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Faut-il manger bio ?

Opportunité commerciale pour les uns, choix éthique pour les autres, l'alimentat
ion « biologique » a le vent en poupe. Ses produits ont-ils meilleur goût ? Béné
fiques pour l'environnement, le sont-ils aussi pour la santé ? En tout cas, l'ag
riculture du XXIe siècle ne pourra les ignorer.
par Marie-Laure MOINET
Le système productiviste agricole des deux dernières décennies a meurtri la Terr
e : régions désertifiées, rivières et nappes phréatiques polluées par les nitrat
es, sols contaminés par des pesticides organochlorés (également responsables du
déclin de la fertilité du sperme), et, coup de grâce, le funeste prion de l'encé
phalopathie spongiforme bovine.
Le poulet aux hormones des années 70 a cédé la place au poulet aux antibiotiques
. La concentration des élevages « hors-sol » de porcs aux Pays-Bas s'est soldée,
à la fin de l'année dernière, par l'abattage de 25 % du cheptel pour cause de p
este porcine ; à Hongkong, c'est la totalité des poulets qu'on a abattu sous la
menace d'un virus grippal.
Dans ce contexte d'excès en tout genre, l'agriculteur biologique ( « bio ») est
aujourd'hui très courtisé. Pourtant, il rejette le « progrès »: les engrais miné
raux, qui apportent les éléments fertilisants majeurs NPK (azote, phosphore, pot
assium) sous une forme soluble directement assimilable par les plantes, et les p
esticides, qui éliminent radicalement tout ennemi des cultures. Or, engrais et p
esticides ont permis à la France de devenir la deuxième puissance agroalimentair
e mondiale, derrière les Etats-Unis : un agriculteur français nourrit aujourd'hu
i cinquante personnes, au lieu de trois au début du siècle.
Mais à quel prix ? A un prix très élevé : disparition de 40 % des exploitations
en vingt ans, érosion des sols sur lesquels les monocultures intensives de maïs,
de blé ou de légumes se succèdent, arasement des haies, eaux envahies par des a
lgues, escalade des aides publiques (1). A l'opposé, la règle d'or de l'agricult
ure biologique, « produire sans détruire », privilégie la fertilité du sol qui n
ourrit la plante et l'autonomie du système de production. Elle préserve donc les
organismes vivants (vers, bactéries...) et l'humus du sol qui le structurent, s
auvegarde les prairies, établit une judicieuse rotation des cultures dans le tem
ps, faisant la part belle aux légumineuses et aux engrais verts qui fixent l'azo
te de l'air, recycle les matières organiques produites de préférence à la ferme
(paille, déchets verts, fumier, lisier, fiente, compost), adopte un assolement v
arié dans l'espace (polyculture).
Un petit créneau qui explose
Pionnière de ce type d'agriculture, qu'elle a reconnu officiellement en 1980, la
France a perdu du terrain : en 1985, elle détenait 60 % des hectares cultivés «
en bio » en Europe ; en 1997, elle n'en exploitait plus que 7 % (voir l'histogr
amme).
Or, comme les produits bios, à haute valeur ajoutée, font marcher le commerce, e
t comme l'Union européenne double la mise quand un pays finance des « services »
écologiques, le gouvernement français se réveille : il entreprend un plan pluri
annuel (1998-2002) de développement de l'agriculture biologique, préparé par Ala
in Riquois, ingénieur général du Génie rural.
Au menu, le plat le plus substantiel est l'augmentation des aides à la conversio
n, attribuées pour une durée de cinq ans : elles seront de 700 F à 5 500 F par h
ectare selon le type de culture. Ces aides doivent pallier le manque à gagner (r
endements inférieurs, charges sociales plus élevées...) de ceux qui se « convert
issent » et n'ont pas le droit, pendant les premières années, de valoriser leurs
produits sous le label AB (agriculture biologique).
Le vieux routier de l'agriculture biologique, lui, ne touche aucune prime, alors
que la part des subventions dans le revenu d'un céréalier spécialisé dans la pr
oduction intensive, à grand renfort d'irrigation et de traitements (huit par an
en moyenne pour le blé), dépasse 50 %.
Estimé à 3,8 milliards de francs de chiffre d'affaires, le bio est un petit « cr
éneau », mais un créneau qui explose : la consommation des aliments bios s'accro
ît de 20 % par an. Ces derniers ne représentent encore que 0,5 % du secteur agro
