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° Ce qui va suivre ne constitue en aucune manière une
autobiographie, des "Mémoires" ou plus simplement encore un irrépressible épanchement du
narcissisme.
Je n'ai jamais tenu de journal mêlant faits relevant de la sphère privée, notation
d'émotions intimes, réflexions personnelles avec un agenda militant, une chronique
politique…
Je n'ai pas l'intention de raconter ma vie privée (chargée de joies, Christiane, mes
enfants, mais aussi de galères…). Par ailleurs, je ne veux pas faire le récit de ma traversée
d'organisations politiques (où j'ai beaucoup appris, connu des personnalités extraordinaires
tout particulièrement à Nantes, vécu des crises intenses…) parce que je considère aujourd'hui
que ces formes sont historiquement périmées et que les mouvements sociaux devront en
inventer de nouvelles, très différentes. Ce faisant, bon nombre de mobilisations auxquelles j'ai
participé avec enthousiasme ( Larzac, Malville… ) ne seront même pas évoquées.
Si j'entreprends ce retour sur "mon" histoire, c'est principalement pour combattre, à
mon échelle microscopique, les nombreuses raisons de se replier sur soi, de ne pas s'engager
dans la vie citoyenne qui amènent les "générations MitterandChiracJospin" à ne plus rêver
d'un monde meilleur, de ne plus essayer de "changer la vie".
C'est pour affirmer que la lutte n'est pas triste et qu'une vie habitée par des combats
divers et multiples est possible, enthousiasmante, riche de rencontres extraordinaires, de
moments intenses partagés, et qu'il n'y a aucune raison de considérer que ça peut être amusant
un temps mais que cela n'engage pas pour la vie ("il faut que jeunesse se passe", "c'est normal
de jeter sa gourme avant de passer aux choses sérieuses"…).
La seule chose sérieuse et jouissive en même temps, c'est la participation au
mouvement d'émancipation de l'humanité. Emancipation de nos réflexes reptiliens, égoïstes,
sauvages. Emancipation des systèmes sociaux répartissant les individus entre dominants et
dominés, exploiteurs et exploités…
C'est la voie lumineuse du sens de l'existence, celle qui transcende la vie individuelle
en la fondant dans celle des peuples, en l'incorporant dans la spirale ascendante de l'humanité
vers l'épanouissement de toutes ses capacités, vers la légèreté de l'être.
Au regard de cela, le terme "militant" paraît bien barbare, entaché de sa proximité
avec le terme "militaire" qui génère des visions de violence, de hiérarchie, d'abandon de
l'autonomie personnelle, de la liberté de penser par soimême … La glorification par Lénine
du "militant professionnel" ne fait que renforcer cette image négative. Il faudra donc inventer
un mot plus poétique pour désigner cette façon quotidienne d'être en rébellion positive contre
tous les asservissements sécrétés jusqu'à ce jour par les systèmes sociaux dominants.
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° Une vie militante parmi tellement d'autres existences semblables ! ..
L'Histoire regorge de ces existences insoumises (et généralement anonymes) qui ont
été porteuses d'utopies salvatrices, qui ont permis à l'humanité de passer d'une barbarie
rustique et implacable à la barbarie raffinée actuelle. (Je sais que ce constat n'est pas aussi
enthousiasmant que je le souhaiterais, mais il n'empêche qu'il y a eu progrès entre les époques
archaïques et l'état actuel de l'évolution.)
D'accord avec Mao qui affirmait que ce sont les peuples, les masses en mouvement,
qui font l'Histoire, et que les "militants" ne sont que l'écume des vagues populaires. Mais,
irremplaçable et indispensable, c'est dans cette écume qu'apparaissent les arcsenciel qui
engendrent les rêves collectifs.
Le "Dictionnaire du mouvement ouvrier" initié par J.Maitron n'est donc par une
entreprise réductrice, privilégiant l'individu face aux mouvements de fond des populations.
C'est une volonté de faire apparaître le rôle (largement aussi essentiel que celui des
"décideurs", des dominants), de la grande famille des rebelles qui ont largement contribué à
l'évolution de l'humanité.
Le plus souvent "obscurs et sans grades", les "militants n'ont pas "perdu leur vie à la
gagner". Ils (elles) ont connu des joies collectives intenses et ont contribué à alléger la misère
du monde.
Je connais nombre de "militants(tes)"dont l'existence est bien plus passionnante, plus
riche que la mienne, et je regrette que par modestie ou sousévaluation de ce qu'ils (elles) ont
vécu, ils (elles) ne comprennent pas l'importance de la transmission de leurs "expériences", de
l'affirmation que cette façon de vivre est la plus belle qui soit. Mais je suis un membre, parmi
d'autres de cette grande famille.
° Une vie militante parmi tellement de familles sociales.
J'ai vécu des relations intenses, chaleureuses, innombrables dans des milieux sociaux
très divers (étudiants(tes), ouvriers(ères), ruraux, chômeurs(ses), immigré(es) avec ou sans
papiers…), artistes.
J'admets que ce comportement de caméléon peut surprendre, agacer, voire engendrer
des suspicions. Je sais, avec le recul et l'âge que j'ai, que ce n'est pas le signe d'une
malléabilité de mes principes existentiels mais au contraire le fruit d'un principe supérieur,
celui de ma perméabilité à toutes les aspirations populaires afin d'y participer, d'être "un
poisson dans l'eau", de suivre la fameuse "ligne de masse".
Il m'est arrivé à de nombreuses reprises de poursuivre des actions ultraminoritaires,
voire solitaires, quand cela me paraissait nécessaire, juste. Mais le grand bonheur naissait
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quand cela débouchait sur la rencontre avec "les autres", avec les "microcouches socio
géographiques" au sein desquelles je vivais.
Animal social comme les autres, je n'ai pas été privé de rapports individuels et
collectifs, "pour faire quelque chose d'utile ensemble", et j'ai souvent été émerveillé par la
découverte de ressources intellectuelles, émotionnelles, physiques fréquemment supérieures
aux miennes chez ces "autres".
° Il me semble donc utile, même si cela n'a pas les attraits de l'épopée
ou du "soap opéra", malgré mes lourdeurs intellectuelles et stylistiques, de relater ces rapports
entre "les autres" et moi, entre la politique telle que je le conçois et le social.
Je n'ai aucunement les capacités d'un idéologue ou d'un théoricien politique, mais je
pense que cette toute petite histoire est l'illustration d'un élément théorique vital à réaffirmer
par les temps qui courent (où le culte de la "réussite" financière et celui de stars éphémères
est prédominant), les peuples sécrètent, parce qu'ils en ont besoin, des militants(tes). L'action
quotidienne avec et en faveur des dominés(es) ne constitue pas un "sacrifice", un "don de
soi" (termes religieux hors de propos), mais une réponse individuelle nécessaire aux
aspirations collectives assortie d'une relation enrichissante et valorisante avec les individus
composant ce corps social sans cesse agité par un mouvement brownien.
Je suis sensible aux reproches justifiés de mes proches qui estiment que je n'ai pas réussi à
retranscrire la chaleur de ces rapports humains exaltés par l'action collective, mais je ne suis
pas très doué pour l'expression publique de mes sentiments d'une part, et d'autre part il aurait
alors fallu obligatoirement choisir arbitrairement de privilégier le portrait de certains(es),
reléguant des milliers d'autres à l'arrièreplan…Je veux bien céder à des écrivains mes notes et
documents afin qu'ils rendent compte autrement et de manière plus émouvante les tourbillons
de vie où j'ai baigné.
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AUTOUR DE MAI 68 : LE DEBUT DE LA LIGNE CLAIRE.
Inscrit en novembre 1964 à la Fac de Droit et à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix en
Provence, j'ai eu la chance de participer au plus grand mouvement de masse étudiant de notre
histoire, immédiatement avant, pendant et juste après Mai 68.
° La bataille pour la mixité en milieu étudiant (hiver 6768).
La remise en cause de l'idéologie puritanopatriarcale, consensuellement imposée par
les instruments de pouvoir(des gaullistes aux communistes en passant par les structures
parentales), par l'Internationale Situationniste (auteur notamment du pamphlet intitulé De la
misère sexuelle en milieu étudiant) s'est concrétisé par l'initiative des arnachosituationnistes
de Nantes qui ont enclenché une rébellion contre les interdits sociaux dans les Cités
Universitaires.
Les résidences universitaires de filles étaient régies par des règlements quasiment conventuels
(contrôle des entrées et sorties, couvrefeu avant minuit, interdiction d'accès aux garçons,
même dans les salles communes de détente.
Après Nantes, beaucoup d'autres villes universitaires, à l'initiative d'Associations de
Résidents en cités Universitaires (ARCU), ont vécu des prises d'assaut/ occupations des Cités
de filles, sur une longue durée et sous la menace d'interventions policières.
C'était la première action de masse (illégale en outre) à laquelle je me trouvais mêlé
en position de coresponsable de surcroît, puisque faisant partie de l'organisation très
majoritairement élue par les étudiants habitant la Cité Universitaire de garçons d'Aix qui
avait décidé de s'associer à cette bagarre.
(Au bout de trois ans je connaissais plusieurs milliers d'étudiants(es) et tout particulièrement
ceux, très éloignés de leur famille et généralement pas très aisés, qui avaient droit comme moi
à une chambre en Cité Universitaire, ce qui avait amené les deux associations de "résidents"
en Cité Universitaire, l'une de "droite", l'autre de "gauche" à me demander successivement de
participer aux listes qu'elles présentaient aux élections à la rentrée de 1967. Naïvement, car
élevé dans un environnement social et familial pour le moins non progressiste, après
hésitations, je me suis retrouvé sur la liste "de gauche" sans savoir ce que cette expression
voulait vraiment dire, au feeling et parce que s'y trouvaient mes meilleurs copains, moins
"innocents " politiquement que moi...)
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C'est là que j'ai pu acquérir pour la première fois, une grande confiance dans l'esprit
de responsabilité et d'initiative des foules en mouvement vers les objectifs de libération
sociale.
Contrairement à mes angoisses de l'époque, aucun geste malencontreux ne s'est produit,
aucune "bavure" n'a pu nous être opposée, et cette action s'est soldée par une victoire acquise
sans une égratignure.
Début encourageant s'il en est
° Mai 68.
L'agitation de l'hiver 6768 était retombée (malgré les efforts notamment de la JCR à
Aix pour propulser le soutien à la lutte du peuple vietnamien contre l'agression Nord
américaine, pour célébrer la figure de Che Guevara et s'associer au mouvement étudiant
allemand SDS mené par Rudi Dutschke.
Le seul moment de tension palpable , vive, aux conséquences durables, avait été
provoqué par la "Guerre des six jours" entre Israël et le Pays arabes. De bout en bout des
longs couloirs des Cités Universitaires les portes de nos chambres restaient ouvertes, les
transistors se répondaient et des discussions vives entre étudiants de toutes nationalités se
poursuivaient interminablement. C'était l'irruption fracassante parmi nous de la lutte entre
Occident et TiersMonde.
Début mai, la seule fébrilité observable était celle provoquée par l'imminence des
examens. Nanterre était bien loin d'Aix en Provence…
Il faisait magnifiquement beau. Les Beattles nous berçaient…
La violence des affrontements du 3 mai au Quartier Latin rapportée par les radios
périphériques, la brutalité policière s'exerçant sur la fraction parisienne de notre classe d'âge et
de situation, a fait l'effet d'un coup de couteau lacérant la photo de famille, d'un coup de
crosse sur la tête d'un enfant.
Le lendemain matin nous étions une trentaine d'étudiants en Droit réunis au local de
l'UNEF (syndicat étudiant "de gauche") à décider d'intervenir dans tous les amphis pour
mettre la Fac en grève. Le temps d'une journée nous y sommes parvenus, avec en prime une
dure altercation entre le Recteur et moi (ce qui ne s'était encore jamais produit dans ce milieu
très conservateur, réactionnaire, profs et étudiants confondus).
Durant la journée nous avons contacté l'UNEF de la Fac de Lettres, dirigée par l'UEC (Union
des Etudiants Communistes) totalement soumise à Aix au P.C.F. A notre grande stupéfaction
nous avons découvert que cette UNEFUEC, ultramajoritaire en Lettres alors que nous étions
infiniment minoritaires en Droit, refusait tout soutien au mouvement étudiant parisien. Nous
avons décidé, malgré leur opposition, d'organiser un meeting dans leur Fac en fin d'après
midi. Un grand nombre d'étudiants(es) y ont participé et décidé d'une grève illimitée des cours
et l'occupation des locaux.
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C'est ainsi qu'on débuté deux mois d'un bouillonnement intellectuel inimaginable
aujourd'hui, indicible. Des Assemblées Générales quotidiennes où chacun(e) prenait la parole,
à égalité avec les représentants des organisations syndicales ou révolutionnaires, où venaient
s'exprimer des lycéens, des ouvriers et autres salariés, où l'imagination côtoyait l'exposé et la
résolution de problèmes pratiques, où les utopies s'affrontaient aux discours théoriques, où
certains s'ingéniaient à préparer une réforme de l'université pendant que d'autres voulaient
"changer la vie" tout de suite et ici. On ne dormait pas, soit pour assurer la défense de
l'Université contre l'éventualité d'une prise d'assaut par les anciens de l'O.A.S., membres du
S.A.C. et autres, que la rumeur assurait certaine, soit pour dévorer la littérature
révolutionnaire (Marx, Mao, Trotsky…), soit pour mettre publiquement en pratique l'union
libre.
Cette effervescence débordait régulièrement dans la rue, sans rencontrer la moindre
opposition policière, au grand désespoir d'étudiants parisiens qui nous adressaient des appels
au secours impliquant que nous attirions, en province au moins une partie des forces de
répression déchaînées sur le pavé de la capitale.
L'exaltation étudiante s'était communiquée au reste de la ville, pourtant très
bourgeoise. Des discussions insensées s'engageaient entre garçons de café, directeurs de
banque, commerçants, éboueurs…, et conduisaient même à des affrontements verbaux entre
paroissiens sur le parvis des églises.
