SEPTEMBRE 1995 - N° 93 - SOF
ISSN 0182-0567
Fau & Riviéres de Bretagne - APPSB - 1, impasse Camille Pelletan - 56100 Lorient - CPPAP 52518EAU & RIVIERES DE BRETAGNE :
LECOLOGIE DE TERRAIN !
Fondée en 1969 par des amoureux du saumon, Eau &
Riviéres a su redonner vie aux cours d’eau oubliés, envahis par
la végétation et menacés par la pollution. Ses opérations
Rivieres propres ont mobilisé, tout au long des années soixante-
dix, des milliers de benévoles et le nettoyage des cours d'eau
est rapidement devenu affaire de tous.
Mais la dégradation de la qualité de Peau des sources, des
rivieres, des estuaires, du littoral est due a une multitude
agressions qui affectent le milieu naturel. Eau & Rivieres a
done étendu son action, et sintéresse a des questions tres
diverses :
- aux pollutions : rejets industriels, urbains, pollutions agri-
coles ;
- a érosion des sols, favorisée par Varasement des talus et cer-
taines méthodes de culture, qui entraine des sédiments vers les
cours d'eau
- a la rectification des cours d’eau qui enlaidit nos paysages,
détruit la richesse des ruisseaux, des rivieres, et favorise les
crues ;
- Ala destruction des zones humides, qui pourtant régulari-
sent le débit des cours d'eau et ralentissent les crues ;
- ala multiplication des plans d’eau qui contribuent au
réchauffement des eaux (pollution thermique) et aggravent les
peries par évaporation ;
au gaspillage de Peau, pourtant si précieuse.
La pollution de eau est dangereuse pour Péconomie de la
Bretagne, dangereuse aussi pour la santé des Bretons.
Lefficacité et lindépendance d’Eau & Riviéres sont recon-
nues de tous. En lui apportant votre soutien, vous permettez a
association de poursuivre son action en totale liberté.
BEC
oO
Editorial :
Lassociation et
le ministre
8
Stations d’épuration
°
Alternatives :
Du pore intensif
au pore bio
0
Skol ar chleuziou
(Pécole des talus)
DOSSIER
Les pesticides
®
Bréves des
départements
®
Chantier école
de Nevez
®
A lire
®
Lécho des marais
EAU ET RIVIERES N° 93=
a
a
eo)
E
a!
rT
L'ASSOCIATION ET LE MINISTRE
Des la formation du nouveau gouvernement, Alain Juppé et son Equipe ont
manifesté l'intérét qu'ils portent au développement de la vie associative. Nouveau
ministre de ! Environnement, Corinne Lepage a invité les principales associations a
plancher sur les propositions du Conseil national de la vie associative (CNVA) : béné
volat, financement, emploi, Europe. Le Premier ministre est évidemment attentif au
réservoir que constitue le secteur associatif, qui «pese» actuellement 800 000 emplois.
Il pourrait en créer encore autant pour peu qu'on lui en donne les moyens. Le gow:
vernement semble favorable a une reconnaissance de 'engagement bénévole réclamé:
depuis longtemps par le CNVA. Ces mesures pourraient etre inscrites dans la loi de
finances pour 1996. Faut-il voir dans ce projet l'amorce d'une évolution politique et
sociale majeure pour les associations ? Quelles en seront les contreparties en terme
de «services» ? Réponses lors ce la prochaine session parlementaire.
. Nous pressentions cette évolution depuis plusieurs années. Elle semble done se
préciser et, sans doute, se précipiter. Youenn Landrein, qui a pendant sept années
assumé la présidence d’'Eau & Rivieres, a eu le mérite — et le talent — de susciter et
d'animer notre réflexion sur le fond et de mettre en place des réformes de structures
nécessaires, Reste désormais & conduire cette mutation sans lui sacrifier lessentiel :
Tesprit convivial et la connivence des «peres fondateurs», la liberté de parole et le res-
pect de l'autre sans lesquels la vie sociale devient cauchemar. C'est la definition
superbe de la démocratie que donne Morvan Lebesque : «Comment peut-on, parmi
les autres, étre soi-meme ?>
Si le ministre de l'Environnement manifeste son attention pour les associations,
le lobby des industriels de Vélevage, lui, veille ses intéréts, Avec le soutien actif du
préfet des Cotes d'Armor, il a su détourner a son profit la premiere visite de Corinne
Lepage aux Bretons et faire publier fin juillet, dans une région sinistrée par les pollu-
tions fécales de millions de cochons, la photo d'un ministre de l'Environnement flat-
tant la croupe d'un porcelet. Eau & Rivieres a refusé avec force de se préter a cette
mascarade
Nous nous devions par contre d'étre présents a Quimper le 31 aoat, lors de sa
venue en Finistere, Nous avons obtenu un accord de principe a nos demandes d'au-
dience. Sa directive nitrate du 25 juillet et ses instructions aux préfets nous permettent
despérer des positions claires et volontaires. Le coup darrét donne a Vextension des
gros élevages dans les zones saturées en nitrates est la premi¢re manifestation de cette
politique de fermeté.
Nous consacrons ici un important dossier aux pesticides. Depuis longtemps les
voyants d'alarme sont au rouge en Cotes d'Armor, en Hle-et-Vilaine, sur les bassins
versants du Couesnon, de I'Arguenon, du Gouessant, de la Vilaine et de la Seiche. La
rade de Brest est touchée par cette pollution. Les normes européennes sont bafouées
Des produits toxiques s'accumulent dans l'environnement, dans nos drganismes, pro-
voquiant a long terme des maladies graves. Et, comme nombre de parasites apprennent
a résister aux pesticides existants, l'industrie chimique en produit de nouveaux, plus
toxiques encore, et pousse les agriculteurs a les epandre en plus grandes quantites.
Depuis plus de vingt ans, une poignée de scientifiques rigoureux alertent l'opi-
nion mondiale sur ce fléau, Des 1971, ils préconisaient la création d'un corps de spé-
ialistes formés dans le but de prescrire insecticides et pesticides, tout comme les
médecins prescrivent les médicaments.
Nous savons bien, a Eau & Riviéres, que les administrations ne se résolvent &
action que sous la pression des associations et des citoyens, appuyés par les élus res-
ponsables. Que le gouvernement renforce les moyens de notre action, et nous pour-
rons jouer pleinement notre role et contribuer a stopper enfin Ia folle politique de
Vintensif a tout prix et la croissance exponentielle des élevages hors-sol. Car nous
savons aussi qu'elles sont l'une et lautre porteuses a terme de la destruction non.
seulement de l'environnement et de la resource en eau, mais aussi et surtout, de la
ressource en hommes, beaucoup plus insidieuse celle-la et irrémédiable.
