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RÉSUMÉ : L'article dresse une synthèse des connaissances sur le cadre géodynamique, très évolutif,
de la Provence occidentale, et sur les relations avec la spéléogenèse et l'évolution des surfaces
d'érosion, depuis l'élaboration des paléokarsts des bauxites, au Crétacé, jusqu'aux variations du niveau
de la Méditerranée au Quaternaire, en passant par les phases tectoniques et les aplanissements de
l'Éocène, de l'Oligocène et du Miocène, et par les événements du Messinien. L'étude s'étend aux
surfaces en position sous-marine actuelle e à leurs déformations : failles de la Cassidaigne et Bancs
des Blauquières et de Magaud. Sont pris en compte les séquences de remplissage des cavités, les
concrétionnements, la déformation et la direction des drains et des galeries. Le soulèvement des
massifs karstiques au Quaternaire est souligné. Enfin, sont examinées les contraintes appliquées aux
cavités karstiques et à leurs remplissages.
MOT-CLÉS : spéléogenèse, surfaces d'érosion, déformations et contraintes mécaniques, Provence
occidentale, France.
ABSTRACT: This work deals a synthetic knowledge about the geodynamic environments and his
relations with the speleogenesis mechanisms. Speleogenesis evolution and his relations about an
erosive position surface to cretaceous (bauxitic karst), Eocene, Oligocene, Miocene, Messinian events
until Plio-Quaternary times and last Mediterranean sea-levels. The situation of some erosion surfaces
in actual submarine situation is observed: Cassidaigne faults, Banks of Blauquieres and Magaud. This
work deals the sedimentary sequences filling the caves, speleothems, upthrust and deformations of
karstic environments, water circulations and gallery orientations. At last, we make several
observations and some field results in relation to the stress directions and constraints applied to the
karstic excavations and their sedimentary fillings. Some researchs to the stress directions and
constraints applied to karstic excavations and their filling.
KEY-WORDS: speleogenesis, erosion surfaces, deformations and mechanics stress, Western
Provence, France.
I - OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
On examinera les relations entre les paléokarsts et les surfaces d'érosion successives, les
volumes de l'endokarst, la présence des "vallées mortes", les poljés. Les paysages karstiques
et leur potentiel touristique apparaissent liés à des phases de creusement, de remplissage, de
recreusement, subordonnées à la position des aquifères anciens et actuels.
La grande ancienneté des karsts est maintenant admise (P.A. CHAPPUIS, 1947 ; J. NICOD,
1983 ; J.L. GUENDON, 1984 ; M. JULIAN et J. NICOD, 1984 ; A. BINI, 1994 ; J.J. BLANC,
1997, 2003 ; H. CAMUS, 1997 ; F. DELANGE et J.L. GUENDON, 1997 ; J.N. SALOMON, 2001).
Les durées concernées englobent l'intervention de plusieurs phases tectoniques depuis le
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Crétacé ; la déformation des surfaces d'érosion peut, en certains cas, être décelée par des
fluctuations des niveaux de base et du tracé des galeries dans l'endokarst. La brève et
considérable régression du Messinien (moins d'un Ma, -1500 m), a nécessité des adaptations
extraordinaires : surcreusement des réseaux aériens (formation de gorges et de canyons) et
souterrains (P. AUDRA et al., 2001 ; L. MOCOCHAIN et al., 2006).
II - ÉVOLUTION GÉODYNAMIQUE
Le rejeu de failles plus anciennes, orientées E-O et NO-SE, se manifeste dans les
paléokarsts littoraux du massif des Calanques (Fig. 1 – Photos 3, 4, 5, 6) et de Bandol, par des
zones broyées et des bancs cisaillés avec concrétions brisées (Sormiou, Cap Redon, grotte du
Capélan, Pointes Grenier et des Trois-Fours, Engraviers, Île Rousse, Bendor).
Figure 1 - Localisation des lieux cités dans le texte, failles principales et chevauchements.
Traits rouges : failles. Traits rouges dentés : chevauchements. Trame pointillée : terrains cristallins et
permiens. Noms en bleu : réseau hydrographique et domaines littoral et marin.