La solidarité et la débrouille permettaient que les nécessités de la vie quotidienne
soient couvertes (collecte de nourriture dans la campagne avoisinante et redistribution,
collectes financières également, organisation des transports malgré le rationnement en
essence…). L'autoorganisation de masse résolvait tous les problèmes matériels (dans le cadre
de la Fac des équipes de ravitaillement, de préparation des repas, de nettoyage des locaux se
sont constituées très rapidement sans attendre qu'une quelconque autorité en prenne la
décision.)
Les quelques dizaines d'étudiants en Droit qui participaient au mouvement ont tenté
de saboter les examens qui commençaient dans leur fac en diffusant par d'énormes haut
parleurs disposés sur le toit de la Fac de Lettres voisine les corrigés des épreuves en disposant
quasiment immédiatement des sujets de composition (communiqués par quelques profs ou
quelques étudiants entrés dans les salles d'examen uniquement pour se procurer le sujet des
épreuves). Nous avons été 300 (sur les 5000 inscrits) à ne pénétrer dans la Fac de droit,
passant entre deux rangées de membres du SAC, costauds à lunettes noires, mêlés aux jeunes
du groupe d'extrêmedroite "Occident" (dont ont fait partie Alain Madelin et Gérard Longuet
devenus ministres plus tard) que pour boycotter ces examens. (Comme nous n'étions pas les
plus mauvais, nous avons tous été reçus à la session de rattrapage de septembre ouverte aux
recalés de juin.)
Durant toute cette période une joie éclatante l'a disputé à une fraternité fusionnelle
quasi amoureuse, à un sentiment de libération inouïe et à l'espoir fou de l'invention d'un
nouveau monde.
Les nouvelles qui nous parvenaient de toute la France, puis du monde entier nous assuraient
que nous ne constituions pas une minorité, mais bien au contraire que tous les secteurs de la
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société étaient gagnés par cette fièvre d'espérance. Pendant ce trop court moment nous avons
réellement "joui sans entraves".
L'université d'Eté qui a suivi, organisée par les organisations révolutionnaires,
mêlant discours théoriques, débats de cinéclub, … a prolongé cette période pour tous ceux
qui comme moi, loin de leur famille, étaient restés sur place.
° Mai 68 avait été en outre un cours accéléré de
formation politique et un tremplin fantastique pour les espérances de transformation radicale,
généreuse du monde.
A la Fac de Droit, la poignée que nous étions restait ultra minoritaire, l'extrême droite
("Occident") très présente et agressive, mais nous étions devenus conquérants. Nous pouvions
prendre la parole sans que personne ne bronche dans les amphis, et j'ai été le premier(peut
être le seul d'ailleurs ) à passer les oraux de Maîtrise sans costume et en ayant un badge de
Mao agrafé à mon sweatshirt.
Le mouvement de masse étudiant avait incroyablement accéléré les prises de
conscience politique des étudiants, accéléré leur acquisition des éléments théoriques
politiques, favorisé l'épanouissement des organisations révolutionnaires.
Après avoir choisi intuitivement, à la rentrée universitaire de 1967, comme sujet de
mémoire de fin d'études à Sciences Po la description et l'analyse d'un phénomène "exotique",
incompréhensible à l'époque, faisant l'objet de simples "brèves" dans les quotidiens nationaux,
le début et l'épanouissement de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine
communiste, j'y avais trouvé une solution à mon désespoir existentiel et dès le début de
l'année 68 je parcourais les couloirs de la Fac et des Cités universitaires en tentant d'expliquer
à tout le monde qu'il fallait suivre cet exemple et construire un parti politique semblable an
Parti Communiste chinois.
Je ne savais pas qu'existaient déjà nationalement deux organisations qui prétendaient
poursuivre ce but : le PCMLF et l'UJCML. Les étudiants aixois membre du PCMLF avaient
une conception bien trop clandestine, bien trop étriquée de l'action de masse pour me révéler
leur existence.
J'avais donc adhéré au PSU fin Mai 68.
Ce qui ne m'avait pas empêché d'assister à une réunion organisée à cette époque par un
étudiant en Histoire, aixois, adhérent solitaire de l'UJCML qui avait fait appel au groupe
marseillais de cette organisation.
J'avais été intéressé et, à la rentrée de septembre 68, je quittai le PSU (en même temps que
d'autres faisaient de même pour adhérer à la JCR ou au PCMLF) pour, entraînant une partie
de mes copains les plus proches, rejoindre l'UJCML au moment où celleci traversait une
crise politique profonde et se trouvait de surcroît "interdite" par le Gouvernement.
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Nous sommes dès lors intervenus constamment dans les Assemblées Générales
étudiantes ; nous avons commencé à établir des contacts avec les ouvriers du bâtiment
travaillant dans la banlieue aixoise, effectué du porte à porte dans les cités ouvrières, soutenu
une grève sur un chantier, commencé à nous lier avec les lycéens les plus révoltés.
Mais notre principale intervention s'est produite lors du boycott des concours
enseignants (CAPES et Agrégation) qui devaient se dérouler à l'intérieur de la Bibliothèque
Universitaire, au milieu du campus universitaire. Nous avons été les seuls à envisager
sérieusement d'empêcher la tenue de ces concours "bourgeois" et à réfléchir aux moyens de
pénétrer dans le bâtiment et de résister à l'intervention policière qui nous paraissait
inéluctable. Suivis par les autres organisations révolutionnaires, par une fraction des étudiants,
et rejoints par une partie des candidats(tes) à ces concours, nous avons réussi à bloquer le
déroulement de la première journée d'épreuves. Le deuxième jour le centre d'examens était
transféré dans un lycéeforteresse du centreville. Nous avons organisé une manifestation en
cette direction qui cette fois a été bloquée par les CRS qui ont occupé le centreville jusqu'à la
fin des épreuves. Malgré cet échec final, de nouveaux militants se sont intégrés à notre
groupe.
Ayant fini mes études pour "solder" mon compte avec ma famille qui m'avait
entretenu jusque là, j'ai quitté Aix et la Fac pour entrer en usine à Nantes.
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INTERLUDE: QUELQUES ANNEES DE MILITANTISME CULTUREL
EN MILIEU RURAL.
Lorsque j'ai démissionné de la SNAV en mars 1981, j'ai quitté le milieu ouvrier, le
métier de métallo, les grandes barres des Minguettes à Vénissieux et j'ai entamé une nouvelle
vie, l'apprentissage du boulot de sculpteur, la découverte du milieu rural, la
rénovation/appropriation d'une ancienne chaumière bretonne (forme d'habitat inédite pour ma
famille et moi).
J'ai rapidement commencé à participer à des expositions, à rencontrer les artistes de
la région, à me confronter aux institutions culturelles (FRAC, DRAC, musées…) qui
reproduisaient en les amplifiant tous les mécanismes sociaux qui m'étaient les plus
insupportables (jeux de pouvoir, arrogance, incompétence souvent…).
Dans le même temps je me suis mêlé à la vie de la petite commune (280 habitants) où
nous avions atterri (création d'une association de parents d'élèves, "piges" pour le quotidien
régional "Le Télégramme", participation au comité des Fêtes…), puis à celle du canton.
Militant un jour, militant toujours, où que ce soit et sous quelques formes que ce
soit… Tout en participant aux rares événements politiques locaux ou nationaux de l'ère
Mitterrandienne, en tant qu'artiste vivant et travaillant à la campagne, je me suis mis en tête
d'introduire l'art contemporain dans le champ de vision des gens que je côtoyais, avec lesquels
je faisais par ailleurs d'autres choses et parmi lesquels certains(es)devenaient des amis(s)
Cela n'avait aucun rapport avec mes activités passées (participation à des luttes collectives
contre le système capitaliste, tentative de création d'une force politique révolutionnaire…), et
pourtant cela s'inscrivait logiquement dans mes aspirations ("changer la vie"), dans mon
comportement (agir avec d'autres et pour les autres).
° La création d'un espace d'exposition d'art
contemporain dans la MJC (Maison des Jeunes et de la Culture), du canton.
Malgré quelques réticences initiales, j'ai pu faire accepter l'idée de transformer le hall
d'entrée de la MJC en minigalerie présentant chaque mois les œuvres d'artistes de la région
(peintres, graveurs, auteurs de bande dessinées, photographes…), sous condition que ces
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créateurs soient porteurs d'une vision personnelle et novatrice, excluant donc les innombrables
producteursreproducteurs de "chromos" et/ou de "bretonnitudes" tirant le présent et le futur
vers un passé conservateur, immobile.
Mois après mois, j'ai réussi à convaincre des artistes plus ou moins connusreconnus
d'accepter de présenter leurs œuvres dans un endroit aussi peu prestigieux et mal protégé
(mais que l'équipe de la MJC et moi avions tenté de rendre le plus acceptable possible).
Passée la surprise initiale, les personnes fréquentant cette MJC se sont habituées puis
intéressées à ces expositions. Et lorsque pour une raison ou une autre les murs et les cimaises
restaient vides, nombreux(ses) étaient celles et ceux qui venaient le déplorer.
Vingt ans après, cette petite galerie bénévole existe toujours, répondant à la curiosité naturelle
des Bretons et ayant participé à la modification de la perception de la "modernité" dans cet
espace géographique limité.
° "Art Beaj".
A l'occasion de la naissance d'une structure intercommunale aux objectifs multiples,
j'ai proposé à sa commission culturelle la création d'une espèce de festival estival d'arts
plastiques, les sept communes du canton accueillant dans leurs locaux (mairies, salles des
fêtes…) durant un mois et au même moment sept expositions personnelles d'artistes à
renommée régionale (voire internationale comme ErnestPignonErnest).
L'organisation de cette manifestation a été épique, épuisante, acrobatique (contacts
avec les municipalités, aménagement des locaux, recherche des subventions afin d'équilibrer
un budget pourtant dérisoire de 20.000 francs, contacts avec les artistes, transport et
accrochage de leurs œuvres, fléchage des lieux, réalisations d'affiches, plaquettes, embauche
là où cela s'est avéré nécessaire de jeunes gardant ces expositions, location d'un autocar pour
un vernissage itinérant passant par les sept communes concernées…)
Cela a réclamé l'équivalent pleintemps de trois mois de travail bénévole de trois personnes
(Germain, directeur de la MJC ; Patrick, photographe devenu éditeur par le suite ; et moi), un
recours permanent au "bricolage", de l'enthousiasme, certainement de la chance, de l'amitié,
de la détermination face aux incidents de dernière minute (un maire épaulé par son Comité
des Fêtes voulant interdire l'ouverture de sa salle après l'accrochage de photographies jugées
"indécentes"…).
La réussite des deux premières éditions de cette entreprise originale a aiguisé les
appétits des "institutions", et l'Office Culturel Départemental a décidé de s'en emparer. Le
troisième été de ce festival d'art contemporain a été le dernier car après avoir évincé les
"amateurs" que nous étions, les "professionnels" de la culture se sont rendu compte, de
l'ampleur du travail exigé, des coûts devenus énormes lorsque le salariat remplaçait
l'enthousiasme bénévole et quand les rapports amicaux, généreux que nous avions établi avec
les artistes précédemment devenait plus marchands, plus exigeants.
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Il n'empêche que cette initiative un peu folle a marqué l'histoire de ce canton rural et
la conscience de ses habitants.
Elle a favorisé l'activité artistique souhaitée par Gilberte Riou l'initiatrice de
l'Association de la Vallée du Perrier, elle a contribué à la création de parcours musicaux et
plastiques dans des communes avoisinantes.
LA DIVE FORCE ASSOCIATIVE.
Jusqu'au début des années 90 j'ai considéré l'action associative comme secondaire,
accessoire.
Je n'avais pas participé, et pour cause (!), à la vie des mouvements féministes des
années 70 (sinon très indirectement par les échos que me transmettait Christiane). Je n'avais
pas perçu que se construisait là, sous des formes inédites, une force singulière aux effets
éminemment politiques, alors qu'elle ne semblait pas vouloir s'exercer sur ce terrainlà. J'étais,
comme beaucoup, trop prisonnier des schémas marxistes et léninistes pour comprendre que la
lutte contre le système dominant pouvait, et devait, inventer de nouvelles formes de
mobilisation, de rapports humains, d'organisation non symétriques de celles imposées par la
classe dominante, niant le centralisme hiérarchique, la discipline...
J'avais bien ressenti le même sentiment d'étrangeté, mêlé de curiosité et d'admiration
en voyant se développer une organisation de quartier dans le grand ensemble Bellevue à
Nantes où nous habitions. Madame Launay, dotée d'un courage et d'une générosité sans
limites, avait peu à peu regroupé, les familles de la rue du Drac, proches ou en dessous du
seuil de pauvreté, pour assurer le ravitaillement de toutes et tous au moindre coût. Chaque
semaine des groupes différents se chargeaient de recenser les besoins des familles, d'effectuer
les achats collectifs ou de récupérer les denrées invendues au Marché d'Intérêt National de
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Nantes (équivalent local de Rungis) et d'assurer leur transport D'autre part des relations
s'étaient nouées par notre intermédiaire entre les habitants du quartier et les paysans
révolutionnaires de la région nantaise, et cela avait débouché sur la création d'une forme
supérieure de "jardins ouvriers". Les agriculteurs prêtaient une petite partie de leur sol et une
"assistance technique" aux familles qui venaient y faire pousser, donc quasiment gratuitement,
des légumes.
D'autres formes de solidarité de toutes sortes se développaient parallèlement, féminines entre
autre, d'aide aux femmes battues (en parlant "fermement" au mari), ou contre le mariage forcé
de gamines. Des hommes construisirent un bateau, des vacances sous tente au bord de la mer
proche où tout le monde se nourrissait principalement de coquillages furent même organisées.
Cette autoorganisation, sans hiérarchie, sans adhésions formelles, sans soumission à un
quelconque appareil ou structure, soudait la population et lui permettait de conquérir une
autonomie financière en s'infiltrant dans les interstices économiques existants.
C'était un prolongement "naturel" du formidable mouvement populaire de Mai 68 porteur
d'aspirations égalitaires, de libération des énergies individuelles au service du bien commun,
d'insoumission face aux carcans économiques, sociaux, idéologiques fabriqués par le Pouvoir.
Là encore je n'ai pas réalisé le rôle pionnier, exemplaire de ce genre d'initiative.