alimentaire (757 milliards de francs), mais le chiffre d'affaires devrait franch
ir le cap des 15 milliards de francs en l'an 2000 (le marché bio européen « pèse
» dix fois plus).
Signe des temps, le Salon international de l'agriculture, qui se tient à Paris d
u 1er au 8 mars, présente pour la première fois un « pôle bio ». Il s'agit d'att
irer le chaland. En France, à peine 4 000 producteurs bios (sur 734 800 agricult
eurs) cultivent 120 000 hectares (0,4 % de la superficie agricole). On espère qu
'en 2005 ils seront 25 000 sur 1 million d'hectares.
Car le temps presse : partant de 1 500 tonnes en 1993, les importations bios ont
été multipliées par plus de vingt en quatre ans. Selon Bioconvergence, organism
e qui fédère 500 partenaires de la filière, on est déjà obligé d'importer 20 % d
es fruits et légumes bios (autres qu'exotiques), 30 % des céréales bios moulues
en farine, 15 % du maïs bio nécessaire à l'alimentation animale... Le lait bio e
st passé de 5 millions de litres en 1980 à 51 millions en 1997 (0,25 % du lait c
ollecté), et son volume devrait décupler d'ici à l'an 2000. En attendant, on imp
orte déjà d'Allemagne ou des Pays-Bas environ 10 % de notre consommation.
Une obligation de moyens, pas de résultats
La mention « biologique » correspond uniquement à un mode de production. Ainsi,
on exige non pas que le muesli soit exempt de pesticides, mais que les céréales
et les fruits secs qui le composent aient été produits dans le respect d'un cahi
er des charges bien défini. Une faille dans le système, que le Syndicat européen
des transformateurs de produits de l'agriculture biologique (SETRAB) dénonce au
jourd'hui. « Il est urgent », dit son directeur, Jean-Marc Lévêque, « que l'obli
gation de moyens soit suivie d'une obligation de résultats. »
Pour les produits végétaux, bruts et transformés, le cahier des charges est euro
péen depuis 1991, mais, pour les produits animaux, il n'y a pas de consensus : c
haque pays de l'Union a ses propres cahiers des charges (2). Ainsi le bien-être
animal est-il une règle plus ou moins suivie. En France, au-delà de deux traitem
ents par an, l'un antiparasitaire, l'autre antibiotique, la viande bovine quitte
le circuit bio. Dans les élevages industriels, la taille du bâtiment est limité
e, la litière, les ouvertures, les parcours herbeux sont obligatoires, la densit
é d'animaux est plafonnée, certaines pratiques comme le débecquage (couper le bo
ut du bec des oiseaux) sont interdites... L'alimentation (sans antibiotiques) do
it être bio à plus de 90 % et provenir à plus de 70 % de graines entières, afin
de privilégier la production fermière plutôt que l'alimentation industrielle imp
ortée, comme les tourteaux de soja américain, argentin ou brésilien.
La France à la traîne
La France ne cultive plus que 7 % des terres « bios » européennes, soit 140 000
hectares (dont 30 000 ha en voie de conversion). Elle était pourtant pionnière d
e ce mode de production dans les années 80. Mais certains pays de l'Union europé
enne accordent des aides cinq fois plus élevées aux agriculteurs « bios »... Un
fossé que la France vient de décider de combler.
Mais, première entorse au principe de « liaison au sol » (qui veut que les surfa
ces soient en rapport avec le nombre d'animaux nourris), l'alimentation pour la
volaille peut être achetée à l'extérieur : du coup, la seule surface nécessaire
est celle du parcours herbeux : 3 m2 par poule pondeuse, 2,5 m2 par poulet, 10 m
2 pour obtenir la mention « élevés en libre parcours ».
Fraises et avocats ionisés ?
Tous les opérateurs (qui produisent, préparent, transforment, conservent, condit
ionnent, étiquettent, importent) sont contrôlés (à leur frais). Mais plus le lie
u de production s'éloigne, en distance ou en nombre d'intermédiaires, plus le co
ntrôle est aléatoire, voire illusoire. Certains blés bios arrivent d'Ukraine ou
de Turquie à 120 ou 130 F le quintal, au lieu de 170 F le quintal pour le blé st
ocké en France ; la rumeur court que certaines fraises d'Afrique du Sud ou certa
ins avocats d'Israël sont ionisés, bien qu'Israël figure au nombre des cinq pays
dont les contrôles sont jugés équivalents à ceux de l'Union européenne. Même au
sein de celle-ci, les contrôles sont dissemblables, et l'Italie a été prompte à
