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Le soufisme

et Jalel Ed Din Roumi

Mohammed JENDOUBI
lllllllll

bué à un ascète irakien, au IXème siècle le


terme soufiya désigne, à Koufa et Bagdad,
des groupes de mystiques, en 821 il dési-
gne un groupe de puritains insurgés contre
la corruption du pouvoir, et en 980, la pre-
mière chaire d’enseignement du tasawuf est
créée à la mosquée du CAIRE.

Les soufis font remonter leur choix, leur


mode de vie et leurs pratiques religieuses
aux premiers musulmans et au prophète
Muhammed. Les versets coraniques ainsi
que les hadiths (dires du prophète) ou des
événements particuliers de sa vie sont cités
pour appuyer leurs thèses. Cela pour prou-
ver un point fondamental : le soufi se con-
sidère comme un musulman appliquant
les règles et les obligations de l’Islam
mais faisant encore plus pour avoir un
L’exposé qui suit comporte trois par- rapport plus intime avec Dieu. Le sou-
ties : fisme était d’abord objet de choix person-
nel, puis des cercles se sont formés autour
1- Le soufisme vu à travers EL KALA- d’un certain nombre de sages pour rece-
BADHI, Al GHAZALI et IBN KHALDUN voir leur enseignement et l’approfondir puis
2- Développement des confréries soufis cela aboutit vers le XIème-XIIème siècles à la
3- Biographie d’un célèbre soufi : JALEL constitution de confréries organisées selon
ED DIN RUMI des règles précises.
4- Conclusion
Certains lient cette évolution à une
déperdition de la foi religieuse conquérante
1- LE SOUFISME et enflammée du début de la prédication de
Muhammad. L’extension de l’empire, l’ac-
Le surnom as soufi apparaît pour la pre- cumulation des richesses, la recherche des
mière fois en 776 dans un document attri- jouissances matérielles ont affaibli les pra-
tiques religieuses ce qui a entraîné des
réactions de revivification de la foi – c’est
d’ailleurs le titre d’un ouvrage fondamental
de GHAZALI dont le titre est : Revivification
des sciences de la religion.

Il faut ajouter à cet affaiblissement de


la foi une instabilité politique et des inva-
sions importantes venant de l’Est comme
de l’Ouest : les Croisades, la prise de pou-
voir par les Turcs, l’invasion des Mongols, la
division du grands empire musulman en plu-
sieurs royaumes. Cette instabilité a entraîne
la recherche de refuge ; il semblerait que
les Confréries aient assuré cette fonction
rasure et de guider le croyant vers la voie
divine.

Qu’est-ce que le soufisme ?

Al Kalabadhi abu Bakhr mort vers


995 et Abu Nas asSarraj (mort vers 988)
sont les premiers auteurs connus d’écrits
qui présentent le soufisme. Celui d’Al Kala-
badhi porte le titre arabe : « at ta arruf
li madhhab ahli at tasawef ». La connais-
sance de la doctrine des adeptes du sou-
fisme. Roger Deladrière qui l’a traduit, pré- « suffa »,et l’autre de l’état spirituel : « safa
senté et annoté lui a donné le titre de Traité » et « saff ».
du soufisme, Les maîtres et les étapes
(1ère publication par Sindbad en 1981). Ces quatre étymologies donnent pres-
que une définition complète du soufisme
AL KALABADHI propose 4 origines : on y trouve le renoncement (zuhd), la
possibles du mot tasawuf : patience, la pauvreté, l’humilité, la crainte, la
piété, le dépouillement, comme on retrouve
- « safa » : pureté. Et il cite Ibn al Harith. l’invocation de Dieu, l’intimité avec lui, la
« le soufi est celui dont le cœur est pur à certitude (al-yakin), la jonction, l’amour, l’ex-
l’intention de Dieu ». tase, l’ivresse, la révélation et l’occultation,
l’extinction (al fana) la connaissance de
- « saff » : premier rang. Ils- les soufis- l’unité, de l’audition spirituelle (sama’), tous
sont au 1er rang devant Dieu. L’intime de ces concepts seront définis et expliqués en
leur être se tient en arrêt devant lui. faisant appel à des citations d’un ou plu-
sieurs grands maîtres soufis.
- « suffa » : banc. Les caractéristiques
des soufis sont proches de celles des La doctrine est expliqué dans 70 chapi-
hommes du banc - ahlu as suffa- qui vivaient tres, qu’il est impossible de résumer ici, en
à l’époque du Prophète. voici quelques éléments :

