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Introduction
A l'heure actuelle il n'existe aucune loi interdisant les signes religieux dans
l'espace public, y compris le port du voile intégral. Une proposition de loi a
toutefois été adoptée en commission ce 31 mars.
Le propos de cet article n'est pas d'être « pour » ou « contre » les signes
religieux dans l'espace public, mais de savoir si on est « pour » ou « contre »
une interdiction de ceux-ci et si une telle interdiction, même prévue par une loi,
serait envisageable au regard de notre Constitution et de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme. Ces dernières se placent au-delà du débat
démocratique, du moins jusqu'à un certain point.
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Il est intéressant de noter qu'il n'est nullement fait référence dans ce texte au
niqab ou à la burqa. Le texte se veut « neutre », du moins en apparence ...
Les débats en cours ne laissent en effet aucun doute à ce sujet : c'est bien le
voile intégral et la burqa qui sont directement visés. Il suffit à cet égard
d'entendre les déclarations publiques à ce sujet. Les personnes qui ont été «
entendues », par exemple l'exécutif musulman, permettent de se rendre compte
qu'il n'a nullement été question de remettre en cause par exemple le secteur de
la mode, des lunettes de soleils, des masques anti microbiens, etc, en dépit du
fait que certains de ces accessoires couvrent totalement ou du moins
partiellement le visage le rendant en tout état de cause non identifiable.
L'exposé des motifs ne contient aucun motif qui justifierait sur le fond l'adoption
d'une telle loi.
La liberté de culte est dès lors soumise au respect de la loi pénale (« répression
des délit »). Cette restriction se comprend aisément : on ne pourrait en effet
invoquer la liberté de culte pour se livrer à des actes délictueux tels que tuer,
voler, etc. La loi pénale s'impose à tous et toutes et la liberté de religion ne
pourrait permettre de passer outre.
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cette liberté ou certains aspect celles-ci pourrait devenir le délit lui même. Il
convient de souligner que c'est le délit qui doit être réprimé, mais non la liberté
religieuse. Ou alors suffirait il que des lois pénales rendent illicite l'exercice des
cultes pour que la Constitution soit respectée.... La réponse est à notre avis
négative.1
Cette distinction est très importante. En effet, si une loi pénale rend illicite le
port de certains signes religieux, même pour le biais d'une loi à caractère
"général" (comme la proposition de loi qui parle exclusivement de visage
"masqué" ou "dissimulé" en tout ou partie le rendant non indentifiable) on
pourrait croire, à première vue en tout cas, que le prescrit constitutionnel est
respecté.
L'article 10 de la Constitution prévoit que "Il n'y a dans l'État aucune distinction
d'ordres. Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux
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Ce serait d'ailleurs une « destruction » de droits prohibée par l'article 17 de la Convention
Européenne des droits de l'homme.
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emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une
loi pour des cas particuliers. L'égalité des femmes et des hommes est garantie."
L'article 11 prévoit que "La jouissance des droits et libertés reconnus aux
Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret
garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et
philosophiques."
En effet, la Cour d'arbitrage, dès son premier arrêt rendu en la matière, a édicté
sa propre définition du principe d'égalité, définition largement inspirée de celle
de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Ce texte est aujourd'hui le
suivant : "Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination
n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories
de personnes pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit
raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que
soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification
raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui,
au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et
des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause ;
le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé."
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4° elle vérifie enfin s'il existe un rapport de proportionnalité entre les moyens
employés et le but visé.
Se couvrir le visage pour des motifs religieux, alors que la liberté de culte est
expressément protégée, est fondamentalement différent du fait de se couvrir
pour d'autres motifs. Ces personnes forment à notre avis une catégorie
particulière de citoyens. A cet égard, la question n'est pas de savoir si le fait de
porter le voile intégral est ou non une obligation dans l'Islam car il n’appartient
pas à l’Etat de trancher cette question. Il suffit de considérer que certaines
personnes le font inspirées par des motifs religieux.
La proposition de loi telle que rédigée si elle est adoptée impliquerait dès lors à
notre avis une discrimination indirecte non seulement dans ses effets, mais
aussi dans l'intention du texte en dépit de sa formulation générale. Elle nous
semble dès lors être susceptible d'annulation sur cette base devant la Cour
constitutionnelle.
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Une loi qui a pour effet de réduire cette liberté est elle bien conforme à l'article
11 ? On peut en douter. En effet si une loi pénale peut, dans certains
circonstances effectivement déroger à l'article 19 de la Constitution, l'article 11
impose par ailleurs à la loi de protéger cette liberté et non de la restreindre. Si
on combine les articles 11 et 19 de la Constitution, il semble clair qu'une loi ne
peut restreindre l'exercice d'une liberté religieuse en criminalisant celle-ci.
Comme nous l'avons vu plus haut, à l'heure actuelle, la « loi belge » au sens
large du terme, telle que défini dans la jurisprudence de la Cour Européenne de
Justice, ne permet pas de restrictions aux libertés religieuses, sauf la
répression des délits commis à cette occasion. La loi en Belgique dont être
constitutionnelle.
Dès lors, si une loi est adoptée, il faudra d'abord au regard de la CEDH en
vérifier la constitutionnalité.
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Ni au prescrit de l'article 17 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
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Dans le cadre d'un éventuel recours devant la Cour Européenne, qui impose
que les voies de recours internes soient épuisées, il faudra ensuite vérifier que
les autres conditions prévues dans la Convention Européenne, à savoir la
légitimité du but poursuivi, le critère de proportionnalité, ainsi que les articles
14, 17 et 18 de la Convention (non discrimination, non destruction des droits,
etc) sont respectées.
Conclusion
Il faudrait dès lors s'attendre si une loi est adoptée à des recours en annulation
devant la Cour Constitutionnelle et, le cas échéant, devant la Cour Européenne.
La Constitutionnalité de la loi sera toutefois l'élément clé dans cette polémique,
y compris au niveau de la Cour européenne.
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[1] Ce serait d'ailleurs une « destruction » de droits prohibée par l'article 17 de la Convention Européenne des
droits de l'homme.
[2] « La Cour d'arbitrage et le principe d'égalité » , IPCF, n° 112 http://www.ipcf.be/page.aspx?
pageid=1299&menuid=1024
[3] Ni au prescrit de l'article 17 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
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