nous envoyer du riz bio quand les producteurs de Camargue se sont vu retirer le
ur licence pour usage illégal d'herbicides...
Gare à la publicité mensongère
En France, trois organismes se répartissent les contrôles : Ecocert, Qualité-Fra
nce et Ascert. Leur référence figure obligatoirement sur l'étiquette du produit
bio ou du cageot. Ils effectuent un contrôle approfondi et un contrôle inopiné p
ar an dans les entreprises, et tous les cinq ans chez les producteurs. Tous resp
ectent une norme européenne (EN 45 011) d'indépendance et de compétence : pas de
subventions, analyses déléguées à des laboratoires accrédités, contrôle par un
comité de certification indépendant.
Rien de tel dans d'autres pays européens. En Allemagne, une quarantaine d'organi
smes privés procèdent aux contrôles ; aux Pays-Bas, en revanche, un seul organis
me semi-public, le Skal, appose son logo (EKO). Selon Ecocert, le Skal semble êt
re bien laxiste sur le cahier des charges du lait bio. Or, un produit, importé o
u non, circule librement dans l'Union européenne dès lors qu'il est autorisé dan
s l'un des pays membres. C'est ainsi que tout le sucre de betterave bio vient de
Slovaquie via l'Allemagne.
Bilan officieux des contrôles à la production : de 1 à 2 % d'infractions (stocka
ge ou épandage d'engrais et de pesticides, résidus de fongicides dans les branch
es des arbres fruitiers, abattage d'animaux avant l'âge réglementaire, densité d
'animaux au mètre carré trop élevée, etc.). Parmi les contentieux (une cinquanta
ine), la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répre
ssion des fraudes (DGCCRF) relève également la vente au prix fort du bio des cér
éales traitées, la revente « en bio » de produits conventionnels, l'emploi de su
bstances non autorisées, la publicité mensongère (faute d'obligation de résultat
s, la loi interdit que l'étiquetage ou la publicité des produits bios suggère la
garantie d'une qualité organoleptique, nutritionnelle ou sanitaire supérieure).
..
Souhaitant connaître la part des produits non conformes, le SETRAB a épluché 9 1
33 analyses de résidus de pesticides effectuées sur des produits bios entre 1993
et 1997 (3). Bien que les échantillons analysés fussent a priori les plus suspe
cts, le résultat dérange : 6,4 % des analyses laissent soupçonner un traitement
illégal ou une forte contamination accidentelle (voisins qui traitent, cuves, si
los ou camions servant à des usages mixtes). Cette photographie exclusive (et co
nfidentielle) du secteur souligne les défauts du système de contrôle :
- les recherches de résidus sont surtout menées sur les céréales (64 %). Vienn
ent loin derrière les fruits (12,2 %), les légumes (6,6 %), les huiles (4,8 %),
les produits laitiers (4,6 %), etc. ;
- la majorité des contrôles (97 %) portent sur les insecticides (organophospho
rés, carbamates, pyréthrines...), alors que les fongicides (triazoles, dicarboxi
mides, amides, amines...) et les herbicides (toluidines, phytohormones, triazine
s...) constituent plus des deux tiers des pesticides utilisés par les agriculteu
rs français (4) ;
- les contrôles sont trop peu nombreux, notamment sur les produits importés ;
- les effets de la coexistence, dans une usine (minoterie, laiterie), d'une ac
tivité « bio » et d'une activité « non bio » - autorisée pourvu que ces activité
s soient séparées dans le temps - ne sont pas mesurés ;
- les traitements effectués dans le voisinage ne sont pas pris en compte.
Si la profession tente de faire le ménage chez elle, que fait l'administration ?
Pas grand-chose... Malgré notre demande réitérée à la DGCCRF et à la Direction
générale de l'alimentation (DGAL), caution des bonnes pratiques agricoles, perso
nne n'a pu nous fournir, faute de moyens ou de bonne volonté, un bilan précis de
la nature et du taux des contaminations recensées en bio.
Si deux céréales conventionnelles sur trois sont exemptes de résidus détectables
, les fruits et légumes sont, en toute logique, plus riches en pesticides que le
s bios : les limites maximales de résidus (LMR), qui sont de cent à mille fois p
lus élevées que les seuils de contamination pris pour référence par le SETRAB, s
ont dépassées dans 6,8 % des quelque 4 000 analyses de résidus effectuées en 199
6 (5).
Il n'existe pas non plus d'observations nationales sur les produits naturels aut