J'ai bien sûr été actif dans les groupes locaux de parents d'élèves (FCPE). J'y ai
rencontré des femmes remarquables comme Madame Lannier. Nous avons réussi à imposer
des cours d'arabe à l'école primaire pour permettre aux enfants de conserver leurs racines, la
participation des représentants de parents d'élèves au Conseil d'Etablissement en collège,
organisé des débats publics sur la pédagogie, combattu le projet de fichage "GAMIN" des
enfants, aidé l'introduction de disciplines artistiques, organisé des fêtes…
C'était intéressant comme toujours, comportait parfois des luttes acharnées, mais
d'une portée très limitée.
Je n'ai pris goût à l'action associative (et commence à considérer que c'était le lieu
privilégié de construction politique du futur) qu'en arrivant à Sarcelles à la fin des années 80.
Le combat associatif à Sarcelles (19891998).
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Quelques données descriptives de la ville.
Sarcelles a été la première ville moyenne construite totalement artificiellement par
décision d'Etat, conçue par des urbanistesrois, des architectes imprégnés de conceptions
modernistes/formatées, tendant au plus faible coût par la multiplication cellulaire de modules
identiques empilables, juxtaposables. (D'autres "villes nouvelles" ont poursuivi bien plus tard
cette logique : Marnela Vallée, Saint Quentin en Yvelines, Cergy…).
En 1958, il s'agissait de déporter la population ouvrière parisienne mal logée dans une relative
lointaine banlieue. La fin de la guerre d'Algérie en 1962 coïncidant avec le plein essor
bâtisseur déployé en ce lieu, nombre de familles "piedsnoirs"(souvent de confession juive)
ont été envoyées, elles aussi, dans cette "ville nouvelle".
Trente ans après le démarrage des premiers chantiers, l'humain colonisait cette
abstraction, cette fameuse "villedortoir". Commerces, agences bancaires, structures sociales
s'étaient implantés. Les arbres avaient poussé. La ville était subdivisée en quartiers distincts,
ayant leur histoire, leurs problèmes particuliers et dans certains cas une identité
communautaire (Ne comptant que quelques centaines d'habitants originaires du lieu, les
60.000 autres se répartissaient à peu près également entre une bonne moitié de Français
métropolitains notamment Parisiens, Bretons… et une petite moitié fractionnée en 92
origines différentes venant des Antilles environ 6000, de Turquie 2000 assyrochaldéens,
d'Algérie près de 20% de la population sarcelloise est constituée de Juifs séfarades "pieds
noirs", auxquels s'ajoutait une mosaïque de petits groupes venus d'Afrique Noire, du
Maghreb, et même d'Amérique latine.) Les communautés les plus importantes, et en tout
premier lieu la communauté juive, s'étaient constituées en lobbies, entretenant des rapports
clientélistes avec le pouvoir municipal, obtenant des privilèges conséquents…
Dans cette ville d'habitat populaire (En 1990 les employés représentaient 40,5% de la
population, les ouvriers 26,2%, les professions "intermédiaires" 19,2%, les cadres supérieurs
et professions libérales 9,1%, les artisans, commerçants et chefs d'entreprise 5 %. Le taux de
chômage s'élevait à 17 % et à peine la moitié des ménages était imposable sur le revenu.),
c'était le P.C. qui détenait la majorité au Conseil Municipal dans les années 70.
En 1983 cette majorité était invalidée pour fraude électorale et avait été remplacée par une
droite RPR dont certains éléments "flirtaient" avec l'extrême droite.
En 1989, malgré les consignes nationales, le P.C. s'était maintenu au second tour face au P.S.
qui avait recueilli plus de voix que lui, et face au RPR qui profitait de cette triangulaire pour
s'assurer une nouvelle majorité relative et verrouiller tous les organes de fonctionnement de la
ville, entre autres ceux concernant l'activité associative. Le députémaire R. Lamontagne, face
à la contestation menée par quelques associations majeures avait affirmé "les associations
naissent, vivent et meurent, et moi je reste !"
1
Ce combat, épique bien souvent entre la municipalité et une partie du mouvement associatif a
contribué à la défaite du RPR aux municipales de 1995 et à son remplacement par une
majorité d'union de la "gauche" menée par Dominique StraussKahn.
Quelques mois après le changement d'équipe municipale, les associations "citoyennes" qui
s'étaient rebellées contre l'autoritarisme RPR retrouvaient la même situation conflictuelle
qu'auparavant, se confrontaient aux mêmes mécanismes, aux mêmes comportements
arrogants (à quelques nuances près), ignorants, hégémoniques qu'elles avaient crues
naïvement être l'apanage de la "droite".
A/ Les associations de Quartier.
1. Le Comité de Quartier de Chantepie.
A Chantepie, quartier de 5000 habitants, essentiellement logés en HLM, 46 % des
actifs étaient des employés, et la population immigrée très faible.
Daniel Blanc, (permanent de la J.O.C. dans sa jeunesse, secrétaire de la cellule de
quartier du P.C.F. avant l'autodissolution en 1988 de cette cellule en raison de désaccords
concernant notamment la politique municipale, militant syndical à l'Office Public HLM
d'Argenteuil) a entrepris en 1989 de substituer à l'ancienne cellule de Chantepie une structure
plus ouverte destinée à défendre les intérêts immédiats des habitants du quartier.
Après de débuts balbutiants, un noyau d'une bonne quinzaine de personnes s'est
durablement constitué, réunissant quelques anciens du P.C., des retraités ou mères au foyer
sans appartenance politique, un vieux "grenouilleur" de l'exPSU et moi.
Je ne vais qu'esquisser grossièrement la vie et l'activité du Comité de Quartier Chantepie,
oblitérant le grouillement de vie qu'il contenait, faisant l'impasse sur certains aspects peutêtre
essentiels. Si Daniel n'est pas satisfait de cette description, à lui d'inventorier et retracer toute
l'histoire de son Comité de Quartier!
Des assemblées Générales, annoncées par tracts distribués dans toutes les boites aux
lettres se tenaient chaque mois dans le Local Commun Résidentiel, dit la Pyramide", situé au
cœur du quartier. Des centaines (peutêtre même des milliers de personnes) y ont participé,
mais rarement plus de 3040 à chaque fois, et encore plus rarement les mêmes. Chacun(e) y
exposait ses préoccupations immédiates ou plus générales (des débats houleux s'en suivaient
parfois), et cela nourrissait le "cahier de revendication" du Comité.
1
Les carences de l'action municipale et des Offices HLM (mais aussi de l'Etat puisque aucun
Service Public à part l'école n'avait de relais dans cet équivalent d'une petite ville, ni bureau
des Postes, ni antennes CAF, Sécurité Sociale, ANPE/ASSEDIC, …) sont instantanément
apparues (encadrement de loisirs proposés aux jeunes inexistants, confiscation des lieux de
sociabilité, absences de moyens de transport vers le centre ville, bâtiments et espaces publics
dégradés…)
Les premières luttes eurent lieu pour s'approprier des locaux nécessaires aux
réunions et aux activités.
La Pyramide (LCR) rétrocédée par les offices HLM à la Mairie, qui la louait à des particuliers
souvent étrangers à la ville à l'occasion de mariages et autres festivités, a été réclamée et
squattée assez durablement pour qu'elle devienne le lieu officieux d'activité du Comité de
Quartier, puis ne soit plus offerte à la location extérieure.
Il a fallu parallèlement négocier, menacer, batailler (avec occupation symbolique répercutée
par la presse régionale) pour récupérer, au profit des habitants du quartier, un ancien
"pavillon" attribué par la municipalité aux associations d'anciens combattants qui n'y
mettaient jamais les pieds.
Les premières subventions ont été arrachées (en jouant sur les divisions politiques
entre la municipalité et le Parlement ), ont permis le financement de départ de certaines
activités sociales.
S'appuyant sur la démonstration de l'utilité sociale du travail entrepris, des subventions plus
conséquentes ont été acquises dans les années suivantes (FAS, CAF, DIV…)
Un journal de quartier qui recensait les problèmes soulevés par les habitants lors
des A.G. mensuelles, par les adhérents de l'association, par les parents des élèves de l'école
primaire et de l'école maternelle, les résultats des démarches ou luttes entreprises contre les
deux sociétés HLM se partageant le patrimoine immobilier ou contre certaines décisions de la
municipalité était (et est toujours) distribué dans toutes les boites aux lettres environ tous les
deux mois.
Des fêtes de quartiers, des sorties familiales au bord de la mer et même des sorties
culturelles ont été mises sur pied.
Des permanences ont été organisées pour aider à débrouiller les situations souvent
compliquées face aux administrations. La solidarité et l'entraide empathique n'étaient pas
absentes lors d'inondations ou incendies d'appartement pour aider à y faire face. Nous avons
même tenté de mettre sur pied un comité antiexpulsion qui n'a eu l'occasion qu'une fois au
début de notre existence de s'opposer aux huissiers et à la force publique (qui a préféré se
retirer très vite de ce que le commissaire ressentait comme "une souricière").
1
La bataille pour l'amélioration des conditions de logement et des espaces collectifs
(éclairage, entretien de la voirie, du centre commercial de proximité, des bâtiments scolaires,
des parkings), la création d'un espace sportif de proximité a été constante et menée
conjointement avec la CNL.
Cela a même culminé en 20012002 dans un bras de fer titanesque avec la SCIC (filiale de la
Caisse des Dépôts et Consignations propriétaire de la très grande majorité des logements
sociaux à Sarcelles) qui avait décidé de vendre son patrimoine sans se préoccuper de ses
locataires actuels. A partir de Chantepie, l'ensemble des quartiers sarcellois, puis d'autres
villes concernées par le projet financier (la SCIC devait apporter une contribution non
négligeable à la création d'une nouvelle banque européenne de première grandeur en mettant
fin à sa vocation de bailleur social) se sont mobilisés (adresses multiples au personnel
politique, meeting, manifestations, menace de blocage du T.G.V. en gare du RER Sarcelles
Garges, efforts de médiatisation…). La manœuvre, largement inspirée par DSK (D. Strauss
Kahn, ancien ministres des finances du Gouvernement P.S., députémaire de Sarcelles) a du
être désavouée même par la municipalité de Sarcelles et mise (provisoirement ?) au rencard.
En l'absence de toute intervention municipale (et des autres structures territoriales et
étatiques ), la prise en charge de l'ensemble des questions relatives à la jeunesse a constitué la
priorité du Comité de Quartier.
Cela commençait par le soutien scolaire de gosses en grande difficulté assuré par les
bénévoles de l'association mais aussi par des personnes embauchées par l'association en
ContratsEmploiSolidarité (CES ou CEC), utilisant les ordinateurs achetés par le Comité, une
bibliothèque extrascolaire, des programmes mis au point par cette équipe…
Un éventail d'activités sportives et culturelles destinées aux enfants s'est déployé au fil des
années (pingpong, boxe, piscine, foot, basket… ; ateliers cuisine, activités manuelles
créatives, initiations aux arts plastiques et à la musique, sorties au Louvre, au Musée des
Sciences, au Jardin des Plantes, cours d'arabe …) impliquant bénévoles et moniteurs
spécialisés recrutés par l'association.
L'embauche pour de longues années d'un animateuréducateur de rue, remarquable
d'efficacité, a été l'outil essentiel d'une politique de prévention de la délinquance, de
structuration sociale des jeunes, de responsabilisation des parents, d'insertion
socioprofessionnelle d'une partie des plus "grands" guettés par le chômage et l'intégration
dans des "bandes" désœuvrées, tentées par l'exercice de petits trafics en tous genres.
L'excellence et la constance de ce travail de terrain ont contraint toutes les autorités
(y compris et surtout les municipalités successives) à "composer" avec cet interlocuteur
associatif détenteur d'un pouvoir "participatif" incontournable, à céder à ses exigences.
En fait, c'étaient deux formes de "démocratie représentative" qui s'affrontaient, l'une
issue des urnes et lointaine, l'autre reposant sur un bénévolat intense imprégné d'une
connaissance intime des préoccupations matérielles et psychologiques de la population. La
première disposait de pouvoirs économiques et coercitifs importants. L'autre s'appuyait sur la
sympathie et la mobilisation épisodiques des "citoyens". Situation d'équilibre entre pouvoirs
1
et contrepouvoirs dans la période actuelle. Seule une situation de crise entraînant une
participation active de la population pourrait permettre d'accéder à une forme supérieure de
gestion de la Cité, la démocratie directe.
2. Brève relation du conflit persistant entre les associations
et les représentants municipaux au sein du Centre Social RosiersChantepie.
Dans les trois centre sociaux (Les Vignes Blanches, ValéryWatteau et Rosiers
Chantepie) un "Conseil de maison" constitué de représentants des associations utilisatrices et
animatrices de ces "maisons de quartier", du (ou de la) responsable du Centre social, de deux
représentants de l'UACSCS (structure dont je parlerai un peu plus loin) et de deux
représentants de la municipalité, était censé définir les orientations annuelles de la structure,
du planning, de la répartition des activités tournées vers la population avoisinante, de gérer les
tensions ou résoudre les conflits éventuels entre les divers groupes d'utilisateurs…
Voulant parfaire sa maîtrise des équipements municipaux, la mairie RPR a décidé en
1991 de licencier la Direction du Centre Social des Rosiers, très liée à la population et aux
associations du quartier pour la remplacer par un personnel plus fiable politiquement et issu
d'une structure nationale liée financièrement à ce parti politique.
Cette manœuvre a immédiatement été ressentie comme une agression par les
quartiers Rosiers et Chantepie déjà très défavorisés par la politique municipale, excentrés,
ghettoïsés, paupérisés. Les fortes tensions sociales latentes se sont exacerbées et le centre
social est devenu quasiment ingérable après la nomination d'un nouveau Directeur
(inexpérimenté de surcroît et terrorisé par les jeunes sans emploi qui avaient trouvé jusque là
dans le Centre un lieu d'accueil et de réconfort cachant à leurs yeux et à ceux du monde leur
détresse morale, psychologique, financière…)
Peu de temps après, en marge de la fête de quartier organisée depuis deux ans par les
associations en relation avec le centre social, qui leur avait permis, lors des préparations de se
rencontrer et mieux connaître, une bagarre entre bandes de jeunes a éclaté, se terminant par
un coup de couteau mortel. Cet événement à l'impact émotionnel énorme s'est fondu avec le
sentiment de haine envers la société et ses institutions qui rejetait ces jeunes, une municipalité
qui les avait privé de la seule écoute qui leur restait. Dans la nuit qui a suivi, le centre social a
été complètement dévasté, pillé, détruit. Seule l'intervention constante durant deux jours et
deux nuits des associations de quartier (et surtout de Nas, coordinateur de "SarcellesJeunes")
et l'intelligence du commissaire de Sarcelles a évité des affrontements gravissimes entre les
jeunes et la compagnie de C.R.S. dépêchée dans le quartier.