Pierre Ursault
| EAU ET RIVIERES N° 93,RECTIFICATIF
Une erreur sest produite dans les tétes de rubriques :
Page 2 et 3 : Stations d’épuration
Page 4 et 5 : Alternatives
Page 6 et 7: Aménagement rural
Page 8 : Tribune
Page 9 a 16 : Dossier
Page 17 a 21 : Bréves des départements
Page 22 ; Education a l'environnement
Page 23: A lire
Page 24 : Echo des marais
Dans lencadré du haut de la page 3, il manque une ligne. Larticle se
termine par: «Q‘en dit le préfet du Finistere qui a laissé faire ?»Traiter les rejets des entreprises dans les stations d'
puration com-
munales est techniquement possible. Est-ce la meilleure solution
pour nos riviéres, quelles sont aujourd'hui les regles applicables ?
Dans beaucoup de nos commun
ne entreprise industrielle est percu
sionnelle, animation qui en résulte pour la com-
mune, personne n'est insensible aux aspects posi-
tifs de telles implantations. Bien souvent, les col-
EAU ET RIVIERES N° 93
La station d'épuration de Saint-Nicolas du Pelenn.
iP
lectivités locales multiplient les offres alléchantes
pour séduire les industriels : mise a disposition de
terrains, primes diverses, et parfois possibillité de
‘ordement des rejets de Ventreprise sur la station
ration communale
deplees WUE
Dans un rapport du 16 mars 1995, la Chambre
régionale des comptes critique trés sévérement la
‘Guerlesquin. Elle observe que «depuis 1983, la
S.A. Tilly (abattoir de volailles) gére et occupe la
‘station sans convention, et qu'elle a obtenu gratui-
tement la disposition d'un ouvrage qu'elle aurait
di faire construire a ses frais en tant qu'indus-
‘riel». Qu’en dit le préfet du Finistére qui a laissé
Dans le meilleur des cas, station performan-
te, capacité de traitement suffisante, convention
signée et respectée entre la commune et l'indus-
tel pour limiter le flux polluant apport par len-
ueprise, tout va bien,
Hélas, cette situation idyllique n'est pas
générale, et notre associaion connait des dizaines
de cas edlifficiles» : convention non respectée par
Vindustriel, auquel le maire hésite a faire le
moindre reproche pour ne pas subir un chantage
a l'emploi, extension de la production et de la
pollution produite par l'entreprise qui surcharge
la station communale, mauvaise gestion technique
de la station par la commune qui ne dispose pas
de personnel qualifié... Dans tous les cas, c'est la
riviere qui trinque |
Jusqu'en 1993, une simple circulaire — du
24/01/84 — indiquait que les stations commu-
nales pouvaient recevoir des effluents industriels,
a condition que ceux-ci ne soient pas majoritaires
par rapport aux elfluents domestiques. Mais,
comme dans notre beau pays, la principale qualité
dune circulaire (qui n'a pas de valeur juridique)
est qu’on peut sasseoir dessus, les administrations
ont autorisé a peu prés n'importe quoi. Depuis un
arrété ministériel du ler mars 1993, le raccorde-
ment deffluents industviels & une station commu-
nale doit respecter deux conditions
- «la charge polluante en DCO apportée par le rac-
condement reste inférieure a la moitié de la charge en
DCO recue par la station;
- la charge en DCO apportée par ensemble des
rejets en provenance d installations classées reste
infericure a 70 % de la charge en DCO recue par la
station d'épuration urbaine»
Cette restriction a été opportunement defen-
due par ancien ministre de Environnement.
‘gestion de la station d'épuration de la commune de |
Dans unc réponse a la question écrite d'un parle-
mentaire, M. Barnier indiquait : «Les risques
encourus par une commune sont importants : en
particulier si une entreprise pour laquelle l'extension
de capacité de station a été réalisée disparait avant
1a fin du remboursement des emprunts contractés
par la commune, celle-ci privée des redevances
nécessaires a ce remboursement peut étre confrontéc
4 une situation critique. En outre elle peut se retrou-
ver avec une station totalement disproportionnée
avec le volume des effluents effectivement recus et de
ce fait devenir Cotalement inefficace, ingérable tech-
Aniquement et financierement. Enfin, conformement
aux principes de responsabilité en matiere de dom-
mages causés aux tiers par les ouvrages publics, la
responsabilité de la commune se trouve engagée de
plein droit, notamment en cas de pollution des eaux
Si celle-ci constitue une infraction, la responsabilité
pénale du maize, et dans certains cas, de la commune
en tant que personne morale peut étre recherchée» !
M. Barnier s'appuyait notamment sur un arrét du
Conseil d'Etat 2 quia annulé la déclaration d'utili-
té publique d'une extension de station d'épuration
communale devant accueillir des effluents indus-
triels, au motif qu’ eil appartenait aux auteurs du
projet industriel de créer les installations nécessaires
sa realisation dans le cadre des procédures qui leur
sont applicables»
Aujourd'hui, il est donc clair, que les stations
depuration communales ne peuvent traiter des
rejets industriels qu'accessoirement. Tant mieux
peut étre pour les finances publiques, tant micux
certainement pour nos rivieres, mt
1 }.0. du 21 novembre 1994 - Debats Assemblée Nationale
2 19 janvier 1994 - Requetes 112 868 et 112 898
| LE.CAS NEGOBEUREUF |
‘’& PONTRIEUX (22) |
Installée depuis 1966 a Pontriewx, la laiterie
Negobeureuf était raccordée & la station d’épur
tion communate concue pour recevoir, ouire les
300 m3 d'effluents domestiques, le millier de nm
eaux usées rejeté chaque jour par Ventreprise.
Tout va bien jusqu’en 1991, date d laquelle les
activités de cette laiterie sont transférées vers
Guingamp. Conséquences : le SIVOM de la Rive
doit assumer, sans autre ressources que celles pro-
venant des usagers domestiques, le remboursement
des emprunts contractés pour construire et aména- |
ger une station d'une capacité quatre fois supérieu-
red la pollution recue a présent... Pire, la collecti-
vité va devoir investir @ nouveau 600 000 F pour
restructurer la station afin d'améliorer son efficaci-
16 pour le traitement des 300 m* qui lui restent— |
aujourd'hui @ épurer !