orisés en agriculture biologique, dont la liste européenne a été restreinte le 2
9 juillet dernier. Pourtant, certains mériteraient qu'on s'y intéresse de plus p
rès : sang séché, poils (fertilisants), huile de neem (extrait d'Azadirachta ind
ica), jus de tabac, huiles blanches de pétrole (insecticides), crésylol sodique
(désinfectant)... Le cuivre, très employé en tant que fongicide mais phytotoxiqu
e, s'accumule dans le sol. La roténone, insecticide non rémanent extrait de plan
tes exotiques, est toxique pour de nombreuses espèces, dont les porcs et les poi
ssons ; sa LMR dans les fruits et légumes n'est que de 0,05 mg par kilogramme. L
es mycotoxines peuvent aussi être plus élevées dans les céréales biologiques (bl
é et riz), mais elles ne se développent que si les conditions de stockage sont m
auvaises.
Alors, pour la santé, vaut-il mieux « manger bio » ? Une seule chose paraît sûre
: la densité nutritionnelle des végétaux bios (pommes de terre, betteraves, lai
tues, épinards, choux, pommes) est plus élevée. Car, moins « dopés » à l'azote e
t moins irrigués, ils ont plus de matière sèche, donc plus de minéraux et de vit
amines (notamment la vitamine C). Mais le Dr Jean-Michel Lecerf (institut Pasteu
r de Lille) tempère l'enthousiasme des inconditionnels : « La supériorité du pro
duit bio » brut « est inconstante et peu significative ; la variété et le terroi
r influent plus que les techniques de production. »
Pour le goût, la différence est à l'appréciation de chacun. Sauf cas particulier
, comme le chou, dont l'odeur dégagée à la cuisson, due à la cystéine sulfoxide,
est incontestablement plus forte s'il y a eu une fertilisation azotée intensive
...
En général, le bio respecte mieux la récolte à maturité, l'abattage à un âge ava
ncé, la qualité et la proportion des ingrédients (45 % de miel, 55 % de farine d
e seigle dans un pain d'épices, par exemple)...
Légumes oubliés
Les fruits et légumes sont souvent meilleurs parce qu'issus de variétés plus rus
tiques. La diversité est leur plus précieuse qualité. Nombre d'espèces négligées
sont remises au goût du jour : épeautre, sarrasin, raifort, roquette, choux, et
toutes les cucurbitacées (potiron, potimarron, courge...) réhabilitées par la f
erme de Sainte-Marthe, en Sologne. Les variétés cultivées en bio seront d'autant
plus spécifiques que, depuis le 1er janvier, le producteur doit s'approvisionne
r en plants eux-mêmes issus de l'agriculture biologique ; pour les semences, bul
bes et tubercules, cette obligation attendra l'an 2000 (6).
Les légumes (en particulier les betteraves, les carottes, les salades, les épina
rds, les radis) apportent les trois quarts des nitrates que l'on absorbe. Selon
les analyses de la DGCCRF, 88 % des radis dépassent la « valeur guide » de 1 500
mg/kg, et 60 %, la limite maximale de 3 000 mg/kg. Les légumes bios en contienn
ent-ils moins ? En moyenne oui, mais, là non plus, ce n'est pas la règle. La plu
part des amendements enrichissent le sol en humus et, sous l'action des bactérie
s, libèrent lentement les ions nitrate (NO3- ) assimilés par la plante. Mais d'a
utres engrais organiques (fiente de volaille, purin d'ortie...) les libèrent trè
s vite. D'après les analyses que nous avons fait pratiquer (voir le tableau), l'
une des salades bios contenait plus de nitrates que la salade standart. De plus,
l'eau du sol ne connaît pas les frontières. Si différence il y a, elle est en t
out cas plus marquée au printemps qu'en hiver, car la lumière active la transfor
mation des nitrates en azote organique des protéines (certains cahiers des charg
es interdisent la récolte au début de la journée).
La plus récente comparaison, menée sur des carottes par le Groupement de recherc
he sur l'agriculture biologique (GRAB, Avignon), résume la situation : il n'y a
aucune différence significative pour l'azote total (protéines), les nitrates, le
potassium, le magnésium, les sucres, les caroténoïdes, les métaux lourds... Mai
s les teneurs en calcium, en phosphore et en bore sont supérieures dans les caro
ttes bios. En revanche, neuf échantillons sur douze en conventionnel contenaient
des pesticides, contre un seul pour les carottes bios (contenant de la dieldrin
e, un insecticide du sol). Cet organochloré, interdit depuis 1972, a une telle r