Dès lors, et jusqu'aux municipales de 1995 les relations entre les associations de
quartier et la municipalité sont devenues antagonistes. Les projets prévisionnels d'activité du
1
centre social élaboré par les associations ont été rejetées. La municipalité a tenté de revitaliser
les associations moribondes qui lui étaient inféodées (et même de susciter la création
artificielle d'associations fantômes) pour contrer le pouvoir de celles qui lui résistaient. Les
réunions du "Conseil de maison", toujours houleuses, interminables, ont failli parfois se
conclure par des empoignades physiques entre les deux camps.
Projets et contreprojets s'affrontaient continuellement, pouvoir (municipal) et contrepouvoir
(associatif) se confrontaient âprement sans qu'aucune victoire décisive ne s'impose.
Toutefois, dans des conditions terribles, les associations ont poursuivi âprement leurs
actions en direction et avec la population, ont continué à assurer la survie sociale des deux
quartiers (Rosiers et Chantepie)
Ce conflit d'une âpreté inouïe, dévoreur d'énergies, a largement débordé du cadre
ghettoïsé de nos quartiers et a sensiblement contribué à la détérioration de l'image de marque
de l'équipe municipale en place et a participé à sa défaite aux élections suivantes.
Notre contrepouvoir (qui n'a pu résister que grâce à une solidarité interassociative
sans failles, à un engagement militant sans limites, à la conjonction de capacités tactiques et
stratégiques individuelles assez exceptionnelle) avait survécu.
Toutefois, les quelques mois d'euphorie consécutifs au changement de majorité
municipale passés, nous avons du constater que loin d'être invités à partager (dans les limites
de nos cadres associatifs respectifs ) le pouvoir de gestion municipale dans nos quartiers,
notamment au sein de notre Centre social, nous n'avions pas d'autre choix que de poursuivre
ce même combat pour l'autonomie, pour la prise en compte des aspirations et besoins de la
population…
"Droite", "gauche", aucun pouvoir ne supporte la contestation de ses décisions
(même si elle provient de ses électeurs), la concertation équilibrée, la mise en commun des
énergies et des intelligences, la mobilisation populaire…
Depuis le changement de municipalité, à quelques nuances près (notamment le poids
accru d'une technocratie administrative composée d'une multitude d'experts, de chargés de
mission, d'agents de développement … généralement inexpérimentés, ignorants des réalités
sociales, sans "convictions", mais souvent gonflés de suffisance …) la situation n'a guère
changé.
Le centre Social RosiersChantepie connaît les même soubresauts et les mêmes incapacités
d'action qu'avant. Les semblants de concertation sont toujours aussi factices. Les conflits entre
décisions municipales arbitraires et exigences sociales et associatives demeurent aussi
virulentes.
La démocratie représentative n'admet pas que le peuple se mêle de son propre sort,
vienne s'immiscer dans la sphère "politicienne", prétende à une participation égalitaire à la
conduite des affaires de la Cité.
1
3. Une bataille juridicopolitique victorieuse dans une
structure (UACS) supraassociative et paramunicipale.
Le récit, même détaillé et illustré par les très nombreux documents qui ont ponctué
cette lutte d'influence à l'intérieur du principal instrument de pouvoir de la municipalité sur et
contre le mouvement associatif sarcellois, resterait probablement hermétique pour celles et
ceux qui n'y ont pas été mêlés. Pourtant cet épisode a constitué un des points culminants du
combat entre le pouvoir municipal et le contrepouvoir associatif, et révèle une autre facette
de la constitution possible d'une force populaire alternative à l'action de partis "politiques" qui
ne proposent plus de projets sociétaux, se contentent de gérer leurs propres intérêts et ceux du
capital ultralibéral mondialisé.
Pour préserver leur indépendance, conquérir des espaces d'autonomie, aider
l'expression des préoccupations populaires et leur solution, les associations doivent et peuvent
s'insinuer dans les failles du système dominant, les élargir jusqu'à rendre branlant cet édifice.
Cela ne vaut bien sûr que dans la perspective d'une émancipation généralisée et s'oppose à la
recherche de niches confortables par de micronotables.
Je tente donc de synthétiser le mieux possible ce fragment de lutte au sein d'une
institution inféodée à la municipalité, menée jusqu'à la dissolution de cet instrument.
A l'origine, dans les années 60, l'UACS s'était constituée pour regrouper les
associations utilisant les locaux de la première "Maison de Quartier" afin d'harmoniser leurs
activités, de favoriser l'élaboration d'un projet global d'intervention. Des statuts extrêmement
détaillés, rigoureux, avaient été mis au point et adoptés par les fondateurs de cette Union
d'Associations utilisatrices de ce Centre Social.
Les constructions successives de deux autres "Maisons de Quartier" ont automatiquement
entraîné la croissance du nombre d'associations et sections locales d'organisations politiques
adhérant volontairement à cette "Union". Elles étaient une grosse quarantaine au début des
années 90) et la municipalité de "droite" y était massivement relayée par des organisations
politiques (section RPR), pratiquement virtuelles (ancien combattants), ou simplement
orientées idéologiquement (anciens marins, piedsnoirs…)
Forte de cette alliance, la mairie avait élaboré conjointement avec l'UACS une "Charte"
permettant à la municipalité de contrôler les trois Centres Sociaux (Maisons de quartier) avec
ce soutien/paravent supraassociatif.
Notre Comité de Quartier nouveauné, novice, tendait ses antennes vers tous les
organismes occupant l'espace social sarcellois (institutions comme la CAF, le FAS, le Comité
local de Prévention de la Délinquance …, ou associatifs comme le Conseil de Maison du
1
Centre Social RosiersChantepie). Poursuivant cette démarche, il a mené une bataille pour se
faire reconnaître comme utilisateur de Centre Social afin de pouvoir adhérer à l'UACS.
Ceci acquis, Daniel m'a envoyé me faire élire en Assemblée Générale annuelle de l'UACS au
CA de cette "Union". Il ne s'agissait probablement dans son esprit que d'asseoir la légitimité
de notre association et de recueillir des renseignements sur le contexte dans lequel nous
évoluions.
Seul "petit nouveau", étranger politiquement dans un groupe d'une quinzaine de
personnes relativement unies idéologiquement (deux ou trois d'entre elles étant toutefois
tiraillées entre les associations qu'elles représentaient et leur soutien ou soumission à la
municipalité en place), j'ai d'emblée fait front (assez rudement), m'attirant le respect amusé ou
médusé de certains(es) militants(es) "de droite".
J'ai ensuite constamment évoqué les conflits paralysant le Centre Social Rosiers
Chantepie, obligeant le CA de l' "Union" à intervenir (à contrecœur, à contrecourant) en
faveur des associations de nos quartiers et donc contre la municipalité.
Parallèlement, durant 3 ans (réélu de plus en plus massivement à chaque A.G.
annuelle, y compris par des associations "de droite" reconnaissant à contrecœur la validité de
mes positions et arguments), j'ai méthodiquement démontré le caractère antidémocratique de
la "Charte" signée avec la municipalité, ses lacunes, ses inadéquations et donc obligé l'UACS
(et corollairement la municipalité ) à remanier constamment ce texte, agrandissant sans cesse
la fissure entre la Mairie et son instrument "associatif", jusqu'au moment où, quelques jours
avant les élections municipales de 1995 j'ai pu entraîner la moitié des représentants associatifs
de l'"Union" à démissionner de leurs fonctions dans les instances "paritaires" existantes(avec
publication dans la presse des termes que j'avais choisis pour exprimer notre désaccord avec
la politique associative de la Mairie).
Autre bataille juridicopolitique qui a miné de plus en plus profondément les bases
d'existence de l'UACS (et qui a abouti à l'autodissolution fin 95 de cet organisme) : la
réforme des statuts de l'"Union".
Ces statuts, élaborés dans les années 60 lorsqu'il n'existait qu'une seule maison de Quartier à
Sarcelles et que les conditions sociales et politiques étaient très différentes de celle des années
90, n'étaient plus adaptées à la nouvelle situation. L'UACS et la mairie pensaient qu'il était
nécessaire de les réformer.
Tantôt m'appuyant sur les statuts encore en vigueur pour dénoncer et faire annuler des
décisions illicites de l'"Union", tantôt rédigeant (et faisant adopter en A.G. annuelle) de
nouveaux articles facilitant le droit d'expression et de décision de toutes les associations, j'ai
progressivement amplifié le porteàfaux entre l'"Union"(présidée par la femme du Premier
Adjoint) et la municipalité. Peu à peu, dégoûtées, les "associations de droite" souvent peu
actives ont déserté le terrain, les CA n'ont plus atteint le quorum et une dissolution de fait de
cet organisme de pouvoir paramunicipal a été entérinée.
Ainsi, même placé dans la situation du "poor lonesome cowboy" jeté dans la "fosse
aux lions" (pas vrai, Daniel ?), à condition de s'appuyer sur une action associative forte et de
2
mêler souplesse du comportement et rigueur intellectuelle dans le suivi de la ligne politique
conductrice, il est possible de voir s'effriter les instruments de pouvoir, d'élargir le champ
démocratique en retournant contre les dominants leurs propres instruments de pouvoir.
4. Quelques réflexions concernant les associations
d'habitants.
° Parallèlement aux lieux de travail, les lieux d'habitation concentrent
une très grande partie des problèmes sociaux (logement, environnement, éducation, santé,
loisirs, relations entre les strates sociales et "ethnicoculturelles", sécurité…)
Ils constituent un des champsclés du contrôle individuel et collectif sur la société.
° Le terme d'"Association" recouvre une multitude de regroupements
humains extrêmement hétérogènes, et il faudrait trouver des appellations qui distinguent sans
trop d'ambiguïtés les diverses réalités, parfois antagoniques, rangées actuellement dans une
seule et même catégorie.
Il y a d'une part les associations de type citoyen qui tentent de fédérer les personnes vivant
sur un territoire relativement restreint afin d'améliorer les conditions sociales de toutes et tous
en organisant des activités collectives, en menant des luttes contre tous les genres de
nuisances possibles, en cherchant à étendre les espaces de liberté, d'autonomie, de
responsabilité de la population. Les associations de quartier à vocation généraliste ou
thématique (santé, loisirs, environnement…) rentrent dans ce cadrelà (encore faudraitil
différencier entre celles qui sont offensives et d'autres plus simplement prestataires de
services ou gestionnaires des situations existantes).
D'autres, presque toujours thématiques, s'attaquent à des questions d'ampleur nationale
(voire plus), même si elles essaiment en groupes locaux adaptant les grandes orientations aux
spécificités du terrain.
C'est le cas des associations de lutte contre l'exclusion (AC !, MNCP, APEIS, DAL, Droits
Devant, Emmaüs, ATD QuartMonde, FASTI…), contre la "marchandisation " du monde
(ATTAC, Drop the Debpt…), des O.N.G. (Médecins du Monde, Médecins sans Frontières,
Handicap International, C.C.F.D., CroixRouge…).
Le cas des associations "communautaires" (de très loin les plus nombreuses à Sarcelles) est
encore différent. Leurs objectifs le plus souvent généralistes ne concernent que des publics
ciblés confessionnellement et/ou ethniquement. Leurs rapports de dépendance
interdépendance avec les pouvoirs (locaux notamment )sont généralement étroits (allégeance
2
contre subventions). Elles sont par ailleurs souvent réticentes à des relations inter
associatives.
Beaucoup d'associations de loisirs (culturels, sportifs…) refusent de s'inscrire dans le champ
des luttes sociales.
Les associations à but lucratif (A.R.C. et autres) n'ont rien à voir avec les précédents.
Dans ce quatrième point, je ne fais référence qu'aux premières, aux associations de
quartier "citoyennes".
° Certaines Associations de Quartier constituent le creuset
embryonnaire (et souvent inconscient ) d'élaboration concrète d'une alternative politique (au
même titre que des syndicats comme la Confédération paysanne ou SUD, CNT…) aux
ambitions mortifères du capitalisme ultralibéral mondialisé.
De manière pragmatique (et non programmatique), en relation étroite (parfois fusionnelle)
avec la population, assumant parfois les contradictions internes de celleci, tenant compte des
réalités spécifiques environnantes, elles proposent des formes de vie en commun différentes
ou opposées à celles imposées par les dominants. Dans leur fonctionnement et leurs rapports
avec les habitants elles ébauchent des perspectives de démocratie directe (même si des
mécanismes hiérarchiques, des positions de pouvoir y coexistent avec la volonté sincère de
prendre en compte la parole de toutes et tous).
° Alors que le mouvement associatif se développe considérablement
(création de centaines, de milliers peutêtre de nouvelles associations tous les ans) et pourrait
se solder par un éparpillement des énergies, des concurrences fatales, un émiettement égoïste
des intérêts populaires, une tendance à l'interassociativité se dessine.
Sans perdre leur identité, nombre d'associations découvrent le besoin et l'efficacité de la
concertation, de l'unité d'action, de la mise en réseau de leurs connaissances, de leurs
capacités.
Outre les relations personnelles (irremplaçables), les moyens actuels de communication
(téléphone, fax, Internet…) favorisent les échanges, les mobilisations conjointes
immédiates…
A Sarcelles nous n'avons pu résister aux attaques municipales (et même vaincre ) que grâce à
la solidarité inébranlable des associations regroupées dans le "Conseil de Maison " Rosiers
Chantepie, et tout particulièrement de "SarcellesJeunes", du Comité de Quartier Chantepie "
et du "CQFD" (accentuée par l'amitié grandissante entre les "responsables" de ces trois
structures, Nas, Daniel, et moi, avec nos parcours politiques antérieurs complémentaires :
marxismeléninisme africain, catholicisme"communiste", maoïsme, et entre les autres
militants bénévoles impliqués dans cette bagarre).