- « suf » : laine. Les soufis portent des Dieu est un et unique, éternel, sans
vêtements de laine. début ni fin, il cite al HALLAJ :

L’auteur les classe en deux catégories : Si tu dis quand ? Son être a précédé
l’une relevant de l’état matériel : « suf » et l’instant
Si tu dis avant ? L’avant est après lui Pour atteindre ces diverses étapes de
la connaissance divine ; la prière, le jeûne,
Si tu dis où ? Son existence a devancé l’invocation de Dieu et de ses attributs ou
le lieu dhikr, le concert spirituel ou sama’ sont
les moyens humains utilisés car cela ne
Il est le seul à réunir deux attributs peut se faire que si Dieu en accorde la
opposés : il est caché dans sa manifesta- grâce. Le guide -sheikh- qui initie et dirige
tion et manifeste dans son occultation le novice -al mourid- est un personnage
clé dans la formation spirituelle.
Dieu se confond-il avec ses attri-
buts ? C’est un sujet de débat : pour cer- Kalabadhi cite environ 180 fois le Coran
tains oui pour d’autres non. L’attribut créa- pour appuyer les pratiques soufis et affir-
teur par exemple pose problème : l’éternité mer l’ancrage du soufisme dans l’Islam.
des attributs prouve qu’il est créateur éter-
nel, donc si la création est historique, l’at- Kalabadhi ne consacre aucun chapitre
tribut créateur lui-même le serait et cela au guide ni aux stations avant d’arriver au
remettrait en cause l’essence divine, mais fana. On trouve des allusions aux diverses
si la création est éternelle alors les créatu- stations éparpillées dans les divers chapi-
res le sont aussi et cela remet en cause tres de ce traité.
aussi l’unicité divine, donc Dieu ne peut être
confondu avec l’attribut créateur. A cela les Le maître ou sheikh ou qotb-pôle :
adeptes de la confusion entre Dieu et ses
Attributs répondent que l’attribut créateur Ibn ARABI disait : Celui qui n’a pas
existe sans les créations. de maître, Satan devient son maître.
Le maître a été lui-même initié par un
Dieu est visible, cela est prouvé par la autre maître qui l’a investi de son pouvoir
parole divine quand Moussa s’adressant à et de sa mission, ce pôle est le maillon
Dieu lui demande : « Montre-toi à moi que d’une chaîne dont l’origine doit remonter
je te regarde » or Moïse est un prophète et au prophète, ainsi est garantie la fidélité à
il n’est ni ignorant ni impie. Cette vision est Muhammed et justifiée l’autorité du maître.
la faveur ultime et n’est possible que dans Celui-ci doit maîtriser le savoir théologi-
le lieu suprême, sinon il n’y aurait aucune que, avoir une grande expérience spiri-
différence entre ce monde périssable et le tuelle, une vie austère et un grand senti-
paradis éternel. ment d’humilité.

Les règles de l’Islam sont de stricte Les étapes qui mènent au FANA
obligation, personne ne peut se soustraire
à ce que Dieu a prescrit dans le Coran La mort avant la mort souhaitée par
et dont la nécessité a été prononcée par tous les soufis ne peut être atteinte qu’au
Muhammed. bout d’un certain nombre de degrés ou sta-
tions- maqamats. On admet l’existence de
Le soufi est celui qui préfère autrui à 7 étapes :
lui-même, renonce à la recherche du gain,
s’interdit la thésaurisation, a une concep- - l’âme charnelle : l’état de l’inclinaison
tion pure de l’unité divine sans la vicier par vers les désirs
une pensée anthropomorphique. Il doit se
donner comme but d’atteindre la jonction - l’âme admonitrice : l’état de l’amour
avec son créateur, d’éprouver son amour,
de vivre l’extase et de se consumer en - l’âme inspirée : l’état de la passion
lui, c’est le fana. Un poète l’a décrit ainsi
: Il me fait évanouir à moi-même, et je - l’âme apaisée : l’état de l’union
demeure par Lui et pour Lui, car l’être
divin informe et parle de Lui. - l’âme satisfaite : l’état de la transition
- l’âme agrée : l’état de l’émerveillement