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Les auteurs (J. NICOD, 1967, 1992 ; M.F. COPPOLANI et al., 1973 ; J.J. BLANC, 1998) ont
analysé les phénomènes à l'origine de ces aplanissements : corrosion-dissolution chimique
sous un climat tropical humide, longue durée d'exposition, nécessité d'un niveau de base peu
profond, proche de l'épikarst. De telles surfaces ont pu évoluer en poljés allongés ou en
vallées fluviatiles suspendues, déconnectées par l'érosion messinienne ou plio-quaternaire. On
en trouve des exemples sur le Petit Plan de Canjuers (Photos 7 et 8), à Malassoque (près de
Quinson), à Valbelle (massif de Saint-Clément), à La Limate (plateau des Morières, près de
Signes), etc (pour la localisation des sites, voir la figure 1). À l'origine, ces "vallées"
drainaient des écoulements issus des massifs des Maures et de l'Esterel, c'est-à-dire du SE et
du SSE, avant le creusement messinien de la dépression permienne.
Les surfaces d'érosion et les paléokarsts associés ont été plus ou moins déformés par les
phases tectoniques (Photos 8 et 9) de la seconde phase alpine, au Miocène supérieur et au
Plio-Pléistocène (J. GOGUEL, 1953 ; J. AUBOUIN et G. MENNESSIER, 1963). Dans le domaine
marin, ces surfaces ont été abaissées par flexuration et par le jeu de failles en escalier
(gauchissements et gradins postérieurs au creusement des canyons, d'abord aériens, puis sous-
marins). On retrouve à la marge continentale et sur les bancs du large, la trace de ces anciens
aplanissements continentaux aujourd'hui immergés : Bancs des Blauquières (Fig. 1) et des
Broquets (au SSE de la Cassidaigne). Une surface de discontinuité (contact d'érosion) a été
mise en évidence par prospection sismique au large de la Provence (G. BELLAICHE et al.,
1971), ainsi que de brusques changements de la pente longitudinale des canyons.
Au Plio-Quaternaire, les cavités karstiques existantes, vides ou colmatées, ont été l'objet
de déformations plus discrètes, notamment pour une dernière surface, anciennement appelée
"villafranchienne", visible à la Nerthe, en Moyenne Durance et près du Verdon (Photo 9). Il
en résulte certains décalages, captures ou changements de direction du réseau hydrographique,
ainsi que des anomalies dans la spéléogenèse (Baudinard – J.J. BLANC, 1992-a, 1992-b). Les
marques d'érosion sur les reliefs aplanis de la Nerthe et de l'Étang de Berre ont pu être
attribués aux tracés d'un ancien cours pléistocène de la Durance jalonné par l'épandage de
petits galets d'origine alpine (serpentine, variolite, gabbro euphotide). Ces derniers ont été
trouvés sur la marge continentale au SO de Planier, au large de Riou et du massif des
Calanques et jusqu'au canyon de la Cassidaigne (C. FROGET, 1967). Les explorations dans les
grottes du canyon de Régalon (Mérindol, Basse Durance – Fig. 1) ont retrouvé ces petits
galets (remaniés) au-dessus des marnes pliocènes colmatant ces cavités. On les observe
encore couronnant la série mio-pliocène colmatant le karst de Mirabeau.
anciens dépôts lacustres, sont inclinés vers l'ouest, c'est-à-dire vers la baie de Marseille. Ainsi
cette "dalle" montre-t-elle une altitude décroissante de l'ENE vers l'OSO : Saint-Julien
(156 m), Beaumont (134 m), Saint-Marcel (125 m), La Viste (160 m à 130 m), les
Aygualades (120 m à 100 m), Cap Janet (30 m au dessous du niveau de la mer). Cet
abaissement du substratum encadré par les failles du bassin oligocène de Marseille, creusé de
cavités, explique l'immersion d'une vaste zone karstifiée, présentant une multitude de
dépressions colmatées paraissant d'origine endoréique, et d'un poljé important (4 à 5 km ×
3 km) au sud de la Nerthe orientale (J. COLLINA-GIRARD, 1992, 1996, 1999).
