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UNE VIE MILITANTE PARMI TELLEMENT D'AUTRES.

                                       ° Ce qui va suivre ne constitue en aucune manière une 
autobiographie, des "Mémoires" ou plus simplement encore un irrépressible épanchement du 
narcissisme.

              Je n'ai jamais tenu de journal mêlant faits relevant de la sphère privée, notation 
d'émotions intimes, réflexions personnelles avec un agenda militant, une chronique 
politique…
              Je n'ai pas l'intention de raconter ma vie privée (chargée de joies, Christiane, mes 
enfants, mais aussi de galères…). Par ailleurs, je ne veux pas faire le récit de ma traversée 
d'organisations politiques (où j'ai beaucoup appris, connu des personnalités extraordinaires 
tout particulièrement à Nantes, vécu des crises intenses…) parce que je considère aujourd'hui 
que ces formes sont historiquement périmées et que les mouvements sociaux devront en 
inventer de nouvelles, très différentes. Ce faisant, bon nombre de mobilisations auxquelles j'ai 
participé avec enthousiasme ( Larzac, Malville… ) ne seront même pas évoquées.
              Si j'entreprends ce retour sur "mon" histoire, c'est principalement pour combattre, à 
mon échelle microscopique, les nombreuses raisons de se replier sur soi, de ne pas s'engager 
dans la vie citoyenne   qui amènent les "générations Mitterand­Chirac­Jospin" à ne plus rêver 
d'un monde meilleur, de ne plus essayer de "changer la vie".

              C'est pour affirmer que la lutte n'est pas triste et qu'une vie habitée par des combats 
divers et multiples est possible, enthousiasmante, riche de rencontres extraordinaires, de 
moments intenses partagés, et qu'il n'y a aucune raison de considérer que ça peut être amusant 
un temps mais que cela n'engage pas pour la vie ("il faut que jeunesse se passe", "c'est normal 
de jeter sa gourme avant de passer aux choses sérieuses"…).
              La seule chose sérieuse et jouissive en même temps, c'est la participation au 
mouvement d'émancipation de l'humanité. Emancipation de nos réflexes reptiliens, égoïstes, 
sauvages. Emancipation des systèmes sociaux répartissant les individus entre dominants et 
dominés, exploiteurs et exploités…
              C'est la voie lumineuse du sens de l'existence, celle qui transcende la vie individuelle 
en la fondant dans celle des peuples, en l'incorporant dans la spirale ascendante de l'humanité 
vers l'épanouissement de toutes ses capacités, vers la légèreté de l'être.
              Au regard de cela, le terme "militant" paraît bien barbare, entaché de sa proximité 
avec le terme "militaire" qui génère des visions de violence, de hiérarchie, d'abandon de 
l'autonomie personnelle, de la liberté de penser par soi­même … La glorification par Lénine 
du "militant professionnel" ne fait que renforcer cette image négative. Il faudra donc inventer 
un mot plus poétique pour désigner cette façon quotidienne d'être en rébellion positive contre 
tous les asservissements sécrétés jusqu'à ce jour par les systèmes sociaux dominants.

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                                       ° Une vie militante parmi tellement d'autres existences semblables ! ..

              L'Histoire regorge de ces existences insoumises (et généralement anonymes) qui ont 
été porteuses d'utopies salvatrices, qui ont permis à l'humanité de passer d'une barbarie 
rustique et implacable à la barbarie raffinée actuelle. (Je sais que ce constat n'est pas aussi 
enthousiasmant que je le souhaiterais, mais il n'empêche qu'il y a eu progrès entre les époques 
archaïques et l'état actuel de l'évolution.)
              D'accord avec Mao qui affirmait que ce sont les peuples, les masses en mouvement, 
qui font l'Histoire, et que les "militants" ne sont que l'écume des vagues populaires. Mais, 
irremplaçable et indispensable, c'est dans cette écume qu'apparaissent les arcs­en­ciel qui 
engendrent  les rêves collectifs.
              Le "Dictionnaire du mouvement ouvrier" initié par J.Maitron n'est donc par une 
entreprise réductrice, privilégiant l'individu face aux mouvements de fond des populations. 
C'est une volonté de faire apparaître le rôle (largement aussi essentiel que celui des 
"décideurs", des dominants), de la grande famille des rebelles qui ont largement contribué à 
l'évolution de l'humanité.
              Le plus souvent "obscurs et sans grades", les "militants n'ont pas "perdu leur vie à la 
gagner". Ils (elles) ont connu des joies collectives intenses et ont contribué à alléger la misère 
du monde.  

              Je connais nombre de "militants(tes)"dont l'existence est bien plus passionnante, plus 
riche que la mienne, et je regrette que par modestie ou sous­évaluation de ce qu'ils (elles) ont 
vécu, ils (elles) ne comprennent pas l'importance de la transmission de leurs "expériences", de 
l'affirmation que cette façon de vivre est la plus belle qui soit. Mais je suis un membre, parmi 
d'autres de cette grande famille.

                                       ° Une vie militante parmi tellement de familles sociales.

              J'ai vécu des relations intenses, chaleureuses, innombrables dans des milieux sociaux 
très divers (étudiants(tes), ouvriers(ères), ruraux, chômeurs(ses), immigré(es) avec ou sans­
papiers…), artistes.
              J'admets que ce comportement de caméléon peut surprendre, agacer, voire engendrer 
des suspicions. Je sais, avec le recul et l'âge que j'ai, que ce n'est pas le signe d'une 
malléabilité de mes principes existentiels mais au contraire le fruit d'un principe supérieur, 
celui de ma perméabilité à toutes les aspirations populaires afin d'y participer, d'être "un 
poisson dans l'eau", de suivre la fameuse "ligne de masse". 
              Il m'est arrivé à de nombreuses reprises de poursuivre des actions ultra­minoritaires, 
voire solitaires, quand cela me paraissait nécessaire, juste. Mais le grand bonheur naissait 

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quand cela débouchait sur la rencontre avec "les autres", avec les "micro­couches socio­
géographiques" au sein desquelles je vivais.
              Animal social comme les autres, je n'ai pas été privé de rapports individuels et 
collectifs, "pour faire quelque chose d'utile ensemble", et j'ai souvent été émerveillé par la 
découverte de ressources intellectuelles, émotionnelles, physiques fréquemment supérieures 
aux miennes chez ces "autres".

                                       ° Il me semble donc utile, même si cela n'a pas les attraits de l'épopée 
ou du "soap opéra", malgré mes lourdeurs intellectuelles et stylistiques, de relater ces rapports 
entre "les autres" et moi, entre la politique telle que je le conçois et le social.

              Je n'ai aucunement les capacités d'un idéologue ou d'un théoricien politique, mais je 
pense que cette toute petite histoire est l'illustration d'un élément théorique vital à réaffirmer 
par les temps qui courent  (où le culte de la "réussite" financière et celui de stars éphémères 
est prédominant), les peuples sécrètent, parce qu'ils en ont besoin, des militants(tes). L'action 
quotidienne avec et en faveur des dominés(es) ne constitue pas un "sacrifice", un "don de 
soi" (termes religieux hors de propos), mais une réponse individuelle nécessaire aux 
aspirations collectives assortie d'une relation enrichissante et valorisante avec les individus 
composant ce corps social sans cesse agité par un mouvement brownien. 
     
    Je suis sensible aux reproches justifiés de mes   proches qui estiment que je n'ai pas réussi à 
retranscrire la chaleur de ces rapports humains exaltés par l'action collective, mais je ne suis 
pas très doué pour l'expression publique de mes sentiments d'une part, et d'autre part il aurait 
alors fallu obligatoirement choisir arbitrairement de privilégier le portrait de certains(es), 
reléguant des milliers d'autres à l'arrière­plan…Je veux bien céder à des écrivains mes notes et 
documents afin qu'ils rendent compte autrement et de manière plus émouvante les tourbillons 
de vie où j'ai baigné.                     

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                AUTOUR DE MAI 68 :  LE DEBUT DE LA LIGNE CLAIRE.

              Inscrit en novembre 1964 à la Fac de Droit et à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix en 
Provence, j'ai eu la chance de participer au plus grand mouvement de masse étudiant de notre 
histoire, immédiatement avant, pendant et juste après Mai 68.

                                       ° La bataille pour la mixité en milieu étudiant (hiver 67­68).

              La remise en cause de l'idéologie puritano­patriarcale, consensuellement imposée par 
les instruments de pouvoir(des gaullistes aux communistes en passant par les structures 
parentales), par l'Internationale Situationniste (auteur notamment du pamphlet intitulé De la  
misère sexuelle en milieu étudiant) s'est concrétisé par l'initiative des arnacho­situationnistes 
de Nantes qui ont enclenché une rébellion contre les interdits sociaux dans les Cités 
Universitaires.
Les résidences universitaires de filles étaient régies par des règlements quasiment conventuels 
(contrôle des entrées et sorties, couvre­feu avant minuit, interdiction d'accès aux garçons, 
même dans les salles communes de détente.
              Après Nantes, beaucoup d'autres villes universitaires, à l'initiative d'Associations de 
Résidents en cités Universitaires (ARCU), ont vécu des prises d'assaut/ occupations des Cités 
de filles, sur une longue durée et sous la menace d'interventions policières.

              C'était la première action de masse (illégale en outre) à laquelle je me trouvais mêlé 
en position de co­responsable de surcroît, puisque faisant partie de l'organisation très 
majoritairement  élue par les étudiants habitant la Cité Universitaire de garçons d'Aix qui 
avait décidé de s'associer à cette bagarre.
(Au bout de trois ans je connaissais plusieurs milliers d'étudiants(es) et tout particulièrement 
ceux, très éloignés de leur famille et généralement pas très aisés, qui avaient droit comme moi 
à une chambre en Cité Universitaire, ce qui avait amené les deux associations de "résidents" 
en Cité  Universitaire, l'une de "droite", l'autre de "gauche" à me demander successivement de 
participer aux listes qu'elles présentaient aux élections à la rentrée de 1967. Naïvement, car 
élevé dans un environnement social et familial pour le moins non progressiste, après 
hésitations, je me suis retrouvé sur la liste "de gauche" sans savoir ce que cette expression 
voulait vraiment dire, au feeling et  parce que s'y trouvaient mes meilleurs copains, moins 
"innocents " politiquement que moi...)

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              C'est là que j'ai pu acquérir pour la première fois, une grande confiance dans l'esprit 
de responsabilité et d'initiative des foules en mouvement vers les objectifs de libération 
sociale.
Contrairement  à mes angoisses de l'époque, aucun geste malencontreux ne s'est produit, 
aucune "bavure" n'a pu nous être opposée, et cette action s'est soldée par une victoire acquise 
sans une égratignure.  
              
              Début encourageant s'il en est 
                                       ° Mai 68.

              L'agitation de l'hiver 67­68 était retombée (malgré les efforts notamment de la JCR à 
Aix pour propulser le soutien à la lutte du peuple vietnamien contre l'agression Nord­
américaine, pour célébrer la figure de Che Guevara et s'associer au mouvement étudiant 
allemand SDS mené par Rudi Dutschke.
              Le seul moment de tension palpable , vive, aux conséquences durables, avait été 
provoqué par la "Guerre des six jours" entre Israël et le Pays arabes. De bout en bout des 
longs couloirs des Cités Universitaires les portes de nos chambres restaient ouvertes, les 
transistors se répondaient et des discussions vives entre étudiants de toutes nationalités se 
poursuivaient interminablement. C'était l'irruption fracassante parmi nous de la lutte entre 
Occident et Tiers­Monde. 

              Début mai, la seule fébrilité observable était celle provoquée par l'imminence des 
examens. Nanterre était bien loin d'Aix en Provence…
              Il faisait magnifiquement beau. Les Beattles nous berçaient…
              La violence des affrontements du 3 mai au Quartier Latin rapportée par les radios 
périphériques, la brutalité policière s'exerçant sur la fraction parisienne de notre classe d'âge et 
de situation, a fait l'effet d'un coup de couteau lacérant la photo de famille, d'un coup de 
crosse sur la tête d'un enfant.
             Le lendemain matin nous étions une trentaine d'étudiants en Droit réunis au local de 
l'UNEF (syndicat étudiant "de gauche") à décider d'intervenir dans tous les amphis pour 
mettre la Fac en grève. Le temps d'une journée nous y sommes parvenus, avec en prime une 
dure altercation entre le Recteur et moi (ce qui ne s'était encore jamais produit dans ce milieu 
très conservateur, réactionnaire, profs et étudiants confondus).
Durant la journée nous avons contacté l'UNEF de la Fac de Lettres, dirigée par l'UEC (Union 
des Etudiants Communistes) totalement soumise à Aix au P.C.F. A notre grande stupéfaction 
nous avons découvert que cette UNEF­UEC, ultra­majoritaire en Lettres alors que nous étions 
infiniment minoritaires en Droit, refusait tout soutien au mouvement étudiant parisien. Nous 
avons décidé, malgré leur opposition, d'organiser un meeting dans leur Fac en fin d'après­
midi. Un grand nombre d'étudiants(es) y ont participé et décidé d'une grève illimitée des cours 
et l'occupation des locaux.
              