émanence qu'il persistait dans la parcelle cultivée en bio depuis huit ans.
Cet exemple montre bien la difficulté d'être bio dans un environnement pollué. L
e sol où l'on cultive, l'eau avec laquelle on irrigue ou on nettoie, l'air qui b
aigne les plantes que les vaches pâturent, le camion de transport, le local où l
'on stocke, tous peuvent être contaminés. Au moins les bios refusent-ils de part
iciper à la pollution de fond. Au risque de voir leurs rendements - déjà inférie
urs de 30 à 40 % à ceux du système intensif - s'effondrer devant l'attaque d'un
champignon (tavelure du pommier, moniliose du pêcher...) ou d'un insecte (pucero
n, carpocapse, mouche des fruits).
Les intégristes de la première heure
A la manière de ceux qui refusent la vaccination - au risque de voir resurgir de
s maladies comme la tuberculose -, certains « intégristes » de la première heure
(Nature et Progrès, Demeter, etc.) refusent d'ailleurs les traitements collecti
fs obligatoires. La flavescence dorée, maladie de la vigne due à un puceron tran
smis par des cicadelles, décime ainsi des vignes du Sud-Ouest. Même désobéissanc
e civique, mais fidélité bio, dans la lutte contre le varron, un parasite de l'é
piderme des bovins. Ou contre l'emploi des substituts d'oeufs : les ovoproduits
industriels ont parfois une teneur en matière sèche inférieure à celle des oeufs
entiers, par ajout de blanc (ou de jaune).
Une agriculture non polluante, économe et autonome
Toutes les contraintes dont s'entourent les producteurs bios pour préserver le p
atrimoine « terre » expliquent le prix plus élevé des produits. Les « intrants »
(produits, semences, compost...) sont plus chers. Les surfaces cultivées ne son
t pas interchangeables, à cause des rotations nécessaires. La main d'oeuvre, enf
in, est importante, pour biner, observer, soigner, trier... Benoît Canis, présid
ent de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), est maraîcher da
ns le Nord. Huit personnes travaillent toute l'année à temps plein sur son explo
itation de 5 ha, contre trois personnes et demie sur les 15 ha de légumes de ple
in champ que cultive son voisin.
A l'opposé du produit de masse, banalisé, le produit bio, qui suit les caprices
des saisons, est-il forcément un produit élitiste ? A 16 F la demi-livre de beur
re, 10 F la laitue ou 15 F le kilo de pommes, on peut le redouter. Mais, pour le
s adeptes du bio, mieux vaut payer un prix qui correspond au vrai coût de revien
t d'une agriculture économe et autonome plutôt que de soutenir une agriculture c
oûteuse en subventions et en mesures de dépollution. En Loire-Atlantique, comme
dans le Massif central ou dans les Préalpes, le système d'élevage extensif s'hab
ille de bio : les vaches produisent 5 000 kg de lait par an, au lieu de 7 500 kg
en moyenne dans le département, mais sont bien nourries, bien entretenues et co
nsomment principalement l'herbe des prairies de la ferme. Résultat : leur lait,
qui, hier, faute de circuit de collecte séparé, se vendait au prix du lait stand
ard, se vend aujourd'hui 30 centimes de plus le litre (2,30 F) aux coopératives,
qui sont toutes demandeuses. Le producteur peut ainsi continuer à entretenir le
bocage.
Les analyses de Science & Vie
En 1996, 20 % des laitues analysées par les services de la Répression des fraude
s présentaient des résidus anormalement élevés de bromure de méthyl (insecticide
et nématicide), de nitrates, de dithiocarbamates et d'autres fongicides. Scienc
e & Vie a donc demandé au laboratoire Lara de Toulouse, accrédité pour effectuer
des analyses de polluants, de rechercher la présence éventuelle de résidus dans
des laitues de provenances diverses. L'honneur est sauf : les salades bios n'on
t pas été traitées (les résultats sont inférieurs à la limite de détection), alo
rs que la laitue « classique » présente de légers résidus de dithiocarbamates (f
ongicides). En revanche, c'est l'une des salades bios qui contient le plus de ni
trates (mais à un taux inférieur à la limite maximale autorisée)...
L'adepte du bio est prêt à payer plus cher (7), quitte à privilégier dans son bu
dget le poste « alimentation », devenu, pour un ménage moyen, le troisième (16,3
% du budget, au lieu de 34 % dans les années 60), derrière le logement et les t
