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Le geste suicidaire

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Addictologie, coordonné par M. Lejoyeux. 2008, 352 pages.
Adolescence et psychopathologie, par D. Marcelli, A. Braconnier. Collection
« Les Âges de la vie ». 2008, 7e édition, 720 pages.
Anorexie et boulimie : approche dialectique, par J. Carraz. Collection
« Pratiques en psychothérapie ». 2009, 264 pages.
Deuils et endeuillés, par A. de Broca. Collection « Médecine et
psychothérapie ». 2006, 3e édition, 216 pages.
Évaluation du potentiel suicidaire. Comment intervenir pour prévenir, par
S.C. Shea. Traduction coordonnée par J.-L. Terra et M. Séguin. 2008, 352 pages.
La crise du milieu de vie, par L. Millet. Collection « Médecine et
psychothérapie ». 1994, 224 pages.
Le passage à l’acte, coordonné par F. Millaud. Collection « Médecine et
psychothérapie ». 2009, 2e édition, 264 pages.
Les personnalités pathologiques, par Q. Debray, D. Nollet. Collection
« Médecine et psychothérapie ». 2008, 5e édition, 208 pages.
Les psychothérapies : approche plurielle, coordonné par A. Deneux, F.-X.
Poudat, T. Servillat, J.-L. Vénisse. 2009, 464 pages.
Manuel de psychiatrie, coordonné par J.-D. Guelfi, F. Rouillon. 2007, 816 pages.
Mécanismes de défense : principes et échelles d’évaluation, par J.C. Perry,
J.-D. Guelfi, J.-N. Despland, B. Hanin. Collection « Pratiques en psychothérapie ».
2009, 2e édition, 184 pages.
Protocoles et échelles d’évaluation en psychiatrie et en psychologie, par
M. Bouvard, J. Cottraux. Collection « Pratiques en psychothérapie ». 2005, 4e
édition, 336 pages.
Psychopathologie de l’adulte, par Q. Debray, B. Granger, F. Azaïs. Collection
« Les Âges de la vie ». 2005, 3e édition, 416 pages.
Psychothérapie cognitive de la dépression, par I.M. Blackburn, J. Cottraux.
Collection « Médecine et psychothérapie ». 2008, 3e édition, 248 pages.
Traitement du trouble de la personnalité borderline, par F. Mehran. Collection
« Médecine et psychothérapie ». 2006, 296 pages.
Urgences psychiatriques, par M.-J. Guedj. 2008, 704 pages.
Collection Les Âges de la vie
Dirigée par Pr Daniel Marcelli

Le geste suicidaire

Vincent Caillard
Françoise Chastang
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présente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le
domaine universitaire, le développement massif du « photo-
copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans
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© 2010, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


ISBN : 978-2-294-01920-3

Elsevier Masson  SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442  Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Les auteurs

Vincent Caillard, psychiatre des hôpitaux, praticien hospitalier, unité de


crise et de post-urgences, clinique psychiatrique et de psychologie médi-
cale, CHRU de Caen.
Françoise Chastang, psychiatre, praticien hospitalier, coordinatrice de
l’unité intersectorielle d’urgences psychiatriques, pôle santé mentale et
département d’accueil des urgences (DATU), CHU Côte-de-Nacre, Caen,
et Centre d’études et de recherche sur les risques et les vulnérabilités
(CERReV), université de Caen.
Abréviations
ADIS Association de défense contre l’incitation au suicide
CAC centre d’accueil de crise
CHSCT comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
CIM-10 Classification internationale des maladies, 10e révision
CMP centre médico-psychologique
CPAM Caisse primaire d’Assurance maladie
CRISE Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie
CUMP cellule d’urgence médico-psychologique
DMS durée moyenne de séjour
DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
DSH Deliberate self-arm
DSM-IV-R Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders-IV-revised
ECES Évaluation chronologique des événements suicidaires
EEG électroencéphalogramme
FDA Food and Drug Administration
5-HIAA acide 5-hydroxyindolacétique
IASP International Association of Suicide Prevention
IMAO inhibiteurs de la monoamine oxydase
INRS Institut national de recherche et de sécurité
IRS inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
IRSNA inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
MIO modèles internes opérants
OMS Organisation mondiale de la santé
OR odds-ratio
SMPR services médico-psychologiques régionaux
TPH tryptophane hydroxylase
UHCD unité d’hospitalisation de courte durée
UCPU unité de crise et de post-urgences
UCSA unité de consultations et de soins ambulatoires
Introduction

Pourquoi cet ouvrage sur les comportements suicidaires  ? Tant de choses


ont été écrites sur le suicide, et continuent de l’être, sans qu’il semble néces-
saire de rajouter un nouveau discours académique à un corpus de connais-
sances déjà fort étoffé.
Nous aurions pu centrer le propos sur les « comportements auto-agressifs »,
dont le suicide et les comportements suicidaires au sens propre du terme ne
sont que les variantes ultimes.
En fait, l’objectif d’infléchir les taux de mortalité suicidaire, qui restent
au-dessus des 10 000 décès annuels dans notre pays, avec une dramatique
stabilité globale en dépit des campagnes et des journées annuelles de sen-
sibilisation, est suffisamment impérieux et noble pour justifier n’importe
quel ouvrage sur ce thème, à ceci près que rien jusqu’à présent ne semble
s’être avéré vraiment performant.
Justement, c’est en partie cette constatation décevante qui nous a amenés,
en tant que praticiens de terrain, à considérer cette question du comporte-
ment « suicidaire » ou mieux de l’expression auto-agressive de la souffrance
psychologique comme une porte d’entrée à une autre forme de prévention
que celle qui prévaut habituellement et qui est centrée sur la prévention du
suicide pathologique.
C’est, nous a-t-il semblé, en amont de la pathologie avérée, dans une
vision plus large, qu’il faut, sans pour autant négliger cette dernière, recher-
cher un éventuel enrichissement du regard clinique et des pratiques de prise
en compte de cette modalité particulière d’expression ou d’appel au secours
que constitue le geste ou l’équivalent de geste suicidaire.
Pourquoi avoir intitulé ce manuel Le geste suicidaire ?
Parce que nous considérons en effet, et l’expérience ne nous a pas dé-
mentis, que pour l’essentiel, le geste auto-agressif le plus apparemment
« bénin » est un signal symptôme aussi important à percevoir que le geste
le plus élaboré. La scarification de l’adolescente dans une problématique
sentimentale, l’overdose aux tranquillisants de la femme bafouée ou battue,
la tentative de pendaison en état d’ivresse, ces événements et bien d’autres,
peuvent sembler rapidement résolutifs, mais pour peu qu’on choisisse de
« lever les coins du tapis », recouvrent des réalités humaines complexes, par-
fois pathologiques, parfois non, mais toujours potentiellement mortifères.
Le « geste » revêt donc la signification d’un message qui s’est passé de mots,
X

mais représente aussi une histoire ou l’étape d’une histoire dramatique (« la
geste » au sens moyen-âgeux du terme).
On distingue habituellement les suicidés (sujets dont le geste a abouti),
les suicidants (dont le geste [suicidaire] n’a pas abouti) et les suicidaires (qui
pensent à la mort auto-infligée mais ne passent pas à l’acte). Les Américains
parlent de « comportements à lésions auto-infligées » pour une nébuleuse
de gestes souvent improprement qualifiés d’« automutilateurs ».
Où classer les recherches d’oubli, les ingestions médicamenteuses volon-
taires pour trouver un sommeil que l’angoisse ou les impasses existentielles
ont amputé ?
Dans nos pratiques, nous avons pu constater, et ce n’est pas contredit par
de nombreux écrits, que les « primo-suicidants » rencontrés aux urgences
d’un CHU ont dans près d’un cas sur deux déjà réalisé un tel geste, et que
celui-ci généralement est passé inaperçu des proches.
Il serait paradoxal, dans un ouvrage sur le comportement suicidaire de
l’adulte, de ne pas s’attarder sur le suicide lui-même, tant il peut nous ap-
prendre sur les circonstances qui y conduisent, qu’elles soient intrinsèques
au sujet ou extrinsèques. Il reste essentiel, dans une optique de prévention,
de considérer à la fois les symptômes précoces des configurations patho-
logiques qui peuvent y conduire, et d’écouter le langage des corps et des
actes qui expriment une détresse qui, à défaut d’être entendue, contribuera
inévitablement à la répétition. La répétition (ou réitération, termes à préfé-
rer à celui, connoté pénalement ou médicalement, de récidive) est un des
facteurs prédictifs les plus fiables de l’issue fatale.

Vincent Caillard, Françoise Chastang


I
Définitions,
épidémiologie
et déterminants
biologiques,
psychologiques et
sociologiques
1 Les diverses facettes des
comportements suicidaires

Définitions
Le suicide reste un événement rare. C’est en tout cas l’aboutissement rare de
conduites suicidaires, beaucoup plus fréquentes, dont il constitue l’extrême
achèvement.
Il est classique d’évoquer une sorte de continuum qui va des idées de
mort et de suicide, au geste contre soi-même, jusqu’à l’issue fatale.
Il reste malaisé de définir précisément chacun de ces termes, tant il peut
y avoir de degrés dans les idées de mort ou de suicide, tout comme des va-
riantes – des degrés aussi – dans le passage à l’acte.
Les classifications internationales actuellement en vigueur, que ce soit la
CIM-10 (Classification internationale des troubles mentaux et des troubles
du comportement) ou la classification américaine DSM-IV-R (Diagnostic and
Statistical Manual of mental disorders IV-revised), ne mentionnent pas le suicide
ou les gestes suicidaires autrement que comme des symptômes ou, dans
le cas de la classification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
dans une énumération de « lésions auto-infligées », incluant « intoxication
ou lésion traumatique volontaire ; suicide (tentative de) ».

Suicide
Le suicide implique qu’il y ait décès et que ce décès ait été provoqué par la
victime. Le décès doit résulter d’un acte volontaire, avec comme intention
consciente le désir de mort. Une telle définition, très restrictive, peut être
prise en défaut sur chacun de ses points.
Le plus important, l’issue fatale, peut survenir en dépit d’un désir de
mort marqué d’une grande ambivalence. Elle peut aussi survenir sans désir
de mort, par sous-estimation de la gravité du geste, le sujet pensant à tort
prendre une substance inoffensive, dans un autre but que la mort.
L’intentionnalité du décès a donné lieu à de nombreux débats. En effet, à
un extrême se situe le décès consécutif à la mise en œuvre d’une recherche
active de mort  ; à l’opposé, des gestes auto-agressifs, plus fréquents, sont
considérés comme des appels à l’aide, des appels au secours, et n’aboutissent
pas souvent parce qu’ils n’avaient que peu de chance d’entraîner une issue
fatale autre qu’accidentelle. Mais lorsque le sujet trouve la mort, comment

Le geste suicidaire
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4 Définitions, épidémiologie et déterminants

qualifier son geste, en l’absence de données solides d’autopsie psychologi-


que permettant de le situer en tant que suicide (se tuer, meurtre de soi)  ?
Pour Cholbi (2007), il est intéressant de considérer les situations de décès ni
intentionnel ni accidentel. Ce ne sont pas des décès intentionnels au sens
propre du terme, puisque la mort n’a été qu’une éventualité mais que le sujet
ne voulait pas vraiment mourir. Pour autant, ce ne sont pas des accidents
puisqu’il y avait tout de même une intention de s’auto-agresser. Il propose
de qualifier ces décès «  flous  » d’autohomicide (involontaire), avec trois
conséquences potentielles : la première est, pour les survivants, un moindre
fardeau de stigmatisation ; la deuxième est, d’un point de vue de santé pu-
blique, d’alerter sur l’importance de ces situations souvent dévalorisées ou
minimisées car la recherche délibérée de mort n’y est pas retrouvée, mais
qui n’en tuent pas moins ; une dernière conséquence serait un changement
d’attitude ou une redéfinition des clauses d’exclusion d’indemnisation par
les compagnies d’assurance.

Tentatives de suicide et « parasuicide »


Le terme « tentative de suicide » est trop vague et souvent impropre du fait
de la difficulté à objectiver un authentique désir de mort. On peut tout de
même retenir la définition suivante pour la tentative de suicide : un acte
non fatal par lequel un individu réalise un geste (mutilation, ingestion de
substances nocives) dans l’espoir de trouver la mort.
Sous le terme «  parasuicide  », que nous retiendrons puisqu’il a fait
l’objet en  1989 d’une vaste étude multicentrique européenne (Platt
et al., 1992), se regroupent des réalités diverses et des dénominations
variées. Le néologisme parasuicide est issu d’un courrier publié dans le
British Journal of Psychiatry par Kreitman et al. en 1969. On parle aussi,
dans les pays anglo-saxons, de DSH (deliberate self harm). Dans le para-
suicide, la motivation ne serait a priori pas la mort, mais soit une forme
d’appel à l’aide, de « cri  » signalant une souffrance psychique que les
mots ne peuvent exprimer ou qui ne trouve pas d’interlocuteur, soit
une façon rudimentaire et primitive de soulager une tension intérieure
inexprimable (c’est souvent le cas des auto-agressions à type d’automu-
tilations ou de scarifications itératives impliquant une forme ou une
autre de douleur physique ou d’effraction cutanée avec provocation de
saignements).
Mais il existe de nombreuses autres atteintes de soi par soi, certaines po-
tentiellement létales, d’autres non. Telles sont les « conduites à risque », ou
les conduites autodestructrices auxquelles on peut être tenté de donner le
sens d’« équivalents suicidaires ».
La notion d’équivalents suicidaires apparaît floue et exagérément exten-
sive, puisqu’elle peut, selon la puissance interprétative du clinicien, faire
Les diverses facettes des comportements suicidaires 5

se côtoyer les conduites à risque, certaines défaillances d’hygiène de vie


(alcool, tabac, obésité ou à l’inverse anorexie), certaines attitudes de négli-
gence délibérée face à la maladie qui peuvent « ressembler » à la probléma-
tique suicidaire, mais à laquelle il manque l’aspect critique, la mise en jeu
consciente de la vie ou l’émission d’un message de détresse par le biais de
l’atteinte du corps.
Les automutilations sont des variantes des comportements auto-
a­ gressifs, théoriquement sans recherche consciente d’issue fatale, mais
affectées toutefois d’une valeur symbolique d’atteinte du corps suscep-
tible notamment d’entraîner par hémorragie un affaiblissement. Sous
le terme d’automutilation se cachent des réalités bien diverses, allant
de l’automutilation proprement dite, c’est-à-dire de l’ablation ou de
la destruction d’un membre ou d’un organe, aux gestes auto-offensifs
vulnérants (Scharbach, 1986) entraînant une conséquence lésionnelle
de par l’intensité du choc ou leur répétition. Ces gestes impliquent le
recours à des objets tranchants ou contondants, ou à la répétition de
cognements de tête, de morsures ou de lésions de grattage entamant le
derme. Les gestes auto-offensifs bénins (onychophagie, grattages super-
ficiels, trichotillomanie) n’entrent pas dans le cadre des «  équivalents
suicidaires ».
Pour Walsh et Rosen (1988), l’automutilation regroupe les blessures
ou défigurations du corps, auto-infligées, intentionnelles, non létales et
sociale­ment inacceptables. Ce dernier point, l’acceptabilité sociale, écarte
a priori les automutilations à caractère socioculturel, comme les scarifica-
tions tribales, les piercings et les tatouages, encore que dans certains cas
d’ostensibilité ou de surenchère poussés à l’extrême, la frontière puisse être
considérée comme floue.
Winchel et Stanley (1991) proposent la définition suivante de l’auto-
mutilation : réalisation d’une atteinte délibérée de soi par soi, sans aide
extérieure, l’atteinte étant suffisamment sévère pour avoir entraîné une
lésion tissulaire. Les auteurs excluent les actes réalisés avec une intention
suicidaire consciente, comme d’ailleurs les actes associés à une recherche
de stimulation sexuelle. Cliniquement, ils évoquent les comportements
d’automutilation des handicapés mentaux, des sujets psychotiques, des
populations carcérales et enfin des sujets souffrant de troubles de la
personnalité, notamment borderline. C’est cette dernière catégorie qui
nous intéresse et, même dans ce cas, le rattachement ou l’exclusion du
comportement auto-agressif ne sont pas si simples que le prévoient les
définitions. Si, cliniquement, les scarifications de l’avant-bras ont peu
de risque d’être létales, la signification d’équivalent suicidaire ou le rat-
tachement au «  parasuicide  » peuvent varier selon, par exemple, que
les lésions sont antérieures ou postérieures, selon l’effraction vasculaire
et selon la profondeur avec éventuellement atteinte motrice. Dans
6 Définitions, épidémiologie et déterminants

c­ ertains cas, le geste automutilateur (scarification, brûlure) sera perpétré


quasi clandestinement, comme une décharge pulsionnelle soulageant
une dysphorie ou une angoisse impossible à verbaliser ; ailleurs le geste
sera visible, porté à la connaissance d’intervenants impliqués dans une
problématique relationnelle conflictuelle ou douloureuse. Acte d’auto-
apaisement souvent répété d’un côté, modalité de communication d’un
autre côté, souvent répété aussi tant que le message émis ne trouve pas
de réponse.
Favazza (1998) distingue les automutilations culturellement admises et
les automutilations pathologiques. Les premières auraient trois objectifs :
communier avec les divinités, conforter les liens sociaux et participer aux
processus de guérison. Il établit un lien entre cette forme de mutilations
rituelles et les automutilations pathologiques en stipulant qu’elles consti-
tuent aussi (à leur façon morbide) une recherche d’autothérapie. Ces auto-
mutilations pathologiques sont divisées en quatre types :
• les automutilations majeures (par exemple énucléations, amputations),
très rares et associées à des états psychotiques, au transsexualisme ou perpé-
trées en état toxique aigu ;
• les automutilations stéréotypées (morsures, se cogner la tête ou les mem-
bres), rencontrées dans l’autisme, les retards mentaux, certaines maladies
génétiques ou dans la maladie de Gilles de la Tourette ;
• les automutilations compulsives (trichotillomanie, onychophagie, grat-
tages), isolées, peuvent s’observer chez les anxieux ou être associées à un
trouble obsessionnel compulsif. Elles ne sont pas affectées, de même que les
formes précédentes, d’une signification d’équivalence suicidaire ;
• la dernière catégorie, celle des automutilations impulsives (coupures, sca-
rifications, brûlures), qu’elles soient uniques ou répétées, témoigne plus
d’une auto-agression qui fait transition entre la recherche de sensation
douloureuse à visée « thérapeutique » (faire baisser la pression, soulager une
tension interne ne trouvant pas issue dans le langage) et ce qui évoluera
souvent ultérieurement en gestes de recherche d’oubli ou équivalent suici-
daire ambivalent. Même si, d’un strict point de vue taxonomique, le com-
portement d’automutilation impulsive ou itérative ne saurait être assimilé
à un comportement suicidaire, il en est si souvent le prélude plus ou moins
lointain qu’il doit conduire à des mesures préventives appropriées (avant
tout écoute, évaluation personnelle et contextuelle).

Comportements autodestructeurs indirects


et conduites à risque
Il s’agit d’actes qui, tout en étant sous le contrôle de la volonté consciente,
mettent en jeu ou augmentent le risque vital, sans toutefois qu’une straté-
gie mentale de suicide puisse être mise en évidence.
Les diverses facettes des comportements suicidaires 7

Ces comportements sont trop nombreux pour pouvoir être énumérés de


façon exhaustive. Citons la pratique de certains sports à haut risque, les
conduites en état de conscience modifiée (ivresse ou autres substances), les
comportements sexuels dangereux (non protégés, l’auto-asphyxie) ou la
pratique de défis de type « roulette russe ».
Les conduites à risque ont été surtout décrites chez l’adolescent et l’adulte
jeune. Il ne s’agit pas ici de prises de risque se situant dans une perspective
initiatique, mais de comportements délibérés susceptibles de mettre
soi-même ou autrui en danger, avec négligence des conséquences possibles
de ces comportements, souvent répétés et susceptibles de donner lieu à
une escalade ou une surenchère. Il existe généralement une dimension
de recherche de sensations fortes, de flirt avec la mort et de provocation de
sensations paroxystiques (défonce).
Les plus fréquentes des conduites à risque des jeunes adultes concernent
la conduite dangereuse, les comportements sexuels à risque, les consomma-
tions extrêmes de substances et les comportements délinquants.
Si l’on se doit d’évoquer ces conduites dans un ouvrage consacré aux
conduites suicidaires, ne serait-ce que pour en définir les limites, il
est important d’indiquer en quoi ces comportements autodestructeurs
indirects diffèrent des conduites suicidaires. Farberow (1980) oppose
bien les deux types de conduite autodestructive, directe et indirecte
(tableau 1-1 p. 9).
Shneidman (1968) a esquissé une typologie des décès non intentionnels
mais résultant néanmoins de comportements ou de négligences délibérés.
Les « joueurs avec la mort » confient au destin l’issue de leur prise de risque
(roulette russe, manipulation rituelle ou non de reptiles venimeux, asphyxie
auto-érotique). Les «  accélérateurs de mort  » réduisent leur espérance de
vie par leur manque d’hygiène et leur non-observance des recommanda-
tions ou prescriptions médicales (grands alcoolo-tabagiques, diabétiques,
obèses hyperphagiques). Les « testeurs de mort » recherchent des états de
conscience poussés au paroxysme par diverses substances dont l’emploi au
long cours aura pu entraîner une tolérance. Ce sont toutes les overdoses
alcooliques ou toxiques. Les «  résignés à mourir  » ont capitulé, générale-
ment de façon inconsciente, et attendent l’issue fatale avec passivité. Le
syndrome de glissement peut en être une variante.

Méthodes de suicide
Le recensement des méthodes d’auto-agression par l’OMS comporte vingt-
quatre codes de lésions auto-infligées inscrits au sein des causes externes de
morbidité et de mortalité (VOI-Y98).
8 Définitions, épidémiologie et déterminants

Lésions auto-infligées (X60-X84)


Inclure : intoxication ou lésion traumatique volontaire ; suicide (tentative de).
  1. X60. Intoxication volontaire par des analgésiques, antipyrétiques ou anti-
rhumatismaux non opiacés et exposition volontaire à ces produits.
  2. X61. Intoxication volontaire par des anti-épileptiques, des sédatifs ou des
hypnotiques, des antiparkinsoniens et d’autres substances psychotropes, non
classées ailleurs, et exposition volontaire à ces produits. Inclure  : antidépres-
seurs, barbituriques, neuroleptiques, psychostimulants.
  3. X62. Intoxication volontaire par des stupéfiants et des psychodysleptiques
(hallucinogènes), non classés ailleurs, et exposition volontaire à ces produits.
Inclure : cannabis (et dérivés), cocaïne, codéine, héroïne, acide lysergique (LSD),
mescaline, méthadone, morphine, opium (et alcaloïdes).
  4. X63.  Intoxication volontaire par d’autres drogues agissant sur le système
nerveux autonome et exposition volontaire à ces produits.
  5. X64.  Intoxication volontaire par des drogues ou substances biologiques
autres et sans précision, et exposition volontaire à ces produits.
  6. X65. Intoxication volontaire par l’alcool et exposition à l’alcool.
  7. X66. Intoxication volontaire par des solvants organiques et des hydrocarbures
halogénés et leurs émanations, et exposition volontaire à ces produits.
  8. X67. Intoxication volontaire par d’autres gaz ou émanations et exposition
volontaire à ces produits.
  9. X68. Intoxication volontaire par des pesticides et exposition volontaire à ces
produits.
10. X69. Intoxication volontaire par des produits chimiques et des substances
nocives, autres et sans précision, et exposition volontaire à ces produits. In-
clure : substances corrosives aromatiques, acides ou bases caustiques.
11. X70. Lésion auto-infligée par pendaison, strangulation et suffocation.
12. X71. Lésion auto-infligée par noyade et submersion.
13. X72. Lésion auto-infligée par décharge d’une arme de poing.
14. X73. Lésion auto-infligée par décharge de fusil, de carabine et d’arme à feu
de plus gros calibre.
15. X74. Lésion auto-infligée par décharge d’arme à feu, autres et sans précision.
16. X75. Lésion auto-infligée par utilisation de matériel explosif.
17. X76. Lésion auto-infligée par exposition au feu et aux flammes.
18. X77. Lésion auto-infligée par exposition à la vapeur, à des gaz et à des ob-
jets brûlants.
19. X78. Lésion auto-infligée par utilisation d’objet tranchant.
20. X79. Lésion auto-infligée par utilisation d’objet contondant.
21. X80. Lésion auto-infligée par saut dans le vide.
22. X81. Lésion auto-infligée en sautant ou en se couchant devant un objet en
mouvement.
x
Les diverses facettes des comportements suicidaires 9

x
23. X82. Lésion auto-infligée par accident d’un véhicule à moteur.
24. X83. Lésion auto-infligée par d’autres moyens précisés. Inclure : par avion,
par électrocution, par substances caustiques (sauf intoxication).
25. X84. Lésion auto-infligée par des moyens non précisés.

Tableau 1-1
Conduite autodestructive directe et indirecte
Dynamique Autodestruction directe Autodestruction indirecte
Sentiments Incapacité, infériorité, mauvaise Ennui, nihilisme, bien-être
estime de soi, désespoir, épuise- Absence de problématique
ment, douleur morale
Motivations Interpersonnelles : provoquer un Puissance et contrôle
changement
Intrapsychique : fuite, suppres- Plaisir, excitation
sion de la douleur
Projection dans l’avenir Faible : rétrécissement du champ Faible : gratifications immé-
de conscience, perte de projec- diates, intolérance au délai
tion dans l’avenir
Prise de risque Orienté vers un but : solution Processuelle : prise de risque
finale, changement Recherche de sensation
Mécanismes de défense Régressifs : immatures, passifs- Déni
agressifs Suppression de l’inconfort
Constrictifs
Réactions sociales Condamnation du meurtre de soi Condamnation des jeux
avec la mort
Contre-transfert : rancœur, culpa- Contre-transfert : colère,
bilité, angoisse, colère ressentiment, frustration
Possible acceptation (maladie Possible acceptation : défi
terminale, sacrifice de soi, suicide avec la mort
altruiste)
Droit d’intervenir et de prévenir Pas d’espace d’intervention
l’issue fatale, assistance à per- ou de sanction sociale
sonne en danger
Source : adapté de Farberow (1980)

Une étude récente (Värnik et al., 2008) a recensé les méthodes de suicide
au sein d’une vaste cohorte d’Européens (seize pays, couvrant 52  % de
la population européenne, 119 122 hommes et 41 338 femmes) décédés
entre  2000 et  2005. Cette étude fait apparaître que la pendaison est la
méthode la plus fréquente, que ce soit chez les hommes (54,3 %) ou chez
les femmes (35,6 %).
10 Définitions, épidémiologie et déterminants

La deuxième cause de mortalité chez l’homme est le recours aux armes


à feu (9,7  %), suivie par les intoxications médicamenteuses volontaires
(8,6 %), puis par les précipitations (7,8 %), les empoisonnements (5,4 %)
et les véhicules en mouvement (4,9  %). Les femmes ont plus recours, en
deuxième intention, à l’intoxication médicamenteuse volontaire (24,7 %),
suivie de la précipitation (14,5  %). Chez elles, la noyade (7,7  %), les vé-
hicules (5,2 %) et les autres formes d’empoisonnement (4,3 %) précèdent
largement les armes à feu, très peu utilisées (1,3 %).
Au sein des nations européennes explorées dans cette étude, on trouve
quelques disparités pour les suicides masculins, les pays du bloc de l’Est
présentant un fort taux de pendaisons associées à des problématiques al-
cooliques plus fréquentes. Les pays de l’Europe du Sud ont une fréquence
plus élevée de précipitations, tandis que l’Europe de l’Ouest est caractérisée
par la fréquence des intoxications médicamenteuses. Les suicides féminins
sont plus uniformément répartis conformément aux moyennes évoquées
plus haut. Ces recherches sur les méthodes de suicide effectives ont leur
importance dans la réflexion sur la prévention en fonction de l’accessibilité
aux moyens létaux.

Clinique du geste suicidaire


Au-delà des méthodes, c’est toute la mise en place du geste de mise en
danger de soi qu’il faut considérer, avec notamment les éléments circons-
tanciels qui permettent de se faire une idée de la prévisibilité du geste et de
son intentionnalité.
Le concept de «  létalité  » du geste suicidaire a fait l’objet de diverses
approches quantifiées. Un exemple en est l’échelle de létalité de Smith,
Conroy et Ehler (1984), en dix points, qui est rigoureusement construite et
validée, chaque degré de létalité étant muni de définitions précises eu égard
aux méthodes possibles (tranchantes, par ingestion ou autres).
L’échelle d’intentionnalité suicidaire de Beck  (1974, 1985, 1997), plu-
sieurs fois réduite et remaniée, est la plus utilisée en routine de recherche en
France. Elle distingue initialement les circonstances objectives de la tenta-
tive de suicide, des propos rapportés par le patient survivant, la composante
« préparation » (neuf items cotés de 0 à 2) et la composante « motivation »
(huit items). La version originale couvre l’idéation suicidaire actuelle (Scale
for Suicide Ideation-Current ou SSI-C), et une version de 1999 couvre l’idéa-
tion suicidaire à son acmé (Scale for Suicide Ideation-Worst ou SSI-W), qui dis-
tingue de part et d’autre du score de 14 (sur 38) les patients psychiatriques
à faible risque et ceux à risque dix fois plus élevé.
Il existe bien d’autres échelles d’évaluation du risque suicidaire (Bech et
Awata, 2009), dont le détail est hors de propos de cet ouvrage, mais dont
une liste non exhaustive peut être trouvée en annexe.
Les diverses facettes des comportements suicidaires 11

Échelle de létalité de Smith, Conroy et Ehler (1984)


Degré 0 : la mort est « impossible » eu égard au comportement « suicidaire ».
Degré  1  : la mort est hautement improbable, ou serait le résultat d’un ac-
cident, d’une complication imprévisible ou d’un concours de circonstances
inhabituel.
Degré 2 : la mort est improbable. Si elle survient, c’est le fait d’effets secondaires
imprévus. L’acte a été réalisé en public ou le sujet a prévenu l’entourage pour
déclencher les secours.
Degré 3,5 : la mort est improbable en fonction des premiers secours. Le geste a
été accompli sans dissimulation.
Degré 5 : c’est « une chance sur deux », que ce soit en conséquence directe ou
indirecte du geste, ou selon le bon sens commun. N’utiliser ce score que si les
détails de l’acte sont flous, et ne rentrent pas dans les degrés 3,5 ou 7.
Degré 7 : le décès est l’issue probable, en l’absence de secours immédiats ou
intensifs. L’une au moins des propositions suivantes est vérifiée : il y a eu com-
munication (directe ou indirecte) ou/et l’acte a été accompli en public avec de
bonnes chances d’être découvert.
Degré 8 : le décès est l’issue logique de l’acte, en l’absence de l’intervention
d’un tiers (anticipable – heure de retour au domicile par exemple). Toutefois, il
n’y a pas eu communication directe, le geste a été réalisé en privé.
Degré 9 : la mort est hautement probable sauf intervention inopinée. Aucune
communication n’a été émise, le sujet a dissimulé son acte et a pris des précau-
tions pour ne pas être découvert.
Degré 10 : mort théoriquement inévitable eu égard aux moyens utilisés, géné-
ralement les plus violents.

Crise suicidaire
La crise suicidaire est l’aboutissement d’un processus suicidaire qui se dé-
roule par étapes. Pour Shneidman (1993), l’un des pères fondateurs de la
suicidologie, les caractéristiques communes des suicidants sont :
  1. la recherche de solution ;
  2. un certain degré d’abolition de la conscience ;
  3. une douleur psychologique (nous dirions morale) insupportable ;
  4. des besoins psychiques non satisfaits ;
  5. des sentiments de désespoir-déréliction ;
  6. l’ambivalence ;
  7. la constriction ;
  8. la régression ;
  9. la communication de l’intention suicidaire ;
10. une longue carrière de perturbation des mécanismes de défense.
12 Définitions, épidémiologie et déterminants

Les trois conditions nécessaires pour que le suicide soit envisagé sont
ainsi définies  : une intense douleur morale, une pression psychologique
intolérable et une pression extrême des circonstances de vie. Shneidman
souligne l’ambivalence inhérente à chaque geste suicidaire, qui se traduit
par une hésitation à la réalisation du geste et la communication, directe ou
indirecte, de l’intention de mourir.
Dans le chapitre 5, « Données psychopatholgiques », une synthèse de ces
éléments sera exposée, et d’autres, dont la conceptualisation du syndrome
présuicidaire par un autre père de la suicidologie, Ringel, seront développés.

Étapes du processus suicidaire


La crise suicidaire peut être modélisée sous la forme d’une succession de
moments clés qui vont de l’apparition des idées de mort puis de suicide, à
l’incorporation de ces idées dans une intention suicidaire de plus en plus
envahissante, jusqu’à l’élaboration de l’acte.
Plusieurs étapes (cinq) ont été décrites par Phaneuf et Séguin (1987).
Ce processus se déroule dans un contexte de « crise », définie comme une
période de désorganisation intense où dominent les émotions et à l’acmé
de laquelle peut se produire un geste suicidaire. La crise est soit liée au déve-
loppement d’une problématique pathologique psychiatrique, soit associée
à des contextes environnementaux ou événementiels particuliers. Il y a en
tout cas rupture d’un équilibre antérieur et tentative pour recouvrer cet état
d’équilibre. C’est alors la recherche de stratégies ou de solutions à une crise, à
un malaise, à une souffrance psychique, « cela va se passer, je l’espère ».
Vient ensuite l’apparition (1) d’idées de mort. L’idée que la fin de tout peut
constituer une solution ou une échappatoire survient d’abord en « flash » :
« si j’avais un accident, cela mettrait un terme à tous mes problèmes », « je
ne m’en remettrai jamais, mieux vaut en finir  ». La pensée de l’auto­
destruction survient sans élaboration secondaire, se répétant ultérieurement
après un intervalle libre variable, rythmé souvent par le contexte de ten-
sion psychique et les manifestations anxieuses et émotionnelles qui l’ac-
compagnent. Ce type d’idées, d’abord passagères, est assez banal, comme
en témoignent les données de l’étude américaine de comorbidité (Kessler
et al., 1999), qui les évalue à 13,5 % sur un échantillon de 5 877 sujets de
15 à 54 ans.
Le développement des idées suicidaires (2) se poursuit par augmentation
de la fréquence et de la durée de ces pensées, au fur et à mesure que les
solutions explorées s’avèrent inopérantes, et que le malaise persiste avec
augmentation de l’anxiété et de la dysphorie. L’idée de suicide réapparaît
comme une solution possible, plus fréquente et plus durable.
Les diverses facettes des comportements suicidaires 13

S’installe ensuite la phase de rumination suicidaire (3), au cours de laquelle, dans


un contexte de grande tension psychique et de souffrance morale, s’élaborent
progressivement des scénarios suicidaires de plus en plus précis. Parfois, cette
phase de rumination est court-circuitée par un raptus mal préparé, à la faveur
d’une acmé anxieuse ou d’un événement intercurrent (la « goutte d’eau »).
Dans la phase de cristallisation (4) peuvent coexister la planification d’un
scénario, le sujet ayant arrêté son choix sur cette «  solution  » à tous ses
tourments, et une période de soulagement, d’apaisement, avec une appa-
rence de calme et de sérénité trompeuse. Au cours de cette phase, le sujet
peut accomplir des actions de « mise en ordre » de ses affaires, de dons à des
personnes aimées, de rédaction inhabituelle de courriers ou d’élaboration
de dispositions testamentaires.
La dernière étape est celle du passage à l’acte suicidaire (5) (tentative de suicide),
la personne mettant en application son plan suicidaire de façon élaborée, ou
parfois plus immédiate à la faveur de nouvelles interactions anxiogènes.
Ces étapes, résumées ici schématiquement, ne se déroulent pas toujours de
façon linéaire, et chacune des phases a une durée variable selon les individus,
les particularités de leur fonctionnement psychique de base, leurs interactions
contextuelles, les caractéristiques de l’éventuelle pathologie psychiatrique qui
les atteint et qui sous-tend et colore différemment l’allure de leur processus
suicidaire propre. Il peut y avoir des interruptions du processus ou des retours
à une étape de moindre dangerosité, et à chaque stade le processus peut être
interrompu par des interventions adéquates. Les données de l’étude de comor-
bidité citée plus haut (Kessler, 1999) indiquent que 3,9  % des sujets avaient
rapporté l’élaboration d’un plan suicidaire (rumination/cristallisation) et que
4,6 % étaient parvenus au stade de la tentative. Les probabilités de passage de
l’idéation au plan étaient de 34 %, et de 72 % pour le passage du plan à l’acte.
Mais on trouvait aussi 26 % de sauts de l’idéation à la réalisation, sans passage
par l’étape de planification. Et si 60 % des tentatives planifiées se déroulaient
dans l’année qui suivait le flash, c’était le cas pour 90 % des tentatives non
planifiées.

Le suicide, symptôme ou comportement ?


Le suicide n’est pas une maladie et le comportement suicidaire doit être
considéré comme un comportement complexe, multidéterminé, au
confluent de deux problématiques, l’une susceptible d’être qualifiée de
­pathologique – et le comportement suicidaire mérite alors d’être considéré
comme un symptôme –, l’autre se situant plus dans le registre contextuel et
psychosocial, le comportement ayant alors la valeur d’un signe, d’un signal
ou d’un langage.
14 Définitions, épidémiologie et déterminants

Suicide et pathologie psychiatrique


Nous l’avons dit, le comportement suicidaire et le suicide ne sont intégrés
en tant que maladie dans aucune des principales classifications psychiatri-
ques actuelles (celle, mondiale, fondée sur une approche physiopathologi-
que et nosographique, le CIM-10 ; celle, américaine, supposée empirique,
fondée sur les troubles, athéorique et multi-axiale : le DSM-IV). Les idées,
gestes ou accomplissements suicidaires sont bien alors considérés comme
des symptômes, voire des « items » diagnostiques. Mais, à propos d’aucune
des pathologies évoquées, l’omission de l’item suicide n’est de nature à
poser une difficulté particulière à l’établissement du diagnostic. C’est dire
combien la problématique suicidaire est peu spécifique, tout en constituant
un signe banal de souffrance psychique (à l’instar de la fièvre ou de la dou-
leur en ce qui concerne le corps) et un signal singulier de danger pour la
personne qui peut finalement y succomber.
On estime que 1,5 à 2 % de la mortalité générale est due au suicide. Pour
Tanney (2000), après compilation d’une vingtaine d’études prospectives
réalisées auprès de populations cliniques, ambulatoires, hospitalières ou
mixtes, la mortalité suicidaire est multipliée par un facteur de cinq à dix en
cas de pathologie psychiatrique.
Les évaluations rétrospectives sont toujours partiellement critiquables,
y compris les autopsies psychologiques de suicidés. La fréquence globale
de pathologies psychiatriques retrouvées par autopsie psychologique (seize
études) est résumée dans le tableau 1-2.
Des études plus récentes ont eu recours à la méthodologie cas-témoins,
et les travaux ainsi que les revues générales sur le sujet publiés entre 1992
et 1997 ont été résumés par Bourgeois (2000). Les résultats ne sont guère
différents de ceux des premières études publiées. Les auteurs soulignent
l’importance des phénomènes de comorbidité, avec notamment la létalité

Tableau 1-2
Fréquence globale de pathologies psychiatriques parmi les suicidés,
retrouvées par autopsie psychologique
Diagnostic Pourcentage médian Extrêmes (%)
Troubles thymiques 61 39-89
Abus de substance 41 19-63
Troubles anxieux 10 3-27
Troubles schizophréniques 6 0-15,6
Troubles de la personnalité 42 29-57
Source : adapté de Tanney (2000)
Les diverses facettes des comportements suicidaires 15

de l’association troubles de l’humeur/troubles de la personnalité, ainsi que


troubles de l’humeur/abus de substance.

Le geste suicidaire en tant que langage


Les tentatives de suicide sont beaucoup plus fréquentes que les suicides
aboutis (d’un facteur vingt), et également beaucoup plus difficiles à étu-
dier dans leurs rapports avec la pathologie psychiatrique. Si d’un côté les
suicidés ont fait la preuve de l’existence d’une pathologie psychiatrique
sous-jacente, la fréquence de telles pathologies serait moindre chez les
suicidants. Encore y a-t-il débat à ce sujet, notamment entre Européens
et Anglo-Saxons. Les sujets de discussion sont avant tout méthodologi-
ques. Vieta et al. (1992) en Espagne, dans leur évaluation rétrospective
de 257  tentatives de suicide suffisamment sérieuses pour nécessiter une
hospitalisation, diagnostiquent un trouble de l’humeur chez 96 sujets, soit
à peu près deux fois moins souvent que dans les autopsies psychologiques.
Beautrais et al. (1996) en Nouvelle-Zélande, dans une étude cas-témoins
sélectionnant des patients ayant fait des tentatives de suicide sérieuses,
trouvent un trouble de l’humeur récent dans 77 % des cas, et au moins un
trouble selon le DSM-III-R dans 90 % des cas. De même, Dyck et al. (1988),
dans une étude réalisée aux États-Unis, diagnostiquent une pathologie
psychiatrique selon le DSM chez 91 % des sujets examinés après un para-
suicide, alors que dans l’étude européenne sur le parasuicide, Schmidtke
et al. (1996) ne retrouvent de trouble (selon la CIM-9 cette fois) que chez un
patient sur trois. Si l’on admet une divergence entre les études, les causes
en sont complexes, et l’on peut citer les procédures diagnostiques (CIM et
DSM n’ont pas les mêmes modalités diagnostiques), les biais de recrute-
ment et les biais de systèmes de santé. Ainsi, pour Tanney (2000), dans de
nombreux cas, un sujet qui sera examiné dans une antenne de psychiatrie
au décours d’un parasuicide a de grandes chances de recevoir un diagnostic
psychiatrique au moment de sa sortie, à la fois pour des raisons de gestion
statistique des bases de données cliniques et parfois pour des raisons éco-
nomiques, liées aux systèmes de remboursement de soins. Une éventuelle
surestimation des diagnostics « lourds » au détriment des diagnostics « lé-
gers » de troubles réactionnels ou de troubles de l’adaptation ne peut donc
être exclue. Notre propre expérience de plusieurs milliers de tentatives de
suicide (définies comme la recherche consciente de mort) et de parasuici-
des hospitalisés à l’unité de suicidologie du CHU de Caen irait dans ce sens,
deux cas sur trois présentant des troubles de l’adaptation ou des compor-
tements réactionnels. Pour ces sujets, dont certains ont fait des tentatives
de suicide sérieuses, le geste suicidaire a un sens sans être surdéterminé par
une pathologie psychiatrique. C’est à ce niveau que se pose la question de
16 Définitions, épidémiologie et déterminants

la valeur d’appel, de langage agi, du parasuicide, par opposition à sa valeur


de symptôme dans les pathologies avérées.
Mais le suivi prospectif de ces apparents « troubles de l’adaptation » ou
« réactions dépressives » marqués par une problématique suicidaire suggère
bien souvent qu’il pouvait constituer le symptôme inaugural ou prodromi-
que d’une évolution psychopathologique se révélant plus durable et plus
complexe.
2 Épidémiologie descriptive
des comportements
suicidaires

Décès par suicide


Les chiffres du suicide en France
Les dernières données disponibles de l’INSERM font état pour  2007 de
10 112 décès par suicide, soit un taux brut de 16,6/100 000 habitants. Ont
été comptabilisés 7 418 suicides chez les hommes et 2 704 suicides chez les
femmes, soit respectivement un taux de 25/100 000 et de 8,6/100 000 et un
rapport des sexes hommes/femmes de 3.
Il est généralement admis que le nombre de suicides déclarés chaque an-
née est l’objet d’une sous-estimation d’environ 20  %, ce qui porterait le
nombre annuel de suicides en France à environ 13 000, soit un taux de plus
de 21/100 000.

Le suicide représente 2 % de la mortalité générale


et 8 % du total des années perdues
Le suicide représente depuis 25 ans, de façon stable, 2 % de l’ensemble des
décès, 1 % chez les femmes et près de 3 % chez les hommes.
Chez les moins de 65 ans, 7,2 % des décès sont des suicides. Ce chiffre est
en augmentation régulière depuis 1979, passant chez les hommes de 5,5 à
7,7 % en 2005, et chez les femmes de 4,6 à 6,1 %.
Cependant, la part du suicide dans la mortalité est plus importante chez
les 15-44 ans, et plus particulièrement chez les 25-34 ans, où elle est maxi-
male quel que soit le sexe, représentant 23 % des décès chez les hommes
et 16  % chez les femmes. Le suicide est donc dans cette tranche d’âge la
deuxième cause de mortalité chez les hommes et la troisième chez les
femmes. En d’autres termes, un décès sur huit est un suicide chez les hommes
de 15 à 24 ans, et un décès sur cinq est un suicide chez les hommes de 25 à
34 ans, alors que la part du suicide dans la mortalité diminue considérable-
ment dès 45 ans (Mouquet, 2006).
Pour l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économi-
ques), le nombre d’années de vie perdues à cause du suicide en France en 2001
est de 335/100 000, 511/100 000 pour les hommes et 160/100 000 pour les

Le geste suicidaire
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18 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

femmes, soit 8 % du total des années perdues. Pour situer ce chiffre, les tumeurs
malignes représentent 26 % des années de vie perdues (Mouquet, 2006).
Le suicide concerne essentiellement l’adulte jeune et l’homme de plus de
85 ans. La classe la plus touchée est celle des 35-54 ans. Les suicides mascu-
lins représentent près de 80 % de l’ensemble des suicides chez les 15-34 ans,
alors que les suicides féminins constituent près du tiers des suicides de la clas-
se des 55-64 ans. Le taux de mortalité par suicide est de 25/100 000 chez les
hommes et de 8,6/100 000 chez les femmes. Les hommes se suicident trois fois
plus que les femmes, et cette surmortalité masculine demeure constante
quelles que soient les tranches d’âge. Ce sont cependant les hommes âgés qui
se suicident le plus, environ cinq à six fois plus que les femmes du même âge.
Le suicide croît lentement avec l’âge chez les femmes. Il est caractérisé
chez les hommes par une courbe bimodale, avec une première augmenta-
tion entre 15 et 34 ans, suivie d’une relative stabilisation entre 35 et 54 ans,
et une diminution modérée jusqu’à 64 ans, puis une augmentation impor-
tante dans les grands âges de la vie. Le taux de suicide est donc dix fois plus
élevé après 84 ans qu’entre 15 et 34 ans.
Les suicides sont donc en nombre absolu plus fréquents chez les personnes
âgées, mais constituent l’une des principales causes de surmortalité relative
chez les jeunes. Ils sont plus élevés chez les hommes seuls veufs ou célibatai-
res, et moins élevés chez les femmes mariées de moins de 65 ans.

Données évolutives
L’évolution du suicide en France sur les quarante dernières années met en
évidence une incidence relativement stable du phénomène jusqu’en 1975,
puis une importante augmentation, de l’ordre de plus 40 % de 1975 à 1985,
atteignant en 1995 le taux de 22,6/100 000. Cette évolution a également été
constatée dans tous les pays européens.
Après avoir connu une stabilisation de  1985 à  1990, le taux de suicide
étant en 1990 deux fois plus élevé chez les 15-24 ans qu’en 1960, une dimi-
nution lente mais progressive est notée depuis 1995, avec à partir de 1998
un taux plus bas (18/100 000) qu’en 1979 (18,7/100 000). Cette décroissance
est constatée tant chez les hommes que chez les femmes, les taux masculins
étant redevenus inférieurs à 30/100  000 depuis  1996, et celui des femmes
inférieur à 10/100 000 depuis 1998. Le taux brut de suicide tous âges confon-
dus a donc diminué d’environ 2 % par an, avec une décroissance plus rapide
chez les plus jeunes, de 5,5 % pour les 15-24 ans et de 4,7 % chez les 75-
84 ans. Cette diminution lente et progressive du nombre de suicide perdure
de 2000 à 2007 dans toutes les tranches d’âge (en 2007, 6,5/100 000 chez les
15-24 ans, 13/100 000 chez les 25-34 ans, 22,9/100 000 chez les 35-44 ans),
sauf chez les 45-64 ans (26,9/100 000 chez les 45-54 ans, 22,9/100 000 chez
les 55-64 ans) qui conservent, ainsi que les personnes âgées, des taux élevés.
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 19

Variations géographiques en France


La décroissance du taux de suicide concerne l’ensemble des régions.
Douze régions de France ont un taux de suicide supérieur d’au moins 15 %
au taux national : ce sont principalement les régions du quart nord-ouest,
du nord et du centre de la France. Quatre régions (Bretagne, Basse-Nor-
mandie, Limousin et Nord-Pas-de-Calais) ont sur la période 2000-2002 un
taux supérieur d’au moins 25 % à la moyenne nationale, alors que d’autres
régions (Midi-Pyrénées, Alsace, Île-de-France) ont des taux nettement infé-
rieurs (Mouquet, 2006). Ces mêmes régions conservent dans le temps des
taux élevés, avec en 2007 un taux de 28,8/100 000 en Bretagne, 24/100 000
en Basse-Normandie et 22,2/100 000 en Limousin.
Ces trois régions, plutôt rurales, traditionnelles, avec un profond attache-
ment aux racines, sont également marquées par la religion, les croyances
et les superstitions. Relativement pauvres par rapport aux régions ayant les
taux de suicide les plus bas, elles demeurent relativement plus enclavées,
avec moins de grands axes de communications rapides. Certains départe-
ments (Manche, Finistère, Côtes-d’Armor) ont un plus fort taux de suicide.

Méthodes utilisées
Utilisé dans la moitié des cas dans les années 1960, puis de façon moindre
au profit des armes à feu dans les années 1980-1990, le mode de suicide le
plus fréquent demeure la pendaison, employée dans 45 % des suicides. Les
autres méthodes sont les armes à feu dans 16 % des cas, les intoxications
dans 15 % des cas, la noyade dans 8 % des cas et la précipitation dans le vide
dans 6 % des cas (Batt et al., 2005 ; Mouquet, 2006). Comme le montre le
tableau 2-1, les chiffres français sont assez proches des données européennes

Tableau 2-1
Moyens autolytiques utilisés en France et en Europe
Année Sexe Pendaison Armes Intoxication Noyade Précipita- Autres
(%) (%) volontaire* (%) tion (dont
(%) (%) véhicule)
(%)
France Hommes 40,4 30 11,4 5,3 4,5 8
2002
Femmes 27,7 7,3 24,8 16,9 11,6 12
Europe Hommes 54,3 9,7 8,6 7,8 19,6
2008 (4,9)
Femmes 35,6 1,3 24,6 7,7 14,5 16,3
(5,2)
Source : adapté de Batt (2005), Mouquet (2006) et Värnik (2008)
20 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

provenant d’une vaste cohorte constituée de 119  122 hommes et 41 338


femmes décédés par suicide entre 2000 et 2005 (Värnik et al., 2008).
En France, 40 % des suicides chez les hommes sont réalisés par pendaison
et 30 % par arme à feu. Les femmes ont un mode de suicide plus diversifié.
La pendaison et l’intoxication volontaire représentent chacune un quart de
leurs suicides. Elles utilisent trois fois plus souvent la noyade et la précipita-
tion dans le vide que les hommes.
D’une façon générale, en France comme dans les autres pays européens,
la pendaison puis la précipitation dans le vide sont les méthodes les plus
employées par les jeunes, avec l’utilisation des armes à feu chez les garçons
et l’intoxication chez les jeunes filles (Värnik, 2009).
Les méthodes varient en fonction des régions, la pendaison étant plus
fréquente dans le nord-ouest de la France (Bretagne et Basse-Normandie),
les armes à feu dans le sud-ouest, et les médicaments en Île-de-France et
dans le sud-est.

Variations internationales du taux de suicide


En Europe
Les principaux pays européens peuvent être classés en quatre groupes
en fonction des évolutions comparées de leurs taux de suicide (Diekstra,
1993) :
• le premier groupe comprend les pays du sud de l’Europe, au taux de sui-
cide bas ;
• le deuxième groupe est constitué par les pays du nord-ouest de l’Europe,
à savoir le Royaume-Uni et les Pays-Bas ;
• le troisième, au taux de suicide relativement élevé, regroupe les pays
d’Europe centrale, c’est-à-dire la Belgique, la France, la Suisse, l’Autriche et
la Hongrie ;
• le taux de suicide le plus élevé est retrouvé dans le dernier groupe consti-
tué par les pays de nord de l’Europe (Danemark, Finlande, Suède).
Le risque suicidaire augmente avec l’âge. Dans la plupart des pays euro-
péens, le suicide représente la neuvième ou la dixième cause de décès tous
groupes d’âge confondus, et environ 1  % des décès féminins et 2  % des
décès masculins.
Le tableau 2-I sur les méthodes autolytiques montre des disparités entre
les moyens utilisés en France et en Europe. Si les méthodes utilisées par les
femmes sont relativement homogènes en dehors de la noyade et des armes
à feu plus fréquentes en France, les moyens sont plus disparates chez les
hommes, avec un fort taux de pendaison associé à l’alcool dans les pays
de l’Est, plus de précipitations dans les pays du Sud et plus d’intoxications
médicamenteuses en Europe de l’Ouest.
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 21

Dans le monde
Les tendances internationales sont homogènes avec une diminution des
suicides chez les jeunes hommes de 15-24 ans sur l’ensemble des pays euro-
péens depuis 2000 (Värnik et al., 2009). Dans le groupe des 15-34 ans, la
proportion des décès attribuables au suicide est de quinze à vingt fois celle
notée pour la classe d’âge des 65-74 ans. Chez les 15-34 ans, le suicide re-
présente donc approximativement un décès sur huit chez les femmes et un
décès sur six chez les hommes. Dans certains pays comme le Japon et le
Danemark, le suicide dans cette même classe d’âge est devenu la première
cause de mortalité, en étant responsable de 25 % des décès féminins et de
30 % des décès masculins.
À partir du tableau 2-2 portant sur les comparaisons internationales, cer-
taines particularités méritent d’être notées. Les pays de l’ex-Union Soviéti-
que ont un taux de suicide particulièrement élevé chez les hommes, avec un
rapport hommes/femmes supérieur à 5, alors que certains pays asiatiques
comme l’Inde et plus particulièrement la Chine ont des taux de suicide très
proches dans les deux sexes.
• Après une chute spectaculaire des suicides dans les deux sexes grâce à
une sévère prohibition de l’alcool dans les années  1985-1990, correspon-
dant à la période de perestroïka, le suicide a connu une remontée spectacu-
laire avec la désintégration de l’Union soviétique en 1991, excepté dans les
pays à taux de suicide traditionnellement faible comme les pays du Caucase
ou les pays d’Asie centrale où domine l’islam. Sont apparus des change-
ments radicaux de société, avec une population passant brutalement d’une
certaine passivité sous un joug dictatorial à une nouvelle politique socio-
économique et des attentes peu réalistes. Les conséquences négatives ont
été nombreuses, comme l’instabilité économique, le chômage, l’augmenta-
tion de la criminalité, la persistance de la pseudo-information – vestige de
l’ex-Union Soviétique –, et un différentiel majeur entre les extrêmes de la
société, les uns devenant très riches, les autres très pauvres, le tout dans un
climat de désorganisation sociale générale (Värnik et al., 2005, 2009).
• En Chine, le suicide est en hausse importante depuis les années 1990 et
touche plus particulièrement les zones rurales où les suicides des femmes
sont particulièrement élevés, de l’ordre de 30/100  000. Cela confère à ce
pays une place particulière dans le paysage de la suicidologie internationale.
La répartition géographique actuelle, prédominant dans les zones rurales, et
l’essor économique extraordinaire des dernières années tendent à confirmer
les hypothèses durkheimiennes. La Chine est le seul pays au monde où
les femmes se suicident autant que les hommes. Les suicides se produisent
dans 84 % des cas en milieu rural, et les moyens utilisés sont dans 62 %
des cas les produits agricoles (pesticides et raticides), et dans 20 % des cas
la pendaison (Phillips et al., 1999, 2002 ; Zhao et al., 1994 ; Cheng et Lee,
22 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

Tableau 2-2
Taux de suicide dans le monde : 15/100 000, un toutes les 40 secondes
(données OMS, 2002)
Hommes Femmes Sex-ratio hommes/
femmes
Europe de Sud
Grèce   5,2 11,2 4,3
Italie 11,4   3,1 3,8
Portugal 17,5   4,9 3,6
Espagne 12,6   3,9 3,2
Europe de l’Ouest
Autriche 26,1   8,1 3,2
Belgique 32,2 11,4 2,7
France 27,5   9,1 3,0
Allemagne 19,7   6,6 3,0
Pays-Bas 12,7   6,0 2,1
Suisse 23,7 11,3 2,1
Grande-Bretagne 10,8   3,3 3,3
Pays scandinaves
Danemark 19,2   8,1 2,4
Finlande 31,7   9,4 3,4
Norvège 15,8   7,3 2,2
Suède 19,5   7,1 2,7
Nouveau Monde
Australie 17,1   4,7 3,6
Canada 18,3   5,0 3,7
Nouvelle-Zélande 19,8   4,2 4,7
États-Unis 17,9   4,2 4,3
Asie
Japon 35,6   12,8 2,8
Chine 13   14,8 0,9
Inde 12,2   9,1 1,34
Pays de l’Est
Russie 61,6 10,7 5,7
Lituanie 70,1 14,0 5,0
Ukraine 43   7,3 5,9
Source : adapté de Bertelote et Wasserman (2009)
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 23

2000 ; Qin et Mortensen, 2001 ; Zang et al., 2004 ; Yip et al., 2008 ; Jiang et
Cheng, 2009).
• L’Inde a connu un envol des suicides parallèlement à l’essor économique
industriel, avec une augmentation de 64 %, entre 1982 et 2002. Il semble-
rait que le nombre réel de suicides effectifs soit de six à neuf fois plus élevé
que les statistiques nationales, ce qui conduirait, si cela s’avérait exact, au
nombre de 500 000 suicides par an. Les moins de 30 ans commettent 38 %
des suicides, et les moins de 44 ans en réalisent 71 %, ce qui constitue un
poids économique et social très lourd pour ce pays émergent en pleine ex-
pansion. En deçà de 30 ans, les femmes ont plus de facteurs de risque liés
à leur statut et, au-delà de 30 ans, ce risque suicidaire diminue, leur statut
familial étant différent, avec famille et enfants. Le nombre de suicides varie
en fonction des régions, les états du Sud ayant un taux de suicide inférieur
à 3/100 000, et les états du Nord un taux de suicide supérieur à 15/100 000.
Les possibles explications d’un taux de suicide plus élevé au Nord sont un
meilleur niveau d’instruction, un meilleur accès aux informations, un ni-
veau socio-économique plus élevé assorti d’aspirations sociales supérieures.
En touchant plus volontiers les catégories les plus éduquées du pays, le sui-
cide réalise en Inde un tableau assez identique à celui décrit pour la France
du xixe siècle par Durkheim, pour lequel les personnes, en s’éduquant, ac-
quièrent une part plus importante d’autonomie les rendant d’autant plus
vulnérables aux transformations brutales de la société.
Ces résultats montrent que la prévalence des suicides varie selon les pays,
et que ces variations sont fonction de nombreux paramètres, tant religieux,
culturels, sociaux, que climatiques.