Les contraintes appliquées aux massifs calcaires sont le résultat des phases tectoniques
identifiées du Crétacé à l'actuel sous la forme de fractures (failles, diaclases), de plis, de
chevauchements ou de mouvements lents et continus. Les contraintes triaxiales auxquelles ont
été soumis les massifs rocheux sont la conséquence des mouvements depuis le Crétacé jusqu'à
l'actuel. Les résultats peuvent être archivés dans les terrains encaissants ainsi que dans les
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remplissages karstiques. Le décryptage de ces déformations peut être réalisé à deux échelles
d'observation : morphologie karstique et pétrologie à l'échelle des échantillons.
1 ) Morphologie karstique
Les minéraux des bauxites piégées dans le karst (boehmite, gibbsite) sont accompagnés
d'altérites ferralitiques, de kaolinite (Saint-Maximin, Ollières, Tavernes, Carcès, Ampus)
(G. BARDOSSY et al., 1982). L'examen des "poches bauxitiques" montre des phénomènes de
remobilisation de l'alumine, du fer et de la silice, formant des structures irrégulières (voiles,
flammes) de couleurs blanche (riches en alumine : > 65 %), jaune (près de 15 % d'oxydes
ferriques) et rouge (45 à 54 % d'alumine et plus de 35 % d'oxydes ferriques). Les conditions
de formation des bauxites disparaissent à l'Éocène où demeurent des cuirasses ferrugineuses
(limonite, hématite) et des pisolites métalliques (oxydes ferriques), vestiges de cuirasses
démantelées. À 37 - 36 Ma (Bartonien), la phase tectonique pyrénéo-provençale déforme la
couverture sédimentaire et les cavités colmatées du paléokarst sous la forme de fracturation
croisée, chevauchements, brèches et contacts d'écailles (à Saint-Maximin ou au sud de Rians,
dans le Centre Var).
Les paléo-altérations et les "fantômisations" aux parois des karsts sont en fait plus
anciennes qu'on ne le croyait (M. THIRY et al., 2006), comme le montrent les recherches dans
les Grands Causses, notamment sur le Larzac (L. BRUXELLES et al., 1999 ; L. BRUXELLES
et al., 2007). Certains remplissages de poches attribués au Sidérolitique ne sont pas des
formations d'âge tertiaire, mais des témoins crétacés, très altérés, liés à un état émersif,
(exemple de l'ouvala crétacé du Puits de Rians), conséquences de mouvements tectoniques et
de variations eustatiques de la Mésogée (J. DERCOURT et al., 1993). Ces paléo-dolines
peuvent présenter des remplissages de plusieurs mètres d'épaisseur, formations résiduelles
sous la forme d'argiles à chailles et à silex, paléosols à évolution polyphasée, argiles à gibbsite
et à pisolites, et cuirasses ferrugineuses. Quant aux facies des ocres d'Apt, ils colmatent le
spectaculaire paléokarst du Calavon. De tels sédiments d'âge Albien et Cénomanien inférieur
résultent d'une altération très poussée des sables glauconieux d'origine marine et leur
formation est contemporaine de celle de la bauxite.
La phase distensive liée au rifting crée des bassins et des couloirs effondrés amenant une
modification des drainages. Les fractures ouvertes, importantes et nombreuses, sont comblées
par des silts indurés rubéfiés, anciens limons piégés dans le karst. Ces derniers sont souvent
recouverts par des planchers stalagmitiques. Les argilites rouges de l'Éocène se raréfient.
L'organisation des réseaux affectés par la tectonique alpine présente les caractères suivants :
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L'activité tectonique liée aux failles bordant les bassins de Marseille et de Bandol s'est
traduite par d'importants écroulements sur les marges : olistolites, brèches (Estaque, Niolon,
Corniche de Marseille, Pointe Fauconnière, île de Bendor et île Rousse à Bandol). Des
volumes karstifiés et leurs remplissages ont été broyés ; on peut y observer des blocs à surface
lapiazée, des conglomérats à galets de quartz et des gros fragments de planchers
stalagmitiques brisés.
Le rivage rocheux, tel que nous le concevons actuellement, n'existait pas. La plate-forme
karstifiée provençale voisinait avec le Nord de la Sardaigne. La dérive ultérieure a été
précédée par de grands systèmes faillés générateurs d'escarpements.