- l’âme réalisée : l’état de la permanence


en Dieu
Dans le conte LE PHILOSOPHE AUTODI-
DACTE -traduction libre du titre arabe Hay
ibnou Yaqdhan- le vivant fils de l’éveillé-
IBNOU TUFAYL, philosophe andalou né à
Guadix en 1105 et mort à Marrakech en
1185, décrit ses stations en parlant des
états d’âme de l’enfant sauvage, élevé par
une gazelle, qui découvre le monde physi-
que et qui passe progressivement au monde
métaphysique par la réflexion et la décou-
verte de l’intime qui fait appel à des facul-
tés autres que les sens et le raisonnement,
ce que Al GHAZALI appelle adh dhawq
qui peut être traduit par goût, connais-
sance intuitive, connaissance savoureuse -
Mohammed ARKOUN - connaissance par
goût… c’est une connaissance directe de AL MUNQIDH MINA ADH DHALL -le sau-
la réalité divine qui s’assimile à un état veur de l’errance- traduit par ERREUR ET
d’âme. DELIVRANCE, il explique son cheminement
et son aboutissement au soufisme, après
AL GHAZALI ET LE TASAWUF avoir exploré toutes les voies de la connais-
TUS 1058---TUS 1111 sance. L’adhésion de La PREUVE DE L’IS-
LAM au soufisme l’a légitimé aux yeux de
Abu Hamed Muhamed ibn Muham- l’orthodoxie musulmane.
med AL GHAZALI né à TUS en Iran en
1058, fit des études brillantes à Nichapur, Al GHAZALI définit la voie soufie comme
il eut comme maître al JUWAYNI, appelé celle qui « vise à lever les obstacles per-
imam al haramayn, titre honorifique alors sonnels et à purifier le caractère de ses
qu’il n’a séjourné à la Mekke et à Médine défauts. Le cœur finit ainsi d’être débar-
que de 1058 à 1062, d’obédience asha’rite rassé de tout ce qui n’est pas Dieu, pour se
il dut s’exiler de l’Iran quand le vizir seljou- parer du seul nom de Dieu ».
kide Tughrilbeg condamna cette doctrine, il
revient à Nishapur à l’invitation du nouveau La caution est donnée par : « j’ai com-
vizir NIZAM AL MULK pour enseigner à la pris avec certitude que les mystiques ne
médersa nizamiyya construite à son inten- sont pas des discoureurs’ mais qu’ils ont
tion, Ghazali lui succédera à ce poste bien leurs états d’âme…. Grâce à mes recher-
plus tard. Nizam al Mulk chargea Al Ghazali ches dans le domaine des sciences tant
de la direction de la médersa de Bagdad, il religieuses que rationnelles, j’en étais arrivé
l’a dirigea de 1091 à 1095. Il disparut brus- à une foi inébranlable en Dieu, à la révé-
quement de la scène publique pendant 10 lation et au Jugement dernier », et : « il
ans. Le Maître reprend son enseignement me suffira de déclarer que les sufis sui-
à Nishapur en 1106, et en 1107 il prend vent, tout particulièrement la voie de
une retraite définitive à TUS où il meurt en Dieu. Leur conduite est parfaite, leur
1111. Voie droite, leur caractère vertueux ».