Apport des autopsies psychologiques


à la compréhension du suicide
Autopsies psychologiques
La méthode d’autopsie psychologique est considérée depuis les années 1960
comme un outil de choix dans l’approche des caractéristiques mentales et
psychosociales des victimes de suicide (Hawton, 1998 ; Isometsä, 2001 ; Batt
et al., 2005). Cette méthode rétrospective a pour objectif de comprendre,
grâce à un recueil d’informations autour de plusieurs personnes, les circons-
tances et l’état d’esprit de la victime. Elle est fondée sur une reconstruction
a posteriori du style de vie, des comportements, des événements vécus par la
personne, ainsi que des soins reçus (tableau 2-3).
Le recueil d’informations légales initiales peut varier d’un pays à l’autre
en fonction des interlocuteurs. C’est ainsi que le coroner est une personne
centrale dans ce type de démarche et de recherche dans les pays anglo-
saxons.
24 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

Tableau 2-3
Autopsies psychologiques
Objectifs primaires de l’autopsie Informations recueillies
psychologique
Identifier et expliquer les raisons du suicide Détails de la mort
Évaluer les facteurs de risque suicidaire Antécédents familiaux
Accumuler des données pour mieux com- Trajet de vie
prendre le comportement suicidaire d’une Enfance, adolescence, éducation
façon générale, dans une démarche de
prévention
Impliquer un tiers dans le processus suici- Vie actuelle
daire Relations avec le partenaire, la famille, les
amis
Support social, isolement
Style de vie et situation maritale
Problèmes éventuels avec la justice
Situation et conditions professionnelles
Disposer d’un outil de recherche pour aider Santé physique
à la compréhension et à la prévention du
suicide
Disposer d’un outil thérapeutique permet- Santé mentale
tant d’aider les survivants d’un suicide Dernière visite chez le médecin traitant
Antécédents de suivi psychiatrique ambula-
toire ou hospitalier
Contact avec un psychiatre
Historique d’un traitement psychiatrique
Dernier rendez-vous psychiatrique
Durée du suivi
Antécédents de tentatives de suicide et/ou
automutilations
Troubles de personnalité et facteurs associés
Comportement religieux
Événements de vie
Contact avec un professionnel de soin avant
le décès
Réactions des proches face au décès

Les proches du suicidé sont contactés et rencontrés trois mois à un an


après le décès, généralement à leur domicile. Ces entretiens de quelques
heures sont menés par des professionnels de la santé mentale formés spéci-
fiquement, et sont conduits de façon standardisée en utilisant des échelles
d’évaluation. L’entretien est mené sans prise de notes, avec enregistrement
si les personnes l’autorisent, dans une atmosphère empathique respectant
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 25

la mémoire du disparu, ménageant des pauses si nécessaire et en s’achevant


sur une note positive. Le médecin traitant et les services de soins psychiatri-
ques ambulatoires et hospitaliers concernés sont également contactés.
Cette méthode de recherche a été jusqu’alors essentiellement utilisée
dans les pays scandinaves et anglo-saxons. Bien que ces enquêtes susci-
tent nombre d’émotions (détresse, colère, culpabilité) chez les endeuillés,
ceux-ci rapportent néanmoins que cette approche a été pour eux l’occasion
d’aborder en détail le décès. Une équipe de professionnels doit cependant
être disponible pour prendre rapidement en charge ces personnes si elles le
nécessitent.

La place centrale du trouble psychique


Un trouble psychique est retrouvé dans 81 à 100 % des décès par suicide
(Isometsä, 2001). Ce sont essentiellement des troubles de l’humeur (30  à
90 %), des troubles bipolaires (0 à 23 %), des troubles schizophréniques (2 à
12 %), et des abus et dépendance à l’alcool (15 à 56 %). Les troubles de per-
sonnalité ne sont pas toujours recherchés dans les études (0 à 57 %).
Dans une méta-analyse récente, Cavanagh et al. (2003) montrent que
91 % (81 à 98 %) des décès par suicide sont associés à un trouble mental et
qu’une comorbidité trouble mental/abus de substance est retrouvée dans
38 % des cas (19 à 57 %). La fraction de la mortalité attribuable à un trouble
mental varie de 47 à 74 %, la part attribuable liée à un trouble affectif de
21 à 57 %, et la comorbidité entre un trouble mental et l’abus de substances
toxiques de 23 à 46 %.
Dans une méta-analyse regroupant vingt-sept études sélectionnées sur
des critères stricts et permettant d’analyser 3  275  décès par suicide, Arse-
nault-Lapierre et al. (2004), tout en soulignant que seule une étude sur deux
s’était intéressée aux troubles de personnalité, retrouvent au moins un trou-
ble psychique associé au suicide dans 87,3 % des cas, 14 % étant sans dia-
gnostic psychiatrique. Dominent les troubles de l’humeur (43,2 %), les abus
de substance et notamment l’alcool (25,7 %), les troubles de personnalité
(16,2 %) et les troubles psychotiques (9,2 %). Des différences notables entre
les sexes sont mentionnées, avec plus d’abus de substances chez les hom-
mes (41,8 %) que chez les femmes (24 %), et plus de troubles de l’humeur
chez les femmes (59,4 %) que chez les hommes (47,4 %). La comorbidité
entre un trouble de l’axe  I et un trouble de personnalité (axe  II) est fré-
quente, puisqu’il existe en moyenne 2,36 diagnostics pour chaque cas. Cet-
te comorbidité, et plus particulièrement la dimension agressive-impulsive
chez l’homme, majore le risque suicidaire. Le risque de suicide lié spécifi-
quement à chaque trouble, dont l’estimation moyenne est donnée dans
le tableau  2-4, est variable en fonction des études (Appleby et al., 1999  ;
Cheng et al., 2000 ; Cerel et al., 2000).
26 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

Tableau 2-4
Risque suicidaire (risques relatifs) lié aux pathologies psychiatriques
Prévalence Odds-ratio
(%) (intervalle de confiance)
Trouble psychique 87,3 10,50 (9,60-13,56)
Conduites addictives 25,7 3,51 (3,09-4,50)
Alcool 2,53 (2,08-3,30)
Autres produits 3,72 (2,37-8,06)
Trouble de l’humeur 43,2 6 (5,37-7,81)
Trouble dépressif 6,23 (5,37-8,12)
Trouble bipolaire 3,03 (1,49-9,87)
Trouble psychotique   9,2 6,62 (3,94-11,87)
Schizophrénie 5,56 (3,12-10,24)
Troubles de personnalité 16,2 4,47 (3,53-6,38)
Troubles de l’adaptation 1,33 (0,72-2,38)
Troubles anxieux 2,43 (1,71-3,58)
Troubles de l’enfance 2,37 (1,51-3,78)
Troubles organiques 0,32 (0,17-0,57)
Source : adapté d’Arsenault-Lapierre et al. (2004)

Par ailleurs, si la fréquence globale des troubles psychiques est similaire


sur les différents continents, la part de chaque grand groupe de troubles peut
varier, avec prédominance des troubles de l’humeur en Europe (48,5 %) et
en Asie (51,3  %), des abus de substance en Amérique du Nord (40,1  %),
et des troubles psychotiques (24,3 %) en Australie, ce qui tend à montrer
l’importance des facteurs socioculturels.

Modélisation du parcours suicidaire : trajectoire de vie et poids


de l’adversité
Séguin et al. (2007) proposent une approche originale de l’autopsie psycho-
logique en considérant non pas l’analyse traditionnelle qui ne s’intéresse
qu’au point final de la trajectoire de la personne, mais à la trajectoire de
vie et à l’effet cumulatif des différents facteurs. Cette nouvelle approche
nécessite une méthodologie précise menée par des interviewers formés spé-
cifiquement à des rencontres plus longues des endeuillés et s’intéressant
aux faits et aux anecdotes par le biais des témoignages ou des écrits.
Sont ainsi décrites deux trajectoires de vie :
• la première, qui concerne 40  % des suicidés, est le parcours des per-
sonnes ayant connu précocement l’adversité, par le biais d’événements
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 27

douloureux, principalement des violences physiques et sexuelles, et chez


lesquelles le processus d’attachement est mis à mal. Ces sujets souffrent
principalement de troubles de la personnalité et de conduites addictives,
et réitèrent les gestes suicidaires. Les cinq dernières années de leur vie sont
marquées par une accumulation de problèmes personnels, avec les enfants
ou au travers du décès de personnes proches. C’est une accumulation d’évé-
nements délétères dont le poids se majore tout au long de la vie ;
• la seconde trajectoire est celle de 60 % des personnes suicidées, dont la
vie débute sans trop de difficultés, mais chez lesquelles les événements de
vie douloureux se multiplient plus tardivement, dans les cinq ans précédant
le geste. Ces personnes souffrent principalement de troubles sur l’axe I, et
plus spécifiquement de troubles thymiques.
Une telle approche a de réelles retombées dans le domaine de la préven-
tion du suicide, dégageant ainsi deux axes d’intervention en fonction des
trajectoires de vie des individus en souffrance.

Tentatives de suicide
Incertitude du recensement des tentatives de suicide
Contrairement à ce qui existe pour le suicide, il n’y a pas de statistiques
officielles concernant les tentatives de suicide. Sont seulement disponibles
les résultats d’études ponctuelles, le plus souvent réalisées à partir d’échan-
tillons hospitaliers, et qui, par conséquent, sont difficilement généralisables
ou extrapolables à la population générale.
En effet, ces enquêtes ne tiennent pas compte des tentatives de suicide
non hospitalisées, de l’ordre de 20 à 30 %, et des tentatives de suicide non
déclarées notamment chez les jeunes (Choquet et Ledoux, 1995 ; Mouquet
et Bellamy, 2006). Choquet, dans son enquête nationale sur la santé des ly-
céens âgés de 11 à 19 ans, constate que 6,5 % des jeunes étudiés ont déjà réa-
lisé une tentative de suicide, et que seuls 1,3 % des suicidants, soit 1/5, ont
été hospitalisés au décours du geste, ce que confirme une étude plus récente
de la DREES (Choquet et Ledoux, 1995 ; Mouquet et Bellamy, 2006). Les rai-
sons de ces faits peuvent être liées au patient, qui garde son geste secret, ou
à l’attitude de l’entourage ou du médecin, qui banalisent la tentative, et ce
d’autant plus qu’elle apparaît somatiquement bénigne ou qu’elle fait suite
à une longue série. Les suicidants hospitalisés, facilement comptabilisables,
ne représentent donc que la partie visible d’un iceberg. Ce constat est facile­
ment retrouvé en pratique quotidienne, plus particulièrement auprès des
adolescents et des jeunes adultes, chez lesquels est très souvent notée, lors
d’une tentative de suicide donnant lieu à une hospitalisation ou à une prise
en charge psychiatrique, la notion d’un geste suicidaire antérieur passé in­
aperçu et non déclaré à l’entourage proche.
28 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

Tentatives de suicide dans les services d’urgences


français
Environ 195  000 gestes suicidaires sont pris en charge chaque année par
le système de soins français, en étant soit adressés par le médecin traitant
ou un autre médecin, soit se présentant spontanément aux urgences. La
majorité, à savoir 180 000 – soit plus de 90 % –, transitent par un service
d’urgences où ils représentent 2  % des admissions médico-chirurgicales
(Mouquet et Bellamy, 2006). Les urgences peuvent donc être considérées
comme un bon observatoire des gestes suicidaires pris en charge.
Une étude multicentrique menée auprès de 57 services d’urgences d’im-
portance variable a permis le recueil de données auprès de 3 662 suicidants
âgés en moyenne de 36  ans, dont 66  % de sexe féminin (Staikowski
et al., 2002, 2008). Comme le montre le tableau 2-5, 31,4 % ont entre 15 et
24 ans, 26,8 % entre 25 et 34 ans, 25,4 % entre 35 et 44 ans, 16,8 % entre
45 et 54 ans, et seulement 4,5 % ont plus de 55 ans. Trente-cinq pour cent
sont célibataires, près de 50 % sont mariés ou en union libre (mariés : 36 %,
union libre : 13,6 %), 8,3 % sont séparés et 3 % sont veufs.
La méthode autolytique de choix est l’intoxication médicamenteuse vo-
lontaire dans 90 % des cas (benzodiazépines, antidépresseurs et plus parti-
culièrement inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, antalgiques et plus
fréquemment paracétamol), suivie de la phlébotomie (5 %), des ingestions
de drogues (1,9 %) puis de la pendaison (1,7 %).
Dans le domaine socioprofessionnel, 27,2  % sont étudiants, 2,7  % ont
une profession libérale, 35,6 % sont employés, 15 % sont fonctionnaires,
7,4 % sont ouvriers, et 7 % sont artisans ou commerçants,
La moitié (49  %) a des antécédents de gestes suicidaires, 77  % ont un
médecin traitant, 44 % bénéficient d’un suivi psychiatrique, cette propor-
tion montant jusqu’à un sur deux pour les 25-65 ans, et 61 % reçoivent un
traitement psychotrope, occasionnel ou au long cours.

Variations internationales des taux de tentatives de


suicide
Les enquêtes internationales de grande ampleur sur les comportements sui-
cidaires constituent de précieux points de repère et permettent des compa-
raisons entre les différents pays.
Enquête OMS/Europe
Initiée sous l’égide de l’antenne européenne de l’OMS dans quinze centres
différents situés dans treize pays (France, Suisse, Italie, Espagne, Finlande,
Autriche, Pays-Bas, Danemark, Royaume-Uni, Norvège, Suède, Hongrie et
Allemagne), avec une méthodologie identique, cette étude menée de 1989
Tableau 2-5
Tentatives de suicide et services d’urgences en France
< 15 15-24 25-34 35-44 45-54 55-64 65-74 75-84 85-94 Total
Sexe
Total 0,33 % 31,4 % 26,8 % 25,4 % 16,8 % 4,8 % 2,7 % 1 % 0,8 % 3 662
Femmes 0,45 % 24,3 % 24 % 24,7 % 17 % 5,1 % 2,7 % 1,1 % 0,7 % 66 %

Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires


Hommes 0,08 % 15,9 % 32,2 % 26,7 % 16,4 % 4,2 % 2,7 % 1 % 0,9 % 34 %
Sex-ratio femmes/ 11 2,96 1,44 1,79 2 2,36 2 2,7 1,54 1,94
hommes
Antécédent de tentative 16,7 % 40,5 % 49,9 % 53,8 % 53,8 % 53,1 % 44,4 % 31,6 % 17,9 % 49 %
de suicide
Médecin traitant 15 % 71,7 % 71 % 78,4 % 85,5 % 90,9 % 89,9 % 92,1 % 89,3 % 77,2 %
Suivi psychiatrique 33,3 % 32,1 % 45 % 50 % 47,6 % 52 % 37,4 % 28,9 % 10,7 % 43,6 %
Traitement psychotrope – 37,9 % 62,5 % 68,4 % 76,1 % 73,1 % 65,7 % 65,8 % 60,7 % 61,3 %
Source : adapté de Staikowski et al. (2002, 2008)

29
30 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

à 1992 a pour objectif la meilleure connaissance des tentatives de suicide


médicalement prises en charge, l’identification des facteurs de risque socio-
démographiques, ainsi que les différences pouvant exister dans les prises en
charge et le devenir des suicidants (Bille-Brahe et al., 1997).

Prévalence des tentatives de suicide


Pendant la période de l’étude, 20 994 tentatives de suicide ont été comp-
tabilisées chez 16  394 sujets de plus de 15  ans, avec un taux moyen de
167/100 000 chez les hommes et de 222/100 000 chez les femmes. Les dis-
parités peuvent être importantes en fonction des pays, avec des variations
de  1 à  7 chez les hommes (414/100  000 en Finlande et 61/100  000 aux
Pays-Bas) et de 1 à 6 chez les femmes (595/100 000 en France et 95/100 000
en Espagne).

Caractéristiques des tentatives de suicide


Les sujets jeunes de 15-44  ans sont les plus touchés par les tentatives de
suicide, les taux les plus bas étant retrouvés chez les plus de 55 ans.
Comme il est classiquement décrit dans la littérature, les femmes sont
plus volontiers suicidantes que les hommes, avec un sex-ratio femmes/
hommes global de 1,5, légèrement inférieur aux données habituelles. Des
disparités intercentres sont à prendre en considération comme le sex-ratio
inversé en Finlande (0,71), seul centre européen où les hommes réalisent
plus de tentatives de suicide que les femmes, ou un sex-ratio supérieur à 2
en France.

Moyens autolytiques utilisés


L’intoxication médicamenteuse demeure le moyen le plus fréquent, tant
chez les femmes (80 %) que chez les hommes (64 %). La phlébotomie est
plus souvent réalisée par les hommes (17  %) que par les femmes (9  %).
Des particularités sont retrouvées dans certains centres. L’utilisation d’her-
bicides ou de pesticides comme moyen autolytique est importante en
Hongrie  (19  % des hommes et 15  % des femmes), alors que l’utilisation
moyenne européenne est de 0,3 %. Les phlébotomies sont plus fréquentes
en Autriche (31  %), et en Espagne (24  %). La prise d’alcool dans un but
suicidaire est loin d’être négligeable en Norvège (6 % chez les hommes et
5 % chez les femmes).

Intégration socioprofessionnelle des suicidants


Dans l’ensemble, 20 % des suicidants et 12 % des suicidantes sont au chô-
mage. Chez les plus de 24  ans socialement actifs, 28  % des suicidants et
21 % des suicidantes sont au chômage ; 11 % des suicidants et 23 % des
suicidantes n’ont jamais travaillé.
Six pour cent des femmes et 10 % des hommes sont passés d’une situa-
tion antérieure stable à une situation instable et plus précaire.
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 31

Récidives
Quarante-cinq pour cent des femmes et 42 % des hommes ont antérieure-
ment réalisé un geste suicidaire avant la tentative identifiée. Quinze pour
cent des hommes et 16 % des femmes ont récidivé au moins une fois, en gé-
néral pendant la première année. Les réitérants sont plus souvent divorcés
que les primo-suicidants (hommes : 22 versus 1 %, femmes : 22 versus 16 %),
et plus fréquemment au chômage (hommes  : 40  versus 23  %, femmes  :
28 versus 17 %).

Enquête ESEMED Europe


L’étude ESEMED Europe est une étude transversale menée en Europe (Belgi-
que, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Espagne) auprès de 21 425 personnes
interrogées entre 2001 et 2003 (Alonso et al., 2004 ; Bernal et al., 2007).
La prévalence des idées suicidaires sur la vie entière est de 7,8 %, et celle
des tentatives de suicide de 1,3 %. Être une femme, jeune, séparée ou di-
vorcée, est associé à une fréquence plus importante d’idées suicidaires et de
tentatives d’autolyse.
Les troubles psychiques sont fortement corrélés à la suicidalité, notamment
chez les sujets souffrant de dépression (OR = 3,91), de dysthymie (OR = 1,88),
d’anxiété généralisée (OR =  1,98) et de dépendance à l’alcool (OR =  1,77)
avec environ 30 % d’idées suicidaires et 10 % de gestes suicidaires chez ces
personnes, avec un risque attribuable de 28 % pour la dépression.
Il existe de réelles disparités en fonction des pays, avec une fréquence
plus élevée des idées suicidaires en France et en Allemagne, plus de gestes
suicidaires en Belgique et en France, alors que les taux les plus bas sont en
Italie et en Espagne, sociétés plus traditionnelles, plus conservatrices et plus
ensoleillées.

Enquête internationale sous l’égide de l’OMS


Cette étude internationale a été menée auprès de 84  850 personnes dans
dix-sept pays aux développements économiques différents, sur des conti-
nents différents (Nock et al., 2008).
La prévalence vie entière des idées suicidaires est de 9,2 %, celle des scé-
narios suicidaires est de 3,1 %, et celle des tentatives de suicide est de 2,7 %.
Le risque de passage à l’acte est de 29 % si les idées sont présentes et de 56 %
en cas de scénario.
Dans tous les pays, le passage des idées à l’élaboration d’un scénario est
rapide, dans l’année qui suit l’apparition de ces idées chez plus de 60 % de
ceux qui y pensent. Le risque de passage à l’acte est alors élevé.
Les idées suicidaires sont plus fréquentes chez les jeunes dans certains
pays (États-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande), et chez les plus âgés dans
d’autres (Israël, Mexique, Espagne, Ukraine).
32 Définitions, épidémiologie et déterminants biologiques

Le risque suicidaire est corrélé dans tous les pays, industrialisés et émer-
gents, avec l’existence de troubles psychiques, comme les troubles thymi-
ques (OR = 3,4-5,9), les troubles du contrôle des impulsions (OR = 3,3-6,5),
les troubles anxieux (OR =  2,8-4,8) et les consommations de substance
(OR = 2,8-4,6). Le meilleur facteur prédictif d’un comportement suicidaire
demeure le trouble de l’humeur dans les pays industrialisés, et le trouble du
contrôle des impulsions dans les pays émergents.

Vers une modélisation des conduites suicidaires


À partir de données épidémiologiques, Mann propose un modèle intégré
stress-diathèse de compréhension des conduites suicidaires. Des facteurs
biologiques et génétiques, ainsi que le poids des événements traumatiques
précoces comme les abus physiques ou sexuels peuvent constituer un ter-
rain favorable à la constitution de traits de personnalité. À la faveur d’évé-
nements de vie, ces traits impulsifs-agressifs font le lit de troubles de per-
sonnalité, plus particulièrement du cluster B (border line), et colorent par
eux-mêmes le mode relationnel de ces personnes, générant ainsi, selon le
genre, d’autres troubles du comportement, dont les conduites addictives
ou la dépression. C’est le sentiment subjectif de dépression et de désespoir
qui peut alors induire la conduite suicidaire (Mann et al., 1999). La trans-
mission familiale des conduites suicidaires semble être médiée par ces traits
d’impulsivité et d’agressivité indépendamment de la transmission poten-
tielle d’autres troubles psychiques (McGirr et al., 2009).

Conclusion : l’épidémiologie au service de la


clinique
L’épidémiologie ouvre donc des perspectives intéressantes dans la compré-
hension des conduites suicidaires. Les autopsies psychologiques apportent
des éléments d’analyse qui sont également pertinents dans la prise en charge
des tentatives de suicide somatiquement graves, dont les caractéristiques
sont proches de celles des suicides (Beautrais, 2003). Est ainsi confirmée la
place centrale des troubles psychiques et plus particulièrement des troubles
de l’humeur dans la prévention du suicide.
Au-delà de la prise en compte du diagnostic, la détermination de la trajec-
toire de vie du patient et du poids des différents facteurs permet un élargis-
sement du champ clinique, avec une détermination plus précise des événe-
ments contraires et du sens qu’ils peuvent prendre dans les diverses étapes
de la vie du sujet.
Alors que les décès par suicide diminuent progressivement, les idées sui-
cidaires et les tentatives de suicide demeurent toujours aussi fréquentes,
Épidémiologie descriptive des comportements suicidaires 33

notamment dans les pays industrialisés, avec au-delà de la fragilité et du


trouble psychique, une indubitable dimension psychosociale (Blackmore
et al., 2008 ; Kessler et al., 2005)
L’originalité du processus suicidaire est également confirmée, avec un
passage relativement rapide des idées vers le scénario puis l’acte suicidaire.
Ce constat épidémiologique renforce l’approche clinique du potentiel sui-
cidaire décrite par Shea (2008) – détaillée ultérieurement – qui montre l’im-
portance d’analyser très précisément les mois précédant le geste.
3 Données sociologiques
et culturelles

Évolution des idées


Antiquité, Moyen Âge et religions
Les suicides relatés dans les chroniques de l’Antiquité grecque et romaine
témoignent de l’intérêt porté par les penseurs et philosophes de l’époque
à cette conduite humaine. Les motifs alors invoqués pour expliquer le
geste sont essentiellement le mépris de la vie, la nécessité d’échapper aux
maux physiques ou psychiques et au grand âge, la défense de la chasteté,
la perte d’un amour ou la dévotion à la patrie. Une position assez nuancée
témoigne d’une certaine tolérance chez les stoïciens et les épicuriens, si
la dignité de la personne, par la souffrance physique ou psychique, est en
cause. Ainsi est expliqué le suicide de Socrate, qui cependant, à l’instar de
Platon ou d’Aristote, considérait que le suicide était condamnable, la vie
relevant uniquement du pouvoir divin. Cette position initiale préfigure la
position ultérieure de l’Église.
Rome prône la mort de soi lorsque la vie est devenue indigne, et la condamne
si elle prive la cité d’une personne utile. C’est le primat du collectif sur l’indi-
vidu. Cette relative tolérance s’est progressivement réduite bien avant l’avè-
nement du christianisme. L’Église chrétienne s’est initialement montrée assez
ambivalente par rapport au suicide, lors de l’ère des martyrs volontaires qui se
montraient détachés de la vie terrestre. C’est au ive siècle qu’un nouveau tour-
nant est pris dans la théologie chrétienne avec saint Augustin qui condamne
clairement le suicide, puis saint Thomas qui pose les principes actuels en
considérant que le suicide est un crime contre nature, contre la société et
contre Dieu, unique propriétaire de chaque vie humaine.
Les religions dans leur ensemble (christianisme, judaïsme, islam) condam-
nent universellement le meurtre, et par extension le meurtre de soi. Dans
les religions orientales, au contexte institutionnel moins hiérarchique et
moins dogmatique, la définition du suicide est moins explicite. Dans la reli-
gion hindoue, où le suicide est considéré comme un péché grave, certaines
situations sont plus considérées comme des sacrifices que comme des sui-
cides, par exemple lorsque la vie n’est plus perfectible ou que les buts sont
considérés comme atteints. C’est ainsi que l’immolation par le feu d’une
veuve dans le brasier où se consume son époux n’a été prohibée que lors de

Le geste suicidaire
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36 Définitions, épidémiologie et déterminants

l’impérialisme anglais. Cette conduite en recrudescence récente, condam-


née par les lois étatiques, ne donne en pratique jamais lieu à des poursuites
judiciaires. Le bouddhisme est le courant religieux qui a les positions les
moins arrêtées par rapport au suicide.

Théories contemporaines
Dans les approches contemporaines, le thème du suicide est plus volontiers
abordé par les gens de lettres que par les philosophes.
Les grands philosophes français dans leur ensemble, Montesquieu, Vol-
taire, Diderot ou Rousseau, font preuve d’une certaine tolérance face au sui-
cide et défendent les différents aspects de la vie. Spinoza ignore le suicide ;
le suicide tue la moralité humaine pour Kant, et ne représente qu’une dé-
livrance imaginaire pour Schopenhauer. À l’opposé, le philosophe anglais
Hume fait l’apologie du suicide en rejetant les idées reçues et en défendant
la thèse selon laquelle les hommes doivent faire constamment violence aux
lois naturelles pour survivre.
Le suicide est l’occasion pour les écrivains de s’interroger sur le sens de la
vie, à l’instar d’Albert Camus pour qui, dans le Mythe de Sisyphe : « Il n’y a
qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. »
L’approche psychanalytique de Freud et de Menninger (1938), évoquée
plus haut, renvoie à la pulsion de mort et à la tendance à l’autodestruction
chez l’homme, retrouvées dans certains troubles psychiques.
L’approche psychologique aborde le suicide sous un angle différent. L’une
de ces approches, prônée par Shneidman, met la souffrance morale au cœur
du geste suicidaire (voir plus haut). Joiner mettra l’accent sur le processus de
répétition des gestes suicidaires.
Baechler, quant à lui, s’attache essentiellement au motif du geste, à savoir
le scénario liant le sujet et la société dans laquelle il vit. Il décrit ainsi diffé-
rents types de suicide : le suicide oblatif ou sacrificiel, le suicide ludique, dans
lequel la vie se joue comme à la roulette russe, et duquel pourraient se rap-
procher certaines conduites à risque, comme le jeu du foulard, et le suicide
escapiste, où la notion de fuite est essentielle, pour échapper à la perte d’un
être cher (situation de veuvage), à une situation douloureuse (maltraitance)
ou à la douleur physique ou psychique.

Approche sociologique du suicide


Durkheim et le suicide
Le suicide est au cœur de la pensée sociologique, car il met en cause la co-
hésion sociale et les liens entre l’individu et le groupe.
Données sociologiques et culturelles 37

« Chaque société est prédisposée à fournir un contingent prédéterminé


de morts volontaires », écrivait Durkheim en 1897, dans son ouvrage Le sui-
cide, étude sociologique, contemporain d’une période de forte augmentation
du suicide dans les pays industrialisés. Peu d’ouvrages ont eu et ont encore
une telle portée et une telle actualité.
Selon les conceptions durkheimiennes, le suicide est donc avant tout un
« fait social » complexe, mais néanmoins régulier et prévisible, qui relègue
au second plan les hypothèses psychologiques, tout comme les aliénistes
de l’époque ne considéraient pas la dimension sociologique du suicide. Le
nombre de suicides reflète le degré de cohésion et de santé sociale d’un
groupe. Tout ce qui peut contribuer à affaiblir la cohésion et l’intégration
sociale a pour conséquence une augmentation du nombre des suicides.

Les quatre principaux types de suicide selon Durkheim


Durkheim distingue quatre principaux types de suicide : le suicide fataliste,
le suicide altruiste, le suicide égoïste et le suicide anomique.
Le suicide fataliste résulte de l’excès de réglementation et correspond au
suicide «  que commettent les sujets dont l’avenir est impitoyablement
muré, dont les passions sont violemment comprimées par une discipline
oppressive ». Ce serait par exemple le suicide d’époux trop jeunes (Roméo et
Juliette), de la femme mariée sans enfant ou encore celui des esclaves dans
les sociétés primitives.
Le suicide altruiste, qui revient à se sacrifier à des fins sociales, caractérise
les groupes où l’individu est le plus fortement intégré et soumis aux valeurs
collectives.
Le suicide égoïste et le suicide anomique rendent compte de la progression
et de l’excès des suicides dans les sociétés industrialisées.
Le suicide égoïste est lié à un défaut d’intégration des individus dans les
groupes sociaux.
Dans le suicide anomique, l’individu se suicide parce que ses désirs ne
rencontrent plus de limites, l’anomie étant définie par Durkheim comme
étant « le mal de l’infini ». Les désirs deviennent insatiables : « ainsi, plus
on aura et plus on voudra avoir, les satisfactions reçues ne faisant que sti-
muler les besoins au lieu de les apaiser ». Durkheim distingue deux formes
d’anomie, l’anomie aiguë et l’anomie chronique. Dans le domaine écono-
mique, l’anomie aiguë survient avec la crise économique qui rompt l’équili-
bre ancien. Lors des crises de dépression, certaines catégories d’individus se
trouvent brutalement déclassées, et leur niveau d’exigence et leurs besoins
ne sont plus ajustés à leurs nouvelles conditions de vie. À l’inverse, dans
les périodes de grande prospérité, certaines classes sociales se retrouvent
propulsées dans une position supérieure à celle qu’elles occupaient anté-
rieurement, et leurs aspirations, leurs exigences, vont alors s’accroître plus
38 Définitions, épidémiologie et déterminants

vite que leurs moyens de les satisfaire. À côté de cette anomie conjonctu-
relle, existe une anomie dite chronique, liée à l’absence de réglementation
dans le monde du commerce et de l’industrie, le marché s’étendant de ma-
nière peu contrôlée, exacerbant ainsi l’ambition de chaque producteur à
la recherche de gains toujours plus élevés. L’état d’anomie devient alors
un phénomène quasiment normal pour la société ainsi décrite. De même,
dans le groupe familial, à l’anomie aiguë correspondant aux situations de
veuvage, s’ajoute une anomie chronique liée à l’augmentation du nombre
des divorces et surtout à leur institutionnalisation.
Deux des quatre types de suicide décrits par Durkheim, à savoir le sui-
cide fataliste (le plus méconnu) et le suicide altruiste, « ne semblent exister
que parce qu’ils constituent des référents symétriques ou logiques aux deux
autres » (Mucchielli et Renneville, 1998). Le suicide fataliste s’oppose ainsi
au suicide anomique, et le suicide altruiste au suicide égoïste.
Le suicide égoïste et le suicide anomique correspondent pour Durkheim
à deux types d’action de la société sur l’individu, l’intégration et la régula-
tion. Leur distinction est donc toute relative, et il existe entre suicide égo-
ïste et suicide anomique des «  rapports de parenté  »  ; ces deux types de
suicide « ne sont généralement que deux aspects différents d’un même état
social », car dans les deux cas, « la société n’est pas suffisamment présente
aux individus ». Les situations de vie sociale que recouvrent ces deux types
ne sont pas très différentes et parfois même compatibles. Durkheim consi-
dère qu’ils ne concernent pas les mêmes milieux sociaux, « l’un (égoïste) a
pour terrain d’élection les carrières intellectuelles, le monde où l’on pense,
l’autre (anomique) le monde industriel ou commercial ». Durkheim va en-
core plus loin en décrivant un suicide dit « mixte » qui mêle détachement
et déréglementation.

Place centrale de l’intégration familiale dans la théorie


durkheimienne du suicide
Le point central de la théorie de Durkheim est constitué par la notion d’inté-
gration familiale, le suicide étant à considérer comme un fait social relevant
d’abord d’une microsociologie de la famille. La famille protège, non pas en
tant que lien conjugal entre un homme et une femme, mais dans le sens de fa-
mille « nombreuse ». Cette notion n’est pas à entendre au sens premier, c’est-
à-dire en tant que nombre d’enfants, mais dans un sens d’« intégration », de
famille « solide », « solidaire », « cohérente », qui « relie » les uns aux autres les
individus qui la composent, qui les intègre et qui par là même les protège. On
parle alors bien du lien social et même de l’une de ses formes particulières qui
est le lien familial. Considérée de cette façon, la famille fournit à Durkheim
un modèle réduit de la société dans son ensemble, une société qui n’existe que
dans la mesure où elle maintient son unité contre les différences individuelles,
et dans laquelle l’intégration est une fonction fondamentale.
Données sociologiques et culturelles 39

Le suicide, phénomène urbain et masculin


En France comme dans l’ensemble des pays industrialisés, le suicide est
plus élevé au xixe siècle dans les zones géographiques où le développement
économique est maximal, à savoir dans les zones urbaines, et épargne re-
lativement les zones rurales. Cette opposition ville/campagne est générale
quels que soient les pays connaissant l’essor industriel, et rend compte des
nouvelles formes d’organisation sociale. Le suicide est alors à l’époque de
Durkheim un phénomène essentiellement urbain, plus fréquent chez les
hommes que chez les femmes.

Halbwachs, sociologue précurseur de la suicidologie


Notion de « genre de vie »
Tout en défendant les théories de Durkheim dont il fut l’élève, Halbwachs
en 1930, période de la grande crise économique du xxe siècle et des grandes
faillites urbaines internationales, met l’accent sur l’importance du mode de
vie des personnes et définit la notion de « genre de vie ». Ce qui est déter-
minant, ce n’est pas un facteur particulier, mais un ensemble de plusieurs
facteurs qui évoluent simultanément.
Le genre de vie est pour Halbwachs «  un ensemble de coutumes, de
croyances et de manières d’être, qui résulte des occupations habituelles des
hommes et de leur mode d’établissement… Deux genres de vie ou deux
types de civilisation, quelque différence qu’il y ait entre eux, se ressemblent
en ce qu’ils comportent un nombre plus ou moins grand d’occasions d’en-
trer en rapport les uns avec les autres, rapports amicaux, rapports indiffé-
rents ou rapports d’hostilité ».
Il oppose ainsi le genre de vie rural au genre de vie urbain, et donne ce qui
peut apparaître comme un début d’explication aux variations du nombre
des suicides, à l’époque de Durkheim plus nombreux en milieu urbain et
de nos jours plus fréquents en milieu rural. Le passage d’un mode de vie
rural à un mode de vie urbain suppose une recomposition nécessaire, lente
et difficile des rapports entre les hommes. Le mode de vie rural constituait
selon lui un équilibre stable pour les relations entre individus avant l’ère de
l’industrialisation. D’une façon claire, Halbwachs définit ainsi l’importance
du lien social et la fonction d’intégration des groupes d’appartenance, et les
précise en évoquant la fonction de la famille.

Théorie de la disqualification sociale comme cause de suicide


Contrairement à Durkheim, Halbwachs ne rejette absolument pas l’impor-
tance des facteurs psychologiques et suggère au contraire de les interpréter
en les confrontant au sens social des événements qui se produisent dans la
vie collective.
40 Définitions, épidémiologie et déterminants

Pour Halbwachs, le suicide intervient le plus souvent à la suite d’un évé-


nement qui a isolé l’homme de son milieu social. Les causes sont à recher-
cher dans les obstacles de l’intégration de l’homme dans la société, dans
ce que l’on peut appeler la «  disqualification sociale  ». Il n’y aurait donc
par conséquent qu’un seul type de suicide, celui de l’homme disqualifié,
c’est-à-dire peu ou mal intégré, qui a intériorisé le sentiment qui lui vient
de la société en général, de ses pairs et de ses groupes d’appartenance en
particulier, de ne plus être à la hauteur de son rôle social réel ou virtuel. On
peut sans risque ajouter que ce sentiment de disqualification est de nature
subjective, et qu’il est avant tout ressenti par le sujet et non pas unique-
ment avéré et objectif. L’homme disqualifié est désespéré, et ce désespoir est
source de solitude et de détresse psychologique qui peut se manifester sous
plusieurs aspects. Il est alors aisé pour Halbwachs de faire un parallèle avec
les troubles psychopathologiques, et plus particulièrement la dépression, et
de les inclure dans son analyse sociologique, considérant que les troubles
psychiques et les événements de vie conduisant à la ruine, au déshonneur
et à la solitude affective ont une même conséquence, l’isolement et la soli-
tude de la personne.
C’est donc la rupture des liens fondamentaux rattachant l’individu à la
société qui est ainsi analysée et mise en avant dans cette perspective de com-
préhension du suicide. Ces liens peuvent être déclinés en liens de filiation,
d’intégration et de citoyenneté. Le lien de filiation s’impose à l’individu
dès sa naissance et contribue à son équilibre affectif en lui assurant stabilité
et protection. Le lien d’intégration relève de la socialisation secondaire au
cours de laquelle l’individu entre en relation avec les autres et apprend à
respecter les normes et les règles des institutions. Le lien de citoyenneté re-
pose sur le principe d’appartenance à une nation dans laquelle un individu
se voit reconnaître des droits et des devoirs. Ces trois types de lien sont in-
terdépendants et constituent ce que Halbwachs appelle un « genre de vie »,
et c’est à partir du moment où le genre de vie se transforme que ces liens
qui unissent l’homme à la société peuvent se distendre, se fragiliser jusqu’à
se rompre, laissant ainsi l’individu en proie à la détresse et confronté au
sentiment d’être inutile.

Suicide du désespoir
Halbwachs abandonne la typologie durkheimienne des suicides. Quels que
soient les motifs immédiats, il n’y a pour lui qu’un seul et même type de
suicide, le suicide du désespoir, et une seule et même théorie, celle de l’in-
tégration sociale. Cette position lui permet, toujours à partir des travaux
de Durkheim, de préciser l’impact des crises financières et de conclure que
« ce n’est pas la crise comme telle…, c’est la période de dépression qui suit
la crise, qui détermine une augmentation de morts volontaires ». L’inter-
prétation alors proposée est en relation avec l’intégration et non plus la
Données sociologiques et culturelles 41

régulation. S’articulent ainsi chez Halbwachs les causes sociales et les mo-
tifs individuels que Durkheim oppose traditionnellement… encore que
toutes les interprétations soient permises à la lecture de cette remarque de
Durkheim, postérieure à son ouvrage Le  Suicide  : «  Le suicide n’apparaît
guère qu’avec la civilisation… Le vrai suicide, le suicide triste, est à l’état
endémique chez les peuples civilisés. »
Pour Halbwachs, les hommes se suicident toujours après un événement
qui a pour effet de les isoler de leur milieu social, après avoir perdu affec-
tion, honneur, considération ou statut.
« Tous voient s’abaisser leur niveau social. Ils sont dans une certaine me-
sure des déclassés. Or, qu’est-ce que se déclasser ? C’est passer d’un groupe
qu’on connaît, qui vous estime, dans un autre qu’on ignore et à l’apprécia-
tion duquel on n’a aucune raison de tenir. On sent alors se creuser autour
de soi un vide. Ceux qui vous entouraient autrefois, avec qui vous aviez tant
d’idées communes, tant de préjugés en commun, dont tant d’affinités vous
rapprochaient parce que vous vous retrouviez en eux comme eux en vous,
s’éloignent soudain. Vous disparaissez de leurs préoccupations et de leur
mémoire. Ceux au milieu desquels vous vous retrouvez ne comprennent ni
votre dépaysement ni votre nostalgie et vos regrets. Détaché d’un groupe
par un ébranlement soudain, vous êtes incapable, ou du moins vous vous
croyez incapable de retrouver à jamais dans un autre quelque appui, ni rien
qui remplace ce que vous avez perdu. Mais lorsqu’on meurt ainsi à la so-
ciété, on perd le plus souvent la principale raison qu’on a de vivre. »

Évolution des idées en sociologie du suicide


Passage d’un suicide urbain à un suicide essentiellement rural
Durkheim décrivait au xixe siècle une société dans laquelle le suicide était
essentiellement un phénomène urbain, particulièrement accusé dans les
métropoles européennes et, en France, à Paris, la région parisienne et les
Bouches-du-Rhône.
La société du xixe siècle était essentiellement centrée sur les valeurs tradi-
tionnelles de la terre. L’urbanisation et l’industrialisation se sont dévelop-
pées dans un univers fondamentalement pénétré par les valeurs paysannes,
l’urbain étant considéré comme une personne déracinée ayant perdu un
peu de son identité.
Au xxe siècle, notamment après le second conflit mondial, les valeurs so-
ciales se sont progressivement modifiées. La société s’organise autour de la
modernité acquise par l’industrialisation et la civilisation urbaine, avec la
notion de confort et de modernité. C’est le passage d’une civilisation rurale
à une civilisation urbaine. Le paysan demeurant à la terre est peu à peu
considéré comme un marginal, « symbole de l’exclusion hors de la culture »
42 Définitions, épidémiologie et déterminants

selon Lévi-Strauss. Il a notamment plus de mal à participer à « l’échange des


femmes », celles-ci étant culturellement plus attirées par la société urbaine.
Cela est particulièrement le cas dans les régions de l’ouest et du centre de
la France, relativement marginalisées et caractérisées par des échanges hu-
mains et économiques comparativement plus faibles.
Actuellement, le suicide est plus un phénomène rural qu’urbain, et pré-
domine dans les régions rurales du nord, de l’ouest et du centre de la France
(Baudelot et Establet, 2006).
Baudelot et Establet (2006) décrivent deux axes, l’axe des évolutions et
l’axe des permanences, pour illustrer la traditionnelle opposition Nord/Sud
dans l’évolution des suicides. Le premier axe, ou axe des évolutions, oppose
les régions à forte tradition rurale, composées d’un grand pourcentage de
personnes nées et résidant dans leurs régions (France de l’Ouest), témoin
d’une France rurale repliée sur elle-même, au taux de suicide élevé, à une
France du Sud, à l’univers attractif et en mouvement, zone d’échanges, et
dans laquelle le taux de suicide est plus bas. Le second axe, ou axe des per-
manences, oppose les régions du Nord et de l’Est, productives mais au taux
de suicide haut et stable, à une France du Sud-Ouest traditionnelle, au taux
de suicide bas et stable. Les départements et régions où le taux de suicide est
le plus bas sont les départements et régions industrialisées et tertiaires dans
lesquelles coexistent toutes les ressources de la sociabilité moderne (loisirs,
universités, administrations). La France méridionale et celle du Sud-Ouest
échappent chacune de façon différente à la marginalisation des régions de
l’Ouest et du Centre.

Évolution des taux de suicide au xxe siècle


La période 1900-1948 est globalement caractérisée par un taux de suicide
stable, à 22/100 000 en 1901 et 25/100 000 en 1906-1908, entrecoupée de
deux baisses importantes liées aux guerres.
Les années 1949-1978, ou les Trente Glorieuses, sont marquées par la sta-
gnation, voire une légère augmentation du suicide. C’est l’avènement de
l’État providence, la certitude de temps meilleurs dans une conjoncture de
croissance marquée par le plein-emploi, l’élévation du niveau de vie, le dé-
veloppement de la scolarisation, l’amélioration des carrières et l’accession
à la propriété. Tous ces facteurs de changement tangibles à un niveau in-
dividuel se retrouvent également au niveau social, avec la création de la
Sécurité sociale et les avancées de mai 1968, accompagnées de profondes
modifications de la famille.
La période 1979-1995 correspond à une augmentation importante du sui-
cide, passant d’un taux de 15/100 000 en 1970 à 26/100 000 en 1986. Les
taux demeurent élevés jusqu’en  1993-1995 (21/100  000), puis décroissent
lentement pour un taux stable à 17/100 000 en 2001-2005. D’un point de
Données sociologiques et culturelles 43

vue sociétal, c’est une période de ralentissement de la croissance amorcée


dans les années 1970, avec les chocs pétroliers, le chômage de masse dura-
ble, l’apparition de la mondialisation et de la compétition économique, les
profondes modifications d’organisation du travail et la spéculation bour-
sière. Apparaît de façon récurrente le thème de l’exclusion : c’est l’époque
des Restos du cœur. C’est aussi la « désintégration du modèle social » de Ro-
bert Castel, la transformation en profondeur de la vie économique et sociale
avec accroissement de l’insécurité et du sentiment d’insécurité, l’incertitude
par rapport à un monde nouveau et une certaine « désespérance ».
Depuis 1995, malgré une notable décroissance, le suicide reste en France
à un taux élevé et stable, ce qui, pour les sociologues, est fortement corrélé
à l’émancipation des valeurs traditionnelles, à savoir l’éloignement de la
religion et l’affaiblissement des liens familiaux traditionnels dont l’un des
indicateurs est le nombre des divorces. L’un des facteurs de protection serait
la «  valorisation de l’individualisme collectif  » selon Baudelot et Establet
(2006), c’est-à-dire la reconnaissance, essentiellement au niveau du travail,
de la contribution de chacun à la construction dynamique du groupe, pour
une meilleure réalisation de soi et une plus grande sociabilité.

Le suicide domine dans les régions pauvres des pays


industrialisés
Les pays riches, développés et industrialisés, dont la réalité sociale est fon-
dée sur l’urbanisme, l’individualisme, l’esprit de compétition et le vieillis-
sement de la population, ont tous un taux de suicide élevé. Pour les socio-
logues, l’essor économique provoque un accroissement des richesses, avec
accession au bien-être matériel, à la culture et à l’instruction, avec appari-
tion d’une liberté de pensée qui favorise la prise de distance par rapport aux
dogmes religieux (Baudelot et Establet, 2006).
On se suicide essentiellement dans les régions pauvres des pays indus-
trialisés, et ce fait est retrouvé quel que soit le pays  : États-Unis, Japon,
Grande-Bretagne ou France. Cette relation, plus statistique qu’explicative,
est complexe, et ne se résume pas à une majoration des inégalités sociales.
En France, alors que le suicide à la fin du xixe siècle touchait plus particu-
lièrement les zones urbaines d’Île-de-France et du Sud, les régions du Nord-
Ouest (Bretagne et Normandie) et du centre (Limousin et Auvergne) ont
connu en un siècle une hausse importante qui rend la carte de France du
suicide à la fin du xxe siècle opposée à celle de Durkheim à la fin du xixe.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, contrairement à l’affirma-
tion de Durkheim « la misère protège », le suicide est proportionnellement
plus fréquent au bas de l’échelle sociale, non pas par l’effet direct de l’inac-
tivité, mais par les conduites sociales et psychologiques et la façon dont
elles sont vécues. Tout se passe comme si les classes sociales dominantes ont
44 Définitions, épidémiologie et déterminants

trouvé les moyens pour se prévenir du suicide, par une intégration sociale
plus forte grâce au développement de réseaux de sociabilisation moderne
(associations, monde du travail) et des conditions matérielles de qualité,
notamment dans le recours aux soins. Dans les couches sociales moins
favorisées, la «  pauvreté disqualifiante  », décrite par Paugam, rejoint le
concept de disqualification sociale d’Halbwachs, qui dévalorise et stig-
matise les individus en les privant progressivement de toutes les formes
de participation à la vie sociale et économique  ; cette pauvreté s’est ac-
crue depuis les années 1970, avec la montée du chômage, l’apparition des
­emplois précaires et du sous-emploi. Elle n’apparaît pas comme un état
stable partagé comme dans la pauvreté intégrée, mais comme une chute
et un déclassement. Devenir pauvre dans une société riche engendre plus
de souffrance que d’être pauvre dans une société pauvre. Ainsi s’explique
pour les sociologues une plus grande vulnérabilité à tout un ensemble de
risques dont le suicide.

Suicide et âge
Les chiffres du suicide confrontent à une double réalité, avec d’une part la
surmortalité des jeunes liées au suicide et d’autre part une augmentation du
nombre absolu des suicides avec l’âge (Anguis et al., 2002).
L’explication retenue est que le vieillissement confronte le sujet à son
déclin et à sa signification, à savoir la marginalité socio-économique, la ma-
ladie, la pénibilité croissante de la vie physique, relationnelle et sociale, le
tout conduisant à la dévalorisation d’un quantum d’existence restant à par-
courir. « Un adolescent et un sexagénaire ne sacrifient pas la même quantité
d’existence… Cette explication, qui consiste à voir dans le suicide non pas
un sacrifice de la vie, mais le sacrifice d’une certaine quantité d’existence,
est beaucoup plus simple. » (Baudelot et Establet, 1984)
L’idée prévalente est donc que le lien entre âge et suicide viendrait de ce
que la jeunesse correspond en fait à un capital de temps et de ressources
potentielles qui s’érodent peu à peu au fur et à mesure du vieillissement.
Cela semblait vrai selon les données statistiques disponibles jusqu’aux an-
nées 1990. Mais l’évolution des taux de suicide en France, ainsi que dans
l’ensemble des pays industrialisés, montre que cette hypothèse simple
n’est plus d’actualité. En effet, le taux de suicide de certaines classes d’âge,
comme par exemple celle des 35-54  ans, est devenu supérieur à celui de
la classe d’âge suivante. On passe ainsi d’un modèle de croissance quasi
linéaire avec l’âge à un profil bimodal avec deux pics de suicide correspon-
dant à deux classes d’âge, celle des 40-45 ans et celle des plus de 75 ans.
Cette bimodalité, nouveauté des années 1990, n’est en fait que le prolon-
gement des changements observés depuis plus de vingt ans. De nouveaux
modèles statistiques permettent d’espérer une meilleure compréhension de
la dimension sociologique du suicide.
Données sociologiques et culturelles 45

Deux approches sont alors possibles :


• soit considérer un effet dit de « génération », avec l’hypothèse d’un rem-
placement progressif de générations d’individus que l’on pourrait, au vu des
statistiques du suicide, qualifier de « sous-suicidaires » par des générations
dites « sur-suicidaires ». C’est le modèle âge-génération-période développé
par Surault (2005) ;
• soit considérer, dans les analyses et dans la compréhension d’un phéno-
mène aussi multidéterminé que le suicide, qu’avoir un certain âge à une pé-
riode donnée n’a pas la même signification qu’avoir ce même âge à une autre
période, les individus n’ayant ni les mêmes statuts, ni les mêmes ressources,
ni la même légitimité sociale, et encore moins les mêmes attentes, les mêmes
espoirs ou les mêmes potentialités d’intégration. C’est le modèle des recom-
positions des cycles de vie prôné par Chauvel, qui rejoint la notion de trajec-
toire de vie dans laquelle le poids des différents facteurs à certains moments
de la vie serait pris en considération (Chauvel, 1997 ; Séguin, 2007).

Les modifications actuelles de la société


Dès les années 1990, d’éminents spécialistes du suicide, comme Sainsbury
et Diekstra, concluaient à l’existence de profondes modifications sociales
susceptibles d’intervenir en dehors de tout fait personnel ou/et psychopa-
thologique dans la genèse du suicide. Ils identifiaient notamment des fac-
teurs purement sociaux, comme l’augmentation du taux de chômage et du
pourcentage de femmes travaillant, des facteurs médico-sociaux, comme
l’augmentation de la délinquance et de l’usage d’alcool et de drogues, ainsi
que des facteurs traduisant de profondes modifications dans la structure fa-
miliale ces dernières années, comme l’augmentation considérable du nom-
bre des divorces (Diekstra, 1990 ; Diekstra et al., 1993). Ces dimensions sont
encore plus prégnantes actuellement.

Permanence et importance de la régulation sociale et familiale


Le suicide comme fait social relève d’une microsociologie de la famille, et la
permanence des statistiques le confirme. Pour Baudelot et Establet, la pro-
tection dont bénéficie un individu est fonction du nombre et de la profon-
deur des relations qu’il noue avec son milieu familial. Est importante non
seulement la notion d’intégration au sens de Durkheim, mais aussi le sexe
et l’âge considérés eux-mêmes comme des facteurs authentiques d’intégra-
tion familiale. Les bouleversements cruciaux de la société contemporaine,
par exemple l’évolution du statut de la femme et leur meilleure intégration
dans le monde du travail, modifient profondément les comportements indi-
viduels. Les suicidologues cliniciens l’expriment également à leur manière :
on est conduit aujourd’hui à analyser les comportements suicidaires en
fonction de l’âge et du sexe. Les déterminants, les facteurs explicatifs et les
facteurs de protection ou de résilience ne sont pas les mêmes.
46 Définitions, épidémiologie et déterminants

Les données nationales et internationales sur le suicide montrent claire­


ment que la femme est plus épargnée que l’homme. Pour les sociologues,
le statut social de la femme offre une certaine protection. En France du
moins, la femme, mariée ou non, est statutairement plus engagée que
l’homme, et c’est sur elle que repose l’essentiel de la sociabilisation quo-
tidienne du couple et des enfants. Elle assure également une continuité
intergénérationnelle et demeure toujours plus liée à sa famille que ne l’est
l’homme, quant à lui plus attaché aux gens de sa génération et à son uni-
vers professionnel.

Modifications de la famille contemporaine


La structure de la famille a subi de profondes et rapides modifications de-
puis les années 1960 avec le primat de l’individu sur le groupe, la recherche
de l’épanouissement personnel et l’apparition de systèmes familiaux com-
plexes (Cicchelli-Pugeault et Cicchelli, 1998  ; De Singly, 1996  ; Godelier,
2004  ; Journet, 2005  ; Martial, 2005). Ont ainsi été redéfinies la place et
les attentes de chacun au sein de la famille, et sont apparues de nouvelles
modalités dans la vie de couple. À côté de la famille « classique » coexistent
de nouvelles formes de cohabitation, comme les couples en union libre,
les familles monoparentales, les couples homosexuels et les familles dites
« recomposées ».
Les histoires conjugales de parents séparés conduisent les enfants à vi-
vre dans un «  réseau parental  », qui peut comprendre les parents d’ori-
gine, les nouveaux conjoints des parents et les éventuels anciens conjoints
des beaux-parents (Le Gall et al., 1988). Les enfants circulent au sein de ce
« réseau » en fonction de ce que délimitent les adultes et en fonction des
définitions que ces mêmes adultes donnent à leur fonction parentale ou
beau-parentale. Ce qui peut amener certains parents à faire table rase de
leur passé, à remplacer leur ancienne famille par la famille recomposée, et à
se consacrer entièrement aux nouveaux enfants.
La nature du lien affectif entre les parents et les enfants s’est modifiée et
s’est parfois fort distendue entre l’enfant et l’un de ses parents. Les repères
identificatoires, notamment dans les familles monoparentales ou recompo-
sées, sont multiples, mouvants, absents et quelquefois même impossibles
à mettre en place. Les limites intergénérationnelles peuvent s’estomper,
voire s’effacer. S’est progressivement constitué un démaillage du système
familial, avec une raréfaction du sentiment de permanence et du lien avec
le passé.
Ces éléments familiaux ont nécessairement des conséquences sur les pos-
sibilités ou impossibilités d’identification, sur les modalités identificatoires
du jeune et sur le processus de séparation-individuation nécessaire à l’ado-
lescence et mis à mal lors des passages à l’acte suicidaire.
Données sociologiques et culturelles 47

Suicide et travail
Depuis les années 1950, la société française a fonctionné à partir du postu-
lat implicite que le fait de travailler était une donnée intangible des socié-
tés contemporaines. Travailler était au xixe siècle un devoir pour les classes
populaires, considérées comme dangereuses par l’ordre bourgeois et reli-
gieux, l’oisiveté des plus démunis étant effrayante et inquiétante : « qui ne
travaille pas est considéré volontiers comme un délinquant » (Bart, cité par
Demazière, 1995). Le travail, considéré comme un droit, est actuellement
vécu comme «  une expérience sociale centrale  » (Maruani et Reynaud,
1993).
Depuis les années  1980, deux événements sociaux ont profondément
modifié le paysage social français. Tout d’abord, la population active s’est
transformée sous l’influence de deux phénomènes : l’afflux des femmes sur
le marché du travail et le rétrécissement de la pyramide des âges aux deux
extrémités, avec la diminution des actifs de moins de 25 ans et des actifs
de plus de 55 ans. Puis la crise, avec irruption d’un chômage massif et mul-
tiplication des formes particulières d’emploi, a généré une situation de ra-
tionnement et de déstabilisation qui affecte actuellement l’ensemble de la
population active.