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              C'est ainsi qu'on débuté deux mois d'un bouillonnement intellectuel inimaginable 
aujourd'hui, indicible. Des Assemblées Générales quotidiennes où chacun(e) prenait la parole, 
à égalité avec les représentants des organisations syndicales ou révolutionnaires, où venaient 
s'exprimer des lycéens, des ouvriers et autres salariés, où l'imagination côtoyait l'exposé et la 
résolution de problèmes pratiques, où les utopies s'affrontaient aux discours théoriques, où 
certains s'ingéniaient à préparer une réforme de l'université pendant que d'autres voulaient 
"changer la vie" tout de suite et ici. On ne dormait pas, soit pour assurer la défense de 
l'Université contre l'éventualité d'une prise d'assaut par les anciens de l'O.A.S., membres du 
S.A.C. et autres, que la rumeur assurait certaine, soit pour dévorer la littérature 
révolutionnaire (Marx, Mao, Trotsky…), soit pour mettre publiquement en pratique l'union 
libre.   
              Cette effervescence débordait régulièrement dans la rue, sans rencontrer la moindre 
opposition policière, au grand désespoir d'étudiants parisiens qui nous adressaient des appels 
au secours impliquant que nous attirions, en province au moins une partie des forces de 
répression déchaînées sur le pavé de la capitale. 
              L'exaltation étudiante s'était communiquée au reste de la ville, pourtant très 
bourgeoise. Des discussions insensées s'engageaient entre garçons de café, directeurs de 
banque, commerçants, éboueurs…, et conduisaient même à des affrontements verbaux entre 
paroissiens sur le parvis des églises.
              La solidarité et la débrouille permettaient que les nécessités de la vie quotidienne 
soient couvertes (collecte de nourriture dans la campagne avoisinante et redistribution, 
collectes financières également, organisation des transports malgré le rationnement en 
essence…). L'auto­organisation de masse résolvait tous les problèmes matériels (dans le cadre 
de la Fac des équipes de ravitaillement, de préparation des repas, de nettoyage des locaux se 
sont constituées très rapidement sans attendre qu'une quelconque autorité en prenne la 
décision.)
              Les quelques dizaines d'étudiants en Droit qui participaient au mouvement ont tenté 
de saboter les examens qui commençaient dans leur fac en diffusant par d'énormes haut­
parleurs disposés sur le toit de la Fac de Lettres voisine les corrigés des épreuves en disposant 
quasiment immédiatement des sujets de composition (communiqués par quelques profs ou 
quelques étudiants entrés dans les salles d'examen uniquement pour se procurer le sujet des 
épreuves). Nous avons été 300 (sur les 5000 inscrits) à ne pénétrer dans la Fac de droit, 
passant entre deux rangées de membres du SAC, costauds à lunettes noires, mêlés aux jeunes 
du groupe d'extrême­droite "Occident" (dont ont fait partie Alain Madelin et Gérard Longuet 
devenus ministres plus tard) que pour boycotter ces examens. (Comme nous n'étions pas les 
plus mauvais, nous avons tous été reçus à la session de rattrapage de septembre ouverte aux 
recalés de juin.)
              Durant toute cette période une joie éclatante l'a disputé à une fraternité fusionnelle 
quasi amoureuse, à un sentiment de libération inouïe et à l'espoir fou de l'invention d'un 
nouveau monde.
Les nouvelles qui nous parvenaient de toute la France, puis du monde entier nous assuraient 
que nous ne constituions pas une minorité, mais bien au contraire que tous les secteurs de la 

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société étaient gagnés par cette fièvre d'espérance. Pendant ce trop court moment nous avons 
réellement "joui sans entraves".
              L'université    d'Eté qui a suivi, organisée par les organisations révolutionnaires, 
mêlant discours théoriques, débats de ciné­club, … a prolongé cette période pour tous ceux 
qui comme moi, loin de leur famille, étaient restés sur place.

                                                           ° Mai 68 avait été en outre un cours accéléré de 
formation politique et un tremplin fantastique pour les espérances de transformation radicale, 
généreuse du monde.

              A la Fac de Droit, la poignée que nous étions restait ultra minoritaire, l'extrême droite 
("Occident") très présente et agressive, mais nous étions devenus conquérants. Nous pouvions 
prendre la parole sans que personne ne bronche dans les amphis, et j'ai été le premier(peut­
être le seul d'ailleurs ) à passer les oraux de Maîtrise sans costume et en ayant un badge de 
Mao agrafé à mon sweat­shirt.    
              Le mouvement de masse étudiant avait incroyablement accéléré les prises de 
conscience politique des étudiants, accéléré leur acquisition des éléments théoriques 
politiques, favorisé l'épanouissement des organisations révolutionnaires.  
              Après avoir choisi intuitivement, à la rentrée universitaire de 1967, comme sujet de 
mémoire de fin d'études à Sciences Po la description et l'analyse d'un phénomène "exotique", 
incompréhensible à l'époque, faisant l'objet de simples "brèves" dans les quotidiens nationaux, 
le début et l'épanouissement de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine 
communiste, j'y avais trouvé une solution à mon désespoir existentiel et dès le début de 
l'année 68 je parcourais les couloirs de la Fac et des Cités universitaires en tentant d'expliquer 
à tout le monde qu'il fallait suivre cet exemple et construire un parti politique semblable an 
Parti Communiste chinois.
Je ne savais pas qu'existaient déjà nationalement deux organisations qui prétendaient 
poursuivre ce but : le PCMLF et l'UJCML. Les étudiants aixois membre du PCMLF avaient 
une conception bien trop clandestine, bien trop étriquée de l'action de masse pour me révéler 
leur existence.
J'avais donc adhéré au PSU fin Mai 68.
Ce qui ne m'avait pas empêché d'assister à une réunion organisée à cette époque par un 
étudiant en Histoire, aixois, adhérent solitaire de l'UJCML qui avait fait appel au groupe 
marseillais de cette organisation.
J'avais été intéressé et, à la rentrée de septembre 68, je quittai le PSU (en même temps que 
d'autres faisaient de même pour adhérer à la JCR ou au PCMLF) pour, entraînant une partie 
de mes copains les plus proches, rejoindre l'UJCML au moment où celle­ci traversait une 
crise politique profonde et se trouvait de surcroît "interdite" par le Gouvernement.

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              Nous sommes dès lors intervenus constamment dans les Assemblées Générales 
étudiantes ; nous avons commencé à établir des contacts avec les ouvriers du bâtiment 
travaillant dans la banlieue aixoise, effectué du porte à porte dans les cités ouvrières, soutenu 
une grève sur un chantier, commencé à nous lier avec les lycéens les plus révoltés.  
              Mais notre principale intervention s'est produite lors du boycott des concours 
enseignants (CAPES et Agrégation) qui devaient se dérouler à l'intérieur de la Bibliothèque 
Universitaire, au milieu du campus universitaire. Nous avons été les seuls à envisager 
sérieusement d'empêcher la tenue de ces concours "bourgeois" et à réfléchir aux moyens de 
pénétrer dans le bâtiment et de résister à l'intervention policière qui nous paraissait 
inéluctable. Suivis par les autres organisations révolutionnaires, par une fraction des étudiants, 
et rejoints par une partie des candidats(tes) à ces concours, nous avons réussi à bloquer le 
déroulement de la première journée d'épreuves. Le deuxième jour le centre d'examens était 
transféré dans un lycée­forteresse du centre­ville. Nous avons organisé une manifestation en 
cette direction qui cette fois a été bloquée par les CRS qui ont occupé le centre­ville jusqu'à la 
fin des épreuves. Malgré cet échec final, de nouveaux militants se sont intégrés à notre 
groupe.
              Ayant fini mes études pour "solder" mon compte avec ma famille qui m'avait 
entretenu jusque là, j'ai quitté Aix et la Fac pour entrer en usine à Nantes.     

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INTERLUDE: QUELQUES ANNEES DE MILITANTISME CULTUREL

EN MILIEU RURAL.

              Lorsque j'ai démissionné de la SNAV en mars 1981, j'ai quitté le milieu ouvrier, le 
métier de métallo, les grandes barres des Minguettes à Vénissieux et j'ai entamé une nouvelle 
vie, l'apprentissage du boulot de sculpteur, la découverte du milieu rural, la 
rénovation/appropriation d'une ancienne chaumière bretonne (forme d'habitat inédite pour ma 
famille et moi).

              J'ai rapidement commencé à participer à des expositions, à rencontrer les artistes de 
la région, à me confronter aux institutions culturelles (FRAC, DRAC, musées…) qui 
reproduisaient en les amplifiant tous les mécanismes sociaux qui m'étaient les plus 
insupportables (jeux de pouvoir, arrogance, incompétence souvent…).
              Dans le même temps je me suis mêlé à la vie de la petite commune (280 habitants) où 
nous avions atterri (création d'une association de parents d'élèves, "piges" pour le quotidien 
régional "Le Télégramme", participation au comité des Fêtes…), puis à celle du canton.
              Militant un jour, militant toujours, où que ce soit et sous quelques formes que ce 
soit… Tout en participant aux rares événements politiques locaux ou nationaux de l'ère 
Mitterrandienne,  en tant qu'artiste vivant et travaillant à la campagne, je me suis mis en tête 
d'introduire l'art contemporain dans le champ de vision des gens que je côtoyais, avec lesquels 
je faisais par ailleurs d'autres choses et parmi lesquels certains(es)devenaient des amis(s)
Cela n'avait aucun rapport avec mes activités passées (participation à des luttes collectives 
contre le système capitaliste, tentative de création d'une force politique révolutionnaire…), et 
pourtant cela s'inscrivait logiquement dans mes aspirations ("changer la vie"), dans mon 
comportement (agir avec d'autres et pour les autres).

                                                           ° La création d'un espace d'exposition d'art 
contemporain dans la MJC (Maison des Jeunes et de la Culture), du canton.

              Malgré quelques réticences initiales, j'ai pu faire accepter l'idée de transformer le hall 
d'entrée de la MJC en mini­galerie présentant chaque mois les œuvres d'artistes de la région 
(peintres, graveurs, auteurs de bande dessinées, photographes…), sous condition que ces 

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créateurs soient porteurs d'une vision personnelle et novatrice, excluant donc les innombrables 
producteurs­reproducteurs de "chromos" et/ou de "bretonnitudes" tirant le présent et le futur 
vers un passé conservateur, immobile.
Mois après mois, j'ai réussi à convaincre des artistes plus ou moins connus­reconnus 
d'accepter de présenter leurs œuvres dans un endroit aussi peu prestigieux et mal protégé 
(mais que l'équipe de la MJC et moi avions tenté de rendre le plus acceptable possible). 
Passée la surprise initiale, les personnes fréquentant cette MJC se sont habituées puis 
intéressées à ces expositions. Et lorsque pour une raison ou une autre les murs et les cimaises 
restaient vides, nombreux(ses) étaient celles et ceux qui venaient le déplorer.
Vingt ans après, cette petite galerie bénévole existe toujours, répondant à la curiosité naturelle 
des Bretons et ayant participé à la modification de la perception de la "modernité" dans cet 
espace géographique limité.   

                                                           ° "Art Beaj".

              A l'occasion de la naissance d'une structure intercommunale aux objectifs multiples, 
j'ai proposé à sa commission culturelle la création d'une espèce de festival estival d'arts 
plastiques, les sept communes du canton accueillant dans leurs locaux (mairies, salles des 
fêtes…) durant un mois et au même moment sept expositions personnelles d'artistes à 
renommée régionale (voire internationale comme Ernest­Pignon­Ernest).
              L'organisation de cette manifestation a été épique, épuisante, acrobatique (contacts 
avec les municipalités, aménagement des locaux, recherche des subventions afin d'équilibrer 
un budget pourtant dérisoire de 20.000 francs, contacts avec les artistes, transport et 
accrochage de leurs œuvres, fléchage des lieux, réalisations d'affiches, plaquettes, embauche 
là où cela s'est avéré nécessaire de jeunes gardant ces expositions, location d'un autocar pour 
un vernissage itinérant passant par les sept communes concernées…)
Cela a réclamé l'équivalent plein­temps de trois mois de travail bénévole de trois personnes 
(Germain, directeur de la MJC ; Patrick, photographe devenu éditeur par le suite ; et moi), un 
recours permanent au "bricolage", de l'enthousiasme, certainement de la chance, de l'amitié, 
de la détermination face aux incidents de dernière minute (un maire épaulé par son Comité 
des Fêtes voulant interdire l'ouverture de sa salle après l'accrochage de photographies jugées 
"indécentes"…).
              La réussite des deux premières éditions de cette entreprise originale a aiguisé les 
appétits des "institutions", et l'Office Culturel Départemental a décidé de s'en emparer. Le 
troisième été de ce festival d'art contemporain a été le dernier car après avoir évincé les 
"amateurs" que nous étions, les "professionnels" de la culture se sont rendu compte, de 
l'ampleur du travail exigé, des coûts devenus énormes lorsque le salariat remplaçait 
l'enthousiasme bénévole et quand les rapports amicaux, généreux que nous avions établi avec 
les artistes précédemment devenait plus marchands, plus exigeants.

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              Il n'empêche que cette initiative un peu folle a marqué l'histoire de ce canton rural et 
la conscience de ses habitants. 
              Elle a favorisé l'activité artistique souhaitée par Gilberte Riou l'initiatrice de 
l'Association de la Vallée du Perrier, elle a contribué à la création de parcours musicaux et 
plastiques dans des communes avoisinantes. 

LA DIVE FORCE ASSOCIATIVE.

              Jusqu'au début des années 90 j'ai considéré l'action associative comme secondaire, 
accessoire.

              Je n'avais pas participé, et pour cause (!), à la vie des mouvements féministes des 
années 70  (sinon très indirectement par les échos que me transmettait Christiane). Je n'avais 
pas perçu que se construisait là, sous des formes inédites, une force singulière aux effets 
éminemment politiques, alors qu'elle ne semblait pas vouloir s'exercer sur ce terrain­là. J'étais, 
comme beaucoup, trop prisonnier des schémas marxistes et léninistes pour comprendre que la 
lutte contre le système dominant pouvait, et devait, inventer de nouvelles formes de 
mobilisation, de rapports humains, d'organisation non symétriques de celles imposées par la 
classe dominante, niant le centralisme hiérarchique, la discipline... 

              J'avais bien ressenti le même sentiment d'étrangeté, mêlé de curiosité et d'admiration 
en voyant se développer une organisation de  quartier dans le grand ensemble Bellevue à 
Nantes où nous habitions. Madame Launay, dotée d'un courage et d'une générosité sans 
limites, avait peu à peu regroupé, les familles de la rue du Drac, proches ou en dessous du 
seuil de pauvreté, pour assurer le ravitaillement de toutes et tous au moindre coût. Chaque 
semaine des groupes différents se chargeaient de recenser les besoins des familles, d'effectuer 
les achats collectifs ou de récupérer les denrées invendues au Marché d'Intérêt National de 

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Nantes (équivalent local de Rungis) et d'assurer leur transport D'autre part des relations 
s'étaient nouées par notre intermédiaire entre les habitants du quartier et les paysans 
révolutionnaires de la région nantaise, et cela avait débouché sur la création d'une forme 
supérieure de "jardins ouvriers". Les agriculteurs prêtaient une petite partie de leur sol et une 
"assistance technique" aux familles qui venaient y faire pousser, donc quasiment gratuitement, 
des légumes.
D'autres formes de solidarité de toutes sortes se développaient parallèlement, féminines entre 
autre, d'aide aux femmes battues (en parlant "fermement" au mari), ou contre le mariage forcé 
de gamines. Des hommes construisirent un bateau, des vacances sous tente au bord de la mer 
proche où tout le monde se nourrissait principalement de coquillages furent même organisées. 
Cette auto­organisation, sans hiérarchie, sans adhésions formelles, sans soumission à un 
quelconque appareil ou structure, soudait la population et lui permettait de conquérir une 
autonomie financière en s'infiltrant dans les interstices économiques existants.
C'était un prolongement "naturel" du formidable mouvement populaire de Mai 68 porteur 
d'aspirations égalitaires, de libération des énergies individuelles au service du bien commun, 
d'insoumission face aux carcans économiques, sociaux, idéologiques fabriqués par le Pouvoir. 
              Là encore je n'ai pas réalisé le rôle pionnier, exemplaire de ce genre d'initiative.