EAU ET RIVIERES N95ECHO DES MARAIS
Une génétique unique en Bretagne
Yon Tanné et sa famille sont installés depuis
1987 sur 25 ha (31 ha de surface totale). Des
Vinstallation, le pore est choisi comme production
principale d'abord en hors-sol intensif (multipli-
cateur) jusquen 1993 puis en pore biologique
depuis cette date. Actuellement, les 23 truies
Large White croisées Pore Blane de Ouest et les
deux verrats Duroc et Pore Blane de l'Ouest pro-
duisent un peu plus de 400 porcelets/an, futurs
pores charcutiers. Alors que le caractere Large
White apporte la prolilicité, les races moins
connues comme le Pore Blane de l'Ouest (en voie
de disparition) et le Duroc sont reconnus pour
leur qualité de viande et un bon pourcentage de
muscle. Yvon Tanné insiste beaucoup sur le type
de schema génétique pour expliquer la qualité de
la viande produite dans son élevage. Les parties
naissage, gestante et engraissement se font en
plein air integral. Seul le post sevrage est sur
paille.
Lélevage d'Yeon Tanne de 23 truies
Large White croisées Pore Blanc
DU PORC INTENSIF AU PORC BIO...
Un éleveur de porcs finistérien qui décide de diminuer son nombre
d'animaux de 70 truies naisseur-engraisseur 4 25 truies
naisseur-engraisseur pour mieux gagner sa vie, voila qui est
suffisamment inhabituel dans notre région pour que Eau & Riviéres
de Bretagne s'y intéresse de pres. Autant dire que les conseils
d'extension de cheptel prodigués dans cet élevage par le groupement
de producteurs (Prestor) n'ont pas été particuliérement suivis !
Une alimentation saine et
écologique
Le chargement global sur lannée est de une
truie et sa suite (18 pores charcutiers en 2 bandes),
cet équivaut a un apport de 90 kg d'azote orga-
nique par hectare, chiffre comparer avec les
hormes européennes de 170 kg d'azote/ha consi-
dérées comme draconiennes par la profession
agricole ! Lialimentation des truies et pores a l'en-
grais est composee de chicorée (eh oui, la salade)
en paturage et daliments biologiques (farine de
céréales biologiques). Un des objectifs d'Yvon est
dintroduire du topinambour dans Vassolement
des parcelles pour augmenter la valeur énergé-
tique de la ration de base, afin de faire des écono-
mies d'aliments, Elever du pore biologique en
plein air avec un bon paturage permet de diviser
les coats alimentaires par deux. Les animaux ne
restent jamais plus de 6 mois dans la meme par-
celle pour éviter une trop forte degradation du.
sol
A chaque stade physiologique de l'animal, les
techniques agrobiologiques produisent un pore
plus lourd et plus age :
‘levage hors sal | elevage biologique
intensi| lin ar
age au sevrage a)
poids au sevrage tke | ke
Age sortie post sevrage oC 120)
Poids sore post sevrage| 30kg— | «ke,
age vente 16) | 220
poids vente 80-85) 100-110
La difference de poids et dage a tous les
stades de croissance permet l'éleveur d'obtenir
des animaux de santé robuste, sans traitement
antibiotique. En outre, un pore de 8 mois (au liew
de 6 en élevage hors-sol) développe une viande
plus gottée et plus ferme. Cependant Vallonge-
ment de la durée dengraissement, conjuguée a un
besoin supplémentaire en énergie pour lutter
‘EAU ET RIVIERES N° 93ECHO DES MARAIS
contre le froid, double le coat alimentaire de pro-
duction du porcelet, qui passe de 250 F a 500 F
Des prix de vente satisfaisants
pour l'éleveur comme pour le
consommateur
Dans ce systéme spécifique de production, le
prix de revient du pore charcutier suit la méme
tendance, puisqu'il avoisine les 15 F/kg de car-
casses (contre 8 F 30 en hors-sol intensif). Les
produits se répartissent entre la vente de carcasses
a-des bouchers bios (60 %), la vente a des firmes
de surgelés de la région lorientaise (20 %) et la
vente directe sous forme de charcuterie (satt-
cisses, chipolatas) ou de conserve (cotes, rotis).
Yoon Tanné estime que si les bouchers bios jouent
Ie jew sur ka maitrise du prix de vente, il n’en va
pas cle méme pour les grossistes. Leur coefficient
multiplicateur voisin de 1,6 leur assure une marge
plus importante que sur les produits de moins
bonne qualité
Pratiquée par l'éleveur, la vente directe des
produits élaborés (conserve et charcuterie) per-
met de tenir le meme niveau de prix qu’en super-
marché : consommer du porc bio n'est pas forcé-
ment une affaire d'argent.
Les bénéfices de la ferme varient entre 1 F/kg
de pore pour la vente de carcasses, a 13 F/kg pour
Ja vente de charcuterie et conserve. Des la deuxié-
me année de reconversion, la production de pores
bios assure un benefice estimé & 130000 F pour la
rémunération d'un temps plein (Yvon Tanné)..
Une partie de cet excédent sert a rembourser les
frais financiers et dettes accumulées pendant les
cing ans de production intensive hors-sol. Progres-
Michele Jaouen développe le voles pédageigque.
sivement, la santé économique de la ferine, mise &
mal pendant la phase intensive, s'améliore.
‘Ala lumiere de son expérience, l'éleveur esti-
me que le systéme pore bio plein air permet de
rémungérer, grace A la transformation locale des
produits, une personne pour 10 truies contre une
pour 25 truies dans le systéme intensif classique.
En outre, ce type d'emploi est particuligrement
bien adapté aux petites communes rurales et
contribue & laménagement du territoire.
Education des
de l'eau
unes et qualité
Mais le pore biologique n'est pas unique
activité de la ferme de Guérroué. Soucieuse
comme son compagnon d'une ouverture vers le
monde rural et citadin, et préoceupée par la trans-
mission d'un patrimoine aux générations futures,
Michele Jaouen, propose la visite de la ferme a
des classes cle primaire. Intégrée dans un réseau
de neuf fermes-écoles et en relation avec le CDDP
et l'inspection académique du Finistére, la ferme
a developpé une veritable activité educative
autour des cochons, des volailles, des moutons et
des chevres. Voila qui nous change agréablement
des campagnes de communication du syndicalisme
FNSEA autour des «Fermes ouvertes».