Autre signe de cette recherche de synergies, d'unificationconfrontation entre les associations
sarcelloises, la M.J.C. de Sarcelles s'est improvisée "maître d'œuvre" d'un journal permettant à
2
chacune d'entre elles de présenter ses objectifs et actions d'une part, et d'apporter leur
contribution à une réflexion sur un thème social différent à chaque parution. (La principale
déception liée à cette entreprise a consisté en là quasiabsence de participation des
associations de type communautaire ultramajoritaires dans cette ville.)
A Marseille 25 associations très diverses se sont regroupées dans un "Collectif pour
la défense du cadre de vie" dans les "quartiers Nord" (populaire) de la ville. Chaque structure
conserve des spécificités, ses objectifs particuliers, mais la mise en commun des problèmes
rencontrés permet d'imaginer des solutions globales satisfaisantes pour toutes et tous, de
présenter une réponse alternative cohérente à la "politique de la ville" de la municipalité.
Cela limite la capacité des pouvoirs municipaux de manœuvrer, d'opposer des revendications
particulières à d'autres afin de les annihiler toutes. Cela augmente la crédibilité de l'action
associative auprès de la population concernée (partagée entre résignation et choix
protestataires lors des élections). Cela démultiplie les capacités de mobilisation des habitantes
conduisant à la constitution d'une force de pression incontestable.
° En contrepoint de ces qualités, il est nécessaire de pointer les
déficiences et les limites de ces structures associatives.
Même si la plupart du temps ces associations de quartier échappent aux tares du
fonctionnement hiérarchique, aux batailles stériles de pouvoir et indiquent de ce fait la
possibilité de rapports humains et sociaux plus démocratiques, leur existence est largement
tributaire de la personnalité de leurs fondateurs. S'il y a effectivement partage des tâches entre
les adhérents, souvent un mépris général des titres attachés aux fonctions, délégation des
rôles, rotation des fonctions quand cela est possible, les adhérents délèguent tacitement,
implicitement un rôle décisif d'impulsion, de détermination des grandes orientations au(x)
créateur(s) (créatrices) de l'association. Cette identification entre la structure et son "leader"
fragilise le groupe et rend difficile bien souvent sa pérennité.
D'autre part, dans la situation de dépolitisation intense, de culte de la réussite
individuelle et d'atomisation sociale où nous sommes plongés depuis plus de 20 ans, le
militantisme, le bénévolat ne peuvent être très en vogue, et donc le réservoir où puisent les
associations s'amenuise et vieillit (Une grande partie des adhérents a généralement vécu
l'immense fraternité utopique de 68). Les ambitions limitées des associations de quartier
paraissent souvent dérisoires aux nouvelles générations. Il est donc vraisemblable que de
nouvelles formes, de nouvelles façons d'interpeller les habitants viendront remplacer celles
que nous connaissons, occuper autrement cet espace (même si c'est pour se confronter aux
mêmes obstacles) et poursuivre la synthétisation des ambitions et résignations populaires.
Enfin, la collectivisation de ces expériences associatives (qui permettrait à toutes et à
tous d'avancer plus vite, plus loin, d'éviter certaines erreurs, d'expérimenter les succès acquis
ça et là…) est actuellement impossible. Ces organisations sont très hétéroclites. leurs objets
2
vont de la défense de l'environnement à l'amélioration du logement social en passant par la
prévention de la délinquance. Les situations locales diffèrent entre les grandes citésdortoirs,
les quartiers pavillonnaires, les communes semirurales… La taille, l'âge, la composition, le
budget, le recours aux subventions ou aux cotisations accentuent les différences.
Il faudra parvenir un jour (mais comment ? en passant par des assises associatives
citoyennes ?) à élaborer une grille d'analyse des situations et des actions pour que les
échanges interassociatifs à grande échelle prennent du sens, enrichissent ces partenaires
"naturels", favorisent l'épanouissement généralisé d'une politique sociale alternative.
B. Construction locale d'une association de lutte contre le chômage et la misère.
1. C.Q.F.D. (1993)
Au bout de deux ans de militantisme à corps perdu dans le milieu associatif
sarcellois, j'ai ressenti un manque de réflexion et d'action plus "politiques".
Nous étions plusieurs, orphelins d'organisations reniées ou disparues (africaine comme la
FEANF, maoïste, P.C., PSU…) à ressentir ce besoin de discuter des problèmes globaux du
monde, de notre société, des perspectives de construction d'un autre avenir. Nous savions par
ailleurs que nos associations respectives ne pouvaient pas, sous peine de contradictions
2
internes trop fortes, s'impliquer directement dans des luttes trop éloignées des préoccupations
immédiates des personnes qu'elles rassemblaient.
J'ai donc eu l'idée de créer en avril 1993 une nouvelle association, le "Collectif
de Quartiers pour un Forum Démocratique " (C.Q.F.D.) qui pourrait remplir ce rôle et
rassembler les militants associatifs aspirant à répercuter localement les problèmes généraux de
la société.
Durant les premiers mois, à part l'implication totale dans les batailles du
"Conseil de Maison" RosiersChantepie et dans l'UACS contre l'autocratisme municipal, nous
nous sommes contentés d'une espèce de club de discussions sans parvenir à déboucher sur des
opérations concrètes. Puis, en janvier 1994 nous avons participé à la mobilisation sarcelloise
(enseignants et parents d'élèves essentiellement) pour la défense de l'école publique. Nous
avons appelé (tracts,…) aux manifestations nationales contre le racisme et la loi Debré en
février 94.
Mais c'est en mars 94 que le CQFD a commencé à s'aventurer dans ce qui allait
devenir son champ de lutte sociale spécifique et principal nécessitant à la fois une action
locale et une remise en cause générale du système capitaliste, celui de la bataille contre le
chômage, la misère, l'exclusion.
2. La rencontre avec AC! (1994)
Le mouvement "Agir ensemble contre le chômage" (AC!) est né en 1993 de la
volonté d'une bonne centaine de syndicalistes issus notamment du "Groupe des Dix" (dont
tout particulièrement SUDPTT) ou en opposition à la CFDT (CFDTANPE et autres), à la
CGT (CGTFinances et autres) de démontrer que le chômage galopant (plus de 3 millions
d'inscrits à l'ANPE, plus de 5 millions d'actifs sans emploi) ne constituait pas une catastrophe
naturelle à laquelle on ne pouvait que se résigner mais résultait au contraire d'une logique
capitalistique impitoyable qui devait être combattue conjointement par les salariés et les
chômeurs(euses).
Le premier acte spectaculaire, s'inspirant des "marches des gueux" des années 30 (et même
peutêtre des remises de cahiers de doléances du TiersEtat en 1789), a été l'organisation d'une
"Marche Nationale contre le Chômage" partant de tous les coins de notre hexagone pour
converger vers Paris le 28 mai 1994.
Je crois que c'est Christiane, lectrice assidue du Monde, qui nous a
immédiatement convaincus de nous impliquer dans cette initiative.
Nous avons donc organisé une réunion publique à Sarcelles, annoncée par
tracts, le 25 mars 1994 avec la participation de Laurent, militant de l'Alternative Libertaire
faisant partie du groupe parisien organisateur de cette Marche.
2
A la suite de cette réunion, j'ai contacté toutes les associations, syndicats
locaux et partis politiques "de gauche" afin de constituer un "Comité sarcellois d'accueil de la
Marche des Chômeurs" venus du Nord de la France. (pour le "fun", mais aussi pour qu'on
comprenne les péripéties des années suivantes, je signale au passage que les "jeunes loups du
P.S.", François PUPPONI, Didier ARNAL, JeanLuc PORCEDO…, qui s'y sont joints y ont
connu leur première, et dernière, expérience sociale militant avant de devenir après les
municipales du 95 Maire, Mairesadjoints…).
J'ai "négocié" par ailleurs avec les initiateurs de la Marche pour qu'au moins
une partie des chômeurs du Nord traverse avec notre soutien le Val d'Oise en passant par
Sarcelles avant d'être pris en charge par les militants de la SeineSaintDenis.
Avril et mai 94 ont été deux mois de frénésie, de folie intense. Des dizaines de
milliers de tracts ont été distribués, en particulier aux gares de Sarcelles à 6 heures du matin et
17 heures, de nombreux collages d'affiches effectués la nuit, des réunions incessantes avaient
lieu avec les partenaires sarcellois, mais aussi avec la CNT de Cergy qui accueillait les
marcheurs avant nous, avec les municipalités avoisinantes détenues par le P.S. ou le P.C…
Les solutions technicopolitiques trouvées étaient fréquemment remises en cause, ce qui
obligeait à en imaginer d'autres…
Inutile peutêtre d'ajouter que la municipalité RPR de Sarcelles était opposée à cette initiative
et nous a compliqué à plaisir la tâche.
Etant donné l'imminence du rendezvous parisien de toutes les Marches, la longueur de la
traversée du Val d'Oise, de Cergy à SaintDenis, nous avons opté pour une tournée en car
d'une journée du département avec haltesmeetings à Bouffémont, Domont, Ecouen, Villiers
le Bel, avec dépôt de "cahiers de doléances" dans chaque mairie, apéritifs et restauration,
avant de parvenir à Sarcelles. Une manifestation de plusieurs centaines de personnes a
traversé alors Garges et Sarcelles (peutêtre la première fois depuis la naissance de cette
"villedortoir"). J'ai pu imposer tout de même la réception d'une délégation des marcheurs à la
mairie de Sarcelles que j'avais contacté. Une réunion publique s'est tenue à la maison de
Quartier ValéryWatteau (une centaine de personnes y ont participé). L'hébergement d'une
nuit a été fourni par la tendance "rénovatrice" du P.C. qui détenait la municipalité de Garges.
Le lendemain nous avons emmené en voiture les "marcheurs du Nord" jusqu'à
SaintDenis et avons participé à leur manifestation dans les rues de cette ville, dernière étape
avant Paris.
Le 28 mai, nous avons entraîné quelques dizaines de Sarcellois à la
manifestation parisienne de 10 à 20.000 personnes clôturant ce surgissement d'une révolte
contre l'exclusion socioéconomique de millions de personnes dans notre pays.
3. Implication constante dans les luttes de l'immigration et
autres.
2
Même si la participation au développement d'AC! est devenue dès lors
l'occupation dévorante du CQFD, nous avons continué à nous associer à d'autres batailles
sociales déterminantes pour l'avenir de la démocratie chez nous (immigration,
internationalisme, logement, féminisme…), qui recoupaient d'ailleurs parfois le combat pour
l'emploi et le revenu de toutes et tous, et avons poursuivi notre lutte conjointe à celle des
autres associations "rebelles" sarcelloises pour l'extension de la démocratie communale, la
reconnaissance du contrepouvoir associatif.
Ainsi nous avons participé aux "Journées des Droits des Femmes" à Sarcelles
en réalisant des panneaux sur l'histoire du féminisme, sur la situation actuelle des femmes
dans la société (Je me souviens d'Aïcha expliquant aux jeunes générations comment avec
modération mais fermeté il fallait faire respecter par sa famille comme elle l'avait fait elle
même une vingtaine d'années auparavant le droit à épouser le mari de son choix…), en
intervenant dans les débats publics consacrés à cette question, en éditant des documents, en
participant à la manifestation de la CADAC le 15 novembre 95, très nombreuse
(annonciatrice donc sans que personne ne s'en rende compte du formidable déferlement
populaire du Juppéthon de décembre 95), en appelant par tracts à la manifestation du Collectif
National pour les Droits des Femmes en novembre 97 réclamant de vrais emplois et du temps
pour vivre pour les femmes. Nous avons été amenés à la demande de certaines femmes à
collaborer de manière épisodique avec le Centre Sarcellois d'accueil des "femmes battues".
Avec le DAL (Droit au logement) et AC!, nous avons connu la réquisition de
l'immeuble de la COGEDIM, rue du Dragon à Paris, essuyé les coups de matraque (et autres)
lors de l'essai de transformation de ce lieu en Université Populaire. Nous avons même été
chargés temporairement de relayer le DAL dans le Val d'Oise pour aider les mallogés et
expulsés du département à se défendre.
Conjointement avec le MRAP sarcellois, et aussi avec d'autres associations et
même la mairie, nous avons coorganisé des journées de lutte contre le racisme, édité une
petite plaquette sur les droits des étrangers en France, et même été tentés de constituer un
organisme de lutte local contre le Front National.
Nous avons participé aux manifestations parisiennes de soutien au peuple
bosniaque, de condamnation de la répression des étudiants chinois de la place Tien An Nem,
d'exigence du droit d'asile pour les Algériens persécutés par les islamistes ou par le pouvoir
militaire en place…
Nous avons organisé le déplacement en car de Sarcellois en mars 95 jusqu'à Nantes où se
déroulait une manifestation nationale dénonçant le refus gouvernemental d'accorder ce droit
d'asile aux réfugiés politiques algériens.
2
De même, à l'appel d'une association sarcelloise communautaire (Alif A), nous
avons constitué un comité interassociatif d'intervention à l'aéroport de Roissy en cas
d'expulsion des maîtres auxiliaires étrangers débauchés par l'Education Nationale.
Car la grande affaire de cette période (952000), celle qui a investi le champ du
politique, hors de l'arène politicienne, qui a réveillé les consciences et réflexes engourdis par
le règne mitterrandien et assommés par les coups de barre (sic) du néocapitalisme ultra
libéral, cela a été la lutte inouïe des "sanspapiers".
A la suite des sanstravail (Marche nationale de chômeurs), des sanstoit (opérations de
réquisition de logements vacants par le DAL et le CDSL), une nouvelle catégorie de sans
droits venait réclamer à la République la reconnaissance de son existence, la fin de son
calvaire, l'obtention des conditions élémentaires de survie dans toute société dite
"civilisée" (ne parlons même pas des autoproclamations ronflantes de "patrie des droits de
l'Homme", berceau des Lumières"…)
Etrangers parmi les étrangers, africains, asiatiques, kurdes…, ils exigeaient tout (tout ce qui
est un minimum vital) : droit au séjour, droit au travail légal, droit au logement, droit à
l'éducation pour leurs enfants…Sans illusions ils se heurtaient au racisme latent d'une
puissance coloniale. Innocemment, ils s'opposaient aux intérêts du Capital qui se nourrissait
de leur travail clandestin pour réaliser de superprofits, pour précariser et souspayer les bas
salarié(e)s, pour entretenir résignation et racisme chez les chômeurs (euses).