Catégories socioprofessionnelles et suicide


Contrairement à ce que soutenait Durkheim, qui considérait que la misère
protégeait du suicide, le risque suicidaire est deux à trois fois plus élevé,
parfois plus dans certaines études (d’un facteur  4 ou  6), dans les classes
ouvrières que dans les catégories socioprofessionnelles prises dans leur en-
semble (Platt et Hawton, 2000 ; Stack, 2000 ; Mäkinen et Wasserman, 2009).
Dans les basses classes professionnelles, maintes conditions suicidogènes
sont plus souvent réunies, comme l’instabilité professionnelle et familiale,
les problèmes financiers et les troubles psychiques telles les addictions et la
dépression (Stack, 2000).

Stress et travail
Le stress lié au travail est une donnée importante à considérer dans notre
société actuelle, et la prévention des risques psychosociaux et du suicide
en milieu professionnel est une telle priorité nationale qu’un chapitre lui
est consacré. Sont plus exposées aux conduites suicidaires les personnes
travaillant isolément, les femmes ayant une activité traditionnellement
considérée comme masculine et les personnes chargées de clientèle, entre
un supérieur hiérarchique exigeant des résultats et des clients très souvent
mécontents.
48 Définitions, épidémiologie et déterminants

Morbidité psychiatrique
La morbidité psychiatrique associée joue également un rôle non négligea-
ble, surtout dans certaines professions comme les professions artistiques.

Facteurs d’opportunité
Certaines professions, comme les professions médicales, les fermiers ou les
policiers, ont un accès direct à des moyens létaux.

Risque suicidaire propre à certaines professions


Certaines professions semblent marquées par un risque suicidaire propre
nettement plus élevé que le risque national moyen. Stack  (2004) met en
évidence douze professions sur trente-deux ayant un risque suicidaire supé-
rieur à celui de la population générale.

Professions médicales et paramédicales


• Les études sont contradictoires chez les médecins. Certaines concluent
à un risque suicidaire guère plus élevé que la moyenne. La majorité consi-
dère néanmoins que les professions médicales et paramédicales ont un ris-
que suicidaire environ deux fois supérieur à la normale. Sont mis en cause
le stress professionnel induit par un haut niveau de responsabilité et un
sentiment de solitude, l’abus fréquent d’alcool et de psychotropes, ainsi
que l’accès aisé à un moyen suicidogène. Les soins psychiques reçus par le
médecin lui-même et les pertes financières majorent le risque à l’acte. Les
femmes médecins ont quatre fois plus de risque suicidaire que la population
générale, leur métier stressant étant encore traditionnellement considéré
comme plutôt masculin.
• Les dentistes et les pharmaciens ont également un risque suicidaire plus
élevé que la population générale. Ce risque serait attribué au fait que ce
sont des métiers relativement solitaires, pas toujours gratifiants en ce qui
concerne les dentistes, et permettant un accès rapide et sûr à un moyen
létal.
• Le risque suicidaire plus important des vétérinaires (d’un facteur 3) s’ex-
plique par un travail le plus souvent rural, relativement isolé, et des moyens
létaux aisément disponibles.
• Les professions paramédicales sont avant tout des professions féminines,
mais au risque suicidaire plus élevé que la moyenne, ce qui peut être expli-
qué par les lourdes responsabilités et le niveau de stress pas toujours recon-
nus, ainsi par les moyens disponibles.
En dehors des professions médicales
• Les artistes ont un risque suicidaire deux à trois fois plus élevé que celui
de la population générale, ce risque étant généralement attribué à la fré-
quence des troubles psychiques retrouvés dans cette sous-population parti-
culière.
Données sociologiques et culturelles 49

• Les policiers, les surveillants de prison et les militaires, porteurs d’une arme
de service, sont considérés comme ayant un risque supérieur.
• Les agriculteurs se caractérisent par une mortalité suicidaire élevée, sur-
tout en France. Ce sont des hommes très solitaires, très peu entourés, sou-
mis à des pressions professionnelles fortes aggravées par les impacts des
crises économiques et les pressions politiques de la mondialisation, d’où les
fréquents problèmes financiers. Les troubles psychiques fréquents (alcool
et surtout dépression) sont rarement détectés ou reconnus, ou traités de
façon peu adéquate. Les troubles physiques qui limitent les activités profes-
sionnelles majorent la potentialité de la dépression. Les pensées suicidaires,
rarement communiquées à autrui, ont souvent précédé le suicide, et le pre-
mier geste est fatal une fois sur deux.

Mobilités professionnelles
La mobilité professionnelle, dans le sens d’ascenseur social ou de déclasse-
ment professionnel, est-elle liée aux conduites suicidaires ?
Cette mobilité prend deux aspects, une forme intergénérationnelle et une
forme intragénérationnelle.
Dans la dimension intergénérationnelle, les enfants peuvent avoir une pro-
fession socialement supérieure à celle de leurs parents et plus particulière-
ment de leur père. C’est l’ascenseur social qui les conduit de facto dans un
autre milieu, où il leur faut acquérir d’autres valeurs et d’autres normes de
vie. Ils peuvent également rester dans le même cadre social que leurs pa-
rents ou avoir une profession considérée comme socialement inférieure.
Les rares études réalisées dans ce domaine sont contradictoires, certaines
signifiant un risque suicidaire plus élevé chez ceux ayant un statut socio-
professionnel supérieur à celui de leurs parents, et d’autres, un peu plus
fréquentes, soulignant que ce risque est plus important chez ceux ayant un
statut inférieur, par sentiment de frustration et perte d’estime de soi et des
autres.
Dans la dimension intragénérationnelle, le déclassement professionnel aug-
mente significativement le risque de suicide. Une étude rapportée par Stack
(2000) note que 33 % des suicidés employés à temps complet ont été déclas-
sés, contre 5 % dans la population témoin ; 50 % des suicidés employés à
temps partiel ont également connu le déclassement ; 51 % des suicidés ont
connu une baisse de leurs revenus dans les années précédant leur suicide
contre 11 % de la population témoin.

Chômage et suicide
La crise économique mondiale du début du xxie siècle n’est pas sans rap-
peler celle de 1929. En France, plus de 3 327 200 chômeurs sont recensés
50 Définitions, épidémiologie et déterminants

en janvier  2009, et cette augmentation frappe plus durement les jeunes


de moins de 25 ans, avec une augmentation de 23 % en un an, alors que
l’augmentation sur cette même période est de 14 % pour les 25-49 ans et de
moins de 4 % pour les plus de 50 ans. Le taux de chômage français, de 8,2 %
fin 2008, est de l’ordre de 10 % début 2010, les régions les plus touchées
étant le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine et la Franche-Comté.

Données macro-économiques
L’un des pays les plus industrialisés, le Japon, durement frappé par la crise
économique, a vu croître son nombre de suicides de façon importante, pas-
sant de 22 000 par an en 1997-1998 à plus de 30 000 par an. D’une façon
plus générale, on estime que la crise économique asiatique est responsable
de plus de 10 000 suicides en 1998 par rapport à 1997 au Japon, en Corée et
à Hong Kong, avec une augmentation du taux de suicide chez les hommes
de 39 % au Japon, de 44 % à Hong Kong et de 45 % en Corée, l’impact étant
moindre chez les femmes et en Thaïlande (Chang et al., 2009 ; Jai et al.,
2008 ; Inoue et al., 2007 ; Yamasaki et al., 2008).
Considérant les données macro-économiques de vingt-six pays européens
touchés par l’actuelle récession économique, Stuckler montre qu’une aug-
mentation de 1 % du chômage est associée à une majoration de 0,79 % des
suicides chez les moins de 65  ans, sans effet notable sur les autres causes
de mortalité. Les hommes âgés de  33 à  44  ans et les femmes âgées de  15
à 29 ans sont les plus touchés. Ce type d’étude ne considère que le court ter-
me et n’évalue pas l’insécurité professionnelle et les conséquences de la crise
économique actuelle dans ses effets à long terme (Stuckler et al., 2009).

Les données macro-économiques sont-elles applicables au


niveau individuel ?
Le taux de chômage est nettement plus élevé chez les suicidants que dans la popula-
tion générale. Soixante-treize pour cent des suicidants sont au chômage pour
Jones et al. (1991), contre 28 % en population générale ; les chiffres sont
similaires pour Bille-Brahe et al. (1987) qui retrouvent dans leur échantillon
de suicidants 64 % des chômeurs contre 24 % en population générale
Le risque suicidaire est plus élevé chez les chômeurs que chez les non-chômeurs
et s’accroît avec la durée du chômage. Pour Platt, le risque suicidaire est en
moyenne douze fois supérieur chez un chômeur que chez un non-chômeur,
et s’accroît avec la durée du chômage ; le risque de tentative de suicide est
six fois plus important si le chômage est inférieur à 6 mois, il est dix fois
plus important si le chômage est de 6 à 12 mois, pour atteindre un risque
vingt à trente fois plus élevé en cas de chômage de longue durée, c’est-
à-dire au-delà d’un an (Platt, 2000). Le risque suicidaire est associé d’une
façon plus importante aux premiers temps du chômage pour les hommes,
et au chômage plus marqué dans la durée pour les femmes (Johansson
Données sociologiques et culturelles 51

et Sundquist, 1997 ; Kposowa, 2001). Les suicidantes ont neuf fois plus sou-
vent une expérience de chômage dans les cinq dernières années et dix-huit
fois plus pendant l’année écoulée que les femmes n’ayant pas vécu l’expé-
rience du chômage (Runeson et al., 1996).
Les chômeurs suicidants appartiennent très souvent aux classes sociales
les moins favorisées. Mais avoir un travail n’est pas synonyme d’une bonne
intégration dans l’environnement. Parmi les 2 256 hommes évalués réguliè-
rement depuis leur enfance, 12 % d’entre eux ont fait l’expérience du chô-
mage entre 22 et 32 ans, et les facteurs prédictifs en étaient les conditions
socio-économiques et psychologiques défavorables dès l’enfance (Montgo-
mery et al., 1999). Être une femme seule et au chômage est une situation
associée à la tentative de suicide indépendamment de toute pathologie psy-
chiatrique (Runeson et al., 1996).
Certaines classes d’âge apparaissent plus vulnérables, notamment les
hommes d’âge moyen vivant un chômage de longue durée dont la princi-
pale conséquence est la diminution de l’estime de soi (Broomhall et Wine-
field, 1990 ; Lester et Yang, 2003).
La part attribuable au chômage dans les gestes suicidaires est variable en fonc-
tion des études, estimée à 7,3 % pour Beautrais et al. (1998), à 6 % pour Bla-
kely et al. (2003) et à 2,8 % pour Qin et al. (2003), qui considèrent, comme
Fergusson et al. (2001, 2007), qu’une part importante de cette relation est
attribuable à des facteurs d’enfance, des facteurs familiaux et des facteurs
psychiatriques eux-mêmes associés à un haut risque suicidaire.

Nature de la relation entre suicide et chômage


Le chômage est le plus souvent considéré comme la variable socio-
économique la plus directement liée au suicide, multipliant par 2 à 2,6 le
risque de suicide (Johansson et Sundquist, 1997  ; Agerbe, 2003  ; 2007  ;
­Lundin et al., 2009).
Sans sous-estimer le rôle du chômage et par extension celui de l’instabili-
té professionnelle, l’hypothèse de la chaîne directement causale, c’est-à-dire
le chômage engendrant la réalisation de gestes suicidaires, n’est générale-
ment pas retenue. Le chômage et, de façon plus large, l’absence d’emploi
ou la précarité professionnelle induisent des modifications parfois impor-
tantes au sein des familles, comme les problèmes financiers, les nouvelles
répartitions des tâches et des rôles de chacun ou les tensions internes qui,
conséquences indirectes du chômage, sont plus souvent mises en avant par
le sujet au décours du geste suicidaire (Dew et al., 1991).
Blakely et al. (2003) retrouvent une association modérée mais néanmoins
indépendante entre chômage et risque suicidaire, tout en reconnaissant
le rôle des facteurs familiaux et psychiques. Pour Lundin et al. (2009), les
sujets présentant des indices de troubles mentaux ou d’autres facteurs de
52 Définitions, épidémiologie et déterminants

risque suicidaire ont plus de risques de devenir chômeurs, et les chômeurs


ont plus de risques de suicide que les actifs. Les caractéristiques personnelles
des individus prennent une place considérable dans la recherche d’emploi
compte tenu de la conjoncture sociale défavorable, et toute fragilisation
ou vulnérabilité précoce pourrait être un handicap supplémentaire dans
cette lutte pour l’emploi (Hawton et al., 1988). Dans cette hypothèse, le
risque suicidaire qui augmente avec la durée du chômage reflète la plus
grande fragilité psychologique des chômeurs de longue durée, et n’est donc
pas attribuable au chômage lui-même. L’intrication entre geste suicidaire et
chômage ne peut donc être que fort complexe (Chang, 2007).

Stress au travail, dépression et suicide


L’impact du stress au travail et ses relations avec les nouvelles formes d’organi-
sation du travail sont actuellement bien démontrés. Les conséquences en sont
nombreuses  : absentéisme, présentéisme, difficultés de concentration et de
prise de décision, réduction de la motivation au travail, problèmes dans l’or-
ganisation des tâches et baisse d’estime de soi. L’environnement au travail est
également source de stress, soit par l’effet délétère de travailler trop seul, soit
par le fait d’être trop encadré sans aucune latitude décisionnelle. Les compor-
tements de peur, de violences agies ou subies et de conflits peuvent déboucher
sur des situations de harcèlement. Les salariés exposés à de fortes pressions
psychologiques ont deux fois plus de risques de présenter des symptômes mi-
neurs et des dépressions caractérisées ou de l’anxiété généralisée, alors qu’ils
étaient jusqu’alors indemnes de tout trouble psychique (Melchior et al., 2007 ;
Woo et Postolache, 2008). Une perception négative des événements au travail,
une combinaison de fortes contraintes de travail et de faibles latitudes de dé-
cision majorent la souffrance au travail et les symptômes psychiques, notam-
ment dépressifs, qui en résultent (Stansfeld et Candy, 2006 ; Bonde, 2008).

Dans le contexte économique actuel


La crise mondiale pourrait bien constituer un terrain d’expérimentation à
grande échelle permettant de mieux comprendre l’articulation de ces phé-
nomènes. D’un point de vue sociétal, Stuckler et al. (2009) mettent en lu-
mière une corrélation entre l’augmentation rapide et récente des taux de
chômage et une augmentation significative des taux de suicide. Il est parti-
culièrement intéressant de constater que cet effet est largement amorti dans
les pays qui sont dotés d’un système de protection sociale fort. Les effets du
chômage sont différents selon le contexte de protection sociale, avec une
forte influence médiatrice entre les fragilités individuelles et le suicide là où
la protection est faible et où le changement de situation introduit moins de
bouleversements personnels, que dans les systèmes capitalistes plus libéraux.
L’augmentation actuelle des appels aux hotlines de détresse psychologique
aux États-Unis en est sans doute une illustration (Stuckler et al., 2009).
Données sociologiques et culturelles 53

Suicide et genre
Le suicide a-t-il un genre ?
L’analyse des décès par suicide confronte à un vrai paradoxe, du moins
en Europe. Les hommes se suicident en moyenne trois fois plus que les
femmes. Il existe un lien démontré par les autopsies psychologiques entre
l’existence d’un trouble psychique, et plus particulièrement la dépression,
et le suicide. Or, toutes les études épidémiologiques le prouvent, la dépres-
sion est plus souvent retrouvée chez les femmes. De même, les tentatives
de suicide sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, mais
elles sont néanmoins l’un des principaux facteurs de risque d’un suicide
ultérieur (Mishara et Tousignant, 2004).
Centrer ce propos sur l’Europe parce que nous y résidons est particuliè-
rement réducteur. En effet, de grands pays, comme l’Inde et la Chine, qui
représentent à eux deux un tiers de la population mondiale, sont des excep-
tions connues, où les taux de suicide féminin sont particulièrement élevés,
avec des distributions assez similaires dans les deux sexes. Sont alors mises
en avant comme facteurs explicatifs des hypothèses plus sociales en rapport
avec le statut de la femme dans ces pays.
Néanmoins, comment expliquer ce paradoxe masculin du suicide ?
D’une façon très simpliste, Durkheim, déjà confronté à ce problème,
considérait, à juste titre, que la famille protégeait, mais créditait les femmes,
et plus particulièrement les célibataires, d’une moindre intelligence et d’une
moindre créativité, ce que plus personne n’oserait écrire actuellement.
Il est actuellement avancé que les hommes se suicident plus parce que les
moyens utilisés (pendaison, armes à feu) sont plus létaux, les femmes leur pré-
férant les intoxications médicamenteuses, par disponibilité, par « tradition »
ou par une relation différente à l’image du corps, en pensant à ceux qui vont
les retrouver. Les hommes témoignent de plus d’impulsivité et de violence.
L’expérience de l’île de Gotland, détaillée dans le chapitre 13, « Le méde-
cin généraliste », a bien montré que la prévention habituelle du suicide par
une meilleure détection et prise en charge de la dépression profitait essen-
tiellement aux femmes, et non pas aux hommes qui par ailleurs n’avaient
pas plus consulté qu’auparavant. L’hypothèse retenue est que la dépression
chez les hommes se manifeste de façon différente, par plus d’agressivité,
de comorbidité – avec l’alcool – ou de traits de personnalité avec des com-
portements agis de nature antisociale. Les activités «  paravent  » seraient
différentes, plus agies pour les hommes (sport, alcool, tabac) que pour les
femmes (religion, lecture, expression des sentiments). La dépression serait
mieux détectée chez les femmes, qui verbalisent mieux leurs émotions,
qui consultent plus et parce que les critères diagnostiques actuels leur cor-
respondraient mieux. Une échelle de dépression considérée comme plus
54 Définitions, épidémiologie et déterminants

spécifique aux hommes (The Gotland Scale for Assessing Male Depression) a
d’ailleurs été élaborée par Rutz et Rihmer (2009). Cet autoquestionnaire re-
cherche plus spécifiquement l’irritabilité, l’agressivité, le sentiment d’épui-
sement, de fatigue inexplicable, le recours aux médicaments et à l’alcool,
les troubles du sommeil, la perception que l’entourage peut avoir de la per-
sonne, et les éventuels antécédents familiaux.
Tous ces éléments, y compris les données transculturelles, renvoient à la
notion de genre et non de sexe, opposant en fait le genre masculin au genre
féminin (Maris et al., 2000b ; Houle et al., 2008 ; Payne et al., 2008). Il est
traditionnellement attribué au genre masculin des valeurs de stoïcisme (un
homme ne doit pas exprimer ses émotions), d’autonomie (un homme doit
résoudre lui-même ses problèmes), de réussite (un homme doit réussir tout
ce qu’il entreprend), et un potentiel d’agressivité (un homme doit être ca-
pable d’être agressif si besoin). Le genre féminin est habituellement lié aux
relations aux enfants, aux autres, à la vie de famille et aux liens sociaux.
Les suicidants ayant vécu dans l’année un événement particulièrement
stressant (rupture, divorce, décès d’un proche, maladie, etc.) adhèrent beau-
coup plus au rôle traditionnel attribué à l’homme que les non-suicidants,
qui ont tendance à plus et mieux exprimer leurs émotions et rechercher de
l’aide (Houle et al., 2008). Cette notion de genre pourrait être le maillon
intermédiaire entre l’homme et la dépression et expliquer en partie la sur-
mortalité masculine par suicide. En effet, si beaucoup d’études s’intéressent
au suicide du jeune ou au suicide du sujet âgé, peu s’intéressent à l’adulte
en milieu de vie. Or, 40-50 ans correspond à un palier de vie, où l’on peut
ressentir, après une période de créativité, une relative stagnation. C’est une
période propice aux pertes (décès des parents, des amis), aux maladies,
aux changements de vie (divorce, ruptures), aux problèmes professionnels
(changement de travail, perte d’emploi) et à la renégociation des objectifs de
vie. C’est une « crise de milieu de vie », où les événements de vie contraires
peuvent s’enchaîner rapidement, débordant les capacités d’adaptation de la
personne, avec le sentiment de perdre le contrôle de sa vie, d’autodéprécia-
tion, d’avoir honte de ne pas avoir atteint ses objectifs ou de perdre ce qu’il
avait atteint. Ces blessures narcissiques peuvent s’avérer plus déstabilisantes
et mortifères chez l’homme que chez la femme, qui aura quant à elle gardé,
même si elle travaille, plus de relations familiales et sociales, filet protecteur
qu’il lui serait difficile, de par son genre, de rompre.

Conduite suicidaire et homosexualité


Les études portant sur les relations entre les comportements suicidaires et
l’orientation sexuelle, bien que relativement nombreuses, n’émanent que des
pays de l’Ouest reconnaissant l’homosexualité. Toute généralisation est donc
impossible, et ces conduites sont par ailleurs fort probablement sous-estimées.
Données sociologiques et culturelles 55

Des conduites suicidaires plus fréquentes


Les rares travaux portant spécifiquement sur les décès par suicide chez
les homosexuels ne montrent pas de fréquence supérieure à celle décrite
en population générale. En revanche, les idées suicidaires sont extrême-
ment fréquentes, de l’ordre de  30 à  50  %, chez les homo- et bisexuels
(Bagley et Tremblay, 2000 ; D’Augelli et al., 2005 ; Eisenberg et Resnick,
2006  ; Warner, 2004), et les tentatives de suicide sont rapportées par
environ un tiers d’entre eux, soit un risque estimé à deux fois celui des
hétérosexuels (King et al., 2008), sans discrimination d’âge (De Graaf
et al., 2006).

L’homosexualité augmente également le risque de dépression


et d’anxiété
Les homo- et bisexuels des deux sexes ont une fois et demie plus de risque
de présenter des troubles anxiodépressifs avec des conduites addictives plus
fréquentes chez les femmes (King et al., 2008).

Facteurs explicatifs ou déclenchant le geste


Une découverte précoce de l’homosexualité peut conduire à un rejet fami-
lial et une marginalisation précoce. Celle-ci peut se manifester sous forme
d’homophobie, de persécutions, de brimades à l’école ou en famille, et de
discrimination (Bagley et Tremblay, 2000 ; D’Augelli et al., 2005 ; De Graaf
et al., 2006 ; Paul et al., 2002). Quatre-vingt-trois pour cent des suicidants
homosexuels ont vécu un climat de discrimination (dommages matériels,
attaques personnelles, insultes et brimades) attribué par 66 % à leur choix
sexuel, surtout pour ceux de moins de 40 ans.
La sensibilité exacerbée au rejet provoque souvent des gestes suicidaires
en rapport avec des ruptures amoureuses, des coming out douloureux ou des
rejets familiaux (Plöderl et Fartacek, 2005).
Le risque suicidaire est augmenté en présence de troubles psychiques et
plus particulièrement de dépression marquée par une faible estime de soi
et du désespoir, surtout s’il existe un « modèle suicidaire » dans l’entourage
(van Heeringen et Vincke, 2000).
Les comportements suicidaires des homo- et bisexuels ne génèrent pas de
réelle empathie. Ces conduites sont imputées au genre féminin et s’avèrent
donc nettement moins acceptables pour les hommes qu’un geste faisant
suite, par exemple, à un échec universitaire ou une maladie (Cato et Ca-
netto, 2003).
Cependant, malgré un certain rôle protecteur de la famille et des amis, ni
la compréhension familiale ni la tolérance sociale ne diminuent le risque
suicidaire (De Graaf et al., 2006 ; Warner, 2004).
56 Définitions, épidémiologie et déterminants

Diversités culturelles du suicide


Les comportements suicidaires ne se réduisent pas à une explication pu-
rement psychiatrique. Reflets de la complexité humaine, ils sont par défi-
nition multidéterminés, et l’approche sociologique, culturelle et religieuse
est particulièrement importante dans la compréhension du phénomène
suicidaire.

L’Asie face au suicide


En Chine
La tradition chinoise, tant culturelle que religieuse, demeure forte et diffère
considérablement des traditions occidentales et judéo-chrétiennes.
La religion est fondée sur les théories morales de Confucius, dans lesquelles
le suicide, sans jamais être le bon choix, est néanmoins moralement accep-
table pour protéger morale et vertu, et sur le taoïsme, aux positions plus
distantes face au suicide. Dans la Chine impériale traditionnelle, le suicide
était le meilleur choix pour protéger honneur, dignité et intégrité  ; il ac-
quérait alors une haute signification morale que les écrits de Mao n’ont pas
réussi à annihiler (Fei, 2009).
En Chine, le suicide n’a donc jamais été strictement interdit ou stigmatisé.
Il est au contraire considéré comme une tradition respectable pour résister
et protéger sa dignité. Pour un Chinois traditionnel, seuls les suicides réa-
lisés par des personnes indemnes de troubles psychiques sont des suicides
typiques. Une personne souffrant de troubles psychiques qui se tue ne se
suicide pas : c’est un « accident », car cet acte n’est pas sous-tendu par une
signification sociale ou une résistance à quelque chose ou quelqu’un.
La Chine est le seul pays où les femmes se suicident plus que les hommes,
et le taux de suicide est particulièrement élevé dans les zones rurales (Phillips
et al., 1999, 2002 ; Qin et Mortensen, 2001 ; Zang et al., 2004 ; Yip et Liu,
2007). La place de la femme est singulière. Dans le monde traditionnel du
travail, il n’est pas rare que l’homme quitte la campagne pour la ville, ou
il se constitue une seconde famille urbaine. Les femmes restent alors seules
à la campagne, où elles ont moyen d’accéder aisément aux pesticides fré-
quemment utilisés. Les recours aux soins en urgence, assez difficile dans ces
zones rurales reculées peu médicalisées, expliquent le fort taux de morta-
lité.
La place de la dépression et du mal-être psychique est également particu-
lière ; les personnes souffrant de troubles psychiques demeurent stigmati-
sées et ne sont pas considérées comme ayant toute leur intégrité. Il est hon-
teux de parler de ses problèmes psychologiques (Parker et al., 2001). Une
certaine reconnaissance de la souffrance psychique est tout à fait récente
Données sociologiques et culturelles 57

dans un pays où le régime politique a longtemps considéré la dépression


comme une maladie strictement occidentale, et a longuement nié l’apport
de la psychanalyse. Il y a proportionnellement moins de ressources en santé
mentale en Chine que dans les pays occidentaux. En effet, on dénombre
en Europe un psychiatre pour 3 000  à 5  000  personnes, et en Chine un
psychiatre pour 100 000 personnes (Lee et al., 2007 ; Jiang et Cheng, 2009 ;
Shuiyuan, 2009).

Au Japon
Dans le Japon traditionnel, la religion, le « shinto », a une position plutôt
ambivalente face au suicide. Tout en le condamnant, car cette religion
prône le respect de la vie transmise par les ancêtres et donnée par la na-
ture, le suicide sacrificiel, qui n’empêche pas le retour de l’homme à la
nature, est pardonné. Les traditionnels suicides pour l’honneur sont bien
ancrés dans la culture japonaise, tel le seppuku des samouraïs (suicide
rituel par éventration pour mourir dans l’honneur et éviter de tomber
dans les mains de l’ennemi) ou sa forme plus connue, le hara-kiri, avec
un coup de poignard profond dans l’abdomen. Les kamikazes de la Se-
conde Guerre mondiale reflètent également la culture japonaise, où le
suicide est pour le soldat japonais le véritable acte honorable (Kaneko
et al., 2009).
Au cours du temps, la société est devenue plus individualiste que groupale
et les méthodes suicidaires utilisées dans le Japon contemporain sont ac-
tuellement très proches de celles utilisées dans les pays occidentaux. Mais il
existe des formes de suicide très spécifiques au Japon contemporain comme
le shinju, ou suicide familial, détaillé dans le chapitre 12, « Suicides collec-
tifs », et le karôjisatsu, le suicide lié au travail et explicité dans le chapitre 19,
« Prévention du suicide en milieu professionnel ».
Bien que le suicide puisse être stigmatisé dans le Japon actuel comme
dans les cultures occidentales, beaucoup de Japonais ne considèrent pas le
suicide comme un comportement anormal et éprouvent de la compassion
dans les cas de suicides familiaux, pactes suicidaires ou homicide suicide.
Traditionnellement, l’acte suicidaire est la forme la plus élevée du sacrifice,
mais une personne qui commet un geste qui n’aboutit pas n’est pas consi-
dérée comme honorable, la personne et sa famille étant plutôt rejetées par
la société et objets de honte et de disgrâce.
Les troubles mentaux constituent au Japon un immense problème de
santé publique et font l’objet d’une telle stigmatisation qu’ils empêchent
les personnes de consulter. Les troubles psychiques ne sont pas considérés
comme des maladies, mais comme une absence de volonté, un problème de
self-control et de faiblesse de caractère : c’est une faute individuelle (Kawa-
nishi et Kanoko, 2009).
58 Définitions, épidémiologie et déterminants

En Inde
En Inde, le Code pénal considère le suicide comme punissable, ce qui n’est
pas sans conséquences. En effet, nombre de médecins hésitent à considérer
les gestes suicidaires en tant que tels ou à les prendre en charge par peur des
problèmes légaux, et nombre de tentatives de suicide sont donc déclarées
comme des « accidents ».
Et là réside toute l’ambiguïté de l’Inde face au suicide. Le suicide est pu-
nissable par la loi et condamné par l’hindouisme, l’une des plus vieilles
religions du monde, qui agit comme un mode de vie pour les Hindous  ;
cependant, les suicides religieux sont excusables, voire glorifiés. Le suicide
est donc beaucoup plus lié aux problèmes psychosociaux qu’aux problèmes
psychopathologiques. C’est ainsi qu’ont été décrits dans l’Inde ancienne les
suicides religieux dits mahaparasthana ou great journey, où l’homme marche
jusqu’à épuisement vers le nord-est, et le jauhar, suicide de masse réalisé par
une communauté médiévale face à une défaite pour échapper à la honte, à
la torture et au déshonneur, pouvant donc concerner hommes, femmes et
enfants (Vijayakumar, 2009). Le sati correspond à l’immolation de femmes
hindoues se jetant dans le bûcher funéraire de leur époux ou s’immolant
après le décès, car elles n’ont plus aucun rôle social. En réalisant le sati, la
femme est acclamée, considérée comme une martyre dont le sacrifice est
censé protéger sa famille sur trois générations (Bhugra, 2004).
Bien qu’actuellement interdite, l’immolation par le feu demeure un phé-
nomène particulier toléré et parfois même encouragé et, en tout cas, ac-
cessible dans chaque maison. Cette méthode, actuellement utilisée dans
10 % des suicides (majoritairement des femmes), est en lien avec la culture
hindoue dans laquelle le feu est sacré et sanctifie les naissances, les mariages
et les décès par la crémation.
Les femmes indiennes se suicident plus que les femmes occidentales et
utilisent dans 37 % des cas le poison, dans 36 % des cas la pendaison et dans
8 % des cas l’immolation. Ce sont surtout des facteurs sociaux liés au sta-
tut de la femme qui expliquent ces gestes, comme par exemple le divorce,
les affaires de dot, les annulations de mariage, une grossesse illégitime ou
une relation extramaritale (Maselko, 2008). Ceux qui s’aiment mais dont
l’amour est désapprouvé par leur famille songent souvent au suicide, seuls
ou ensemble dans le cadre d’un pacte suicidaire, car une telle attitude rompt
les liens familiaux et constitue un réel défi aux familles. Sont ainsi expliqués
3 % des suicides (Tousignant et al., 1988 ; Sharma, 2007 ; Vijay et Links,
2007 ; Mohanty et al., 2007).
L’approche préventive du suicide en Inde est délicate, car ce pays est
confronté à beaucoup d’autres priorités de santé publique. Les services de
santé mentale sont peu nombreux pour répondre aux besoins, et on comp-
tabilise 3  500  psychiatres pour un billion d’habitants. Des organisations
Données sociologiques et culturelles 59

non gouvernementales proposent des débriefings psychologiques pour


suicidants, et cette approche spécifique a apporté une amélioration notable
des symptômes dépressifs (Vijayakumar, 2009).

L’Afrique (Schlebusch et al., 2009)


L’Afrique est un continent marqué par l’instabilité sociopolitique où s’en-
trecroise un melting-pot culturel et religieux. Le fort taux de SIDA, le chô-
mage important et les pressions économiques jouent également un rôle
non négligeable.
Bien que les données sur le suicide ne soient pas nombreuses, il semble
que les conduites suicidaires ne soient pas aussi rares que ne voudrait le
faire croire la tradition. D’une façon globale, les suicides semblent moins
nombreux à l’ouest et au nord qu’au sud et à l’est. Le rapport hommes/
femmes peut varier considérablement, passant de 1,75 en Égypte à 9 aux
Seychelles. Les personnes âgées sont protégées par les traditions, alors que
les plus jeunes sont fortement touchés par l’opposition entre culture tra-
ditionnelle et culture occidentale et les conflits qui en résultent. Les évé-
nements marquants comme l’apartheid en Afrique du Sud ont laissé des
marques de potentiels suicidogènes sur les jeunes générations. Les tenta-
tives de suicide des jeunes Blancs d’Afrique du Sud sont similaires et aussi
nombreuses qu’en Europe.
Les Africains ont une approche très différente de la maladie mentale. La
dépression s’exprime par des symptômes cliniques non répertoriés dans le
DSM-IV, ce qui peut en partie en expliquer la sous-estimation. Certaines
communautés attribuent la maladie mentale aux mauvais esprits, à la co-
lère des ancêtres ou à des pouvoirs surnaturels. Le suicide éventuellement
lié à la maladie acquiert donc une signification différente sans pour autant
être excusé. Le suicide est acceptable non seulement en en phase terminale
d’une maladie, mais aussi pour détruire l’ennemi, protéger la patrie et en
tant qu’acte héroïque.
Le mode de vie traditionnel fondé plus sur la communauté que sur l’indi-
vidu et la dimension pragmatique de la religion a une influence protectrice
considérable sur ce continent.

Migrants
L’émigration, quelles qu’en soient ses raisons (politiques, économiques,
culturelles), est un processus long et difficile comprenant différentes éta-
pes : la pré-émigration, lorsque les personnes décident d’émigrer et élabo-
rent leurs stratégies, la migration physique en temps que telle, puis la post-
migration, lorsque les personnes sont confrontées à une nouvelle culture et
à une nouvelle société. L’émigration, réel événement de vie majeur et
60 Définitions, épidémiologie et déterminants

­ éstabilisant, n’aura pas le même impact sur les individus si elle est choisie
d
ou contrainte, et si elle les conduit loin de leurs racines. Elle sous-tend
égale­ment un processus d’acculturation, c’est-à-dire un processus d’adapta-
tion d’un individu ou d’un groupe à un autre groupe social.
Il est habituellement considéré que le nombre de suicides peut être plus
élevé dans certains groupes d’émigrés. Les tentatives de suicide sont plus
souvent le fait des femmes jeunes contraintes de suivre leurs conjoints. La
religion, la cohésion familiale et l’existence d’un réel support social sont des
facteurs de protection contre la dépression pendant le processus d’accultu-
ration (Sharma et Bughra, 2009).
4 Données biologiques
et neuro-anatomiques

Génétique
Compte tenu des extrêmes complexités et variabilité des comportements
auto-agressifs et notamment suicidaires, ainsi que du caractère transnoso-
graphique de la crise suicidaire, il est finalement assez surprenant que la gé-
nétique, dans son aspect de « science dure », se soit avérée un outil d’inves-
tigation pertinent. Les querelles nature/culture ont de tout temps traversé
l’histoire de la psychiatrie et, finalement, le gène de la folie, le gène de la
schizophrénie ou le gène de la psychose maniaco-dépressive, pour prendre
les exemples de maladies bien caractérisées, n’ont jamais été mis en évidence.
Au contraire, quelques gènes candidats pour rendre compte de certaines
formes cliniques, ou une influence héritable diffuse, prédisposante plus que
causale, ont pu être invoqués.
Le même flou existe si l’on se penche sur la problématique suicidaire.
Dans l’hypothèse d’un modèle stress/diathèse, même si un certain nombre
de circonstances existentielles ou d’événements de vie ont pu être impli-
qués dans les comportements suicidaires, tous les sujets qui traversent les
mêmes épreuves n’y succombent pas, ce qui laisse supposer des facteurs de
fragilité intrinsèques ou, à l’opposé, des facteurs de résilience personnelle.
Les études étayant l’existence de composantes génétiques, directes ou indi-
rectes, dans la genèse du comportement suicidaire sont d’abord les études fa-
miliales, mais surtout les études de jumeaux, ainsi que les études d’adoption.

Études familiales
Elles consistent à comparer le taux de suicide ou de comportements suicidaires
chez des apparentés de suicidés ou de suicidants, avec ces mêmes com­
portements d’une population témoin aussi appariée que possible, constituée
d’apparentés de sujets, patients ou non, sans problématique suicidaire.
Très nombreuses, elles ont largement alimenté le vieux débat, aujourd’hui
obsolète, entre les partisans de l’influence environnementale ou psychody-
namique et les « organicistes ».
La transmission au sein des familles est un « héritage » dont il n’est pas
possible de séparer la composante naturelle et la composante culturelle
ou psychosociale. Ce qui se transmet au sein des familles touchées par

Le geste suicidaire
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62 Définitions, épidémiologie et déterminants

le comportement suicidaire peut être constitué de phénomènes patholo-


giques, troubles psychiatriques (dont le mécanisme de transmission est
lui aussi en débat), tout comme d’événements, de traditions ou de styles
comportementaux plus ou moins complexes.
Les études familiales montrent ainsi une multiplication du risque de passage
à l’acte suicidaire chez les apparentés de sujets souffrant de divers troubles de
l’humeur, selon qu’ils ont réalisé un geste auto-agressif, comparé à des sujets
n’ayant pas réalisé un tel geste. L’augmentation des passages à l’acte suicidaire
chez des toxicomanes abstinents, interrogés sur leur geste et sur les facteurs de
risque que constituent l’existence d’antécédents familiaux homologues et les
antécédents personnels de traumatisme de l’enfance, apparaît liée à l’existence
d’abus sexuels dans l’enfance, de troubles de l’humeur, d’impulsivité et d’abus
de substance (Roy et Janal, 2005). Cet exemple illustre bien que transmission
familiale n’équivaut pas la transmission génétique. Une autre étude réalisée
chez des apparentés d’adolescents suicidants, comparés à des sujets témoins,
met en évidence aussi une transmission familiale passant par l’existence de
troubles de la personnalité avec agressivité (Johnson et al., 1998).
Chez les Amish, communauté très fermée et vivant selon des codes tra-
ditionnels, ont été identifiés des pedigrees de troubles de l’humeur ; 24 des
26 sujets décédés de suicide entre 1880 et 1980 souffraient d’un trouble de
l’humeur probablement apparenté au trouble bipolaire (Egeland et Sussex,
1985). Si une grande majorité de ces suicides était répartie au sein de quatre
grandes familles pathologiques pour les troubles de l’humeur, on observait
que d’autres familles, avec la même charge pathologique, ne comptaient
aucun suicide. Ces études familiales permettent donc de penser que le risque
familial de suicide ne se résume pas au risque familial de troubles de l’humeur
et qu’un facteur de transmission indépendant n’a pas encore été identifié.
Quoi qu’il en soit, que ce soit au travers de données issues de registres de
population ou d’études familiales centrées autour de proposants décédés de
suicide, de proposants suicidants non décédés, ou dans les études de suivi
de populations «  à risque  », la transmission familiale du comportement
suicidaire est avérée (Brent et Melhem, 2008) et les mécanismes en sont
complexes et intriqués.
McGirr et al. (2009) avancent dans cette direction, au travers d’une élégante
étude comparant des apparentés du premier degré de déprimés ayant fait
une tentative de suicide, de déprimés non suicidants et de témoins appariés.
Ils retrouvent sans surprise un gradient de comportements suicidaires dans
les trois groupes (10,8 % chez les proches de suicidants, 6,5 % chez les pro-
ches des non-suicidants et 3,4 % chez les témoins). Mais ils s’intéressent aussi
aux troubles de la personnalité du cluster  B, dont le point commun est la
réactivité agressive et impulsive, et observent que ces traits sont bien corrélés
à la prédisposition familiale au suicide. Il y a plus de cluster B et d’agressivité
Données biologiques et neuro-anatomiques 63

impulsive chez les déprimés suicidants que chez les autres. S’agirait-il là du
« chaînon manquant », de l’endophénotype caché qui recoupe par ailleurs
tous les travaux biologiques mettant en cause la régulation sérotoninergique ?
Brent (2009) objecte qu’il serait un peu rapide de considérer le cluster B et ses
manifestations agressives ou impulsives comme un « endophénotype », ce qui
sous-tendrait une héritabilité génétique, sans prendre en compte les travaux
évoqués par ailleurs (cf. chapitre sur les Événements Précoces, p. 91) montrant
qu’une grande part (au moins 60 %) de ce qui court dans les familles peut être
analysée en termes de transmission intergénérationnelle du traumatisme (ce
qui est à l’œuvre de façon emblématique dans les familles à abus sexuels).

Études de jumeaux
Les études de jumeaux constituent une étape supplémentaire vers la distinc-
tion entre le facteur génétique et le facteur environnemental. Les « vrais »
jumeaux ou jumeaux homozygotes partagent le même capital génétique,
ainsi que les mêmes influences environnementales. Ils sont comparés aux
« faux » jumeaux, dizygotes, de préférence de même sexe, qui ne partagent
que 50  % du capital génétique, tout en ayant des influences environne-
mentales proches, même si leurs différences induisent naturellement des
différences de comportement parental.
Roy et Segal (2001) ont réalisé trois de ces études, la dernière, confirmatoire,
en 2001, et concluent de façon consistante à une concordance pour le compor-
tement suicidaire chez les monozygotes, non retrouvée chez les dizygotes.
Une méta-analyse de trente-deux publications (Voracek et Loibl, 2007),
regroupant les études de cas et les études de registres de cas, montre une
concordance statistiquement plus forte pour le suicide chez les monozygotes
comparés aux dizygotes. L’héritabilité est estimée à 30-50 % pour le com-
portement suicidaire. Les facteurs d’environnement non partagés contri-
buent largement au risque de comportement suicidaire, ce qui ne semble
pas être le cas pour les facteurs d’environnement communs familiaux. La
principale de ces enquêtes a été réalisée en Australie (Statham et al., 1998)
auprès de 5 995 jumeaux interrogés par téléphone, et retrouve des corréla-
tions attendues entre la suicidalité et divers troubles psychiatriques, notam-
ment dépressifs, anxieux et alcooliques. Sont également mises en évidence
des corrélations avec des événements traumatiques comme des abus sexuels
dans l’enfance ou des pertes d’emploi ou de cadre familial. Interviennent
aussi des traits de personnalité, comme le neuroticisme et l’affiliation reli-
gieuse. La part de la variance attribuable à l’héritabilité génétique, attestée
par la différence de concordance entre jumeaux monozygotes et jumeaux
dizygotes (OR = 3,9), est de l’ordre de 45 %. Fu et al. (2002), dans leur étude
portant sur 3 372 paires de jumeaux, concluent eux aussi à un mélange d’in-
fluences génétiques additives (36 % pour l’idéation suicidaire, 17 % pour les
64 Définitions, épidémiologie et déterminants

gestes suicidaires), de facteurs environnementaux non partagés par les ju-


meaux (64 %) et, pour les gestes suicidaires, de facteurs environnementaux
partagés (19 %). Une susceptibilité génétique à la problématique suicidaire,
indépendante de toute pathologie psychiatrique, est plausible.

Études d’adoption
Elles consistent à comparer l’incidence d’un trouble dans les familles adoptives
d’un sujet victime de ce trouble, et dans leurs familles biologiques, avec com-
me groupe contrôle les familles adoptives et biologiques d’adoptés « sains ». La
part environnementale et la part génétique sont ainsi assez bien disséquées.
Il n’existe que trois études d’adoption se prêtant à une méta-analyse. Ces
études montrent huit fois plus de suicides au sein des familles biologiques
d’adoptés décédés de suicide (tout comme, d’ailleurs, d’adoptés schizophrènes
ou souffrant de troubles de l’humeur), par comparaison avec les familles
biologiques de sujets sains. La première étude de Kety et al. (1968) n’était
pas spécifiquement centrée sur le suicide, mais 10 ans après, la même équipe
(Schulzinger et al., 1979) retrouve six fois plus de suicides chez les appa-
rentés biologiques d’adoptés suicidés que dans leurs familles adoptives. La
troisième étude exploitant ce même registre d’adoptés danois se centre sur
des proposants souffrant de troubles de l’humeur, et trouve quinze fois plus
de suicides chez les apparentés biologiques d’adoptés pathologiques que
chez les apparentés biologiques d’adoptés indemnes. Le lien entre troubles
de l’humeur et suicide est ainsi réaffirmé, mais avec un risque important de
comportement suicidaire chez les apparentés biologiques des sujets souf-
frant non pas de pathologies thymiques avérées, mais de troubles réactifs
proches de ce qui s’observe dans le cadre actuel de la personnalité limite,
avec son impulsivité et ses réactions agressives-explosives.
Dans leur ensemble, ces études convergent vers l’existence d’une contri-
bution d’un facteur génétique à la prédisposition ou à la fragilité suicidaire,
sans toutefois que l’importance de cette contribution ni sa nature génétique
intime soient précisées. Quelques recherches pointent toutefois vers le sys-
tème sérotoninergique, très concerné dans la problématique dépressive et
suicidaire à la suite des travaux sur les neuromédiateurs cérébraux.
Un certain nombre de gènes candidats ont donc été explorés.

Polymorphismes de gènes candidats


Polymorphisme de la tryptophane hydroxylase : TPH1 et TPH2
La tryptophane hydroxylase (TPH) est l’enzyme limitant de la synthèse de séro-
tonine, et à ce titre il était logique d’en explorer le polymorphisme dans les pa-
thologies thymiques comme dans les pathologies comportant une dimension
d’impulsivité et de passage à l’acte, incluant les gestes suicidaires. Nielsen et al.
Données biologiques et neuro-anatomiques 65

(1994) ont d’abord publié une association entre un allèle du gène de la TPH et
une histoire de suicide violent chez des alcooliques. Bien d’autres investigations
ont suivi, résumées par Wasserman et al. (2007), mais ont donné des résultats
très contradictoires. Les premières investigations sur les variants génétiques de
la TPH se sont révélées contradictoires, voire négatives. En fait, ces premières
recherches portaient sur la TPH1, un autre gène (TPH2) d’identification plus
récente localisé sur le chromosome  12 (et d’expression plus spécifiquement
cérébrale) s’étant révélé plus prometteur. Mais il en va des « découvertes » de
la psychiatrie biologique, notamment des données génétiques, comme des sai-
sons ou des modes, et seul le recul permet de décanter les connaissances.
D’autres pistes ont été explorées, comme le gène du transporteur de sé-
rotonine (SERT) ou les gènes des récepteurs 5HT1A, 5HT1B et 5HT2A, ainsi
qu’une possible relation entre le suicide et un polymorphisme directement
impliqué dans la régulation de la transcription du gène 5HT1A.

Polymorphisme du transporteur de sérotonine


Là encore sont retrouvés beaucoup de résultats contradictoires et d’études
prometteuses mais non confirmées. Une méta-analyse de Lin et Tsai (2004)
suggère toutefois une possible association entre le gène SERT et les tentati-
ves de suicide violentes, notamment en ayant contrôlé statistiquement la
variable des pathologies psychiatriques.
L’étude du polymorphisme des récepteurs sérotoninergiques (HTR1A,
HTR1B, HT2A) ne permet actuellement d’établir aucun lien direct entre le
comportement suicidaire et ces gènes, même si des liens indirects, par le
biais de pathologies psychiatriques notamment thymiques, de profils de
personnalité particulièrement impulsive ou de types de réactivité au stress,
peuvent être évoqués (Wasserman et al., 2007 ; Serretti et al., 2007).

Médiateurs cérébraux
Sérotonine
L’implication de la sérotonine dans la neurobiologie des comportements
suicidaires a été évoquée à partir des travaux de Marie Asberg sur les méta-
bolites de la sérotonine chez des patients souffrant de troubles de l’humeur
(acide 5-hydroxyindolacétique – 5HIAA – dans le liquide céphalorachidien ;
Asberg et al., 1976). En fait, il est assez rapidement apparu que cette particu-
larité, retrouvée de façon consistante dans diverses populations pathologi-
ques étudiées, n’était pas tant reliée à la catégorie de trouble psychiatrique
sous-jacent qu’à la capacité à réaliser des actes suicidaires, plus encore dans
un climat de violence et sur un fond de trouble de contrôle des impul-
sions avec agressivité. Traskman et al. (1981) ainsi que Roy et al. (1989) ont
montré dans des études prospectives de sujets ayant fait une tentative de
66 Définitions, épidémiologie et déterminants

suicide et ayant fait l’objet d’une mesure du 5-HIAA rachidien à cette occa-
sion, dans l’année suivante pour la première équipe, dans les 5 ans pour la
seconde, que la réitération suicidaire était nettement plus fréquente chez
ceux qui avaient des taux de 5-HIAA inférieurs à 80-90 pmol/ml.
Cette réduction de la fonction sérotoninergique chez les suicidants a aussi
été confirmée par l’exploration de la densité des récepteurs sérotoninergiques
5HT1A et 5HT2A, avec des variations de densité inégales selon les régions
cérébrales étudiées à partir de cerveaux de sujets décédés de suicide (Arango
et al., 1995, 1997). On retrouve une augmentation de densité, notamment
au niveau du cortex ventral préfrontal pour les récepteurs post-synaptiques,
ce qui peut être interprété comme le reflet, par up-regulation compensatrice,
d’une relative désafférentation sérotoninergique. Une diminution des affé-
rences sérotoninergiques présynaptique a d’ailleurs été rapportée.
Pour Mann (1998), l’importance du cortex ventral préfrontal tient no-
tamment à son implication dans les fonctions exécutives inhibitrices. Un
défaut sérotoninergique à ce niveau peut donc être lié à une propension
au passage à l’acte, qu’il soit auto- ou hétéro-agressif. Une diminution
du nombre des récepteurs 5HT1A a aussi été évoquée dans l’hippocampe
(Cheetham et al., 1990).
Une autre approche est de considérer que le chaînon manquant entre
sérotonine et suicide pourrait se situer au niveau de prédispositions ou de
dimensions agressives, explosives ou impulsives (certains parlent de « phé-
notype intermédiaire »). C’est ce qui a été envisagé avec une étude entre les
gestes suicidaires et la constellation de traits de la personnalité enclins aux
déchaînements de colères violentes et/ou disproportionnées (Manuck et al.,
1999). Là encore, quelques indices fragmentaires peuvent pointer vers une
association avec un allèle du gène TPH1 (Rujescu et al., 2002).
Le gène du transporteur de la sérotonine (SERT) a lui aussi été étudié dans
plusieurs pathologies liées au suicide. Il existe deux allèles fonctionnels de
ce gène qui joue un rôle important dans la régulation de la fonction séro-
toninergique : un allèle court, lié à une forme moins performante du trans-
porteur, et une forme longue. Plusieurs études mettent en évidence une
interaction entre la présence de cet allèle court et l’existence d’événements
de vie ou de conditions d’élevage défavorables dans l’enfance (Caspi et al.,
2003), et la capacité à développer ultérieurement des syndromes dépressifs,
de même que les sujets à allèle court résistent moins bien aux événements
de vie traumatiques récents (Currier et Mann, 2008).
Si la voie sérotoninergique est la plus constamment évoquée et l’objet des
investigations les plus poussées, la réalité neurobiologique est largement
plus complexe, et les neuromédiateurs connus et explorés interagissent
les uns avec les autres (sans parler de ceux qui ne sont pas encore dans le
champ de vision des biologistes !).
Données biologiques et neuro-anatomiques 67

Noradrénaline
En ce qui concerne la noradrénaline, le détail des investigations explorant
directement un lien avec le suicide et le comportement suicidaire est inutile
dans le cadre de cet ouvrage, car les données sont anciennes, fragmentaires
et ne concordent guère. Les résultats négatifs prédominent à telle enseigne
que l’on retiendra un rôle noradrénergique minime ou nul dans la phy-
siopathologie du comportement suicidaire au sens strict du terme. Mais
il n’en est pas de même dans un modèle stress/diathèse. De même que la
piste sérotoninergique s’oriente plus vers un phénotype intermédiaire que
sur un lien direct, la piste noradrénergique s’orienterait vers une problé-
matique de mauvaise gestion du stress. Le stress aboutit à une hyperpro-
duction de noradrénaline notamment au niveau du locus coeruleus, et la
noradrénaline est considérée comme cruciale dans la gestion de ce stress.
Or, quelques travaux mettraient en évidence des variations génétiques de
la tyrosine hydroxylase associées au diagnostic de trouble de l’adaptation,
si souvent associé à la production de gestes suicidaires ou auto-agressifs.
D’autres résultats pointent vers une association de l’allèle T8 de la tyrosine
hydroxylase et des scores élevés de neuroticisme, d’hostilité/colère et de
vulnérabilité au questionnaire NEO (Neuroticism-Extroversion-Openness) de
personnalité.

Dopamine
Encore moins de données lient le système dopaminergique à la suicidalité
(Pitchot et al., 2001). En revanche, à l’instar de la noradrénaline, la dopamine
est impliquée dans le contrôle des impulsions, celles-ci requérant pour
s’activer une activation dopaminergique. Cela passe par le système de gra-
tification et de récompense, qui influe sur la recherche de satisfactions im-
médiates, notamment sur les comportements d’appétence toxique et donc
sur la réponse impulsive à la frustration. Il y a là les contours d’un autre
« phénotype intermédiaire » qui peut concourir à la psychopathologie sui-
cidaire et auto-agressive, les liens entre ces composantes apparaissant tant
dans les données de l’épidémiologie que dans celles de la clinique. En effet,
des polymorphismes fonctionnels des gènes impliqués dans la libération
striatale (donc au niveau du système de récompense) de dopamine sont
associés à la dimension impulsive, ce qui n’est pas le cas pour des variants
qui fonctionnent au niveau du cortex orbitofrontal.
Par ailleurs, de nombreux travaux mettent en relation des variations gé-
nétiques du gène codant pour le récepteur dopaminergique D4 et la qualité
de l’attachement maternel dans le jeune âge, avec les conséquences éven-
tuelles sur la génération de traumatismes précoces ou de troubles rattachés
à une anxiété de séparation. C’est un autre exemple de convergence vers un
68 Définitions, épidémiologie et déterminants

lien indirect avec des facteurs de prédisposition précoces ou d’interaction


gène-environnement.

Facteurs endocriniens et métaboliques


Facteurs endocriniens
L’axe corticotrope et l’axe thyroïdien sont les deux systèmes neuro-endocri-
niens les plus étudiés dans les troubles de l’humeur. Leur exploration n’a gé-
néré que peu d’informations directes sur le risque suicidaire. De fait, les ten-
tatives pour distinguer les populations de déprimés étudiées selon cet angle
en fonction de la dimension suicidaire ont donné des résultats non concor-
dants. Les travaux réalisés post-mortem concernent des déprimés décédés de
suicide, et les deux éléments ne sont pas évaluables indépendamment.
En ce qui concerne les études in vivo, il s’agit surtout, de façon non spéci-
fique, de données concernant des facteurs de prédisposition que l’on peut
résumer à une difficulté à gérer le stress. En effet, une hypersécrétion de
cortisol a pu être invoquée comme marqueur du comportement suicidaire
dans les premières années de l’âge d’or de la psychiatrie biologique. Mais ces
résultats et premières hypothèses n’ont pas été confirmés ultérieurement.
D’autres résultats ont fait état d’une hypersécrétion de CRH (corticotro-
phin releasing hormone) dans les cerveaux ou le liquide céphalorachidien
de patients décédés par suicide, mais des résultats plus récents n’ont pas
confirmé ces hypothèses, notamment lorsque sont examinés la propension
au suicide lui-même ou le degré de violence du passage à l’acte.
Le test de suppression à la dexaméthasone a été très en vogue dans les an-
nées 1970, pour explorer, voire contribuer au diagnostic et au pronostic de la
dépression. Et là encore, si quelques travaux ont pu proposer que les patients
avec antécédents de suicide violent tendaient à moins bien freiner leur axe
corticotrope, un nombre égal d’études contradictoires a été publié (Pfennig
et al., 2005). La combinaison du test de suppression à la dexaméthasone et
du test de stimulation à la CRH suggère tout de même chez des déprimés une
atténuation de la réactivité corticotrope d’autant plus importante qu’il y a
eu une tentative de suicide récente. La capacité du test à la dexaméthasone
à prédire une réitération au décours d’une tentative de suicide récente est
explorée (Jokinen et al., 2008), mais ce point semble spécifique des gestes
suicidaires des populations de déprimés (Jokinen et al., 2007).
Des travaux réalisés chez des déprimés suicidants ou non et confrontant
la réactivité corticotrope et la réactivité sérotoninergique (test à la dexa-
méthasone associé au test à la fenfluramine) suggèrent que s’il existe bien
des anomalies de l’axe corticotrope chez les déprimés, celles-ci ne sont pas
corrélées à des anomalies de la réactivité sérotoninergique qui, en revanche,
sont bien retrouvées chez les suicidants (Duval et al., 2001).
Données biologiques et neuro-anatomiques 69

Il faut enfin signaler des explorations du polymorphisme de gènes codant


pour les récepteurs CHR1 (Wasserman et al., 2008) et CHR2 (De Luca et al.,
2007), stimulés au niveau pituitaire par la CRH.
Finalement, la piste neuro-endocrinienne est encore brouillée, ce qui
n’est pas étonnant face au comportement si ubiquitaire, complexe et mul-
tidéterminé qu’est le suicide, même si le bon sens permet de penser que la
gestion du stress n’y est pas étrangère.

Facteurs métaboliques
Les facteurs métaboliques impliqués dans la physiopathologie du suicide ou
des actes auto-agressifs ou violents renvoient tous au métabolisme lipidique.