La demarche a été jugee suflisamment
sérieuse pour que Eau & Rivigres de Bretagne s'y
associe afin de montrer la relation vitale entre une
agriculture de qualité, des produits de consomma-
tion sains et la qualité de Veau
Une expérience qui met en exergue léduca-
tion des jeunes sur des bases qui respectent les
sols, les paysages, V'eau et les hommes. a
o BAU ET AVERES ISDepuis des siécles, le Breton a construit des talus. Chaque paysan,
dans sa vie, a apporté son aide a ]'édification de notre bocage,
et ce en construisant quelques centaines de metres durant les
quelques dizaines d’années qu’il a passé a aimer et a travailler
cette terre bretonne.
Mon pere me racontait, qu’a peine resté a la
ferme apres le certificat, on le mit a construire un
premier talus de 100 men 1928. Meme chose en
1929, en 1935, en 1943. A Fepoque il y avait pas
mal de «gwerny, terres non travaillées ott Ton
envoyait les vaches boire a Theure de midi. Ce
n'est qu'ensuite qu’on a pris Vhabitude de séparer
par un talus la partie
humide (pour en faire
un «foenneg nevez» —
prairie neuve) de la
partie seche, ainsi la
lan dever
agwaremm» (champ a
tere légere). Les der-
niers talus quill a
construits a la maison
sur une grande lon-
gueur ont été faits en
mai 1961 (100 m le
long d'un champ alors
que la route le longeant
fut élargie) et en 1964
(15 m). Ce furent mes
premieres écoles du
talus, a la béche, quatre
‘a cing personnes par
jour sur une petite
semaine en plus du tra-
vail de la ferme. A
Tepoque, les journées
de travail etaient plus
raisonnables qu’aujour-
hui. Selon ses dires,
avril-mai étaient les
mois idéaux pour la
construction manuelle
des talus dans le Léon.
Apres 1964, on a encore
construit quelques morceaux de talus a la main
(pour faire un passage pour la moissonneuse par
exemple). Mais il faut reconnaitre que comme
pour beaucoup de choses (avec Farrivée:des trac-
EAU ET RIVIERES N° 95
Saig Jestin
SKOL AR C’HLEUZIOU
A VECOLE DES TALUS
UN See LER
1a jaquete de couverture du fascicute réalisé par Saig Jestin
teurs et des voitures) les méthodes manuelles ont
été remplacées par la mécanique. La trayeuse a
remplacé la traite & la main, la pompe électrique
le seaut du puits, ete. Pour les talus ¢a a été la
méme chose. Ainsi fai vu construire plus de 30 ker
de talus neufs mecaniquement a Plouarzel pat
MM. Causcur et Talarmin lors des echanges de
terre, Quand je vais de
Saint-Renan a
Plouarzel, jaime tou.
jours regarder ces
talus tres bien cons-
truits mécaniquement
si ces ouvriers «meca-
niques» sont des
anciens paysans, ils
mettent aussi les
moties ou autres liants
sur les bords et de la
terre noire au milieu
et ils tassent au fur et
a mesure. Voila pour-
quoi ces talus sont
solides et relativement
verticaux. En fait les
techniques dites
manuelles ou méca-
niques peuvent etre
és voisines pour ne
pas dire identiques sur
le fond, et donner les
memes résultats, sauf
pour le prix. La
manuelle restant tou-
jours plus coateuse.
Paimais aussi les
agouzeller» ow les
adicharzher», été
comme hiver. Pour
moi, les talus et la langue bretonne, c‘était et cest
la fierté pour la Bretagne... malgré toutes les
miséres que la betise jacobine parisienne leur ont
fait et leur font encore subir.ECHO DES MARAIS
A mon arrivée dans le Trégor dans-les années
80, la destruction du bocage continuait (Trezeni,
Koatreven, Langoad...). Cest la que je me suis dit
quill fallait faire quelque chose a plus grande
échelle 1, Ca et la, on voyait se consiruire, plutot
manuellement, quelques centaines de metres de
talus, Dans le Leon, quelques agriculteurs ou non
le firent : Fanch Gwegen a Sant-Nouga, Mikael
Madeg a Sant-Tonan, L. ar Rouz a Plouvien... Des
opportunites s'étant présentées a l'école 'agricul-
ture de Penn-ar-Choad en Pommerit-Jaudy, mon
lieu de travail, nous avons done construit des
talus mécaniquement, et gratuitement. Car len-
treprise qui construisait tune route, ca larrangeait,
a lui coatait moins cher de construire des talus
sur place plutot que de payer des camions & trans-
porter la terre je ne sais out (malheureusement
trop souvent dans des estuaires ow des zones
humides).
Un atout pour l'agriculture et pour
l'environnement
Les talus qui, ily a trente ans, étaient décrits
comme une géne pour agriculture, ont en fait
beaucoup davantages que nvont pas les haies &
‘meme le sol que malheurcusement on a tendance
a vulgariser et généraliser un peu partout. Les
santages des talus sont de plusieurs sortes.
Du point de vue de Tagriculture, les talus
sont d'excellents moyens pour freiner l’érosion,
surtout en sols nus — méme en faible pente. Or
‘on sait que la Bretagne est une succession de
petites collines a faible pente mais tres exposées a
erosion, due aussi aux fagons culturales. Ils sont
aussi d'excellents abris pour nos cultures et nos
animaux. Quand une vache a fini de brouter, son
reflexe est de se mettre au pied du talus (lorsquil
en ya). Lhomme fait de meme. Quoi de plus nor-
mal quand on sait qu’il faut fournir de Vénergie «
pour utter contre les intempeéries (Iroid, vent...) ?
Enfin, ils servent de cloture naturelle pour delimi-
ter les propriétés ou les exploitations.
Du point de vue de l'environnement, les
talus aident a résoudre les problemes de eau
aussi bien quantitativement que qualitativement.
Quantitativement, car les talus forment de mul-
Liples petits barrages et chicanes qui freinent
écoulement des eaux, done ponderent les inon-
dations, mais aussi obligent une partie de Peau a
Sinfiltrer dans le sol afin d’alimenter nos sources
qui vont, elles, pondérer les éventuelles séche-
resses, Contrairement a ce que pensent certains,
les talus sont aussi utiles en zone plate qu’en ter
rain en pente. En effet, en cas de fortes pluies, un
talus d’egale hauteur retiendra un plus grand
volume d’eau dans un champ plat que dans un
champ en pente. La chose était facile & observer
en fevrier 1995 dans le bassin de PAulne. Je me
suis dit que les quelques talus restant ont évité le
pire pour Chateaulin ou Quimperlé, Cette obser
vation est un moyen pour convaincre les respon-
sables d'études quil faut genéraliser le talus (y
compris en zone faible pente) en Bretagne, et
non la haie brise-vent a meme le sol
Sur le plan qualitatif, on sait que Peau s
re en partie en sinfiltrant dans les sols et les sous-
sols. Ces derniers sont des filtres naturels, done
des stations depuration a bon marché. Des plus
Jes matidres en suspension sont retenues lors de
cette infiltration. Aussi Thomme et notre agricul-
ture, pour lesquels l'eau est vitale, ont intéret
tout faire pour éviter les sols pollués.
