avec une certaine indifférence empêchant une compréhension suffi-
sante d’où des représentations pourraient émerger) ; le poids du « politique-
ment correct » (la pression sociale peut conduire à ne pas faire, dire et même
penser que ce que la société elle-même juge politiquement correct, agissant
comme une sorte de court-circuit des processus de construction des représen-
tations) ; le poids de l’histoire et des mythes fondateurs (les représentations
que les sujets d’aujourd’hui ont de leur culture ont beaucoup à voir avec les
modes de vie que subirent et inventèrent les pionniers à l’origine de la com-
munauté, lesquels modes de vie ont orienté de manière forte le regard sur le
monde des générations actuelles et à venir) ; la rumeur (parfois les étudiants
ne trouvent d’autres sources de leurs représentations que ce qu’ils ont entendu
dire : « En Irlande j’ai entendu dire beaucoup de choses sur l’Espagne, le
manque de travail, les salaires réduits, ce genre de choses. Cela explique mes
réponses au questionnaire »).

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480
2. 3. Évolution et reconstruction des représentations des professeurs-
chercheurs
L’un des objectifs de notre recherche était de connaître dans quelle mesure
le dialogue des membres du groupe de chercheurs avec les représentations
des étudiants, devenait pour les premiers une exigence de réélaboration et
reconstruction de leurs propres représentations. La dernière étape de la
recherche a donc été de nous contraindre à réaliser un travail d’introspection
(qui n’était possible qu’au terme du processus, car ce n’est que là que nous
avons eu accès à l’ensemble des connaissances construites) pour essayer de
rendre compte des transformations personnellement vécues. Cette tâche
représente non seulement, indirectement, une évaluation de la recherche, ni,
directement, une manière de la conclure, mais elle constitue aussi un de ses
moments essentiels. Malheureusement nous ne pouvons pas ici, manquant
d’espace, en rendre compte de manière suffisamment précise. Nous devrons
nous contenter de quelques observations très générales qui risquent de déce-
voir. Avançons pourtant qu’il ne faut pas s’attendre à lire ici des paroles
d’experts (les professeurs qui ont conduit cette recherche ne sont pas des
spécialistes du domaine des représentations culturelles) : ce sont, de manière
plus modeste, des réactions simples de personnes qui ayant vécu une expé-
rience privilégiée la communiquent avec les mots de tous les jours.
2. 3. 1. De l’aveu de tous les chercheurs l’exercice de dialogue était
nécessaire mais pas facile. L’un d’eux souligne que :
en contrepartie, le manque de représentations concrètes sur sa culture enlevait de
la profondeur à ma réflexion […] Cette méconnaissance et le nombre très limité de
représentations culturelles qui étaient les miennes sur le pays de mon interlocutrice
m’empêchait d’incorporer mes propres expériences concernant sa culture, enrichir
mes réflexions et les voir évoluer, car je n’en avais d’autre porte d’accès que les récits
et les questionnements qu’elle me communiquait dans chacun de nos échanges sur le
support du journal.
Or, la difficulté ne vient pas seulement du manque de représentations à
mettre en jeu, mais aussi de la résistance naturelle à admettre l’inattendu,
même si cette résistance peut être levée :
Je dois dire que les représentations que j’avais des anglais et des anglaises ne m’auraient
jamais conduite à admettre que le Royaume-Uni et l’Espagne ont en commun beau-
coup plus qu’il ne le semble. […] En cela, ma représentation culturelle a changé. Ma
représentation très positive des espagnols (et des asturiens), que je jugeais non seu-
lement ouverts, gais et sympas mais aussi fondamentalement nobles, travailleurs et
honnêtes, est en train de faire la place à une autre où ils apparaissent comme plus
matérialistes, plus jaloux des autres et même plus indolents, et qui commence à s’ins-
taller dans mon inconscient
2. 3. 2. La majorité des sept chercheurs s’accorde pour affirmer que le
processus de recherche dans lequel ils ont participé leur a fait prendre
conscience de deux faits essentiels :
– le caractère radicalement ethnocentrique de leur système représentationnel ;
– cet ethnocentrisme est constitué non seulement par leur culture d’origine
mais aussi par les cultures dominantes dont celle-ci fait partie, plus préci-
sément par celles de l’Europe occidentale et des États-Unis, dont on par-