ransports en commun. Mais, selon Lylian Le Goff (Nourrir la vie, Encyclopédie de
l'alimentation biologique, éd. Roger Jollois), comme il consomme moins de viand
e, de plats préparés, d'alcool, et plus de légumes, de céréales, de légumineuses
, de produits laitiers, il peut finalement réduire le montant de son budget alim
entation...
L'éthique des consomm'acteurs
En bio comme en conventionnel, les marges des intermédiaires entre production et
commercialisation sont obscures. Certains circuits de vente, comme le réseau Bi
ocoop, s'imposent une certaine éthique, qui inclut la transparence. Créé il y a
dix ans sous l'impulsion de « consomm'acteurs » réunis en coopérative pour promo
uvoir l'agriculture biologique, Biocoop, fort aujourd'hui de 170 points de vente
, limite sa marge (environ 30 %), favorise la connaissance, le contrôle et le so
utien des fournisseurs, s'engage à vendre au minimum 70 % de produits alimentair
es, dont 80 % certifiés bios, privilégie les produits frais « de région », « de
saison », etc.
Mais ces distributeurs, engagés par une charte commune, pourront-ils tenir face
à la pression des grandes surfaces, dont les marges peuvent être inférieures à 2
0 % et qui comptent abaisser le « surprix » du bio à moins de 30 % ?
« L'agriculture biologique est une excellente chose... Nous saurons en retenir u
n certain nombre de principes d'économie d'intrants, de précaution, etc. On revi
endra ainsi à une bonne agronomie, susceptible de donner des produits savoureux
et d'excellente qualité, et le plus vierges possible de produits chimiques, inse
cticides et pesticides de tout poil. »
Un modèle pour l'avenir
Qui tient ces propos ? Luc Guyau, président du syndicat agricole majoritaire, la
FNSEA, dans son livre la Terre, les paysages et notre alimentation (le Cherche-
Midi éditeur). L'agriculteur biologique doit se pincer pour y croire : qu'est-ce
qui a donc changé par rapport au temps où ses pairs l'enfermaient dans le ghett
o du « bio maso » ? La réponse se trouve dans Agenda 2000, le projet politique d
e l'Union européenne : « Des excédents non exportables apparaîtront probablement
après l'an 2000 dans l'actuelle Union. » L'agriculture n'y représente plus que
5,5 % en moyenne de l'emploi total (5 % en France), mais les prévisions ne sont
guère souriantes : stocks d'intervention élevés dans les secteurs des céréales,
du sucre, du vin, de l'huile d'olive, du lait écrémé en poudre, de la viande bov
ine ; retour obligatoire à la jachère ; nouvelle baisse du nombre des agriculteu
rs, au rythme de 2 à 3 % par an...
Dans ce difficile contexte - le maintien d'un emploi agricole correspond à quatr
e emplois induits en amont et en aval -, comment rester insensible à l'agricultu
re biologique, modèle le plus abouti de l'agriculture durable ?
Mais ne nous leurrons pas. L'agriculture intensive a encore de beaux jours devan
t elle : l'élargissement de l'Europe aux pays de l'Est amènera 100 millions de n
ouveaux consommateurs, dont le pouvoir d'achat n'est que le tiers de celui d'un
consommateur actuel de l'Union européenne.
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(1) Théo Colborn, l'Homme en voie de disparition, Terre Vivante, 1997 ; Camille
Guillou, les Saigneurs de la Terre, Albin Michel, 1997.

(2) La France en a homologué douze : lait et produits laitiers de l'espèce bovin


e, ufs, miel, volailles, porcs, charcuterie, veaux, jeunes et gros bovins, vach
es nourrices, lapins, ovins-viande, produits laitiers des espèces ovines et capr
ines.

(3) Distriborg, Nutrition et Soja, Provence-Régime, Triballat, Pro-Natura ; Ecoc


ert et Qualité-France.

(4) Avec une moyenne de près de 20 000 F d'achats par an, l'agriculteur français
est le plus gourmand d'Europe en produits phytosanitaires.

(5) Sur 673 échantillons de fruits à pépins, on a constaté 52 anomalies, dont 45


pour le daminozide, un traitement pour aviver la couleur des pommes.

(6) Le catalogue 1998 de Terre de semences propose 300 variétés de tomates.

(7) Pour le guider dans son choix, trois livres : Les Bonnes adresses de la bio
98, Editions d'Utovie ; Vivre bio à Paris, Parigramme ; Mangez bio, Marabout.
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Science & Vie N°966, Mars 98, page 74


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