              J'ai bien sûr été actif dans les groupes locaux de parents d'élèves (FCPE). J'y ai 
rencontré des femmes remarquables comme Madame Lannier. Nous avons réussi à imposer 
des cours d'arabe à l'école primaire pour permettre aux enfants de conserver leurs racines, la 
participation des représentants de parents d'élèves au Conseil d'Etablissement en collège, 
organisé des débats publics sur la pédagogie, combattu le projet de fichage "GAMIN" des 
enfants, aidé l'introduction de disciplines artistiques, organisé des fêtes…
              C'était intéressant comme toujours, comportait parfois des luttes acharnées, mais 
d'une portée très limitée.      

              Je n'ai pris goût à l'action associative (et commence à considérer que c'était le lieu 
privilégié de construction politique du futur) qu'en arrivant à Sarcelles à la fin des années 80.

            

Le combat associatif à Sarcelles (1989­1998). 

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Quelques données descriptives de la ville.

              Sarcelles a été la première ville moyenne construite totalement artificiellement par 
décision d'Etat, conçue par des urbanistes­rois, des architectes imprégnés de conceptions 
modernistes/formatées, tendant au plus faible coût par la multiplication cellulaire de modules 
identiques empilables, juxtaposables. (D'autres "villes nouvelles" ont poursuivi bien plus tard 
cette logique : Marne­la Vallée, Saint Quentin en Yvelines, Cergy…).
En 1958, il s'agissait de déporter la population ouvrière parisienne mal logée dans une relative 
lointaine banlieue. La fin de la guerre d'Algérie en 1962 coïncidant avec le plein essor 
bâtisseur déployé en ce lieu, nombre de familles "pieds­noirs"(souvent de confession juive) 
ont été envoyées, elles aussi, dans cette "ville nouvelle".
              Trente ans après le démarrage des premiers chantiers, l'humain colonisait cette 
abstraction, cette fameuse "ville­dortoir". Commerces, agences bancaires, structures sociales 
s'étaient implantés. Les arbres avaient poussé. La ville était subdivisée en quartiers distincts, 
ayant leur histoire, leurs problèmes particuliers et dans certains cas une identité 
communautaire (Ne comptant que quelques centaines d'habitants originaires du lieu, les 
60.000 autres se répartissaient  à peu près également entre une bonne moitié de Français 
métropolitains ­ notamment Parisiens, Bretons…­ et une petite moitié fractionnée en 92 
origines différentes venant des Antilles ­environ 6000­, de Turquie ­2000 assyro­chaldéens­, 
d'Algérie ­ près de 20% de la population sarcelloise est constituée de Juifs séfarades "pieds­
noirs"­, auxquels s'ajoutait une mosaïque de petits groupes venus d'Afrique Noire, du 
Maghreb, et même d'Amérique latine.) Les communautés les plus importantes, et en tout 
premier lieu la communauté juive, s'étaient constituées en lobbies, entretenant des rapports 
clientélistes avec le pouvoir municipal, obtenant des privilèges conséquents…
              Dans cette ville d'habitat populaire (En 1990 les employés représentaient 40,5% de la 
population, les ouvriers 26,2%, les professions "intermédiaires" 19,2%, les cadres supérieurs 
et professions libérales 9,1%, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise 5 %. Le taux de 
chômage  s'élevait à 17 % et à peine la moitié des ménages était imposable sur le revenu.), 
c'était le P.C. qui détenait la majorité au Conseil Municipal dans les années 70.
En 1983 cette majorité était invalidée pour fraude électorale et avait été remplacée par une 
droite RPR dont certains éléments "flirtaient" avec l'extrême droite.
En 1989, malgré les consignes nationales, le P.C. s'était maintenu au second tour face au P.S. 
qui avait recueilli plus de voix que lui, et face au RPR qui profitait de cette triangulaire pour 
s'assurer une nouvelle majorité relative et verrouiller tous les organes de fonctionnement de la 
ville, entre autres ceux concernant l'activité associative. Le député­maire R. Lamontagne, face 
à la contestation menée par quelques associations majeures avait affirmé "les associations 
naissent, vivent et meurent, et moi je reste !"

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Ce combat, épique bien souvent entre la municipalité et une partie du mouvement associatif a 
contribué à la défaite du RPR aux municipales de 1995 et à son remplacement par une 
majorité d'union de la "gauche" menée par Dominique Strauss­Kahn.
Quelques mois après le changement d'équipe municipale, les associations "citoyennes" qui 
s'étaient rebellées contre l'autoritarisme RPR retrouvaient la même situation conflictuelle 
qu'auparavant, se confrontaient aux mêmes mécanismes, aux mêmes comportements 
arrogants (à quelques nuances près), ignorants, hégémoniques qu'elles avaient crues 
naïvement être l'apanage de la "droite". 

A/ Les associations de Quartier.

     
                                                 1. Le Comité de Quartier de Chantepie.

              A Chantepie, quartier de 5000 habitants, essentiellement logés en HLM, 46 % des 
actifs étaient des employés, et la population immigrée très faible. 
              Daniel Blanc, (permanent de la J.O.C. dans sa jeunesse, secrétaire de la cellule de 
quartier du P.C.F. avant l'auto­dissolution en 1988 de cette cellule en raison de désaccords 
concernant notamment la politique municipale, militant syndical à l'Office Public HLM 
d'Argenteuil) a entrepris en 1989 de substituer à l'ancienne cellule de Chantepie une structure 
plus ouverte destinée à défendre les intérêts immédiats des habitants du quartier.
              Après de débuts balbutiants, un noyau d'une bonne quinzaine de personnes s'est 
durablement constitué, réunissant quelques anciens du P.C., des retraités ou mères au foyer 
sans appartenance politique, un vieux "grenouilleur" de l'ex­PSU  et moi.
Je ne vais qu'esquisser grossièrement la vie et l'activité du Comité de Quartier Chantepie, 
oblitérant le grouillement de vie qu'il contenait, faisant l'impasse sur certains aspects peut­être 
essentiels. Si Daniel n'est pas satisfait de cette description, à lui d'inventorier et retracer toute 
l'histoire de son  Comité de Quartier!

              ­ Des assemblées Générales, annoncées par tracts distribués dans toutes les boites aux 
lettres se tenaient chaque mois dans le Local Commun Résidentiel, dit la Pyramide", situé au 
cœur du quartier. Des centaines (peut­être même des milliers de personnes) y ont participé, 
mais rarement plus de 30­40 à chaque fois, et encore  plus rarement les mêmes. Chacun(e) y 
exposait ses préoccupations immédiates ou plus générales (des débats houleux s'en suivaient 
parfois), et cela nourrissait le "cahier de revendication" du Comité.

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Les carences de l'action municipale et des Offices HLM (mais aussi de l'Etat puisque aucun 
Service Public à part l'école n'avait de relais dans cet équivalent  d'une petite ville, ni bureau 
des Postes, ni antennes CAF, Sécurité Sociale, ANPE/ASSEDIC, …) sont instantanément 
apparues (encadrement de loisirs proposés aux jeunes inexistants, confiscation des lieux de 
sociabilité, absences de moyens de transport vers le centre ville, bâtiments et espaces publics 
dégradés…)  

              ­ Les premières luttes eurent lieu pour s'approprier des locaux nécessaires aux 
réunions et aux activités.
La Pyramide (LCR) rétrocédée par les offices HLM à la Mairie, qui la louait à des particuliers 
souvent étrangers à la ville à l'occasion de mariages et autres festivités, a été réclamée et 
squattée assez durablement pour qu'elle devienne le lieu officieux d'activité du Comité de 
Quartier, puis ne soit plus offerte à la location extérieure.
Il a fallu parallèlement négocier, menacer, batailler (avec occupation symbolique répercutée 
par la presse régionale) pour récupérer, au profit des habitants du quartier, un ancien 
"pavillon" attribué par la municipalité aux associations d'anciens combattants qui n'y 
mettaient jamais les pieds.

              ­ Les premières subventions ont été arrachées (en jouant sur les divisions politiques 
entre la municipalité et le Parlement ), ont permis le financement de départ de certaines 
activités sociales.
S'appuyant sur la démonstration de l'utilité sociale du travail entrepris, des subventions plus 
conséquentes ont été acquises dans les années suivantes (FAS, CAF, DIV…)

              ­ Un journal de quartier qui recensait les problèmes soulevés par les habitants lors 
des A.G. mensuelles, par les adhérents de l'association, par les parents des élèves de l'école 
primaire et de l'école maternelle, les résultats des démarches ou luttes entreprises contre les 
deux sociétés HLM se partageant le patrimoine immobilier ou contre certaines décisions de la 
municipalité était (et est toujours) distribué dans toutes les boites aux lettres environ tous les 
deux mois.

              ­ Des fêtes de quartiers, des sorties familiales au bord de la mer et même des sorties 
culturelles ont été mises sur pied.

               ­ Des permanences ont été organisées pour aider à débrouiller les situations souvent 
compliquées face aux administrations. La solidarité et l'entraide empathique n'étaient pas 
absentes lors d'inondations ou incendies d'appartement pour aider à y faire face. Nous avons 
même tenté de mettre sur pied un comité anti­expulsion qui n'a eu l'occasion qu'une fois au 
début de notre existence de s'opposer aux huissiers et à la force publique (qui a préféré se 
retirer très vite de ce que le commissaire ressentait comme "une souricière").

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              ­ La bataille pour l'amélioration des conditions de logement et des espaces collectifs 
(éclairage, entretien de la voirie, du centre commercial de proximité, des bâtiments scolaires, 
des parkings), la création d'un espace sportif de proximité a été constante et menée 
conjointement avec la CNL.
Cela a même culminé en 2001­2002 dans un bras de fer titanesque avec la SCIC (filiale de la 
Caisse des Dépôts et Consignations propriétaire de la très grande majorité des logements 
sociaux à Sarcelles) qui avait décidé de vendre son patrimoine sans se préoccuper de ses 
locataires actuels. A partir de Chantepie, l'ensemble des quartiers sarcellois, puis d'autres 
villes concernées par le projet financier (la SCIC devait apporter une contribution non 
négligeable à la création d'une nouvelle banque européenne de première grandeur en mettant 
fin à sa vocation de bailleur social) se sont mobilisés (adresses multiples au personnel 
politique,  meeting, manifestations, menace de blocage du T.G.V. en gare du RER Sarcelles­
Garges, efforts de médiatisation…). La manœuvre, largement inspirée par DSK (D. Strauss­
Kahn, ancien ministres des finances du Gouvernement P.S., député­maire   de Sarcelles) a du 
être désavouée même par la municipalité de Sarcelles et mise (provisoirement ?) au rencard.

              ­ En l'absence de toute intervention municipale (et des autres structures territoriales et 
étatiques ), la prise en charge de l'ensemble des questions relatives à la jeunesse a constitué la 
priorité du Comité de Quartier.
Cela commençait par le soutien scolaire de gosses en grande difficulté assuré par les 
bénévoles de l'association mais aussi par des personnes embauchées par l'association en 
Contrats­Emploi­Solidarité (CES ou CEC), utilisant les ordinateurs achetés par le Comité, une 
bibliothèque extra­scolaire, des programmes mis au point par cette équipe…
Un éventail d'activités sportives et culturelles destinées aux enfants s'est déployé au fil des 
années (ping­pong, boxe, piscine, foot, basket… ; ateliers cuisine, activités manuelles 
créatives, initiations aux arts plastiques et à la musique, sorties au Louvre, au Musée des 
Sciences, au Jardin des Plantes, cours d'arabe …) impliquant bénévoles et moniteurs 
spécialisés recrutés par l'association.
L'embauche pour de longues années d'un animateur­éducateur de rue, remarquable 
d'efficacité, a été l'outil essentiel   d'une politique de prévention de la délinquance, de 
structuration sociale des jeunes, de responsabilisation des parents, d'insertion 
socioprofessionnelle d'une partie des plus "grands" guettés par le chômage et l'intégration 
dans des "bandes" désœuvrées, tentées par l'exercice de petits trafics en tous genres.

              L'excellence et la constance de ce travail de terrain ont contraint toutes les autorités 
(y compris et surtout les municipalités successives) à "composer" avec cet interlocuteur 
associatif détenteur d'un pouvoir "participatif" incontournable, à céder à ses exigences.
              En fait, c'étaient deux formes de "démocratie représentative" qui s'affrontaient, l'une 
issue des urnes et lointaine, l'autre reposant sur un bénévolat intense imprégné d'une 
connaissance intime des préoccupations matérielles et psychologiques de la population. La 
première disposait de pouvoirs économiques et coercitifs importants. L'autre s'appuyait sur la 
sympathie et la mobilisation épisodiques des "citoyens". Situation d'équilibre entre pouvoirs 

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et contre­pouvoirs dans la période actuelle. Seule une situation de crise entraînant une 
participation active de la population pourrait permettre d'accéder à une forme supérieure de 
gestion de la Cité, la démocratie directe. 

                                                 2. Brève relation du conflit persistant entre les associations 
et les représentants municipaux au sein du Centre Social Rosiers­Chantepie.

 
             Dans les trois centre sociaux (Les Vignes Blanches, Valéry­Watteau et Rosiers­
Chantepie) un "Conseil de maison" constitué de représentants des associations utilisatrices et 
animatrices de ces "maisons de quartier", du (ou de la) responsable du Centre social, de deux 
représentants de l'UACSCS (structure dont je parlerai un peu plus loin) et de deux 
représentants de la municipalité, était censé définir les orientations annuelles de la structure, 
du planning, de la répartition des activités tournées vers la population avoisinante, de gérer les 
tensions ou résoudre les conflits éventuels entre les divers groupes d'utilisateurs…
              Voulant parfaire sa maîtrise des équipements municipaux, la mairie RPR a décidé en 
1991 de licencier la Direction du Centre Social  des Rosiers, très liée à la population et aux 
associations du quartier pour la remplacer par un personnel plus fiable politiquement et issu 
d'une structure nationale liée financièrement à ce parti politique.
              Cette manœuvre a immédiatement été ressentie comme une agression par les 
quartiers Rosiers et Chantepie déjà très défavorisés par la politique municipale, excentrés, 
ghettoïsés, paupérisés. Les fortes tensions sociales latentes se sont exacerbées et le centre 
social   est devenu quasiment ingérable après la nomination d'un nouveau Directeur 
(inexpérimenté de surcroît et terrorisé par les jeunes sans emploi qui avaient trouvé jusque là 
dans le Centre un lieu d'accueil et de réconfort cachant à leurs yeux et à ceux du monde leur 
détresse morale, psychologique, financière…)
              Peu de temps après, en marge de la fête de quartier organisée depuis deux ans par les 
associations en relation avec le centre social, qui leur avait permis, lors des préparations de se 
rencontrer et mieux connaître,  une bagarre entre bandes de jeunes  a éclaté, se terminant par 
un coup de couteau mortel. Cet événement à l'impact émotionnel énorme s'est fondu avec le 
sentiment de haine envers la société et ses institutions qui rejetait ces jeunes, une municipalité 
qui les avait privé de la seule écoute qui leur restait. Dans la nuit qui a suivi, le centre social  a 
été complètement dévasté, pillé, détruit. Seule l'intervention constante durant deux jours et 
deux nuits des associations de quartier (et surtout de Nas, coordinateur de "Sarcelles­Jeunes") 
et l'intelligence du commissaire de Sarcelles a évité des affrontements gravissimes entre les 
jeunes et la compagnie de C.R.S. dépêchée dans le quartier.