Cholestérol
Plusieurs études ont lié la suicidalité et la violence à des taux bas de cho-
lestérol, que ce soit chez des patients psychiatriques, chez des suicidants
indépendamment du diagnostic psychiatrique (Modai et al., 1994) ou tout
simplement chez des sujets violents (Golomb, 1998).
En population générale, une association a été décrite entre des taux bas
de LDL cholestérol (< 40 mg/dl) et les gestes suicidaires chez la femme, sans
corrélation avec les idées suicidaires, ni corrélations chez l’homme (Zhang
et al., 2005). Mais d’autres études avaient suggéré chez l’homme une cor-
rélation entre la mortalité suicidaire et des taux de cholestérol inférieurs à
160 mg/dl (Neaton et al., 1992, chez 351 000 hommes suivis depuis 12 ans).
En dépit de certaines contradictions, une méta-analyse de dix-huit études
sur ce thème reste évocatrice d’un lien entre les taux bas de cholestérol et le
risque de suicide (Jacobs et al., 1992).
D’autres études ont suggéré que les hypocholestérolémiants pouvaient
diminuer la mortalité coronaire, mais que la mortalité totale des groupes
traités ne diminuait pas du fait d’une augmentation des décès par accident,
suicide ou comportement violent (Golomb, 1998). L’examen de cerveaux
de sujets décédés par suicide montre une diminution des taux de choles-
térol au niveau du cortex frontal (Lalovic et al., 2007). Les mécanismes
biologiques d’une telle corrélation sont encore obscurs. Une hypothèse
stipule qu’une diminution du cholestérol cérébral, notamment au niveau
membranaire, pourrait retentir sur le système sérotoninergique en fonction
d’une altération de la microviscosité des membranes cellulaires (Kaplan
et al., 1994). De même, le cholestérol étant une composante de la constitution
des synapses, sa réduction pourrait affecter la plasticité synaptique.

Facteurs nutritionnels
Très étudiés en ce moment sont les acides gras poly-insaturés. Un consensus
épidémiologique converge vers l’association entre des taux bas d’oméga-3
70 Définitions, épidémiologie et déterminants

et la survenue de pathologies thymiques. Cela passerait par les chiffres liant


la consommation de produits de la mer et certaines pathologies thymiques,
que ce soit la dépression, notamment saisonnière ou du post-partum, ou le
trouble bipolaire. Il est ainsi surprenant que les populations d’Islande et du
Japon soient moins touchées par la dépression saisonnière. Ces pays sont de
très forts consommateurs de poisson. D’autres résultats épidémiologiques
sont plus nuancés, comme en Finlande, où la corrélation entre la dépression
et une faible consommation de poisson ne concerne que la femme. Le trou-
ble bipolaire est lui aussi fortement inversement corrélé à la consommation
de poisson, ce qui n’est pas le cas des pathologies schizophréniques.
En ce qui concerne les comportements suicidaires, il existe des données
concordantes, issues de populations d’origines ethniques diverses (Hiraya-
ma et al., 1990 ; Tanskannen et al., 2001), attribuant à des taux bas d’acide
docosahexanoïque, ainsi qu’à un rapport oméga-6/oméga-3 plus bas, une
valeur prédictive de comportements suicidaires chez des déprimés, ou cor-
rélant des taux bas d’acide éicosapentaénoïque érythrocytaire aux compor-
tements suicidaires de Chinois, indépendamment de l’humeur ou de l’im-
pulsivité (Huan et al., 2004).
Là encore, les mécanismes liant des variations des taux d’acides gras po-
ly-insaturés aux troubles de l’humeur ou aux troubles du comportement
passeraient par un effet sur la fluidité membranaire au niveau central. Il faut
tout de même signaler que la composition en acides gras de prélèvements
cérébraux de sujets s’étant donné la mort n’a pas été jugée anormale (Lalo-
vic et al., 2007).
Quelques implications thérapeutiques ont été esquissées, avec des ten-
tatives de modification de l’humeur ou des comportements impulsifs par
supplémentation en oméga-3 (Ross et al., 2007). Sans qu’il soit possible
d’en tirer encore des conclusions fermes, il semble bien que ce soit dans le
domaine des troubles de l’humeur et de la dépression que les résultats sont
les plus favorables (Nemets et al., 2002). À signaler aussi quelques cas, rares,
de virages hypomaniaques chez des déprimés traités par huiles de poisson.
La prévention du comportement suicidaire répétitif par les oméga-3 n’a à ce
jour pas encore été entreprise.

Chronobiologie des comportements suicidaires


Les paramètres chronobiologiques circannuels et circadiens du comporte-
ment suicidaire et du suicide ont donné lieu à quelques explorations et
spéculations, et il n’est pas toujours facile de s’y retrouver, les comporte-
ments auto-agressifs ne suivant pas à l’identique la rythmicité des décès par
suicide, et les résultats pouvant être différents selon les sexes, les pays et les
latitudes (Valtonen et al., 2006).
Données biologiques et neuro-anatomiques 71

Faisons d’abord justice d’un lieu commun qui survit : l’influence lunaire
sur les comportements suicidaires. Les études de vérification publiées à ce
jour ne trouvent aucune influence des phases de la lune, quelle que soit la
façon dont les données sont analysées et les paramètres pris en compte,
notamment le degré de violence des suicides (Bierman et al., 2005 ; Voracec
et al., 2008).
En ce qui concerne la saisonnalité, une tendance nette va dans le sens
d’un pic de suicides et de tentatives autour du printemps, avec une baisse à
l’automne (Rocchia et al., 2007). Pour les tentatives de suicide, le pic serait
automnal avec une baisse au printemps (Valtonen et al., 2006). Selon les
données et les pays, cette tendance peut être générale, plus accentuée ou ne
concerner que les femmes, être plus marquée pour les suicides violents ou
imperceptible pour les tentatives de suicide médicamenteux. Sur l’ensemble
des décès entre  2000 et  2004 aux États-Unis, Kposowa et D’Auria  (2009)
trouvent plus de décès par suicide en juillet et août.
On a aussi rapporté, pour les femmes, une plus grande fréquence des ges-
tes suicidaires le dimanche, avec une moindre fréquence le vendredi. Mais
pour Kposowa et D’Auria (2009), il y a plus de suicides le mercredi que le
dimanche.
Peu de travaux ont tenté de croiser les variations saisonnières du compor-
tement suicidaire et les diagnostics de pathologies psychiatriques (Valto-
nen et al., 2006). Il n’y a guère de variation saisonnière dans les catégories
diagnostiques apparentées à la schizophrénie. En revanche, les troubles de
l’humeur sont bien caractérisés par une augmentation printanière et une
diminution hivernale. Une évaluation de la variation circannuelle des sites
de liaison du transporteur de la sérotonine montre une densité augmentée
l’hiver, avec pour corollaire une baisse des niveaux synaptiques de sérotonine
(Praschak-Rieder et al., 2008), ce qui concorde avec les données chrono-
biologiques sur la dépression. Les auteurs constatent paradoxalement une
diminution printanière alors que c’est à ce moment que l’on trouve les pics
de suicide, mais interprètent cet apparent paradoxe en fonction de spécifi-
cités de localisation anatomique des familles de récepteurs.
Les tentatives de suicide en liaison avec l’alcool ont plutôt un pic esti-
val, ainsi que lors des fins de semaine. Dans le nycthémère, les suicidants
contactent les services de santé plutôt en fin de soirée ou autour de minuit,
et ceux qui contactent plus tard dans la nuit reçoivent moins d’attention,
de temps d’écoute et d’orientation adéquate que ceux qui expriment leur
souffrance à des horaires plus civilisés.
Ces données en disent finalement assez peu sur la chronobiologie du sui-
cide, mais plus sur les variations de la demande de soins liée aux comporte-
ments de mise en danger de soi et sur le souhaitable renforcement des équipes
spécialisées dans l’accueil des suicidants à certaines heures de la nuit.
72 Définitions, épidémiologie et déterminants

Neurophysiologie et imagerie cérébrale


Les progrès fulgurants des techniques d’imagerie cérébrale, ces dernières
années, rendent caducs et obsolètes les résultats, à vrai dire modestes,
obtenus par les techniques neurophysiologiques anciennes, que ce soit
l’électroencéphalogramme (EEG) ou les explorations par potentiels
évoqués potentiels évoqués.
Citons tout de même des résultats d’EEG de sommeil qui ont été publiés
en rapport avec le comportement suicidaire chez des schizophrènes, avec
une augmentation de l’activité oculomotrice et de la durée du sommeil pa-
radoxal (Lewis et al., 1996). Ces deux tendances, combinées à une augmen-
tation de la latence d’endormissement, ont été aussi observées chez des
déprimés ayant des antécédents suicidaires.
L’étude des potentiels évoqués endogènes (variation contingente
négative en anticipation d’un événement et composante  P300 lors de
tâches cognitives) a pu révéler des particularités dans diverses patho-
logies psychiatriques, notamment dépressives. Hansenne et al. (1996)
et Ashton et al. (1994) ont ainsi montré une diminution significative
de l’amplitude de ces deux ondes chez des déprimés avec tentatives de
suicide, la perturbation étant d’autant plus accentuée en cas de récidives
multiples.
Les données de l’imagerie cérébrale font appel à la caméra à positons.
Oquendo et al. (2003), comparant des déprimés ayant fait des tentatives
de suicide graves à des sujets ayant réalisé des gestes bénins, dans les
variations régionales de consommation de glucose après test à la fenflu-
ramine (donc explorant la réactivité sérotoninergique), montrent une
diminution métabolique dans certaines aires du cortex préfrontal ven-
tral et du gyrus cingulaire antérieur. D’autres études ont mis en évidence
une diminution du volume de l’amygdale, à droite chez des suicidantes
(Monkul et al., 2007), et des récepteurs 5HT2A au niveau du cortex
frontal de suicidants comparés à des témoins sains (Audenaert K, et al.,
2001).
D’autres investigations explorent l’activité métabolique cérébrale lors
de certaines tâches ou stimulations cognitives. Jollant et al. (2008) sug-
gèrent ainsi que des sujets ayant fait des tentatives de suicide ont une
réactivité anormale du cortex orbitofrontal à la présentation de phy-
sionomies coléreuses, indiquant chez les suicidants une forme d’hyper-
sensibilité au rejet et à la désapprobation. Mais cette étude est réalisée
chez un petit nombre (treize par groupe) de suicidants dont les passages
à l’acte étaient liés à une problématique dépressive, recrutés par voie de
presse. Quel que soit l’intérêt de ces approches objectives, elles n’ap-
portent que peu de lumières sur la problématique suicidaire, allant
Données biologiques et neuro-anatomiques 73

rarement au-delà de consensus cliniques anciens. L’utilisation d’un jeu


de paris (Iowa Gambling Task) permet ainsi de montrer que des suicidants
(violents et non violents) font des choix moins performants que des té-
moins ayant souffert de dépression ou des témoins sains (Jollant et al.,
2005). Ce test implique lui aussi le cortex orbitofrontal et l’amygdale,
concourant ainsi à une convergence d’implication de régions cérébrales
désignées par d’autres approches et d’un profil neuropsychologique
conforme à ce qui est décrit en psychologie clinique (pensée négative,
mauvais choix, etc.).
5 Données
psychopathologiques

La constellation des comportements d’auto-agression est, nous l’avons dit,


disparate (de la scarification superficielle au geste de mort). Elle est plu-
rifactorielle et a donné lieu à diverses lectures psychopathologiques, non
mutuellement exclusives, voire parfois convergentes, qu’elles concernent
l’individu dans son histoire (grille de lecture psychanalytique), dans sa mo-
dalité cognitivo-comportementale ou dans son réseau relationnel (grille de
lecture systémique), pour ne citer que les principales références.

Syndrome présuicidaire
L’un des modèles les plus éclectiques que nous ayons rencontré est ce que
Ringel appelait en 1958 le syndrome présuicidaire (détaillé dans Ringel, 1976),
qui définit l’état d’esprit spécifique qui prélude au passage à l’acte. Il s’agit en
quelque sorte d’une configuration psychopathologique de base, transnoso-
graphique au sens où ses diverses composantes peuvent être liées aussi bien à
telle ou telle pathologie psychiatrique, aux événements de vie ou au contexte
psychosocial, tout comme certaines d’entres elles semblent d’une étonnante
modernité eu égard aux théories cognitivo-comportementales en vigueur
actuellement. Et pourtant, le «  syndrome présuicidaire  » d’Erwin  Ringel a
fêté son demi-siècle en 2008. Rappelons qu’Erwin Ringel a fondé à Vienne
en 1960 l’Association internationale pour la prévention du suicide.
La triade qui compose le syndrome présuicidaire associe une situation de
constriction, une agressivité inexprimable (par des mots) et la production
de mentalisations et de fantasmes suicidaires.
La constriction peut être situationnelle. Ce peut être une situation réelle  :
deuil, abandon. Ce peut être aussi une impasse existentielle subie (maladie ou
handicap physique) ou à laquelle le sujet a fortement contribué par ses pro-
pres actions ou agissements. Ce peut être enfin une situation subjective, sym-
bolique, voire délirante comme dans le cas des mélancolies ou des paranoïas.
La composante « dynamique » de la constriction aboutit à une rigidité
des perceptions et des associations et à un rétrécissement de la variété des
comportements qui deviennent raides, stéréotypés.
La constriction « affective » aboutit à une réduction de la capacité d’adap-
tation et à un appauvrissement des mécanismes d’homéostasie émotionnelle
et de la capacité à « relativiser », à « donner du temps au temps ». Ringel si-
tue à ce niveau une perception du temps comme figé, proche de ce qui est

Le geste suicidaire
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76 Définitions, épidémiologie et déterminants

décrit par les phénoménologues dans la problématique mélancolique. Dans


cette atteinte des mécanismes de régulation, la constriction affective renvoie
donc à des mécanismes pathologiques rencontrés dans les états dépressifs et
anxieux. La constriction affective rendrait compte aussi de la phase de calme
apparent qui précède, lorsque la décision en a été prise, le passage à l’acte.
La constriction des mécanismes de défense se manifeste par une prédomi-
nance des mécanismes de défense du moi qui retournent le conflit vers soi
(répression, conversion, auto-agression, inhibition) au détriment de ceux
qui l’externalisent.
La constriction des relations commence par une dépréciation des rela-
tions humaines existantes, liée notamment à la constriction dynamique
et au dessèchement des réactions émotionnelles qui en sont le corollaire.
Il s’ensuit un rétrécissement du champ social avec parfois éloignement et
perte des groupes d’appartenance antérieurs, polarisation sur un petit nom-
bre ou à une seule relation qui devient exclusive. À l’extrême, c’est le repli
sur soi et l’isolement total.
La constriction des valeurs peut toucher tous les domaines, avec diminu-
tion de l’appréciation des valeurs en général et de sa propre valeur, et l’on
sait combien une mauvaise estime de soi peut intervenir dans la genèse
d’idées et de réalisations suicidaires. Ce peut être aussi une perte des valeurs
de l’existence, en une sorte de nihilisme qui abolit tout frein au passage à
l’acte. Une atteinte des valeurs philosophiques et religieuses joue aussi un
rôle. Ces dernières participent aux facteurs de résilience protégeant dans
une certaine mesure de la problématique suicidaire.
Cette constriction psychique et situationnelle correspond à la phase de
réduction des possibles dans le processus suicidaire. Le sujet en situation de
crise explore ses capacités à résoudre la crise de façon inadaptée, les solu-
tions s’annulent une à une, avec une perte d’estime de soi, laissant émerger
comme solution alternative le suicide, la personne ayant alors le sentiment
d’être dans un tunnel sans lumière ou de tomber dans un puits sans fond.
L’agressivité inhibée, refoulée et retournée contre le soi, l’auto-agression, qui
peut aller jusqu’à la rage impuissante, correspond assez bien aux mécanismes
décrits par Freud comme pouvant préluder au suicide ; l’externalisation de
l’agressivité se trouve entravée par divers facteurs : personnalité névrotique
rigide, principes moraux tyranniques, inhibition dépressive et isolement,
en sont quelques exemples. La rébellion est interdite, ce qui aboutit à un
évitement des conflits.
Les fantasmes suicidaires sont l’exacerbation et la répétition des idées de
mort qui peuvent traverser tout un chacun dans des conditions existen-
tielles difficiles. Ici, l’issue fatale sera considérée comme une solution en-
visageable, soit à la situation d’impasse, soit comme soulagement d’une
souffrance psychique (douleur morale), soit encore comme démonstration
Données psychopathologiques 77

Tableau 5-1
Syndrome présuicidaire
Constriction (situationnelle)
Dynamique Cognitions et pensées négatives
Systèmes de croyance et désespoir
Rigidité de traitement des informations
Affective Dépression
Maladies anxieuses
Des mécanismes de défense Prédominance des mécanismes égocentrés
Conversion
Répression
Refoulement
Inhibition
Des relations humaines Pertes de soutien
Pertes des groupes d’appartenance
Isolement
Des valeurs Perte des références morales et religieuses
Autodépréciation
Agression bloquée Refoulée
Retournée sur soi
Personnalités à surmoi tyrannique
Inhibition
Isolement
Fantaisies suicidaires Idée de mort
Idée de suicide
Élaboration d’un scénario
Rumination avant le scénario

agressive ou messages d’appel dirigés vers l’entourage. La production répé-


tée de fantasmes de mort, de suicide, voire de scénarios suicidaires, peut être
considérée comme une forme de familiarisation à l’éventualité d’un passage
à l’acte, en diminuant le seuil de déclenchement. Cette vision converge
avec celle du stade de « rumination » décrite dans la progression du proces-
sus suicidaire.
Les trois éléments de cette triade fatale interagissent les uns sur les autres,
et leur identification impose la mise en œuvre de réponses thérapeutiques.
L’intérêt de ce concept de syndrome présuicidaire est qu’il est transnosogra-
phique, voire anosographique. Cela signifie qu’il est repérable indépendam-
ment de l’existence ou non d’une pathologie psychiatrique, que son diagnos-
tic ne nécessite pas tant de connaissances spécialisées que de « bon sens ».
Comme l’indique le tableau 5-1, le syndrome présuicidaire dans ses dif-
férentes composantes rassemble ou semble reformuler un grand nombre
78 Définitions, épidémiologie et déterminants

des concepts psychopathologiques d’obédiences diverses (psychanalytique,


cognitivo-comportementale, écosystémique) jugés actuellement pertinents
lorsqu’on s’intéresse à la question du comportement suicidaire ou plus lar-
gement de l’auto-agression.
Le syndrome présuicidaire permet aussi de donner des pistes thérapeu-
tiques, telle ou telle composante renvoyant à telle approche particulière
ou à une combinaison d’approches, comme par exemple l’association
d’une approche individuelle de type cognitivo-comportemental, d’ins-
piration plus analytique (ouverture des possibles pour lever la constric-
tion situationnelle par l’apport de stratégies de résolution de problèmes,
travail sur les représentations, sur les cognitions négatives, abréaction
et verbalisation des fantaisies suicidaires, etc.) ou plus contextuelle (tra-
vail sur la réparation de liens, sur l’externalisation des conflits avec les
proches).
Quoi qu’il en soit, le syndrome présuicidaire ouvre la voie à ce que Ringel
qualifiait de psychothérapie spécifiquement antisuicide, avec comme piliers
la notion que la condition habituelle de la «  demande » du patient n’est
plus requise et que le maximum doit être fait pour garder le patient suici-
daire en thérapie. Ce sont là deux aménagements importants, formulés par
un psychanalyste, aux principes de base de la discipline (écoute silencieuse,
neutralité bienveillante et largement repris actuellement par les théoriciens
de la crise suicidaire.
La thérapie centrée sur la prévention du suicide vise explicitement à
désamorcer le plus vite possible des composantes du syndrome présuici-
daire.
Là encore, il s’agit d’une vision très moderne de l’interaction psychothé-
rapique, le thérapeute devant se montrer actif et dynamique et s’impliquer.
Cette démarche active vise à mobiliser les ressources insoupçonnées de la
personne.
Cette idée, qu’il existerait un syndrome présuicidaire ou un syndrome
de «  suicidalité  » indépendant des situations cliniques et des catégories
nosologiques, a été testée par Ahrens et Linden (1996) qui ont examiné
2  383  schizophrènes et 1  920  déprimés tout venant, certains suicidaires
dans les 24 heures de leur admission à l’hôpital, avec le système diagnos-
tique AMDP1. Ils ont ainsi pu définir, par analyse de variance et régression
multiple, un syndrome suicidaire indépendant des catégories cliniques
(pourtant bien distinctes en l’occurrence). Ils y retrouvent, avec un voca-
bulaire un peu différent, la constriction et l’isolement, l’avenir bouché et la
perte d’espoir, les ruminations. Ils retrouvent également et s’en étonnent,

1 Système diagnostique d’origine germanique, mis au point par l’Association pour la métho­
dologie et la documentation psychiatrique.
Données psychopathologiques 79

car cela va contre le « bon sens clinique », une corrélation négative avec
l’agitation. En fait, la contradiction n’est qu’apparente, car si en effet les
états où s’expriment agressivité et agitation anxieuse peuvent préluder à
des raptus suicidaires, la capacité à s’exprimer, à donner issue à la tension
intérieure, peut avoir la valeur cathartique que lui attribuait Ringel.

Le point de vue du cognitiviste


La psychologie cognitive est l’étude empirique des processus de traitement
de l’information qui interviennent dans les conduites humaines et animales.
Elle vise à explorer la manière dont les sujets perçoivent leur environne-
ment, y dirigent leur attention et gèrent les interactions qu’ils entretiennent
avec lui. Elle consiste en outre à analyser comment les sujets stockent les
informations relatives au monde extérieur ou à eux-mêmes, interprètent ces
informations, les modifient et les récupèrent dans des situations diverses
pour générer des actions matérielles ou mentales (pensée, prise de décision,
jugement). Les travaux en psychologie cognitive recourent généralement à
la méthode expérimentale sur la base d’études réalisées en laboratoire.
Les études faites sur la cognition du suicide ont trouvé les caractéristiques
suivantes qui prédisposent au passage à l’acte suicidaire en situation de stress :
• tendance à se considérer comme perdant lorsqu’on est confronté aux
risques psychosociaux, anticipation de l’échec ;
• incapacité à percevoir une possibilité de fuite, ce qui est à mettre en rap-
port avec une mémoire autobiographique remplie d’échecs et d’incapacités
à résoudre les problèmes ;
• sentiment que personne ne peut rien pour soi (sentiment de désespoir).
Cette cognition particulière semble devoir être mise en relation avec un
déficit des fonctions exécutives, en particulier des difficultés dans l’élabora-
tion des stratégies de prise de décisions et une pensée inhibitrice.

Sentiment de désespoir
Il a été exploré par Beck et al. (1985) dans une étude prospective de 10-
15 ans sur des sujets repérés par des tentatives de suicide passées. Au cours
du suivi, 14  des 207  sujets sont décédés de suicide. Parmi l’ensemble de
données cliniques recueillies initialement, seules les échelles de désespoir
et l’item de pessimisme de l’inventaire de dépression de Beck auraient pu
permettre de prédire l’issue fatale. Un score supérieur à  10 à l’échelle de
désespoir identifiait 91 % des suicides.

Rumination
Les ruminations sont inhérentes au stress post-traumatique ainsi qu’aux for-
mes cliniques intenses de dépression, même si les processus attentionnels
80 Définitions, épidémiologie et déterminants

sont différents. Elles peuvent s’accompagner de « méta-souci », qui est la per-


ception pénible que le sujet ne contrôle pas ses pensées lors des ruminations
anxieuses ou dépressives. C’est d’ailleurs souvent pour « arrêter de penser »
que certains gestes suicidaires sont perpétrés.

Pensée dichotomique
La pensée dichotomique, ou pensée manichéenne, est une forme d’appré-
hension du réel en termes binaires : tout ou rien, blanc et noir. Neuringer
(1961), utilisant un test de différenciation sémantique, a ainsi démontré
qu’un groupe de suicidants s’est avéré significativement plus dichotomique
que des patients psychosomatiques ou des témoins. La conclusion de cette
série de travaux (Neuringer, 1976) est que les suicidants ont une pensée
rigide et extrémiste, les privant de la flexibilité psychique autorisant l’élabo-
ration de solutions de compromis devant les épreuves de la vie.

Rigidité cognitive
Explorée dans de nombreux tests, dans cette continuité, elle renvoie à
un défaut de capacité de résolution de problèmes, avec une plus grande
­dépendance au champ (dépendance au contexte environnemental). L’in-
térêt pour cette rigidité cognitive s’est déplacé des outils élémentaires
­d’investigation que sont les tests sémantiques ou arithmétiques, à la réso-
lution de problèmes interpersonnels, autrement plus complexes (Linehan
et al., 1986).

Résolution de problèmes
Elle est au centre des difficultés du suicidant. Ses différentes phases abou-
tissent chez le sujet normal, à une succession d’étapes articulées de façon
suffisamment fluides pour qu’elles soient en général, dans la vie courante,
inconscientes. Mais dans la pensée dépressive et chez le suicidant, il peut y
avoir achoppement dans les différences étapes que sont (D’Zurilla et Nezu,
1990) :
• l’orientation du problème ;
• la génération de solutions alternatives ;
• la prise de décision (choix d’une solution) ;
• la mise en œuvre de la solution ;
• la vérification de la solution.
L’étude de ces processus de résolution de problèmes dans le domaine des
relations interpersonnelles montre des différences qualitatives entre les dé-
primés et les suicidants récents et des témoins, et met bien en évidence les
dysfonctionnements dans la pensée dépressive ; la variable thymique liée à
l’état est prépondérante. La différenciation entre la composante « état » et la
composante plus stable de « trait » est moins claire. Linehan (1993) souligne
que les stratégies dysfonctionnelles et les assertions inutiles (assertions à
Données psychopathologiques 81

grandir ou à se prendre en charge) sont souvent dérisoirement invoquées


notamment, chez les sujets borderlines. Une composante importante du
travail vise à les remplacer par des habiletés alternatives différenciées.

Mémoire autobiographique
Un lien entre la difficulté de résolution de problèmes face aux événements
de vie adverses pourrait résider dans une distorsion de la mémoire autobio-
graphique (Wilson et al., 1995). Le trouble aboutit à ce qu’à la présentation
de mots inducteurs, le sujet ne répond pas par une évocation mnésique
précise ou spécifique, mais par une évocation mnésique à caractère général
ou global. Cette tendance serait associée à des antécédents d’événements
négatifs (Williams, 1999). Dans le stress post-traumatique, ce même phé-
nomène a été évoqué chez des anciens combattants arborant leurs déco-
rations, ce qui signe l’incapacité à dépasser un rôle passé et à se projeter
dans l’avenir.

Impuissance apprise et style d’attribution


Devant des événements inévitables et pénibles, certains sujets apprennent
qu’agir ou ne pas agir reviennent au même, développent un style cogni-
tif négatif et se figent (Peterson et al., 1993  ; Seligman, 1975). Face à un
événement négatif, le sujet va s’en attribuer toute la responsabilité (inté-
riorisation) et considérer que l’échec est irrémédiable et s’étend à tous les
domaines de son existence (globalisation). Même devant un événement
positif, l’attribution sera transférée aux autres ou à la chance, avec une in-
capacité de perception positive, voire une anticipation négative du « revers
de la médaille » (stabilité). Le style cognitif d’attribution négative à la fois
interne, global et stable permet de prédire la « dépression de désespoir » face
à un événement négatif (Alloy et Clements, 1998).

Le psychanalyste et le suicide
Premières contributions : Freud et Menninger
La contribution psychanalytique à la compréhension du suicide trouve ses
origines dans l’œuvre de Freud lui-même, bien que la thématique suicidaire
n’ait pas vraiment fait l’objet d’une réflexion spécifique. C’est d’ailleurs
autour de la pathologie psychiatrique, dans Deuil et mélancolie (1915) que
Freud situe « la défaite de la pulsion qui oblige tout vivant à tenir bon à la
vie ». Il est très intéressant de rappeler que, dans cet essai, Freud prend bien
soin de faire un parallèle non pas avec toute mélancolie (puisqu’il recon-
naît l’hétérogénéité du concept), mais avec « un petit nombre de cas dont
l’origine psychogène ne fait guère de doute », écartant les formes les plus
« somatiques ».
82 Définitions, épidémiologie et déterminants

Parmi les différences entre le deuil et la mélancolie, on relève le fait que


la perte semble concerner non pas l’objet soustrait, mais le moi. « L’ombre
de l’Objet est tombée sur le Moi. » L’amour pour l’objet, qui ne peut être
abandonné alors que l’objet lui-même l’est, se réfugie dans l’identification
narcissique. La haine entre alors en action contre cet objet substitutif, pre-
nant à sa souffrance une satisfaction sadique. C’est ce retournement sadi-
que qui vient, pour Freud, résoudre l’énigme de la tendance au suicide.
Cette question amena Freud à formuler l’hypothèse suivante : l’homme
a une tendance innée à l’agression et à la destruction, c’est l’instinct de mort
(Thanatos). Cet instinct serait distinct de l’instinct de vie (Éros), dont la li-
bido serait une manifestation « énergétique ».
Éros et Thanatos ont une interprétation biologique. Éros serait l’instinct
tendant à conserver la substance vivante et à l’agréger en unités toujours
plus grandes. Thanatos serait l’instinct tendant à dissoudre les unités
vivantes et à les ramener à l’état inorganique.
Mais l’antagonisme entre ces deux instincts ne serait que superficiel, puis-
que ceux-ci répondraient à une tendance commune, soit maintenir une
excitabilité nulle ou, à tout le moins, minimale. En outre, Thanatos se ma-
nifeste le plus souvent en relation avec le principe de plaisir, par exemple :
• dans le sadisme, Thanatos se manifeste pour le plaisir du sadique ;
• dans le masochisme, Thanatos se manifeste pour le plaisir du masochiste ;
• dans le suicide, Thanatos se manifeste pour l’absence de douleur que
recherche le suicidaire.
Dans l’Encyclopédie Corsini de psychologie (Craighead et Nemeroff, eds.),
Shneidman cite le psychanalyste Gregory  Zilboorg qui considérait les cas
de suicide comme la marque d’une profonde incapacité à aimer les autres
et qui établissait une relation entre les ruptures des liens familiaux et la
suicidalité.
Dans le Harvard Guide to Psychiatry (2nd  ed., Nicholi), Cassem cite aussi
Zilboorg qui pensait que certains patients suicidaires pouvaient avoir le
fantasme d’échapper au destin mortel en réalisant une forme d’immorta-
lité. Un autre point de vue, chez Szandor Rado, était que le suicide peut être
considéré comme une sanction des fautes passées, ainsi qu’une démarche
pour reconquérir l’amour d’un être ou d’une chose perdue antérieurement.
Mais c’est Karl Menninger, dans son livre Man against himself (1938), qui a
développé les considérations psychanalytiques les plus différenciées sur les
mécanismes du suicide. Il identifie trois composantes principales :
• le désir de tuer ;
• le désir d’être tué ;
• le désir de mourir.
Menninger considère que les tendances à la destruction ne sauraient
être attribuées au destin ou à la nature, mais que l’homme y a une part
Données psychopathologiques 83

importante. Ces forces de destruction s’expriment largement par l’auto-


destruction, en contradiction avec la supposée première loi de l’autopré-
servation des espèces. Pour lui, la théorie qui rend le mieux compte des
faits est la théorie freudienne d’un instinct de mort, s’opposant dans une
dialectique constante à l’instinct de vie. Selon Freud, les tendances destruc-
tives et constructives, initialement autoréférencées, s’externalisent au fur
et à mesure de la croissance et de l’accumulation des expériences de vie.
Dans son cheminement, l’individu réagit d’abord par externalisation de ses
tendances agressives qui fusionnent par la suite avec ses pulsions libidinales
et constructives, le résultat se combinant en neutralisant plus ou moins
complètement ou durablement la pulsion destructrice. L’interruption de ces
investissements extérieurs ou l’incapacité à les maintenir aboutit à un retour
pulsionnel dirigé vers soi. S’il y a dé-fusion de ces deux tendances intriquées,
les forces de destruction prévalent, rendant compte du désir de tuer/être
tué, ainsi que de l’érotisation de ces deux tendances. Lorsque les tendances
autodestructrices sont partiellement maîtrisées, on observe toute la palet-
te des comportements de ce type (en gros, les « équivalents suicidaires »),
le suicide intervenant à l’extrême de ce continuum, lorsqu’il n’y a plus de
force de vie pour faire contrepoids. Le désir de tuer est une cristallisation
des impulsions issues de l’agressivité primitive. La modification de ce désir
primitif par les instances surmoïques cristallise en désir d’être tué, le désir
de mourir se conjuguant avec les histoires de vie pour aboutir ou précipiter
l’autodestruction.
Tous ces processus sont compliqués par de nombreux facteurs intercur-
rents, tels que les attitudes sociales, les modes de fonctionnement familiaux
ou les coutumes, mais aussi, Menninger y insiste dans un raccourci toujours
moderne, par les distorsions de la réalité liées à un développement de la
personnalité entravé.
Les expériences infantiles adverses peuvent ainsi perturber le développe-
ment émotionnel de telle sorte que le sujet ne saura établir ou maintenir les
capacités d’absorber ses objets d’amour ou de haine. C’est dans ce contexte,
à la faveur de circonstances où l’appréhension de la réalité sera mise à mal,
que le suicide peut être envisagé.
Il est clair pour Menninger que le suicide ne saurait être expliqué par
l’hérédité, la suggestion ou les troubles de l’adaptation sans que l’histoire
du sujet n’ait été prise en compte. Une longue et ancienne préparation a en
fait préludé au geste récent.

Évolution des idées : de Klein à Bowlby


Une synthèse récente de l’évolution des idées en psychothérapie d’inspira-
tion psychanalytique des suicidants (Ronningstam et al., 2009) évoque les
modalités de relation objectales, développées par Klein, et leur prolongement
84 Définitions, épidémiologie et déterminants

­ arcissique. Si la position schizoparanoïde aboutit à projeter la haine sur


n
l’objet, la position dépressive fait converger bons et mauvais objets, avec
naissance d’une culpabilité mortifère liée aux fantaisies sadiques dirigées vers
l’objet. Le suicide peut alors constituer une solution pour protéger l’objet.

Narcissisme
Les travaux sur le narcissisme découlent largement de ces vues et, pour
Rosenfeld  (1971), les composantes agressives et destructrices du narcis-
sisme sont déterminantes. La structuration narcissique est une défense
contre la dépendance, et la dépendance à un objet (supposé bon) va sus-
citer le désir de possession et de maîtrise. Lorsque les composantes des-
tructrices sont exacerbées, l’objet est menacé, tout comme le self, avec un
désir de mort mégalomaniaque comme une solution à tous les problèmes.
Dans la suite de ce courant de pensées, Kernberg (2001) stipule que le self
est identifié à l’objet haï, et l’auto-élimination devient la seule issue pour
attaquer l’objet. Il utilise le terme de malignant narcissism pour qualifier
une perturbation infiltrante du surmoi caractérisée par les comporte-
ments asociaux, le sadisme ego-syntonique et l’installation dans une pro-
blématique suicidaire chronique prenant la valeur d’une maîtrise froide
et parfois calculée d’un environnement (et parfois d’un thérapeute) im-
puissant et désarmé.
Kohut  (1971) a mis en parallèle les sentiments de honte et d’envie,
l’idéal du moi et la colère narcissique avec le suicide. Le maintien du
contrôle sur l’environnement pour maintenir l’estime de soi conduit à
une relation objectale particulière, avec un «  objet-soi  » renvoyant une
image positive, comme un miroir flatteur. La perte de cet objet-soi aboutit
pour cet auteur à deux formes d’auto-agression : celle du moi envers le soi
défaillant (forme dépressive) ou celle du surmoi cruel envers le soi (ven-
geance narcissique).
La réflexion sur le narcissisme dans son influence sur le geste suicidaire ne
doit pas faire oublier qu’il y a trois acceptions : (1) pathologie de la person-
nalité (personnalité narcissique, finalement assez proche de la personnalité
borderline) ; (2) dimension narcissique, construction psychologique explo-
rable par des instruments adaptés ; (3) vulnérabilité narcissique avec mise
en jeu de défenses inadaptées contre l’attaque du soi.
Ce qui peut être en jeu dans certains suicides (souvent graves) est le
mécanisme narcissique, car les investigations des liens entre la dimension
narcissique de la personnalité et les troubles comportementaux (Svindseth
et al., 2008) montrent au terme d’analyses multivariées que si violence,
estime de soi exacerbée et hospitalisations sous contrainte sont corrélés
à des scores élevés de narcissisme, la corrélation est inverse pour dépres-
sion et tendance suicidaire. Plus souvent en effet, la dynamique suicidaire
Données psychopathologiques 85

s’inscrit dans une mauvaise image de soi, dans des failles narcissiques.
Pour les psychanalystes de langue germanique (Erzerdorfer, cité par Ron-
ningstam et al., 2009), le suicide constitue une réaction extrême à l’at-
teinte de l’estime de soi, une forme d’autopréservation par fusion avec un
objet primaire.

Psychologie du soi et suicide


Diverses formes d’organisation du self ont été proposées par Reiser (1992)
dans leur contribution à la dynamique suicidaire :
• le soi en danger : c’est une organisation primitive, proche du soi craintif
des théoriciens de l’attachement (voir plus loin). Le sujet évite les relations
trop proches, adopte un mode de vie isolé, restrictif et compulsif, et le sui-
cide représente une réponse à l’atteinte de cette organisation défensive ;
• le soi enragé  : cette organisation correspond à une mauvaise image de
soi, avec victimisation et abandonisme construits dans l’adversité précoce,
et éventuellement idéalisation des abuseurs. Le sujet choisit des objets-soi
qui pérennisent l’expérience infantile, le suicide est alors un déchaînement
contre les introjections persécutives ;
• le soi vulnérable  : insatisfaction, sentiment de vide, sensibilité au rejet
et aux séparations s’accompagnent de passivité et de renoncement à l’ex-
pression d’une quelconque rébellion. La dynamique est pauvre et, dans sa
déréliction, le sujet est enclin à une suicidalité misérable et chronique ;
• le soi grandiose renvoie à cette forme de narcissisme exacerbé évoquée pré-
cédemment où le suicide est une porte de sortie devant l’échec du contrôle
de l’objet-soi et les sentiments de désintégration du soi et de vacuité qu’il
implique ;
• le soi en miroir : il existe une forte sensibilité aux sentiments d’autrui, le
sujet aspirant à devenir l’objet-soi d’autres, poursuivant ce rôle oblatif quasi
compulsivement. Cette démarche dysmétrique entraîne inévitablement
échecs et déceptions, épuisement, dépressivité et isolement.

Théories de l’attachement (Bowlby, 1977)


Les failles de la construction ou des représentations du soi y sont prises en
compte et mises en perspective avec les perturbations du développement ou
du maintien des liens d’attachement, en fonction du mode de perception
des autres.
Les liens ou le style d’attachement se construisent précocement, dans
l’équilibre des interactions entre le tout-petit et ses figures parentales, et la
capacité (ou non) à satisfaire ses besoins de sécurité.
Si les positions parentales permettent une gestion adéquate de la détresse
inévitablement suscitée par les vicissitudes de la jeune existence, des
86 Définitions, épidémiologie et déterminants

­ écanismes et des stratégies adaptatives peuvent se constituer. Si les figures


m
parentales sont distantes, froides, rejetantes ou incompétentes par défaut
d’empathie, des styles adaptatifs inappropriés vont s’installer, reposant sur
des « modèles internes opérants » (MIO) perturbés (Steep et al., 2008).
Les composantes de ces MIO sont la combinaison de modes de perception
du soi et de perception des autres (négatif ou positif). Bartholomew (1990)
les a théorisées dans un schéma aboutissant à quatre prototypes de style
d’attachement : sécure, préoccupé, craintif et détaché.
Le style sécure repose sur un modèle positif de soi et des autres. Les sujets ne
sont pas mis en danger dans les relations intimes, qui ne menacent pas leur
autonomie.
À l’opposé, le style craintif, qui va de pair avec un modèle négatif de soi
comme des autres, se caractérise par une angoisse de perte et de rejet par les
proches, entraînant un retrait des relations intimes, ainsi qu’un évitement
social. C’est le propre des personnalités évitantes.
Un modèle négatif de soi associé à un modèle positif des autres aboutit
à un style préoccupé (anxieux, ambivalent) avec aussi une anxiété relation-
nelle, mais contrairement à l’évitement, on observe des tentatives de rap-
prochement, de réassurance et d’étayage par l’autre. Il peut concerner les
personnalités borderlines, histrioniques et dépendantes.
Enfin, pour les sujets qui associent un modèle positif de soi à un modèle
négatif des autres, les relations intimes sont dévalorisées, le sujet s’auto­
satisfait et maintient de la distance (style détaché, aussi appelé évitant). C’est le
propre des sujets à dimension narcissique, évitante et antisociale ainsi que
des personnalités schizoïdes.
Ce modèle a été validé à plusieurs reprises, en utilisant l’AAI (Adult Atta-
chment Inventory) auprès de populations diverses.
Lessard et Moretti (1998) ont confronté ce modèle bidimensionnel à une
population d’adolescents diversement suicidaires. Elles observent une cor-
rélation entre les idées suicidaires et les styles craintifs et préoccupés, mais
pas avec les styles sécure et détaché. L’intensité de l’idéation suicidaire est
corrélée aux scores reflétant la dimension craintive, négativement avec les
dimensions sécure et détachée. Enfin, la létalité des gestes suicidaires est
corrélée avec les tendances préoccupées.
Malgré les polémiques qui ont accueilli la théorie de l’attachement et ses
supposées incompatibilités avec les théories psychanalytiques orthodoxes,
il s’agit là d’un modèle de travail convergeant et complémentaire, qui four-
nit des objectifs d’évolution des MIO insécures, dans le cadre de l’établisse-
ment d’une alliance thérapeutique nécessairement stable. C’est particulière­
ment pertinent dans la prise en charge des suicidants.
Données psychopathologiques 87

Le systémicien et les tentatives de suicide2


Pour les systémiciens, le suicide ou sa tentative, tout passage à l’acte à vrai
dire, ne sont pas seulement une caractéristique du sujet (ou patient), mais
aussi une propriété du système, du contexte dans lequel ce sujet évolue. Le
passage à l’acte ou l’émergence d’une problématique suicidaire correspon-
dent à une impossibilité de mettre des mots ou d’exprimer des émotions,
dans des configurations critiques, en faisant référence aux crises familiales
qui marquent des ruptures d’équilibre relationnel entre un individu et son
entourage, ou des difficultés personnelles intercurrentes qui viennent révé-
ler un pseudo-équilibre instable et dysfonctionnel.

La dimension relationnelle
On retrouve fréquemment des antécédents suicidaires aux générations
précédentes. Le patient a souvent une fonction familiale particulière. Par
exemple, il est chargé de résoudre un problème qui le dépasse comme
­élever un collatéral ou un puîné, soigner un ascendant, remplacer un
mort ou incarner des valeurs familiales. Il peut être pris dans des conflits
parentaux ou conjugaux ouverts ou larvés, avec alliances secrètes et
­transgénérationnelles, conflits de loyauté non formulables. Le position-
nement familial est mal différencié, avec confusion des rôles et confusion
générationnelle.
Des ruptures sentimentales interrogeant la sexualité et la capacité à
s’autonomiser ou à créer de nouvelles « appartenances » agissent comme
des révélateurs. Les problématiques familiales sexuelles sont fréquentes  :
climat relationnel incestueux ou violences sexuelles. On retrouve souvent
aussi une pauvreté de la communication tant quantitativement que quali-
tativement, interprétée comme un manque d’amour ou pire encore comme
de l’indifférence. Le risque de suicide est rarement évoqué : chacun sait qu’il
existe, mais personne ne sait que tout le monde sait (Neuburger, 1995). Tout
le monde compte sur les autres pour résoudre le problème ou sur le temps et
le silence. Les menaces de suicide sont connotées moralement. On parle de
« chantage affectif », de « comédie », « d’enfantillage ». Pour Vallée (1988),
la tentative de suicide est d’emblée située sur le plan des interactions fami-
liales. Cet auteur distingue les familles à transactions suicidaires et les fa-
milles à transactions mortifères. Dans tous les cas, le discours des survivants
du suicide est toujours le même : déni et banalisation qui invalident toute
démarche psychologique de mise en perspective, de recherche de sens et
d’expression de la souffrance.

2 Écrit en collaboration avec Christian  Legendre, psychologue clinicien, thérapeute


familial systémique, clinique psychiatrique et de psychologie médicale, CHRU de Caen.
88 Définitions, épidémiologie et déterminants

Les transactions suicidaires


La tentative de suicide est présente de manière diffuse dans ces systèmes
familiaux et frappe itérativement une même personne ou d’autres membres
du système faute d’alternative dans l’éventail des compétences familiales
pour changer la répétition du message relationnel. La boucle des interactions
est liée à des conflits relationnels caractérisés par une menace de rupture,
d’abandon, de séparation, de divorce ou de « désappartenance » (Neuburger,
1995). Les entretiens avec ces familles montrent la labilité des désignations :
tout le monde a des problèmes, vit des échecs, est ou a été psychologique-
ment mal, etc. Et l’observation montre un décalage entre la gravité de la
menace de mort et une certaine souplesse apparente des interactions.
La tentative de suicide a ici une fonction positive d’appel, ce qui heurte
le sens commun ; le suicidant met sa mort dans l’enjeu, même s’il n’en a
qu’une conscience diffuse. Si l’appel est entendu, la tentative de suicide est
paradoxalement réussie : le sujet a tenté sa mort comme réification de la me-
nace d’exclusion et a mis cette problématique privée sur la place publique.
La honte entre alors souvent en scène, d’où peut-être les banalisations
subséquentes. Si l’appel n’est pas entendu (banalisation, intervention cura-
tive trop tardive), le risque de récidive est grand et le risque létal s’accroît.
C’est dans cette configuration de transactions que la prévention secon-
daire peut être la plus efficace rapidement, si l’intervention curative est elle-
même très rapide. Celle que propose Oualid (1987) est de recevoir le plus
rapidement possible les familles de suicidants, en état de choc émotionnel,
avant que ne se mettent en place les mécanismes de banalisation, de déni,
de rationalisation, d’intellectualisation, etc.

Les transactions mortifères


La problématique en cause est celle de l’exclusion vraie d’un des membres
du système familial (hypothèse [N-1] de Oualid). Cela peut advenir à l’oc-
casion d’un phénomène intercurrent dans le cycle de vie de la famille, met-
tant en scène dans le réel la menace d’exclusion d’un des membres, qui
devient vraie (adultère, chômage, changement de la configuration familiale
mettant en cause le sentiment d’appartenance). L’observation et l’entretien
avec les proches font apparaître que la mort de celui qui est désigné est en-
visagée comme une solution, parfois sur un mode culpabilisé, parfois non.
On retrouve souvent ce type de désignation sur des membres des généra-
tions précédentes, qu’il y ait eu ou non tentative ou suicide effectif. Les équi-
valents suicidaires («  sacrifices  ») sont facilement repérables et nombreux
dans le génogramme sur deux ou trois générations, tels les conduites à ris-
que, l’alcoolisme, la violence, l’hétéro- ou auto-agressivité, la toxicomanie,
les deuils non faits, les secrets sur les origines, les mésalliances, les mariages
Données psychopathologiques 89

arrangés, etc. Le mythe familial du sacrifice (au sens de René Girard), qu’il


soit laïc ou religieux, est donc relativement fréquent (Pochard et al., 1999).
La désignation du membre qui doit disparaître n’est pas labile. Elle garde
toute sa force même quand le suicide est « manqué ». La tentative de suicide
n’a ici aucune valeur d’appel, elle n’est qu’un suicide raté.
Dans ce type de transaction, le suicide, s’il fallait le caractériser psycho-
logiquement, serait plutôt de l’ordre du sacrifice, du renoncement, du pas-
sage, de l’ordalie ou de la vengeance.
Les appels du patient désigné ont lieu avant, quand ils ont lieu, et sont
dirigés vers d’autres personnes que les membres de la famille nucléaire. Il
s’agit souvent de tentatives de s’inscrire dans d’autres systèmes d’apparte-
nance. Les comportements de désignation semblent surdéterminés et répé-
titifs et renvoient probablement à une dimension psychique individuelle en
relation avec l’histoire personnelle du sujet au sein de sa famille d’origine.
Les enjeux relationnels sont proches de ceux que l’on trouve dans les
familles à transaction psychotique, avec en particulier  : rigidité, disquali-
fications, instigations, individuations vécues comme dangereuses pour la
survie du système, forteresses familiales très entropiques, mythes de l’unité
familiale et du sacrifice. C’est par des traits et des comportements psycho-
tiques ou borderlines pour certains, et par la mort pour d’autres, que ces
patients désignés s’incarnent, deviennent de « vraies » personnes.
Il est capital de tenter de situer le geste suicidaire dans le temps, par
exemple l’associer à une revendication ancienne de différenciation de soi,
imaginer ce que la mort du patient aurait ou non changé, imaginer la fa-
mille dans vingt ans, etc.

Événements de vie
La question de l’interaction entre le sujet suicidaire et son environnement
est complexe. Elle concerne à l’évidence les suicides «  psychogènes  », les
crises psychosociales et les gestes suicidaires se déroulant dans un contexte
névrotique. Elle peut être aussi retrouvée dans les situations pathologiques
les plus « biologiques » (états psychotiques, troubles bipolaires).
Les événements de vie peuvent être des déclencheurs récents (dans les
six mois précédents) de gestes suicidaires. Ils peuvent aussi être survenus
précocement dans la construction de l’individu et de sa personnalité. La
situation la plus fréquemment rencontrée chez les suicidants est la somma-
tion de circonstances événementielles adverses précoces, fragilisant la per-
sonne à la survenue ultérieure de traumatismes psychiques dont les effets
se trouveront alors amplifiés. Il s’agit alors d’une forme de prédisposition
indirecte. Mais pour d’autres auteurs, il pourrait y avoir un lien plus direct
90 Définitions, épidémiologie et déterminants

entre certains traumatismes précoces et le passage à l’acte ou l’issue suici-


daire (Joiner et al., 2007).

Événements de vie précoces : séparations et


maltraitances
La fréquence des événements de vie adverses dans l’enfance d’adolescents
ou jeunes adultes rencontrés à l’occasion d’un passage à l’acte suicidaire est
très grande, de même que l’occurrence de tels événements chez des sujets
présentant des troubles graves de la personnalité avec impulsivité, troubles
des conduites, difficultés relationnelles interpersonnelles chroniques (par
exemple, états limites) souvent rencontrés chez les sujets suicidants itératifs.
Il peut s’agir :
• de relations parentales inadaptées (violence, surprotection, rejet, style
parental chaotique, carence ou excès d’autorité) ;
• de maltraitances (négligences, abus sexuels, violence, cruauté) ;
• d’expériences de séparations traumatiques (deuils, placements).
Ces divers registres de maltraitance peuvent être associés.
Les facteurs traumatiques précoces les plus étudiés ont sans contestation
été les expériences de maltraitance infantile. Brent et al. rapportent en 1994
que des adolescents décédés de suicide ont significativement plus d’antécé-
dents de maltraitance infantile physique que des témoins appariés. L’anté-
cédent de maltraitance physique est aussi retrouvé comme facteur signifi-
catif de tentatives de suicides ultérieures par Glowinski et al. (2001) au sein
d’une population de 3 000 jumelles évaluées à l’adolescence. Dans l’ensem-
ble, à quelques rares exceptions, la grande majorité des comparaisons ana-
logues retrouve les mêmes résultats. Assez peu d’études ont évalué le risque
suicidaire en relation avec des formes particulières de maltraitance. Pour
Roy et al. (2003), il n’y a pas grande différence d’incidence dans les diverses
formes de maltraitance. Toutefois, Roy et Janal (2005) montrent que les
traumatismes infantiles, particulièrement chez les sujets de sexe féminin,
s’accompagnent de tentatives de suicides plus jeunes et plus fréquentes. Joi-
ner et al. (2007), utilisant les données issues de l’étude épidémiologique de
comorbidité américaine, trouvent que plus les maltraitances sont violentes,
plus il y a de tentatives de suicide. Les maltraitances violentes, physiques
ou sexuelles entraînent plus de tentatives de suicide que les maltraitances
verbales ou le harcèlement. Si la dimension violente est ici mise en avant,
pour Brown et al. (1999), ou pour Soloff et al. (2002), c’est la maltraitance
sexuelle qui serait la plus délétère. Favaro et al. (2007) retrouvent des com-
portements auto-agressifs chez près d’un quart d’une cohorte de 934 jeunes
femmes. Les comportements suicidaires sont plus rares (2,1 %) mais sont,
comme les précédents, nettement liés à des antécédents d’abus sexuels
Données psychopathologiques 91

i­nfantiles ou de viols. En fait, les opinions peuvent très bien diverger entre
les études, tout simplement parce que diverses formes de maltraitance in-
fantile sont souvent associées et que, selon les populations, ce ne sont pas
tout à fait les mêmes qui font l’objet de l’attention. Pour Kessler (1997), re-
trouver une influence des abus sexuels dans le développement ultérieur de
tentatives de suicide ne doit pas faire négliger que l’abus sexuel est aussi le
marqueur d’un climat familial où précarité, violence, promiscuité, divorces,
criminalité et perte des références morales constituent un contexte patho-
gène beaucoup plus large. Pour Sarchiapone et al. (2009), les tentatives de
suicide sont nettement corrélées aux traumatismes infantiles, notamment
aux agressions subies, qu’elles soient physiques ou sexuelles, et ils consta-
tent une forte tendance agressive chez ces suicidants.
Bebbington et al. (2009) confirment en population générale (enquête
épidémiologique réalisée au Royaume-Uni en  2000) que les antécédents
d’abus sexuels sont fortement associés au comportement suicidaire, quatre
fois plus chez la femme (plus exposée) que chez l’homme. L’évaluation de
l’état psychique lors de l’entretien montre un lien entre les antécédents sui-
cidaires et l’instabilité thymique, confirmant ici la fragilisation de la sphère
émotionnelle par ces traumatismes précoces.
Une étude transgénérationnelle illustre bien toute cette complexité
(Brodsky et al., 2008). L’originalité de la démarche est de partir de sujets
déprimés avec ou sans antécédents de maltraitance (sexuelle, ou sexuelle
et physique) dans l’enfance, et de suivre le devenir tant des proposants que
de leurs enfants.
Le fait que les patientes maltraitées (plus jeunes, plus souvent non cau-
casiennes, de moindre niveau d’éducation et de moindre niveau social)
souffraient plus souvent de stress post-traumatique et d’abus toxiques que
les non-traumatisées et avaient fait plus souvent des tentatives de suicide
(particulièrement liées aux antécédents d’abus sexuel) confirme les études
concurrentes sur le sujet. Les résultats les plus importants sont la mise
en évidence, à partir de l’antécédent d’abus sexuel précoce chez un parent,
d’une constellation de troubles qui vont atteindre leur progéniture, avec
des conséquences indirectes comportant, chez ces enfants, une victimisa-
tion sexuelle et, logiquement, des tentatives de suicide. Ces enfants de vic-
times, devenant eux-mêmes victimes, vont souffrir à leur tour de stress post-
traumatique et comporter des dimensions impulsives de leur personnalité.
Cette étude scientifiquement rigoureuse apporte du crédit aux observations sur
la transmission transgénérationnelle des climats familiaux « incestueux ».
Par ailleurs, toutes les victimes de maltraitance ne se suicident pas, le
suicide étant heureusement bien plus rare que les facteurs qui y président.
Dervic et al. (2006) se sont penchés sur cette question, en comparant les
suicidants et les non-suicidants au sein d’un groupe de 119  patients
92 Définitions, épidémiologie et déterminants

­ ospitalisés pour dépression et ayant rapporté des antécédents de mal-


h
traitance dans l’enfance. Les suicidants étaient plus jeunes, avaient des
scores d’auto-évaluation plus élevés en ce qui concerne la dépression et
la suicidalité. Ils avaient aussi plus de troubles de la personnalité compor-
tant une dimension impulsive, et peu de barrières morales ou religieuses à
la mise en œuvre d’un suicide. Cette étude en confirme d’autres réalisées
en dehors d’un contexte de maltraitance précoce, qui ont pointé dans des
contextes divers l’intérêt des convictions ou de la pratique religieuse dans
la protection contre le passage à l’acte suicidaire.