Al GHAZALI est un grand savant sun- Il décrit son cheminement ainsi : « je


nite, une personnalité marquante de l’Islam, suis rentré en moi-même : j’étais empêtré
surnommé HUJAT UL ISLAM. Dans son dans les liens qui me ligotaient de partout.
dernier ouvrage, composé en 1108, à Tus, », il renonce aux biens de ce monde et
entre dans la Voie par la prière, il parvient à mier point et du troisième qu’il ne faut pas
l’état d’extase, il affirme que : « la Science, confondre avec les miracles résérvés aux
c’est la vérification par la preuve ; la Gusta- prophètes, quant aux propos d’extase –sha-
tion, c’est l’intime connaissance de l’extase, tahat- tenus dans un état d’absence de ce
et la Foi, fondée sur la conjecture, c’est monde, on ne peut rendre responsable les
l’acceptation des témoignages oraux et de soufis de ce que disent, quant au deuxième
ceux de l’expérience ». point, il est du domaine de l’intuition et ceux
qui n’en ont pas ne peuvent connaître l’ex-
Le point de vue d’IBN KHALDUN, émi- périence mystique.
nent historien maghrébin du XIVème siècle,
sur le soufisme nous éclaire sur les ques- Ainsi, sous réserve de sincérité le « doc-
tions que posent la doctrine soufie à la teur de la loi » Ibn Khaldun accepte et justi-
théologie orthodoxe musulmane et nous fie la Voie soufie.
renseigne sur la place prise par les con-
fréries dans la société du fait même qu’il Les débats auxquels fait référence Ibn
consacre un chapitre au soufisme. Khaldun montrent que la voie soufie n’a pas
été toujours acceptée, plus souvent tolérée
IBN KHALDUN -TUNIS 1332- Le CAIRE car elle peut mettre en cause les dogmes et
1406- était un magistrat, diplomate, homme l’interprétation orthodoxes par les questions
de cour, maîtrisant le droit canonique, his- posées par ses théoriciens et plus tard par
torien novateur, esprit universel, il a par- la pratiques marginales d’un certain nombre
couru le Maghreb, le Machreq et a côtoyé de gourous parvenus à usurper la qualité
les plus grand de son époque. de sheikh.

Dans ses PROLEGOMENES - introduc-


tion à son LIVRE DES CONSIDERATIONS 2- DEVELOPPEMENT DES CONFRE-
SUR L’ HISTOIRE DES ARABES, DES PER- RIES SOUFIES
SANS ET DES BERBERES- KITAB AL ‘IBAR-
classe le soufisme parmi les sciences de Après le XII-XIIIème siècle, les confréries
la loi religieuse « shari’a », le soufisme est s’étaient développées partout dans le monde
la deuxième branche : la première traite du musulman. Parmi les nombreuses confré-
culte, des usages et des rapports sociaux, ries on peut citer la QADIRIYYA -disciples
la deuxième « est spéciale aux soufis : de ABDELQADER AL JILANI (mort en
elle concerne les exercices spirituels et l’in- 1166)- la SHADILIYYA -disciples de ABUL-
trospection corrélative, l’exposé des divers HASAN ACH CHADHILI (m en1258)-la
modes de gustation et d’extase, le procédé BADAWIYYA -fondée par AHMED EL
d’ascension d’une gustation à l’autre », il BADAWI (mort en 1258), la ‘ISAWIYYA-
présente les origines du soufisme, sa prati- fondée par MOHAMMED IBN ‘ISSA AL
que et les débats suscités par les doctrines FIHRI (mort en 1524).
et les pratiques soufis. Il définit les quatre
points traités par les soufis : La fin du XIXème siècle apporte un renou-
veau du soufisme avec la revivification de
1- Les exercices spirituels et les expé- confréries existantes, l’apparition de nou-
riences mystiques, velles tariqas comme celle de SANUSIYYA
-fondée par Mohammed as SANUSSI (m
2- La révélation et les réalités surnaturelles, en 1859) et la publication d’œuvres nou-
velles comme celle de l’algérien ABDELQA-
3- Le comportement dans les divers DER. Le soufisme se développe en Afrique,
mondes, au Sénégal les disciples d’Amadou BAMBA
(mort en 1927) dépassent le demi million
4- Les propos d’extase. et Tyérno Bokar Salif TAL (1875-1940) est
appelé, par Monod « le Saint François d’As-
Ibn Khaldun défend l’authenticité du pre- sise noir ». On trouve des tariqas s’inspirant
Sa famille se fixa à Arzandjan (Turquie).
En 1228, cette ville fut conquise par Ala
ad Din KAYQOBAD, sultan Seldjoukide
qui invite BAHA AD DINE à Konya. Après
avoir passé quelques temps à Larande, où
Jalel ed- DIN épousa, en 1224, Jawhar
Khatoum dont il eut deux garçons ALA’
ed-DIN Muhammed et Sultan Walad. A
la mort de Jawhar Khatoun vers 1242
Rumi prendra une deuxième épouse Kirra
Khatun qui lui donnera un fils Muzaffar ed
Din Amir ‘Alim Tchélébi et une fille Malika
Khatun.