Ta pose marelte des mates det
Les talus sont de riches refuges pour la faune
et la flore. On y trouve une multitude de fleurs
dont la floraison s‘étale sur plusieurs mois. Ainsi
ils sont agréables a Feeil, is permettent de confec-
tionner des bouquets. Ce sont de splendides jar-
dins naturels, et ils codtent beaucoup moins cher
a la collectivité que les jardins publics. Toutes sortes
danimaux (oiseaux, insectes, mammiferes carni-
vores ow herbivores...) y vivent en harmonie, Ces
animaux font vivre nos talus, permettent un équi-
libre des milieux.
Nous verrons dans la suite de ce dossier qu'il
est possible de réapprendre la construction des
talus selon les méthodes traditionnelles, mais
aussi avec Taide de techniques modernes.
Francois Jestin
1 Payfois je souris quand jentens dire sPommeritest la 1° ecole
dd tase. I audrat dine la «1 ecole du renouveat di talus» car
Tole di talus, de plus par apprenissage, toujours existe dans
histone de la Breage
a EAU ET RIVIERES N° 93,ECHO DES MARAIS
La logique, dailleurs, conduit lexpert dans
une recherche de plus en plus pointue mais, &
Vimage d'un instrument d'optique, pour pousser
en profondeur ses investigations, il lui faut sans
cesse réduire son angle de vision... Ce qui a
amené un humoriste a definir Vexpert idéal
comme «le spécialiste qui connait tout — vraiment
tout — mais... sur rien ou presque» !
Image limite, bien sur, mais finalement fort
juste
En confiant a des «experts» dont on ne sait
dailleurs sur quels criteres ils ont été designés, le
soin de décider la reprise des essais nucléaires, le
Président de la République s'est inscrit dans la
logique d'un modele fasciné
par la technique et de moins
en moins capable d'apprécier
THomme et la société dans
leur globalité, leur complexi-
t€ et leur sensibilite.
Ine nous appartient pas|
dans le cadre de cette revue
de traiter des problemes de la
défense nationale, mais com-
ment ne pas étre interpellés
par le mépris dans lequel
sont tenus les représentants
de la Nation alors que sont
en cause les relations interna-
tionales dans notre pays, sa
place au sein du Monde, son
role, son image, la conscienc
quil a de lui-meme, sa
conception de la civilisa-
tion.
Des «experts» nucléaires et de surcroit
experts en armement ne pouvaient que conclure a
la nécessité d'en savoir encore davantage pour
perfectionner leurs engins; les imagine-t-on «arré
tant le progres» ?
Ce n'est pas seulement pres de ces experts
mais a la limite prés d'un conseil de sages compo-
sé de militaires, de diplomates, d'économistes, de
sociologues, de juristes, de psychologues, de
moralistes, que le Président devait prendre avis.
Cette aflaire met en relief la derive technicienne
de notre societé, dérive dont les consequences ont
L'EXPERT ET LE CITOYEN
Aux yeux de l'opinion publique, l'expert passe pour étre un spécia-
liste qui connait un sujet en profondeur. Son domaine de connais-
sance est étroit, mais 4 l'intérieur de ce créneau son savoir est jugé
immense et fait autorité.
&1é appréhendées par des penseurs comme
Bernard Charbonneau, Jacques Ellul, Patrick
Lagadec, Lewis Mumford, Rene Girard, René
Dubost, Hans Jonas... Elle met en lumiére la
nécessité de resituer la science et la technique
dans une vision plus globale, plus systemique
celle d'un développement harmonicux réellement
au service de Uhumanite.
Elle nous conduit aussi a repenser le role des
citoyens de plus en plus depossédes de leurs pou-
voirs, inorganisés, abusés par des moyens et des
méthodes de «communication» qui échappent &
leur controle comme diailleurs a celui de leurs
lus.
Faire face a ces défis
constitue un enjeu capital
Nul bien sar n'a la solution.
mais pour notre part, nous
avons ati moins une certitu-
de : quels que soient leur
conscience et leur mérite, les
individus isolés n'ont acune
chance de peser efficacement
sur les choix qui engagent le
fuuuur.
A Eau & Riviéres de
Bretagne nous avons la
modestie de relativiser notre
influence, mais nous avons
aussi la certitude de contri-
buer a la défense du «Bien
Commun». Nous faisons
quelquefois ian réve : celui
dletre dix fois plus nombreux sachant que nous
serions alors cent fois plus efficaces pour contrer
les «experts», tenants du productivisme qui ici
continuent de détruire l'eau, les sols, les paysages,
et au-dela toute une civilisation rurale.
Ce réve, aidez-nous a le réaliser, nous serons
ensemble, cent fois plus utiles au bien de la
Region, et au-dela a celui de notre «Terre-Mere»,
puisqu'il convient pour la servir avec respect et
discernement de penser globalement et dlagit
localement. mt
Jean-Claude Pierre
"EAU ET RIVIERES N° 93ECHO DES MARAIS
Llaaffairer des pesticides ne date pas d'hier.
En France ou ailleurs dans le monde, depuis le
début de la commercialisation a grande échelle
des pesticides, des réactions d'hostilité se sont
manifestees. Et a bien y réfléchir, entre «affaire»
cet «scandale», le pas peut-étre vite franchi.
Voici quelques chiffre-clés pour fixer les idées :
- 25% des pesticides vendus sur le marché
américain sont cancérigenes,
- «en dépit d'un usage décuple des pesticides
entre 1947 et 1974, les pertes dues aux autres
insectes et autres nuisibles n'ont pas diminué...»
- pour année 1993, sur le bassin versant de
la rade de Brest, il a été montré que les particu-
liers sont les plus grands consommateurs non
agricoles de pesticides.