Événements de vie récents


On retrouve fréquemment, chez les suicidants, des événements récents
ayant « déclenché » le passage à l’acte (Beautrais et al., 1997). Ces événe-
ments sont généralement dépourvus de toute spécificité et n’interviennent
qu’en interaction avec les autres facteurs contributifs. Les deuils, les sépa-
rations, les pertes d’objet ou de statut (réel ou symbolique), les blessures
narcissiques, les pertes de groupe d’appartenance, la souffrance au travail
et les agressions constituent néanmoins des « portes d’entrée » dans la crise
suicidaire dont on doit tenir compte dans la prise en charge psychologique
et le bilan contextuel.
Pour Beautrais et al. (1997) et Heikinen et al. (1997), il est possible de ca-
tégoriser ces événements de vie adverses selon qu’ils sont interpersonnels,
liés au travail, financiers, judiciaires ou médicaux. C’est une simplification
par rapport à l’inventaire d’événements de vie de Paykel et Mangen (1980),
très complet et qui comporte soixante-trois types d’événements spécifiques
répartis en dix catégories : travail, enseignement, finances, santé, deuil, dé-
ménagement, relation amoureuse et cohabitation, rapport à la loi, événe-
ment sociofamilial, événement conjugal.
Ces événements peuvent avoir une puissance réelle ou sembler plus sym-
boliques. Pour les sujets qui sont les plus « sociotropes », les événements de
vie les plus déstabilisants peuvent être ceux qui représentent une rupture
de lien. Au contraire, pour les sujets qui ont un lieu de contrôle interne, qui
sont plus autonomes, les événements les plus stressants représentent plus
des pertes de contrôle, de statut ou des blessures narcissiques.
Le modèle qui prévaut est celui de stress-diathèse, qui stipule que si les
événements traumatiques déclenchent une réaction, notamment dépres-
sive ou suicidaire, cela est lié à l’existence d’un terrain fragilisé et, selon les
grilles de lecture, la fragilité peut s’exprimer ou être décrite différemment.
Elle peut ainsi être liée à une pathologie particulière, à un type de person-
nalité, à une sensibilité issue de traumatismes précoces, le tout étant géné-
ralement très intriqué. On peut considérer que si la diathèse est une fragilité
psychique, l’influence d’un stresseur psychique sera grande.
Données psychopathologiques 93

D’autres pensent que si la diathèse est biologique (notamment généti-


que), le stress psychologique a un moindre poids (Kendler et al., 2001).
Pour Post (1992), les événements de vie rythment l’évolution des ruptures
thymiques récurrentes selon un modèle de recrutement (kindling) tel que
des traumatismes de moins en moins importants au fil du temps suscitant
des réponses critiques. Un tel modèle est envisageable pour l’évolution des
trajectoires suicidaires récurrentes.
Parmi les événements récents qui peuvent être suicidogènes, il y a le deuil,
qui constitue un facteur de risque pour tout le spectre des comportements
suicidaires, allant de l’augmentation des idées suicidaires, au suicide abouti
en passant par les tentatives de suicide. Le veuvage entraîne une multiplica-
tion du risque de décès par suicide chez les jeunes Américains, d’un facteur
de 17 chez les Blancs et de 9 chez les Noirs (Luoma et al., 2002). Le deuil
compliqué, qui se manifeste tardivement (au-delà des six mois suivant le
décès), comporte bien des points communs avec les phénomènes de stress
post-traumatique. On considère qu’il peut concerner de 10 à 20 % des en-
deuillés (Middleton et al., 1996) et que la fréquence des tentatives de suicide
est augmentée dans cette population (Prigerson et al., 1999). Pour Szanto et
al. (2006), des tentatives de suicide s’observent dans 13 % des cas de deuil
compliqué, et s’ajoutent à ce chiffre 44 % de comportements autodestruc-
teurs indirects.
Un cas particulier de deuil traumatique porte un poids suicidogène plus
lourd, lorsque le décès brutal est lié lui-même à un suicide.
D’autres événements traumatiques récents peuvent précipiter ou réveiller
une problématique suicidaire. Telles sont les expériences de ruptures senti-
mentales ou la violence récente, sexuelle ou physique, subie dans le cadre
de conjugopathies. On se rend parfois compte, en examinant ces situations,
qu’il y a déstabilisation d’un équilibre précaire chez des sujets ayant connu
des événements précoces déstructurants. Et bien souvent, en observant les
trajectoires de répétition d’exposition à des situations très stéréotypées, on
se demande s’il n’y a pas un phénomène de « victimisation » inconscient.
Ainsi, la victime de violences de la part d’un père alcoolique va inlassable-
ment reproduire des unions vouées d’avance à l’échec avec des personnages
qui se révéleront eux aussi alcooliques. Ou la jeune victime de maltraitances
sexuelles précoces va multiplier les conduites à risque, la rendant vulnéra-
ble ou proie facile de futurs prédateurs.
La chaîne des causalités entre les événements de vie les plus précoces
et les plus récents est donc très complexe, les événements de vie précoces
créant un terrain fragile (y compris par la mise en jeu d’événements biolo-
giques) qui va à la fois favoriser la rupture dépressive ou suicidaire de l’âge
adulte mais aussi, dans certains cas, créer activement les contextes trauma-
tisants tardifs.
II
Clinique
des conduites
suicidaires
6 Conduites suicidaires
et troubles de l’humeur

Troubles dépressifs
Les troubles dépressifs de l’humeur, qu’ils soient isolés, réactionnels ou
qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la dépression récurrente ou dans celui
du trouble bipolaire, comportent intrinsèquement le risque suicidaire dans
leur définition clinique ou dans les actuelles définitions critériologiques.
Les sujets cliniquement déprimés ont un risque de décès par suicide mul-
tiplié par vingt par rapport à la population générale (Harris et Barraclough,
1997) et le risque de tentative de suicide concerne 40 % des sujets ayant fait
un premier épisode dépressif.
Tous les sujets déprimés, même si nombre d’entre eux expriment des
« idées noires », ne se suicident pas ou ne font pas de tentatives de suicide.
Il est donc important, face à un déprimé, de tenter de repérer les éléments
favorisants ou les signes cliniques qui doivent alerter.

Formes cliniques de dépression


Conformément à la dixième version de la Classification internationale des
troubles mentaux (CIM-10), l’épisode dépressif peut être unique ou récur-
rent, et d’intensité légère, moyenne ou sévère.
La dépression se définit comme un abaissement de l’humeur, cette « dis-
position affective fondamentale, riche de toutes les instances émotion-
nelles et instinctives, qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité
agréable ou désagréable, oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir
et de la douleur…  » (Delay, 1946), avec une diminution de l’intérêt et
du plaisir, une perte énergétique entraînant fatigabilité et réduction de
l’activité.
La CIM-10 évoque certains symptômes :
• diminution de la concentration et de l’attention ;
• diminution de l’estime et de la confiance en soi ;
• des idées de culpabilité ou de dévalorisation ;
• une attitude morose et pessimiste face à l’avenir ;
• des idées ou actes auto-agressifs ou suicidaires ;
• une perturbation du sommeil ;
• une diminution de l’appétit.

Le geste suicidaire
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98 Clinique des conduites suicidaires

Bien qu’une durée de deux semaines soit habituellement exigée pour le


diagnostic, quelle que soit l’intensité, une durée plus courte peut raisonna-
blement suffire lorsque les symptômes sont exceptionnellement sévères ou
d’installation rapide, notamment chez un patient aux antécédents thymi-
ques connus.
Sont également précisées certaines formes cliniques, comme les dépres-
sions de l’adolescent, « souvent atypiques », dominées par une anxiété, un
désarroi ou une agitation psychomotrice ou masquées par une irritabilité,
une consommation excessive d’alcool, un comportement histrionique, une
exacerbation de symptômes phobiques ou obsessionnels préexistants, ou
des préoccupations hypochondriaques.
Même en admettant que ce concept peut être discuté, la CIM-10 retient
également le concept de dépression « mélancolique » ou « endogène », re-
baptisée ici « somatique ». Les symptômes les plus caractéristiques sont une
diminution de l’intérêt ou du plaisir pour des activités habituellement agréa-
bles, un manque de réactivité émotionnelle à des événements ou à des cir-
constances habituellement agréables, un réveil matinal avancé d’au moins
deux heures avant l’heure habituelle, une aggravation nycthémérale ma-
tinale, des perturbations psychomotrices visibles (ralentissement ou agita-
tion), une perte d’appétit avec perte de poids d’au moins 5 % dans le dernier
mois.
Face à cette forme sévère qu’est la dépression « endogène », la classifica-
tion est ambiguë avec les formes réactionnelles, classées dans les troubles
névrotiques. Elle admet l’existence d’états dépressifs légers ne persistant pas
au-delà d’un mois (« réactions dépressives brèves ») et d’états dépressifs légers
survenus à la suite de l’exposition prolongée à une situation stressante et ne
persistant pas au-delà de deux ans (« réactions dépressives prolongées »).
Le trouble anxieux et dépressif mixte est une catégorie hybride, utilisée
lorsque le sujet présente à la fois des symptômes dépressifs et anxieux, sans
que l’intensité des uns et des autres permette de constituer un diagnostic
principal.
La classification utilisée dans les pays anglo-saxons obéit aux principes du
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) de l’Association
américaine de psychiatrie et peine à se dégager du concept « fourre-tout »
d’épisode dépressif majeur. Se voulant athéorique, construite à des fins de
recherche et de statistiques, cette classification est en fait très peu adaptée
à la clinique quotidienne qui, en termes de suicidologie, doit prendre en
compte la problématique de l’individu dans sa globalité.
La problématique suicidaire fait partie intégrante du syndrome dépressif,
à des degrés divers, mais la façon de repérer les gestes auto-agressifs réalisés
dans un cadre de troubles de l’humeur ne distingue pas ce qui ressort du
suicide et ce qui ressort du parasuicide.
Conduites suicidaires et troubles de l’humeur 99

Tableau 6-1
Troubles de l’humeur (affectifs) et suicide
Trouble Effectifs Effectifs ICM** IC95 %***
de suicides de suicides (× 100)
observés attendus*
Dépression 351 17,25 2 035 1 827-2 259
majeure
Dysthymie 1 436 118,45 1 212 1 150-1 277
Troubles de 377 23,41 1 610 1 452-1 781
l’humeur non
spécifiés
*
Terme d’épidémiologie qui évalue le nombre de décès dans une population exempte du facteur de risque étudié.
**
ICM : indice comparatif de mortalité (l’ICM de référence étant de 100, un ICM de 2 000 signifie dans ce
cas que la présence du trouble multiplie par 20 le risque de suicide).
***
Intervalle de confiance à 95 % (l’ICM est une mesure statistique qui permet d’apprécier la puissance du
phénomène observé).
Source : adapté de Harris et Barraclough (1997)

Données des autopsies psychologiques


Dans leur méta-analyse portant sur 249 publications et 44 troubles, Harris et
Barraclough (1997) mettent en évidence des taux de prévalence particuliè-
rement élevés de dépression, de dysthymie et de dépressions non spécifiées
(tableau 6-1). L’examen de ce tableau est très éclairant, car il montre que
l’indice comparatif est particulièrement élevé dans les dépressions majeures
(d’un facteur  20), ainsi que dans les troubles de l’humeur non spécifiés
(d’un facteur 16), et moins dans la dysthymie (facteur 12), qui regroupe les
dépressions névrotiques et les réactions dépressives névrotiques brèves ou
prolongées. Si l’on met en regard l’incidence du suicide dans les troubles
de l’humeur les plus sévères et caractérisés, et l’incidence moindre dans
le groupe des dysthymies, on ne peut que constater que ces « dépressions
mineures » étant plus nombreuses, elles constituent un problème de santé
publique au moins aussi important que les autres, malgré la réputation de
plus grande bénignité des gestes suicidaires en cause.
Mais tous les déprimés, même suicidaires, ne se suicident pas ou ne font
pas de tentatives de suicide. L’intérêt des autopsies psychologiques est de
repérer les éléments contributifs au risque suicidaire.
Les facteurs les plus constamment retrouvés sont :
• l’existence d’un antécédent de passage à l’acte ;
• la sévérité de la dépression. Certaines formes cliniques comme les formes
mélancoliques, les formes avec anxiété paroxystique (risque de raptus
anxieux), les formes avec anesthésie affective, les formes avec hostilité sont
particulièrement inquiétantes ;
100 Clinique des conduites suicidaires

• la survenue à un âge précoce ;


• l’association à un trouble de la personnalité, d’autant plus s’il comporte
une impulsivité ou une agressivité particulières ;
• l’association à des abus ou une dépendance à l’alcool ou aux toxiques ;
• l’existence d’une pathologie somatique associée ;
• l’isolement social ou affectif ;
• la perte d’espoir exprimée.
Il faut bien faire la part des facteurs réputés contribuer au risque de sui-
cide, tels qu’ils sont détectés dans les autopsies psychologiques ou dans les
études épidémiologiques, et des éléments cliniques qui permettent, face à
un sujet souffrant d’une forme ou d’une autre de dépression, de détecter et
prévenir le risque suicidaire. En d’autres termes, le facteur de risque épidé-
miologique n’est pas superposable au facteur de risque individuel. Le pre-
mier s’évalue dans une réflexion théorique, le second dans le cadre d’une
rencontre clinique.
Il existe aussi des moments critiques dans l’évolution d’une dépression
traitée, au début du traitement avec la levée d’inhibition et en fin de traite-
ment de l’épisode aigu, lorsque la symptomatologie est améliorée, mais que
le contexte n’a pas été pris en compte, que les facteurs dépressogènes sont
toujours actifs, et que les liens attaqués par la phase dépressive n’ont pas
été réparés. Dans une étude recensant tous les suicides réalisés par des sujets
souffrant de troubles de l’humeur, soit pendant leur hospitalisation, soit
peu après leur sortie, sont retrouvés comme facteurs de risque l’existence
de tentatives antérieures, une perte d’emploi l’année précédant l’épisode
index, et comme facteurs de protection l’amélioration clinique au cours de
l’hospitalisation, ainsi que le fait d’être sous antidépresseurs (Hoyer et al.,
2009). Cet exemple montre combien, une fois identifiée une dépression
avec risque suicidaire, il n’est pas possible sans dommage de se satisfaire de
demi-mesures et de demi-résultats thérapeutiques.

Suicide et méconnaissance ou insuffisance


thérapeutique de la dépression
Une polémique actuelle évoque tantôt l’insuffisante efficacité des médica-
ments antidépresseurs, ce qui n’est pas totalement infondé, ou l’effet sui-
cidogène des mêmes antidépresseurs. En fait, dans la maladie dépressive,
le risque suicidaire est lié non pas tant au traitement qu’à l’absence ou à
l’insuffisance de traitement.

La dépression méconnue
Si la pathologie dépressive est considérée comme responsable de suicides
dans 30 à 87 % des cas examinés dans le cadre d’autopsies psychologiques,
l’importance d’une reconnaissance diagnostique est majeure. Or, dans leur
Conduites suicidaires et troubles de l’humeur 101

ensemble, les études évaluant la performance des médecins ou des systèmes


de soin de première ligne à détecter cette pathologie donnent des résultats
modestes (McQuaid et al., 1999). Pour ne prendre qu’un exemple qui re-
flète les difficultés diagnostiques rencontrées en médecine générale, dans
la confrontation des diagnostics et prescriptions antidépressives à propos
d’une population de 265 patients de médecine générale avec les résultats
d’un entretien psychiatrique standardisé selon les critères américains du
DSM, les médecins généralistes n’ont diagnostiqué la dépression que dans
un peu plus d’un tiers des cas, tout en considérant à tort comme « dépri-
més » 12 % des patients (Pérez-Stable et al., 1990).

La dépression non traitée


Même lorsque l’identification diagnostique est réalisée, la prise en charge
thérapeutique classique de la dépression, c’est-à-dire articulée autour de la
mise en place d’une chimiothérapie antidépressive, est loin d’être la règle
(Druss et al., 2000). Nous ne nous intéresserons ici qu’à son traitement
classique. Il existe certes d’autres thérapies que médicamenteuses pour la
dépression, mais elles sont réservées à des dépressions d’intensité légère à
moyenne et se heurtent aussi à une pénurie de disponibilité de thérapeutes
formés pour les conduire, dans notre pays plus encore qu’ailleurs en Europe
et outre-Atlantique.
Sur le plan individuel, les analyses toxicologiques montrent que des su-
jets décédés de suicide, même s’ils ont bien souvent consulté dans les mois
ou semaines précédant le geste, sont minoritairement traités par antidépres-
seurs, ces molécules n’étant retrouvées que chez 16 à 23 % des sujets (Isacs-
son et al., 1999, 2005 ; Sakinofsky, 2007 ; Leon et al., 2007). Isacsson et al.
(1999) rapportent ainsi les résultats toxicologiques obtenus chez 5 281 sui-
cidés recensés en Suède entre 1990 et 1994, et retrouvent des antidépres-
seurs chez 16 % des sujets, 26 % chez les femmes et 12 % chez les hommes.
Plus récemment, les mêmes auteurs (2005) confirment la persistance de ce
résultat, ne retrouvant d’antidépresseurs que chez 23  % de 14  857 sujets
décédés de suicide (dans un cas sur deux un inhibiteur de la recapture de la
sérotonine – IRS).
Ce type de résultats n’est pas réservé à l’Europe et a été rapporté aussi
aux États-Unis dans l’Alabama, dans la région de San Diego et à New York,
avec des taux de détection d’antidépresseurs dans le sang de suicidés allant
de 12 à 16 % (Sakinofsky, 2007). À New York (Leon et al., 2007) sur les 1 419
suicides adultes entre 2001 et 2004, l’autopsie ne retrouve d’antidépresseurs
que dans 23 % des cas, 13,9 % pour les moins de 24 ans.
Même en n’attribuant en hypothèse basse à la dépression que 50 % des
suicides, les patients déprimés décédés par suicide ne sont dans leur grande
majorité pas traités comme tels.
102 Clinique des conduites suicidaires

Chez les mineurs ou l’adulte jeune, cette sous-médicalisation de la dé-


pression a été confirmée dans au moins deux investigations toxicologiques.
Leon et al. (2004) ne retrouvent des antidépresseurs que dans quatre cas sur
les 66 décès par suicide recensés chez les mineurs new yorkais, entre 1993
et 1998, avec un taux de recueil toxicologique de 88 % (deux cas de fluoxé-
tine, deux cas d’imipramine, aucun de paroxétine, mise en cause à l’époque
comme étant potentiellement suicidogène). Gray et al. (2003), analysant
49 suicides de jeunes de 10 à 19 ans, ne retrouvent de prescriptions d’an-
tidépresseurs que chez moins d’un quart d’entre eux, toutes les analyses
toxicologiques s’avérant par ailleurs négatives, ce qui laisse à penser que les
prescriptions n’étaient pas suivies.

La dépression mal traitée


Rappelons les quelques règles simples du traitement des épisodes dépressifs,
qui seront développées dans la troisième partie de cet ouvrage :
• posologie suffisante ;
• durée suffisante (ne pas déclarer inefficace un traitement n’ayant pas été
essayé au moins 4 semaines, certains préconisant même 6 semaines) ;
• recherche de la rémission. En cas de non-amélioration ou de persistance
de symptômes résiduels au-delà du délai imparti, recourir à des stratégies de
potentialisation ou changer d’antidépresseur ;
• une fois la rémission obtenue, maintenir le traitement pendant au moins
6 mois d’état stable asymptomatique ;
• en cas de dépression récurrente, selon la fréquence des récidives ou leur
intensité, il peut être indiqué de poursuivre le traitement plusieurs années,
voire indéfiniment sur certains terrains.
Malgré la simplicité de ces principes thérapeutiques, l’ensemble des éva-
luations de la qualité des traitements antidépresseurs mis en œuvre s’avère
fort décevant.
Une évaluation de la qualité des traitements antidépresseurs remboursés
par le programme de Sécurité sociale de Californie, à une époque où les an-
tidépresseurs sérotoninergiques n’avaient pas encore envahi le marché et où
les antidépresseurs imipraminiques étaient encore utilisés majoritairement,
avec leurs contraintes posologiques, montrait ainsi que sur 6 713 patients
traités, 45 % pouvaient d’emblée être écartés pour posologies insuffisantes.
Sur les 2 344 patients pour lesquels des données suffisamment prolongées
d’au moins un an étaient disponibles, seuls 3,5 % pouvaient être considé-
rés comme traités avec succès par antidépresseur, et 12,5 % étaient classés
en échec thérapeutique. Les 84 % restant pouvaient rassembler des sujets
traités par antidépresseurs pour des pathologies autres que dépressives, mais
surtout des sujets recevant des posologies trop faibles ou interrompant pré-
cocement leur traitement (McCombs et al., 1990).
Conduites suicidaires et troubles de l’humeur 103

Ces résultats décevants devaient évoluer dans le bon sens avec le déve­
loppement des sérotoninergiques, qui ont un ajustement posologique plus
aisé et une meilleure tolérance. On rencontre néanmoins encore en pra-
tique de nombreux patients recevant des posologies manifestement trop
faibles de ces « nouveaux antidépresseurs ».
Des études plus récentes retrouvent le même type de résultats. Druss et
al. (2000) ne retrouvent de traitement antidépresseur que chez 7,4 % des
312 sujets repérés comme déprimés au sein d’un échantillon représentatif
de la population générale âgée de 17 à 39 ans.
Andersen et al. (2001), en examinant 390  suicides consécutifs recensés
dans un comté danois entre 1991 et 1995, constatent qu’un quart des pa-
tients ayant antérieurement été hospitalisés pour un trouble de l’humeur
étaient adéquatement traités par antidépresseur à l’époque de leur décès, et
que 3 % de ceux sans antécédent d’hospitalisation psychiatrique recevaient
un traitement antidépresseur apparemment bien conduit.
Chez les Danois âgés de plus de 50 ans, Erlangsen et al. (2008) indiquent
qu’un sujet suicidé sur quatre, seulement, était traité par antidépresseur au
moment de l’acte. Dans la mesure où l’on estime que 70 % des suicidés de
cette tranche d’âge souffrent de troubles de l’humeur, la carence thérapeu-
tique dans ce groupe d’âge est frappante.
En France, même récemment et en tenant compte de l’accès à des antidé-
presseurs plus maniables, les recommandations ne sont pas suivies autant
qu’elles devraient l’être (Hérique et Kahn, 2009). À partir d’une évaluation
des pratiques en Lorraine et Champagne-Ardenne, les traitements conformes
à la fois pour la durée et pour la posologie ne représentaient que 40,2 % des
traitements par IRS et IRSNA (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et
de la noradrénaline), 23 % pour les autres antidépresseurs et 18 % pour les
imipraminiques.

Risque suicidaire chez les déprimés traités


Sur quoi repose l’opinion selon laquelle les antidépresseurs pourraient être
responsables de l’aggravation d’événements suicidogènes ou de passage à
l’acte ?
Une conception clinique classique évoque un risque de désinhibition,
notamment dans les premiers temps de l’instauration d’un traitement anti-
dépresseur. Il en résulte la pratique quasi systématique de l’association d’an-
xiolytiques ou de sédatifs à la thérapeutique spécifiquement antidépressive.
Ce risque de désinhibition pourrait être, dans certains cas, en relation avec
une réactivation anxieuse à court terme sous antidépresseurs, même si le
traitement poursuivi dans la durée est susceptible d’exercer une action
thérapeutique sur la plupart des pathologies anxieuses. Un autre facteur
104 Clinique des conduites suicidaires

clinique souvent invoqué est la dynamique variable de l’impact de l’anti-


dépresseur sur les éléments constitutifs du syndrome dépressif. C’est ainsi
que l’action sur l’inhibition psychomotrice (qui protège dans une certaine
mesure du passage à l’acte) pourrait chez certains sujets précéder l’action
sur la composante de douleur morale, donnant au sujet la force de mettre
en action des idées suicidaires. De plus, la thérapeutique purement sympto-
matique du syndrome dépressif, sans prise en compte de ses déterminants
ou de ses concomitants psychiques, est elle aussi de nature à laisser le sujet
très isolé face à la résurgence de pulsions suicidaires.

Données pharmaco-épidémiologiques
Sur le plan démographique, les courbes de suicide évoluent de façon inverse
aux courbes de prescription des antidépresseurs. Cela est confirmé par di-
verses équipes, notamment sur de larges populations américaines (Gibbons
et al., 2005 ; Grunebaum et al., 2004).
En Europe, une telle tendance est retrouvée dans les pays scandinaves, en
Suède (Isacsson, 2000) et au Danemark (Rosholm et al., 1997). En Hongrie,
une baisse importante de la mortalité suicidaire a été constatée malgré une
augmentation importante du chômage (multiplié par 6) et de l’alcoolisme
(+ 25 %) pendant la période concernée (Rihmer et al., 2001). Parallèlement,
des efforts particuliers avaient été consentis pour augmenter le recrutement
de psychiatres, l’accès aux soins ambulatoires, ainsi que la mise en place de
campagnes de sensibilisation à la dépression et à son traitement, avec pour
corollaire une augmentation du recours aux antidépresseurs.
La mise en place de programmes de sensibilisation à la dépression et à son
traitement auprès des médecins généralistes de l’île de Gotland a contribué,
en un an de formation intensive, à l’augmentation de la consommation
d’antidépresseurs de 52 % et à la diminution des suicides de 60 % (Rutz et
al., 1989). Ce résultat est tempéré par le fait que ces progrès se cantonnent
aux populations féminines. Le dispositif a été reproduit quelques années
après dans le comté de Jamtland (Henrikson et Isaacson, 2006). Un point
important avait été mis en lumière dans l’expérience menée sur l’île de Got-
land : la dissipation de l’effet thérapeutique dans le temps, les programmes
de formation à la dépression, au suicide et à leur traitement n’ayant pas été
poursuivis. D’après ces expériences de terrain, la corrélation entre la baisse
de la mortalité suicidaire et l’augmentation de prescription d’antidépres-
seurs n’est sans doute qu’un facteur parmi d’autres.
D’autres études ne confirment d’ailleurs pas ces tendances, ou permet-
tent de les nuancer. Tout en confirmant le lien global entre la prescription
d’antidépresseurs et la baisse de la mortalité suicidaire en Australie, Hall
et al. (2003) montrent que le déclin du suicide chez les plus âgés a pré-
cédé la période évaluée, et que, la multiplication par 6 de la prescription
Conduites suicidaires et troubles de l’humeur 105

d’antidépresseurs chez l’adulte jeune n’a pas empêché une augmentation


du suicide pendant la période considérée dans cette tranche d’âge. Après
avoir suggéré l’existence d’une corrélation entre la baisse de la mortalité
suicidaire et la prescription d’antidépresseurs en Angleterre, Morgan et al.
(2004) ne retrouvent pas ce résultat dans une seconde étude prenant en
compte certaines variables d’ajustement (Morgan et al., 2008).
Quoi qu’il en soit de ces incertitudes qui font douter du lien de causalité
entre l’observation d’une baisse de la mortalité suicidaire et l’augmentation
de la prescription d’antidépresseurs, une majorité de pays voit une baisse
des taux de suicide coïncider avec, entre autres facteurs, l’augmentation
des prescriptions antidépressives, même si, suite aux controverses ou aux
contestations de cette notion, la plupart des auteurs reconnaissent que le
facteur pharmacologique n’est probablement pas le seul en cause.
Les raisons pour lesquelles la baisse de la mortalité suicidaire rapportée par
l’OMS entre 1980 et 1998/2002 dans certains pays européens (tableau 6-2)
et pas dans d’autres (Angleterre, Islande, Italie, Norvège et Slovénie) res-
tent obscures. Dans bien des cas, comme au Canada, le déclin de la mor-
talité suicidaire a précédé l’augmentation des prescriptions antidépressives
(Sakinofsky, 2007).

Les antidépresseurs sont-ils suicidogènes ?


Cette question, quelque peu provocante et ancienne (« risque de désinhi-
bition  » tel que formulé habituellement en France), a été relancée à un
niveau mondial depuis 1991, à la suite de la préoccupation de la FDA (Food

Tableau 6-2
Taux nationaux de suicide dans les dix pays connaissant la plus importante
diminution de la mortalité suicidaire entre 1980 et 1998/2002
Pays 1980 1985 1990 1995 1998-2002 Différence
Danemark 31.6 27.9 23.9/17.7/14.4 − 54 %
Hongrie 44.9 44.4 39.9 32.9 28.0 − 38 %
Allemagne 20.8 16.5 17.8/15.8/13.6 − 35 %
Autriche 25.7 27.7 23.6/22.2/18.3 − 34 %
Estonie 36.7 22.3 27.1/27.5 − 31 %
Suisse 25.7 25.0 21.9/20.2/18.1 − 30 %
Suède 19.4 18.2 17.2/15.3/13.8 − 29 %
Finlande 25.7 24.6 30.3/27.2/22.5 − 26 %
Tchéquie 20.9 19.3 17.5/16.1 − 23 %
France 19.4 22.5 20.0/20.6/17.5 − 22 %
Source : OMS, Genève, 2003
106 Clinique des conduites suicidaires

and Drugs Administration, organisme de régulation des médicaments aux


États-Unis) après les premiers cas d’émergence d’idées suicidaires intenses
consécutives à des traitements par la fluoxétine.
Ultérieurement, les préoccupations sur l’augmentation du risque d’évé-
nements suicidaires chez l’enfant et l’adolescent ont motivé des analyses
extensives de bases de données d’essais thérapeutiques, concrétisées par des
réunions à la FDA en 2004, suivies de la mise en place d’une procédure de
« black box » qui n’est pas sans rappeler les mentions antitabac alarmistes
qui figurent sur les paquets de cigarettes. Le tout était assorti de recom-
mandations de prudence et de contrôle des prescriptions antidépressives.
Fin 2006, une nouvelle réunion, consacrée cette fois-ci au risque suicidaire
chez l’adulte, a conclu à une extension de l’avertissement par « black box »
aux adultes jusqu’à 25 ans, avec une entrée en vigueur en mai 2007. Cette
mention précise que « la dépression, comme d’autres pathologies psychia-
triques, comporte une augmentation du risque de suicide. Les patients de
tous âges chez qui est initié un traitement antidépresseur doivent être suivis
de près pour détecter une éventuelle aggravation, des signes de suicidalité
ou tout autre modification comportementale inhabituelle ».
À la suite de ces décisions réglementaires, un certain nombre d’auteurs a
anticipé que l’inévitable diminution du recours aux antidépresseurs chez
les jeunes qui s’ensuivrait pourrait s’accompagner d’une augmentation des
décès par suicide (Leon, 2007). Si cela a semblé être le cas chez les très jeunes,
ce n’est pas encore démontré dans les autres tranches d’âge. Toutefois,
Leon et al. (2007), en examinant les prescriptions d’antidépresseurs chez les
adultes décédés de suicide à New York entre 2001 et 2004, et montrant que
dans plus des trois quarts des cas ces sujets n’étaient pas traités par antidé-
presseurs, anticipent que ce pourrait être le cas. L’avenir le dira.
Encore faudrait-il faire la part de la réelle augmentation de la « suicida-
lité  » au sens large (c’est-à-dire idéation et parasuicide) à certaines étapes
du traitement de la dépression et de l’éventuelle augmentation du suicide.
C’est dire qu’un traitement antidépresseur bien conduit, vigilant sur l’appa-
rition d’indicateurs de suicidalité ou sur l’éventualité de symptômes d’acti-
vation anxieuse, ne devrait pas, dans l’état actuel des connaissances et des
bonnes pratiques cliniques, être suicidogène.

Trouble bipolaire
Le trouble bipolaire, selon la CIM-10, se caractérise par plusieurs épisodes de
perturbation profonde de l’humeur et de l’activité allant tantôt dans le sens
de l’élévation (manie ou hypomanie), tantôt dans le sens de l’abaissement
(dépression). Théoriquement, il y a restitutio ad integrum entre les accès,
mais la fréquence des complications évolutives, des pathologies associées
Conduites suicidaires et troubles de l’humeur 107

ou des troubles de la personnalité rend cette modalité évolutive idéale plus


rare qu’on ne l’a cru initialement.
Le dogme kraepelinien de la séparation entre la maladie maniaco-dépressive
et la démence précoce (schizophrénie) est fortement débattu, l’hypo­thèse de
l’unicité des psychoses s’exprimant à nouveau à la faveur d’inves­tigations
cognitives ou de neuro-imagerie, et de la mise en évidence d’une quasi-
impossibilité à distinguer, au niveau des populations ou des familles, des
prédispositions génétiques distinctes (Van Snellenberg et de Candia, 2009 ;
Lichtenstein et al., 2009).
Les définitions du trouble bipolaire ou de ses épisodes d’excitation ne
comportent aucune mention de dimension suicidaire. Il faut donc en fait se
reporter, pour l’essentiel, à la clinique de la dépression.
Une notable exception est cette forme clinique propre à la psychose ma-
niaco-dépressive : l’état mixte.
Pour la CIM-10, le diagnostic d’état mixte est porté, pour un sujet consi-
déré comme bipolaire (au moins un épisode antérieur hypomaniaque), soit
par la présence simultanée de symptômes maniaques ou dépressifs (concep-
tion kraepelinienne classique), soit par l’alternance rapide de symptômes
maniaques et dépressifs (conception à nos yeux abusive, car faisant entrer
dans l’état mixte la variabilité thymique inhérente à de très nombreux états
maniaques ou hypomaniaques). La durée de cette intrication de symptômes
dépressifs et maniaques doit être au moins de 2 semaines. À aucun moment
n’est mentionnée l’éventualité même indirecte d’un risque suicidaire.
Le DSM-IV donne une définition assez différente de l’épisode mixte,
en requérant la simultanéité des registres dépressifs et maniaques, en se
contentant d’une semaine et en précisant que la perturbation de l’humeur
doit être suffisamment sévère, entre autres éléments, pour nécessiter l’hos-
pitalisation afin de « prévenir toutes conséquences dommageables pour le
sujet et autrui  », évoquant ainsi indirectement une problématique auto-
agressive.
En fait, en dehors de l’état mixte, il semble que la dépression bipolaire
comporte un risque suicidaire plus important que celui affecté au trouble
dépressif récurrent. Pour Chen et Dilsaver (1996), les bipolaires réalisent
deux fois plus de tentatives de suicide que les unipolaires (29,2  contre
15,9 %, et 4,2 % pour toute autre catégorie diagnostique).
Or, le trouble bipolaire apparaît, selon la majorité des études ayant ex-
ploré cette difficulté, particulièrement malaisé à diagnostiquer (Das et al.,
2005 ; Kamat et al., 2008).
Plusieurs facteurs concourent à expliquer cette méconnaissance. Tout
d’abord, la bipolarité peut ne se révéler chez un sujet qu’après plusieurs états
dépressifs. Ensuite, en dehors de la bipolarité de type I avec états maniaques
108 Clinique des conduites suicidaires

francs, intenses, voire délirants, imposant en tout cas l’hospitalisation, la


bipolarité dite « atténuée » est beaucoup plus difficile à identifier, et serait
pour Akiskal (2007) à évaluer systématiquement. Si l’on en croit les parti-
sans de ce courant de pensée, près de 10 % de la population mondiale serait
bipolaire, et une majorité de ce qui est considéré comme un trouble de la
personnalité, le trouble borderline, serait en fait une bipolarité « cachée ».
Sans partager ces positions extrêmes, il reste raisonnable de rechercher, chez
des déprimés, l’existence d’épisodes hyperthymiques hypomaniaques anté-
rieurs et d’être alerté, en l’absence de cette découverte, par des antécédents
familiaux de premier degré de bipolarité avérée, de virages de l’humeur
iatrogènes, d’induction de cycles rapides ou dysphorie/irritabilité par traite­
ments antidépresseurs.
Un patient bipolaire sur trois fera au moins un geste suicidaire, et le décès
par suicide peut concerner un bipolaire sur dix. Les facteurs de risque spéci-
fiques à la bipolarité qui se surajoutent à la dépression sont :
• un âge de début plus précoce des troubles. À cet égard on estime géné-
ralement à  5 à  10  ans le délai séparant l’apparition des premières mani-
festations de la maladie de sa reconnaissance diagnostique. Les premiers
résultats de l’étude STEP-BD montrent que, sur 983  sujets, les premières
manifestations du trouble bipolaire se situaient avant l’âge de 13 ans dans
27,7 % des cas, entre 13 et 18 ans dans 36,7 % des cas. Un âge de début
précoce est corrélé avec une comorbidité anxieuse, un abus de substance,
plus de récurrences, moins de périodes d’euthymie et plus de tentatives de
suicide et d’actes violents (Perlis et al., 2004). L’âge de début est donc lié
aux autres facteurs de risque suicidaire retrouvés dans un grand nombre
d’études ;
• la fréquence des récidives, notamment dépressives (Oquendo et al.,
2000). La fréquence des épisodes peut constituer une forme à cycles rapides,
dont la définition implique quatre ou plus mouvements thymiques mania-
ques, dépressifs ou mixtes dans l’année qui précède. Garcia-Amador (2009)
confirme une certaine augmentation du nombre des idées suicidaires et des
tentatives de suicide chez les suicidants à cycles rapides par comparaison
avec des bipolaires indemnes de cette modalité évolutive ;
• l’existence d’état mixte ou de manie dysphorique (mélange de symptômes
de dépression et d’excitation) (Rihmer et al., 2008) ;
• une comorbidité d’alcoolisme ou d’abus de substance ;
• un trouble de la personnalité ;
• l’ancienneté des troubles ;
• des antécédents familiaux de suicide qui peuvent être liés à une trans-
mission familiale de la propension à l’auto-agression en cas de stress, indé-
pendamment de la transmission familiale du trouble bipolaire (Linkowski
et al., 1985 ; Brent et al., 1996).
Conduites suicidaires et troubles de l’humeur 109

C’est dans le trouble bipolaire méconnu que peuvent survenir des désin-
hibitions dangereuses lors de prescriptions d’antidépresseurs sans couverture
thymorégulatrice ou sédative. Cela est particulièrement vrai chez l’enfant et
l’adolescent, chez lesquels la dépression peut être inaugurale d’un trouble
bipolaire. Ce risque justifie pleinement l’interdiction des antidépresseurs
chez les mineurs, en vigueur dans de nombreux pays, en dehors d’une éva-
luation soigneuse par un spécialiste averti.
7 Conduites suicidaires
et psychoses

Dans le groupe des psychoses, ce sont surtout les psychoses schizophréni-


ques, par ailleurs les plus fréquentes, qui constituent l’essentiel du risque
suicidaire.
Ce risque a été estimé de façons diverses, les premières estimations don-
nant des résultats de risque sur la vie entière supérieurs à 10 % (Tsuang et
al., 1999). Toutefois, ces chiffres tirés de compilations d’études anciennes
sont entachés de défauts d’extrapolation méthodologique. En particulier,
le risque de suicide n’est pas constant tout au long de la vie du patient
schizophrène, et Brown (1997), dans sa méta-analyse, indique ainsi que le
risque de mortalité des schizophrènes étudiés à partir de leur entrée dans
la maladie est 2,7 fois celui de schizophrènes dans la phase chronique (l’es-
sentiel de cet excès de mortalité étant dû au suicide). C’est donc à partir de
psychoses naissantes qu’il convient de procéder aux évaluations les plus
réalistes du risque suicidaire. Palmer et al. (2005) procèdent à une méta-
analyse critique extrêmement exhaustive des données de suivi (d’au moins
deux ans) existantes, distinguant la cohorte des sujets repérés à un stade
précoce de la maladie et ceux étudiés à divers stades. Ils aboutissent ainsi à
un risque de décès par suicide de 5,6 % dans le premier groupe, et de 1,8 %
pour le groupe mixte. Globalement, le risque de décès par suicide est proche
de 5 %, principalement dans les phases de début de la maladie.
Quoi qu’il en soit, les troubles schizophréniques sont en tête des princi-
pales pathologies mentales pourvoyeuses d’issues fatales suicidaires.

Limites des définitions et classifications


Rappelons les critères diagnostiques pour la schizophrénie tels que définis
dans la classification américaine (DSM-IV).
A. Symptômes caractéristiques : deux (ou plus) des manifestations suivantes
sont présentes, chacune pendant une partie significative du temps pendant
une période d’un mois.
(1) Idées délirantes.
(2) Hallucinations.
(3) Discours désorganisé.
(4) Comportement grossièrement désorganisé ou catatonique.
(5) Symptômes négatifs, par exemple émoussement affectif ou perte de
volonté.

Le geste suicidaire
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112 Clinique des conduites suicidaires

NB : un seul symptôme du critère A est requis si les idées délirantes sont
bizarres ou si les hallucinations consistent en une voix commentant en
permanence le comportement ou les pensées du sujet, ou si, dans les hallu-
cinations, plusieurs voix conversent entre elles.
B. Dysfonctionnement social ou dans les activités : pendant une partie si-
gnificative du temps depuis la survenue de la perturbation, un ou plusieurs
domaines majeurs du fonctionnement tels que le travail, les relations inter-
personnelles ou les soins personnels sont nettement inférieurs au niveau
atteint avant la survenue de la perturbation.
C. Durée : des signes permanents de la perturbation persistent pendant au
moins 6 mois.
D. Exclusion d’un trouble schizo-affectif et d’un trouble de l’humeur.
E. Exclusion d’une affection médicale générale due à une substance.
F. Relation avec un trouble envahissant du développement : en cas d’an-
técédent de trouble autistique ou d’un autre trouble envahissant du déve-
loppement, le diagnostic additionnel de schizophrénie n’est fait que si des
idées délirantes ou des hallucinations prononcées sont également présentes
pendant au moins un mois.
Il existe plusieurs sous-types : paranoïde, désorganisé, catatonique, indif-
férencié et résiduel.
La Classification internationale des maladies, dans sa dixième révision
(CIM-10), place la schizophrénie dans son chapitre F20. « Les troubles schi-
zophréniques sont caractérisés par des distorsions fondamentales et caracté-
ristiques de la pensée et des perceptions, ainsi que par des affects émoussés
ou inappropriés. »
Tout en reconnaissant qu’il n’existe aucun symptôme pathognomonique,
l’OMS classe les symptômes de schizophrénie en :
(a) écho de la pensée, pensées imposées ou vol de la pensée, divulgation de
la pensée ;
(b) idées délirantes de contrôle, d’influence ou de passivité, se rapportant
clairement à des mouvements corporels ou à des pensées, actions ou sensa-
tions spécifiques, ou perception délirante ;
(c) hallucinations auditives dans lesquelles une ou plusieurs voix com-
mentent en permanence le comportement du patient, ou parlent de lui, ou
autres types d’hallucinations auditives dans lesquelles une ou plusieurs voix
émanent d’une partie du corps ;
(d) autres idées délirantes persistantes, culturellement inadéquates ou in-
vraisemblables, concernant par exemple l’identité religieuse ou politique,
ou des pouvoirs surhumains (être capable de contrôler le temps ou de com-
muniquer avec des extraterrestres) ;
(e) hallucinations persistantes de n’importe quel type, accompagnées soit
d’idées délirantes fugaces ou à peine ébauchées, sans contenu affectif évident,
Conduites suicidaires et psychoses 113

soit d’idées surinvesties persistantes, ou hallucinations survenant quotidien-


nement pendant des semaines ou des mois d’affilée ;
(f) interruptions ou altération par interpolations du cours de la pensée, ren-
dant le discours incohérent et hors de propos, ou néologismes ;
(g) comportement catatonique : excitation, posture catatonique, flexibilité
cireuse, négativisme, mutisme ou stupeur ;
(h) symptômes «  négatifs  »  : apathie importante, pauvreté du discours,
émoussement affectif ou réponses affectives inadéquates (ces symptômes
sont généralement responsables d’un retrait social et d’une altération des
performances sociales). Il doit être clairement établi que ces symptômes ne
sont pas dus à une dépression ou à un traitement neuroleptique ;
(i) modification globale, persistante et significative de certains aspects du
comportement, se manifestant par une perte d’intérêt, un comportement
sans but, une inactivité, une attitude centrée sur soi-même, et un retrait
social.
Le diagnostic de schizophrénie repose sur la présence manifeste d’au
moins un symptôme indiscutable (deux ou plus si moins évidents) dans
les groupes (a) à (d). Le trouble doit évoluer depuis au moins un mois (hors
période prodromique). Seule exception, le groupe  (i) qui doit être repéré
depuis au moins un an.
La classification mondiale reconnaît non seulement les formes paranoïdes
hébéphréniques, catatoniques, indifférenciées, résiduelles et simples, mais
aussi explicitement la dépression post-schizophrénique.

Dépression post-schizophrénique
La dépression post-schizophrénique selon l’OMS est habituellement un épi-
sode dépressif, éventuellement prolongé, survenant au décours d’une ma-
ladie schizophrénique qui doit toutefois avoir laissé sa trace, même si les
symptômes schizophréniques, que l’on peut dès lors qualifier de résiduels,
n’occupent plus le devant du tableau clinique. La symptomatologie dépres-
sive doit correspondre aux critères d’un épisode dépressif (F32) et persister
depuis au moins 2 semaines.
Le « trouble dépressif post-psychotique de la schizophrénie » n’existe au
sein du DSM-IV que dans l’appendice  B des troubles soumis à des études
ultérieures. Il est conçu comme une dépression surimposée à un trouble schi-
zophrénique et ne survenant que lors d’une phase résiduelle de la maladie.
On ne retrouve donc, à aucun niveau de cet énuméré de caractéristiques,
la moindre mention de risque suicidaire. Or, sans parler de comorbidité,
l’existence de nombreux schizophrènes est jalonnée de mouvements
dépressifs et anxieux, qui sont moins finement étudiés à notre épo-
que que les composantes déficitaires, qu’elles soient liées au mécanisme
114 Clinique des conduites suicidaires

neuro-développemental supposé ou qu’elles soient objectivées par l’explo-


ration des déficits cognitifs par les outils les plus pointus qu’autorise le dé-
veloppement des techniques modernes.
Siris (2000) distingue l’affect dépressif (humeur triste transitoire), les symp-
tômes dépressifs (tristesse à l’origine d’une souffrance) et le syndrome dépres-
sif (symptômes dépressifs accompagnés de troubles cognitifs et végétatifs).
La dépression du schizophrène peut évoluer parallèlement à la sympto-
matologie psychotique. La véritable dépression post-psychotique peut sur-
venir lors de la régression de la symptomatologie psychotique qui la dé-
masque. Les dépressions post-psychotiques plus tardives naissent lors de
l’amendement des troubles psychotiques, précocement après la rémission
ou après un intervalle libre. Une autre forme, grave, apparaît chez des pa-
tients schizophrènes dont la symptomatologie psychotique persiste et ré-
siste aux traitements.
La dépression post-schizophrénique, fort complexe, peut correspondre à
divers mécanismes.
Au début de la maladie, elle correspond, après une phase inaugurale
ou processuelle, à la prise de conscience douloureuse et angoissante de la
dimension déficitaire et de la stigmatisation qui l’accompagne. Dans les
formes paranoïdes, le traitement de la construction délirante à laquelle on
attribue parfois une dimension de compensation pathologique d’un vide
intérieur peut, par modification des mécanismes psychiques adaptatifs, en-
traîner un mouvement dépressif. Enfin, une troisième dimension, liée à la
thérapeutique des formes florides, peut être rattachée à un effet dépresso-
gène, quasi pharmacologique, des antipsychotiques, à l’exception notable
de la clozapine.

Facteurs de risque suicidaire


chez les schizophrènes
Quelques études ont compilé de nombreuses données pour aboutir à une
liste impressionnante de caractéristiques susceptibles par leur convergence
de préparer le risque suicidaire.
Selon Pompili et al. (2008), le schizophrène à haut risque de suicide abouti
est souvent un homme caucasien, de moins de 30 ans, célibataire, ayant eu
un niveau d’aspirations existentielles prémorbides assez élevé. La maladie
s’est développée progressivement, aboutissant à un isolement social, avec
constitution d’une angoisse douloureuse liée à la prise de conscience d’une
détérioration progressive. Il peut exister une dépendance excessive aux thé-
rapeutiques entreprises, ou une perte de confiance envers ces mêmes théra-
peutiques. Le climat familial est rarement serein, souvent instable, et le sou-
Conduites suicidaires et psychoses 115

tien extérieur précaire. Il peut y avoir des expériences de perte ou de rejet


récents. Un point central est l’aboutissement en une perte d’espoir, en dé-
couragement. D’autres facteurs, tels des problèmes de santé générale ou des
abus de substance, peuvent se surajouter. Les paramètres de la suicidalité,
à savoir auto-agressions, histoire familiale de suicide, idéation suicidaire
fluctuante et tentatives de suicide avant ou pendant l’hospitalisation, sont
très importants. Les formes cliniques (formes paranoïdes), les formes évo-
lutives (fond de chronicité avec bouffées processuelles, rechutes fréquentes,
hospitalisations prolongées –  attention aux rémissions apparentes et aux
sorties non préparées) doivent être prises en compte. Le terrain psychologi-
que, avec d’éventuels signes prémorbides de difficulté d’adaptation ­sociale ou
de dimensions impulsives ou hostiles, est de mauvais pronostic. La ­réactivité
thérapeutique est un facteur à considérer, les effets extrapyramidaux, l’aka-
thisie et l’importance des médications antipsychotiques prescrites aboutis-
sant à une défiance à l’égard des traitements et à une mauvaise observance.
Mais les schizophrènes sont avant tout des hommes, parfois des êtres
étranges, incompréhensibles, et si leur suicide peut parfois être gouverné
par des éléments spécifiques de cette étrangeté, c’est beaucoup plus souvent
leur humanité, leur isolement et leur incommunicabilité qui les acculent à
la solution finale.
En admettant que l’issue suicidaire concerne entre 5 et 10  % des schi-
zophrènes, et que les gestes suicidaires sont quatre à cinq fois plus fréquents
qu’en population témoin, le principal facteur favorisant est la symptoma-
tologie dépressive ou l’émergence d’un symptôme dépressif avec sa compo-
sante de perte d’espoir (Siris, 2000). Mais le diagnostic de dépression chez le
schizophrène est ardu (Siris, 2000), et le diagnostic différentiel doit prendre
en compte :
• le chevauchement entre les symptômes négatifs et les symptômes dé-
pressifs. S’il est relativement aisé de faire la part entre un affect émoussé
et des idées d’autodépréciation ou de culpabilité, comment distinguer le
même émoussement émotionnel de l’anesthésie affective inhérente à cer-
taines formes de dépression ?
• les effets des neuroleptiques. On tend à revenir actuellement sur le lien
supposé causal et pharmacologique entre traitement neuroleptique et dépres-
sion chez le psychotique. En effet, les observations qui l’ont suggéré étaient
généralement rétrospectives. Plus récemment, des études prospectives ont
plutôt montré que des symptômes dépressifs étaient décelables avant trai-
tement chez des schizophrènes traités par neuroleptiques, et que les traite-
ments avaient généralement pour effet de diminuer le syndrome dépressif en
même temps que les symptômes psychotiques florides. Il a aussi été montré
avec l’halopéridol, une absence de corrélation entre les posologies utilisées
et l’intensité des symptômes dépressifs. On ne peut pas écarter cependant
116 Clinique des conduites suicidaires

la réalité de telles observations, car certains patients peuvent présenter une


susceptibilité dépressogène à la «  dysphorie neuroleptique  ». Il faut aussi
admettre que, si les essais thérapeutiques conduits avec rigueur peuvent être
rassurants, nombre sont les cas de traitements neuroleptiques administrés
assez brutalement ou avec des modalités de prescription peu flexibles, avec
comme conséquences des phénomènes d’akinésie ou d’akathisie.

Le suicide schizophrène
Le déséquilibre des sexes est moins marqué, c’est-à-dire que la proportion
de femmes réussissant leur suicide est supérieure à celle citée dans les trou-
bles de l’humeur. Le recours aux moyens les plus violents est fréquent, y
compris par les sujets de sexe féminin.
Chez les schizophrènes, les gestes suicidaires spécifiquement liés à la
problématique schizophrénique, c’est-à-dire totalement détachés de toute
composante dépressive ou de la prise de conscience angoissante d’une perte
de maîtrise, sont rares. Entrent dans cette catégorie les gestes suicidaires
déterminés par un automatisme mental peuplé de voix ou de commandes
irrésistibles enjoignant un passage à l’acte. On décrit aussi classiquement
des gestes apparemment immotivés, caractérisés par la brutalité, la violence
auto-agressive, les mutilations parfois symboliques et le choix de moyens
radicaux ou bizarres.
Mais ces passages à l’acte marqués du sceau de l’impénétrabilité, parfois
inauguraux, ne sont pas les plus fréquents. Le mythe du suicide impulsif du
schizophrène est entretenu en grande partie par la prééminence de l’émous-
sement affectif et de la désorganisation chaotique du comportement de cer-
tains patients.
Les tentatives de suicide des schizophrènes sont bien plus souvent dé-
pressives, avec 42 % d’intoxications médicamenteuses volontaires, 18 % de
phlébotomies et 32  % de méthodes violentes et dangereuses (pendaison,
précipitation, utilisation d’arme blanche ou à feu) (Harkavy-Friedman et
al., 1999).
La comparaison des suicides aboutis montre une grande fréquence de pré-
cipitations (40 %), un moindre usage d’arme à feu chez les schizophrènes
que chez les non-schizophrènes (on est aux États-Unis), ainsi qu’une moin-
dre planification de l’acte (Kreyenbuhl et al., 2002). Mais, dans l’ensemble,
la détermination est forte, comme en témoignent les précautions pour ne
pas être interrompu.
Selon certains auteurs, seraient entachées d’une plus grande suicidalité
les formes paranoïdes, les formes précoces marquées par l’anxiété, la perte
d’espoir, le sentiment d’altérité et la perte des liens affectifs, ainsi que les
formes tardives des patients chroniques répondant mal aux traitements,
Conduites suicidaires et psychoses 117

désinsérés socialement et soumis à des pertes relationnelles ou matérielles


récentes devenues impossibles à assumer (Acosta et al., 2006 ; Fenton et al.,
1997 ; Nieto et al., 1992 ; Nyman et al., 1986).

Liens entre insight et risque suicidaire


Dans l’évolution d’une maladie schizophrénique, il peut y avoir corréla-
tion entre la prise de conscience de la maladie et les tentatives de suicide
(Siris, 2000 ; Fenton et al., 1997). Les formes les moins déficitaires sont ain-
si affectées d’un risque de suicide plus important, notamment les formes
paranoïdes, les symptômes délirants et la méfiance étant particulièrement
de mauvais pronostic, alors que les formes déficitaires sont relativement
protégées du comportement suicidaire. Dans les cas de schizophrénie in-
cipiens, l’importante fréquence de gestes suicidaires dans la période située
entre le début des troubles et l’accès aux soins est corrélée au sexe masculin,
au niveau social plus élevé avant la maladie, à un plus long intervalle évolu-
tif avant traitement, à un insight plus important, ainsi qu’à une reconnais-
sance de la maladie (Harvey et al., 2008). D’une manière plus complexe, si le
niveau de base de conscience des troubles constitue un facteur de risque de
comportement suicidaire, l’évolution thérapeutique vers une meilleure prise
de conscience des troubles pourrait au contraire contribuer à la diminution
de ce risque (Bourgeois et al., 2004). C’est ce qui justifie les efforts acharnés,
que ce soit par des techniques médicamenteuses, psychothérapiques et psy-
cho-éducatives, pour faire évoluer la conscience des troubles dans une direc-
tion positive, assortie du développement d’habiletés sociales et d’activités
susceptibles de rompre l’isolement naturel du sujet schizophrène.
McEvoy et al. (2006) montrent que des patients souffrant d’un premier
épisode psychotique ont un score MADRS (Montgomery-Asberg Depression
Rating Scale) plus élevé associé à un insight plus élevé, et un score PANSS
(Positive And Negative psychotic Syndrome Scale) associé à un moins bon in-
sight. L’insight est corrélé à des fonctions neurocognitives meilleures et à
un volume cérébral plus large, et un accroissement significatif de l’insight
au cours de l’étude confirme que les traitements antipsychotiques tendent
à améliorer l’insight. La gestion de l’insight, donc de la prise de conscience
généralement douloureuse par le schizophrène de ses conditions de vie psy-
chique et matérielles forcément difficiles, reste posée.

Réaction suicidaire chez le schizophrène


Du point de vue du thérapeute travaillant avec son patient, l’émergence
d’une dépression chez un schizophrène est à considérer comme une réac-
tion à des circonstances adverses, avec tout ce qu’une telle dimension peut
118 Clinique des conduites suicidaires

comporter de mouvements psychologiques assimilables à ce qui est retrouvé


chez les déprimés. On a parlé ainsi, chez le schizophrène, du syndrome de
démoralisation, qui n’est pas sans rappeler dans la trajectoire du schizoph-
rène une forme de constriction telle que celle décrite par Ringel.
Les risques suicidaires associés à la trajectoire schizophrénique sont plus
circonstanciels que biologiques. Il s’agit du jeune âge, du caractère récent de
l’entrée dans la maladie, de la différence entre un niveau socio-économique
élevé et des espérances existentielles fortes avec la limitation des perspec-
tives introduites par la maladie vécue dans une conscience douloureuse,
et de la réduction des liens personnels et sociaux. Le risque suicidaire est
maximal lorsqu’existent une atteinte de l’estime de soi, une perte d’espoir
et une problématique de stigmatisation (Siris, 2000).
Ces éléments sont à prendre en compte dans une approche psychothé-
rapique et psycho-éducative et, lorsqu’ils cristallisent en un authentique
syndrome dépressif, justifient que soit mise en œuvre, avec prudence, en
fonction du terrain, une cure antidépressive associée au traitement anti­
psychotique revu et optimisé.

Risque suicidaire et psychoses non


schizophréniques
Il existe peu de données sur le suicide dans les psychoses non schizophré-
niques. Pourtant, ce risque n’est pas négligeable. Allgulander et al. (1992)
recensent les suicides chez les 80 970 patients d’une population de 1,6 mil-
lions de l’agglomération de Stockholm, sortis de l’hôpital psychiatrique
avec au moins un diagnostic entre 1973 et  1986, en examinant systéma-
tiquement les causes de décès ultérieur. Alors que le risque de décès par
suicide chez les schizophrènes est de  1,6, et de  2,8 dans les troubles de
l’humeur, il est de 2,7 dans les psychoses non spécifiées et de 2,6 dans les
psychoses paranoïaques.
C’est probablement au sein de ces catégories que l’on trouve ce que la psychia-
trie française conserve de délires chroniques non schizophréniques, aujourd’hui
contestés dans la nosographie mondiale et dilués dans la schizophrénie.
En effet, même si le concept nosologique apparaît et disparaît au gré de
l’histoire des idées, les patients existent bien, avec une problématique face
à la dépression et au passage à l’acte notamment suicidaire, assez différente
de celle du schizophrène.
En effet, ce que Manfred Bleuler appelait en 1943 schizophrénie tardive
(début après 45 ans), dénommée ensuite en Grande-Bretagne « paraphrénie
tardive », distincte de la schizophrénie quand elle survient après 45 ans ini-
tialement, 60 ans ultérieurement, a évolué dans la classification américaine,
au point que le diagnostic de schizophrénie soit récusé lorsque les troubles
Conduites suicidaires et psychoses 119

délirants apparaissent après 45 ans dans le DSM-III. La schizophrénie tar-


dive réapparaît dans le DSM-III-R pour disparaître dans le DSM-IV.
Dans le DSM-IV, la catégorie du «  trouble délirant  » implique la présence
d’idées délirantes « non bizarres », l’absence du critère A de schizophrénie, l’ab-
sence d’altérations marquées du comportement ou de bizarreries en dehors de
ce qui est directement en rapport avec le délire. En cas de survenue simultanée
d’épisodes thymiques, ceux-ci doivent rester brefs par rapport au délire.
Dans la CIM-10, ce tableau correspond à la catégorie F22 des troubles dé-
lirants persistants, dont il est précisé qu’ils sont probablement hétérogènes
et apparemment sans rapport avec la schizophrénie.
Dans les deux classifications sont mentionnés des types, correspondant
au thème délirant pour le DSM (types érotomaniaque, mégalomaniaque,
de jalousie, de persécution, somatique), à la structure pour la CIM-10, in-
cluant le délire sensitif de relation, les états paranoïaques et la paraphrénie
tardive.
La nosographie française distingue au sein de ces états délirants trois enti-
tés pathologiques principales : les délires paranoïaques, les psychoses hallu-
cinatoires chroniques et les paraphrénies. Cette classification a été proposée
en se référant aux travaux nosographiques, réalisés essentiellement au cours
du siècle dernier, par l’École de psychiatrie française. Il n’est cependant pas
certain que chacun de ces troubles corresponde à une entité pathologique
distincte et de nombreux pays n’ont pas adopté cette classification.
Ces trois états délirants ont en commun :
• un âge de survenue tardif, en général après 45 ans ;
• un mécanisme délirant prépondérant caractérisant chacun d’eux (interpré-
tation délirante pour les délires paranoïaques, hallucinatoire pour la psychose
hallucinatoire chronique, imagination délirante pour la paraphrénie) ;
• une évolution chronique sans traitement contrastant parfois avec un
maintien prolongé de l’intégration sociale et une absence de dissociation
mentale.
Ces délires chroniques partagent aussi un type de personnalité sur lequel
ils se développent et qui explique les réactions et relations de ces sujets en
termes d’hétéro- et d’auto-agression avec le monde extérieur ainsi qu’avec
eux-mêmes. Ces délires chroniques sont souvent qualifiés de délires de
structure paranoïaque, par référence à la personnalité paranoïaque.