Baha ed Din s’installa définitivement à


Konya en 1229, il y enseigna les sciences
religieuses et exerça les fonctions de pré-
dicateur jusqu’à sa mort en 1231. RUMI
remplaça son père à la tête du collège,
de Rumi chez les musulmans en Malaisie et il avait 24 ans, n’ayant pas les diplômes
en Indonésie. requis -ijaza, un ancien disciple de son père,
Burhan ed Din Mohaqqiq TIRMIDHI prit
la direction de l’école en 1232 et envoya
3- JALEL ED DIN RUMI Jalel ed Din faire des études au pays du
30 SEPT. 1207-17 DEC. 1273 Sham. Il continua la formation spirituelle de
RUMI jusqu’à sa mort en 1241.
Jalel ed-Din Muhammed -connu en
occident sous le nom de RUMI, c’est-à-dire RUMI partit faire des études religieuses
celui qui vit dans le pays des RUMS , classiques : droit, coran, hadith, et théolo-
les Byzantins- naquit aux environs de Balkh gie à Alep dans une école dirigée par un
dans le Khorassan –nord-est de l’Iran- en savant canoniste hanafite, puis se rendit à
1207, le 30 septembre. Son père, Muham- Damas où il resta plusieurs années. Il acquit
med abu el-Khatibi, surnommé Baha ed- une large culture religieuse, philosophique
Dine Walad né vers 1148 était un théolo- et littéraire, et obtint l’autorisation d’ensei-
gien, un prédicateur et un soufi pratiquant, gner -l’ijaza- et de statuer sur des ques-
il semblerait que Rumi ait découvert cette tions théologiques. Il était probablement
réalité assez tard. Eva de Vitray-Meyrovitch, en contact avec la doctrine d’Ibn ARABI,
spécialiste de Rumi, affirme qu’il reçut sa soufi andalou qui mourut à Damas en
khirqua (froc d’investiture) des mains de 1240. Ibn ARABI était venu à Konya et son
Abu Hamid el Ghazali, BAHA ed DIN serait beau fils Sadr ed Din KONYAWI a rencon-
donc le premier maître spirituel de Rumi. tré Rumi. Ibn ARABI l’a-t-il influencé directe-
ment ou indirectement ? Deux écoles : EVA
Sa famille quitta Balkh, en 1219 et partit DE VITRAY-MEYEROVITCH penche pour le
en pèlerinage à la Mecque. En passant par non et NICHOLSON pour le oui ; mais ni
Nichapour, Rumi rencontra le sheik Farid- RUMI ni son fils ainé SULTAN VALAD ne
ed-Din ATTAR grand mystique. Rumi citait citent Ibn ARABI.
souvent ATTAR et SANA’I comme étant ses
maîtres spirituels. Il disait : « ATTAR a visité Après son séjour à Alep et à Damas,
97 villes de l’Amour tandis que je suis resté il revient à Konya et continue sa formation
dans une petite ruelle » et « ATTAR était spirituelle avec BURHAN ED DIN. Quand il
l’esprit, SANA’I les yeux, je suis venu après mourut en 1241, Burhan ed Din laisse un
ces deux grands ». disciple cultivé, et prêt à franchir une étape
de Rumi. Rumi envoya son fils
Walad et quelques disciples
pour le ramener. Shams revint
un an plus tard et disparut
définitivement fin 1247. Rumi
fut bouleversé par cette dispa-
rition, il effectua deux voyages
à Damas pour le retrouver,
mais en vain. Une mosquée et
un sépulcre furent construits
pour Shams à Konya.