              Dès lors, et jusqu'aux municipales de 1995 les relations entre les associations de 
quartier et la municipalité sont devenues antagonistes.   Les projets prévisionnels d'activité du 

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centre social élaboré par les associations ont été rejetées. La municipalité a tenté de revitaliser 
les associations moribondes qui lui étaient inféodées (et même de susciter la création 
artificielle d'associations fantômes) pour contrer le pouvoir de celles qui lui résistaient. Les 
réunions du "Conseil de maison", toujours houleuses, interminables, ont failli parfois se 
conclure par des empoignades physiques entre les deux camps.
Projets et contre­projets s'affrontaient continuellement, pouvoir (municipal) et contre­pouvoir 
(associatif) se confrontaient âprement sans qu'aucune victoire décisive ne s'impose.
              Toutefois, dans des conditions terribles, les associations ont poursuivi âprement leurs 
actions en direction et avec la population, ont continué à assurer la survie sociale des deux 
quartiers (Rosiers et Chantepie)

              Ce conflit d'une âpreté inouïe, dévoreur d'énergies, a largement débordé du cadre 
ghettoïsé de nos quartiers et a sensiblement contribué à la détérioration de l'image de marque 
de l'équipe municipale en place et a participé à sa défaite aux élections suivantes.   
              Notre contre­pouvoir (qui n'a pu résister que grâce à une solidarité inter­associative 
sans failles, à un engagement militant sans limites, à la conjonction de capacités tactiques et 
stratégiques individuelles assez exceptionnelle) avait survécu.

              Toutefois, les quelques mois d'euphorie consécutifs au changement de majorité 
municipale passés, nous avons du constater que loin d'être invités à partager (dans les limites 
de nos cadres associatifs respectifs ) le pouvoir de gestion municipale dans nos quartiers, 
notamment au sein de notre Centre social, nous n'avions pas d'autre choix que de poursuivre 
ce même combat pour l'autonomie, pour la prise en compte des aspirations et besoins de la 
population…
              "Droite", "gauche", aucun pouvoir ne supporte la contestation de ses décisions 
(même si elle provient de ses électeurs), la concertation équilibrée, la mise en commun des 
énergies et des intelligences, la mobilisation populaire…
              Depuis le changement de municipalité, à quelques nuances près (notamment le poids 
accru d'une technocratie administrative composée d'une multitude d'experts, de chargés de 
mission, d'agents de développement … généralement inexpérimentés, ignorants des réalités 
sociales, sans "convictions", mais souvent gonflés de suffisance …) la situation n'a guère 
changé.
Le centre Social Rosiers­Chantepie connaît les même soubresauts et les mêmes incapacités 
d'action qu'avant. Les semblants de concertation sont toujours aussi factices. Les conflits entre 
décisions municipales arbitraires et exigences sociales et associatives demeurent aussi 
virulentes.

              La démocratie représentative n'admet pas que le peuple se mêle de son propre sort, 
vienne s'immiscer dans la sphère "politicienne", prétende à une participation égalitaire à la 
conduite des affaires de la Cité.    

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                                                 3. Une bataille juridico­politique victorieuse dans une 
structure (UACS) supra­associative et para­municipale.

              Le récit, même détaillé et illustré par les très nombreux documents qui ont ponctué 
cette lutte d'influence à l'intérieur du principal instrument de pouvoir de la municipalité sur et 
contre le mouvement associatif sarcellois, resterait probablement hermétique pour celles et 
ceux qui n'y ont pas été mêlés. Pourtant cet épisode a constitué un des points culminants du 
combat entre le pouvoir municipal et le contre­pouvoir associatif, et révèle une autre facette 
de la constitution possible d'une force populaire alternative à l'action de partis "politiques" qui 
ne proposent plus de projets sociétaux, se contentent  de gérer leurs propres intérêts et ceux du 
capital ultra­libéral mondialisé.
              Pour préserver leur indépendance, conquérir des espaces d'autonomie, aider 
l'expression des préoccupations populaires et leur solution, les associations doivent et peuvent 
s'insinuer dans les failles du système dominant, les élargir jusqu'à rendre branlant cet édifice.
Cela ne vaut bien sûr que dans la perspective d'une émancipation  généralisée et s'oppose à la 
recherche de niches confortables par de micro­notables.

              Je tente donc de synthétiser le mieux possible ce fragment de lutte au sein d'une 
institution inféodée à la municipalité, menée jusqu'à la dissolution de cet instrument.
              A l'origine, dans les années 60, l'UACS s'était constituée pour regrouper les 
associations utilisant les locaux de la première "Maison de Quartier" afin d'harmoniser leurs 
activités, de favoriser l'élaboration d'un projet global d'intervention. Des statuts extrêmement 
détaillés, rigoureux, avaient été mis au point et adoptés par les fondateurs de cette Union 
d'Associations utilisatrices de ce Centre Social.  
Les constructions successives de deux autres "Maisons de Quartier" ont  automatiquement 
entraîné la croissance du nombre d'associations et sections locales d'organisations politiques 
adhérant volontairement à cette "Union". Elles étaient une grosse quarantaine au début des 
années 90) et la municipalité de "droite" y était massivement relayée par des organisations 
politiques (section RPR), pratiquement virtuelles (ancien combattants), ou simplement 
orientées idéologiquement (anciens marins, pieds­noirs…)
Forte de cette alliance, la mairie avait élaboré conjointement avec l'UACS une "Charte" 
permettant à la municipalité de contrôler les trois Centres Sociaux (Maisons de quartier) avec 
ce soutien/paravent supra­associatif. 

              Notre Comité de Quartier nouveau­né, novice, tendait ses antennes vers tous les 
organismes occupant l'espace social sarcellois (institutions comme la CAF, le FAS, le Comité 
local de Prévention de la Délinquance …, ou associatifs comme le Conseil de Maison du 

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Centre Social Rosiers­Chantepie). Poursuivant cette démarche, il a mené une bataille pour se 
faire reconnaître comme utilisateur de Centre Social afin de pouvoir adhérer à l'UACS.
Ceci acquis, Daniel m'a envoyé  me faire élire en Assemblée Générale annuelle de l'UACS au 
CA de cette "Union". Il ne s'agissait probablement dans son esprit que d'asseoir la légitimité 
de notre association et de recueillir des renseignements sur le contexte dans lequel nous 
évoluions. 

              Seul "petit nouveau", étranger politiquement dans un groupe d'une quinzaine de 
personnes relativement unies idéologiquement (deux ou trois d'entre elles étant toutefois 
tiraillées entre les associations qu'elles représentaient  et leur soutien ou soumission à la 
municipalité en place), j'ai d'emblée fait front (assez rudement), m'attirant le respect amusé ou 
médusé de certains(es) militants(es) "de droite".
              J'ai ensuite constamment évoqué les conflits paralysant le Centre Social Rosiers­
Chantepie, obligeant le CA de l' "Union" à intervenir (à contrecœur, à contre­courant) en 
faveur des associations de nos quartiers et donc contre la municipalité.
              Parallèlement, durant 3 ans (réélu de plus en plus massivement à chaque A.G. 
annuelle, y compris par des associations "de droite" reconnaissant à contrecœur la validité de 
mes positions et arguments), j'ai méthodiquement démontré le caractère  antidémocratique de 
la "Charte" signée avec la municipalité, ses lacunes, ses inadéquations et donc obligé l'UACS 
(et corollairement la municipalité ) à remanier constamment ce texte, agrandissant sans cesse 
la fissure entre la Mairie et son instrument "associatif", jusqu'au moment où, quelques jours 
avant les élections municipales de 1995 j'ai pu entraîner la moitié des représentants associatifs 
de l'"Union" à démissionner de leurs fonctions dans les instances "paritaires" existantes(avec 
publication dans la presse des termes que j'avais choisis pour exprimer notre désaccord avec 
la politique associative de la Mairie).
              Autre bataille juridico­politique qui a miné de plus en plus profondément les bases 
d'existence de l'UACS (et qui a abouti à l'auto­dissolution fin 95 de cet organisme) : la 
réforme des statuts de l'"Union".
Ces statuts, élaborés dans les années 60 lorsqu'il n'existait qu'une seule maison de Quartier à 
Sarcelles et que les conditions sociales et politiques étaient très différentes de celle des années 
90, n'étaient plus adaptées à la nouvelle situation. L'UACS et la mairie pensaient qu'il était 
nécessaire de les réformer.
Tantôt m'appuyant sur les statuts encore en vigueur pour dénoncer et faire annuler des 
décisions illicites de l'"Union", tantôt rédigeant (et faisant adopter en A.G. annuelle) de 
nouveaux articles facilitant le droit d'expression et de décision de toutes les associations, j'ai 
progressivement amplifié le porte­à­faux entre l'"Union"(présidée par la femme du Premier 
Adjoint) et la municipalité.  Peu à peu, dégoûtées, les "associations de droite" souvent peu 
actives ont déserté le terrain, les CA n'ont plus atteint le quorum et une dissolution de fait de 
cet organisme de pouvoir para­municipal a été entérinée. 

              Ainsi, même placé dans la situation du "poor lonesome cow­boy" jeté dans la "fosse 
aux lions" (pas vrai, Daniel ?), à condition de s'appuyer sur une action associative forte et de 

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mêler souplesse du comportement et rigueur intellectuelle dans le suivi de la ligne politique 
conductrice, il est possible de voir s'effriter les instruments de pouvoir, d'élargir le champ 
démocratique en retournant contre les dominants leurs propres instruments de pouvoir. 

                                                           4. Quelques réflexions concernant les associations 
d'habitants.

                                       ° Parallèlement aux lieux de travail, les lieux d'habitation concentrent 
une très grande partie des problèmes sociaux (logement, environnement, éducation, santé, 
loisirs, relations entre les strates sociales et "ethnico­culturelles", sécurité…)
              Ils constituent un des champs­clés du contrôle individuel et collectif sur la société. 

                                       ° Le terme d'"Association" recouvre une multitude de regroupements 
humains extrêmement hétérogènes, et il faudrait trouver des appellations qui distinguent sans 
trop d'ambiguïtés les diverses réalités, parfois antagoniques, rangées actuellement dans une 
seule et même catégorie.
­ Il y a d'une part les associations de type citoyen qui tentent de fédérer les personnes vivant 
sur un territoire relativement restreint afin d'améliorer les conditions sociales de toutes et tous 
en organisant des activités collectives, en menant des luttes contre tous les genres de 
nuisances possibles, en cherchant à étendre les espaces de liberté, d'autonomie, de 
responsabilité de la population. Les associations de quartier à vocation généraliste ou 
thématique (santé, loisirs, environnement…) rentrent dans ce cadre­là (encore faudrait­il 
différencier entre celles qui sont offensives et d'autres plus simplement prestataires de 
services ou gestionnaires des situations existantes).
­ D'autres, presque toujours thématiques, s'attaquent à des questions d'ampleur nationale 
(voire plus), même si elles essaiment en groupes locaux adaptant les grandes orientations aux 
spécificités du terrain.
C'est le cas des associations de lutte contre l'exclusion (AC !, MNCP, APEIS, DAL, Droits 
Devant, Emmaüs, ATD Quart­Monde, FASTI…), contre la "marchandisation " du monde 
(ATTAC, Drop the Debpt…), des O.N.G. (Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, 
Handicap International, C.C.F.D., Croix­Rouge…).
­ Le cas des associations "communautaires" (de très loin les plus nombreuses à Sarcelles) est 
encore différent. Leurs objectifs le plus souvent généralistes ne concernent que des publics 
ciblés confessionnellement et/ou ethniquement. Leurs rapports de dépendance­
interdépendance avec les pouvoirs (locaux notamment )sont généralement étroits (allégeance 

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contre subventions). Elles sont par ailleurs souvent réticentes à des relations inter­
associatives.
­ Beaucoup d'associations de loisirs (culturels, sportifs…) refusent de s'inscrire dans le champ 
des luttes sociales.
­ Les associations à but lucratif (A.R.C. et autres) n'ont rien à voir avec les précédents.
              Dans ce quatrième point, je ne fais référence qu'aux premières, aux associations de 
quartier "citoyennes".

                                       ° Certaines  Associations de Quartier constituent le creuset 
embryonnaire (et souvent inconscient ) d'élaboration concrète d'une alternative politique (au 
même titre que des syndicats comme la Confédération paysanne ou SUD, CNT…) aux 
ambitions mortifères du capitalisme ultra­libéral mondialisé.
De manière pragmatique (et non programmatique), en relation étroite (parfois fusionnelle) 
avec la population, assumant parfois les contradictions internes de celle­ci, tenant compte des 
réalités spécifiques environnantes, elles proposent des formes de vie en commun différentes 
ou opposées à celles imposées par les dominants.  Dans leur fonctionnement et leurs rapports 
avec les habitants elles ébauchent des perspectives de démocratie directe (même si des 
mécanismes hiérarchiques, des positions de pouvoir y coexistent avec la volonté sincère de 
prendre en compte la parole de toutes et tous).

                                       ° Alors que le mouvement associatif se développe considérablement 
(création de centaines, de milliers peut­être de nouvelles associations tous les ans) et pourrait 
se solder par un éparpillement des énergies, des concurrences fatales, un émiettement égoïste 
des intérêts populaires, une tendance à l'inter­associativité se dessine.
Sans perdre leur identité, nombre d'associations découvrent le besoin et l'efficacité de la 
concertation, de l'unité d'action, de la mise en réseau de leurs connaissances, de leurs 
capacités.
Outre les relations personnelles (irremplaçables), les moyens actuels de communication 
(téléphone, fax, Internet…) favorisent les échanges, les mobilisations conjointes 
immédiates…

A Sarcelles nous n'avons pu résister aux attaques municipales (et même vaincre ) que grâce à 
la solidarité inébranlable des associations regroupées dans le "Conseil de Maison " Rosiers­
Chantepie, et tout particulièrement de "Sarcelles­Jeunes", du Comité de Quartier Chantepie " 
et du "CQFD" (accentuée par l'amitié grandissante entre les "responsables" de ces trois 
structures, Nas, Daniel, et moi, avec nos parcours politiques antérieurs complémentaires : 
marxisme­léninisme africain, catholicisme­"communiste", maoïsme, et entre les autres 
militants bénévoles impliqués dans cette bagarre). 
Autre signe de cette recherche de synergies, d'unification­confrontation entre les associations 
sarcelloises, la M.J.C. de Sarcelles s'est improvisée "maître d'œuvre" d'un journal permettant à 

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chacune d'entre elles de présenter ses objectifs et actions d'une part, et d'apporter leur 
contribution à une réflexion sur un thème social différent à chaque parution. (La principale 
déception liée à cette entreprise a consisté en là quasi­absence de participation des 
associations de type communautaire ultra­majoritaires dans cette ville.)       