Ces chiffres «bruts de décoffrage», nous ame-
nent a plusieurs réflexions. Tout d'abord, les pes-
ticides sont présents de fagon importante sur la
PESTICIDES : LA BOMBE
Les produits phytosanitaires et autres que l'on nomme couramment
pesticides (mot que l'on pourrait étymologiquement traduire par
«tueurs d'hétes indésirables») déferlent depuis la fin de la deuxiéme
guerre mondiale dans notre environnement. Méme s'ils ont
collaboré a augmenter les rendements des cultures en luttant
notamment contre les ravageurs, leur impact environnemental est
l'un des plus dramatiques et l'un’des plus insidieux qu'ait connu
l'humanité jusqu'a nos jours.
planéte depuis deja un demi-siecle, la contamina-
tion est done tres avancée
Diautre part le dossier «Pesticides» est un.
sujet complexe oit il faut se méfier des idées
recues. Vient done inéluctablement la nécessité
davoir une introduction scientifique de base.
Ceest ce que nous vous proposons de découvrir
dans ce numéro d'Eau & Rivieres.
Une contamination planétaire
Des milliers et des milliers de tonnes de pes-
ticides se sont déversées dans la nature depuis l'in-
dustrialisation de leur chimie. Ces produits, pour
la plupart représentés par des molécules de syn-
these, ont contribue lourdement a modifier notre
environnement et par voie de consequence, les
especes vivantes que lon y trouve. Au premier
rang de ces espéces : !Homme.
EAU ET RIVIERES N° 93EC
Quid des responsabilités ?
Bien évidemment les agricultcurs et notamment
les techniques de culture intensive, sont incriminées.
Mais parvienclra-t-on cependant a poser le
probléme de facon raisonnée ? Parviendra-t-on
sensibiliser les particuliers sur les flux de pollution
quills engendrent en exigeant que Vherbe folle soit
annie de nos cites ? Parviendra-t-on a mettre en
cause, haut et fort, le lobby criminel de la chimie ?
A titre dlexemple la encore, les pesticides
tuent chaque année 20 000 personnes dans le
_ Mais ET PESTICIDES
]
| |
| Si la culture du mais concerne 25 % des surfaces |
| agricoles de Bretagne, Vétude pesticides-eau |
| potable réalisée par TAgence de Yeau monire que |
|
|
|
‘est cette culture qui fait peser le plus important
risque de pollution (54 % des prises d'eau),
devant les céréales (37 %) et les légumes frais-
pomunes de terre (24 %). Aucune amélioration
durable de la situation ne pourra éire obtenue
‘sans une réduction des surfaces en mais, véri- |
table catastrophe écologique pour notre région. |
Cest a partir de 1990 seulement qu'a été
recherchée de facon réguliére la présence éventuel-
Ie de pesticides dans les eaux bretonnes. Sous
Vegide de la Corpep (Cellule @’ORientation pour la
Protection des Eaux contre les Pesticides) se met
alors en place un programme régional de suivi de
cing rivieres : !Aven, !Arguenon, !Oust, la Vilaine,
la Seiche.
Vingt et un pesticides différents — sur cin-
quante-quatre recherchés — ont été détectés dans
les eaux bretonnes. Ce chiffre, déja important, est a
comparer au nombre de matieres actives autorisées
en France : 480. Le coat des analyses — supporté
par les consommateurs ou les contribuables — se
monte a plus de mille francs par échantillon et par
famille de pesticides, et explique le nombre relati-
vement faible de pesticides recherchés. Une pollu-
tion généralisée des eaux bretonnes par certains
pesticides est déja avérée. Pollution notamment par
Vatrazine, un herbicide utilisé sur mais, qui dépasse
Ja norme de 0,1 pg/l, dans 90 % des échantillons
La présence simultanée de plusieurs pesticides
dans un méme prélevement est réguliérement rele-
‘vee : dans 75% des cas, la norme réglementaire de
0,5 ug/l pour le cumul des substances est dépassée.
Le record absolu est pour linstant détenu par la
DES MARAIS
Tiers-Monde, pendant que 25. millions dlouvriers
agricoles sont gravement empoisonnés.
Eh oui ! Certaines bombes sont silencieuses.
Les pesticides : un sujet pointu
Face au cri d'alarme que nous langons
aujourdhhui, il faut toutefois garder la téte froide.
Les articles qui vont suivre proviennent tous de
scientifiques et de techniciens a la pointe de la
connaissance actuelle du probleme dans les
domaines de la chimie, de la médecine, du droit.
Sachant que pour lutte, il faut connaitre.
L'ETAT DES LIEUX
Seiche, un affluent de la Vilaine, sur lequel en juin
1993 le total des molécules dépassait 30 pg/l, c'est
a dire soixante fois la norme...
La situation est donc extremement grave, Elle
a pour origine des usages agricoles (4000 tonnes/an)
mais également l'utilisation de pesticides sur les
zones non cultivées (voiries routieres et ferro-
viaires, espaces urbains, jardins : environ 50
tonnes/an). Ainsi la présence de diuron, herbicide
anon agricole», est observée réguliérement a des
concentrations élevées. Le role de fontaines de nos
rivieres est remis en cause puisque, selon une étude
récente de agence de l'eau et du conseil régional,
soixante-seize stations de pompage sur cent-quatre
sont soumises & une contamination importante
Une réglementation inadaptée
La réglementation sur l'utilisation des pesti-
cides soufire d'un retard considérable : elle per-
met d’épandre des produits hautement toxiques
en bordure immediate des cours d'eau et des
zones de transfert (fossés, douves, saignées...). Si
veritablement on veut limiter la destruction insi-
dieuse de nos cours dieau, il faut d'urgence inter-
dire tout traitement chimique, quill sagisse de
parcelles agricoles ou de surfaces urbanisées &
proximité des cours d'eau.
Le pesticide balladeur
Pour etre commercialisé et utilisé en France, tout
pesticide doit d'abord etre officiellement homolo-
gué, ce qui selon les firmes chimiques, est long et
coftteux. Mais, comme I'uranium des pays de
VEst, il est des pesticides qui franchissent clandes-
tinement les frontiéres. Ainsi le buturon, matiere
active de la famille des urées substituées, jamais
homologue en France, a quand meme été retrouvé
dans les eaux de la Vilaine, du Couesnon, et de
TAven. Qui dit mieux ?
‘EAU ET RIVIERES N° 95ECHO DES MARAIS
Les pesticides sont classés selon leur utilisa-
tion, générale : herbicides, insecticides, acaricides,
fongicides, ou plus spécifique : molluscicides
(contre les limaces), aphicides (contre les puce-
rons), nématicides (contre les nématodes), rodon-
ticides (contre les rats, souris et petits rongeurs).