Jalal ed Din Rumi eut trois


initiateurs : son père -pour l’ins-
truction religieuse-, Burhan ed
Din -initiation au soufisme-, et
Shams pour le dévoilement de
la VERITE, c’est-à-dire DIEU.

En 1249 RUMI choisit


comme successeur spirituel et
guide de ses disciples : Salah
ed Din Faridun ZARQUB. Il y
resta dix ans. Il disait : « moi je
ne suis rien, je ne suis qu’un
miroir dans lequel Mawlana
se voit lui-même ». Zarqoub
mourut en 1258.
Après la mort de Saleh
ed Dine, Husam TCHELEBI le
remplaça. Rumi dit qu’il com-
posa le Mathnawi sur les con-
supplémentaire dans la voie soufie, cela ne seils de Husam, Rumi dictait et Husam écri-
l’empêche pas de reprendre la direction du vait les vers et les récitait.
collège pour enseigner la jurisprudence et
la loi coranique. Rumi mourut le 17 décembre 1273
(672).
L’événement important dans sa vie fut Au sheikh Sadr ed Din venait lui rendre
l’arrivée à Konya d’un soufi inconnu : Shams visite un peu avant sa mort, Rumi lui dit «
at TABRIZI, vers 1244. Shams -le soleil- quand entre l’amant et l’aimé il n’y a plus
naquit à TABRIZ située au nord ouest de qu’une chemise de crin, ne voulez-vous pas
l’Iran vers 1184, on l’appelait Shams le que la lumière s’unisse à la lumière ? ».
volant. Cette rencontre bouleversa la vie de
Rumi. Shams lui a apporté le dévoilement A sa mort, toute la ville lui rendit hom-
et l’ivresse de l’amour divin. mage. Ses funérailles furent accompagnées
de musique.
De cette rencontre est né DIWAN de
SHAMS, œuvre poétique écrite dans la Jalal ed Din Valad succéda à Hussam
langue persane et dédiée à Chams. Elle fut ed Din à la tête des disciples de Rumi, il
traduite par « ODES MYSTIQUES ». Après est le réel fondateur de la confrérie des
16 mois, Shams quitte Konya pour fuir les Mawlawiyya, il la dota d’une chaîne de trans-
complots et les médisances des disciples mission incluant Rabi’a, Hallaj et Abu Yazid
el Bistami, définit les règles de la tariqa et un grand intérêt pour les instruments de la
mit au point le sama’. musique et le chant. Il arrive au révérend
sheikh de se mettre à danser parce qu’il a
La confrérie connut un grand succès et entendu un rythme, un air ou une chanson.
eut beaucoup d’influence auprès du pou-
voir ottoman avant d’être dissoute en 1925, Ces danses, au départ improvisées,
comme toutes les confréries religieuses, par deviennent une habitude quotidienne dans
Atatürk. On retrouve des zaouias en Lybie, la Tariqa des Mavlévis, avec accompa-
Egypte, Syrie, Anatolie, Chypre, Belgrade. gnement de flûte, ribeb et d’autres instru-
« Zaouia = coin, maison de retraite » = ments, et elles furent intégrées aux séances
« takya ». de sama’ de la confrérie. On récitait des
Rumi a laissé une œuvre importante : poèmes de Attar, de Sana’i, et de Rumi.
Pendant ces séances Rumi et quelques
- Le mathnawi i ma’nawi, membres de la confrérie se mettaient à
danser et entraient en transe progressive-
- Le diwan i shams, ment. Vers la fin de la vie de Rumi, le sama’
revêtit une forme cérémonielle. C’est Sultan
-Les rubaiyats, Walad qui dirigea le tariqa après la mort de
Rumi et fixa les règles de vie de la confrérie
- Fihi ma fihi traduit par le livre du dedans et ses rites.
: ouvrage important pour comprendre sa
pensée, La danse est le sujet le plus controversé
du soufisme ; même chez les cheiks soufis
- Les Lettres « Maktubats » : ensemble les opinions divergeaient. C’est pour ces
de lettres, raisons que SULTAN WALAD voulut donner
un sens ésotérique et cosmique au sama’
- Al Majalis as saba’a : recueil de prê- de la tariqa.
ches.
Le Mathnawi a été longuement com- Rituel du Sama’
menté dés le XVIème siècle.
Les danseurs entrent vêtus de blanc,
Il a été traduit en arabe et en turc au symbole du linceul, enveloppés d’un ample
XVIIème siécle. manteau noir, symbole de tombe, et coiffés
NICHOLSON le traduisit en anglais en d’une haute toque de feutre, symbole de la
1925.