L'audace de leur sortie d'un monde "invisible, la légitimité de leurs prétentions ont ressuscité
les intellectuels (surtout dans le monde du spectacle) et une partie de la France bien
anciennement soixantehuitarde, généreuse, tiersmondiste, que le règne de l'argent et de la
concurrence interindividuelle avait somnanbulisée.
Nous avons naturellement rejoint toutes les manifestations qui ont émaillé ce réveil politique,
de celle regroupant plus de 100.000 personnes à Paris contre la loi Debré (nouveau code de la
nationalité ) à celles de quelques dizaines de personnes prévenues on ne sait comment, de
celles accompagnant l'occupation de l'église Saint Ambroise à celle, rageuse, nombreuse,
émotionnellement très forte suivant l'expulsion à la hache, à la matraque et aux mousquetons
de l'église SaintBernard.
Par ailleurs, nous avons aidé celles et ceux qui nous l'ont demandé à Sarcelles à établir des
dossiers de régularisation, les accompagnant éventuellement à la Préfecture, nous liant en
particulier à cette occasion avec l'association communautaire malienne ADDFEAP.
Nous avons même, avec la complicité de la nouvelle municipalité (un bon point à lui décerner
puisqu'elle le méritait cette foislà) procédé à l'embauche fictive par le CQFD d'un jeune
Sénégalais pour empêcher son expulsion du territoire.
Après coup, je m'aperçois qu'il aurait peutêtre mieux valu mener une campagne publique
locale sur ce sujet et tenter davantage de faire bouger les associations communautaires (qui se
sont pour la plupart prudemment tenues en retrait) que de nous précipiter plusieurs fois par
mois à Paris.
Etaitce possible alors que nous étions peu nombreux, plongés jusqu'au cou dans la tentative
de construction d'un mouvement de chômeurs, dans les remous de la vie interassociative
confrontée au pouvoir municipal et multiples autres occupations…? Je n'en sais rien.
2
4. La création du L.O.C.A.L. (19941997).
D'emblée, après le succès de la Marche Nationale contre le chômage, j'ai
estimé qu'il était nécessaire de créer des "Maisons de la Solidarité", lieux stables de rencontre
et d'organisation des exclus, tout comme le mouvement ouvrier de France avait inventé les
Bourses du travail à la fin du XIXème .
Pour atteindre cet objectif, trois conditions devaient être réunies :
une immersion dans le monde du chômage destinée à connaître les mécanismes généraux,
les particularités du bassin d'emploi, les organismes institutionnels intervenant dans ce secteur
socioéconomique, les problèmes cruciaux de chacun (e), et de commencer à constituer un
petit noyau de "demandeurs d'emploi" (D.E.) acceptant l'idée de la nécessité de luttes
collectives.
trouver un lieu exclusivement affecté à l'accueil et à l'organisation des victimes collatérales
des grandes manœuvres du capital financier (et, par voie de conséquence, des soubresauts du
capital industriel)
obtenir les moyens matériels assurant le fonctionnement, l'information, l'action de ce pôle de
lutte.
Fin 94, tâcheron obstiné, bœuf de labour attaché à son droit sillon, je me suis
attelé à ces trois tâches et pendant cinq ans (9499) j'ai assisté à toutes les réunions nationales
ou Assises d'AC! et y suis intervenu, d'abord seul, puis en compagnie de quelques
chômeurs(euses).
° Avec les copines/copains du CQFD qui parvenaient à se rendre
disponibles, nous avons commencé à distribuer des tracts aux portes de l'ANPE et des
ASSEDIC de Sarcelles, relayant le programme d'action défini aux "Assises" d'A.C.! Puis nous
avons diffusé un questionnaire sur les dysfonctionnements de l'ANPE de Sarcelles, organisé
des réunions entre nous et les DE à la maison de Quartier des Vignes Blanches, obtenu des
rencontres conflictuelles avec la direction de l'ANPE permettant tout de même d'obtenir de
petites améliorations de ce service, stabilisé autour de nous quelques chômeurs relativement
désespérés/révoltés, qui nous suggéraient des pistes de revendication, nous accompagnaient
dans nos démarches auprès des institutions et municipalités de notre "bassin d'emploi".
2
° Dès le lendemain de l'élection municipale de 1995, j'ai commencé le
siège du nouveau pouvoir municipal (exercé par une bonne part de celles et ceux que nous
avions entraîné dans l'organisation de la traversée du Val d'Oise par la Marche Nationale
contre le Chômage d'AC!) pour l'attribution d'un des multiples locaux municipaux vacants
aux demandeurs d'emploi, à la centralisation locale de la lutte contre le chômage.
Ce qui me paraissait devoir être une simple formalité s'est transformé en bataille de longue
durée (18 mois) faisant apparaître de plus en plus clairement la béance idéologique entre ces
"jeunes loups" "de gauche" et une réalité sociale insupportable ("Qu'estce que tu veux ? Il te
faut une belle pièce avec un grand bureau, deux fauteuils confortables et le téléphone?" Eh!
bien non, je ne voulais pas d'un bureau aussi somptueux que celui de ces nouveaux élus, mais
une salle assez grande pour contenir des dizaines de personnes dans un endroit de la ville
suffisamment central, du matériel informatique, des pancartes, des banderoles… ).
Toujours accompagné par un ou plusieurs chômeurs lors de ces discussions
avec divers adjoints de la Mairie, après avoir refusé un pavillon totalement excentré situé dans
un lieu désert, nous avons fini par obtenir la concession d'un local insatisfaisant à bien des
points de vue (en étage, ni visible ni facilement accessible, sous les fenêtres du
Commissariat…) mais bien placé (proche de l'ANPE, des ASSEDIC, de la Mission Locale
pour l'emploi, de la Direction Générale des Affaires Sociales…) début janvier 97 auquel, par
des affiches, des tracts, des photos nous avons immédiatement donné un aspect militant.
° Les moyens financiers de l'action :
Durant plus de 3 ans (avril 93novembre 96), comme bien souvent dans notre
vie militante, nous avons fonctionné avec nos moyens personnels (cotisations minimes que je
ne savais pas bien exiger, mais surtout dépenses couvertes par notre fric personnel, utilisation
de notre téléphone, de notre fax, de notre voiture, tracts tirés par les uns ou les autres sur leur
lieu de travail ou dans les autres associations…)
Ces moyens de fortune (sic), ce bricolage budgétaire permanent déjà
insatisfaisant, limitant nos interventions lors de ces premières années, ne pouvait perdurer dès
lors que la perspective d'une action permanente à plein temps contre le chômage, avec gestion
d'un local associatif destiné aux chômeurs(euses) devenait imminente.
J'avais et j'ai toujours une position très nette et très ferme concernant la
question des subventions :
Il s'agit de notre argent(à nous citoyens), collecté par l'impôt. Il
n'appartient en aucune manière à ceux (Etat, organismes publics, collectivités territoriales
diverses…) qui le gèrent et doivent simplement être comptable de sa bonne (judicieuse,
effective)utilisation. Il est donc tout à fait légitime, normal, que cet argent soutienne l'action
d'associations œuvrant pour le bien public. Son obtention ne peut en aucune manière être
perçue comme une faveur et créer un lien de dépendance entre les bailleurs et les associations
( d'autant plus qu'il s'agit d'un outil institutionnel d'exercice de la démocratie et non pas de
3
caisses occultes destinées à l'achat de "clientèles"). C'est un des prolongements du droit
constitutionnel d'expression.
L'obtention de subventions doit être considérée comme une des facettes
du combat social général. La gestion des deniers des contribuables se doit d'être rigoureuse
(même si les "affaires" concernant partis, "responsables" politiques, entreprises…infirment
largement et constamment cette règle), et il me paraît normal que les subventionneurs
exercent un contrôle sur l'utilisation de ces moyens financiers (communication des bilans
d'activité, des comptabilités). Mais par contre ils n'ont absolument pas à juger de la nature des
actions ainsi aidées, ce qui est pourtant leur penchant naturel. L'obtention de subventions doit
être considérée comme une lutte pour la reconnaissance publique de l'activité des associations
assortie d'une affirmation de leur indépendance et de leur autonomie. Et si le chien est amené
à mordre la main de celui qui le nourrit, c'est que le "maître" est mauvais, et le chien doit
continuer à la mordre pour contraindre le mauvais "maître" à continuer à assurer sa
subsistance. Il vaut mieux (s'il faut aller jusque là) menacer le subventionneur récalcitrant que
le craindre.
Face aux prétentions hégémoniques du pouvoir, directes ou insidieuses,
il faut sans cesse veiller à ne pas se laisser détourner (même inconsciemment ou
innocemment) des objectifs définis par l'association pour s'adapter aux grandes orientations
choisies par le pouvoir. Il faut une constante attention pour éviter les dérives, pour ne pas
changer quelque peu d'activités parce que certaines assureraient plus facilement leur
financement que d'autres. Par contre, on peut être aussi souple que voulu dans les termes de
présentation des buts poursuivis si on sait être et rester intransigeant dans leur exécution.
Après avoir en vain, sans espoir et sans besoin crucial déposé des demandes de
subventions en 94 et 95, j'ai créé un scandale en 96 (évoquant face au Préfet chargé de la
Mission Ville du Val d'Oise le sort réservé aux Fermiers Généraux en 1789. J'avoue m'être
senti plus à l'aise quand j'ai appris quelques mois plus tard que celuici était "mis en examen"
pour avoir participé aux malversations de Carignon, maire de Grenoble, destitué, jugé,
condamné.) face à son refus de soutenir notre action. Devant la tournure extrêmement violente
de cette confrontation et le soutien affiché par Daniel (Comité de quartier Chantepie), Nas
(SarcellesJeunes) et Jacques (MJC), l'Etat a consenti à nous accorder 5000 francs et la
municipalité s'est sentie obligée de compléter par une subvention communale de
fonctionnement de 7000 francs(toutes deux payées fin 96).
Cela nous a permis d'équiper sommairement le local arraché à la Mairie fin 96 et d'attendre
(grâce aux dons personnels et associatifs) l'échéance suivante.
Les années suivantes le boulot administratif et comptable requis par les
nouvelles demandes de subvention a été pénible mais les résultats plus adaptés à nos besoins,
à ceux des chômeurs (euses) qui s'adressaient à nous.
Le 13 janvier 1997, les trois conditions préalables à l'ouverture de notre
L.O.C.A.L. (Lieu d'Organisation des Chômeurs et des Actifs en Lutte) étant réunies, l'espèce
de "Maison de la Solidarité" qu'il me semblait indispensable d'instaurer pour une longue durée
pouvait commencer à vivre.
3
5. Quotidien et temps forts (19971998).
° Durant presque un an j'ai tenu trois permanences par semaine
(lundi, mercredi, vendredi, de 9 heures à 12 heures), seul (ou accompagné parfois par un
militant du CQFD ou un autre bénévole) dans ce lieu d'assistance technique (rédaction de CV,
de lettres administratives, contacts avec les organismes compétents comme la CAF, la DGAS,
la Mission Locale, l'ANPE, le service Logement de la Mairie, le Centre d'Accueil des
Femmes battues…) et d'information sur les luttes collectives menées par AC! contre le
chômage. En résumé, 125 permanences, 312 passages de D.E. enregistrés, rédaction de 21
C.V., de 17 lettres de motivation, d'une douzaines de courriers administratifs divers (impôts,
études, stages…), accompagnement d'une dizaine de cas spécifiquement féminins, d'autant de
dossiers de régularisation d'étrangers, de problèmes de logement, au moins une douzaine de
personnes ayant retrouvé un emploi grâce à l'association; extension des liens avec d'autres
associations sarcelloises, et multiplication des rapports avec les institutions. Notre présence
avec tracts aux portes de l'ANPE et des ASSEDIC était devenue constante.
Ces chiffres constituent les additions froides dont raffolent les
administratifs(ves) qui taillent et baillent les subventions des associations. Dans la "vraie vie"
ils représentent la partie émergée de l'iceberg des détresses individuelles, de personnes
humaines à bout de ressources qui tentent désespérément de surnager dans les eaux glacées
d'un système économicosocial inhumain. (Et accessoirement, ils ne rendent pas compte du
choc mental des bénévoles saisis par ces mains gelées qui espèrent encore un secours.)
A contrecourant de l'opinion dominante à cette époque dans AC!, nous avons
estimé possible (avec l'élévation du niveau des subventions) et indispensable (avec l'ouverture
tous les jours de la semaine) d'embaucher une C.E.S. (Contrat Emploi Solidarité, dispositif
ouvrant la possibilité à des chômeurs (euses) de longue durée de se réintroduire dans le monde
du salariat en travaillant à mitemps, avec obligation pour l'employeur de payer une formation
professionnelle adjointe). après Isabelle qui nous a quittés au bout de quinze jours, Sébastiana
est venue m'épauler à partir de la midécembre 97. Ouf! il était juste temps puisque le point
culminant de l'action des chômeurs a débuté exactement à ce momentlà pour se poursuivre
jusque en mars 98.
° La marche européenne contre le chômage (Amsterdam 14697).
Après le succès de la marche nationale contre le chômage de 94 entraînant la
naissance de nombreux collectifs locaux à travers toute la France, le développement d'autres
associations de chômeurs (APEIS, MNCP, Comités CGT) sur notre territoire, mais aussi de
3
mouvements analogues à l'étranger, le démarrage de la construction d'une identité
économique européenne (traité de Maastricht), AC! a imaginé la première Marche
Européenne contre le chômage, toile d'araignée transfrontalière convergeant à Amsterdam la
veille du Sommet Européen censé ébaucher les axes sociaux communs devant s'appliquer aux
Etats membres de cette nouvelle entité, afin de peser sur les décisions prises lors de ce
sommet.
Entre début avril et la mijuin 97 nous avons distribué des milliers de tracts à
Sarcelles, effectué plusieurs collages d'affiches, tenu une réunion publique, vendu partout le
Journal des marches Européennes, effectué des interventions dans les meetings électoraux de
la campagne pour les élections législatives. Nous avons participé aux trois manifestations
marquant le passage d'une des branches de cette Marche Européenne dans la région parisienne
(occupation pour quelques heures du château de Versailles et quelle fierté pour certains de
nos militants d'avoir occupé la chambre du roi ! , Saint Denis, Paris). Nous avons recensé les
personnes (salariés ou chômeurs qui souhaitaient défiler à Amsterdam contre le chômage,
pour une Europe Sociale. Puis nous avons opiniâtrement harcelé la municipalité de Sarcelles
afin qu'elle nous procure un car de 50 places pour la journée du 14 juin et nous l'avons obtenu
à la dernière minute.