Cette surface d'érosion "décapite" une partie des cavités creusées à l'Oligocène ou
antérieures (Paléocène, Éocène). Elle est le siège d'écoulements de type fluviatile provenant
de l'est, de l'ESE ou du SSE, c'est-à-dire des reliefs en terrains métamorphiques et
volcaniques. Les témoins sablo-argileux, altérés, demeurent conservés au niveau d'anciens
méandres et de fonds de paléo-poljés tels que ceux des massifs autour de Méounes : Saint-
Clément, Morières, Agnis, etc. (Photos 21 et 22).
Ces "cours fossiles" sont jalonnés de lits sableux et de semis de galets originaires du socle
(quartz, quartzite, grès permien, phyllades, rhyolites : notamment près de Méounes –
C. CORNET, 1966). Ces épandages demeurent antérieurs aux érosions messiniennes et plio-
quaternaires, d'où leur position actuelle suspendue.
Du Burdigalien au Tortonien supérieur, s'écoule une très longue période (plusieurs Ma)
sous un climat rubéfiant de type tropical, favorable à l'établissement d'un karst bien
développé. Le karst du Miocène comprend de grandes cavités et un réseau noyé où l'on relève
parfois d'énormes concrétions très différentes de celles formées ultérieurement, notamment au
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Plio-Quaternaire. Les conditions climatiques et les altérations chimiques, sans aller jusqu'à la
formation de bauxite, demeurent favorables à l'édification de sols oxydés, de croûtes
ferrugineuses (ferralites) et de pisolites d'hématite.
Le paléokarst de l'Aigue (Le Beausset – Fig. 1) est colmaté par une coulée de basalte
attribuée au Messinien ou à l'extrême base du Pliocène (C. COULON, 1967 ; J.C. BAUBRON,
1984). Dans le secteur occidental, les séries molassiques (Serravallien et Tortonien)
transgressent aux abords de la Sainte-Victoire jusqu'à Jouques et au verrou de Mirabeau. Une
partie du karst de l'Adaouste (zone supérieure) est colmatée par les derniers horizons marins,
puis continentaux, du Miocène supérieur. De telles surfaces lapiazées, "cachetées" et datées,
sont ultérieurement soulevées à des altitudes anomaliques par les surrections tectoniques du
Miocène terminal et du Plio-Quaternaire (Sainte-Victoire ; Bonfilons, à l'est d'Aix-en-
Provence ; Mirabeau ; Baudinard ; etc.). Dans les Monts de Vaucluse, les grands ouvalas et
poljés du plateau de Saint-Christol - Albion sont colmatés par d'importantes formations
résiduelles à silex (P. WEYDERT, 1975 ; J.L. GUENDON, 1984 ; M. JULIAN et J. NICOD,
1984 ; C. DEPAMBOUR et J.L. GUENDON, 2003).
2/ Du fait des incisions, des lapiés, des ouvalas et des dolines se trouvent suspendues, des
exurgences deviennent fossiles et les vestiges de réseaux sont décomprimés : partie amont du
bassin de la Nartuby (près de Châteaudouble) ; Planeselve (410 m – dans le massif de Saint-
Clément) ; Les Rampins et Foggeli (sur la bordure ouest du massif de Saint-Clément, près de
Méounes) ; Bois des Prannes (au nord de Draguignan, sur la bordure sud du plateau de
Canjuers) ; Bois de Montmajor (480 m – à l'est de Rians) ; Bois de la Roquette (au SO de
Quinson) ; Baume des Pierres (557 m, sur le plateau de Malassoque, près de Quinson) ; grotte
de la Barouquine (sur le poljé suspendu de Thèmes, 454 m, près de Rocbaron – Fig. 1) ; etc.
3/ Parfois, l'érosion et le recul des versants font qu'il ne reste plus, de la surface initiale,
qu'une crête étroite. Seuls demeurent quelques avens et cavités écroulés. À la limite, les vides
sont remplacés par des chaos de blocs : dans le massif de la Sainte-Baume, Brigou (480 m),
crête de la Sainte-Baume (1010 m), le Paradis (970 m).