              A Marseille 25 associations très diverses se sont regroupées dans un "Collectif pour 
la défense du cadre de vie" dans les "quartiers Nord" (populaire) de la ville. Chaque structure 
conserve des spécificités, ses objectifs particuliers, mais la mise en commun des problèmes 
rencontrés permet d'imaginer des solutions globales satisfaisantes pour toutes et tous, de 
présenter une réponse alternative cohérente à  la "politique de la ville" de la municipalité.
Cela limite la capacité des pouvoirs municipaux de manœuvrer, d'opposer des revendications 
particulières à d'autres afin de les annihiler toutes. Cela augmente la crédibilité de l'action 
associative auprès de la population concernée (partagée entre résignation et choix 
protestataires lors des élections). Cela démultiplie les capacités de mobilisation des habitantes 
conduisant à la constitution d'une force de pression incontestable.

                                       ° En contrepoint de ces qualités, il est nécessaire de pointer les 
déficiences et les limites de ces structures associatives.

              Même si la plupart du temps ces associations de quartier échappent aux tares du 
fonctionnement hiérarchique, aux batailles stériles de pouvoir et indiquent de ce fait la 
possibilité de rapports humains et sociaux plus démocratiques, leur existence est largement 
tributaire de la personnalité de leurs fondateurs. S'il y a effectivement partage des tâches entre 
les adhérents, souvent un mépris général des titres attachés aux fonctions, délégation des 
rôles, rotation des fonctions quand cela est possible, les adhérents délèguent tacitement, 
implicitement un rôle décisif d'impulsion, de détermination des grandes orientations au(x) 
créateur(s) (créatrices) de l'association. Cette identification entre la structure et son "leader" 
fragilise le groupe et rend difficile bien souvent sa pérennité.

              D'autre part, dans la situation de dépolitisation intense, de culte de la réussite 
individuelle et d'atomisation sociale où nous sommes plongés depuis plus de 20 ans, le 
militantisme, le bénévolat ne peuvent être très en vogue, et donc le réservoir où puisent les 
associations s'amenuise et  vieillit (Une grande partie des adhérents a généralement vécu 
l'immense fraternité utopique de 68). Les ambitions limitées des associations de quartier 
paraissent souvent dérisoires aux nouvelles générations. Il est donc vraisemblable que de 
nouvelles formes, de nouvelles façons d'interpeller les habitants viendront remplacer celles 
que nous connaissons, occuper autrement cet espace  (même si c'est pour se confronter aux 
mêmes obstacles) et poursuivre la synthétisation des ambitions et résignations populaires.
              Enfin, la collectivisation de ces expériences associatives (qui permettrait à toutes et à 
tous d'avancer plus vite, plus loin, d'éviter certaines erreurs, d'expérimenter les succès acquis 
ça et là…) est actuellement impossible. Ces organisations sont très hétéroclites. leurs objets 

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vont de la défense de l'environnement à l'amélioration du logement social en passant par la 
prévention de la délinquance. Les situations locales diffèrent entre les grandes cités­dortoirs, 
les quartiers pavillonnaires, les communes semi­rurales… La taille, l'âge, la composition, le 
budget, le recours aux subventions ou aux cotisations accentuent les différences.
Il faudra parvenir un jour (mais comment ? en passant par des assises associatives 
citoyennes ?) à élaborer une grille d'analyse des situations et des actions pour que les 
échanges inter­associatifs à grande échelle prennent du sens, enrichissent ces partenaires 
"naturels", favorisent l'épanouissement généralisé d'une politique sociale alternative. 

B. Construction locale d'une association de lutte contre le chômage et la misère.

                                                 1. C.Q.F.D. (1993)

                        Au bout de deux ans de militantisme  à corps perdu dans le milieu associatif 
sarcellois, j'ai ressenti un manque de réflexion et d'action plus "politiques".
Nous étions plusieurs, orphelins d'organisations reniées ou disparues (africaine comme la 
FEANF, maoïste, P.C., PSU…) à ressentir ce besoin de discuter des problèmes globaux du 
monde, de notre société, des perspectives de construction d'un autre avenir. Nous savions par 
ailleurs que nos associations respectives ne pouvaient pas, sous peine de contradictions 

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internes trop fortes, s'impliquer directement dans des luttes trop éloignées des préoccupations 
immédiates des personnes qu'elles rassemblaient.
                        J'ai donc eu l'idée de créer en avril 1993 une nouvelle association, le "Collectif 
de Quartiers pour un Forum Démocratique " (C.Q.F.D.) qui pourrait remplir ce rôle et 
rassembler les militants associatifs aspirant à répercuter localement les problèmes généraux de 
la société.
                        Durant les premiers mois, à part l'implication totale dans les batailles du 
"Conseil de Maison" Rosiers­Chantepie et dans l'UACS contre l'autocratisme municipal, nous 
nous sommes contentés d'une espèce de club de discussions sans parvenir à déboucher sur des 
opérations concrètes. Puis, en janvier 1994 nous avons participé à la mobilisation sarcelloise 
(enseignants et parents d'élèves essentiellement) pour la défense de l'école publique. Nous 
avons appelé (tracts,…) aux manifestations nationales contre le racisme et la loi Debré en 
février 94.
                        Mais c'est en mars 94 que le CQFD a commencé à s'aventurer dans ce qui allait 
devenir son champ de lutte sociale spécifique et principal nécessitant à la fois une action 
locale et une remise en cause générale du système capitaliste, celui de la bataille contre le 
chômage, la misère, l'exclusion.

                                                 2. La rencontre avec AC! (1994)

                        Le mouvement "Agir ensemble contre le chômage" (AC!) est né en 1993 de la 
volonté d'une bonne centaine de syndicalistes issus notamment du "Groupe des Dix" (dont 
tout particulièrement SUD­PTT) ou en opposition à la CFDT (CFDT­ANPE et autres), à la 
CGT (CGT­Finances et autres) de démontrer que le chômage galopant (plus de 3 millions 
d'inscrits à l'ANPE, plus de 5 millions d'actifs sans emploi) ne constituait pas une catastrophe 
naturelle à laquelle on ne pouvait que se résigner mais résultait au contraire d'une logique 
capitalistique impitoyable qui devait être combattue conjointement par les salariés et les 
chômeurs(euses).
Le premier acte spectaculaire, s'inspirant des "marches des gueux" des années 30 (et même 
peut­être des remises de cahiers de doléances du Tiers­Etat en 1789), a été l'organisation d'une 
"Marche Nationale contre le Chômage" partant de tous les coins de notre hexagone pour 
converger vers Paris le 28 mai 1994.
                        Je crois que c'est Christiane, lectrice assidue du Monde, qui nous a 
immédiatement convaincus de nous impliquer dans cette initiative.
                        Nous avons donc organisé une réunion publique à Sarcelles, annoncée par 
tracts, le 25 mars 1994 avec la participation de Laurent, militant de l'Alternative Libertaire 
faisant partie du groupe parisien organisateur  de cette Marche.

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                        A la suite de cette réunion, j'ai contacté toutes les associations, syndicats 
locaux et partis politiques "de gauche" afin de constituer un "Comité sarcellois d'accueil de la 
Marche des Chômeurs" venus du Nord de la France. (pour le "fun", mais aussi pour qu'on 
comprenne les péripéties des années suivantes, je signale au passage que les "jeunes loups du 
P.S.", François PUPPONI, Didier ARNAL, Jean­Luc PORCEDO…, qui s'y sont joints y ont 
connu leur première, et dernière, expérience sociale militant avant de devenir après les 
municipales du 95 Maire, Maires­adjoints…).
                        J'ai "négocié" par ailleurs avec les initiateurs de la Marche pour qu'au moins 
une partie des chômeurs du Nord traverse avec notre soutien le Val d'Oise en passant par 
Sarcelles avant d'être pris en charge par les militants de la Seine­Saint­Denis.
                        Avril et mai 94 ont été deux mois de frénésie, de folie intense. Des dizaines de 
milliers de tracts ont été distribués, en particulier aux gares de Sarcelles à 6 heures du matin et 
17  heures, de nombreux collages d'affiches effectués la nuit, des réunions incessantes avaient 
lieu avec les partenaires sarcellois, mais aussi avec la CNT de Cergy qui accueillait les 
marcheurs avant nous, avec les municipalités avoisinantes détenues par le P.S. ou le P.C… 
Les solutions technico­politiques trouvées étaient fréquemment remises en cause, ce qui 
obligeait à en imaginer d'autres…
Inutile peut­être d'ajouter que la municipalité RPR de Sarcelles était opposée à cette initiative 
et nous a compliqué à plaisir la tâche.
Etant donné l'imminence du rendez­vous parisien de toutes les Marches, la longueur de la 
traversée du Val d'Oise, de Cergy à Saint­Denis, nous avons opté pour une tournée en car 
d'une journée du département avec haltes­meetings à Bouffémont, Domont, Ecouen, Villiers 
le Bel, avec dépôt de "cahiers de doléances" dans chaque mairie, apéritifs et restauration, 
avant de parvenir à Sarcelles. Une manifestation de plusieurs centaines de personnes a 
traversé alors Garges et Sarcelles (peut­être la première fois depuis la naissance de cette 
"ville­dortoir"). J'ai pu imposer tout de même la réception d'une délégation des marcheurs à la 
mairie de Sarcelles que j'avais contacté. Une réunion publique s'est tenue à la maison de 
Quartier Valéry­Watteau (une centaine de personnes y ont participé). L'hébergement d'une 
nuit a été fourni par la tendance "rénovatrice" du P.C. qui détenait la municipalité de Garges.
                        Le lendemain nous avons emmené en voiture les "marcheurs du Nord" jusqu'à 
Saint­Denis et avons participé à leur manifestation dans les rues de cette ville, dernière étape 
avant Paris.
                        Le 28 mai, nous avons entraîné quelques dizaines de Sarcellois à la 
manifestation parisienne de 10 à 20.000 personnes clôturant ce surgissement d'une révolte 
contre l'exclusion socio­économique de millions de personnes dans notre pays.

                                                 3. Implication constante dans les luttes de l'immigration et 
autres.

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                        Même si la participation au développement d'AC! est devenue dès lors 
l'occupation dévorante du CQFD, nous avons continué à nous associer à d'autres batailles 
sociales déterminantes pour l'avenir de la démocratie chez nous (immigration, 
internationalisme, logement, féminisme…), qui recoupaient d'ailleurs parfois le combat pour 
l'emploi et le revenu de toutes et tous, et avons poursuivi notre lutte conjointe à celle des 
autres associations "rebelles" sarcelloises pour l'extension de la démocratie communale, la 
reconnaissance du contre­pouvoir associatif.
              
                        Ainsi nous avons participé aux "Journées des Droits des Femmes" à Sarcelles 
en réalisant des panneaux sur l'histoire du féminisme, sur la situation actuelle des femmes 
dans la société (Je me souviens d'Aïcha expliquant aux jeunes générations comment avec 
modération mais fermeté il fallait faire respecter par sa famille comme elle l'avait fait elle­
même une vingtaine d'années auparavant le droit à épouser le mari de son choix…), en 
intervenant dans les débats publics consacrés à cette question, en éditant des documents, en 
participant à la manifestation de la CADAC le 15 novembre 95, très nombreuse 
(annonciatrice donc sans que personne ne s'en rende compte du formidable déferlement 
populaire du Juppéthon de décembre 95), en appelant par tracts à la manifestation du Collectif 
National pour les Droits des Femmes en novembre 97 réclamant de vrais emplois et du temps 
pour vivre pour les femmes. Nous avons été amenés à la demande de certaines femmes à 
collaborer de manière épisodique avec le Centre Sarcellois d'accueil des "femmes battues".
 
                        Avec le DAL (Droit au logement) et AC!, nous avons connu la réquisition de 
l'immeuble de la COGEDIM, rue du Dragon à Paris, essuyé les coups de matraque (et autres) 
lors de l'essai de transformation de ce lieu en Université Populaire. Nous avons même été 
chargés temporairement de relayer le DAL dans le Val d'Oise pour aider les mal­logés et 
expulsés du département à se défendre.

                        Conjointement avec le MRAP sarcellois, et aussi avec d'autres associations et 
même la mairie, nous avons co­organisé des journées de lutte contre le racisme, édité une 
petite plaquette sur les droits des étrangers en France, et même été tentés de constituer un 
organisme de lutte local contre le Front National. 
             
                        Nous avons participé aux manifestations parisiennes de soutien au peuple 
bosniaque, de condamnation de la répression des étudiants chinois de la place Tien An Nem, 
d'exigence du droit d'asile pour les Algériens persécutés par les islamistes ou par le pouvoir 
militaire en place…
Nous avons organisé le déplacement en car de Sarcellois en mars 95 jusqu'à Nantes où se 
déroulait une manifestation nationale dénonçant le refus gouvernemental d'accorder ce droit 
d'asile aux réfugiés politiques algériens.

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                        De même, à l'appel d'une association sarcelloise communautaire (Alif A), nous 
avons constitué un comité inter­associatif d'intervention à l'aéroport de Roissy en cas 
d'expulsion des maîtres auxiliaires étrangers débauchés par l'Education Nationale.
                        Car la grande affaire de cette période (95­2000), celle qui a investi le champ du 
politique, hors de l'arène politicienne, qui a réveillé les consciences et réflexes engourdis par 
le règne mitterrandien et assommés par les coups de barre (sic) du néocapitalisme ultra­
libéral, cela a été la lutte inouïe des "sans­papiers".
A la suite des sans­travail (Marche nationale de chômeurs), des sans­toit (opérations de 
réquisition de logements vacants par le DAL et le CDSL), une nouvelle catégorie de sans­
droits venait réclamer à la République la reconnaissance de son existence, la fin de son 
calvaire, l'obtention des conditions élémentaires de survie dans toute société dite 
"civilisée" (ne parlons même pas des auto­proclamations ronflantes de "patrie des droits de 
l'Homme", berceau des Lumières"…)
Etrangers parmi les étrangers, africains, asiatiques, kurdes…, ils exigeaient tout (tout ce qui 
est un minimum vital) : droit au séjour, droit au travail légal, droit au logement, droit à 
l'éducation pour leurs enfants…Sans illusions ils se heurtaient au racisme latent d'une 
puissance coloniale. Innocemment, ils s'opposaient aux intérêts du Capital qui se nourrissait 
de leur travail clandestin pour réaliser de superprofits, pour précariser et sous­payer les bas­
salarié(e)s, pour entretenir résignation et racisme chez les chômeurs (euses).
L'audace de leur sortie d'un monde "invisible, la légitimité de leurs prétentions ont ressuscité 
les intellectuels (surtout dans le monde du spectacle) et une partie de la France bien 
anciennement soixante­huitarde, généreuse, tiers­mondiste, que le règne de l'argent et de la 
concurrence interindividuelle avait somnanbulisée.
Nous avons naturellement rejoint toutes les manifestations qui ont émaillé ce réveil politique, 
de celle regroupant plus de 100.000 personnes à Paris contre la loi Debré (nouveau code de la 
nationalité ) à celles de quelques dizaines de personnes prévenues on ne sait comment, de 
celles accompagnant l'occupation de l'église Saint Ambroise à celle, rageuse, nombreuse, 
émotionnellement très forte suivant l'expulsion à la hache, à la matraque et aux mousquetons 
de l'église Saint­Bernard.
Par ailleurs, nous avons aidé celles et ceux qui nous l'ont demandé à Sarcelles à établir des 
dossiers de régularisation, les accompagnant éventuellement à la Préfecture, nous liant en 
particulier à cette occasion avec l'association communautaire malienne ADDFEAP.
Nous avons même, avec la complicité de la nouvelle municipalité (un bon point à lui décerner 
puisqu'elle le méritait cette fois­là) procédé à l'embauche fictive par le CQFD d'un jeune 
Sénégalais pour empêcher son expulsion du territoire.
Après coup, je m'aperçois qu'il aurait peut­être mieux valu mener une campagne publique 
locale sur ce sujet et tenter davantage de faire bouger les associations communautaires (qui se 
sont pour la plupart prudemment tenues en retrait) que de nous précipiter plusieurs fois par 
mois à Paris.
Etait­ce possible alors que nous étions peu nombreux, plongés jusqu'au cou dans la tentative 
de construction d'un mouvement de chômeurs, dans les remous de la vie inter­associative 
confrontée au pouvoir municipal et multiples autres occupations…? Je n'en sais rien.