Les discussions incessantes durant ces longues heures du trajet allerretour, la
chaleur humaine de ce cortège de 70.000 personnes (chiffre de la police néerlandaise) venant
de tous les coins du continent, le sentiment de faire partie d'une force unie et incontournable
ont transcendé une partie des chômeurs (euses)que nous avions entraîné dans cette "aventure",
ont rendu militants(es) certain(es) d'entre eux (elles).
Cela a donc contribué à cristalliser un noyau de chômeurs(euses) militant(es) autour de notre
LOCAL.
° Le Grand Hiver des chômeurs(euses)
Les Assises d'AC! d'octobre 97 avaient décidé l'organisation d'actions et
manifestations pour la mijanvier 98, ce qui a posteriori, indique une forte osmose entre ce
mouvement et les sentiments diffus des exclus du monde du travail.
En effet, dès la midécembre une mobilisation inédite des chômeurs (euses)
s'est traduite par des occupations d'ANPE ou d'ASSEDIC, à Marseille à l'initiative des
Comités de Sansemploi CGT, dans le Nord de la France par des comités locaux d'AC! et de
l'APEIS.
Du mardi 30 décembre 97 au samedi 7 mars, par un temps glacial, nous avons
distribué des milliers de tracts (8 différents, 25 diffusions) aux portes de l'ASSEDIC et de
l'ANPE de Sarcelles, participé à 6 manifestations parisiennes avec nos pancartes et notre
banderole, entraînant avec nous entre 10 et 15 chômeurs (ses) (C'était très peu et en même
3
temps pas si mal au regard de la difficulté de mobiliser sur des objectifs généraux, généreux
mais impersonnels des personnes qui déployaient déjà une énergie désespérée pour tenter de
survivre, de faire face à leurs détresses individuelles.)
Dans le Val d'Oise, comme dans certains autres départements, les ASSEDIC
ont décidé dès le 30 décembre de fermer les portes de leurs antennes, par crainte d'occupation,
là où elles se sentaient menacées, à CergyPontoise et à Sarcelles, ce qui nous a permis de
tenir les premiers jours des minimeetings sur le trottoir en compagnie des Renseignements
Généraux.
Face à cette insurrection inopinée (incompréhensible pour les "nantis"
dominants appartenant à une couche sociale privilégiée et /ou aux appareils économiques et
politiques ), le Gouvernement de la "Gauche plurielle" a fini par consentir, du bout des lèvres,
du bout des doigts (et cette attitude ne s'oubliera pas) à "lâcher" un malheureux milliard
alimentant un Fonds d'Urgence Sociale à répartir avec parcimonie, et sur la base de dossiers
complexes, aux plus démunis qui en feraient la demande.
Les dossiers de demande de fond d'urgence sociale pouvaient être constitués par les
ASSEDIC, les Missions Locales, la DGAS, ou par les associations de chômeurs. Ils étaient
exhaustifs, longs à remplir et devaient être accompagnés par nombre de pièces justificatives.
Durant le premier trimestre 98, un climat de folie activiste a régné dans notre LOCAL. Outre
la préparation et la participation aux manifestations auxquelles nous convions largement, nous
(tous les militants de l'association s'impliquant à fond) avons établi 121 dossiers d'"Urgence
Sociale" (avec un taux de 90% de demandes "satisfaites", alors que le taux de refus des
dossiers constitués par les ASSEDIC avoisinaient ces mêmes 90%). Le LOCAL ne
désemplissait pas, les photocopieurs fonctionnaient en permanence…
Trois caractéristiques ont marqué encore plus qu'avant l'atmosphère que nous
encouragions à se développer :
Une totale confiance entre nous et les personnes en détresse.
Une absence de retenue dans l'exposé des malheurs de chacun(e) vis à vis des autres qui se
trouvaient dans des situations comparables, qui se rendaient encore plus compte qu'elles
étaient victimes d'un système général et non pas de défaillances individuelles. La
communauté des besoins aboutissait à des échanges de "tuyaux" de survie, à la naissance de
sentiments de solidarité.
L'absence de racisme dans un lieu où chacun(e) livrait en public sa situation et où pourtant
se côtoyaient africain(e)s, antillais(e)s, juif(ve)s et maghrébin(es) …
90% des personnes qui sont venues demander notre aide administrative
n'avaient jamais eu de relations avec quelconque service social, étaient "horsmonde",
accédaient pour la première fois dans les échanges du LOCAL à une des facettes de la
citoyenneté.
Les situations dans lesquelles se débattaient ces familles étaient à proprement
parler inimaginables. J'étais à la fois bouleversé par l'ampleur des détresses qui se mettaient à
3
nu devant nous, mais encore plus par le courage indomptable (notamment des femmes) de
ces êtres humains qui luttaient opiniâtrement, jour après jour pour survivre eux et leurs
enfants, conjoints, éventuellement parents…
A leur place j'aurais perdu tout courage et me serais jeté du haut d'une des
innombrables tours ou barres sarcelloises.
Même les personnes traitant en Préfecture des dossiers que nous avions établis
m'ont avoué avoir été rendues malades par la découverte indirecte de ces situations.
Ce moment a constitué un électrochoc pour la partie de la société qui a été
amenée à mesurer cette misère intolérable. Mais sans illusions, nous avons pu nous rendre
compte que tout s'oublie, surtout ce qui trouble les consciences, ce qui remet en cause les
conforts intellectuels.
6. La bataille pour sauvegarder le L.O.C.A.L. (juinjuillet 98).
Depuis janvier 97 (date de la "concession" par la municipalité d'un lieu
associatif destiné à l'aide et à l'organisation des chômeurs(euses), plus de mille personnes
(dont une bonne part illettrée car d'origine étrangère et qui donc étaient parvenues jusqu'à ce
local plus par le "bouche à oreille", par des circulations orales d'informations que par nos
diffusions de tracts) étaient venues partager avec nous et avec les autres "exclu(e)s" leurs
problèmes, chercher des solutions et même pour certain(e)s s'impliquer dans des luttes
collectives.
Tout changement d'adresse revenait dès lors à un sabotage de ce que nous avions bâti en un an
et demi, à priver de repères celles et ceux qui y avaient trouvé la solidarité, les échanges… qui
leur manquaient.
Pour ma part, obsédé depuis 95 par l'idée de la construction nécessaire de
"Maisons de la Solidarité" ou "Bourses contre l'exclusion" constituant des bases de ralliement
des victimes du Capital jusqu'à extinction de celuici, je cherchais en permanence à faire
signer par la municipalité une convention non révocable de prêt du lieu qu'elle nous avait
attribué de guerre lasse et quelle avait ellemême choisi dans son propre parc immobilier.
Rencontrant une fois de plus le Maireadjoint Didier ARNAL à ce sujet, il
m'annonce qu'il envisage de récupérer notre local. J'ai d'abord cru à une plaisanterie, puis je
lui ai expliqué pour quelles raisons il n'était pas question de fermer ce L.O.C.A.L., ni même
d'envisager son déménagement. Face à son insistance, je lui ai dit : "Si tu fais ça, ce sera la
guerre entre toi et nous. Tu gagneras probablement puisque tu disposes de moyens de pouvoir
supérieurs aux nôtres, mais toi et la municipalité subiront des conséquences de cette bataille
3
que vous regretterez" N'ayant jamais milité (sauf dans l'appareil du P.S.), il n'a pas compris
cette mise en garde et s'est contenté d'en rire.
A notre réunion de CA, j'ai été le seul totalement déterminé à engager un bras
de fer total avec la municipalité, sans la moindre concession, sans accepter même un
déménagement de notre activité !
Je me suis donc lancé d'abord tout seul dans cette bataille, mais ai été ensuite
rapidement soutenu par tous les militants de l'association.
Le 21 juin le premier tract était distribué à l'ANPE et aux ASSEDIC, apprenant
aux demandeur(euses)d'emploi la situation et les appelant à venir remplir une pétition au
L.OC.A.L. (108 signatures en quelques jours), et j'avais rédigé un courrier de demande de
soutien que j'envoyai à toutes les associations sarcelloises et à tous les syndicats que nous
avions déjà rencontrés à une occasion ou une autre et qui me semblaient susceptibles
d'appuyer notre démarche.
Le 3 juillet, nous avons distribué de nouveaux tracts mettant directement en
cause la municipalité, les orientations politiques et économiques du P.S. et P.C.
Du 25 juin au 8 juillet, 14 courriers ou fax de protestation sont parvenus à
Didier ARNAL et au Maire de Sarcelles (7 associations sarcelloises majeures: Comité de
Quartier Chantepie SarcellesJeunes, Accueil et Culture, Confédération Nationale du
logement des Rosiers, MRAP, Association FlandrePicardie, lADDEFEAP, et 7 syndicats Val
d'Oisiens: SUDPTT, SUDTélécom, SUDRail, Section CGT de la Caisse Primaire
d'Assurance maladie, Union Locale CGT de Sarcelles, SNUIPP de Garges lès Gonesse,
CFDTANPE Ile de France) . Je les ai tous remerciés par courrier en septembre. J'ai
également pris contact avec Yves Cochet, député Vert de notre circonscription (et dont le
suppléant était Didier Arnal!)afin qu'il intervienne. Ce qu'il a fait.
Nous avons distribué des tracts à la grande fête des associations de Sarcelles
fin juin, harcelé tous les conseillers municipaux que nous rencontrions ainsi que le Maire, et
j'ai envoyé le 7 juillet un courrier à Didier ARNAL. le même jour un bel article paraissait
dans "Le Parisien".
Le 9 juillet nous recevions une lettre de capitulation du Maireadjoint nous
annonçant le maintien dans ses lieux de notre association, et quelques mois plus tard la
convention de mise à disposition pluriannuelle que je réclamais depuis plusieurs années.
Comme quoi une bataille politique qui se mène au grand jour devant et avec la population et
en faisant jouer les solidarités associatives et syndicales peutêtre victorieuse !
7. Préparation et réussite de mon départ (décembre 97 septembre 98).
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Tous(tes) les copains et copines de Sarcelles savaient de très longue date que je
quitterais Sarcelles 10 ans après y être arrivé, donc aux alentours de 1998, mais personne ne
semblait y croire.
A partir de septembre 97, j'ai systématiquement emmené avec moi les
chômeurs(euses) les plus impliqués dans le fonctionnement du L.O.C.A.L. (rarement les
mêmes) aux Assises Nationales d'AC! afin qu'ils(elles) s'intègrent davantage dans ce
mouvement , s'imprègnent de sa dimension nationale, de ses valeurs, modes de
fonctionnement et contradictions internes.
Le 1er décembre 97, nous avons renouvelé le bureau de l'association (donnant
des responsabilités à de nouveaux militants salariés ou chômeurs, transféré le siège de
l'association CQFD à l'adresse du L.O.C.A.L. que nous avions créé,et communiqué ces
informations à la Préfecture. Nous avons pris la décision d'embaucher une personne en
ContratEmploiSolidarité (seul mode de salariat à notre portée) afin de pouvoir tenir plus de
permanences au LOCAL (5 jours sur 7 au lieu de 3) et être certains que pas une seule fois les
personnes venant nous voir se heurtent à une porte close (que ce soit en raison de distribution
de tracts à l'extérieur , de réunions avec les institutions…)
Alors que jusque là j'avais été le permanent bénévole, le président, le trésorier
et le secrétaire, de fait, de l'association, les tâches ont été réparties avec séquences
d'apprentissage de la comptabilité , du montage des dossiers de subvention, de participation
aux rencontres avec les institutions locales…
J'ai par ailleurs multiplié et renforcé les contacts et relations entre le CQFD et
certaines associations sarcelloises, avec des syndicats Val d'Oisiens, notamment SUD, avec
les représentants des institutions municipales et sociales locales en les invitant à rencontrer au
L.O.C.A.L. les adhérents du CQFD et/ou les "exclu(e)s" qui le fréquentaient. (Tout ceci
m'ayant bien aidé à remporter la bataille ultérieure contre la municipalité pour la sauvegarde
de ce L.O.C.A.L.).
En juin 98 nous avons renouvelé et surtout renforcé le bureau de l'association
en y incorporant de nouveaux membres.
En octobre nous avons embauché une personne supplémentaire, Hamid, pour
faciliter encore davantage l'accueil des personnes en difficulté.
A la même date, j'ai établi le rapport d'activités de l'association pour les 9
premiers mois de l'année que j'étais encore le seul à pouvoir inventorier.
Ainsi tout cet édifice bricolé en 5 ans, devenu une force sociopolitique
incontournable, efficace, légitime, connue et reconnue à Sarcelles, où coexistaient de fortes
personnalités, où les débats politiques étaient particulièrement riches, l'amitié et la confiance
réciproque également, mais qui paradoxalement (parce que chacun des membres était
submergé par d'autres activités ) paraissait ne pouvoir exister et survivre qu'à travers moi,
avait acquis en quelques mois la capacité de perdurer.
Sachant tout de même le besoin de toute collectivité de se rattacher à une
"âme", j'ai demandé à Nas, ami et adhérent de la première heure du CQFD, très impliqué dans
la vie de l'association mais déjà surchargé par son travail de coordinateur des activités de
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"SarcellesJeunes" et malade (je ne savais pas à l'époque à quel point il était atteint), de veiller
tout de même sur mon bébé devenu grand.
Il n'y a pas manqué…
8. Depuis.
Mon départ a libéré les énergies et initiatives de celles et ceux ( comme Momo,
Elizabeth, Aïcha, Ismaël, Nadia,…) qui jusquelà me déléguaient tacitement toutes les
responsabilités (même si nos débats internes étaient foisonnants).