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481
tage d’une manière ou autre les valeurs et les représentations en même
temps qu’on refuse celles des pays qui ne font partie de cette culture domi-
nante, la Bulgarie, par exemple, dont d’ailleurs les chercheurs reconnais-
sent ne rien connaître.
2. 3. 3. Les chercheurs font le même constat que les étudiants avaient déjà
fait. À savoir, qu’un lien – qui ne se présente pas nécessairement de manière
transparente dans les consciences – existe entre les représentations culturel-
les des citoyens et l’histoire des peuples auxquels ils appartiennent. Ainsi,
pour les Nord-Américains – mais ce n’est qu’une hypothèse – les paysages
et espaces naturels seraient moins représentatifs de leur culture que les monu-
ments architecturaux ou les conquêtes technologiques parce que leur histoire
nationale est le résultat d’une confrontation avec la nature et d’un effort
acharné pour la maîtriser. C’est au moins, ce que l’une des étudiantes laissait
entendre dans un paragraphe cité par l’un des chercheurs :
Notre culture valorise beaucoup plus la capacité de faire des grands travaux malgré les
contraintes naturelles. Par exemple, d’une merveille comme les Niagara Falls, qui peut
aussi être un endroit dangereux, nous avons fait un lieu touristique avec des bateaux
qui naviguent sous les cascades
2. 3. 4. Le processus de réflexion collective que notre recherche a rendu
possible, nous a permis de voir à l’œuvre deux réalités qui normalement sont
à tel point banalisées qu’elles passent inaperçues : d’un côté, le fait que nous
regardons la culture de l’autre à travers la nôtre et que celle-ci conditionne ce
que nous voyons dans celle-là, ce qui nous semble significatif ou pas ; mais
aussi, d’un autre côté, que nous apprenons à regarder notre propre culture à
travers le regard jeté sur elle par les originaires d’autres cultures :
Nos représentations culturelles concernant les autres pays, plus ou moins éloignés
du nôtre, sont fortement conditionnées par la manière qu’on a eue de nous élever, le
milieu environnant, les mœurs et la manière de penser de chaque pays […] Autrement
dit, ce sont nos propres référents culturels qui seront à l’origine de notre vision et
analyse d’autres cultures. [Mais] parfois les représentations que nous construisons sur
nous-mêmes ou nos pays d’origine, sont orientées par ce que nous considérons être
plus connu par les étrangers.
C’est en partie le même constat fait par un autre professeur, quand il écrit
que les représentations des étudiants « m’ont forcé à questionner mes pro-
pres représentations culturelles en ce qui nous concerne nous, les Espa-
gnols ». Et la dimension de complexité que le regard étranger rend possible
interroge une autre investigatrice en ces termes :
Tout cela a produit chez moi un sentiment d’étonnement : j’ai découvert tout à coup
que je partage ma vie avec une communauté que je ne connais pas en réalité. Est-
ce parce que ma connaissance de l’autre se borne à mon cercle serré d’amis, auprès
duquel je me sens en sécurité et en confiance ?
Dans la suite de son discours, elle semble répondre par l’affirmative à
cette question quand elle est contrainte d’admettre que les représentations
exprimées par les étudiants l’ont conduite à se rendre compte que, contre ce
qu’elle croyait, « tout semble indiquer que [les Espagnols] nous sommes un
peuple qui vit dans des cercles d’amitié fermés qui ne s’ouvrent pas facile-
ment à la présence d’autrui ».

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2. 3. 5. L’on pourrait résumer l’ensemble d’observations ci-dessus par les
mots avec lesquels un membre du groupe de chercheurs conclut son discours
introspectif, des mots tous simples mais qui auraient pu être cosignés par
toute l’équipe :
Les résultats de notre recherche me conduisent à m’interroger sur les conséquences
que cela doit avoir sur mon travail professionnel. La première de ces conséquences
est que nous devons être beaucoup plus prudents quand il s’agit de s’exprimer dans
le domaine des faits culturels. Désormais, notre regard sur la culture et la langue que
nous enseignons – l’anglais, dans mon cas – sera plus authentique, plus curieux, plus
ouvert au dialogue et au désir de connaissance d’autres peuples, de manière à ce qu’un
processus d’enseignement-apprentissage fondé sur la comparaison, la compréhension
et l’acceptation des différences, soit à même de nous enrichir en tant que personnes et
enseignants. La conclusion qui est la nôtre – laquelle constitue l’un des apprentissages
importants que notre recherche nous a permis de réaliser – est que la prudence et le
tact, la curiosité et la volonté d’apprendre de l’autre devraient guider notre comporte-
ment aussi bien dans notre vie personnelle au quotidien que sur le plan professionnel.

CONCLUSION

Après ce parcours, long mais insuffisant, l’appréhension des contenus des


représentations culturelles que les personnes ont sur leurs propres pays et sur
ceux des autres et des manières dont elles se construisent et évoluent dans la
dynamique du jeu des auto et des hétéro-stéréotypes et l’influence des médias,
la littérature, le cinéma, la formation, etc. nous semble peut-être plus aborda-
ble. Nous n’avons pourtant fait qu’effleurer le problème. Ceci pas seulement
parce que nous avons peu fait de travail d’analyse et d’interprétation, nous
bornant pratiquement à résumer les informations obtenues, mais surtout
parce que nous sommes restés sur le plan de la logique rationnelle et de la
conscience. Or, depuis quelques années, je suis convaincu que les phénomè-
nes humains, spécialement ceux liés aux faits de langue, ont besoin aussi,
pour être appréhendés, de ce regard dans les profondeurs que la psychana-
lyse – langage de la logique libidinale et de l’inconscient – rend possible. Il
nous faudra un jour, donc, reprendre toutes les données que nous avons con-
centrées ici à zéro, et les regarder à travers cette loupe qui va chercher la
lumière dans les ombres.
José Luis ATIENZA MERINO
Université d’Oviedo

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