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                                                 4. La création du L.O.C.A.L. (1994­1997).

                        D'emblée, après le succès de la Marche Nationale contre le chômage, j'ai 
estimé qu'il était nécessaire de créer des "Maisons de la Solidarité", lieux stables de rencontre 
et d'organisation des exclus, tout comme le mouvement ouvrier de France avait inventé les 
Bourses du travail à la fin du XIXème .

                        Pour atteindre cet objectif, trois conditions devaient être réunies :
­ une immersion dans le monde du chômage destinée à connaître les mécanismes généraux, 
les particularités du bassin d'emploi, les organismes institutionnels intervenant dans ce secteur 
socio­économique, les problèmes cruciaux de chacun (e), et de commencer à constituer un 
petit noyau de "demandeurs d'emploi" (D.E.)  acceptant l'idée de la nécessité de luttes 
collectives.
­ trouver un lieu exclusivement affecté à l'accueil et à l'organisation des victimes collatérales 
des grandes manœuvres du capital financier (et, par voie de conséquence, des soubresauts du 
capital industriel)
­ obtenir les moyens matériels assurant le fonctionnement, l'information, l'action de ce pôle de 
lutte.

                        Fin 94, tâcheron obstiné, bœuf de labour attaché à son droit sillon, je me suis 
attelé à ces trois tâches et pendant cinq ans (94­99) j'ai assisté à toutes les réunions nationales 
ou Assises d'AC! et y suis intervenu, d'abord seul, puis en compagnie de quelques 
chômeurs(euses).

                                       ° Avec les copines/copains du CQFD qui parvenaient à se rendre 
disponibles, nous avons commencé à distribuer des tracts aux portes de l'ANPE et des 
ASSEDIC de Sarcelles, relayant le programme d'action défini aux "Assises" d'A.C.! Puis nous 
avons diffusé un questionnaire sur les dysfonctionnements de l'ANPE de Sarcelles, organisé 
des réunions entre nous et les DE à la maison de Quartier des Vignes Blanches, obtenu des 
rencontres conflictuelles avec la direction de l'ANPE permettant tout de même d'obtenir de 
petites améliorations de ce service, stabilisé autour de nous quelques chômeurs relativement 
désespérés/révoltés, qui nous suggéraient des pistes de revendication, nous accompagnaient 
dans nos démarches auprès des institutions et municipalités de notre "bassin d'emploi".

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                                       ° Dès le lendemain de l'élection municipale de 1995, j'ai commencé le 
siège du nouveau pouvoir municipal (exercé par une bonne part de celles et ceux que nous 
avions entraîné dans l'organisation de la traversée du Val d'Oise par la Marche Nationale 
contre le Chômage d'AC!) pour l'attribution d'un des multiples locaux municipaux vacants 
aux demandeurs d'emploi, à la centralisation locale de la lutte contre le chômage.
Ce qui me paraissait devoir être une simple formalité s'est transformé en bataille de longue 
durée (18 mois) faisant apparaître de plus en plus clairement la béance idéologique entre ces 
"jeunes loups" "de gauche" et une réalité sociale insupportable ("Qu'est­ce que tu veux ? Il te 
faut une belle pièce avec un grand bureau, deux fauteuils confortables et le téléphone?" Eh! 
bien non, je ne voulais pas d'un bureau aussi somptueux que celui de ces nouveaux élus, mais 
une salle assez grande pour contenir des dizaines de personnes dans un endroit de la ville 
suffisamment central, du matériel informatique, des pancartes, des banderoles… ).
                        Toujours accompagné par un ou plusieurs chômeurs lors de ces discussions 
avec divers adjoints de la Mairie, après avoir refusé un pavillon totalement excentré situé dans 
un lieu désert,  nous avons fini par obtenir la concession d'un local insatisfaisant à bien des 
points de vue (en étage, ni visible ni facilement accessible, sous les fenêtres du 
Commissariat…) mais bien placé (proche de l'ANPE, des ASSEDIC, de la Mission Locale 
pour l'emploi, de la Direction Générale des Affaires Sociales…) début janvier 97 auquel, par 
des affiches, des tracts, des photos nous avons immédiatement donné un aspect militant.

                                       ° Les moyens financiers de l'action :
                        Durant plus de 3 ans (avril 93­novembre 96), comme bien souvent dans notre 
vie militante,  nous avons fonctionné avec nos moyens personnels (cotisations minimes que je 
ne savais pas bien exiger, mais surtout dépenses couvertes par notre fric personnel, utilisation 
de notre téléphone, de notre fax, de notre voiture, tracts tirés par les uns ou les autres sur leur 
lieu de travail ou dans les autres associations…)
                        Ces moyens de fortune (sic), ce bricolage budgétaire permanent déjà 
insatisfaisant, limitant nos interventions lors de ces premières années, ne pouvait perdurer dès 
lors que la perspective d'une action permanente à plein temps contre le chômage, avec gestion 
d'un local associatif destiné aux chômeurs(euses) devenait imminente.

                        J'avais et j'ai toujours une position très nette et très ferme concernant la 
question des subventions :
                                  ­ Il s'agit de notre argent(à nous citoyens), collecté par l'impôt. Il 
n'appartient en aucune manière à ceux (Etat, organismes publics, collectivités territoriales 
diverses…) qui le gèrent  et doivent simplement être comptable de sa bonne (judicieuse, 
effective)utilisation. Il est donc tout à fait légitime, normal, que cet argent soutienne l'action 
d'associations œuvrant pour le bien public. Son obtention ne peut en aucune manière être 
perçue comme une faveur et créer un lien de dépendance entre les bailleurs et les associations 
( d'autant plus qu'il s'agit d'un outil institutionnel d'exercice de la démocratie et non pas de 

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caisses occultes destinées à l'achat de "clientèles"). C'est un des prolongements du droit 
constitutionnel d'expression.
                                  ­ L'obtention de subventions doit être considérée comme une des facettes 
du combat social général. La gestion des deniers des contribuables se doit d'être rigoureuse 
(même si les "affaires" concernant partis, "responsables" politiques, entreprises…infirment 
largement et constamment cette règle), et il me paraît normal que les subventionneurs 
exercent un contrôle sur l'utilisation de ces moyens financiers (communication des bilans 
d'activité, des comptabilités). Mais par contre ils n'ont absolument pas à juger de la nature des 
actions ainsi aidées, ce qui est pourtant leur penchant naturel. L'obtention de subventions doit 
être considérée comme une lutte pour la reconnaissance publique de l'activité des associations 
assortie d'une affirmation de leur indépendance et de leur autonomie. Et si le chien est amené 
à mordre la main de celui qui le nourrit, c'est que le "maître" est mauvais, et le chien doit 
continuer à la mordre pour contraindre le mauvais "maître" à continuer à assurer sa 
subsistance. Il vaut mieux (s'il faut aller jusque là) menacer le subventionneur récalcitrant que 
le craindre.
                                  ­ Face aux prétentions hégémoniques du pouvoir, directes ou insidieuses, 
il faut   sans cesse veiller à ne pas se laisser détourner (même inconsciemment ou 
innocemment) des objectifs définis par l'association pour s'adapter aux grandes orientations 
choisies par le pouvoir. Il faut une constante attention pour éviter les dérives, pour ne pas 
changer quelque peu d'activités parce que certaines assureraient plus facilement leur 
financement que d'autres. Par contre, on peut être aussi souple que voulu dans les termes de 
présentation des buts poursuivis si on sait être et rester intransigeant dans leur exécution.
                        
                        Après avoir en vain, sans espoir et sans besoin crucial déposé des demandes de 
subventions en 94 et 95, j'ai créé un scandale en 96 (évoquant face au Préfet chargé de la 
Mission Ville du Val d'Oise le sort réservé aux Fermiers Généraux en 1789. J'avoue m'être 
senti plus à l'aise quand j'ai  appris quelques mois plus tard que celui­ci était "mis en examen" 
pour avoir participé aux malversations de Carignon, maire de Grenoble, destitué, jugé, 
condamné.) face à son refus de soutenir notre action. Devant la tournure extrêmement violente 
de cette confrontation et le soutien affiché par Daniel (Comité de quartier Chantepie), Nas 
(Sarcelles­Jeunes) et Jacques (MJC), l'Etat a consenti à nous accorder 5000 francs et la 
municipalité s'est sentie obligée de compléter par une subvention communale de 
fonctionnement de 7000 francs(toutes deux payées fin 96).
Cela nous a permis d'équiper sommairement le local arraché à la Mairie fin 96 et d'attendre 
(grâce aux dons personnels et associatifs) l'échéance suivante.
                        Les années suivantes le boulot administratif et comptable requis par les 
nouvelles demandes de subvention a été pénible mais les résultats plus adaptés à nos besoins, 
à ceux des chômeurs (euses) qui s'adressaient à nous.
                        Le 13 janvier 1997, les trois conditions préalables à l'ouverture de notre 
L.O.C.A.L. (Lieu d'Organisation des Chômeurs et des Actifs en Lutte) étant réunies, l'espèce 
de "Maison de la Solidarité" qu'il me semblait indispensable d'instaurer pour une longue durée 
pouvait commencer à vivre.

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                                                           5. Quotidien et temps forts (1997­1998).

                                       ° Durant presque un an j'ai tenu trois permanences par semaine 
(lundi, mercredi, vendredi, de 9 heures à 12 heures), seul (ou accompagné parfois par un 
militant du CQFD ou un autre bénévole) dans ce lieu d'assistance technique (rédaction de CV, 
de lettres administratives, contacts avec les organismes compétents comme la CAF, la DGAS, 
la Mission Locale, l'ANPE, le service Logement de la Mairie, le Centre d'Accueil des 
Femmes battues…) et d'information sur les luttes collectives menées par AC! contre le 
chômage. En résumé, 125 permanences, 312 passages de D.E. enregistrés, rédaction de 21 
C.V., de 17 lettres de motivation, d'une douzaines de courriers administratifs divers (impôts, 
études, stages…), accompagnement d'une dizaine de cas spécifiquement féminins, d'autant de 
dossiers de régularisation d'étrangers, de problèmes de logement, au moins une douzaine de 
personnes ayant retrouvé un emploi grâce à l'association; extension des liens avec d'autres 
associations sarcelloises, et multiplication des rapports avec les institutions. Notre présence 
avec tracts aux portes de l'ANPE et des ASSEDIC était devenue constante.
                        Ces chiffres constituent les additions froides dont raffolent les 
administratifs(ves) qui taillent et baillent les subventions  des associations. Dans la "vraie vie" 
ils représentent la partie émergée de l'iceberg des détresses individuelles, de personnes 
humaines à bout de ressources qui tentent désespérément  de surnager dans les eaux glacées 
d'un système économico­social inhumain. (Et accessoirement, ils ne rendent pas compte du 
choc mental des bénévoles saisis par ces mains gelées qui espèrent encore un secours.)
                        A contre­courant de l'opinion dominante à cette époque dans AC!, nous avons 
estimé possible (avec l'élévation du niveau des subventions) et indispensable (avec l'ouverture 
tous les jours de la semaine) d'embaucher une C.E.S. (Contrat Emploi  Solidarité, dispositif 
ouvrant la possibilité à des chômeurs (euses) de longue durée de se réintroduire dans le monde 
du salariat en travaillant à mi­temps, avec obligation pour l'employeur de payer une formation 
professionnelle adjointe). après Isabelle qui nous a quittés au bout de quinze jours, Sébastiana 
est venue m'épauler à partir de la mi­décembre 97. Ouf! il était juste temps puisque le point 
culminant de l'action des chômeurs a débuté exactement à ce moment­là pour se poursuivre 
jusque en mars 98.

                                           ° La marche européenne contre le chômage (Amsterdam 14­6­97).

                        Après le succès de la marche nationale contre le chômage de 94 entraînant la 
naissance de nombreux collectifs locaux à travers toute la France, le développement d'autres 
associations de chômeurs (APEIS, MNCP, Comités CGT) sur notre territoire, mais aussi de 

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mouvements analogues à l'étranger, le démarrage de la construction d'une identité 
économique européenne (traité de Maastricht), AC! a imaginé la première Marche 
Européenne contre le chômage, toile d'araignée transfrontalière convergeant à Amsterdam la 
veille du Sommet Européen censé ébaucher les axes sociaux communs devant s'appliquer aux 
Etats membres de cette nouvelle entité, afin de peser sur les décisions prises lors de ce 
sommet. 

                        Entre début avril et la mi­juin 97 nous avons distribué des milliers de tracts à 
Sarcelles, effectué plusieurs collages d'affiches, tenu une réunion publique, vendu partout le 
Journal des marches Européennes, effectué des interventions dans les meetings électoraux de 
la campagne pour les élections législatives. Nous avons participé aux trois manifestations 
marquant le passage d'une des branches de cette Marche Européenne dans la région parisienne 
(occupation pour quelques heures du château de Versailles ­ et quelle fierté pour certains de 
nos militants d'avoir occupé la chambre du roi ! , Saint Denis, Paris). Nous avons recensé les 
personnes (salariés ou chômeurs qui souhaitaient défiler à Amsterdam contre le chômage, 
pour une Europe Sociale. Puis nous avons opiniâtrement harcelé la municipalité de Sarcelles 
afin qu'elle nous procure un car de 50 places pour la journée du 14 juin et nous l'avons obtenu 
à la dernière minute.