Fig. 1), ainsi que les glacis détritiques suspendus et isolés de Laurette et de Saint-Jurs. Sur le
terrain, la surface fini-pliocène est une étendue rocheuse nue (plateau de Négaras, 1068 m –
Photo 9), tandis que l'écaille de Castillon chevauche les derniers bancs conglomératiques de la
série de Valensole. C'est le domaine des écailles olistolites et des éboulis "cyclopéens"
(G. CLAUZON, 1975, 1982 ; J.J. DUFAURE, 1983 ; C. CHAMPION et al., 2000) : Saint-Jurs,
Ourbès, La Gondole, Mourre de Chanier, sud de la Traversière, etc.
Les conséquences d'une remontée très rapide du niveau marin au Pliocène sont
l'immersion d'une partie de l'endokarst du fait de l'élévation générale du niveau de base, d'où
la formation d'un grand réseau noyé. Dès le Pliocène, se sont formés des niveaux phréatiques
avec des galeries à coupoles, pendentifs, puits-cheminées, érosion des parois (mise en
évidence grâce à l'orientation des cupules – R.L. CURL, 1966 ; J.Y. BIGOT, 1999 ;
L. MOCOCHAIN et al., 2006). Les labyrinthes phréatiques, colmatés par des amas argileux
rouges, sont érodés et creusés par des sillons paragenétiques. Le retrait ultérieur des eaux
amène une décompression des voûtes et des piédroits, puis l'éboulement des galeries (grottes
du secteur de Baudinard, dans les Moyennes Gorges du Verdon, et notamment le réseau de
l'Église).
L'instabilité générale dans l'endokarst, quelle qu'en soit l'origine (activité tectonique liée
aux déformations des surfaces ou retrait des eaux pour l'étage noyé), se traduit par le
foudroyage d'une partie des cavités observé en Ardèche, Provence, Alpes Maritimes et Grands
Causses. Ces effondrements sont localisés au niveau des salles, grandes galeries et
confluences. D'autres observations complémentaires montrent des écroulements de falaises et
de surplombs : escarpements du Mont Canaille et du Soubeyran à Cassis ; Tour du Castellas
de Montmeyan ; brèches du couloir faillé de Rougon ; Barres de Catalan à Rougon (1332 m) ;
champ de fractures ouvertes au sommet des Réglès (1447 m), à l'est de Moustiers-Sainte-
Marie. Mentionnons encore les effondrements faillés très spectaculaires du Val Vierge et de
l'Eissadon dans le massif des Calanques.
Une modalité importante est marquée par le cisaillement des strates au voisinage des
failles et des chevauchements réactivés : exemples des grottes de Baudinard (J.J. BLANC,
1992), grottes du Vallon de Sainte-Maxime (Quinson), de Vauclare (Esparron-de-Verdon),
mégabrèche du Tunnel Rouge (Basses Gorges du Verdon), écrasement de conduites
(l'Estaque, îles du Frioul, Riou et massif des Calanques). Il faut enfin évoquer les
manifestations d'un soulèvement continu, sans accidents faillés actifs visibles, reconnu pour
l'ensemble des massifs : Verdon, Centre Var, Sainte-Baume (C. CORNET, 1966 ;
J. FOURNIGUET, 1971 ; M. TERRIER, 1991 ; J.F. RITZ, 1992). Pour le Quaternaire, on a
avancé des moyennes d'exhaussement de + 0,13 mm/an à + 0,20 mm/an (C. CORNET, 1966 ;
J. FOUNIGUET ; 1971 ; M. TERRIER, 1991).
L'analyse planimètrique des surfaces d'érosion et de leurs enveloppes détecte ainsi des
altitudes anomaliques : anticlinal de Baudinard (+ 70 m au Quaternaire – G. MENNESSIER,
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L'exhaussement des surfaces et des cavités karstiques au domaine continental, quel que
soit leur âge, est accompagné d'un abaissement vers le secteur marin sous la forme d'une
marge continentale faillée en gradins, sur plusieurs centaines de mètres (J.J. BLANC et al.,
1992). Dans le massif des Calanques, on observe la surface karstique lapiazée de Morgiou
(sous laquelle est creusée la grotte Cosquer) plonger vers le sud. Cette flexuration et le jeu des
failles littorales ont basculé les réseaux karstiques vers la mer. Certaines aires d'alimentation,
"apex" de réseaux de galeries, ont pu disparaître (Cassidaigne, falaise du Grand Draioun,
Frioul, Baie de Marseille, Bandol). Au sud du massif de Marseilleveyre, une étrange surface
karstifiée, criblée de dolines, est observée vers + 5 à + 8 m à l'île de Calseraigne. Son âge est
inconnu et sa position demeure très décalée par rapport à la surface miocène du Cap Morgiou.