Personnalité paranoïaque
Il s’agit d’un état de méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres
dont les intentions sont interprétées de manière malveillante. La personna-
lité paranoïaque implique la présence d’au moins quatre des sept symptômes
suivants (DSM-IV) :
120 Clinique des conduites suicidaires

• le sujet s’attend, sans raisons suffisantes, à ce que les autres l’exploitent,


lui nuisent ou le trompent ;
• il est préoccupé par des doutes injustifiés concernant la loyauté ou la
fidélité de ces amis/associés ;
• il est réticent à se confier à autrui car il craint que l’information ne soit
utilisée contre lui ;
• il discerne des significations cachées, humiliantes ou menaçantes dans
les événements anodins ;
• il ne pardonne pas d’être blessé, insulté ou dédaigné ;
• il perçoit des attaques contre sa personne ou sa réputation, auxquelles il
va réagir par la colère ou la contre-attaque ;
• il met en doute, de manière répétée et sans justification, la fidélité de son
conjoint.
Cette définition anglo-saxonne met en avant la méfiance et le sentiment
persécutif. Nous lui préférerons une définition clinique plus classique, asso-
ciant une hypertrophie du moi, une fausseté du jugement avec psychorigi-
dité et une méfiance.
La prévalence est estimée entre 0,4 et 3,3 % de la population. Elle est deux
fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Elle est également
plus fréquente chez les apparentés des schizophrènes.

Réactions au délire
Grâce à la description ci-dessus, on comprend aisément que la probléma-
tique paranoïaque constitue un prototype exemplaire de «  constriction  »
généralisée et pathologique (seul contre tous), au sens qu’y donnait Ringel.
Le recours au suicide peut correspondre à un épuisement de la lutte ; il peut
aussi s’envisager avec une composante agressive, comportant à son acmé
un risque de suicide collectif pas toujours altruiste.
Considérés comme des entités autonomes ou, conformément à la « loi de
l’âge et de la massivité » de Clérambault, comme l’extrême d’un continuum
avec faible retentissement cognitif et affectif du fait de la survenue tardive
d’un processus schizophrénique, ces états délirants se caractérisent généra-
lement par une conviction inébranlable, les caractéristiques de la structure
paranoïaque protégeant dans une certaine mesure le sujet du doute et de
la dépression.
C’est le cas pour les structures paranoïaques « de combat » qui ne plie-
ront qu’au terme d’une confrontation souvent douloureuse avec la réalité.
Le mécanisme psychopathologique du délire implique alors une forme
d’épuisement liée à un combat coûteux en énergie psychique, et aboutis-
sant aussi parfois à des situations de désinsertion sociale et professionnelle.
Le mouvement dépressif face à l’échec peut alors, sur ces sujets à structure
psychotique, entraîner des manifestations intenses, les réactions auto- ou
Conduites suicidaires et psychoses 121

hétéro-agressives n’en étant que plus violentes. La dangerosité est impor-


tante, d’autant que les « persécuteurs » désignés peuvent être entraînés dans
le suicide collectif.
Les délires de relation des sensitifs ont une propension à présenter des
réactions dépressives. Chez les personnalités paranoïaques de type sensitif,
l’hyperesthésie relationnelle, la psychorigidité et la conscience de sa valeur
propre sont colorées, par une tendance asthénique ou hyposthénique (par
opposition à l’hypersthénie passionnelle des paranoïaques), par une ten-
dance aux scrupules et à l’introspection, par un perfectionnisme et une in-
satisfaction fondamentale. L’hyperesthésie s’accompagne d’une répression
des affects dans un contexte de sentiment de vulnérabilité et d’infériorité
ressentie comme injuste. Il existe chez le paranoïaque sensitif une réelle dé-
pressivité susceptible de décompenser face à la survenue d’événements clés
réveillant les conflits anciens. Les gestes suicidaires sont alors à craindre.
8 Suicide et troubles anxieux

Les liens entre suicide et anxiété sont multiples.


Il est possible d’aborder la question selon une grille de lecture catégorielle,
c’est-à-dire en examinant le risque suicidaire chez les sujets correspondant
aux diagnostics des principales maladies anxieuses.
Les liens entre passage à l’acte auto-agressif et dimension anxieuse consti-
tuent une approche complémentaire, l’anxiété étant une réponse ou une
composante psychique susceptible de s’exprimer en dehors de toute patho-
logie avérée, de même qu’elle peut compliquer des pathologies (psychoses,
troubles thymiques, troubles de la personnalité) dont elle ne constitue pas
le trouble primaire.

Maladies anxieuses
Les données sur les liens entre les maladies anxieuses et la suicidalité dans
son ensemble ne distinguent pas toujours clairement les idées suicidaires et
les tentatives de suicide.
De plus, les troubles anxieux sont très souvent associés entre eux ainsi
qu’avec d’autres pathologies psychiatriques.

Classification américaine des troubles anxieux


• Trouble panique sans agoraphobie
• Trouble panique avec agoraphobie
• Agoraphobie sans antécédent de trouble panique
• Phobies spécifiques (animaux, environnement naturel, sang-injections-
­accidents, situationnelles)
• Phobies sociales éventuellement généralisées
• Trouble obsessif compulsif
• États de stress aigu
• États de stress post-traumatique aigus ou chroniques, à survenue différée ou
non
• Anxiété généralisée

Le geste suicidaire
© 2010, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
124 Clinique des conduites suicidaires

Classification internationale des maladies anxieuses


(F40-F48 : troubles névrotiques ; F43 : troubles liés à un
facteur de stress)
Les troubles névrotiques se scindent en :
1. F40. Troubles anxieux phobiques
a. Agoraphobie sans et avec trouble panique
b. Phobies sociales
c. Phobies spécifiques (isolées)
2. F41. Autres troubles anxieux, dont :
a. Trouble panique (anxiété épisodique paroxystique)
b. Anxiété généralisée
c. Trouble anxieux et dépressif mixte
d. Autres troubles anxieux mixtes ou spécifiés
3. F42. Trouble obsessionnel compulsif
a. Avec idées ou ruminations obsédantes au premier plan
b. Avec comportements compulsifs (rituels) au premier plan
c. Forme mixte
4. F43. Cette catégorie contient :
a. Réactions aiguës à un facteur de stress
b. Stress post-traumatique
c. Réactions (troubles de l’adaptation) dépressives brèves ou prolongées
d. Réactions mixtes, anxieuses et dépressives
e. Autres réactions, avec prédominance d’une perturbation des conduites
ou/et des émotions

Trouble panique
L’association entre le trouble panique et les comportements suicidaires est
confuse et contradictoire selon les études épidémiologiques, voire selon les re-
lectures des mêmes études. C’est ainsi qu’initialement, à partir de l’étude ECA
(Epidemiological Catchment Area), Weissman et al. (1989) évoquent des taux de
47 % d’idées suicidaires et de 20 % de tentatives de suicide chez les patients
souffrant de trouble panique. Allgulander et Lavori (1991), à partir d’une co-
horte suédoise, notent une augmentation du risque suicidaire chez des sujets
présentant un trouble panique en l’absence de comorbidité associée. Cette
question de la comorbidité a été revue à partir du matériel rassemblé dans
l’étude ECA, et Johnson et al. (1990) trouvent des taux de tentatives de suicide
de 7  % pour le trouble panique en l’absence d’une association avec de la
Suicide et troubles anxieux 125

­ épression, et de 19,5 % en cas de comorbidité trouble panique-dépression.


d
Une analyse ultérieure, prenant en compte l’ensemble des comorbidités (et pas
seulement la comorbidité dépressive), ne montre plus aucune association en-
tre le trouble panique et les tentatives de suicide (Hornig et McNally, 1995).
L’autre grande étude épidémiologique américaine, la NCS (National Co-
morbidity Survey), après avoir rapporté une association entre trouble panique
et tentatives de suicide, ne retrouve plus, au terme d’une nouvelle analyse
statistique, d’association entre l’existence d’un trouble panique sur la vie
entière et le risque suicidaire, qu’il y ait ou non comorbidité associée (Vic-
kers et McNally, 2004). En revanche, Goodwin et al. (2006) établissent un
lien entre un antécédent suicidaire l’année précédente et l’existence d’un
trouble panique à la fois dans l’année et sur la vie entière, avec, comme
dans bien d’autres études, un facteur aggravant au travers de la comorbidité
avec les troubles de l’humeur ou les abus de substance.
Les études réalisées à partir de populations de patients ne sont pas beaucoup
plus concordantes. Lépine et al. (1993) retrouvent 17 % de tentatives de suicide
chez des patients souffrant de trouble panique, sans dépression associée ni
abus de substance, mais sans avoir écarté toutefois la présence de symptômes
dépressifs sous le seuil ou l’existence de troubles de la personnalité.
Dans leur ensemble, les études concernant le trouble panique n’établis-
sent une association avec la problématique suicidaire que chez les sujets
présentant une pathologie associée. Warshaw et al. (2000) ont suivi 5 ans
498 sujets souffrant de trouble panique et observent un comportement sui-
cidaire dans 6 % des cas. Ils identifient cinq facteurs de risque, à savoir le
sexe féminin, les comorbidités thymiques, les abus de substance, les trou-
bles du comportement alimentaire et les troubles de la personnalité. Plus ré-
cemment, Pilowski et al. (2006) retrouvent une association entre l’existence
d’un trouble panique et l’idéation suicidaire uniquement, la comorbidité
dépressive multipliant par trois la fréquence des idées de suicide.
En fait, la plus récente vérification de l’étude NCS, réalisée avec des outils
statistiques plus modernes, identifie bien au sein des troubles anxieux des
catégories prédictives de risque suicidaire, comme la phobie sociale, le stress
post-traumatique, l’anxiété généralisée et le trouble panique (Cougle et al.,
2009). Chez la femme, ces quatre troubles sont influents ; chez l’homme,
seuls le trouble panique et le stress post-traumatique sont concernés.

Stress post-traumatique
Les idées suicidaires ainsi que les tentatives de suicide sont retrouvées de
façon concordante et fréquente chez des sujets souffrant de stress post-
traumatique.
126 Clinique des conduites suicidaires

Les idées suicidaires sont retrouvées chez 70  % d’anciens combattants


souffrant de stress post-traumatique, et les tentatives de suicide chez un
sujet sur quatre (Butterfield et al., 2005). Trente-huit pour cent des civils vic-
times de stress post-traumatique au décours de catastrophes diverses, hors
situation de guerre, présentent des idées de suicide et 10 % d’entre eux réa-
lisent des tentatives de suicide (Tarrier et Gregg, 2004). Ullman et Brecklin
(2002) ont extrait, de la cohorte de femmes étudiées dans l’étude épidémio-
logique NCS du début des années 1990, celles ayant un antécédent d’abus
sexuel, que ce soit dans l’enfance ou plus tardivement. S’il est clair que
les antécédents de maltraitance précoce ou les événements adverses font le
lit de comportements suicidaires ultérieurs, (voir plus haut Événements de
vie précoces, séparations et maltraitance), il apparaît que le développement
d’un état de stress post-traumatique augmente, tous paramètres démogra-
phiques ou psychosociaux contrôlés par ailleurs, l’incidence des idées ainsi
que des tentatives de suicide (Sareen et al., 2005).
Au sein d’une population de patients essentiellement déprimés, l’existen-
ce d’une comorbidité avec un état de stress post-traumatique (observé dans
un quart de la cohorte) augmente significativement le risque de tentative
de suicide chez des patients ayant par ailleurs plus souvent une personna-
lité apparentée au cluster B avec une dimension impulsive/agressive parti-
culière (Oquendo et al., 2005). Et là aussi on observe une cohérence avec
l’implication de cette dimension de passage à l’acte avec la suicidalité.
Une étude plus récente (Wilcox et al., 2009) effectuée auprès de 1 698 jeunes
suivis pendant 15 ans montre qu’à 21 ans, sur les 1 273 qui ont vécu un événe-
ment traumatique précoce, 8 % ont développé un stress post-traumatique. Des
tentatives de suicide sont observées chez 2 % de ceux qui ont été traumatisés,
5 % de ceux qui n’ont jamais été traumatisés, et 10 % de ceux qui ont déve-
loppé un stress post-traumatique. Le traumatisme en lui-même n’est donc pas
déterminant s’il n’est pas compliqué de suites anxieuses persistantes.
Il semble donc possible de reformuler cette influence entre le stress post-
traumatique et les comportements suicidaires, que le syndrome soit isolé ou
contributif d’autres troubles. Le stress post-traumatique, considéré comme la
marque du non-oubli d’une agression psychique, entraîne des remaniements
constants qui maintiennent comme actuelles des agressions anciennes,
au-delà de leur effet initial et ancien de fragilisation de l’organisme.

Anxiété généralisée
Il existe assez peu de données sur les liens directs entre l’anxiété généralisée
et les idées suicidaires ou les tentatives de suicide. Il faut admettre que le
trouble « anxiété généralisée » est assez mal délimité. Au-delà des définitions
des classifications officielles, l’anxiété généralisée peut se concevoir comme
Suicide et troubles anxieux 127

une dimension qui se manifeste en association avec d’autres troubles ca-


tégoriels comme la dépression sous forme d’anxio-dépression ou comme
une manifestation de troubles de la personnalité marqués par la mauvaise
estime de soi, les sentiments d’infériorité ou la dépendance.

Phobie sociale
Schneier et al.  (1992), à partir de l’étude épidémiologique ECA, trouvent
une augmentation des idées suicidaires chez les sujets souffrant de phobie
sociale, y compris dans les cas où le trouble est isolé. Mais le risque de
passage à l’acte n’est augmenté qu’en présence d’un autre trouble mental.
Cette notion est confirmée dans d’autres études ultérieures et met en lumière
les liens entre phobies sociales et troubles de l’humeur. Ainsi, Perroud et
al. (2007), examinant la comorbidité anxieuse chez 407 bipolaires avec ou
sans tentatives de suicide, trouvent une influence suicidogène uniquement
en présence de phobie sociale, la phobie sociale précédant souvent l’entrée
dans la maladie bipolaire.

Trouble obsessionnel compulsif


Bien que la névrose obsessionnelle ne soit pas réputée pour ses liens avec la
problématique suicidaire, Hollander et al. (1997) retrouvent des idées suici-
daires chez plus de la moitié d’une cohorte de 710 patients souffrant de trou-
ble obsessionnel compulsif, avec des tentatives de suicide chez un patient sur
huit. Cette suicidalité peut être considérée comme réactionnelle aux consé-
quences délétères de la névrose obsessionnelle sur la plupart des secteurs de
l’existence, comme l’évolution professionnelle (66 %), les difficultés conju-
gales (64 %), les ruptures relationnelles (43 %) ou les pertes d’emploi (22 %).
D’autres études portant sur des populations plus jeunes n’ont en revanche
pas retrouvé de problématique suicidaire spécifique (Strauss et al., 2000  ;
Apter et al., 2003). Les conséquences suicidaires de la névrose obsessionnelle
ne seraient donc pas liées à la maladie elle-même, mais à ses conséquences
lointaines ou à des complications dépressives secondaires. Toutefois, dans
une évaluation de 114 obsessionnels issus d’une cohorte épidémiologique
de 8 580 Britanniques, Torres et al. (2007), tout en trouvant une comorbidité
principalement anxio-dépressive dans près de deux cas sur trois, constatent
les mêmes taux de geste suicidaire (un patient sur quatre) avec ou sans co-
morbidité. Seuls 14 % des obsessionnels purs sont en quête de soins, contre
56 % des sujets présentant une comorbidité avec d’autres troubles.

Comorbidité anxieuse
Au-delà des catégories de maladies anxieuses que nous venons de décrire,
l’anxiété apparaît contributive d’un risque suicidaire soit en tant que
128 Clinique des conduites suicidaires

situation comorbide d’un désordre plus important, soit en tant qu’an-


xiété dimensionnelle.
La notion de « comorbidité » semble à cet égard souvent spécieuse, car
pour les troubles concernés (schizophrénie, trouble bipolaire, dépression,
stress post-traumatique), il est difficile de détacher un «  syndrome an-
xieux » du syndrome principal. L’angoisse dans la psychose, notamment les
psychoses naissantes, la manie comme défense contre l’angoisse, les formes
cliniques anxieuses de dépression et l’intrication anxiété/stress post-
­traumatique sont tellement bien connues qu’il nous paraît préférable de
parler de composante anxieuse, comme d’une dimension particulière qui vient
colorer et compliquer la maladie cible, et en tout cas lui conférer un risque
de passage à l’acte suicidaire particulier.
Pour Fawcett (2009), 33 à 70 % des suicides surviennent chez des sujets
déjà traités par des professionnels de la santé mentale. Dans ce contexte, la
simple existence d’antécédents suicidaires, même présomptive d’un risque
de récurrence, ne suffit pas à prédire un nouveau geste. Et comment prédire
un premier geste à brève échéance chez un sujet qui n’a pas d’antécédents
suicidaires identifiés ? La constatation d’une anxiété importante ou d’une
agitation est toutefois annonciatrice d’un risque de passage à l’acte à court
terme et a pour corollaire la nécessité de mettre en œuvre des mesures d’apai-
sement de cette dimension anxieuse. Dans le cas de la pathologie dépressive
qui est si souvent en cause dans le suicide, il est démontré que les anti­
dépresseurs à eux seuls n’ont pas d’influence sur le risque suicidaire à court
terme (dans le cadre des 1 à 2 mois habituels des essais thérapeutiques) ; ce
n’est qu’au-delà de quelques mois, 6 mois à 2 ans, que les traitements spé-
cifiques des troubles suicidogènes (antidépresseurs, thymorégulateurs, neu-
roleptiques) diminuent sensiblement les risques suicidaires inhérents aux
pathologies causales. Le traitement déterminé de la dimension anxieuse ou
agitée de ces pathologies est donc important à court terme, même si l’on ne
prolonge généralement pas les prescriptions de tranquillisants majeurs ou
mineurs, neuroleptiques sédatifs ou benzodiazépines, au-delà de quelques
semaines.

Trouble bipolaire
Pour Simon et al. (2007a), un diagnostic de trouble anxieux chez des patients
bipolaires fait plus que doubler l’incidence de tentatives de suicide. Même
si cette association est variable en fonction de l’âge de début de la maladie
et de la réactivité thérapeutique de la maladie bipolaire, l’augmentation de
l’idéation suicidaire demeure constante. L’association entre phobies sociales
et trouble bipolaire reste au travers des âges une configuration déterminante
dans l’augmentation du risque de passage à l’acte suicidaire, dans cette étude
comme dans d’autres. L’anxiété, la sensitivité, les évitements phobiques et
Suicide et troubles anxieux 129

les crises aiguës d’angoisse sont chez les bipolaires des facteurs prédictifs
indépendants de suicidalité (Simon et al., 2007b).
La dimension anxieuse est aussi particulièrement prégnante dans les
formes mixtes de trouble bipolaire. Balazs et al. (2006) montrent dans cette
population une incidence importante de divers troubles anxieux, associés à
plus d’irritabilité et d’agitation psychomotrice.

Schizophrénie
L’angoisse psychotique est de nature bien différente de l’anxiété névrotique
qui fait le lit des pathologies anxieuses proprement dites. Les sujets schi-
zophrènes présentant une idéation suicidaire ont des symptômes anxieux,
des symptômes dépressifs et des perceptions négatives d’eux-mêmes et des
autres plus importants que les schizophrènes non suicidaires (Fialko et al.,
2006). Mais il ne s’agit pas là à proprement parler d’angoisse psychotique,
mais plus d’une anxiété situationnelle et réactionnelle aux difficultés réelles
ou hallucinatoires vécues dans la trajectoire psychotique. Dans les troubles
anxieux spécifiques, seule la névrose obsessionnelle constituerait un facteur
de risque comorbide d’idéation et de gestes suicidaires chez le schizoph-
rène, surtout dans les formes avec prédominance de compulsions (Sevincok
et al., 2007).

Dépressions
La clinique de la dépression enseigne que l’existence d’une comorbidité
anxieuse dans la dépression constitue un facteur de risque supplémentaire
de développer des idées ou des comportements suicidaires. En dehors de la
coexistence de pathologies catégorielles, l’existence d’une dimension an-
xieuse est donc une donnée à prendre très au sérieux, avec ses risques de
désinhibition, de raptus anxieux, d’aggravation de l’insomnie inhérente au
syndrome dépressif et de la tendance à la rumination. Ces évidences qu’il
est primordial de prendre en compte, notamment au début du traitement
des épisodes dépressifs, sont telles qu’il n’y a finalement qu’assez peu de
recherches spécifiques sur le sujet, et que les études de comorbidité ne met-
tent pas en avant dans leurs résultats ces particularités qui concernent plus
la relation thérapeutique individuelle que les modèles théoriques.
La prévalence de la dépression anxieuse est toutefois estimée à plus de
40 % (Fava et al., 2004), et ces déprimés anxieux ont plus de risque d’être
plus âgés, au chômage, de niveau éducatif moindre et d’avoir une idéation
suicidaire, même en tenant compte d’un niveau de dépression plus sévère
que celui des dépressions moins anxieuses.
Les liens entre anxiété généralisée et dépression ont aussi été soulignés
chez le sujet âgé (Jeste et al., 2006).
130 Clinique des conduites suicidaires

Anxiété et problématique suicidaire chez l’enfant


et chez l’adolescent
Les évaluations de l’influence des pathologies anxieuses chez les jeunes sont
contradictoires. Ainsi, Boden et al. (2006) ont étudié une population re-
présentative de jeunes, pendant 25 ans, et trouvé que les troubles anxieux
constituaient un facteur de risque d’idées (facteur de 2,8) et de comporte-
ments suicidaires (facteur de 1,9). Plus les troubles anxieux sont nombreux,
plus fort est le risque de suicidalité. Foley et al. (2006), en revanche, sur
une population également représentative de la communauté, mais sur des
sujets plus jeunes il est vrai, ne retrouve un risque suicidaire lié aux troubles
anxieux que si ceux-ci sont associés à la dépression. Dans cette étude, les
critères de suicidalité (idées suicidaires fixes et non seulement passagères,
gestes suicidaires avec forte intentionnalité) sont plus stricts. Quoi qu’il en
soit, le débat n’est pas clos chez l’enfant et chez le jeune. Une étude cli-
nique d’observation des adolescents déprimés montre que les symptômes
anxieux sont fortement corrélés au risque suicidaire et nécessitent une prise
en compte autonome (Tuisku et al., 2006). Il est possible que les alertes
sur l’augmentation du risque suicidaire chez le jeune déprimé traité par
divers antidépresseurs soient partiellement justifiées par l’insuffisante prise
en compte de cette dimension anxieuse.

Conclusion
Bien que l’influence autonome des troubles anxieux ou de la dimension an-
xieuse sur les diverses formes de suicidalité (en dehors des idées suicidaires,
qui sont en fait banales) reste discutée, leur contribution comme facteur
aggravant de la plupart des pathologies suicidogènes est constamment re-
trouvée, tous âges confondus. Cette réalité a des conséquences thérapeu-
tiques importantes, que ce soit dans les domaines psychothérapiques ou
dans les traitements médicamenteux. Il n’est ainsi plus possible de négliger
cette composante cliniquement pertinente pour respecter par exemple le
dogme de la monothérapie antidépressive chez les déprimés, tout comme
dans d’autres domaines, comme celui de la douleur, on a pu longtemps
choisir de se passer des antalgiques majeurs, pour des considérations de
risque ultérieur de dépendance. Le maniement des anxiolytiques doit rester
circonspect et raisonné mais, en présence d’un risque suicidaire identifié (et
donc à rechercher), le traitement de la composante anxieuse ne doit plus
être négligé.
9 Personnalités et addictions1

Conduites suicidaires et troubles de la


personnalité
Un trouble de personnalité se définit actuellement, tant dans le DSM-IV-R
que dans la Classification internationale des troubles mentaux (CIM-10),
comme un type de comportement cliniquement significatif, persistant, et
qui constitue une façon caractéristique de vivre de l’individu et de conce-
voir sa propre personne et ses relations à autrui.
Les troubles de personnalité existent chez 10 à 15 % de la population gé-
nérale. Fréquemment liés à une moins bonne qualité de vie, ils sont souvent
associés à un autre trouble psychique dont ils accroissent la gravité clinique
et les risques de décompensation. Quarante-quatre pour cent des suicidants
présentent une comorbidité entre l’axe I des pathologies psychiatriques et
l’axe II des troubles de personnalité (Hawton et al., 2003).
Les troubles de personnalité sont retrouvés chez 31 à 58 % des personnes dé-
cédées de suicide, avec une sur-représentation du trouble borderline (9 à 33 %).
Ils multiplient par deux le risque de suicide d’une façon générale. Les tentatives
de suicide sont plus fréquentes chez les femmes jeunes avec un grave trouble
de personnalité (Blasco-Fontecilla et al., 2009) et 55 à 70 % des suicidants ont
des critères de trouble de personnalité (Chioqueta et Stiles, 2004).
Malgré tout l’intérêt porté aux troubles de personnalité, la recherche cli-
nique n’en demeure pas moins ardue. La frontière est floue et subjective,
entre les « traits ou tendance de personnalité », dont chacun est doté, et ce
qui constitue une véritable pathologie. Se pose le problème de reconnaître
et de définir, avec l’expérience clinique et les critères diagnostiques, le trou-
ble de la personnalité, puis de le différencier des troubles de l’axe I.

Les dix types de personnalité du DSM-IV-R


Le DSM-IV-R définit dix types de personnalités regroupés en trois catégo-
ries ou clusters. Le cluster A comprend les personnalités « psychotiques »,
paranoïdes et schizotypiques. Le cluster B définit les personnalités « impul-
sives », antisociales, borderlines, histrioniques et narcissiques. Le cluster C
regroupe les personnalités « névrotiques », évitantes, dépendantes, obses-
sionnelles-compulsives et passives-agressives.

1 Écrit en collaboration avec le Dr Pierre-Jean EGLER, chef de clinique-assistant, service


de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, CHU de Caen.

Le geste suicidaire
© 2010, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
132 Clinique des conduites suicidaires

Les personnalités du cluster A ont un comportement prudent, circonspect,


empreint de méfiance, exprimant peu d’émotions et ayant peu de relations.
Elles ne sont pas spécifiquement associées à un risque suicidaire accru en
dehors de la personnalité schizoïde, rare, caractérisée par une indifférence gé-
nérale aux relations sociales, conduisant la personne à avoir un registre affectif
réduit vis-à-vis de ses proches, sans ami, sans affect et sans désir particulier.
Il n’existe que peu de données sur les conduites suicidaires dans le clus-
ter C, dans lequel on trouve des personnalités du registre « névrotique » au
sens classique du terme. L’étude de Chioqueta et Stiles (2004) portant spé-
cifiquement sur le risque suicidaire de patients ambulatoires appartenant
au cluster C retrouve 18 % de tentatives de suicide chez les personnalités
évitantes, 14 % chez les personnalités obsessionnelles et 35 % chez les per-
sonnalités dépendantes. La relative importance des gestes suicidaires chez
les dépendants n’est cependant plus significative après la prise en compte
des troubles dépressifs présents sur la vie entière.
Dans le cluster  B, il n’existe que peu de données sur les personnalités
narcissiques et histrioniques. Le risque de suicide est multiplié par 8,5. Des
tentatives de suicide sont retrouvées chez 72 % des personnalités antisociales,
caractérisées par leur haut degré d’impulsivité sans toutefois que l’auto-
agression fasse partie de leurs critères diagnostiques (Linehan et al., 2000).
Les conduites suicidaires sont l’une des caractéristiques cliniques du trouble
limite ou trouble borderline qui justifie, au vu de l’importance qui lui est
accordée à ce jour, une place à part dans un manuel de suicidologie.

Conduites suicidaires et trouble borderline


de la personnalité
Le trouble limite de personnalité est un concept qui a évolué au cours du
xxe siècle. Outre les aspects psychodynamiques exposés par Kernberg et Berge-
ret, Gunderson décrit la triple instabilité des borderlines, instabilité de l’iden-
tité, de l’affectivité et des cognitions (Egler, 2008). Clairement distingué des
autres pathologies mentales par Gunderson et des autres troubles de person-
nalité par Zanarini, le trouble borderline bénéficie depuis trente ans de recher-
ches exponentielles jusqu’à devenir actuellement le trouble de personnalité
le plus exploré. C’est par ailleurs, avec l’état dépressif majeur, le seul trouble
comprenant les comportements suicidaires dans ses critères diagnostiques.
Les critères diagnostiques actuels sont essentiellement de nature catégo-
rielle, définis par le DSM-IV-R et la CIM-10, associant couramment impul-
sivité, troubles affectifs, troubles des relations interpersonnelles, sentiment
chronique de vide et gestes auto-agressifs volontiers répétés.
La clinique en demeure polymorphe, puisque les critères diagnostiques
du DSM permettent deux cents façons de diagnostiquer le trouble. Aucun
Personnalités et addictions 133

symptôme n’est pathognomonique, mais la présence de deux ou trois de


ces symptômes est fortement évocatrice du trouble.
Les comportements autodestructeurs sont assez spécifiques et peuvent
même constituer l’un des critères diagnostiques.
Le tableau clinique associe une angoisse diffuse et flottante, un sentiment
chronique de vide et d’abandon, une symptomatologie névrotique poly-
morphe avec des phobies multiples centrées sur le corps, des symptômes
obsessionnels, des réactions dissociatives comme les états crépusculaires,
des tendances paranoïdes et hypochondriaques, des conduites sexuelles à
risque, un mode relationnel particulier, une impulsivité, une addiction, des
gestes auto-agressifs à type d’automutilations ou tentative de suicide, ainsi
que des épisodes aigus sous forme d’actes auto-agressifs le plus souvent, ou
crises d’angoisse intenses s’amendant en quelques heures.

Critères diagnostiques du trouble borderline


(DSM-IV-TR, 2004)
F60.31 [301.83] Personnalité borderline
Mode général d’instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et
des affects avec une impulsivité marquée, qui apparaît au début de l’âge adulte
et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins cinq
des manifestations suivantes :
• Efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés (N.B. : ne pas inclure
les comportements suicidaires ou les automutilations énumérés dans le critère 5).
• Mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l’alter-
nance entre des positions extrêmes d’idéalisation excessive et de dévalorisation.
• Perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou
de la notion de soi.
• Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageable
pour le sujet (par exemple : dépenses, sexualité, toxicomanie, conduite auto-
mobile dangereuse, crises de boulimie). N.B. : ne pas inclure les comportements
suicidaires ou les automutilations énumérées dans le critère 5.
• Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou
d’automutilations.
• Instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur (par exemple :
dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement
quelques heures et rarement plus de quelques jours).
• Sentiments chroniques de vide.
• Colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (par
exemple : fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou
bagarres répétées).
• Survenue transitoire dans des situations de stress d’une idéation persécu-
toire ou de symptômes dissociatifs sévères.
134 Clinique des conduites suicidaires

La comorbidité est fréquente avec d’autres troubles psychiatriques, et


les variations sont importantes en fonction des études (Gunderson et al.,
2006). On estime ainsi qu’il existe un état dépressif majeur au sens du DSM
chez 41 à 83 % des borderlines, un trouble dysthymique chez 12 à 39 %,
65 % de mésusage de substance, 46 à 56 % de stress post-traumatique, 23 à
47 % de phobie sociale, 16 à 25 % de trouble obsessionnel compulsif, 31 à
48 % de trouble panique, et 29 à 53 % de troubles du comportement ali-
mentaire. On ne peut passer sous silence une polémique issue des travaux
du groupe d’Akiskal (2007) sur l’extension des frontières du trouble bipo-
laire, qui voudrait que tout ou du moins une partie des sujets borderlines
appartiennent, de par leur variabilité thymique et leur dépressivité, au
« spectre bipolaire ».

Critères de la personnalité émotionnellement labile


selon l’OMS
Trouble de la personnalité caractérisé par une tendance à agir avec impulsivité
et sans considération pour les conséquences possibles, associée à une instabi-
lité de l’humeur. Les capacités d’anticipation sont très souvent réduites et des
éclats de colère peuvent conduire à de la violence ou à des comportements
explosifs  ; ceux-ci sont volontiers déclenchés lorsque des actes impulsifs sont
contrariés ou critiqués par autrui. Deux variantes de ce trouble de personna-
lité sont spécifiées : toutes deux ont en commun l’impulsivité et le manque de
contrôle de soi.
F60.30 Type impulsif
Présence d’au moins trois des caractéristiques suivantes, dont obligatoire-
ment :
• Tendance marquée à agir de manière imprévisible et sans considération pour
les conséquences.
• Tendance marquée au comportement querelleur, à entrer en conflit avec
les autres, particulièrement lorsque les actes impulsifs sont contrariés ou cri-
tiqués.
• Tendance aux éclats de colère ou de violence, avec incapacité à contrôler les
comportements impulsifs qui en résultent.
• Difficulté à poursuivre les actions qui ne conduisent pas à une récompense
immédiate.
• Humeur instable et capricieuse.
F60.31 Type borderline
Présence d’au moins trois des caractéristiques du critère B de F60.30 avec, de
plus, au moins deux des caractéristiques suivantes :
x
Personnalités et addictions 135

x • Perturbations et incertitudes concernant sa propre image, ses buts et ses


choix personnels (y compris sexuels).
• Tendance à s’engager dans des relations intenses et instables amenant sou-
vent à des crises émotionnelles.
• Efforts démesurés pour éviter d’être abandonné.
• Menaces ou tentatives récurrentes de gestes auto-agressifs.
• Sentiment permanent de vide.

Les sujets borderlines représentent 0,2  à 3  % de la population, 10  à


50 % des patients psychiatriques ambulatoires, et 20 % des patients hos-
pitalisés en psychiatrie. Deux tiers à trois quarts des patients sont de sexe
féminin.

Un plus grand risque suicidaire


Le risque de décès par suicide sur la vie entière est de 3 à 10 % chez les bor-
derlines, soit un risque moyen actuellement admis de 7,8  % (Kullgren et
al., 1998 ; Linehan et al., 2000). Ce risque est largement supérieur à celui
de la population psychiatrique dans son ensemble, qui est de 1 %, mais de-
meure inférieur au risque des patients déprimés, estimé à 15 %. Le rapport
hommes/femmes est de 1, et les intoxications médicamenteuses volontaires
demeurent le moyen le plus souvent utilisé par les deux sexes. Le risque
de suicide est proportionnellement plus important au début du trouble,
de l’ordre de 4,2 % sur les 3 premières années, 3,7 à 7,5 % entre 4 et 7 ans,
et 7 % à long terme (Zanarini et al., 2003, 2007, 2008). Il est donc tout à
fait pertinent d’affirmer que le risque suicidaire chez les borderlines est
un risque aigu surajouté à un risque chronique, si l’on ne considère pas
seulement le trouble en lui-même, mais la réalité clinique, à savoir ce trouble
associé à ses principales comorbidités que sont les conduites addictives et
les troubles dépressifs (Egler 2008).
Les tentatives de suicide concernent 12  à 46  % des patients suicidaires
chroniques aux urgences psychiatriques. À l’instar des décès par suicide, le
rapport femme/hommes est de 1, ce qui distingue cette sous-population cli-
nique de la population générale. Les intoxications médicamenteuses, puis
les phlébotomies sont les moyens les plus couramment utilisés (Cailhol et
al., 2008).
L’âge de début est précoce, en moyenne vers 19 à 21 ans (Zanarini et al.,
2008). Trente et un pour cent des borderlines font au moins une tentative
à l’adolescence et 71  % à l’âge adulte, ce qui montre bien la dimension
de répétition du geste. Cela différencie également des autres troubles de
136 Clinique des conduites suicidaires

personnalité, dans lesquels la prévalence suicidaire demeure identique à


l’adolescence et à l’âge adulte.
Un comportement suicidaire est retrouvé dans les antécédents de 55 à
90  % des borderlines, avec une moyenne de trois à quatre par patient.
Quatre-­vingt-huit pour cent des borderlines réitèrent leur geste à 5  ans
contre 56 % des patients ne présentant pas de trouble de personnalité. Ces
réitérations sont quatre fois plus fréquentes que chez les patients présentant
un trouble de personnalité autre, et treize fois plus fréquentes chez les bor-
derlines réalisant plus de cinq tentatives de suicide (Zanarini et al., 2008).
Quatre-vingts pour cent des borderlines hospitalisés commettent des ges-
tes suicidaires pendant leur prise en charge. La répétition des tentatives de
suicide est en fait un caractère clinique très évocateur du diagnostic, avec
en moyenne vingt tentatives de suicide, contre une à quatre dans les autres
troubles de personnalité. Soixante pour cent des borderlines font plusieurs
gestes dans leur vie, 32 à 44 % en font cinq ou plus, avec un début très
précoce, et sont qualifiés de « suicidaires extrêmes ». Ces gestes suicidai-
res sont réalisés sur une période moyenne de 8,6 ans et, selon Zanarini et
al. (2008), diminuent progressivement au cours de l’évolution du trouble,
passant de 80 % à la première évaluation, à 17-26 % à 6 ans, et de 9-13 %
à 10 ans.
Coexistant fréquemment avec les tentatives de suicide dont elles parta-
gent certaines caractéristiques, les automutilations sont retrouvées chez 79 à
90 % des borderlines. Ce sont essentiellement des scarifications (60 à 80 %),
des coups (42 %), se cogner la tête contre un mur (58 %) ou des brûlures (20 à
27 %) (Oumaya et al., 2008). Le patient borderline a treize fois plus de risque
de réaliser 25 à 50 automutilations, et c’est leur répétition qui est relative-
ment spécifique du trouble (Yen et al., 2004 ; Zanarini et al., 2008). Il n’y a
pas de différence entre les sexes, l’âge de début est également en moyenne
de 21  ans. Le nombre moyen sur une vie est de 233  automutilations.
Quatre-vingt-dix pour cent des borderlines réalisent plusieurs gestes, et 40 %
dits « automutilateurs extrêmes », ayant débuté les gestes précocement, en
réalisent plus de 50. La durée moyenne de ces comportements est de 9 ans, et
diminue également dans le temps, passant de 28 % à 6 ans à 13 % à 10 ans.
Seuls 4 % des patients borderlines ne feraient ni tentative de suicide ni auto-
mutilations. Ces données montrent bien qu’automutilations et tentatives
de suicide, regroupées pour le diagnostic en un seul et même item, partagent
des caractéristiques évocatrices, tels un début précoce dans la vie, encore plus
précoce chez les «  superdestructeurs  », une répétition incroyable (42  à
44 %) de ces gestes qui peuvent alterner et qui ont une durée d’évolution
identique. Ces comportements ont également en commun un caractère
addictif quasi autonome, avec recherche d’un relâchement et d’un sou-
lagement de tensions internes permettant un retour à la réalité (Zanarini
et al., 2008).
Personnalités et addictions 137

Une plus grande vulnérabilité


Ce qui rend les borderlines plus vulnérables aux comportements suicidaires
sont leurs traits de personnalité et leurs distorsions cognitives, les comorbi-
dités et leur sensibilité très particulière aux facteurs interpersonnels.
Les traits de personnalité les plus sensibles sont du registre de l’impulsivité,
de l’hostilité, de l’agressivité et de l’instabilité affective, notamment lorsque
celle-ci se colore d’une humeur dysphorique. Les distorsions cognitives ren-
voient à un mode particulier de relation aux autres.
Abus de substance, troubles du comportement alimentaire et troubles
thymiques sont les principales comorbidités associées au trouble limite de
personnalité. Les abus de substance, plus volontiers les prises de drogues que
l’alcool, potentialisent l’impulsivité et multiplient par quatre le risque sui-
cidaire. Les troubles du comportement alimentaire, et principalement la bou-
limie, quadruplent également ce risque. L’état dépressif caractérisé est l’un
des troubles le plus fréquemment associé. Retrouvé chez 40  à 60  % des
borderlines, il multiplierait par 1,5 le risque de tentative de suicide. Cette
majoration suicidaire parfois contestée est liée non seulement à l’impul-
sivité et à l’hostilité, mais surtout à l’instabilité thymique caractérisée par
une humeur négative instable, un sentiment plus subjectif qu’objectif de
dépression et surtout un intense sentiment de désespoir.

Une sensibilité particulière aux facteurs environnants


Bien que sensible aux instabilités socio-économiques, le sujet borderline l’est
encore plus, et c’est l’une de ses caractéristiques, aux relations interpersonnelles
qui s’avèrent extrêmement suicidogènes pour eux. Pour un même événement,
le borderline a six fois plus de risque de commettre une tentative de suicide
que le déprimé simple (Soloff et al., 2000, 2005). Ce geste est par ailleurs sou-
vent qualifié de « chantage », de « manipulation », car il s’inscrit toujours dans
une relation à l’autre et a ainsi une valeur de communication. Il colore aussi la
relation thérapeutique et la prise en charge, ainsi que les hospitalisations qui
peuvent s’avérer pour cette raison-là iatrogènes dans cette population. Inca-
pable de gérer ses relations personnelles avec souplesse, le patient borderline
aura tendance à nouer, avec l’institution qui se sera laissée envahir, des liens
forts au point de reproduire avec cette « néo-famille » les relations chaotiques
de la propre famille d’origine. Un cycle vicieux est alors installé.
Cette sensibilité particulière s’explique souvent par l’existence de trau-
matismes de l’enfance. C’est un aspect tellement important que certains le
considèrent même comme une dimension étiologique prévalente du trou-
ble. Les négligences émotionnelles entraînent des automutilations précoces
et durables, et des tentatives de suicide multiples et graves. Les sujets bor-
derlines sexuellement abusés ont dix fois plus de risque de geste suicidaire
que les non abusés, et cette relation est considérée comme assez spécifique,
138 Clinique des conduites suicidaires

indépendante d’autres facteurs tels l’agressivité ou l’impulsivité (Soloff et


al., 2002, 2008). Les abus sexuels de l’enfance sont associés à des tentatives
de suicide précoces, durables, à intentionnalité marquée (Brodsky et al.,
2006), à moindre valeur communicationnelle, et dont la gravité ne dépend
pas du type d’abus (Yen et al., 2004), le tout dans une dynamique familiale
souvent marquée par des abus transgénérationnels (Brodsky et al., 2008).

Répétitions
Les répétitions des gestes suicidaires et des automutilations chez les border-
lines, assez spécifiques du trouble, ont des particularités.
Elles ont un effet cathartique immédiat, en apaisant instantanément mais
pour une courte période la souffrance de la personne, ce qui pourrait être
comparé à l’effet produit par une substance toxicomanogène et qui peut
conduire à une addiction comportementale à ces gestes vécus comme apai-
sants et libérateurs (Yen et al., 2004).
Ces comportements possèdent en eux-mêmes un potentiel suicidogène,
chaque geste, automutilation ou tentative de suicide renforce le risque de
répétition de tentative de suicide de 10  à 100  %, et d’automutilation de
30 % (Cailhol et al., 2007). C’est un auto-entretien du geste dans une spirale
d’autodestruction (Brodsky et al., 2006).

Prise en charge
Les patients borderlines sont polyconsommateurs de soins, surtout aux
urgences qu’ils fréquentent assidûment  ; 97  % des borderlines reçoivent
des soins ambulatoires par en moyenne six thérapeutes différents aux États-
Unis (Lieb et al., 2004).
Ils affectionnent particulièrement les médicaments, principalement les psy-
chotropes ; 40 % en prennent plus de trois, 20 % plus de quatre et 10 % plus
de cinq, alors que selon les règles de l’American Psychiatric Association (APA)
et du bon sens clinique, la psychothérapie demeure l’indication de première
intention, la chimiothérapie n’étant que symptomatique (APA, 2001). Il n’y a
pas de traitement chimiothérapique spécifique aux borderlines.
La prise en charge est fondée sur l’instauration d’une alliance thérapeutique
de qualité, la prévention des conduites suicidaires, la prise en compte des
comorbidités et l’abord des dysfonctionnements cognitifs.

Place des hospitalisations


Il existe actuellement un consensus clair pour que les hospitalisations soient
réduites au minimum devant les risques iatrogènes (Tanney, 2000 ; Vijay,
2007 ; Kullgrel, 1998 ; Gunderson et Ridolfi, 2001 ; Shea, 2008). Les hospita-
lisations les plus brèves possibles demeurent néanmoins pertinentes devant
des idées suicidaires envahissantes non contrôlées ou l’existence d’un état
dépressif associé. Une hospitalisation plus longue ne peut se concevoir que
Personnalités et addictions 139

dans le cadre d’un projet de soins bien construit, avec un cadre de soins
défini et la participation active du sujet.

Place des psychotropes


Les psychotropes ne sont à considérer que comme adjuvants symptomati-
ques n’ayant aucune réelle efficacité au long cours (Lieb et al., 2004 ; Kolla
et al., 2008 ; Dahl, 2008). Sont alors préférés les neuroleptiques de nouvelle
génération devant les dysrégulations émotionnelles et les comportements
impulsifs, et les antidépresseurs de type inhibiteurs de la recapture de la sé-
rotonine (en dehors de la fluoxétine qui majorerait les idées suicidaires des
borderlines) devant une symptomatologie dysphorique. Les résultats sont
mitigés pour les régulateurs de l’humeur, y compris le lithium.

Place des psychothérapies


Les psychothérapies utilisées dans la prise en charge des borderlines sont
cognitivo-comportementales ou d’inspiration analytique.
Les thérapies cognitivo-comportementales peuvent être de plusieurs types :
• les thérapies individuelles ambulatoires réduisent les automutilations
mais pas les tentatives de suicide (Weinberg, 2006) ;
• le système d’entraînement et de résolution de problèmes et de prévision
des émotions (STEPPS) est une thérapie de groupe, fondée sur des entraîne-
ments aux interactions par des techniques de régulation des émotions et
des comportements, et comporte une partie psycho-éducative. Si une amé-
lioration est constatée dans les domaines affectif, cognitif et interpersonnel,
la dimension suicidaire demeure identique (Blum et al., 2008) ;
• la thérapie de groupe fondée sur l’acceptation et la régulation des émo-
tions n’est efficace que sur les automutilations (Gratz et Gunderson, 2006)
• la thérapie comportementale dialectique de Linehan décrite dans le cha-
pitre 16, « Outils thérapeutiques », est actuellement l’une des thérapies les
plus prometteuses pour les borderlines.
Les thérapies d’inspiration analytique sont également un traitement de
choix, mais nécessitent certains aménagements compte tenu des particula-
rités relationnelles des borderlines. Les séances, moins intenses, requièrent
une participation plus active du thérapeute, tant visuelle que verbale, dans
l’ici et maintenant et de façon structurée. Les appels téléphoniques au thé-
rapeute sont également possibles afin de garantir un lien thérapeutique fort
(Gunderson et Rodolfi, 2001).
Les thérapies individuelles et les thérapies de groupe n’ont montré aucune
d’efficacité particulière.
Le Programme d’hospitalisation partielle d’orientation psychanalytique
(POPH), initialement proposé par Bateman et Fonagy (2008), propose sur
une semaine une séance de thérapie analytique, trois séances de groupe,
trois séances de psychodrame et une rencontre en hôpital de jour.
140 Clinique des conduites suicidaires

Les résultats rejoignent ceux obtenus par Linehan.


L’évaluation des thérapies proposées est complexe, car elle doit tenir compte
de la sévérité de la pathologie, des comorbidités associées, de l’évolution
du trouble dans le temps, de la chimiothérapie instaurée et de la précocité
de la prise en charge. Les deux thérapies les plus efficaces sont la thérapie
comportementale dialectique de Linehan et la POPH, qui ont toutes deux
prouvé leur supériorité face aux soins habituels. La thérapie dialectique ré-
duit d’un tiers les comportements suicidaires avec deux fois moins de ten-
tatives de suicide et des automutilations moins graves et moins fréquentes
que dans le groupe témoin pour une amélioration assez durable (Kleindienst
et al., 2008). L’observance des soins est améliorée et les hospitalisations sont
moins fréquentes.
La POPH permet également une réduction des comportements
suicidaires  (20 % de tentatives de suicide dans le groupe POPH versus 60 %
dans le groupe témoin), durable dans le temps, avec 23 % de gestes suicidaires
à 8  ans, contre 74  % dans le groupe témoin. L’amélioration des niveaux
d’anxiété et de dépression, ainsi que de l’adhésion aux soins, avec significa­
tivement moins d’hospitalisations et de recours aux psychotropes, sont égale­
ment notés (Bateman et Fonagy, 2008). Ces deux techniques ont donc des
résultats similaires pour un coût/efficacité comparable (Brazier et al., 2006).

Conclusion
Il y a un intérêt majeur à détecter les troubles de la personnalité, et plus par-
ticulièrement le trouble borderline. Ces troubles ont un impact non négli-
geable sur le risque suicidaire, notamment en cas de comorbidité associée.
Leur présence reconnue permet un angle de prise en charge complémen-
taire par la mise en place de psychothérapies adaptées.

Conduites suicidaires et abus de substance


L’abus aigu ou chronique d’alcool et autres drogues est en lien étroit avec les
conduites suicidaires (Adès et Lejoyeux, 2001). Dans la plupart des études, le
rôle de l’alcool est le mieux documenté, sans que soient précisément différen-
ciés l’alcoolo-dépendance et l’abus nocif pour la santé. Les dernières études
disponibles considèrent les addictions aux produits dans leur ensemble, quelle
que soit la forme clinique sous laquelle elles se présentent (Lönnqvist, 2009).

Les conduites addictives augmentent le risque


de décès par suicide
La prévalence du suicide chez les personnes souffrant d’addiction à l’alcool est
estimée à 7 % sur la vie entière (Inskip et al., 1998 ; Bilban, 2005).
Personnalités et addictions 141

Dans une méta-analyse portant sur 3 275 suicides à travers le monde, les


troubles liés à l’utilisation des substances nocives sont retrouvés dans 26 %
des suicides, plus souvent chez les hommes (42 %) que chez les femmes
(24  %). Le risque de suicide est 3,6  fois plus élevé dans cette popula­
tion addictive que dans la population générale, et 2,2 fois plus en cas de
problème uniquement lié à l’alcool (Arsenault-Lapierre et al., 2004). Les
variations internationales sont marquées, les addictions étant retrouvées
dans 19  % des suicides en Europe et 40  % en Amérique du Nord (Arse-
nault-Lapierre et al., 2004), avec des différences encore plus nettes selon
les pays, 44 % en Finlande et 61 % en Estonie (Kolves et al., 2006).
Dans d’autres études, le risque de suicide est treize à seize fois plus élevé
chez les personnes présentant des troubles de l’utilisation des substances
qu’en population générale (Wilcox et al., 2004), neuf à dix fois chez ceux
utilisant l’alcool exclusivement (Flensborg-Madsen et al., 2009), et trois à
quatre fois chez ceux considérés comme de gros consommateurs d’alcool
de type alcoolo-dépendants. Ce risque de suicide lié à l’alcool est plus im-
portant chez les femmes (× 17) que chez les hommes (× 5). Le risque est par
ailleurs treize fois plus élevé chez les consommateurs d’opiacés (sept fois
plus pour les hommes et trois fois et demie plus pour les femmes) ou pour
les toxicomanes s’injectant des drogues.

Les tentatives de suicide sont plus fréquentes


chez les personnes souffrant d’addiction
La consommation d’alcool est retrouvée selon les études chez 10 à 73 %
des suicidants (Suokas et Lönnqvist, 1995  ; Murphy, 2001  ; Cherpitel et
al., 2004) ; plus de 37 % sont alcoolo-dépendants (Lejoyeux et al., 2000,
2008) ; 62 % ont pris de l’alcool juste avant leur geste (Suokas et Lönnqvist,
1995)  ; 14  à 41  % des alcoolo-dépendants font une tentative de suicide
dans leur vie (Roy et al., 1990  ; Chignon, 1998). Près de la moitié des
suicidants accueillis aux urgences sont donc susceptibles de présenter un
problème addictif.
Les suicidants avec problèmes d’alcool sont souvent des hommes plus
âgés, vivant seuls, au chômage, souvent physiquement malades, ayant des
scores d’agressivité et d’impulsivité importants, souffrant d’une comorbidi-
té psychiatrique dans 92 % des cas, et de nature dépressive dans trois quarts
des cas (Haw et al., 2001). Chez les personnes plus jeunes, d’autres compor-
tements liés à l’alcool, comme les consommations massives ponctuelles,
sont également entachés d’un risque plus élevé de passage à l’acte suicidaire
(Kelly et al., 2004). Dans une population d’adolescents de 12 à 19 ans et
consommant des produits, 17 % (30 % de filles et 9,5 % de garçons) ont
réalisé une tentative de suicide.
142 Clinique des conduites suicidaires

En ce qui concerne les toxicomanes, 43 % des cocaïnomanes ont réalisé


une tentative de suicide (Roy, 2009). Ce sont plus souvent des femmes jeunes
au passé traumatique, aux antécédents familiaux suicidaires, dépressives et
présentant par ailleurs une comorbidité à l’alcool et aux autres drogues. La
consommation de cannabis semble majorer les idées suicidaires (Chabrol et
al., 2008), et plus particulièrement sur le long terme (Pedersen, 2008).

Influence de la comorbidité anxieuse et dépressive


Les troubles anxio-dépressifs sont très fréquents chez les sujets consomma-
teurs de drogues ou d’alcool. Des symptômes dépressifs a minima sont re-
trouvés chez 98 % des éthyliques à un moment de leur vie. Un antécédent
dépressif existe chez 20 à 50 % des personnes consommant des substances,
alcool ou autres produits (Wohl et Adès, 2009). La présence d’une dépen-
dance à une substance, quelle qu’en soit sa nature, multiple par quatre le
risque de présenter un état dépressif. La phobie sociale est notée selon les
études chez 16 à 25 % des patients alcoolo-dépendants, et chez 3 à 39 %
des toxicomanes. Ces comorbidités aggravent l’intensité et le pronostic de
chaque trouble, ainsi que le risque suicidaire qui leur est lié. Il est donc très
important, sur le plan clinique, de repérer cette comorbidité et de la consi-
dérer dans la prise en charge. Or, la reconnaissance d’un trouble anxieux
ou d’un trouble dépressif est plus difficile chez l’alcoolo-dépendant ou chez
le toxicomane, car les prises de toxiques modifient quelque peu la clinique
habituelle. D’une part, l’ivresse aiguë provoque une élation émotionnelle et
une désinhibition qui peuvent cacher la tristesse. D’autre part, la dépression
chez l’alcoolo-dépendant peut se présenter avec des signes moins typiques,
plus dysphoriques, intriqués avec les symptômes de la dépendance. Est
alors évocatrice l’existence de troubles du caractère, d’une plus grande perte
de l’estime de soi et d’une plus grande irritabilité accompagnée d’impulsi-
vité. Le dépistage de la dépendance à l’alcool peut être plus complexe en
cas de plainte dépressive, ce qui aboutit à une sous-estimation du problème
addictif.
Les troubles anxieux précèdent généralement les addictions, qui sont
alors utilisées comme un moyen, une «  automédication  » pour faire face
aux symptômes, avec le risque de renforcer la conduite addictive (Grant et
al., 2005). En ce qui concerne les troubles dépressifs, soit la dépression est
secondaire et complique les addictions (ce qui est plus fréquemment le cas
chez les hommes), soit la dépression est primaire, précédant l’addiction (ce
qui est plus fréquent chez les femmes), soit, ce qui est plus rare, les deux
troubles coexistent.
Ces éléments cliniques prennent toute leur importance dans la prise en
charge, puisqu’il est conseillé dans un premier temps de ne pas prescrire
d’antidépresseur, afin que les symptômes anxio-dépressifs liés à la prise de
Personnalités et addictions 143

substance puissent s’amender. Seule la persistance d’un syndrome dépressif


deux semaines après le sevrage est considérée comme un argument en fa-
veur d’une dépression primaire à traiter comme telle (Wohl et Adès, 2009).