Le « Message d’universalisme et
d’amour, fait du Mathnawi une œuvre dont
le rayonnement demeure sans égal dans le
monde de l’Islam et qui est appelé, croyons
nous, à illuminer l’Occident de ses lumières
». (Selon Eva de Vitray-Meyerovitch.)

La confrérie des Mawlana ou Mavlévi


se distingue par son oratorio spirituel ou
sama’ qui ajoute la danse à la partie com-
mune à toutes les confréries qui comprend
la récitation du Coran, le chant religieux, le
dhikr et la déclamation de poèmes.

C’est à la suite de sa rencontre avec


Shams que Rumi commença à se livrer à la
danse et au chant mystiques, Rumi montre
pierre tombale. Le cheikh, intermédiaire de la salle. Les bras étendus, la main droite
entre le ciel et la terre, entre le dernier tournée vers le ciel pour y recueillir la
et s’assied sur le tapis rouge, symbole du grâce, et le bras gauche vers la terre pour
soleil couchant le jour de la mort de Rumi. répandre cette grâce.

Le maître spirituel tournant au milieu des Le cercle des danseurs est divisé en
autres danseurs, représente le soleil ; les deux : le premier demi-cercle est la des-
autres les planètes tournant autour du soleil cente de l’âme dans le corps matériel et le
et sur eux-mêmes, la main droite orientée deuxième celui de sa remontée vers Dieu.
vers le ciel pour y accueillir la grâce divine, La danse comporte quatre séquences,
leur main gauche vers la terre pour répandre le rythme est de plus en plus rapide et le
cette grâce. Ces sama’a sont devenus célè- cheikh n’entre dans la danse qu’à la der-
bres en Occident, la confrérie de Mawlana nière séquence, le cheikh tourne au centre
est connue sous le nom de « Derviches accompagné par le nay. Quand le cheikh
tourneurs ». revient à sa place, le sama’ est fini, on récite
le Coran.
Un chanteur récite une prière écrite par
Rumi à la louange du prophète Muham- Les danseurs saluent et invoquent Dieu
med. par le Hua ou Hu-Lui.

Le joueur de flûte improvise un taqasim. Ce rituel de la danse s’est propagé dans


la sphère d’influence ottomane, il n’a pas
Le cheikh frappe le sol. cours dans les confréries persanes, alors
que Rumi est considéré comme un des
Les derviches font trois fois le tour de la grands poètes persans.
piste, ces trois tours représentent les trois
étapes qui rapprochent du créateur : la voie Depuis l’interdiction des confréries en
de la science, celle de la vision et celle qui Turquie, les danseurs –derviches tourneurs
mène à l’union divine. ne sont plus des Mevlavis-, ce sont des
artistes qui perpétuent cette tradition du
A la fin du troisième tour, ils sollicitent du sama’.
cheikh l’autorisation de danser, se débar-
rassent de leurs manteaux noirs et commen-
cent à tournoyer sur eux-mêmes et autour 4- EN GUISE DE CONCLUSION

L’histoire du soufisme est riche en per-


sonnalité marquantes ; on peut citer les maî-
tres incontestés comme Hassan el BASRI
-643--728- Rabia’ al ADAWIYYA- 721—801-
Dhu NUN, l’égyptien -796—856- Ibn ADHAM
-716—777- Ibn KARRAM -806—868- al MOU-
HASIBI -781—857- al BISTAMI -800—859-
JUNAYD –mort en 911- al HALLAJ –
852—922.