Pour chaque utilisation, il y a encore des divisions
par familles chimiques. On parlera d'insecticides,
organophosphorés ou organochlorés, de carba-
Be MODE D'ACTION |
DES PESTICIDES
|
| Organophosphorés : ils agissent par contact, par
| ingestion sur le systéme nerveux des ravagews
| Aryloacides : ils sont absorbés par le feuillage,
| puis véhiculés dans la séve des plantes a détruire |
(2,4 D, dichlorprop...) |
Urées substituées : ils pénétrent par la racine, et |
‘sont véhiculées par la seve pour inhiber la photo- |
| synthese. |
Tricine ils sont absorbés par la racine tis |
|
|
|
|
|
bloquent la photosynthese (atrazine...)
Amides : ils inhibent la synthese des lipides &
longues chaines (alachlore...)
Ammonium quaternaires : ils ont une grande
rapidité d'action =
le diquat et le paraquat agissent sur le proces-
sus de photosynthése des végétaux et sont non
sélectifs;
| = le difenzoquat agit sur la croissance et est
| Toluidines : ils bloquent la division cellulaire
| (trifluraline...) |
Triazoles : représentés par 'aminotriazole qui
|
|
agit par voie systémique dans ta plante dont il
perturbe la physiologie en inhibant la synthése
des caroténes
Amino-phosphates : sont des herbicides de
contact, non sélectifs (glyphosate)
Dérivés de Vacide benzoique : ils agissent de
facon systémique, et sont de faible sélectivité.
Aryloxyphenoxy propionates : ils inhibent la
synthase des lipides (diclofop methyl...)
LES PESTICIDES : COMPRENDRE LEUR ACTION,
CONNAITRE LEUR CLASSIFICATION
L'appellation de pesticides désigne les produits chimiques employés
contre les parasites animaux et végétaux des cultures. Ils appartien-
nent 4 la grande famille des produits phytosanitaires (relatifs aux
soins 4 donner aux végétaux), qui englobe plus largement les
pesticides et d'autres produits chimiques ou naturels.
mates, caractérisés par un mode d'action propre a
leur famille chimique. Les organophosphorés, par
exemple, agissent sur le systeme nerveux des
ravageurs, par contact et/ou par ingestion. Les
herbicides ont différents modes dlaction. Ils agis-
sent sur la perméabilisation des membranes cellu-
laires (colorants nitrés : dinoterbe...) ; par contact,
ils bloquent la photosynthése (bromoxynil)..
‘Chaque famille agit sur les insectes, les plantes de
maniere différente et plus ou moins sélective (voir
encadre). L'agent de diffusion, hydrosoluble ou
liposoluble, est partieuli¢rement important. Les
pesticides, solubles dans les graisses, traversent la
carapace de l'insecte (poison par contact). Sinon
Vabsorption se fait lors de la digestion (poison par
ingestion), ou lors de la respiration (poison par
inhalation).
Un usage non agricole sous-évalué
Une autre classification est utilisée pour les
pesticides : usage agricole ou non agricole.
+ Tusage agricole : c'est usage le plus connu,
celui qui, en quantité, utilise le plus fort tonnage
de matieres actives. Les produits phytosanitaires
ont eu un role trés important dans l'intensifica-
tion de l'agriculture depuis plusieurs années, ils
‘ont permis dlaméliorer la qualité et les rende-
ments des cultures. Leur role économique n'est
plus a démontrer : sans protection des plantes,
40 a 60 % des récoltes mondiales seraient la proie
des ravageuts.
+ Tusage non agricole : généralement sous-6va-
Iué en raison des volumes utilisés en agriculture,
il concerne surtout le désherbage des domaines
public et privés. Cet usage n'est pas a négliger car
les pesticides sont épandus sur des zones souvent
imperméables (bordures...) et done par ruisselle-
‘ment, trés rapidement, parviennent aux rivigres et
au milieu marin.
es pollutions accidentelles causées par les
pesticides peuvent étre de véritables catastrophes
EAU ET RIVIERES N° 93elem WUE
écologiques, comme la contamination du littoral
de locéan Pacifique par les usines de Montrose,
par du DDT dans les années 70 ; ou comme la
pollution dans le Rhin due a un incendie des
usines Sandoz a Bale en 1986. Plus proches de
nous, & une autre échelle, des déversements acci-
dentels de cuves, bidons, etc, se produisent dans
les rivieres.
Des analyses coiteuses et complexes
existe de plus une pollution chronique
dans les rivieres et certaines nappes phréatiques :
des controles montrent Ia présence de matieres
actives et de produits de dégradation pour de
nombreux prélevements. La qualité des eaux est
suivie a différents niveaux et sur différents para-
metres généralement pour un usage spécial (eau
potable, eau de baignade...). La Direction Dépar-
tementale des Affaires Sanitaires et Sociales
(DDASS) effectue des contréles sur la qualité de
Veau brute et leau traitée de distribution. C'est
uniquement l'eau traitée qui fait l'objet de normes
(décret du 3 janvier 1989), La concentration d'un.
pesticide ou produit apparenté doit etre inférieure
0,1 pg/let la somme de plusieurs pesticides ne
doit pas dépasser 0,5 ng/l.
Cependant, Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) emet des recommandations concer-
nant la toxicité des pesticides, Ces recommanda-
tions se trouvent & des seuils supérieurs : 2 pg/l
pour l'atrazine, 2 pg/l pour la simazine. Ces
concentrations varient en fonction de chaque pes-
ticide.
Pour environnement, il n'existe pas de
normes réglementaires.
Le suivi des pesticides au niveau de lenvi-
ronnement est complexe : d'une part cela deman-
de des techniques d'analyses spécifiques et assez
coliteuses, d'autre part, il existe une grande diver-
sité de matieres actives, nécessitant des capacités
analytiques tres différentes. Certaines matieres
actives sont rts difficiles a analyser car elles ont
des caractéristiques physico-chimiques qui ren-
dent leur extraction ou leur détection difficile. Le
probleme devient encore plus complexe si on s'in-
teresse a l'analyse des produits de dégradation
Les controles effectués ont permis de voir qu'en
Bretagne, la qualité des eaux superficielles est
menacée réguligrement par l'utilisation des pesti-
cides. Lagriculture est intensive, principalement
avec la culture du mais qui utilise Vatrazine
comme herbicide majoritaire. Cette molécule se
retrouve ensuite dans de nombreuses rivieres et
arrive a atteindre des concentrations élevées aprés
des episodes phivieux. Certains effets de ces pro-
‘Une saton de mesure dans le cadre de Fespériencepllote
“Agriciitures du conta de Bate de la Rade de Brest.
duits phytosanitaires sont connus dans le milieu
eau douce» car au vu de la législation et des
enjeux liés a Yeau potable, des études ont été
menees pour certaines matieres actives. Par contre,
dans les miliewx westuarien» et «marin», trés peu
d'études ont été réalisées sur la flore et la faune
La matiére active peut étre transformée par
Torganisme en des composés encore plus toxiques:
activation) ou moins toxiques (detoxication).