Genèse du passage à l’acte : éléments explicatifs


(Hufford, 2001 ; Bage et Sher, 2008)
La relation entre comportements suicidaires et alcool est complexe, et dif-
férentes variables doivent être prises en considération. C’est sur un état de
base que se greffent des facteurs survenus dans les mois ou les semaines
avant le geste.
La dépendance à l’alcool accroît l’impulsivité, le sentiment de désespoir
et la dépression. Les personnes les plus exposées au risque suicidaire sont
celles dont la conduite addictive a commencé tôt et évolue depuis environ
20 ans, et qui vivent un contexte de crise de milieu de vie, avec des pertes
multiples liées plus ou moins directement à leur consommation d’alcool,
tels les séparations, les pertes d’emploi, les problèmes financiers ou l’annu-
lation du permis de conduire. L’intentionnalité suicidaire est moins mar-
quée. Cette situation favorise les réitérations suicidaires, plus souvent chez
les femmes que chez les hommes (Pirkola et al., 2004).
L’alcool en tant que tel multiplie par trois le risque de suicide. La comor-
bidité psychiatrique alcool-dépression accroît le risque suicidaire, le multi-
pliant par deux en cas d’abus, et par quatre et demi en cas de dépendance
(Adès et Lejoyeux, 2001). Les idées suicidaires sont retrouvées chez 86  %
des patients éthyliques, 72 % souffrent de dépression, plus de la moitié a de
graves problèmes de santé, la moitié est au chômage, plus d’un tiers vit seuls
et 38 % ont déjà réalisé des gestes suicidaires (Murphy, 2001). Ce risque sui-
cidaire est également retrouvé chez les jeunes gens consommant de l’alcool
ponctuellement de façon massive et n’ayant jamais verbalisé d’idées suici-
daires (Aseltine et al., 2009 ; Schilling et al., 2009). Dans ce cas, les jeunes
femmes au passé traumatique et à la vraisemblable personnalité borderline
sont les plus concernées (Kelly et al., 2004).
Les événements de vie douloureux dans les semaines précédant le geste
entraînent le plus souvent une majoration de la consommation d’alcool.
L’alcool comme recours face à la détresse morale et humaine peut être uti-
lisé comme facteur désinhibiteur pour se donner de la motivation pour le
geste ou pour aider au geste chez une personne qui est alors plus impulsive
et plus agressive. L’abus d’alcool avec ou sans dépendance associée réduit le
champ de la pensée. Cette constriction cognitive ou « myopie alcoolique »,
état transitoire caractérisé par des comportements différents, exacerbés,
voire contradictoires par rapport à l’état de sobriété, accroît le risque
suicidaire immédiat.
144 Clinique des conduites suicidaires

Conclusion
Une attention particulière doit être apportée à toute personne addictive
traversant une crise suicidaire, à la recherche d’un état dépressif qui ma-
jore le risque de passage à l’acte. L’association addiction et dépression est
fortement corrélée avec un trouble de personnalité borderline et peut le ré-
véler. L’association addiction et syndrome dépressif ou pathologie anxieuse
nécessite également une approche prudente. Même s’il est parfois possible
d’invoquer une conduite addictive comme secondaire « autothérapeutique »
du malaise psychique, ce type d’analyse perd de sa pertinence au-delà de
quelques années d’évolution, l’inscription dans la trajectoire addictive
prenant le pas sur la pathologie initiale. La prise en charge doit alors être
séquentielle, et les thérapeutiques spécifiquement antidépressives ou anti-
anxieuse gagnent à être envisagées lorsqu’un temps minimal de sevrage a
été réalisé. Cette vigilance particulière devrait renforcer les liens entre ad-
dictologues et psychiatres dans le cadre de prises en charge mieux coordon-
nées pour ces patients à risque.
10 Populations particulières

Conduites suicidaires de l’enfant


et de l’adolescent
Bien que cet ouvrage soit centré sur le suicide et les gestes suicidaires de
l’adulte, il n’est pas possible de passer totalement sous silence les conduites
suicidaires du sujet jeune, abordées de façon très exhaustive dans l’ouvrage
de la même collection Dépression et tentatives de suicide à l’adolescence (Mar-
celli et Berthaut, Masson, 2001).
L’être humain est un tout, et les racines de la psychopathologie suicidaire
renvoient très communément à l’enfance et à l’adolescence.
Même si le suicide est la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans, il
faut reconnaître qu’en valeur absolue il se situe bien après les décès volon-
taires des tranches d’âge ultérieures, les plus préoccupantes étant celles du
sujet âgé.
Rappelons que le plus constant des facteurs de risque de suicide est l’exis-
tence de tentatives de suicide antérieures, et que la précocité des gestes est un
facteur de mauvais pronostic. La précocité du dépistage et de la mise en place
de mesures d’évaluation et de prise en charge de ces gestes suicidaires du sujet
jeune est, selon nous, de nature à infléchir des trajectoires suicidaires ultérieures
qui peuvent, c’est d’observation courante, se manifester après un temps de
latence de plusieurs années ou dizaines d’années après le geste initial.
À ce titre, dans la mise en place de l’unité de suicidologie du CHU de
Caen, nous avons choisi d’accueillir sans distinction d’âge les gestes sui-
cidaires et auto-agressifs des sujets de 15 à… 92 ans, et de considérer, sans
perdre de temps à opposer les formes cliniques, tout geste auto-agressif dé-
libérément suicidaire ou moins consciemment mortifère comme la marque
d’un malaise psychologique, pathologique ou non, qui s’il n’est pas pris en
compte peut préluder à une escalade pouvant finalement aboutir à plus ou
moins bref délai à une « solution finale ».
La distinction entre les idées suicidaires, les menaces suicidaires, les gestes
suicidaires, les scarifications, les tentatives de suicide de faible risque vital,
les tentatives de suicide avortées et les gestes suicidaires à haut risque létal
n’est pas dénuée de pertinence, mais elle dépend grandement du contexte,
et finalement change assez peu de choses à l’accueil et à l’évaluation du
sujet jeune en souffrance, ainsi qu’aux procédés à mettre en œuvre pour
désamorcer le processus auto-agressif (Bridge et al., 2006).

Le geste suicidaire
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146 Clinique des conduites suicidaires

Épidémiologie
D’un point de vue épidémiologique, les taux de suicide du jeune ont forte-
ment varié au cours du dernier siècle. On a ainsi assisté à une augmentation
croissante des taux de suicide dans les sociétés occidentales, juste interrom-
pue par des décroissances contemporaines des deux conflits mondiaux. De-
puis les années 1960 jusqu’au début des années 1990, l’augmentation ne s’est
pas démentie, culminant chez nous en 1993, année noire, à 12,6/100 000.
Mais depuis une dizaine d’années, les taux de suicide chez les 15-24  ans
n’ont cessé de baisser, passant d’environ 10/100 000 à environ 7/100 000
(derniers chiffres connus en 2006, source INSERM : 6,6/100 000).
Une telle évolution a été aussi observée aux États-Unis (Bridge et al.,
2008), ainsi que dans d’autres pays européens.
Il existe à cet égard un débat qui n’est pas encore tranché sur le lien entre
cette diminution du suicide chez le jeune et la mise à disposition du public
d’antidépresseurs maniables à tout âge, et peut être plus efficaces chez l’en-
fant et l’adolescent que les antidépresseurs de première génération, les imi-
praminiques. Olfson et al. (2003) montrent, au niveau national américain
et en fonction des régions, une corrélation inverse entre l’augmentation de
prescriptions d’IRS et les taux de suicide de jeunes : une augmentation de
prescription de 1 % aboutirait à une diminution de la mortalité suicidaire
de 0,23/100 000/an. Ce gain est plus marqué pour les jeunes de sexe mascu-
lin, pour les tranches d’âge supérieures (15-18 ans) et pour les jeunes vivant
dans des zones économiquement moins favorisées.
Pour Biddle et al. (2008), la diminution du suicide du jeune en Angle-
terre s’explique par divers facteurs, dont la diminution des intoxications à
l’oxyde de carbone des gaz d’échappement automobile du fait de la géné-
ralisation des pots catalytiques. Mais ce type d’explication semble un peu
sommaire, et les auteurs invoquent aussi la baisse des taux de chômage et
de divorce en Angleterre et pays de Galles pendant la période considérée.
Ces auteurs restent ouvertement sceptiques sur le lien entre la diminution
du suicide dans cette tranche d’âge et la prescription sur une large échelle
d’antidépresseurs sérotoninergiques. C’est aussi la position de Wheeler et
al. (2008) qui confirment l’augmentation des prescriptions d’antidépres-
seurs sérotoninergiques entre 1999 et 2003 au Royaume-Uni, accompagnée
d’une réduction constante des chiffres annuels de suicide chez les mineurs,
mais n’observent pas d’augmentation du suicide ou des gestes suicidaires
entre 2003 et 2005, malgré une diminution des prescriptions liées aux prises
de position alarmistes des agences de régulation.
C’est à peu près le seul pays et les seules équipes qui tiennent cette posi-
tion, car aux États-Unis, comme aux Pays-Bas, ce sont des augmentations
(respectivement de 14 % et de 49 %) du suicide qui ont été rapportées (Gib-
bons et al., 2007). Cette tendance a été confirmée par Bridge et al. (2008).
Populations particulières 147

Ces derniers observent la même augmentation des courbes de suicide, qui


semblent baisser à nouveau en 2005. Il faudra sans doute plus de recul pour
se forger une opinion affirmée.
Les opinions majoritaires des experts en la matière sont qu’il faut se gar-
der des positions dogmatiques, agir au cas par cas, conforter les diagnostics
de dépression chez l’enfant et l’adolescent, et prescrire en s’entourant de
précautions d’information des risques et de surveillance des éventuelles dé-
sinhibitions suicidogènes.

Difficultés du diagnostic de la dépression


chez les sujets jeunes
Même en se centrant sur le lien entre dépression, tentative de suicide et
suicide chez les jeunes, qui n’est, rappelons-le, qu’un aspect d’un problème
multifactoriel, la difficulté d’établissement d’un diagnostic affirmé, à ces
âges, est notoire, plus importante dans les tranches d’âge les plus jeunes. De
tels diagnostics ont longtemps été négligés, car dans notre culture psychia-
trique française, la simple démarche diagnostique assortie de propositions
thérapeutiques a longtemps fait débat chez les pédopsychiatres. Pourtant,
les données les plus solides, comme celles issues d’autopsie psychologique
(Shaffer et al., 1996), confirment un diagnostic rétrospectif de trouble de
l’humeur chez 60 % de jeunes hommes décédés de suicide et 68 % pour les
jeunes filles. L’existence de tentatives de suicide antérieures est retrouvée
chez un tiers des sujets.
Le masque de la dépression chez l’adolescent ou l’adulte jeune peut en
imposer pour le profane, et notamment les parents, les enseignants ou les
formateurs, pour une crise d’adolescence ou de post-adolescence, ou pour
des troubles du caractère ou du comportement. Parmi les pièges à la recon-
naissance de la dépression chez le jeune, il peut y avoir l’effet cathartique,
l’apparent soulagement après un geste auto-agressif. Un autre piège est la
contamination par des éléments contextuels qui rendent «  compréhensi-
ble » la réaction dépressive, derrière une rupture de lien (petite amie, co-
pains), des conflits familiaux ou des problématiques familiales complexes.
L’« anecdote traumatique » vient alors prendre le devant alors que parfois
elle est la conséquence (retrait libidinal, changement de caractère) de la
dépression larvée.
Sans reprendre les différences entre chaque « item » dépressif de l’adulte
dans les classifications internationales en vigueur, le classique trépied dé-
pressif de la clinique française classique (humeur/psychomotricité/sphère
neurovégétative) s’exprime assez différemment chez le jeune.
L’humeur triste et culpabilisée et la dévalorisation sont plus souvent rem-
placées par l’irritabilité, la susceptibilité, les sentiments d’incompréhension,
les idées d’inutilité ou d’absence de projection de rôle social, d’impuissance
148 Clinique des conduites suicidaires

ou d’incapacité, de dévalorisation narcissique (se sentir moche et inadé-


quat). Beaucoup plus souvent que chez l’adulte, il existe une importante et
souvent déconcertante variabilité thymique, les affects négatifs, qui s’ex-
priment en entretien duel pour peu que l’on les explore, les écoute ou les
entende, s’effaçant apparemment lorsque l’adolescent est confronté à des
sources de plaisir ou d’oubli habituels, ou à ses pairs. Comme il est diffi-
cile pour des parents d’admettre que leurs enfants hospitalisés en unité de
suicidologie peuvent être profondément déprimés alors qu’ils sautillent en
chahutant avec leurs amis !
L’élan vital est généralement touché, avec désinvestissement de certaines
activités (pas toujours de toutes), désinvestissement scolaire ou chute de
résultats sans apparent désinvestissement.
La psychomotricité comporte en effet un certain degré de ralentissement
psychique qui peut être masqué par l’excitation (l’adolescent déprimé est
souvent en recherche d’excitation pour se sortir ne serait-ce que briève­
ment du marasme). Il existe aussi une tendance à la rumination, qui
tourne généralement autour des mêmes thèmes de la solitude, de l’in-
communicabilité, de l’inadéquation, voire de l’inutilité et enfin de la
mort.
Sur le plan neurovégétatif, les classiques troubles du sommeil et de l’ap-
pétit sont retrouvés, mais fréquemment plus chaotiques que ceux ob-
servés à l’âge adulte. La fragmentation du sommeil est quasi constante,
mais on observe aussi des décalages de phase importants, le retard à
l’endormissement étant masqué aux yeux des parents par le maintien
d’activités de jeu ou de communication informatique, comme pour com-
bler un vide, un mal-être ou remplacer une incommunicabilité dans la
« vraie vie ».
L’appétit est fréquemment perturbé, surtout chez la fille, et peut s’obser-
ver boulimie autant qu’anorexie, ces troubles du comportement alimen-
taires aggravant la perception négative de l’image du corps.
Les plaintes physiques (maux de tête, maux d’estomac, etc.) ou des pré-
occupations sur la santé sont fréquentes. L’anxiété n’est pas toujours ex-
primée, masquée par les passages à l’acte, l’irritabilité ou les activités de
diversion.
Ces troubles se constituent en syndrome dépressif à partir du moment où
ils sont affectés d’une certaine durabilité. Il faut notamment se préoccuper
d’une dette en sommeil durant plus de 15 jours.
Dans un tel contexte, la tendance à l’automutilation et à l’isolement, la
verbalisation d’idées suicidaires, la persistance de la tendance à l’autodé-
valorisation, un usage inhabituel de drogues et d’alcool doivent alerter les
proches et bien sûr le milieu médical consulté.
Populations particulières 149

Multifactorialité des gestes auto-agressifs


et des suicides chez les jeunes
C’est un lieu commun que de rappeler que l’adolescence, cette période de
transition entre l’enfance et l’âge adulte, est riche en remaniements internes,
ainsi qu’en interactions relationnelles à tous les niveaux  : parents, édu­
cateurs, pairs, investissements amoureux. Parmi les facteurs développemen-
taux qui contribuent au risque suicidaire, on peut distinguer (King, 2009) :
• les efforts pour s’individualiser des parents, avec naturellement une aug-
mentation des conflits parents-enfants ;
• la multiplication de conduites à risque ou d’actes impulsifs, reflétant en
partie une immaturité ou des dérives neurobiologiques ;
• un déplacement des attachements primaires et des sources de sécurité
des parents vers les sujets du même âge (pairs).
Les prédispositions au suicide du sujet jeune incluent, comme nous
l’avons vu, les expériences précoces de carences émotionnelles ou les mal-
traitances diverses de la prépuberté ou du très jeune âge, l’existence d’une
dimension impulsive ou agressive, elle-même corrélée à des contextes de
carences éducatives ou de précarité sociale.
Les facteurs familiaux sont une composante importante des facteurs de
prédisposition au comportement suicidaire chez les jeunes ou à la provo-
cation d’événements de vie adverses, susceptibles de constituer des dé-
clencheurs. Les adolescents suicidaires sont plus souvent issus de familles
recomposées, monoparentales, avec absence de figure paternelle, absence
de dialogue avec les parents ou toute autre difficulté de communication
familiale.

Facteurs existentiels
Les déceptions sentimentales, les pertes de groupes d’appartenance, les bi-
zutages, les situations d’exclusion, le harcèlement ou la position de bouc
émissaire peuvent conduire à une situation présuicidaire chez le jeune.
La sensation d’être différent peut reposer objectivement sur un surpoids
prétexte ou objet de moqueries. En fait, pour Swahn et al. (2009), le sen-
timent d’être trop gros est un facteur de risque aussi important que le
surpoids objectif.
La prise de conscience, parfois occulte et honteuse, d’attirances homo-
sexuelles (Fergusson et al., 1999 ; McDaniel et al., 2001) est aussi un facteur
de risque suicidaire, qui dépend largement des capacités de la famille à ac-
cueillir cette éventuelle différence.
Les situations de désinsertion scolaire, sociale et professionnelle, ou d’in-
clusion dans des bandes ou « gangs » marginaux possédant des cultures et
150 Clinique des conduites suicidaires

des codes de comportement fermés sont d’autres configurations contribu-


tives. Des déménagements trop fréquents peuvent contribuer à augmenter
le risque de tentative de suicide et de suicide abouti chez des enfants et
adolescents (Qin et al., 2009). Cette observation démontrée au Danemark
à partir du registre des enfants nés entre 1978 et 1995 renvoie au facteur
traumatique et suicidogène de la perte de groupes d’appartenance chez le
jeune, à sa nécessaire stabilité relationnelle et, chez ceux dont les familles
ne peuvent éviter des déménagements fréquents, à une vigilance accrue,
notamment au niveau des structures scolaires, pour dépister et prévenir.
Les deuils, notamment les deuils de pairs, d’autant plus qu’ils peuvent
être suicidaires, peuvent jouer un rôle. Les deuils anciens, d’une figure fa-
miliale patriarcale ou matriarcale emblématique, d’autant plus idéalisée que
les imagos parentales réelles sont défaillantes, laissent parfois des cicatrices
indélébiles, réactivant lors d’événements plus récents la pulsion à rejoindre
la figure protectrice idéalisée.
Souvent évoquées comme indicateurs de risque suicidaire, les conduites
à risque, incluant sports dangereux, conduite dangereuse, sexualité à ris-
que, conduites ordaliques et répétition d’accidents, peuvent renvoyer à un
contexte d’anxiété ou de dépression, équivalent d’auto-agression punitive,
à une anxiété et à une recherche de sensations, une alexithymie avec pré-
dominance du fonctionnement par l’agir. Ces conduites n’ont pas de valeur
pathognomonique et doivent être situées dans leur contexte.
Une étude récente (Epstein et Spirito, 2009) exploitant le registre 2005 de
surveillance des comportements à risque des jeunes (cohorte de 13 917 étu-
diants) montre qu’il y a effectivement corrélation entre les trois indicateurs
de suicidalité (idées, élaboration de plan, passage à l’acte suicidaire), l’usage
de substance (tabagisme, marijuana, drogues injectées, avoir bu avant
13 ans), les comportements sexuels à risque (surtout les rapports forcés), et
une perception négative de la santé ou un certain niveau de handicap. Ces
auteurs insistent sur le fait que des programmes de prévention qui pren-
draient en compte l’alcoolisme et l’usage de substances précoces, ainsi que
les comportements agressifs et sexuels à risque pourraient avoir un effet
direct ou indirect sur la suicidalité des jeunes. Ces données corroborent une
enquête norvégienne (Nrugham et al., 2008) qui met en avant, chez des
adolescents scolarisés, non seulement la dépression, les usages de toxiques,
mais aussi le fait de ne pas vivre avec ses deux parents.

Importance du repérage précoce des tendances


suicidaires
L’apparition précoce des tendances suicidaires, tout comme le début précoce
des troubles de l’humeur, sont réputés de mauvais pronostic, cela étant en
partie lié à la difficulté d’en reconnaître et identifier la survenue, et au génie
Populations particulières 151

évolutif des maladies en jeu (quand il y a maladie) ou des constellations si-


tuationnelles suicidogènes. Les comportements suicidaires des enfants pré-
pubères prédisent le comportement suicidaire de l’adolescence (Pfeffer et
al., 1991, 1993). De même, le début précoce d’une trajectoire dépressive est
associé aux comportements suicidaires de l’adolescent et de l’adulte jeune,
traité ou non (Kovacs et al., 1993 ; Goldston et al., 1996).
Dans le cadre du suivi d’une cohorte de jeunes âgés de 16 à 21 ans ayant
été hospitalisés pour tentative ou idées de suicide, les troubles psychiques
sont retrouvés dans 91 % des cas, avec essentiellement des troubles de l’hu-
meur (78 %), des troubles anxieux (64 %), des abus de substance (39 %),
des troubles psychotiques (11 %) ou une personnalité antisociale (7 %), les
autres troubles de personnalité n’étant curieusement pas mentionnés. Par-
mi les sujets suivis à 18 mois (62 %), deux, soit 2,4 %, sont décédés de mort
violente, et le taux de réitération suicidaire est de 18 %. Pourtant, 90 % de
ces jeunes avaient fait l’objet d’un suivi, que ce soit par le généraliste, un
psychothérapeute ou les deux (Righini et al., 2005).
Dans le cadre de la dépression traitée, il est donc important de pouvoir
repérer les indices d’une complication suicidaire. Brent et al. (2009) s’y
sont attelés avec l’étude TORDIA (traitement de la dépression de l’adoles-
cent résistante aux IRS). Après une première séquence thérapeutique non
concluante, les sujets pouvaient recevoir soit un autre IRS, soit de la ven-
lafaxine, avec ou sans thérapie cognitivo-comportementale associée. Une
augmentation des comportements auto-agressifs, suicidaires ou non, a alors
été observée. Les événements suicidaires survenaient au bout de 3 semaines,
corrélés à l’intensité de l’idéation suicidaire à la base, mais aussi aux
conflits familiaux, ainsi qu’à l’usage de toxiques. Les gestes non suicidaires
survenaient un peu plus tôt (2  semaines), prédits seulement par l’occur-
rence antérieure de gestes analogues. Sur le plan thérapeutique, l’attention
est attirée sur l’effet potentiellement facilitant de la venlafaxine ainsi que de
l’utilisation de benzodiazépines.
Que ce soit à court ou à long terme, il y a donc une large marge de pro-
gression tant dans la détection que dans la prise en charge de la dépression
et des facteurs qui concourent à la problématique suicidaire de l’enfant, de
l’adolescent et du jeune adulte.

Conduites suicidaires du sujet âgé


Le taux de suicide des personnes âgées de plus de 65 ans est le plus élevé des
groupes d’âge dans deux tiers des pays du monde, essentiellement dans les
pays industrialisés (Harwod, 2000). Plus qu’à tout autre moment de la vie se
pose la question de la définition des conduites suicidaires, dont les extrêmes
sont les suicides. Les tentatives de suicide sont proportionnellement moins
152 Clinique des conduites suicidaires

fréquentes chez l’âgé qu’aux autres âges de la vie, et les équivalents suici-
daires, tels l’interruption des traitements ou le refus de soins, sans doute
nombreux, ne sont pas comptabilisés.

Épidémiologie des conduites suicidaires de l’âgé


Suicides
Chiffres
En 2007, le taux de suicide des 65-74 ans est de 21,2/100 000, 32,7/100 000
chez les hommes et 11,5/100 000 chez les femmes. Il est sept fois plus élevé
chez les sujets de plus de 85  ans (49,2/100  000) que chez les 15-24  ans,
douze fois plus chez les hommes (126,8/100 000) et six fois plus chez les
femmes (17,4/100 000) pour cette même classe d’âge.
Le suicide des plus de 65  ans représente 28,6  % des suicides en France
pour une tranche d’âge qui représente 16,4 % de la population générale.
Les taux demeurent sans aucun doute sous-estimés, le suicide des per-
sonnes âgées restant encore tabou et les préoccupations actuelles étant
plus centrées sur le suicide des jeunes. En effet, rapporté aux autres causes
de mortalité, le suicide arrive au dix-huitième rang pour les 65-74 ans, au
vingt-huitième rang pour les plus de 85 ans, alors qu’il est au second rang
chez les 15-24 ans.
De 1976 à 1988, le nombre de suicide des hommes de plus de 55 ans a aug-
menté de 33 % alors que celui des hommes de 25-34 ans croissait de 74 %. Le
taux de suicide des plus de 65 ans a augmenté jusqu’aux années 1985 pour
décroître régulièrement, tant chez les hommes que chez les femmes, et plus
particulièrement chez les 75-84 ans. En 1988, les personnes de 75-84 ans et
les plus de 85 ans se suicidaient trois à quatre fois plus que les jeunes de 25 à
34 ans, avec respectivement des taux de 117 et 152/100 000.
Les disparités régionales du taux de suicide des plus de 65 ans reflètent
en partie les variations constatées en population générale. Les régions du
grand nord-ouest et du centre de la France (Bretagne, Basse-Normandie,
Limousin, Pays-de-Loire, Centre, Haute-Normandie, Champagne, Poitou-
Charente, Picardie) sont de loin les plus touchées par cette problématique.
Par exemple, la Basse-Normandie et la Picardie se distinguent en 2007 par
les taux de suicide les plus importants de France sur la tranche d’âge 75-
84 ans, avec un taux deux fois plus important que le taux français moyen
tant chez les hommes que chez les femmes.
En Europe, en exceptant les pays de l’Est aux taux de suicide très impor-
tants quel que soit l’âge, la France est en troisième position après l’Autriche
et la Suisse pour les suicides masculins et féminins des plus de 75 ans. Tou-
jours dans cette tranche d’âge, les taux français sont deux fois plus impor-
tants qu’en Espagne et quatre fois plus qu’au Royaume-Uni.
Populations particulières 153

Au niveau international, le taux de suicide des femmes de plus de 75 ans


est particulièrement élevé non seulement dans les pays de l’Est mais aussi au
Japon et en Chine. En revanche, les taux de suicide des personnes âgées sont
très bas en Amérique du Nord, les Canadiens âgés par exemple se déclarant
satisfaits de leurs conditions de vie (Boyer et al., 2005 ; Roy et Séguin, 2008).

Caractéristiques épidémiologiques des suicides


Les gestes suicidaires des personnes âgées sont proportionnellement plus
souvent des suicides que des tentatives de suicide, et nombre de tentati-
ves sont en fait des suicides avortés, comme en témoignent les modalités
choisies. Les personnes âgées ont moins souvent d’antécédents de gestes
suicidaires, contrairement aux plus jeunes.
Le suicide est le plus souvent réalisé au domicile de la personne âgée, qui
laisse dans plus de 43 % des cas des messages à l’intention de son entourage
où sont principalement évoqués les derniers souhaits pour les obsèques et
les détails financiers (Cattlel et Jolley, 1995). Ces notes précises soulignent
la planification, la détermination du geste et le détachement de la personne
vis-à-vis de son acte. Les personnes âgées qui se suicident le font sans doute
pour des raisons assez différentes de celles des plus jeunes. C’est également
à cette période de la vie que les pactes suicidaires, du moins en France, et les
demandes d’euthanasie sont les plus fréquents.
Le taux de suicide des hommes, trois fois supérieur à celui des femmes chez
les 65-74 ans, l’est quatre fois plus après 80 ans et six fois plus après 85 ans.
Le taux est d’autant plus élevé que la personne vit seule, avec un taux de
47,7/100 000 chez les hommes mariés de plus de 65 ans, de 82,6/100 000 chez
les célibataires, 105,6/100 000 chez les divorcés et 146/100 000 chez les veufs.
En France, la pendaison est utilisée dans la moitié des cas par la personne
âgée, tant au domicile qu’en institution. Les armes à feu sont utilisées dans
21  % des cas, les intoxications médicamenteuses dans 14  % des cas, la
noyade dans 12 % des cas et l’inhalation de gaz carbonique dans 5 % des cas.
Les autres moyens (accident, défenestration, arme blanche, immolation)
ne sont quasiment pas représentés (Denimal-Chevasson, 2004 ; Loo et Gal-
larda, 2000). En revanche, l’arme à feu est plus fréquemment employée aux
États-Unis, en Australie et en Finlande. Alors que les hommes âgés utilisent
plus volontiers la pendaison, la suffocation ou les armes à feu, les femmes
préfèrent l’absorption de grandes quantités de médicaments.

Tentatives de suicide
Chiffres
Les données internationales sur les tentatives de suicide des personnes âgées
sont extrêmement disparates, et donc peu fiables. Dans l’enquête OMS/
Europe, le taux des tentatives de suicide est estimé à 37/100 000 chez les
154 Clinique des conduites suicidaires

hommes de plus de 55 ans et à 130/100 000 chez les femmes du même âge,


soit un sex-ratio femmes/hommes de 3,5 (Bille-Brahe et al., 1997). Ces don-
nées européennes ne donnent pas un bon reflet des tentatives de suicide de
des personnes âgées, car y est incluse la tranche d’âge des 55-64 ans.
Dans le cadre d’une estimation issue d’une vaste enquête réalisée sur les
filières de soins auprès de soixante-dix-sept centres hospitaliers français,
4,5 % des suicidants avaient plus de 65 ans (Staikowski, 2002). Une étude
menée au CHU de Caen confirme que les plus de 65 ans représentent de
façon stable 3,5  % des tentatives de suicide admises chaque année aux
urgences des hôpitaux (Denimal-Chevasson, 2004).

Caractéristiques épidémiologiques des tentatives de suicide


Les femmes de plus de 65 ans réalisent plus de tentatives de suicide que les
hommes mais proportionnellement moins qu’en population générale, le
sex-ratio femmes/hommes décroissant avec l’âge pour être de l’ordre de 1,5
à 2 chez les plus de 65 ans (Staikowski, 2002).
Le geste est plus radical. Même si les intoxications médicamenteuses demeu-
rent la méthode la plus fréquemment utilisée, sa fréquence diminue avec l’âge
(85 % chez les 65-74 ans, 74 % chez les 75-84 ans, 71 % chez les plus de 85 ans)
au profit de moyens plus violents comme la pendaison, qui passe de 5 % chez
les 65-74 ans à 10 % chez les plus de 85 ans. Les armes à feu sont deux fois plus
souvent utilisées entre 75 et 84 ans qu’avant 74 ans ou après 85 ans (Staikowski,
2002). Ces données tendent à confirmer l’hypothèse selon laquelle certaines
tentatives de suicide seraient en fait à cet âge des suicides avortés.
Le rapport numérique suicide/tentative de suicide se réduit avec l’âge, pas-
sant de 1/160 chez la jeune femme de moins de 25 ans, à 1/3 chez la femme
de plus de 65 ans (Matusevich et al., 2003). Plus qu’aux autres âges de la vie,
la frontière entre suicide et tentative de suicide est aléatoire. Les moyens uti-
lisés plus létaux, l’intentionnalité plus marquée et la fragilité somatique in-
hérente à l’âge rendent la tentative chez les personnes âgées plus efficiente.
Les suicidants de plus de 65  ans ont globalement moins d’antécédent
de tentative de suicide que l’ensemble des suicidants. Ces gestes antérieurs
sont retrouvés chez 44 % des 65-74 ans, 31 % des 75-84 ans et 18 % des
plus de 85 ans, alors qu’ils sont notés chez quasiment un suicidant sur deux
admis aux urgences d’un hôpital.

Psychopathologie des conduites suicidaires


de la personne âgée
Un déterminateur commun : la dépression du sujet âgé
Comme le montrent les résultats des autopsies psychologiques, les trou-
bles psychiques sont retrouvés dans près de 90 % des cas chez les sujets
Populations particulières 155

de plus de 65  ans décédés de suicide. Dix à 14  % des sujets âgés n’ont
donc aucun diagnostic psychiatrique en rapport avec leur geste (Préville
et al., 2005). La pathologie la plus fréquente est la dépression, retrouvée
dans 44 à 88 % des cas, associée dans 20  % des cas à une conduite ad-
dictive, plus particulièrement l’alcool. Les personnes décédées de suicide
ont présenté un état dépressif caractérisé antérieur dans 55 à 60  % des
cas (Henriksson et al., 1995  ; Boyer et al., 2005  ; Roy et Séguin, 2008  ;
Beautrais, 2002 ; Harwood et al., 2001). Les troubles psychotiques ne sont
retrouvés que dans 8  à 9  % des cas, les troubles de personnalité sont
moins fréquents, et les troubles anxieux sont plus rarement associés au
suicide chez l’âgé.
En ce qui concerne les tentatives de suicide, plus de 55  % des suici-
dants âgés souffrent de troubles psychiques, notamment d’ordre thymi-
que, dans lequel domine le sentiment de désespoir qui peut persister dans
le temps et être associé à un risque suicidaire notable (Draper, 1996). Les
abus d’alcool sont retrouvés dans 5 à 32 % des cas, et les autres diagnos-
tics dans moins de 10 % des cas. Le risque de répétition suicidaire est de
5,4 % par an, soit un risque inférieur à celui des plus jeunes. En revan-
che, le risque ultérieur de décès par suicide est plus important (Hepple et
Quinton, 1997).
Les états dépressifs dans leur ensemble, qu’ils soient initiaux, isolés, ré-
currents, dysthymiques ou d’intensité faible, voire sous-syndromiques, sont
associés à un risque suicidaire important chez le sujet âgé. Mais le trouble
de l’humeur le plus souvent retrouvé est la dépression majeure unipolaire
non psychotique sans psychopathologie concomitante (Waern et al., 2002 ;
Waern, 2003 ; Roy et Séguin, 2008). Peuvent y être cependant associés les
troubles liés à la consommation d’alcool, et les autres troubles dépressifs
comme la dysthymie ou les troubles anxieux (Waern et al., 2002 ; Waern,
2003). La symptomatologie dépressive analysée à partir des lettres laissées
par les personnes décédées laisse entrevoir plus de sentiments de désespoir
que d’agressivité ou de culpabilité sur des personnalités rendues plus vulné-
rables par l’avancée en âge.
Les ruptures de liens sociaux, les discordes familiales et les problèmes
financiers sont fréquemment associés au suicide du sujet âgé, ainsi que les
maladies physiques et le handicap fonctionnel (Rubenowitz et al., 2001).
À partir de ces constats, il s’avère donc indispensable, dans le cadre de la
prévention du suicide de la personne âgée, de rechercher l’état dépressif,
d’organiser sa prise en charge idéalement bimodale, à savoir psychothérapie
et chimiothérapie appropriées, d’autant plus que ces dépressions ont un
pronostic favorable dans 75  % des cas (Rahme et al., 2008). Or, actuelle-
ment, on estime que seules 20 à 30 % des personnes âgées déprimées décé-
dées de suicide sont traitées (Pompii et al., 2008).
156 Clinique des conduites suicidaires

Maladies physiques associées


La maladie somatique est l’événement de la vie qui précède le plus fréquem-
ment le suicide chez les personnes âgées. Facteur décisif dans 84  % des
cas pour certains (Heikkinen et Lönnqvist, 1995), ces problèmes physiques
constitueraient pour d’autres plutôt des facteurs indirects qui exacerberaient
les symptômes dépressifs. La dépression jouerait alors un rôle intermédiaire
entre la maladie physique et le suicide (Koponen et al., 2007 ; Roy et Séguin,
2008). Plus que l’incurabilité de la maladie, ce sont les handicaps chroni-
ques qu’elle entraîne – séquelles d’hémiplégie, atteintes ostéo-articulaires,
déficits sensoriels partiels ou complets (notamment la vision)  – qui sont
difficiles à accepter et qui aggravent souvent l’isolement de la personne. La
douleur physique est un facteur associé dans environ 20 % des cas, et le sui-
cide devient une solution pour échapper à une douleur physique devenue
intolérable par sa durée et son intensité.
Parmi les limitations fonctionnelles, l’incontinence serait celle qui serait la plus
fortement liée au suicide. Avoir recours à une assistance familiale ou autre pour
subvenir aux besoins élémentaires place les personnes âgées, souvent très pu-
diques, dans une position de dépendance et de vulnérabilité qui ne peut que
contribuer à développer et aggraver les symptômes dépressifs, par des sentiments
de honte, de charge, de déchéance, même si certaines études n’ont pas montré
de relation directe entre les limitations fonctionnelles et le risque suicidaire.
Problèmes de santé physique, limitations fonctionnelles, baisse des capa-
cités cognitives engendrent des besoins particuliers chez l’âgé, qui peut être
amené à quitter sa maison, symbole de sa vie passée, pour un placement
en maison de retraite. Ce changement de domicile est un déracinement
et nécessite l’adaptation à un nouveau milieu, au prix de l’apparition fré-
quente d’idées suicidaires et de sentiments dépressifs dans les premiers mois
d’adaptation à cette autre vie.

Pertes cumulées et plus grande vulnérabilité des personnes âgées


Isolement social et familial
L’isolement social et familial, la moindre fréquence des échanges relationnels
avec la famille ou les amis, le sentiment de solitude envahissant, l’absence de
confident, les relations conflictuelles avec les autres membres de la famille
ou entre certains membres de la famille perturbent profondément la per-
sonne âgée, et sont source d’angoisse, de dépression et de risque suicidaire.
Le risque suicidaire augmente lorsque les réseaux familiaux et sociaux sont
pauvres, et les personnes âgées expriment volontiers se sentir seules, aban-
données et inutiles, sans rôle particulier dans la société (Boulent, 2008).

Contexte socio-économique
Le contexte socio-économique contraint la personne âgée à s’adapter à
de nouveaux besoins plus modestes. Le changement de statut social, les
Populations particulières 157

difficultés financières ou des problèmes légaux inattendus peuvent faire


émerger des idées suicidaires.

Notion de pertes cumulées


Bien que les facteurs de risque suicidaire soient assez bien déterminés chez la
personne âgée, il est plutôt rare qu’un seul de ces facteurs soit la cause uni-
que du geste suicidaire. Il s’agit le plus souvent d’une interaction entre la vul-
nérabilité personnelle, des événements vécus douloureusement et pouvant
être des facteurs déclencheurs ravivant d’autres pertes, qui conduisent pro-
gressivement la personne dans une impasse existentielle. Chaque difficulté,
qu’elle soit de nature physique, psychologique ou fonctionnelle, est vécue
comme une perte affectant l’intégrité de la personne. Le cumul des pertes
au cours de l’existence sollicite les capacités à surmonter les deuils d’êtres
chers (parents, enfants, conjoints, frères ou sœurs, amis, animal domestique)
et d’éléments significatifs (maison, diminution des capacités cognitives et
physiques altérant l’image et l’estime de soi). La difficulté à survivre aux
pertes existentielles est fortement associée à la dépression et au suicide, et
peu d’études portent effectivement sur le vécu des pertes chez le sujet âgé,
sur la façon d’y faire face et sur la représentation qu’a le sujet âgé de sa vie.

Signification des conduites suicidaires du sujet âgé


Les conduites suicidaires des personnes âgées sont créditées de plusieurs
significations en fonction des courants de pensée.

Théories biologiques
Chez la personne âgée, la dépression en rapport avec le risque suicidaire
peut être biologiquement provoquée par un trouble organique, comme un
accident cardiovasculaire ou une lésion cérébrale. Les dysfonctionnements
cérébraux et métaboliques conjugués peuvent augmenter le risque chez les
personnes âgées.

Théories développementales
Les capacités d’adaptation sont défaillantes chez la personne âgée, et le pro-
cessus d’adaptation est d’autant plus difficile, voire impossible, qu’existe
un déclin des fonctions physiques et psychiques. C’est lorsque la réalité
du vieillissement envahit le sujet âgé que le suicide peut apparaître le seul
moyen de maîtriser ces fonctions défaillantes.

Théories sociologiques
Le suicide de la personne âgée est un suicide de la personne seule, repliée
sur elle-même, n’ayant que peu de relations sociales et dans une constric-
tion des opportunités. En ce sens, il pourrait être une illustration du suicide
égoïste décrit par Durkheim.
158 Clinique des conduites suicidaires

Tableau 10-1
Les axes de la prévention du suicide chez la personne âgée
Niveau médical Niveau socio-économique
et politique
Prévention primaire État de santé global Niveau de bien-être
Support social
Planification des retraites
Prévention secondaire Détection des idées suici- Programmes d’aide dans
daires la cité
Reconnaissance de la Programmes de formation
dépression multidisciplinaire et réseaux
Soins aux sujets âgés de soins
Accès aux soins en santé
mentale
Prise en compte des
conséquences physiques et
psychologiques des maladies
somatiques
Prévention tertiaire Intervention de crise Programme de formation
Psychothérapies Aides à la resocialisation

Ce comportement pose la question de la place du sujet âgé dans la société


actuelle, de la démotivation de l’âgé face à son restant de vie et au vécu des
pertes cumulées en période de plus grande vulnérabilité.

Prévention des conduites suicidaires du sujet âgé


Les différents axes de la prévention du suicide chez la personne âgée sont
résumés dans le tableau 10-1 (De Leo et Scocco, 2000), et certains points
méritent d’être approfondis.

Reconnaissance de la crise suicidaire et de la dépression du


sujet âgé
La dépression du sujet âgé est souvent sous-estimée et assimilée à la vieillesse
(Uncapher et Arean, 2000).
Les symptômes de la crise suicidaire sont moins intenses chez le sujet âgé,
qui n’évoque pas forcément spontanément ses idées suicidaires, sa tristesse
et sa démotivation. Dans une étude d’autopsie psychologique, 28  % des
suicidés n’ont jamais exprimé d’idées de mort ou montré un comportement
suicidaire indirect dans les 6 mois précédant le décès (Préville et al., 2005).
Dans le canton de Honfleur (Calvados), deux tiers des personnes n’ont ja-
mais parlé de leurs idées suicidaires, et plus d’un tiers reconnaît qu’ils ne
les exprimeraient pas s’ils en avaient, même si le médecin généraliste les
Populations particulières 159

connaissant bien leur posait la question (Boulent, 2008). Non seulement


le sujet ne manifeste pas sa détresse, mais il peut s’en défendre en gardant
en apparence un pseudo-investissement de la vie future. Ce n’est pas parce
qu’une personne âgée parle de ce qu’elle va faire dans le futur qu’il faut
écarter l’hypothèse d’un passage à l’acte.
Il est donc important de repérer les facteurs de risque potentiels, tout en
sachant que plus la personne est âgée, plus le repérage est difficile, tant est
forte la tentation de tout expliquer par une pathologie organique forcément
présente (Montfort, 2001). Les personnes âgées hypochondriaques ou qua-
lifiées de difficiles, comme la fameuse « Tatie Danièle », peuvent également
souffrir de dépression, une dépression hostile mais réversible pouvant exa-
cerber certains traits de caractère.
Être attentif à l’existence de moyens létaux rapidement disponibles est
également important, nombre de personnes âgées ayant chez eux des armes
à feu (Boulent, 2008).
Chez le sujet âgé, les idées suicidaires sont donc rarement communiquées,
tant elles sont difficiles à dévoiler et à exprimer. La dépression, peu aisée à
diagnostiquer, est trop souvent confondue avec la vieillesse.

La reconnaissance et le traitement de la dépression du sujet


âgé passent par le médecin généraliste
Le médecin généraliste est plus accessible à la personne âgée que le psy-
chiatre. Il est plus au fait de sa vie familiale, des problèmes, des relations
affectives, des pertes et deuils, et des conflits intrafamiliaux. Il est souvent
un confident privilégié. Il est plus à même de détecter la souffrance, le mal-
être, les sentiments d’inutilité et de désespoir. Effectuant la synthèse entre
les troubles somatiques et les troubles psychiques dont la dépression, il peut
être plus attentif aux symptômes dépressifs mineurs ou sub-syndromiques
qui multiplient par cinq le risque de dépression caractérisée à un an (Lyness
et al., 2007). L’accumulation des troubles sur la vie entière, notamment
sur les six derniers mois, et les symptômes indirects dont les propos
sont allusifs ou clairement énoncés à l’entourage sont à prendre en consi-
dération.
La difficulté est de faire accepter avec douceur et prudence le diagnostic
de dépression à la personne âgée, puis de l’amener à un traitement anti­
dépresseur sur la durée, en sachant que le pronostic d’un état dépressif chez
une personne âgée est aussi bon que chez l’adulte jeune.

Mesures préventives de lutte contre l’isolement


Chez le sujet âgé comme chez l’adulte plus jeune, le traitement unique-
ment psychiatrique du trouble psychique, ici principalement la dépression,
ne suffit pas. Réduire la vulnérabilité de ces personnes âgées passe par la
160 Clinique des conduites suicidaires

présence active et chaleureuse de la famille et des amis, et le rôle affectif des


plus jeunes auprès des anciens est à favoriser.
Le soutien social et l’élaboration de programmes de proximité peuvent
non seulement briser la solitude, mais aussi, par une plus grande proximité
sociale, permettre la prise en charge psychologique lorsque celle-ci est né-
cessaire (Cui et al., 2008).
L’effondrement des structures familiales dans les pays latins ces dernières
années a favorisé le déclin du support social naturel qui n’a pas été remplacé
par quelque chose d’efficient pour faire face à l’âge (De Leo et al., 1995  ;
Pritchard et Hansen, 2005). Un programme italien d’assistance téléphonique
a entraîné une chute significative du suicide chez le sujet âgé (De Leo et al.,
1995), mais l’assistance téléphonique ne remplace pas la présence. Au Québec
où les taux de suicide des plus de 65 ans sont bas, les sujets âgés se disent
satisfaits de leur vie et témoignent moins de détresse psychologique que les
autres groupes d’âge.
La présence de l’entourage, le rôle affectif des plus jeunes auprès des an-
ciens, le rôle de la société pour soutenir les plus jeunes dans cette action de
reconnaissance et d’aide sont jusqu’alors peu valorisés dans les pays forte-
ment industrialisés.

Conduites suicidaires des populations


carcérales
Les prisons françaises ont comptabilisé 115  suicides en  2008, plaçant la
France au premier rang européen pour les suicides en prison.
La prévention du suicide est considérée, au vu de ces chiffres élevés,
comme une priorité constante de l’administration pénitentiaire.

Suicide
Chiffres du suicide en milieu carcéral
En France, le taux de suicide en milieu carcéral est de 177/100 000 détenus
écroués, soit un taux dix fois supérieur à celui de la population générale.
Les prisons françaises comptent actuellement 63 263 détenus, 17 804 pré-
venus, c’est-à-dire en attente de jugement, et 45 464 condamnés.
Le taux de suicide en milieu carcéral, estimé à 99/100 000 en 1980, n’a
cessé de s’accroître pour atteindre un maximum de 244/100 000 en 1996.
Après une phase de stabilisation haute, le nombre de suicide a progressive-
ment diminué alors que le nombre de détenus s’est accru. En 2005, 122 sui-
cides ont été comptabilisés, soit un taux de 204/100 000, similaire à celui
de 2003. Il y a eu, en 2006 et 2007, moins de 100 décès par suicide par an,
Populations particulières 161

soit un taux de 152/100 000, ce qui correspond à une diminution de 23 %


entre 2005 et 2006. Ce taux, six et demi à sept fois supérieur à celui de la
population générale, plaçait alors la France en position médiane par rapport
aux autres pays occidentaux.
Les chiffres du suicide en prison ont considérablement augmenté en 2008,
avec 115 décès par suicide comptabilisés, soit un suicide tous les trois jours
et un taux de 177/100 000 détenus. Cette augmentation de 20 % par rap-
port à l’année précédente a été fortement médiatisée. Les données prélimi-
naires pour  2009 sont également alarmantes, avec 151  suicides attendus,
soit une hausse de 31 % par rapport à 2008, assortie d’une crainte de forte
augmentation de suicides en quartier disciplinaire.
Ces chiffres sont considérés comme représentant bien la réalité, car cha-
que suicide fait l’objet d’un rapport détaillé. Bien que le risque suicidaire
s’accroisse avec l’âge, il représente la première cause de décès des popula-
tions les plus jeunes en prison.

Caractéristiques du suicide en milieu carcéral


Les caractéristiques sociodémographiques des détenus suicidés ont peu
évolué ces dernières années (Marcus et Collcabes, 1993 ; Fruenwald et al.,
2000 ; Baron-Laforêt, 2006 ; Hazard, 2008).

Des hommes jeunes


Ce sont dans plus de neuf cas sur dix des hommes jeunes, âgés en moyenne de
36 ans, ce qui reflète les caractéristiques classiques de la population carcérale.
La baisse du nombre des suicides en prison a concerné l’ensemble des
tranches d’âge, mais le taux reste maximal chez les 20-45 ans.
En  2007, en France, 91  suicides (95  %) ont été comptabilisés chez les
hommes, et  5 chez les femmes (5  %), ce qui correspond également aux
données internationales.

Prévenus plus que détenus


La détention provisoire est un état qui fragilise la personne : en effet, en 2007,
la moitié des personnes qui se sont suicidées étaient des prévenus, qui ne
représentent que 28 % des personnes écrouées, soit un taux de 264/100 000,
alors que le taux de suicide chez les condamnés est de 108/100 000. Le taux
de suicide des prévenus est ainsi deux fois supérieur à celui des condamnés.

En début de détention et en maison d’arrêt


Les premiers temps d’incarcération en maison d’arrêt fragilisent le détenu.
En 2007, 60 % des détenus sont des prévenus, c’est-à-dire en attente de
jugement, 10 % réalisent leur geste pendant la première semaine d’incarcé-
ration, 17 % pendant le premier mois, et près d’un tiers des suicides a lieu
moins de trois mois après l’incarcération.
162 Clinique des conduites suicidaires

Soixante-sept pour cent des suicides sont constatés en maison d’arrêt où


sont incarcérés les prévenus en attente de jugement et les condamnés pur-
geant de courtes peines ou en attente de transfert pour un centre de déten-
tion où se déroulent les plus longues peines.
Après le choc de l’incarcération, pourvoyeur principal des suicides chez
les jeunes, les périodes précédant le jugement sont plus à risque, confron-
tant le détenu au parcours de sa vie, au rappel des faits devant ses proches
et devant des tiers, et au jugement, à la fois attendu et redouté.
Pour les condamnés, le risque suicidaire augmente avec la durée de la
peine et la nature criminelle de l’infraction. L’approche de la sortie est égale­
ment un moment redouté, signifiant, outre l’attente de la liberté espérée, le
retour à une vie sociale dont les règles se sont éloignées et la confrontation
à une réalité souvent difficile (Pratt et al., 2006).

Incarcérations plus fréquentes pour crimes envers les personnes


La nature de l’infraction joue un rôle non négligeable dans le passage à
l’acte. En effet, le risque est largement plus élevé si l’infraction est un crime
dirigé contre des personnes. Estimé à 200/100 000 en 2001, le taux de sui-
cide chez ce type de criminel est de 280/100 000 en 2006-2008, maximal
pour un homicide avec un taux de 570/100 000, 280/100 000 en cas de viol
sur mineur, 230/100 000 en cas de viol et des taux beaucoup plus faibles,
de l’ordre de 130/100 000, pour les atteintes aux biens. Ces éléments sont
des constantes dans la littérature internationale. Pour Kerkhof et Bernasco
(1990), 40 % des suicides et 18 % des tentatives de suicide sont réalisés chez
les condamnés aux longues peines par des détenus incarcérés pour crimes
de sang. Les crimes contre les personnes et les crimes sexuels sont retrouvés
chez 35 à 44 % des suicidés (Shaw et al., 2004 ; Way et al., 2005).

La pendaison est la méthode privilégiée


Le mode privilégié demeure la pendaison (93 % en 2007), non par choix
réel, mais du fait du contexte carcéral où les moyens sont somme toute res-
treints. Pendaison et étouffement sont toujours possibles quelles ques que
soient les fouilles. L’usage des médicaments (5 %) et des autres modes de
suicide reste modéré. Ces données sont retrouvées dans tous les pays (Du-
Rand et al., 1995 ; Andersen, 2004 ; Blauw et al., 2005 ; Bird, 2008 ; Fazel et
al., 2005 ; Way et al., 2005).

Suicide plus fréquent en cellule, plus rare mais plus inquiétant en


quartier disciplinaire
La grande majorité des gestes (75 %) se produit en cellule, mais ils sont de
plus en plus nombreux à être réalisés au quartier disciplinaire, allant de
11 % en 2001 à 17 % en 2007, alors que ce lieu ne représente que 2 % de
la capacité de détention. Près de la moitié des gestes commis au quartier
Populations particulières 163

disciplinaire, prison au sein de la prison, sont réalisés le jour même ou le


lendemain de la sanction. Près de la moitié des détenus qui s’y sont suicidés
y étaient transférés suite à des agressions verbales ou physiques envers le
personnel, et 20 % suite à ce même type d’agression envers les codétenus.
Lorsque le suicide se déroule en cellule ordinaire, le détenu est plus d’une
fois sur deux seul. L’encellulement, ou fait d’être seul en cellule, est gé­
néralement considéré dans toutes les études comme un facteur facilitant
le passage à l’acte d’un détenu en crise suicidaire, pouvant multiplier le
risque par dix-huit (Fruehwald et al., 2004). La présence d’autres détenus
dans la cellule n’empêche cependant pas le geste, que les codétenus soient
présents (20 %) ou temporairement absents (27 %).

Certains moments sont plus à risque


Plus que les variations saisonnières aléatoires, certains moments de la se-
maine ou de la journée sont plus propices au geste suicidaire. Les same-
dis, jour de parloir pour les proches qui travaillent, confrontent le détenu
soit à la déception d’une visite attendue qui ne vient pas, soit à la solitude
plus marquée. Les suicides ont surtout lieu l’après-midi, lors des heures de
parloir, de promenades et d’activité, ou en soirée, moment plus anxiogène
lorsque le détenu reste seul en cellule confronté à lui-même.

Des détenus aux antécédents de tentatives de suicide


et aux antécédents psychiatriques connus
Près d’un détenu sur deux qui se suicide a des antécédents de tentative de
suicide (43 à 62 % selon les études), soit un risque multiplié par dix-huit
(Fruehwald et al., 2004). Les statistiques françaises font état de 44 % d’anté-
cédents de tentatives de suicide chez les détenus suicidés.
Trente-quatre à 72 % ont présenté des idées suicidaires (Way et al., 2005),
et plus de 20 % des détenus présentant des signes de suicidalité ne seraient
pas suivis (Fruehwald et al., 2003).
Au moins un trouble psychique associé est retrouvé dans 72 à 84 % des
cas, mais dans des proportions somme toute très variables selon les études.
Les détenus suicidés souffrent essentiellement d’addiction (18 à 31 %), de
troubles thymiques (9 à 18 %), de troubles de personnalité (11 à 39 %) et de
schizophrénie (7 à 38 %) (Shaw et al., 2004 ; Way et al., 2005). Vingt-sept
pour cent des suicides seraient en fait réactionnels, nombre de suicides car-
céraux ayant pour certains une part non prédictible cliniquement et proche
de la décision rationnelle (Fruehwald et al., 2003 ; Bourgoin, 1994).

Tentatives de suicide et automutilations


L’Observatoire international des prisons, dans son rapport de  2005, fait
état pour la France d’automutilations et de grèves de la faim en constante
164 Clinique des conduites suicidaires

augmentation, passant de 793 en 2002 à 983 en 2004, soit une majoration


de 25 %.
Dans les prisons françaises, les tentatives de suicides ont connu, comme
le suicide, une nette progression passant de 79/10 000 détenus en 1990, à
125/10 000 en 1995, 157/10 000 en 1996 et 176/10 000 en 1997.
Les tentatives de suicide sont estimées à 704 en 2001, 709 en 2002, 786
en 2003 et 757 en 2004, soit une augmentation de 8 % entre 2001-2002 et
2003-2004.
Même si toute conduite auto-agressive, d’automutilation, de geste suici-
daire et de grève de la faim est considérée comme un incident et doit, à ce
titre, faire l’objet d’un rapport, la déclaration de ces comportements dépend
avant tout du sens et de l’interprétation donnés au geste, ce qui explique la
grande variabilité des estimations et les difficultés d’évaluation.

La violence est inhérente au milieu carcéral


On ne peut pas appréhender et considérer les conduites suicidaires et même
la dépression en milieu pénitentiaire comme en milieu libre. Il est néces-
saire d’avoir une approche plus globale, en considérant que la privation de
liberté est un événement de vie parmi les plus stressants, qui se décline de
plusieurs manières (Nock et Marzuk, 2000  ; Manzanera et Senon, 2004  ;
Moron, 2004 ; Jenkins et al., 2005) :
• la prison est en elle-même facteur déclenchant de symptômes : c’est un
milieu violent, conflictuel, marqué par l’agressivité, les trafics de produits
et les rapports de domination, qui génèrent des distorsions sensorielles et
relationnelles ;
• l’incarcération renforce les facteurs de vulnérabilité chez des personnes
fragiles renvoyées aux processus d’attachement, d’abandon et de sépara-
tion, de telle sorte que des épisodes psychiques aigus, qui auraient pu ne pas
émerger par ailleurs, peuvent surgir en détention ;
• la prison façonne les symptômes, leur donne une dimension particulière
à ne pas négliger, notamment dans le registre thymique.
La violence inhérente au milieu carcéral se décline sous maints aspects
(Archer, 2004) :
• les conditions matérielles de la détention sont un élément majeur de la
dynamique violente. La surpopulation carcérale bien connue, relayée par
les médias, conduit les détenus à vivre dans des conditions de promiscuité
propres à transformer un conflit mineur en crise grave qui, bien que connue,
n’est pas toujours désamorcée à temps. Certains détenus vont jusqu’à pro-
voquer des incidents pour être transférés en quartier disciplinaire dans le
seul but d’être seul ;
• toute atteinte à la dignité, tout ce qui est considéré par le détenu comme
un manque de respect élémentaire est susceptible de provoquer une
Populations particulières 165

escalade symétrique, un passage à l’acte violent allant de la simple colère


à l’auto- ou hétéro-agressivité. La fragilité narcissique, si fréquente chez les
détenus, va colorer d’une résonance parfois dramatique des faits anodins ;
• en prison plus que dans n’importe quel autre milieu, l’angoisse des uns
peut renforcer la violence des autres en générant de multiples passages à
l’acte en miroir ou des conflits interminables, par des mécanismes psychi-
ques tels le clivage ou l’identification projective.

Fragilité psychique et sur-suicidalité des détenus


La fréquence des troubles psychiques chez les détenus est soulignée tant par
la presse que par les études internationales. Une méta-analyse a passé en
revue 62 publications internationales portant sur 22 790 détenus, de sexe
masculin dans 81 % des cas, âgés en moyenne de 29 ans, afin de déterminer
la prévalence des troubles psychiques en détention. Les résultats sont pré-
occupants. Il est retrouvé chez les hommes 3,7 % de psychoses chroniques,
10 % de troubles dépressifs caractérisés et 65 % de troubles de personnalité
(dont 47 % de personnalité antisociale), et chez les femmes, 4 % de psycho-
ses chroniques, 12 % de troubles dépressifs et 42 % de troubles de personna-
lité (Fazel et Danesh, 2002 ; Fazel et Doll, 2006). Une étude menée auprès de
800 détenus des prisons françaises révèle que 27,4 % des détenus souffrent
d’au moins un trouble psychique en dehors de tout trouble de personnalité,
avec 3,8 % de troubles schizophréniques, 17,9 % de troubles thymiques au
sens état dépressif majeur, 10,8 % de dépendance à des drogues et 12 % de
dépendance à l’alcool (Falissard et al., 2006)
Ces résultats sont confirmés par ailleurs (Fazel et Doll, 2006 ; Lukasiewicz
et al., 2007, 2008).
Les troubles de personnalité de type état limitent à expression psychopa-
thique sont à prendre en considération, d’autant plus que ce sont les princi-
paux pourvoyeurs de tentatives de suicide, d’automutilations et d’incidents
graves en détention (Kendell, 2002 ; Lohner et Konrad, 2006).
Si les passages à l’acte auto-agressif sont si fréquents, c’est également
parce le détenu est non seulement privé de liberté, mais aussi et surtout
confronté aux limites de son corps qui évolue dans un espace restreint, sans
réelle intimité, y perdant parfois les repères sensoriels. Le corps, la peau et
ses tatouages portent l’histoire du détenu, les stigmates des frustrations et
des ruptures inacceptables.
C’est une véritable clinique de l’agir qui s’exprime, et il est tout à fait possi-
ble que les déterminants jouant sur les conduites suicidaires en milieu carcéral
soient assez différents de ceux retrouvés à l’extérieur, et soient plus marqués
par les réactions, l’intolérance et le dépassement des capacités adaptatives en
milieu carcéral. L’analyse précise des lettres laissées par les détenus suicidés met
en avant les ruptures avec la famille et les conflits avec le conjoint dans près de
166 Clinique des conduites suicidaires

24 % des cas, les problèmes au sein de la détention dans 19 % des cas, l’exis-
tence de troubles psychiques plus ou moins graves dans 18 % des cas, la révolte
contre les autorités judiciaires dans 10 % des cas, la peur d’une agression dans
6 % des cas, et aucun motif défini dans 15 % des cas (Bourgoin, 1994).