Le L.O.C.A.L.C.Q.F.D. continue à participer aux initiatives d'AC! (deuxième
Marche Européenne contre le Chômage à Cologne, Marche internationale des Femmes
culminant à Bruxelles et nombreuses autres manifestations ou actions franciliennes…)
Mais il continue aussi à s'associer aux luttes de "sanspapiers", aux
manifestations de soutien à la Palestine…
Et actuellement il est particulièrement en prise avec tous les problèmes liés au
logement social, remportant même fin 2001 avec d'autres associations une bataille titanesque
contre le principal propriétaire HLM de Sarcelles (la SCIC), contre la Caisse des Dépôts et
Consignations (principal actionnaire de la SCIC), contre StraussKahn, Premier Adjoint de la
municipalité qui avait été, en tant que Ministre des Finances, le promoteur de cette opération
visant à renforcer le Capital financier.
Nas est mort le 1er janvier 2000, plongeant dans la stupeur et le chagrin les
jeunes des cités dont il avait été une sorte d' "oncle" bienveillant mais aussi marqueur de
repères, le monde associatif sarcellois et tout particulièrement nous toutes et tous qui l'avions
aimé dans le CQFD, dans le L.O.C.A.L.
C'est alors que "tout naturellement", le troisième mousquetaire" des batailles
mémorables contre la municipalité RPR puis contre la municipalité "gauche" plurielle, pour
l'amélioration du sort de chacun(e), Daniel, est devenu à son tour la nouvelle (troisième)
"âme" de ce L.O.C.A.L. et du C.Q.F.D. Merci Daniel !
Cette petite histoire qui se fond dans la grande continue donc…
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9. Mes principes.
Aussi bien mes penchants naturels que mon adhésion au maoïsme (lesquels se
sont toujours naturellement confondus) m'ont amené à appliquer dans mon combat social un
certain nombre de règles de comportement devant nécessairement se combiner pour être
efficaces.
° L'immersion.
J'ai toujours ressenti profondément le besoin d'être "comme un poisson dans
l'eau" au milieu des gens pour, et avec qui, je souhaitais lutter.
C'est parce que je connaissais plus ou moins intimement environ un dixième des étudiants
aixois avant 68 que mon ralliement à la Gauche Prolétarienne a été efficace. C'est en
travaillant dans les ateliers durant de longues années que j'ai pu peser un peu sur les luttes
ouvrières, faire pénétrer les idées révolutionnaires dans les usines. C'est grâce à une longue
imprégnation du vécu des banlieues sensibles où nous avons habité (Bellevue à Nantes, les
Minguettes à Vénissieux, Chantepie à Sarcelles) que j'ai pu m'engager dans les combats
associatifs de quartier.
De même je ne pouvais concevoir mon implication dans la lutte contre le chômage sans
établir les liens les plus nombreux et les plus forts possibles avec celles et ceux qui
souffraient de cette exclusion. Je n'imaginais pas qu'AC! puisse exister sans associer des
militant(e)s politiques, syndicaux…) et des chômeurs(euses).
C'est du peuple, quelles que soient ses strates, que j'ai toujours tiré la légitimité
et la force de mes actions.
Le peuple en marche est un fleuve irrésistible, qui renverse tout sur son
passage. Le problème est qu'il ne sait généralement pas (malgré les innombrables exemples
historiques, les plus récents et marquants en France étant ceux de Mai 68 et de Décembre 95)
et que les atomes qui le composent se sentent généralement impuissants, isolés, accablés.
Le rôle des militants, associatifs (surtout) et autres, consiste à favoriser la réunion des
consciences individuelles, à favoriser la fédération, l'agglomération, la cristallisation des
forces populaires, et non pas à les "guider" comme un maître conduit son âne.
Dans la terminologie maoïste (et j'incite tout le monde à se référer aux œuvres
choisies de MaoTséToung et même pourquoi au Petit livre Rouge) cela s'appelle "la ligne de
masse", "servir le peuple", ou plus imagé "descendre de son cheval".
° Le ralliement des alliances positives.
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J'ai toujours été conscient (sauf en 68) de la faiblesse (engendrée par son
caractère minoritaire) du courant radical dans notre société. J'ai donc toujours cherché, sans
transiger sur les objectifs, sans affadir, ternir ou masquer l'idée révolutionnaire, à ne pas être
enfermé dans le piège de l'isolement, à établir des passerelles avec les forces avoisinantes, à
constituer un front commun face aux dominants.
Lorsque je travaillais en usine, j'ai toujours préconisé la stratégie des cercles concentriques
créés par la pierre jetée dans l'eau (constitution d'un noyau d'ouvriers révolutionnaires, liés à
une fraction plus ou moins large de salarié(e)s en révolte latente. Cet ensemble constituant
une force d'action, de proposition pouvait ensuite contracter des alliances ponctuelles avec les
syndicats réformistes.
Depuis la création du CQFD en 93, je n'ai pas cessé de tenter de rencontrer les
autres associations sarcelloises, d'établir des partenariats avec certaines d'entre elles, de
participer à toutes les formes d'expression collective (journées contre le racisme, rencontres
pour le respect des droits des femmes, journal des associations de Sarcelles, stands associatifs
aux brocantes municipales sarcelloises, collectif des associations RosiersChantepie,
commissions diverses concernant la vie associative…). J'ai voulu faire connaître
physiquement, humainement, notre LOCAL à diverses sections syndicales du Val d'Oise
(SUD particulièrement, mais aussi CGT ).
J'ai également tenu à établir des relations étroites et personnelles (mêlant confiance mutuelle,
cordialité, et conflictualité lorsque cela devenait nécessaire) avec les organismes sociaux
(ANPE, ASSEDIC, CAF, DGAS, Mission Locale pour l'Emploi, Sécurité Sociale…), avec les
services de la ville (logement, culture, administratifs divers…).
J'ai le sentiment, peutêtre faux, d'avoir ainsi emmené tout le monde un peu plus loin de ses
positions de départ et d'avoir empêché la marginalisation de notre action.
C'était ma façon, empirique et personnelle, de mettre en œuvre le concept de Front Uni
employé par Mao durant la guerre sinojaponaise.
° La douche écossaise.
J'évoque là une attitude toute personnelle, que je sais être très efficace mais
que je n'arrive pas à théoriser de façon satisfaisante (permettant d'être reprise par d'autres).
J'ai toujours su instinctivement mêler rapports personnels chaleureux, amicaux
avec les adversaires (je ne parle pas d'ennemis de classe se posant comme tels) et une
intransigeance révolutionnaire totale, alterner cordialité et soudaine férocité (je sais, c'est le
truc connu du flic gentil et du flic méchant lors des interrogatoires, mais la singularité était
que j'étais tout seul les deux à la fois, la Sainte Dualité en quelque sorte).
Je pouvais embrasser chaque fois que je la voyais Madame Mestre, femme du Premier
Adjoint RPR, Présidente de l'UACS, future responsable RPR de la 8ème circonscription du
Val d'Oise, et combattre et démolir toutes ses initiatives jusqu'à sa défaite finale.
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Je pouvais au cours d'une même réunion plaisanter et bavarder avec tout le monde et me livrer
soudain à un accès de colère stupéfiant (souvent calculé) lorsque cela servait la cause que je
défendais.
J'ai rarement combattu les individus et toujours les idées réactionnaires. Presque chaque
personne me semble perfectible et je ne peux donc m'empêcher de communiquer /
"communier" avec elle, par contre toutes les fonctions attachées à un pouvoir me paraissant
entraver la liberté, l'égalité, la solidarité je me suis constamment rebellé contre toutes
prétentions se prévalant d'une prétendue supériorité.
Cette combinaison de chaleur humaine, de positivité, et d'intransigeance
idéologique, d'irrespect total pour les positions sociales était infiniment déstabilisante pour
mes adversaires. Elle m'est naturelle, je la préconise, mais seulement pour celles et ceux qui
se savent inébranlables dans leurs convictions.
Mao ne dit rien à ce sujet !
° L'égalitarisme absolu.
Je ne parle pas ici des rapports sociaux entre classes (je connais les
oppositions marxistes, léninistes et modernes à ce sujet), mais de comportement individuel.
D'accord avec les Révolutionnaires de 1793 (un homme il faut y rajouter une
femme égal une voix !), je considère donc tous les individus égaux en droits. De la même
façon qu'il ne me viendrait pas à l'idée d'être condescendant face à une mère de famille
immigrée croulant sous les dettes et les tracasseries administratives, d'utiliser un jargon
incompréhensible pour elle, je n'ai jamais vu la raison de me sentir inférieur à quiconque, fût
il ministre.
J'ai toujours veillé à adapter mon langage à ceux à qui je m'adressais, à ce qu'un climat
d'égalité (et si possible de camaraderie) règne dans notre L.O.C.A.L.. Inversement, je n'ai
jamais toléré la moindre marque de supériorité des détenteurs du pouvoir. C'est la raison pour
laquelle j'ai obstinément tutoyé Dominique StraussKahn, notamment lors des réunions
publiques où on lui donnait du "Monsieur le Ministre". J'ai eu la même attitude face aux
autres détenteurs de pouvoirs (institutionnels, municipaux…). Ce tutoiement marquait pour
moi cette égalité naturelle. Je ne vouvoyais que les femmes plus âgées que moi ou les
personnes qui m'étaient totalement étrangères (horsmonde) comme le Préfet du département,
ou que je considérais comme des ennemis mortels (Raymond Lamontagne lorsqu'il était
députémaire RPR de Sarcelles)…
Quelle que soit la manière dont cela se manifeste, il m'est toujours paru évident qu'il fallait
manifester le refus de s'incliner devant les hiérarchies (forcément iniques) et forcer les
dominants à s'asseoir à la table de l'Egalité.
° La photosynthèse (du social et du politique).
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J'ai toujours pensé que "travail social", luttes locales (corporatistes ou non) et
pensée politique globale devaient être constamment et inextricablement liés.
Dans les deux journaux d'entreprise que j'ai impulsé ("Le Feu aux poudres"
chez PARISSA à Nantes, "Le Vent des usines" à la SNAV de Vénissieux) coexistaient
toujours des articles sur les questions concernant directement les conditions de travail , les
questions internes diverses, et des articles consacrés à l'analyse de la situation planétaire, aux
luttes étrangères…
Au LOCAL, il me paraissait impérieux de suppléer aux carences du régime
social en venant en aide concrètement aux exclu(e)s, à la fois pour gagner leur sympathie et
leur confiance, mais aussi parce qu'il me paraissait élémentaire de tenter tout ce qui était
possible pour soulager (même momentanément et partiellement) leur détresse.
Mais par ailleurs, les murs du LOCAL étaient constamment couverts
d'affiches appelant à des luttes collectives contre le chômage, de panneaux rappelant notre
participation à la Marche Nationale de 94, à la Marche internationale d'Amsterdam… Nous
expliquions sans cesse que nous n'étions pas un "service social" de plus, mais un centre local
d'implication dans les batailles contre l'exclusion et que chacun(e) pouvait s'y investir.
Enfin, nous veillions à ne pas enfermer les chômeur(euse)s dans le champ de
leur seule exclusion, en affichant et évoquant les questions du racisme, du sort des "sans
papiers", de la "mondialisation", de la situation de certains peuples du "Tiersmonde"…
Je reste absolument persuadé que le "tradeunionisme", le corporatisme sont
cause de naufrage de l'émancipation universelle, que les gens ne sont pas si bêtes que l'on ne
puisse les amener à lutter à la fois pour leurs propres intérêts immédiats et pour des objectifs
plus généraux et généreux.
° La recherche du "mat" et pas du "pat".
A ce jeu d'échecs (et de réussites!) qu'est le combat social, même lorsque je me
(nous) croyais objectivement battus d'avance , je n'ai jamais entamé une action sans vouloir
aboutir à une victoire totale. Se mettre en branle pour viser un compromis déjà intériorisé ne
m'a jamais convenu.
La vie comme une "corrida" en quelque sorte!
Chercher constamment à réunir tous les atouts pour vaincre (soutien populaire,
ramollissement des adversaires, réseaux d'alliances…), et se lancer ensuite à corps perdu
dans la bataille sans jamais fléchir.
La détermination est un élément essentiel pour contraindre l'adversaire à l'
"échec et mat".
C'est comme ça que j'ai"cassé" l'UACS, instrument du pouvoir du RPR à Sarcelles.
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C'est comme ça que j'ai sauvegardé le LOCAL contre les manœuvres politicofinancières de
la "gauche" plurielle qui lui a succédé.
C'est cette assurance qui manque au peuple (et encore plus à ses
"représentants" politiques et syndicaux qui, à trop fréquenter les dominants, n'ambitionnent
que des compromis, des "pat" avec les détenteurs du pouvoir économique et politique).
Il est toujours indispensable de répéter l'exhortation de Mao: "Oser lutter, oser
vaincre!"
° Construire dans le granit.
Trait de caractère , je suis fondamentalement un bâtisseur plus qu'un
destructeur.
J'ai toujours préféré les actions de longue durée, la construction d'instruments de lutte
prolongée aux coups d'éclat éphémères.
Je ne nie pas l'influence et la portée des "actions exemplaires" sur les
sentiments populaires. Je ne conteste pas la nécessité d'actions minoritaires quand la situation
les exigent alors que l'apathie et l'indifférence règnent. J'y ai participé (et je continue).
Mais ma préférence va vers la fondation et l'érection de machines infernales les
plus inentamables possibles élargissant l'assise du mouvement social, son autonomie, ses
bases de renversement de l'ordre établi.
Je poursuis l'idée de la construction de digues protégeant les "polders" de
l'autonomie populaire.
C'est pourquoi je tenais tant à l'établissement de "Maisons de la Solidarité" à travers tout le
pays, que je me suis battu pour la sauvegarde du LOCAL de Sarcelles.
Sa permanence et ses évolutions (dues à Daniel, Aïcha , Ismaël,…) constitue l'action dont je
suis le plus fier (avec la constance militante familiale de notre "tribu" constituée de
Christiane, les enfants et moi).
EPILOGUE
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Il ne peut pas y en avoir.
Christiane et moi avons moins de 60 ans, les enfants moins de 30, le monde est
en plein bouleversement (mutation du Capital industriel dominant en Capital financier
omnipotent, ébauche d'une alternative transnationale…), l'intégrisme nordaméricain et
musulman se disputent la suprématie, l'Afrique et l'Amérique latine s'enfoncent , l'exclusion
progresse, donc, "Ce n'est qu'un début, continuons le combat!"
Nous ne devons pas oublier que "Sous les pavés, il y a la plage"
"Soyons réalistes, demandons l'impossible!"