Dans toutes les populations de parasites, on a
observé une diminution des effets des pesticides
utilisés pendant longtemps : il s'établit une résis-
tance du ravageur.
La particularité des pesticides de rester dans
Vécosystéme sans transformation est appelée
persistance. m
Gael Durand
Ingénieur chimiste, Cellule «ade de Brest.
| “EXTRAIT DE L'ARRETE
DU MINISTERE DE LA
SANTE ET DE L'ACTION
HUMANITAIRE EN DATE
DU 21 DECEMBRE 1992
‘fixant les tarifs des analyses des eaux destinées a
Ta consommation humaine réalisées en applica-
tion du décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 modifié
(WORF. dic 9 janvier 1993).
Pesticides azotés par chromatographie en phase
gazeuse avec un détecteur spécifique azote-
phosphore 717,00 F
Pesticides chlorés par chromatographie en phase
gazeuse avec un détecteur a capture d’électrons
717.00 F
Pesticides phosphorés par chromatographie en
phase gazeuse avec un détecteur spécifique
azote-phosphore 717,00 F
Pesticides et PCB par chromatographie en phase
gazeuse couplée a la spectrométrie de masse
2 761,00 F
“EAU ET RIVIERES N° 93ECHO DES MARAIS
Leurs effets a long terme sur la santé sont dif-
ficiles a évaluer, principalement en raison d'une
multi-exposition constante, mais aussi de la pré-
sence de produité associés dont la nocivité propre
est & prendre en compte. Certains pesticides posent
un probleme de toxicité du fait de leur persistance
dans l'environnement, induisant en particulier la
contamination de l'eau,
Une toxi we relativement
bien connue
Les pesticides pénétrent dans lorganisme
principalement par la peau, Les manifestations sont
le plus souvent cutanéo-muqueuses, le reste de la
symptomatologie rencontrée touchant les appareils
digestif, neurologique et respiratoire, Pour qu'un
produit soit homologué, sa toxicité aigué est mesu-
r6e de fagon normalisée par experimentation sur
des animaux de laboratoire. La notion retenue est
celle de la dose létale 50 (DL50) correspondant a la
quantité de matiére active qui, administrée en une
seule fois, par ingestion ou voie cutanée, entraine
la mort de 50% des animaux traités. Plus la DL50
est basse, plus le produit est dangereux.
Cependant, elle ne suflit pas pour apprécier la toxi-
cité d'un produit. Outre le risque aigu, il est néces-
saire de considérer également les pathologies subai-
gués et chroniques, plus dilficiles a déceler.
Des conséquences & long terme
mal définies
‘Un cancer met environ vingt ans a se mani-
fester a partir de la période d'exposition. En pre-
nant comme base les données sur la mortalité agri-
cole entre 1984 et 1986, une étude épidémiolo-
gique menée par le Dr Viel du CHU de Besancon a
retrouvé une surmortalité statistiquement signifi-
cative de la population agricole par rapport & la
population francaise pour Sept localisations : cancers
de lestomac, du paneréas, de la prostate, du rein,
du cerveau, myélome multiple et leueémie. Aux
Etats-Unis, certains auteurs retrouvent une auig-
‘mentation significative du risque relatif de certains
cancers (Iymphomes non hodgkiniens) en analy-
sant uniquement les patients exposés de facon
réguliere a des herbicides derives de lacide phé-
noxyacétique, tel le 2,4D,
SANTE : ALERTE AUX PESTICIDES !
Le marché francais des produits phytosanitaires a connu au cours
des dix derniéres années une évolution rapide du nombre et des
quantités de produits commercialisés : environ 800 matiéres actives
qui composent plus de 8 000 spécialités commerciales.
Recherche fondamentale et prévention
du risque
A la faculté de médecine de Brest, les cher-
cheurs du laboratoire de pharmaco-toxicologie, en
collaboration avec I'unité de médecine profession
nelle du CHU, tentent d'expliquer les mécanismes
de la toxicité des produits phytosanitaires. Ils ont
mis au point un modele d’étude in vitro a laide de
cellules souches sanguines issues de sang de cor-
don ombilical humain qui figurent, avec les cel-
ules hepatiques et les cellules cutanées, parmi les
principales cibles des pesticides. Les travaux menés
peuvent aboutir a des explications de mécanisme
toxique, débouchant sur des axes de prévention et
susceptibles de contribuer & une meilleure étude
des produits avant leur mise sur le marché.
Des résultats inquiétants...
Parmi les molécules testées jusqu'a présent,
deux herbicides se sont révélés toxiques pour le
modele d'étude : le dinoterbe et l'alachlore, actuel-
Jement employé comme produit de substitution de
Vatrazine. Des résultats préliminaires montrent
que le 2.4D, utilisé en quantité importante par les
particuliers, stimule la prolifération de cellules
surexprimant un gene implique dans la survenue
de lymphomes. A suivre... =
Bénédicte Sawicki
Ingerne en médecine du ravall au Centre de pathologies
rofesstoneles eta laorattre de pharmacotoxiolgte
ig di Cente hosptlocinverstaie de Brest
La sale douzaine.
| En 1982, naissait a San Francisco le PA.N.*
(Pesticide Action Network), groupe de pression parti
en guerre contre les magnas de Vindustrie chimique.
En ligne de mire 12 pesticides particuliérement
toxiques commercialisés dans le monde. En France ta
lupart de ces pesticides ne sont plus homologués
mais posséde pour certains une rémanence de plu-
sieurs dizaines dannées !
Si Ton en croit les chiffies avancées par les études de
toxicité et dépidémiologie, la "sale douzaine” ou
"dirty dozen” pour les angio-saxons, a bien “enflé"
depuis 1982. En voici quelques-uns encore homolo-
gues en France : Aldicarbe, Paraquat, Parathion,
Parathion Méthyl.
“PAN. Europe, 23, Beehive Place, Londres SW9
7OR, Grande Breiagne.
Tel. (44.41) 274 9086, Fax. (44.71) 274 9084.
a
EAU ET RIVIERES N° 95