On peut aussi la comparer ou l'assimiler à un témoin surbaissé de la surface de la Nerthe
recouverte par les remplissages d'origine durancienne à petits galets verts (variolites,
serpentines), ces derniers ayant été dragués au sud de Riou.
Il faut enfin rappeler qu'une partie des conduites en relation avec la régression du
Messinien ont été réutilisées au Quaternaire et jusqu'à l'actuel, notamment pour les réseaux
actifs de Port-Miou et du Bestouan (Cassis) (B. BLAVOUX et al., 2004 ; T. CAVALERA et al.,
2006 ; T. CAVALERA et al. 2009).
D'une part, des paléokarsts, souvent parmi les plus anciens, recoupés par des surfaces
d'érosion à l'Oligocène et au Miocène. Ces derniers sont antérieurs, jusqu'au Burdigalien
(20,7 Ma), à la dérive anti-horaire du bloc corso-sarde séparé de la Provence. Le mouvement
se termine vers 18-17 Ma. Les paléokarsts de la Provence varoise sont alors séparés du Nord
de la Sardaigne. Ainsi, une telle autonomie demeure liée à l'histoire de l'ouverture du bassin
océanique liguro-provençal et à la formation des premiers rivages dès l'Aquitanien, à l'ouest,
contre le massif de la Nerthe.
D'autre part, des paléokarsts plus récents incisant les surfaces d'érosion précédentes, du
Messinien à l'actuel. Il en résulte une profonde modification de la position des aquifères et
une déconnection des réseaux. La révolution régressive (- 1500 m), très brève (6,5 à 5,3 Ma)
du Messinien, est contemporaine du forage vertical des grands avens ainsi que du
changement radical des écoulements vers le sud, le sud-ouest et le sud-est, formant des
galeries descendantes et des réseaux croisés.
- Les cavités et conduites karstiques s'adaptent à de nouvelles conditions au Plio-Quaternaire :
immersion des réseaux et circulations ascendantes (P. AUDRA et al., 2002), puis oscillations
glacio-eustatiques des niveaux de base au cours du Quaternaire. D'autre part, on relève un
soulèvement lent, discret mais incontestable, des massifs et des surfaces d'érosion, du
Pliocène à l'actuel. Ce dernier est accompagné par un basculement vers le secteur marin
(sud, sud-ouest, sud-est) et une nouvelle adaptation des réseaux, avec incision des talwegs et
érosion des versants. Il en résulte une dissection du relief et l'isolement des paléokarsts dont
on retrouve les vestiges réduits et isolés.
- Ces modalités sont accompagnées par des activités tectoniques et des rejeux de failles
locaux recoupant des galeries et amenant des effondrements. On peut citer : la faille de
Sainte-Croix décalant les massifs de Marseilleveyre et de Puget, prolongée en mer et déviée
vers le système sous-marin de la Cassidaigne ; le grand accident littoral au sud du massif des
Calanques marqué par les effondrements du Val Vierge et de l'Eissadon ; citons encore les
failles de la Moyenne Durance (karst de l'Adaouste, près de Mirabeau – Fig. 1).
Par ailleurs, des figures de rupture témoignent des contraintes tectoniques appliquées aux
massifs rocheux karstifiés. Les phases actives se sont succédées : Crétacé supérieur
(Maestrichtien) ; Lutécien-Bartonien (plissement pyrénéo-provençal) ; Oligocène et Miocène
(phases alpines – couloirs et bassins effondrés à l'Oligocène, rejeux de failles et de
chevauchements au Miocène (cisaillements et formation de brèches, concrétions broyées) ;
ruptures et sismicité au Plio-Quaternaire. Les figures de rupture et les anomalies peuvent être
observées à l'échelle macroscopique et à l'échelle de l'échantillon.
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