Les écoles de soufisme sont partagées


en deux grandes orientations : wihdat a
chuhud et wihdat al wujud, la première
-unicité du témoignage- a culminé avec al
Hallaj qui, dans ses périodes d’extase dit
JE, témoignant ainsi qu’il n’est plus lui mais
qu’il a atteint l’état du fana, c’est la pré-
sence testimoniale ; la deuxième- unicité de
l’existence- le monde n’est qu’un reflet et 32- Dieu dit alors : « Pourquoi n’es-tu
l’esprit humain une émanation de l’Essence pas parmi ceux qui se prosternent ? »
Innée, Ibn Arabi et Rumi se rattachent à
cette école. 33- Satan répondit : « Je n’ai pas à me
prosterner devant un être que Tu as tiré
Le monde -le macrocosme- et l’homme d’une argile extraite d’un limon fétide ».
-le microcosme- reflètent L’Essence Innée ;
deux expériences physiques illustrent cette La pensée soufie est riche et n’est pas
vision : la décomposition de la lumière et exempte de contradictions, ce qui explique
l’holographie. Les couleurs, dans leur infi- encore l’insistance sur l’attachement à l’Is-
nies nuances ne sont que le reflet de la lam exprimé par les cheikhs soufis.
lumière blanche décomposée par les divers
corps qu’elle rencontre ; l’hologramme, con- Une avant dernière remarque concer-
tient dans chacun de ses atomes, la totalité nant le style poétique de l’œuvre maîtresse
de l’image, ainsi le Tout est dans la partie de Rumi : le Mathnawi, c’est une suite de
est la partie est dans le Tout dans le sens poèmes où seules les deux hémistiches
défini par le Coran : d’un même vers riment, contrairement à la
Qasida classique arabe qui se définit par
7- c’est LUI qui a crée toute chose à la la même rime finale comme par exemple la
perfection…. « Lamia d’Imrou al Qaïs – le poème qui
finit par la lettre L du poète Imrou al Qaïs
8- puis d’un vil liquide Il a tiré sa des- ; cette forme de poésie se retrouvent plu-
cendance sieurs fois dans la littérature arabe, comme
Alfiat d’IBN MALIK -les mille (vers) d’Ibn
9- puis IL lui a donné une forme har- Malik- qui est une leçon sur les règles
monieuse et a insufflé en lui de Son Esprit, de la grammaire arabe. Taha Hussaiyn,
vous dotant ainsi de l’ouïe, de la vue et de 1889-1973, un romancier, essayiste, criti-
l’intelligence… sourate as Sajda- la Proster- que littéraire, professeur d’université à el
nation. Azhar entre autre, un grand homme de let-
tres égyptien, l’appelle Poésie Didactique,
Le problème qui est posé ainsi est la c’est une forme qui se prête bien à l’en-
partie est-elle le tout ? C’est un grand point seignement, de par son rythme et qui ne
de divergence qui a entraîné la condamna- nécessite pas des contorsions linguistiques
tion d’un certain nombre de soufis qui ont pour chercher une rime unique à un nombre
franchi le pas de l’identification. considérable de vers. Le Mathnawi de Rumi
est un poème didactique pour éveiller les
Le débat a atteint des sommets d’incré- sens et la raison des disciples.
dulité et de déviation dans le sens inverse,
ainsi certains « soufis » voulaient adorer Et la dernière remarque concerne la
Satan parce qu’il a refusé de se proster- langue du Mathnawi, c’est le persan. C’est
ner devant la vile créature, prouvant ainsi la langue adoptée par les sultans Seljouki-
que l’ETRE est UN et qu’il ne peut être des aussi bien en Iran qu’en Anatolie, le
partagé ; ce refus est évoqué dans la sou- pays des Rum, avant l’adoption de la langue
rate Al Hijr dans les versets suivants : turque qui était déjà utilisée à l’époque de
Rumi, mais, d’après Eva de Vitray-Meyero-
29- Lorsque Je lui ai donné sa forme et vitch, Rumi ne maîtrisait pas cette langue,
insufflé en lui de Mon Esprit, vous vous jet- contrairement au persan et à l’arabe.
terez devant lui et vous vous prosternerez
On ne peut résister, pour finir, à la cita-
30- Tous les anges se prosternèrent tion de ces quelques vers de Rumi, dont il
s’agit de fêter l’anniversaire :
31- Seul Satan refusa de le faire
Ma vie tient en trois mots : j’étais cru,

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