                        Les discussions incessantes durant ces longues heures du trajet aller­retour, la 
chaleur humaine de ce cortège de 70.000 personnes (chiffre de la police néerlandaise) venant 
de tous les coins du continent, le sentiment de faire partie d'une force unie et incontournable 
ont transcendé une partie des chômeurs (euses)que nous avions entraîné dans cette "aventure", 
ont rendu militants(es) certain(es) d'entre eux (elles).
Cela a donc contribué à cristalliser un noyau de chômeurs(euses) militant(es) autour de notre 
LOCAL.

                                                           ° Le Grand Hiver des chômeurs(euses)

                        Les Assises d'AC! d'octobre 97 avaient décidé l'organisation d'actions et 
manifestations pour la mi­janvier 98, ce qui a posteriori, indique une forte osmose entre ce 
mouvement et les sentiments diffus des exclus du monde du travail.
                        En effet, dès la mi­décembre une mobilisation inédite des chômeurs (euses) 
s'est traduite par des occupations d'ANPE ou d'ASSEDIC, à Marseille à l'initiative des 
Comités de Sans­emploi CGT, dans le Nord de la France par des comités locaux d'AC! et de 
l'APEIS.

                        Du mardi 30 décembre 97 au samedi 7 mars, par un temps glacial, nous avons 
distribué des milliers de tracts (8 différents, 25 diffusions) aux portes de l'ASSEDIC et de 
l'ANPE de Sarcelles, participé à 6 manifestations parisiennes avec nos pancartes et notre 
banderole, entraînant avec nous entre 10 et 15 chômeurs (ses) (C'était très peu et en même 

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temps pas si mal au regard de la difficulté de mobiliser sur des objectifs généraux, généreux 
mais impersonnels des personnes qui déployaient déjà une énergie désespérée pour tenter de 
survivre, de faire face à leurs détresses individuelles.)
                        Dans  le Val d'Oise, comme dans certains autres départements, les ASSEDIC 
ont décidé dès le 30 décembre de fermer les portes de leurs antennes, par crainte d'occupation, 
là où elles se sentaient menacées, à Cergy­Pontoise et à Sarcelles, ce qui nous a permis de 
tenir les premiers jours des mini­meetings sur le trottoir en compagnie des Renseignements 
Généraux. 

                        Face à cette insurrection inopinée (incompréhensible pour les "nantis" 
dominants appartenant à une couche sociale privilégiée et /ou aux appareils économiques et 
politiques ), le Gouvernement de la "Gauche plurielle" a fini par consentir, du bout des lèvres, 
du bout des doigts (et cette attitude ne s'oubliera pas) à "lâcher" un malheureux  milliard 
alimentant un Fonds d'Urgence Sociale à répartir avec parcimonie, et sur la base de dossiers 
complexes, aux plus démunis qui en feraient la demande.
              Les dossiers de demande de fond d'urgence sociale pouvaient être constitués par les 
ASSEDIC, les Missions Locales, la DGAS, ou par les associations de chômeurs. Ils étaient 
exhaustifs, longs à remplir et devaient être accompagnés par nombre de pièces justificatives.
Durant le premier trimestre 98, un climat de folie activiste a régné dans notre LOCAL. Outre 
la préparation et la participation aux manifestations auxquelles nous convions largement, nous 
(tous les militants de l'association s'impliquant à fond) avons établi 121 dossiers d'"Urgence 
Sociale" (avec un taux de 90% de demandes "satisfaites", alors que le taux de refus des 
dossiers constitués par les ASSEDIC avoisinaient ces mêmes 90%). Le LOCAL  ne 
désemplissait pas, les photocopieurs fonctionnaient en permanence…

                        Trois caractéristiques ont marqué encore plus qu'avant l'atmosphère que nous 
encouragions à se développer :
­ Une totale confiance entre nous et les personnes en détresse.
­ Une absence de retenue dans l'exposé des malheurs de chacun(e) vis à vis des autres qui se 
trouvaient dans des situations comparables, qui se rendaient encore plus compte qu'elles 
étaient victimes d'un système général et non pas de défaillances individuelles. La 
communauté des besoins aboutissait à des échanges de "tuyaux" de survie, à la naissance de 
sentiments de solidarité.
­ L'absence de racisme dans un lieu où chacun(e) livrait en public sa situation et où pourtant 
se côtoyaient africain(e)s, antillais(e)s, juif(ve)s et maghrébin(es)   …

                        90% des personnes qui sont venues demander notre aide administrative 
n'avaient jamais eu de relations avec quelconque service social, étaient "hors­monde", 
accédaient pour la première fois dans les échanges du LOCAL à une des facettes de la 
citoyenneté.
                        Les situations dans lesquelles se débattaient ces familles étaient à proprement 
parler inimaginables. J'étais à la fois bouleversé par l'ampleur des détresses qui se mettaient à 

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nu devant nous, mais encore plus par le courage indomptable (notamment des femmes)  de 
ces êtres humains qui luttaient opiniâtrement, jour après jour pour survivre eux et leurs 
enfants, conjoints, éventuellement parents…
                        A leur place j'aurais perdu tout courage et me serais jeté du haut d'une des 
innombrables tours ou barres sarcelloises.
                        Même les personnes traitant en Préfecture des dossiers que nous avions établis 
m'ont avoué avoir été rendues malades par la découverte indirecte de ces situations.
                        Ce moment a constitué un électrochoc pour la partie de la société qui a été 
amenée à mesurer cette misère intolérable. Mais sans illusions, nous avons pu nous rendre 
compte que tout s'oublie, surtout ce qui trouble les consciences, ce qui remet en cause les 
conforts intellectuels.

               

                                             6. La bataille pour sauvegarder le L.O.C.A.L. (juin­juillet 98).

                        Depuis janvier 97 (date de la "concession" par la municipalité d'un lieu 
associatif destiné à l'aide et à l'organisation des chômeurs(euses), plus de mille personnes 
(dont une bonne part illettrée car d'origine étrangère et qui donc étaient parvenues jusqu'à ce 
local plus par le "bouche à oreille", par des circulations orales d'informations que par nos 
diffusions de tracts) étaient venues partager avec nous et avec les autres "exclu(e)s" leurs 
problèmes, chercher des solutions et même pour certain(e)s s'impliquer dans des luttes 
collectives.
Tout changement d'adresse revenait dès lors à un sabotage de ce que nous avions bâti en un an 
et demi, à priver de repères celles et ceux qui y avaient trouvé la solidarité, les échanges… qui 
leur manquaient.
                        Pour ma part, obsédé depuis 95 par l'idée de la construction nécessaire de 
"Maisons de la Solidarité" ou "Bourses contre l'exclusion" constituant des bases de ralliement 
des victimes du Capital jusqu'à extinction de celui­ci, je cherchais en permanence à faire 
signer par la municipalité une convention non révocable de prêt du lieu qu'elle nous avait 
attribué de guerre lasse et quelle avait elle­même choisi dans son propre parc immobilier.

                        Rencontrant une fois de plus le Maire­adjoint Didier ARNAL à ce sujet, il 
m'annonce qu'il envisage de récupérer notre local. J'ai d'abord cru à une plaisanterie, puis je 
lui ai expliqué pour quelles raisons il n'était pas question de fermer ce L.O.C.A.L., ni même 
d'envisager son déménagement. Face à son insistance, je lui ai dit : "Si tu fais ça, ce sera la 
guerre entre toi et nous. Tu gagneras probablement puisque tu disposes de moyens de pouvoir 
supérieurs aux nôtres, mais toi et la municipalité subiront des conséquences de cette bataille 

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que vous regretterez" N'ayant jamais milité (sauf dans l'appareil du P.S.), il n'a pas compris 
cette mise en garde et s'est contenté d'en rire.
                        A notre réunion de CA, j'ai été le seul totalement déterminé à engager un bras 
de fer total avec la municipalité, sans la moindre concession, sans accepter même un 
déménagement de notre activité !
                        Je me suis donc lancé d'abord tout seul dans cette bataille, mais ai été ensuite 
rapidement soutenu par tous les militants de l'association.
                        Le 21 juin le premier tract était distribué à l'ANPE et aux ASSEDIC, apprenant 
aux demandeur(euses)d'emploi la situation et les appelant à venir remplir une pétition au 
L.OC.A.L. (108 signatures en quelques jours), et j'avais rédigé un courrier de demande de 
soutien que j'envoyai à toutes les associations sarcelloises et à tous les syndicats que nous 
avions déjà rencontrés à une occasion ou une autre et qui me semblaient susceptibles 
d'appuyer notre démarche.
                        Le 3 juillet, nous avons distribué de nouveaux tracts mettant directement en 
cause la municipalité, les orientations politiques et économiques du P.S. et P.C.
                        Du 25 juin au 8 juillet, 14 courriers ou fax de protestation sont parvenus à 
Didier ARNAL et au Maire de Sarcelles (7 associations sarcelloises majeures: Comité de 
Quartier Chantepie Sarcelles­Jeunes, Accueil et Culture, Confédération Nationale du 
logement des Rosiers, MRAP, Association Flandre­Picardie, lADDEFEAP, et 7 syndicats Val 
d'Oisiens: SUD­PTT, SUD­Télécom, SUD­Rail, Section CGT de la Caisse Primaire 
d'Assurance  maladie, Union Locale CGT de Sarcelles, SNUIPP de Garges lès Gonesse, 
CFDT­ANPE Ile de France) . Je les ai tous remerciés par courrier en septembre. J'ai 
également pris contact avec Yves Cochet, député Vert de notre circonscription (et dont le 
suppléant était Didier Arnal!)afin qu'il intervienne. Ce qu'il a fait. 
                        Nous avons distribué des tracts à la grande fête des associations de Sarcelles 
fin juin, harcelé tous les conseillers municipaux que nous  rencontrions ainsi que le Maire, et 
j'ai envoyé le 7 juillet un courrier à Didier ARNAL. le même jour un bel article paraissait 
dans "Le Parisien".
                        Le 9 juillet nous recevions une lettre de capitulation du Maire­adjoint nous 
annonçant le maintien dans ses lieux de notre association, et quelques mois plus tard la 
convention de mise à disposition pluriannuelle que je réclamais depuis plusieurs années.

Comme quoi une bataille politique qui se mène au grand jour devant et avec la population et 
en faisant jouer les solidarités associatives et syndicales peut­être victorieuse !

                             7. Préparation et réussite de mon départ (décembre 97 ­ septembre 98). 

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                        Tous(tes) les copains et copines de Sarcelles savaient de très longue date que je 
quitterais Sarcelles 10 ans après y être arrivé, donc aux alentours de 1998, mais personne ne 
semblait y croire.
                        A partir de septembre 97, j'ai systématiquement emmené avec moi les 
chômeurs(euses) les plus impliqués dans le fonctionnement du L.O.C.A.L. (rarement les 
mêmes) aux Assises Nationales d'AC! afin qu'ils(elles) s'intègrent davantage dans ce 
mouvement , s'imprègnent de sa dimension nationale, de ses valeurs, modes de 
fonctionnement et contradictions internes.
                        Le 1er décembre 97, nous avons renouvelé le bureau de l'association (donnant 
des responsabilités à de nouveaux militants salariés ou chômeurs, transféré le siège de 
l'association CQFD à l'adresse du L.O.C.A.L. que nous avions créé,et communiqué ces 
informations à la Préfecture. Nous avons pris la décision d'embaucher une personne en 
Contrat­Emploi­Solidarité (seul mode de salariat à notre portée) afin de pouvoir tenir plus de 
permanences au LOCAL (5 jours sur 7 au lieu de 3) et être certains que pas une seule fois les 
personnes venant nous voir se heurtent à une porte close (que ce soit en raison de distribution 
de tracts à l'extérieur , de réunions avec les institutions…)
                        Alors que jusque là j'avais été le permanent bénévole, le président, le trésorier 
et le secrétaire, de fait, de l'association, les tâches ont été réparties   avec séquences 
d'apprentissage de la comptabilité , du montage des dossiers de subvention, de participation 
aux rencontres avec les institutions locales…
                        J'ai par ailleurs multiplié et renforcé les contacts et relations entre le CQFD et 
certaines associations sarcelloises, avec des syndicats Val d'Oisiens, notamment SUD, avec 
les représentants des institutions municipales et sociales locales en les invitant à rencontrer au 
L.O.C.A.L. les adhérents du CQFD et/ou les "exclu(e)s" qui le fréquentaient. (Tout ceci 
m'ayant bien aidé à remporter la bataille ultérieure contre la municipalité  pour la sauvegarde 
de ce L.O.C.A.L.).
                        En juin 98 nous avons renouvelé et surtout renforcé le bureau de l'association 
en y incorporant de nouveaux membres.
                        En octobre nous avons embauché une personne supplémentaire, Hamid, pour 
faciliter encore davantage l'accueil des personnes en difficulté.
                        A la même date, j'ai établi le rapport d'activités de l'association pour les 9 
premiers mois de l'année que j'étais encore le seul à pouvoir inventorier.
                        Ainsi tout cet édifice bricolé en 5 ans, devenu une force socio­politique 
incontournable, efficace, légitime, connue et reconnue à Sarcelles, où co­existaient de fortes 
personnalités, où les débats politiques étaient particulièrement riches, l'amitié et la confiance 
réciproque également, mais qui paradoxalement (parce que chacun des membres était 
submergé par d'autres activités ) paraissait ne pouvoir exister et survivre qu'à travers moi, 
avait acquis en quelques mois la capacité de perdurer.
                        Sachant tout de même le besoin de toute collectivité de se rattacher à une 
"âme", j'ai demandé à Nas, ami et adhérent de la première heure du CQFD, très impliqué dans 
la vie de l'association  mais déjà surchargé par son travail de coordinateur des activités de 

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"Sarcelles­Jeunes" et malade (je ne savais pas à l'époque à quel point il était atteint), de veiller 
tout de même sur mon bébé  devenu grand.
Il n'y a pas manqué…

                                                           8. Depuis.

                        Mon départ a libéré les énergies et initiatives de celles et ceux ( comme Momo, 
Elizabeth, Aïcha, Ismaël, Nadia,…) qui jusque­là me déléguaient tacitement toutes les 
responsabilités (même si nos débats internes étaient foisonnants).

                        Le L.O.C.A.L.­C.Q.F.D. continue à participer aux initiatives d'AC! (deuxième 
Marche Européenne contre le Chômage à Cologne, Marche internationale des Femmes 
culminant à Bruxelles et nombreuses autres manifestations ou actions franciliennes…)
                        Mais il continue aussi à s'associer aux luttes de "sans­papiers", aux 
manifestations de soutien à la Palestine…
                        Et actuellement il est particulièrement en prise avec tous les problèmes liés au 
logement social, remportant même fin 2001 avec d'autres associations une bataille titanesque 
contre le principal propriétaire HLM de Sarcelles (la SCIC), contre la Caisse des Dépôts et 
Consignations (principal actionnaire de la SCIC), contre Strauss­Kahn, Premier ­Adjoint de la 
municipalité qui avait été, en tant que Ministre des Finances, le promoteur de cette opération 
visant à renforcer le Capital financier.

                        Nas est mort le 1er janvier 2000, plongeant dans la stupeur et le chagrin les 
jeunes des cités dont il avait été une sorte d' "oncle" bienveillant mais aussi marqueur de 
repères, le monde associatif sarcellois et tout particulièrement nous toutes et tous qui l'avions 
aimé dans le CQFD, dans le L.O.C.A.L.
                        C'est alors que "tout naturellement", le troisième mousquetaire" des batailles 
mémorables contre la municipalité RPR puis contre la municipalité "gauche" plurielle, pour 
l'amélioration du sort de chacun(e), Daniel, est devenu à son tour la nouvelle (troisième) 
"âme" de ce L.O.C.A.L. et du C.Q.F.D. Merci Daniel !

                        Cette petite histoire qui se fond dans la grande continue donc…

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                                                           9. Mes principes.

                        Aussi bien mes penchants naturels que mon adhésion au maoïsme (lesquels se 
sont toujours naturellement confondus) m'ont amené à appliquer dans mon combat social un 
certain nombre de règles de comportement  devant nécessairement se combiner pour être 
efficaces.

                                                 ° L'immersion.

                        J'ai toujours ressenti profondément le besoin d'être "comme un poisson dans 
l'eau" au milieu des gens pour, et avec qui, je souhaitais lutter.
C'est parce que je connaissais plus ou moins intimement environ un dixième des étudiants 
aixois avant 68 que mon ralliement à la Gauche Prolétarienne a été efficace. C'est en 
travaillant dans les ateliers durant de longues années que j'ai pu peser un peu sur les luttes 
ouvrières, faire pénétrer les idées révolutionnaires dans les usines. C'est grâce à une longue 
imprégnation du vécu des banlieues sensibles  où nous avons habité (Bellevue à Nantes, les 
Minguettes à Vénissieux, Chantepie à Sarcelles) que j'ai pu m'engager dans les combats 
associatifs de quartier.
De même je ne pouvais concevoir mon implication dans la lutte contre le chômage sans 
établir les liens les plus nombreux et les plus forts possibles avec celles et ceux  qui 
souffraient de cette exclusion. Je n'imaginais pas qu'AC! puisse exister sans associer des 
militant(e)s politiques, syndicaux…) et des chômeurs(euses).
                        C'est du peuple, quelles que soient ses strates, que j'ai toujours tiré la légitimité 
et la force de mes actions.
                        Le peuple en marche est un fleuve irrésistible, qui renverse tout sur son 
passage. Le problème est qu'il ne sait généralement pas (malgré les innombrables exemples 
historiques, les plus récents et marquants en France étant ceux de Mai 68 et de Décembre 95) 
et que les atomes qui le composent se sentent généralement impuissants, isolés, accablés.
Le rôle des militants, associatifs (surtout) et autres, consiste à favoriser la réunion des 
consciences individuelles, à favoriser la fédération, l'agglomération, la cristallisation des 
forces populaires, et non pas à les "guider" comme un maître conduit son âne.
                         Dans la terminologie maoïste (et j'incite tout le monde à se référer aux œuvres 
choisies de Mao­Tsé­Toung et même pourquoi au Petit livre Rouge) cela s'appelle "la ligne de 
masse", "servir le peuple", ou plus imagé "descendre de son cheval".

                                                 ° Le ralliement des alliances positives.

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                        J'ai toujours été conscient (sauf en 68) de la faiblesse (engendrée par son 
caractère minoritaire) du courant  radical dans notre société. J'ai donc toujours cherché, sans 
transiger sur les objectifs, sans affadir, ternir ou masquer l'idée révolutionnaire, à ne pas être 
enfermé dans le piège de l'isolement, à établir des passerelles avec les forces avoisinantes, à 
constituer un front commun face aux dominants.
Lorsque je travaillais en usine, j'ai toujours préconisé la stratégie des cercles concentriques 
créés par  la pierre jetée dans l'eau (constitution d'un noyau d'ouvriers révolutionnaires, liés à 
une fraction plus ou moins large de salarié(e)s en révolte latente. Cet ensemble constituant 
une force d'action, de proposition pouvait ensuite contracter des alliances ponctuelles avec les 
syndicats réformistes.
                       Depuis la création du CQFD en 93, je n'ai pas cessé de tenter de rencontrer les 
autres associations sarcelloises, d'établir des partenariats avec certaines d'entre elles, de 
participer à toutes les formes d'expression collective (journées contre le racisme, rencontres 
pour le respect des droits des femmes, journal des associations de Sarcelles, stands associatifs 
aux brocantes municipales sarcelloises, collectif des associations Rosiers­Chantepie, 
commissions diverses concernant la vie associative…). J'ai voulu faire connaître 
physiquement, humainement, notre LOCAL à diverses sections syndicales du Val d'Oise 
(SUD particulièrement, mais aussi CGT ).
J'ai également tenu à établir des relations étroites et personnelles (mêlant confiance mutuelle, 
cordialité, et conflictualité lorsque cela devenait nécessaire) avec les organismes sociaux 
(ANPE, ASSEDIC, CAF, DGAS, Mission Locale pour l'Emploi, Sécurité Sociale…), avec les 
services de la ville (logement, culture, administratifs divers…).
J'ai le sentiment, peut­être faux, d'avoir ainsi emmené tout le monde un peu plus loin de ses 
positions de départ et d'avoir empêché la marginalisation de notre action.
C'était ma façon, empirique et personnelle, de mettre en œuvre le concept de Front Uni 
employé par Mao durant la guerre sino­japonaise.

                                                 ° La douche écossaise.

                        J'évoque là une attitude toute personnelle, que je sais être très efficace mais 
que je n'arrive pas à théoriser de façon satisfaisante (permettant d'être reprise par d'autres).  
                        J'ai toujours su instinctivement mêler rapports personnels chaleureux, amicaux 
avec les adversaires (je ne parle pas d'ennemis de classe se posant comme tels) et une 
intransigeance révolutionnaire totale, alterner cordialité et soudaine férocité (je sais, c'est le 
truc connu du flic gentil et du flic méchant lors des interrogatoires, mais la singularité était 
que j'étais tout seul les deux à la fois, la Sainte  Dualité en quelque sorte).
Je pouvais embrasser chaque fois que je la voyais Madame Mestre, femme du Premier­
Adjoint RPR, Présidente de l'UACS, future responsable RPR de la 8ème circonscription du 
Val d'Oise, et combattre et démolir toutes ses initiatives jusqu'à sa défaite finale. 

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Je pouvais au cours d'une même réunion plaisanter et bavarder avec tout le monde et me livrer 
soudain à un accès de colère stupéfiant (souvent calculé) lorsque cela servait la cause que je 
défendais.
J'ai rarement combattu les individus et toujours les idées réactionnaires. Presque chaque 
personne me semble perfectible et je ne peux donc m'empêcher  de communiquer /
"communier" avec elle, par contre toutes les fonctions attachées à un pouvoir  me paraissant 
entraver la liberté, l'égalité, la solidarité je me suis constamment rebellé contre toutes 
prétentions se prévalant d'une prétendue supériorité.
                        Cette combinaison de chaleur  humaine, de positivité, et d'intransigeance 
idéologique, d'irrespect total pour les positions sociales était infiniment déstabilisante pour 
mes adversaires. Elle m'est naturelle, je la préconise, mais seulement pour celles et ceux qui 
se savent inébranlables dans leurs convictions.
                        Mao ne dit rien à ce sujet !

                                                 ° L'égalitarisme absolu.

                         Je ne parle pas ici des rapports sociaux entre classes (je connais les 
oppositions marxistes, léninistes et modernes à ce sujet), mais de comportement individuel.
                        D'accord avec les Révolutionnaires de 1793 (un homme ­il faut y rajouter une 
femme­ égal une voix !), je considère donc tous les individus égaux en droits. De la même 
façon qu'il ne me viendrait pas à l'idée d'être condescendant face à une mère de famille 
immigrée croulant sous les dettes et les tracasseries administratives, d'utiliser un jargon 
incompréhensible pour elle, je n'ai jamais vu la raison de me sentir inférieur à quiconque, fût­
il ministre.
J'ai toujours veillé à adapter mon langage à ceux à qui je m'adressais, à ce qu'un climat 
d'égalité (et si possible de camaraderie) règne dans notre L.O.C.A.L.. Inversement, je n'ai 
jamais toléré la moindre marque de supériorité des détenteurs du pouvoir. C'est la raison pour 
laquelle j'ai obstinément tutoyé Dominique Strauss­Kahn, notamment lors des réunions 
publiques où on lui donnait du "Monsieur le Ministre". J'ai eu la même attitude face aux 
autres détenteurs de pouvoirs (institutionnels, municipaux…). Ce tutoiement marquait pour 
moi cette égalité naturelle. Je ne vouvoyais que les femmes plus âgées que moi ou les 
personnes qui m'étaient totalement étrangères (hors­monde) comme le Préfet du département, 
ou que je considérais comme des ennemis mortels (Raymond Lamontagne lorsqu'il était 
député­maire RPR de Sarcelles)…
Quelle que soit la manière dont cela se manifeste, il m'est toujours paru évident qu'il fallait 
manifester le refus de s'incliner devant les hiérarchies (forcément iniques) et forcer les 
dominants à s'asseoir à la table de l'Egalité.

                                                           ° La photosynthèse (du social et du politique).

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                        J'ai toujours pensé que "travail social", luttes locales (corporatistes ou non) et 
pensée politique globale devaient être constamment et inextricablement liés.
                        Dans les deux journaux d'entreprise que j'ai impulsé ("Le Feu aux poudres" 
chez PARIS­SA à Nantes, "Le Vent des usines" à la SNAV de Vénissieux) coexistaient 
toujours des articles sur les questions concernant directement les conditions de travail , les 
questions internes diverses, et des articles consacrés à l'analyse de la situation planétaire, aux 
luttes étrangères…

                        Au LOCAL, il me paraissait impérieux de suppléer aux carences du régime 
social en venant en aide concrètement aux exclu(e)s, à la fois pour gagner leur sympathie et 
leur confiance, mais aussi parce qu'il me paraissait élémentaire de tenter tout ce qui était 
possible pour soulager (même momentanément et partiellement) leur détresse.
                         Mais par ailleurs, les murs du LOCAL étaient constamment couverts 
d'affiches appelant à des luttes collectives contre le chômage, de panneaux rappelant notre 
participation  à la Marche Nationale de 94, à la Marche internationale d'Amsterdam… Nous 
expliquions sans cesse que nous n'étions pas un "service social" de plus, mais un centre local 
d'implication dans les batailles contre l'exclusion et que chacun(e) pouvait s'y investir.
                        Enfin, nous veillions à ne pas enfermer les chômeur(euse)s dans le champ de 
leur seule exclusion, en affichant et évoquant les questions du racisme, du sort des "sans­
papiers", de la "mondialisation", de la situation de certains peuples du "Tiers­monde"…
                
                        Je reste absolument persuadé que le "trade­unionisme", le corporatisme sont 
cause de naufrage de l'émancipation universelle, que les gens ne sont pas si bêtes que l'on ne 
puisse les amener à lutter à la fois pour leurs propres intérêts immédiats et pour des objectifs 
plus généraux et généreux.

                                                           ° La recherche du "mat" et pas du "pat".

                        A ce jeu d'échecs (et de réussites!) qu'est le combat social, même lorsque je me 
(nous) croyais objectivement battus d'avance , je n'ai jamais entamé une action sans vouloir 
aboutir à une victoire totale. Se mettre en branle pour viser un compromis déjà intériorisé ne 
m'a jamais convenu.
                        La vie comme une "corrida" en quelque sorte!
                        Chercher constamment à réunir tous les atouts pour vaincre (soutien populaire, 
ramollissement des adversaires, réseaux d'alliances…), et se lancer ensuite à corps perdu 
dans la bataille sans jamais fléchir.
                        La détermination est un élément essentiel pour contraindre l'adversaire à l' 
"échec et mat".
C'est comme ça que j'ai"cassé" l'UACS, instrument du pouvoir du RPR à Sarcelles. 

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C'est comme ça que j'ai sauvegardé le LOCAL contre les manœuvres politico­financières de 
la "gauche" plurielle qui lui a succédé.
                        C'est cette assurance qui manque au peuple (et encore plus à ses 
"représentants" politiques et syndicaux qui, à trop fréquenter les dominants, n'ambitionnent 
que des compromis, des "pat" avec les détenteurs du pouvoir économique et politique).
                        Il est toujours indispensable de répéter l'exhortation de Mao: "Oser lutter, oser 
vaincre!"

                        
                                                 ° Construire dans le granit.

                        Trait de caractère , je suis fondamentalement un bâtisseur plus qu'un 
destructeur.
J'ai toujours préféré les actions de longue durée, la construction d'instruments de lutte 
prolongée aux coups d'éclat éphémères.
                       Je ne nie pas l'influence et la portée des "actions exemplaires" sur les 
sentiments populaires. Je ne conteste pas la nécessité d'actions minoritaires quand la situation 
les exigent alors que l'apathie et l'indifférence règnent. J'y ai participé (et je continue).
                        Mais ma préférence va vers la fondation et l'érection de machines infernales les 
plus inentamables possibles élargissant l'assise du mouvement social, son autonomie, ses 
bases de renversement de l'ordre établi.
                        Je poursuis l'idée de la construction de digues protégeant les "polders" de 
l'autonomie populaire.
C'est pourquoi je tenais tant à l'établissement de "Maisons de la Solidarité" à travers tout le 
pays, que je me suis battu pour la sauvegarde du LOCAL de Sarcelles.
Sa permanence et ses évolutions (dues à Daniel, Aïcha , Ismaël,…) constitue l'action dont je 
suis le plus fier (avec la constance militante familiale de notre "tribu" constituée de 
Christiane, les enfants et moi).

                                                         EPILOGUE

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                        Il ne peut pas y en avoir.

                        Christiane et moi avons moins de 60 ans, les enfants moins de 30, le monde est 
en plein bouleversement (mutation du Capital industriel dominant en Capital financier 
omnipotent, ébauche d'une alternative transnationale…), l'intégrisme nord­américain et 
musulman se disputent la suprématie, l'Afrique et l'Amérique latine s'enfoncent , l'exclusion 
progresse, donc, "Ce n'est qu'un début, continuons le combat!"
            
Nous ne devons pas oublier que "Sous les pavés, il y a la plage"

"Soyons réalistes, demandons l'impossible!"
                        
              

   

                                                           

                        

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