Tentatives de suicide et automutilations


Pendant des années, l’administration pénitentiaire a tenté de minimiser
l’importance des tentatives de suicide et des automutilations, qui sont do-
rénavant comptabilisées systématiquement en tant qu’« incident ».
Ces « incidents » sont importants à considérer, la suicidalité constituant un
problème majeur en milieu carcéral. Un détenu suicidé a plus d’une fois sur
deux un parcours suicidaire, avec vingt-quatre fois plus de tentatives de suicide,
quatorze fois plus de fugues et d’évasions et six fois plus d’automutilations.
Dans une étude conduite spécifiquement auprès de détenus ayant réalisé
des tentatives de suicide, Goss et al. (2002) montre que ces gestes sont
accomplis essentiellement, comme pour les décès par suicide, par des hommes
(82 %), consommant des drogues ou de l’alcool dans 63 % des cas, souffrant
dans 41 % des cas de problèmes de santé chronique, présentant des troubles
psychiques chroniques dans 77  % des cas et aux antécédents de gestes
suicidaires dans 41  % des cas. Trente-huit pour cent des tentatives sont
réalisées dans les trois premiers jours d’incarcération, 34 % entre le troisième
jour et le mois suivant l’incarcération, et 28 % au-delà du premier mois de
détention. Vingt-neuf pour cent réalisent des phlébotomies, 15 % absorbent
des médicaments, 49 % réalisent des tentatives de pendaison ou de strangulation,
et près de 4 % se jettent dans le vide.
Reconnaître un comportement et le qualifier de suicidaire peut être
assez difficile en milieu pénitentiaire, où tout geste est à replacer dans son
contexte pour aborder le sens à lui accorder, et où le risque de contagion en
« rafales » est non négligeable (Senon, 2004).
Les équivalents suicidaires sont plus nombreux et plus spectaculaires qu’en
milieu libre. Ce sont des actes isolés lors d’un raptus anxieux ou des séries
de conduites itératives parfois de registre varié (ingestion de toxiques ou de
corps étranger, mutilations diverses, amputation de phalanges, brûlures de
cigarettes, autocognements, refus d’alimentation ou de boisson).
Ces actes sont d’analyse complexe, renvoyant à la signification du corps
en milieu carcéral, l’organisation limite de la personnalité et aux facteurs
purement pénitentiaires.

Prévention du suicide en prison


En France, la prévention du suicide en milieu carcéral est fondée sur l’arti-
culation entre le domaine sanitaire et les dispositions prises spécifiquement
par l’administration pénitentiaire.
Populations particulières 167

Domaine des soins


Le secteur de psychiatrie pénitentiaire a été créé afin de reconnaître «  le
droit aux détenus de bénéficier du dispositif public de santé mentale com-
mun à l’ensemble de la population », tout en sachant que la contrainte des
soins psychiatriques n’est pas possible en prison.
Les missions des services médico-psychologiques régionaux (SMPR), défi-
nies par l’arrêté du 14 décembre 1986, comprennent :
• le dépistage des troubles psychologiques et psychiatriques et la mise en
œuvre des traitements psychiatriques ;
• le suivi psychiatrique et psychologique de la population post-pénale ;
• la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie ;
• la coordination des soins vis-à-vis des établissements pénitentiaires qui
leur sont rattachés ;
• le travail en réseau avec notamment les unités de consultation et de
soins ambulatoires (UCSA), les services socio-éducatifs, les formateurs, les
familles, les juges et le personnel pénitentiaire ;
• des actions spécifiques à certaines populations (délinquants sexuels, mi-
neurs, femmes).
Dans le cadre de la prévention du suicide, l’articulation entre le secteur
de soins somatique (UCSA) et le SMPR est essentielle. Tout détenu entrant
fait l’objet d’un entretien auprès d’une infirmière de l’UCSA et est reçu par
un médecin. Ces premières rencontres médicales sont donc des moments
propices pour la détection des premiers symptômes psychiques et peuvent
donner lieu à un recours aux soins dispensés par le SMPR.

Actions pénitentiaires
La circulaire ministérielle du 29 mai 1998 souligne l’importance de la qualité
de l’accueil lors de l’incarcération, de la surveillance lors de la détention et
plus particulièrement au quartier disciplinaire, de la prise en charge rapide
et individualisée en cas d’auto-agression, et de la nécessaire coordination en
cas de suicide autour de la famille, des codétenus et du personnel impliqué.
La note de 12 mai 1981 préconise l’amélioration des relations entre admi-
nistration pénitentiaire et proche d’un détenu malade ou décédé.
La loi du 18 janvier 1994 rappelle la compétence du personnel de santé,
donc dépendant du ministère de la Santé, auprès des détenus malades.
La circulaire du 5 juillet 2001 met en place la Stratégie nationale d’action
face au suicide 2000-2005 dans les suites de la conférence de consensus sur
la crise suicidaire.
La circulaire du 26 avril 2002 précise que la prévention du suicide en mi-
lieu carcéral nécessite une réponse pluridisciplinaire et une nécessaire coor-
dination entre les différents intervenants du système pénitentiaire et du
système de santé.
168 Clinique des conduites suicidaires

Le rapport Terra de  2003 a pour objectif la réduction de 20  % en cinq


ans du nombre des suicides en prison grâce à un dispositif de prévention
reposant dès 2004 sur trois axes principaux de recommandations, à savoir
la formation du personnel pénitentiaire, la déclinaison locale de ces forma-
tions et la réduction des moyens d’accès au suicide dans la conception des
nouveaux établissements. Une commission nationale a analysé, en  2006,
73 cas de suicides et a considéré, malgré les difficultés posées par les évalua-
tions a posteriori, 18 % des suicides facilement évitables, 22 % évitables, 8 %
totalement imprévisibles et 20 % difficilement évitables.
Des nouvelles fiches d’évaluation du potentiel suicidaire, calquées sur la
formation dispensée quant à la connaissance du détenu, ses antécédents
et l’évaluation du potentiel suicidaire, sont à la disposition du personnel
pénitentiaire d’accueil depuis mai 2007. Elles doivent être remplies et trans-
mises si nécessaire aux services de soins UCSA et SMPR. Des commissions
« suicide » partenariales sont également en place dans chaque établissement
pour évoquer les situations particulières des détenus considérés à risque
suicidaire et faisant l’objet d’une surveillance plus attentive de la part du
personnel pénitentiaire.
Parallèlement à la nouvelle loi pénitentiaire, la commission Albrand, man-
datée en 2009 devant l’augmentation considérable des suicides en milieu
carcéral, préconise, dans un rapport au garde des Sceaux, vingt points spéci-
fiques dont le renforcement des mesures précédentes en matière de forma-
tion à la crise suicidaire et d’utilisation systématique et coordonnée de la
grille d’évaluation des risques suicidaires, le renforcement de la protection
des personnes détenues, ainsi que des mesures spécifiques de postvention
auprès des familles et des détenus.

Conclusion
Même s’il existe dans certains cas, du fait du milieu carcéral, une part de
« décision rationnelle » ou une part de « manipulation », ou que le geste, de
l’aveu même des surveillants pénitentiaires, est a priori incompréhensible,
il n’en demeure que certaines dimensions caractérisent les gestes suicidaires
en milieu pénitentiaire.
Ces gestes sont réalisés par une population psychiquement fragile au re-
gard des trajectoires de vie, rendant compte de la constitution d’une vulné-
rabilité précoce générant des troubles psychiques dominés par les organisa-
tions limites de la personnalité et des conduites addictives.
La sur-suicidalité en milieu carcéral s’explique non seulement par cette
dimension psychique, mais aussi par des facteurs pénitentiaires qui ampli-
fient cette vulnérabilité, par le sens donné aux événements contraires qui
déstabilisent aisément et émotionnellement un détenu déjà fragilisé et par
Populations particulières 169

l’immédiateté des réactions émotionnelles intenses aux moindres frustra-


tions sans que la médiation par la parole ne soit possible.
À côté du nombre important des suicides avérés, il est difficile d’avoir une
estimation correcte du nombre de suicides évités. Par ailleurs, quel sera l’im-
pact du bracelet électronique ? Sera-t-il considéré comme un simulacre de
liberté, restreignant l’espace de vie ? Ou comme une réelle alternative à l’in-
carcération permettant de sauvegarder de précieux liens avec l’extérieur ?
11 Prédiction du suicide
et répétitions suicidaires :
une clinique du risque

Le choix du terme « répétition » ou « réitération » suicidaire pour rempla-


cer la qualification habituelle de « récidive » n’est pas qu’un nouvel avatar
du langage «  politiquement correct  ». Le terme «  récidive  », juridique et
impliquant à la fois une action dolosive et une présomption de culpabilité,
est inadapté pour qualifier des répétitions d’actes qui sont plus à concevoir
comme des appels ou des recherches de solutions désespérées, que comme
des actes répréhensibles.
La répétition suicidaire est au cœur de la problématique suicidaire, posant
l’éternelle question au patient, à l’entourage et au médecin, du risque et de
la prédiction d’un nouveau geste, voire d’un suicide ultérieur. Reconnaître
au suicidant réitérant certaines caractéristiques cognitives, comportemen-
tales, d’organisation de l’attachement et de la personnalité, ainsi que cerner
les traumatismes de l’enfance, peuvent conduite à l’instauration de prises
en charge plus spécifiques.

Épidémiologie des réitérations suicidaires


Fréquence et précocité des réitérations suicidaires
Plus d’un suicidant sur deux admis aux urgences des hôpitaux généraux
est déjà engagé dans un processus de réitération suicidaire (Kerkhof, 2000 ;
Osvath et al., 2003).
Seize pour cent des multi-suicidants récidivent dans l’année et 75 % des
réitérations se déroulent dans l’année suivant un geste index. Ces chiffres
sont des estimations moyennes soumises à d’importantes variations en
fonction des études et des tranches d’âge considérées, puisque dans l’en-
quête OMS/Europe, Kerkhof (2000) considère que 54 % des suicidants sont
dans un processus de réitération, que 30 % répètent au moins un geste dans
l’année, et que 17 % en répètent deux ou plus. Toujours dans le cadre de
cette enquête, 24 % des jeunes suicidants de 15 à 19 ans qui avaient déjà
réalisé antérieurement un geste suicidaire ont réitéré dans l’année, alors que
seuls 6,8 % des primo-suicidants ont répété leur geste. La gravité antérieure
du geste multiplie par 1,5 le risque de répétition, et l’existence de tentatives
de suicide antérieures multiplie par trois le risque futur de geste autolytique.

Le geste suicidaire
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172 Clinique des conduites suicidaires

Ces deux facteurs associés à la réitération soulignent l’importance du suivi


des jeunes dans la prévention du suicide (Hulten et al., 2001).
En reprenant les résultats de 90 études internationales, Owen et al. (2002)
estiment à 15 % (12 à 25 %) le taux de réitération à un an et à 23 % (20 à
25 %) à 4 ans. Dans une étude de suivi de 4 167 suicidants, 24,5 % des sujets
commettent un nouveau geste sur une période de 7 ans, les antécédents de
gestes suicidaires étant le facteur le mieux corrélé à la répétition, qu’elle soit
fréquente ou non, essentiellement chez les femmes réitérantes (Haw et al.,
2007). Dans une recherche plus récente, le taux de répétition à un an est de
30 % (Heyerdahl et al., 2009). Les disparités entre les études peuvent en partie
s’expliquer par les définitions retenues pour les comportements suicidaires
ainsi que par le bassin de recrutement. Par exemple, les antécédents suicidaires
et les risques de réitération sont supérieurs chez les personnes réalisant des
phlébotomies, 33 % à un an. Par ailleurs, leurs prises en charge sont moins
codifiées et les hospitalisations beaucoup plus rares (Lilley et al., 2008).

Lien entre réitérations suicidaires et décès ultérieur


par suicide
Cinquante pour cent des personnes décédées par suicide ont des antécé-
dents de gestes suicidaires (Foster et al., 1997 ; Appleby et al., 1999).
Les taux moyens de décès par suicide dans l’année suivant un geste sui-
cidaire sont de 0,5 à 2 %, et de 5 à 7 % à 9 ans (Owen et al., 2002). Ils sont
estimés à 3 % à un an pour Hawton et Zahl (2003) et Jenkins et al. (2002).
Suominen et al. (2004), tout en confirmant la surmortalité précoce générale
des suicidants, estime à 8 % le taux de suicide d’une cohorte à 12 ans. Pour
Owen et Wood (2005), la mortalité générale à 16 ans est de 17 %, avec 3,5 %
de décès par suicide.
Dans une étude de 11 583 suicidants suivis sur une période moyenne de
11 ans, 39 % réitèrent leur geste, et le risque de décès ultérieur par suicide
est deux fois plus important pour les suicidants, plus particulièrement pour
les femmes multi-suicidantes. Dans cette étude, le risque de suicide à un
an est de 0,7 % (1,1 % pour les hommes, 0,5 % pour les femmes), de 1,7 %
à 5 ans (2,6 % pour les hommes, 1 % pour les femmes), de 2,4 % à 10 ans
(4 % pour les hommes, 1,4 % pour les femmes) et de 3 % à 15 ans (4,8 %
pour les hommes, 1,8 % pour les femmes) (Zahl et Hawton, 2004 ; Hawton
et al., 2006).
La réitération suicidaire est entachée d’un réel risque de décès ultérieur. En
effet, le risque de suicide, estimé chez les primo-suicidants à 0,6 % à un an,
1,2 % à 5 ans, 1,7 % à 10 ans et 1,9 % à 15 ans, passe chez les multi-suicidants
à 0,9 % à un an, 2,4 % à 5 ans, 3,6 % à 10 ans et à 4,7 % à 15 ans (Suokas
et al., 2001 ; Borges et al., 2008 ; Reulbach et Bleich, 2008 ; Hawton et al., 2008).
Prédiction du suicide et répétitions suicidaires : une clinique du risque 173

Bien que le risque de suicide soit supérieur chez les hommes à tous les âges
de la vie, le groupe particulier des jeunes femmes de moins de 24 ans mul-
ti-suicidantes apparaît à haut risque (× 7) par rapport au groupe des primo-
­suicidantes du même âge.
Les sujets hospitalisés en psychiatrie au décours de tentatives de suicide
graves constituent un sous-groupe spécifique à gravité psychopathologique
plus marquée. Le taux de réitération est similaire à celui décrit dans la litté-
rature, voire un peu moindre, de l’ordre de 12 % à un an, mais pour un taux
de suicide quasiment trois fois plus important, estimé à 3,2 %. Les risques
sont plus élevés dans les pathologies thymiques pour les femmes, dans les
troubles psychotiques pour les hommes, et la période suivant la sortie de
l’hôpital est un moment à très haut risque suicidaire (Oquendo et al., 2007 ;
Haukka et al., 2008 ; Tidemalm et al., 2008).
Le risque de suicide, supérieur dans les 6  mois suivant le geste, voire
même dans le mois qui suit la tentative (Gunnell et al., 2008), reste impor-
tant dans les dix années suivantes, les deux tiers des suicides se produisant
dans les 15  ans après le geste index. Ce risque perdure sur la vie entière,
estimé à 13 % à 37 ans, voire même de 16 à 19 % si l’on considère la part des
décès de cause inexpliquée imputable aux suicides (Suominen et al., 2004).
Le risque de suicide est donc selon les auteurs multiplié par 30 à 100 chez
les suicidants par rapport à la population générale, et par 66 dans l’année
qui suit le geste (Hawton et Zahl, 2003 ; Owens et al., 2002 ; Cooper et al.,
2005 ; Jenkins et al., 2002).

Psychopathologie des multi-suicidants


Le profil psychopathologique des multi-suicidants comportes moins de si-
tuations de crise psychosociale que chez les primo-suicidants [5 versus 49 %
pour Cremniter (1997), 0 versus 32 % pour Johnsson et al. (1996)] et une
fréquence plus élevée de pathologies psychiques chroniques telles que les
conduites addictives, les troubles psychotiques et les états limites.
Certains auteurs (Hawton et al., 2003 ; Choquet et Granboulan, 2004 ;
Forman et al., 2004) soulignent l’existence d’une authentique dimension
dépressive chez les multi-suicidants, avec des scores élevés de dépression,
de désespoir, d’addiction et de mauvaise estime de soi. L’hétérogénéité des
signes de souffrance psychique ne s’explique pas uniquement par l’existence
d’un trouble limite de personnalité. Une enquête française menée auprès de
700 jeunes suicidants hospitalisés montre qu’un niveau de dépression plus
élevé, des comportements addictifs et des fugues répétées sont d’authenti-
ques signaux de danger de réitération suicidaire, indépendamment de la
situation familiale ou sociale. Ces jeunes multi-suicidants sont par ailleurs
volontiers gros consommateurs de soins médicaux (51  %), y compris de
174 Clinique des conduites suicidaires

soins psychiatriques (58  %) (Choquet et Granboulan, 2004). Les adoles-


cents multi-suicidants souffrent dans près de trois quarts des cas de troubles
psychiques plus lourds et plus fréquents que les primo-suicidants (39  %)
ou les jeunes suicidaires (41 %). Ces troubles, d’ordre thymique et anxieux,
perdurent à 5 ans et favorisent les réitérations, d’autant qu’existe une co-
morbidité avec des abus de substance et des troubles du comportement
(Miranda et al., 2008). Les idéations suicidaires sont alors plus intenses pen-
dant le passage à l’acte, ce qui confère à ces jeunes un profil particulier à
haut risque (Renaud et al., 2008).
Ces symptômes sont par ailleurs amplifiés par des situations de rupture ou
d’isolement social, les séparations et les divorces étant plus fréquents chez
les multi-suicidants que chez les primo-suicidants. Les difficultés d’insertion
socioprofessionnelle sont également plus nombreuses, comme le chômage
[20 versus 14 % pour Chastang et al. (1998a), et 72 versus 50 % pour Forman
et al. (2004)] ou l’absence d’activité professionnelle régulière [42 versus 32 %
pour Chastang et al. (1998a)], y compris chez les plus jeunes. Ces difficultés,
pour certains en relation avec des vulnérabilités psychologiques et sociales
de l’enfance, renvoient également à la notion de désintégration du lien so-
cial et au concept de disqualification sociale (Montgomery et al., 1996).

Familles des multi-suicidants


Le milieu familial des multi-suicidants est fréquemment caractérisé par des
familles dissociées ou éclatées. Les placements précoces et durables de l’en-
fance, témoins d’une grande violence intrafamiliale, sont significativement
plus élevés, estimés à 17,5 % chez les multi-suicidants et 6 % chez les primo-
suicidants (Chastang et al., 1998b). Pour Tousignant, une plus grande vulné-
rabilité psychique se traduisant par une moindre adaptation scolaire peut être
liée à un manque d’attention paternelle (Tousignant et al., 1993).
Les troubles psychiatriques sont également plus fréquents dans les familles
de multi-suicidants, évalués à 68 contre 34 % chez les primo-suicidants (For-
man et al., 2004). Une étude caennaise portant sur plus de 600 suicidants
retrouve 33 % d’éthylisme dans les familles de multi-suicidants contre 23 %
dans les familles de primo-suicidants, et 41 % de dépression ressentie contre
28 %. Les pourcentages sont similaires chez les jeunes suicidants, avec 36 %
d’éthylisme et de dépression familiale chez les réitérants, 27 % d’éthylisme
et 34 % de dépression chez les primo-suicidants (Chastang et al., 1998b).
Les conduites suicidaires familiales sont également plus nombreuses.
Elles sont estimées à 41 % dans les familles de multi-suicidants et à 21 %
dans les familles de primo-suicidants (Forman et al., 2004). Ces résultats
sont extrêmement proches de ceux retrouvés dans une étude caennaise
menée spécifiquement sur les réitérations des suicidants de moins de 19 ans
Prédiction du suicide et répétitions suicidaires : une clinique du risque 175

(Courregelongue, 2003). D’autres études montrent 23  % de conduites


suicidaires intrafamiliales chez les réitérants contre 15  % chez les primo-
­suicidants, 29 % de conduites suicidaires dans les familles des récidivistes de
moins de 30 ans et 15 % dans les familles des primo-suicidants. Le risque de
réitération suicidaire est multiplié par 2,5 chez les moins de 30 ans en cas de
conduites suicidaires intrafamiliales (Chastang et al., 1998b).
Les antécédents traumatiques sont de l’ordre de la maltraitance physique,
de la négligence émotionnelle et des abus sexuels.Forman retrouve 66 % de
négligence émotionnelle chez les multi-suicidants et 37 % chez les primo-
­suicidants, ainsi que 36 % d’abus sexuels chez les multi-suicidants et 22 % chez
les primo-suicidants. Ces données sont vraisemblablement sous-estimées. En
effet, dans une enquête nationale menée chez de jeunes suicidants hos-
pitalisés, la violence physique était repérée chez 17  % des suicidants et
autodéclarée par 44  %, et les abus sexuels étaient repérés chez 14  % et
autodéclarés par 33 % (Choquet et Granboulan, 2004). Pour Ystgaard et al.
(2004) comparant multi-suicidants et primo-suicidants, les sujets victimes
de violences apparaissent plus vulnérables aux conduites autodestructrices
répétées, avec des taux de réitération respectivement de 47 versus 19 % en
cas d’abus sexuels et 26 versus 7 % en cas de maltraitance physique. Ces ty-
pes d’abus, notamment sexuels, multiplient le risque de conduite suicidaire
par deux à quatre chez les femmes, et par quatre à onze chez les hommes
(Molnar et al., 2001).
Reste à déterminer par quelle voie le traumatisme précoce de l’enfance,
pas toujours isolé (Joiner et al., 2007), va engendrer de telles conduites, par
la dévalorisation, la honte, la culpabilité, l’intrusion dans le corps, l’atteinte
de l’image de soi, le sentiment d’abandon, ou par une subtile combinaison
de ces différents éléments. Ces expériences traumatiques sont le plus sou-
vent précoces et en relation avec des dysfonctionnements familiaux gra-
ves, parfois transgénérationnels, d’où l’importance, dans la prévention des
réitérations suicidaires et du suicide, d’y être attentif à chaque étape et à
chaque niveau de prise en charge.

Prédiction du suicide et échelles de risque


suicidaire
Facteurs limitant la prédiction du suicide
Ces facteurs sont en partie liés à la complexité de la recherche en suicidolo-
gie (Hawton, 1987 ; Hardy, 1997 ; Bourgeois, 2001).
Tout en considérant que le nombre de décès par suicide chaque année
est élevé, le suicide demeure un phénomène rare sur le plan statistique, y
compris dans le sous-groupe à risque constitué par les suicidants.
176 Clinique des conduites suicidaires

Les facteurs de risque identifiés au niveau d’un groupe ou d’une popu-


lation ne s’avèrent pas toujours les plus pertinents pour évaluer un risque
suicidaire sur une situation individuelle.
De plus, ces facteurs de risque ne sont pas universels, et les facteurs socio-
environnementaux sont susceptibles de changer rapidement, voire radica-
lement tous les deux ans, et les aspects socioculturels du suicide sont encore
mal cernés.
Par ailleurs, les études de prédiction du suicide tiennent le plus souvent
compte d’un modèle additif, à savoir une sommation des différents facteurs
de risque, au détriment des interactions que peuvent avoir ces différents
facteurs ensemble. Or, à côté des facteurs de risque existent des facteurs de
protection, ces différents facteurs pouvant se modifier dans le temps, l’im-
pact de chacun d’eux dépendant de la présence ou de l’absence de l’autre. De
même, la mise en route d’un traitement chimiothérapique ou psychothéra-
pique est importante à considérer, car il permet, par l’amélioration qui lui est
rapportée, une conscience différente des problèmes et du monde extérieur.

Échelles de risque suicidaire


C’est dans l’espoir de déterminer au plus juste le risque suicidaire ultérieur
que se sont développées depuis des années des échelles de risque suicidaire
plus ou moins complexes, plus ou moins validées, plus ou moins reconnues
et plus ou moins utilisées. Ces échelles peuvent mettre en évidence des fac-
teurs de risque épidémiologiques ayant une validité statistique groupale,
mais ne peuvent en aucun cas s’appliquer strictement à un niveau indivi­
duel. Récapitulées pour les plus importantes dans l’annexe, elles ont comme
principale limite le fait que, malgré des sensibilités et des spécificités
souvent correctes, leur valeur prédictive positive, c’est-à-dire leur capacité
à prédire un décès par suicide si celui-ci se produit, demeure extrêmement fai-
ble. En d’autres termes, ces échelles prédisent un très grand nombre de suicides
qui ne se produisent pas. Néanmoins, un certain nombre d’entre elles, notam-
ment les échelles de Beck (dépression, idéation, désespoir, intentionnalité),
peuvent être d’un usage courant et sont même recommandées pour préciser
les circonstances du geste ou la persistance des idées suicidaires, ou mieux cer-
ner le sentiment de désespoir qui, dans la dynamique suicidaire, est largement
aussi important, notamment chez les sujets à personnalité borderline, que le
diagnostic psychiatrique (Harris et Hawton, 2005 ; McMillan et al., 2007).

Pouvoir prédictif du médecin


Après avoir identifié les soins reçus dans les semaines précédant le décès par
suicide par 10 069 patients connus des services de psychiatrie et ayant été en
contact avec les services de soins en santé mentale dans la semaine, voire les
Prédiction du suicide et répétitions suicidaires : une clinique du risque 177

24 heures, précédant le décès, Appleby montre que le pouvoir prédictif du


médecin demeure faible. En effet, le risque suicidaire immédiat était consi-
déré comme absent dans 30 % des cas, bas dans 54 % des cas, modéré dans
13 % des cas, et élevé dans seulement 2 % des cas (Appleby et al., 1999).
Ce faible pouvoir prédictif est retrouvé chez les jeunes suicidants évalués
dans des centres hospitaliers français dans le cadre d’une enquête nationale
menée par l’INSERM (Choquet et Granboulan, 2004). Dans 93 % des cas, le
médecin hospitalier considérait que le pronostic du jeune suicidant était plutôt
favorable, alors que 18 % de ceux considérés comme ayant un bon pronostic au
décours du geste, 17 % de ceux ayant un pronostic moyen et 30 % de ceux pour
lesquels les médecins ne se prononçaient pas réitéraient leur geste à trois mois.
Ces facteurs pronostiques, somme toute décevants, ont conduit les cli-
niciens à rechercher des facteurs de risque de la réitération suicidaire et du
décès par suicide, résumés dans le tableau 11-1 (Cooper et al., 2005 ; Johns-
ton et Cooper, 2006 ; Suominen et al., 2004 ; Osvath et al., 2003 ; Yen et al.,
2004 ; Gunnel et al., 2008 ; Heyerdahl et al., 2009).

Spécificité de la prise en charge


des multi-suicidants
Pour les équipes de soins, la répétition des passages aux urgences des multi-
­suicidants est généralement vécue comme assez agressive et parfois même

Tableau 11-1
Facteurs de risque de la réitération suicidaire et du suicide
Facteurs cliniques de réitération Facteurs cliniques de suicide
Tentatives de suicide antérieures Tentatives de suicide antérieures
Troubles psychiques antérieurs (troubles de Abus d’alcool
personnalité)
Statut professionnel Précautions pour ne pas être découvert
Faible niveau éducatif Traitements psychiatriques antérieurs
Statut marital (divorce) Problèmes de santé physique
Âge : 30-49 ans Sexe masculin
Utilisation de sédatifs et opiacés Âge
Chômage, inactivité et précarité Score d’intentionnalité suicidaire
Traitements psychiatriques antérieurs Solitude
Sortie récente de l’hôpital Sortie récente de l’hôpital
Ce sont des facteurs essentiellement individuels
qui jouent dans les réitérations suicidaires
(Johnston et Cooper, 2006)
178 Clinique des conduites suicidaires

décourageante. Plus que quiconque, ces patients demandent aux soignants


de leur garantir en dépit de tout un cadre thérapeutique stable dont ils ont
besoin et qu’ils ne cessent d’attaquer, à la manière des divers échecs de leur
vie et plus particulièrement de leur enfance.

Quelques grands principes de soins à mettre en place


dès les urgences
• Garder calme et empathie demeure primordial.
• Même dans la répétition, il n’existe aucune corrélation entre la gravité
somatique et la gravité psychologique du geste. Un geste suicidaire peut un
jour devenir fatal sans raison apparente. Certains sujets sont en véritable
état de mal suicidaire.
• Les facteurs associés aux gestes précédents ne sont pas forcément ceux
qui induisent la réitération.
• Les symptômes de crise suicidaire, bruyants lors des premiers gestes, sont
souvent émoussés chez le multi-suicidant.

Hospitalisation
Y compris très courte, elle peut et doit être proposée au multi-suicidant. Elle
souligne l’importance accordée au geste, permet la réévaluation de la situa-
tion en dehors du cadre strict de l’urgence, la mobilisation de l’entourage
ainsi que l’organisation ou la réorganisation de la prise en charge.
La question du lieu de l’hospitalisation se pose. Il peut être impor-
tant d’éviter les hospitalisations répétées dans les services de psychiatrie
de secteur, s’il n’existe pas de pathologie psychiatrique de l’axe  I, ce qui
n’est pas toujours possible, compte tenu des troubles psychiques chro-
niques associés à la réitération, et plus particulièrement les lourds trou-
bles de personnalité. Un dispositif de référence extrahospitalière solide
et disponible a toute son utilité dans de tels contextes. Plus que le lieu
en tant que tel, c’est le sens donné à l’hospitalisation et les connexions
entre l’équipe qui reçoit et l’équipe référente si elle existe qui sont im-
portants pour le multi-suicidant, qui a trop souvent rencontré solitude,
lassitude, souffrance, désespoir et ruptures multiples dans sa vie et dans
son parcours de soins. Un bref séjour en unité d’hospitalisation de cour-
te durée, pour garantir la sécurité somatique, permet d’offrir un temps
neutre d’évaluation avant le retour dans le monde extérieur. Ce dispositif
permet d’éviter les phénomènes de renforcement liés aux réhospitalisations
indéfinies dans les services de psychiatrie avec lesquels certains multi-
­suicidants revivent les interactions précoces qui ont sans doute contribué à
forger leur problématique borderline ou psychopathique.
Prédiction du suicide et répétitions suicidaires : une clinique du risque 179

Modalités de prise en charge


Les modalités de prise en charge du multi-suicidant reposent sur l’op-
timisation des traitements des troubles psychiques repérés, la prise en
considération de la suicidalité en tant que telle avec réduction des compor-
tements suicidaires, et la prise en compte de certaines spécificités.
Tout geste suicidaire répété comprend une dimension synchronique et
diachronique (Pédinielli et al., 1997). La dimension synchronique corres-
pond à la répétition du geste et renvoie aux gestes précédents. La dimension
diachronique correspond à la recherche à l’identique, à la recherche d’un
état antérieurement connu lors d’un précédent passage à l’acte, et tient
compte ainsi de l’histoire personnelle et familiale suicidaire du geste, comme
d’une « mémoire du geste » ou d’une « mémoire familiale de geste suici-
daire », d’un « comportement appris » auquel le sujet pourrait se référer en
cas de mal-être insurmontable. Certains multi-suicidants décrivent même
une réelle addiction à l’autolyse, avec une distance de plus en plus faible au
geste dont ils peuvent garder une certaine nostalgie (prise de médicaments,
facilité de la prise, absence de douleur, oublier…). La pensée suicidaire
peut même se déclencher quasi automatiquement lorsque la personne est
confrontée dans sa vie à un événement apparemment minime la mettant
en difficulté ou lors d’un conflit intrapsychique. Ces éléments renvoient à
un malaise intérieur constant par le biais de défaillances narcissiques, ainsi
qu’à des difficultés identificatoires précoces empêchant la permanence du
sentiment d’identité.

Enjeux relationnels du multi-suicidant


Le suicidant induit avec les soignants ou du moins le thérapeute un mode
relationnel spécifique proche du challenge. Face à ces patients, le médecin
se sent souvent seul et impuissant car il ne contrôle pas cette spirale sui-
cidaire qui épuise également l’institution hospitalière. Entre coopération
et hostilité, le risque le plus fréquent est de cataloguer ces patients et de
les réduire à l’une de leurs modalités relationnelles, comme par exemple
« manipulateur, hostile, ou opposant » ou à un diagnostic comme le trouble
borderline. Il est alors important de reprendre avec le suicidant la nature et
l’ampleur des pensées dysfonctionnelles, et de redéfinir avec lui les modali-
tés d’un espace thérapeutique.

Pensées dysfonctionnelles des multi-suicidants


Elles sont nombreuses, quasi permanentes, et donnent une tonalité dicho-
tomique au monde et à leur environnement. Ces pensées concernent soit
leur perception du monde en général : « la vie ne vaut pas la peine d’être
vécue avec toute cette souffrance », « rien ne vaut le coup », « ça ne peut
180 Clinique des conduites suicidaires

pas continuer comme cela »… soit leur perception de leur propre mal-être :
« je ne me sens bien nulle part, « je n’arrive à rien », « je me sens vide », « je
ne pense qu’à la mort »…, comme si, reprenant les termes d’Albert Camus,
« l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même ».

Importance de définir ou de redéfinir un espace thérapeutique


Il est alors important de définir ou de redéfinir avec eux ce que peut être un
espace thérapeutique dans lequel leur propre perception de leur souffrance
les conduit à considérer que le geste suicidaire est le mode de réponse préva-
lent aux problèmes, comment l’espace de soins peut permettre la gestion de
perceptions de vie différentes entre le multi-suicidant et le thérapeute, com-
ment concilier les extrêmes, entre le désir du thérapeute qui souhaite que
le patient aille mieux, qui s’oppose aux croyances profondes du sujet « cela
ne marche pas, la preuve ». Vouloir à tout prix éliminer le comportement
suicidaire peut paradoxalement conduire à le renforcer, d’où la nécessité
d’aménager la relation afin d’éviter toute escalade symétrique entre le pa-
tient et son thérapeute, entre les multi-suicidants et les équipes qui en ont
la charge. Éviter les critiques, renforcer les dimensions positives du patient,
lui apprendre patiemment et progressivement à externaliser les pulsions
suicidaires peuvent servir de base au projet thérapeutique. Il est prioritaire
en tout cas de sortir d’une dynamique systémique où le multi-suicidant
perpétue des interactions avec la « néo-famille » que va représenter le cocon
hospitalier, ce qui aboutit à faire perdre au message suicidaire sa spécificité
interne, pour le faire évoluer en une modalité transactionnelle avec une
structure soignante tantôt contenante, tantôt rejetante.
12 Suicides collectifs

Homicide suicide
L’homicide suicide désigne une situation dans laquelle une personne com-
mettant un homicide se suicide au maximum dans la semaine qui suit.
Sont incontournables dans la définition à la fois le lien entre les deux évé-
nements et la séquence temporelle. Au-delà d’une semaine entre les deux
actes, il ne s’agit plus d’un homicide suicide, mais de deux événements
différents.

Un événement tragique et rare


C’est un événement tragique et rare, dont la prévalence est difficile à établir,
les deux événements étant comptabilisés séparément.
Son taux, remarquablement stable dans le temps et dans les cultures, est
estimé à 0,2 à 0,3/100 000, soit environ 1 à 1,5 % de l’ensemble des suicides
(Barraclough et Harris, 2002).
Il représente 5 à 10 % des homicides au Canada (Buteau et al., 1993). La
proportion des drames conjugaux est nettement plus élevée que les infan-
ticides aux États-Unis et au Canada, alors que les infanticides représentent
40 % des homicides suicides en Suède, 46 % en Angleterre et 70 % au Japon
(Brown et Barraclough, 2000). Une telle disparité pour un taux stable dans
la littérature est pour l’instant inexpliquée. Ces drames sont commis dans
60 % des cas par des hommes, avec dans 80 à 94 % des cas utilisation d’une
arme à feu et plus rarement intoxication par le gaz domestique (Felthous et
Hempel, 1995 ; Séguin et al., 2005).

Les trois types d’homicide suicide (Marzuk et al. [1992])


• L’homicide suicide dans un couple est le plus fréquent et représente 50 à
70  % des homicides suicides, voire 80  % pour Séguin et al. (2005). Il est
le plus souvent perpétré par des hommes plutôt âgés, volontiers dépres-
sifs, engagés dans une relation de couple complexe et fusionnelle, dans un
climat marqué par des discordes, voire de la violence et de la jalousie, en-
tretenues par des abus d’alcool (Rosenbaum, 1990). Le passage à l’acte est
déclenché soit par un risque de rupture ou d’infidélité réelle ou imaginaire,
soit par la maladie ou le handicap, alors jugé intolérable, de l’un des deux
partenaires.

Le geste suicidaire
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182 Clinique des conduites suicidaires

• L’homicide suicide infanticide, moins fréquent que le précédent, représente


25 % des situations dans la série de Séguin et al. (2005) ; 16 à 29 % des mères
et 40 à 60 % des pères qui tuent leurs enfants commettent ensuite un sui-
cide. Il n’y a quasiment pas d’informations sur les pères, qui chercheraient
par ce geste à échapper et à faire échapper leur enfant à une humiliation
intolérable. Les mères sont décrites comme souffrant de dépression avec
éléments psychotiques associés. Elles vivent leur enfant comme indifféren-
cié d’elles-mêmes, comme un prolongement d’elles-mêmes, et, lorsqu’elles
décident de mettre fin à leurs jours, étendent ainsi leur geste à leur enfant,
généralement jeune, pour le protéger et le sauver.
• Le suicide familial ou familicide est plus rare, de l’ordre de 7,5 %. L’auteur
est généralement le père, décrit le plus souvent comme dépressif avec ou
sans traits paranoïaques. Le drame est favorisé par l’alcool, déclenché soit
par la menace d’une rupture dans la relation conjugale, soit par une ou
plusieurs humiliations existentielles insupportables (Séguin et al., 2005).
Les formes extrafamiliales sont beaucoup plus rares et estimées à 11,6 %
(Séguin et al., 2005).

Ces drames touchent l’intégralité de la famille


sur l’ensemble des générations
Le deuil est marqué par des réactions émotionnelles initialement intenses,
avec paradoxalement une absence de réactions longue et douloureuse,
comme s’il était nécessaire pour les familles de tourner rapidement cette page
dramatique de leur existence. Le lieu du drame est évité, et l’agresseur est
parfois idéalisé. La stigmatisation sociale est durable. La famille de l’agres-
seur porte la honte et la culpabilité que ne peut porter l’agresseur. Leurs
relations sont marquées par le rejet, l’absence de compassion et le faible
soutien de la part d’autrui. La famille des agressés rencontre la compassion
mais relativement peu de soutien des autres, ce qui traduit probablement
l’inconfort et l’incompréhension face au drame (Séguin et al., 2005).

Pactes suicidaires
Le pacte suicidaire est un arrangement mutuel entre deux personnes qui dé-
cident de mourir ensemble au même moment, et le plus souvent au même
endroit (Cohen, 1961).
Ces actes ont une intense dimension dramatique digne des plus grandes
tragédies, comme en témoignent des exemples célèbres, tels la mort
conjointe de Rodolphe, prince héritier d’Autriche, et de sa compagne
Marie Vetsera à Mayerling, ou le décès de l’écrivain Stephan Zweig et de son
épouse, ou plus récemment le suicide du couple Quilliot (ancien Ministre et
Suicides collectifs 183

sénateur-maire de Clermont-Ferrand), sa femme, survivante, complétant le


pacte quelques années plus tard.
• La fréquence des pactes suicidaires est rare, et ils représentent environ 0,5 à
2,5 % des suicides (Brown et Barraclough, 1997, 2000 ; Séguin et al., 2001).
Ils sont plus fréquents au Japon, où sont également comptabilisés classi-
quement les homicides suicides et où la dimension culturelle joue un rôle
non négligeable dans ces comportements chez les jeunes (Milin et Turgay,
1990). En effet, au Japon, tout comportement propre à faire connaître la
vérité des sentiments est valorisé, et des cas de double suicide, shinju, sont
décrits de façon non rare dans la littérature.
• La méthode utilisée est généralement non violente, pour permettre une
mort simultanée. Sont ainsi utilisés les médicaments, le gaz d’échappement
ou les pesticides en Inde, excepté aux États-Unis où l’usage des armes à feu
est fréquent dans le cadre des suicides. La préméditation du geste et l’élabo-
ration d’un scénario soigneux et caché sont souvent révélées par des lettres
explicatives laissées dans 65 à 84 % des cas.
• D’un point de vue psychopathologique, les données sont, compte tenu de
la rareté de l’événement, parcellaires et souvent contradictoires. L’existence
de gestes suicidaires antérieurs est parfois retrouvée. Une pathologie thy-
mique au moment du geste est la donnée la plus consensuelle, estimée aux
environs de 60 %, soit beaucoup moins fréquemment que dans les décès par
suicide (Brown et Barraclough, 2000).
• Plusieurs types de pacte suicidaire sont décrits, et leur fréquence respective varie
en fonction des pays (Fishbain et al., 1985 ; Katha, 1996 ; Le Bihan et Béné-
zech, 2005) :
– le suicide dyadique est caractérisé par la décision de mourir prise par les
deux protagonistes, ensemble, en un même lieu, chacun mettant indivi-
duellement fin à ses jours dans un même processus suicidaire ;
– dans le pacte suicidaire classique ou double suicide, l’un des deux, la per-
sonne instigatrice, exerce une pression sur l’autre, la personne dominée,
en vue d’un suicide simultané. Ces gestes sont le plus souvent réalisés
chez des couples où l’attachement affectif est intense, fusionnel et com-
plexe, où l’isolement social est important, à la faveur d’un facteur pré­
cipitant. L’instigateur de ce comportement est plus volontiers l’homme
non dénué d’une certaine agressivité, aux antécédents de gestes suicidaires
et le plus souvent déprimé ;
– l’homicide suicide dans le cadre d’un pacte suicidaire est caractérisé par le
fait que l’auteur de l’acte organise le scénario et donne la mort à l’autre
avant de se suicider ;
– le suicide par consentement mutuel d’un groupe est beaucoup plus rare et
concerne un petit groupe de sujets jeunes dans lequel il existe une figure
dominante, liés par un attachement intense et exclusif, et qui refusent
de se séparer ;
184 Clinique des conduites suicidaires

– le suicide à plusieurs par Internet est de description plus récente et


concerne des sujets jeunes, qui ne se connaissent pas particulièrement
sauf par leurs blogs leur permettant d’échanger leurs difficultés, et qui
prennent la décision de mourir en même temps ;
– les pactes collectifs des sectes ont des mises en scène spectaculaires et
posent la question du consentement réel des victimes au comportement
collectif dirigé par un instigateur.
• Les caractéristiques des pactes suicidaires varient en fonction des pays et des
cultures. Deux grandes tendances se dégagent :
– l’une caractérise préférentiellement le Japon, où les pactes suicidaires
sont traditionnellement « dyadiques », réalisés par des sujets jeunes vi-
vant une relation de couple contrariée, et où les suicides de couple marié,
estimés à 10 %, sont beaucoup plus rares que dans les pays occidentaux.
L’Inde a une position intermédiaire, avec un nombre non négligeable de
jeunes couples (19 %) recherchant conjointement la mort dans des situa-
tions de refus de mariage arrangé, mais les pactes suicidaires concernent
néanmoins plus de 5 % des couples mariés ;
– dans les pays occidentaux et nord-américains, les pactes suicidaires
concernent plus de trois fois sur quatre des couples mariés, âgés de 51 à
56 ans, unis, souvent en relation fusionnelle. Cette relation exclusive est
menacée par une grande souffrance physique (maladie grave au pronos-
tic réservé) ou psychique, voire une dynamique euthanasique, au terme
de laquelle le partenaire dominant devient l’instigateur de l’acte suici-
daire. Les pactes d’amoureux sont plus rares (6 à 20 %).
Dans un nombre non négligeable de cas, les pactes suicidaires concernent
les parents et leurs enfants. Certains auteurs soulignent l’ambiguïté de les
inclure dans le domaine des pactes suicidaires plutôt que dans le domaine
des homicides suicides compte tenu, dans certains cas, de l’incertitude
quant aux souhaits des enfants.

Suicides sectaires
Une autre forme de suicide collectif est celle perpétrée à l’instigation d’un
gourou charismatique créateur d’une secte. Les personnes faisant partie de
sectes, toutes à la recherche d’une croyance particulière et d’une apparte-
nance, sont victimes de manipulation mentale, parfois même droguées, et,
par la force persuasive du gourou, sont dans une dépendance psychique qui
les conduit à obéir au « maître » jusqu’au suicide. Encadrées et surveillées
dans leurs moindres faits et gestes, isolées des leurs, dépouillées de leurs
biens, leur libre choix et leurs pensées sont effacés.
Suicide et secte sont souvent associés, liés à la recherche du martyre,
ultime résistance pour ne pas tomber vivant aux mains de l’ennemi, ou
subir le joug de la société considérée comme néfaste et impure.
Suicides collectifs 185

Maints exemples abondent dans l’histoire et dans l’actualité, l’un des plus
sensibles étant sans doute celui de l’Ordre du Temple Solaire. Dans cette
secte européenne à ramifications internationales a été mis en évidence un
trafic d’armes et de blanchiment d’argent. Une seule issue est alors possi-
ble pour le gourou, le suicide, qui décide également d’entraîner ses adeptes
dans sa chute. En octobre  1994, 53  personnes se donnent la mort, leurs
corps sont retrouvés carbonisés dans des demeures incendiées, après qu’ils
aient été drogués puis tués. Dans une note laissée par le gourou, la France
a été accusée de ce suicide collectif par sa lutte contre les sectes. Un se-
cond massacre s’est déroulé en décembre 1995 dans le Vercors. Ce second
drame a été fortement médiatisé par la présence d’une triple championne
de France de ski alpin et par les témoignages des familles qui ont assuré que
les adeptes pensaient assister à une cérémonie du solstice d’hiver et qui ont
considéré qu’ils avaient été assassinés.

Attentats suicides
Dans le cas des attentats suicides, le suicide est utilisé comme arme de guerre
et constitue, pour Pierre Conesa (Le Monde Diplomatique, juin 2004), « un
acte opérationnel violent indifférent aux victimes civiles, dont la réussite
est largement conditionnée par la mort du ou des terroristes ».
Même si l’on retrouve dans l’histoire des témoignages de l’ancienneté de
ce comportement, c’est pendant la Seconde Guerre mondiale que les Japo-
nais ont pour la première fois utilisé le suicide de façon planifiée et volon-
taire comme acte guerrier, avec des objectifs uniquement militaires.
En dehors de quelques exceptions, c’est un phénomène très largement
d’origine musulmane, qui ne nécessite pas de plan d’évasion, dont le coût
organisationnel est faible et qui est « progressivement devenu une technique
terroriste d’une effroyable banalité » (Conesa, 2004).
Ces volontaires de la mort sont plus volontiers jeunes, issus de la classe
moyenne de la société, jamais enfants uniques, plutôt doués en informa-
tique, profondément religieux, repérés à la mosquée et généralement bien
intégrés dans la société. En échange de sa vie, il est promis au futur martyr
le paradis, les vierges, voir la face d’Allah et l’assurance qu’il sera consi-
déré comme un martyr héros, et que cette considération rejaillira sur sa
famille.
L’entraînement est rigoureux dans le cadre de la mission confiée, entre-
coupé de longues heures de lecture du Coran. Ceux qui ont survécu ont
décrit un état de bonheur et d’extase pendant la période de préparation. Il
n’y a pas de prise d’alcool ou de drogue, et ces volontaires sont jusqu’alors
considérés comme indemnes de tout trouble psychique (Townsend, 2007 ;
Post 2009).
186 Clinique des conduites suicidaires

Deux types d’attentat suicide peuvent être décrits (Conesa, 2004). Dans
le premier type, par exemple en Palestine, l’objectif de la lutte appartient au
champ politique malgré la justification religieuse, et pourrait s’apparenter
au suicide altruiste de Durkheim. Dans le second type, l’ennemi est plus
global, dispersé, les cibles plus universelles et plus symboliques – comme
le World Trade Center  –, les méthodes aveugles et les dégâts collatéraux
indifférents.
Ces comportements ont un réel impact psychologique et répandent un
sentiment de peur permanent, ce qui est en fait l’un des principaux effets
attendus de l’acte terroriste. Aucun pays ne peut se considérer à l’abri de ces
attentats suicides.
III
Prise en charge
des conduites
suicidaires
188

La prise en charge du suicidant ou du suicidaire commence au cabinet du


médecin ou au chevet de la personne inanimée. La majorité des sujets se
donnant la mort ont, dans le mois précédant leur geste fatal, consulté soit
un généraliste, soit même un spécialiste.
Pagura et al. (2009) évaluent plus précisément le comportement de re-
cherche d’aide liée à la problématique suicidaire, en comparant, au sein de
la cohorte de sujets de malades mentaux (4 872), de suicidants (230) et de
suicidaires (1 234), les comportements de recherche d’aide professionnelle,
le niveau de satisfaction avec la réponse apportée et les éventuelles barrières
à l’accès aux soins. Ils constatent que les suicidants/suicidaires font plus ap-
pel que les non-suicidants/-suicidaires, encore qu’un peu plus de la moitié
des suicidaires et un petit quart de suicidants n’ont pas estimé nécessaire de
faire appel dans l’année précédant l’enquête. Les motifs de cette absence de
demande étaient variés : vouloir régler le problème seul, ignorer à qui faire
appel ou manquer de disponibilité des systèmes d’aide professionnelle.
La réalisation du désir de mort ou son élaboration ne rencontre pas, bien
souvent, de réponse adéquate, que cette pulsion n’ait pas été entendue,
qu’elle n’ait pas suscité de réaction appropriée ou, enfin, que le sujet n’ait
pas estimé qu’une aide extérieure était envisageable.
Nous proposons ici une sorte de promenade dans les diverses étapes du
parcours idéal du suicidant, qui vont le mener à bon port, c’est-à-dire à bas-
culer du désir de mort à l’acceptation de chaque trajectoire de vie.
13 Le médecin généraliste

À l’hôpital général, la perception de la suicidalité est très variable selon


les disciplines, plus faible chez les internistes ou les urgentistes que chez
les psychiatres, justifiant pleinement le développement d’une suicidologie
de liaison (Ito et al., 2008). D’une façon générale, l’attitude de rejet ou de
déni du suicidant éprouvée par les médecins non-psychiatres s’explique en
partie par la difficulté à gérer le comportement de sujets qui veulent mourir
lorsque l’on se dédie à sauver des vies. Peuvent également s’exprimer des
différences culturelles  : les médecins japonais n’explorent pas systémati-
quement la suicidalité, alors que, en Allemagne par exemple, ces thèmes
sont plus couramment abordés. Le développement de formation aux éva-
luations psychosociales est ainsi justifié.
Mais il s’agit là de contextes hospitaliers privilégiés, où le recours au spé-
cialiste est accessible. Qu’en est-il dans le secret des cabinets médicaux ?
Le dépistage et la prévention du suicide seraient théoriquement possibles,
dans la mesure où jusqu’à 83 % des personnes s’étant donné la mort ont
eu un contact avec un médecin généraliste dans l’année précédente (Mann
et al., 2005). Pour Andersen et al. (2000), sur les 472  suicides recensés
entre 1991 et 1995 dans un comté danois, 66 % avaient consulté leur généra­
liste dans le mois précédant le geste. Il s’agissait le plus souvent de malades
psychiatriques, puisque 42 % avaient des antécédents d’hospitalisation et
13 % sortaient d’une hospitalisation psychiatrique (7 % d’une hospitalisa-
tion générale). Luoma et Pearson (2002), examinant 40 études permettant
de se faire une idée sur les contacts médicaux avant un geste fatal, trouvent
un contact avec un généraliste dans l’année précédente pour trois suicidés
sur quatre, le contact se faisant avec un service de santé mentale dans un
cas sur trois. Dans le mois précédent, c’est 20 % des suicidés qui auront vu
un intervenant de santé mentale, et 45 % qui auront rencontré un généra-
liste. Il est notable que les sujets les plus âgés sont plus nombreux à avoir
ce contact récent avec un omnipraticien que les sujets les plus jeunes. Il y
aurait dont théoriquement un espace important, à ce niveau, pour le repé-
rage de facteurs cliniques ou psychosociaux alertant sur un risque suicidaire.
C’est d’autant plus important que les sujets âgés sont ceux qui se suicident
le plus, et ceux chez qui les facteurs suicidogènes (pathologies somatiques
difficiles, veuvage, isolement, etc.) sont les plus faciles à repérer.
Cette possibilité a été explorée par divers auteurs dans divers pays, avec à
vrai dire des fortunes diverses. Les programmes de détection et de préven-
tion sont généralement articulés autour de la problématique dépressive qui,
même si elle est prépondérante, ne résume pas les situations suicidogènes.

Le geste suicidaire
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190 Prise en charge des conduites suicidaires

Les résultats sont extrêmement variables, modestes pour Lin et al. (2001) et
Valentini et al. (2004), prometteurs pour Hannaford et al. (1996) et Nais-
mith et al. (2001). En Australie, Pfaff et al. (2001), en s’intéressant plus
précisément au repérage par les généralistes de la détresse psychologique et
de l’idéation suicidaire chez les jeunes, montrent qu’il est possible d’aug-
menter de 130 % la détection des patients suicidaires.
Mais les études les plus convaincantes quant à la capacité de programmes
de prise en charge de la dépression sur l’infléchissement des gestes suici-
daires sont celles réalisées en Hongrie par Rihmer et al. (2001) ou sur l’île
scandinave de Gotland par Rutz et al. (1989).
L’expérience de Gotland à elle seule est très éclairante. Cette île suédoise
de la mer Baltique est peuplée de 58 000 habitants, desservis par dix-huit gé-
néralistes et un psychiatre. Le taux de suicide, de 20/100 000, est supérieur
à la moyenne suédoise, avec un taux de prescriptions d’antidépresseurs plus
faible que dans le reste du pays.
Face à l’impuissance des médecins devant l’augmentation du nombre des
patients en détresse, la mise en place en  1982 et  1983 d’un programme
de formation aux divers aspects de la suicidologie et de la reconnaissance
et du traitement de la dépression a fourni des résultats positifs, avec une
diminution de 60 % des taux de suicides (de 20/100 000 à 7/100 000), de
75 % des hospitalisations en psychiatrie, de 50 % des consultations de psy-
chiatrie et de 50 % des arrêts de travail pour dépression. Parallèlement, la
consommation d’antidépresseurs augmentait de 50 à 80 % et la prescrip-
tion de lithium de 30 %, alors que la consommation d’anxiolytiques et de
neuroleptiques diminuait de 25 %. Les conséquences médico-économiques
ont pu être estimées à un bénéfice net (direct et indirect) de 155 millions
de couronnes suédoises (soit 26 millions de dollars) pour un coût initial de
400 000 couronnes.
Malheureusement, ces résultats ont dû être nuancés. Dans l’immédiat, il est
apparu que n’a bénéficié de cette démarche que la population féminine ayant
été en contact avec les soignants, et que les taux de suicide sont restés élevés
chez les hommes, l’expression de la souffrance psychique chez l’homme
passant plus par les alcoolisations et la violence que par la dépression. Trois
ans après la fin du programme, les principaux indicateurs de suicide et
le nombre d’hospitalisation en psychiatrie ont ré-augmenté en dépit d’une
stabilité de la prescription d’antidépresseurs. Il est donc aisé de conclure
que la vigilance demeure possible sur un temps court correspondant à des
conditions expérimentales idéales, mais qu’elle se maintient difficilement
avec le temps, la problématique suicidaire repassant à l’arrière-plan de la
vigilance en condition de pratique quotidienne. Les omnipraticiens ne sont
pas (ou ne restent pas longtemps) majoritairement et spontanément sensi-
bles à cette dimension.
Le médecin généraliste 191

Il en est de même en France, où les conférences de consensus, les pro-


grammes régionaux de santé, le Programme national de prévention du sui-
cide et autres campagnes de sensibilisation annuelle ne parviennent pas à
mobiliser durablement les médecins dans un plan de vigilance sur le risque
suicidaire, ainsi que le démontrent les chiffres.
Parallèlement, l’accès aux soins des personnes en souffrance psychique
devient difficile. Sauf rares exceptions, la filière généraliste vers les soins de
santé mentale est peu performante, voire inopérante. Les plages d’accueil
des centres médico-psychologiques (CMP) sont de plus en plus réduites, de
moins en moins séniorisées et les horaires souvent inadaptés aux besoins de
la population. Les carences en personnel, notamment médical, conduisent
à déléguer l’accueil dans les CMP à diverses catégories soignantes qui mal-
gré bonne volonté et supervision ne sont évidemment pas suffisamment
formées pour le dépistage et la prévention. Dans le secteur privé, il n’y a
guère de possibilité d’accueil rapide, et les répondeurs téléphoniques don-
nent généralement l’adresse des services d’urgences hospitalières. Même les
CMP pendant leurs heures d’ouverture peuvent orienter vers les urgences
hospitalières. C’est dire si l’accueil des sujets en difficulté psychologique,
déprimés ou non, est peu convivial et finit généralement par aboutir aux
urgences.
14 Conduites suicidaires
aux urgences

Les tentatives de suicide représentent 2 à 4 % des consultants dans les ser-
vices d’urgences. La majorité d’entre elles (91  %) sont des intoxications
médicamenteuses volontaires dont le profil qualitatif s’est modifié avec le
temps. Les comportements suicidaires font appel à un modèle plurifactoriel
associant des facteurs socioculturels, environnementaux et psychopatho-
logiques interagissant entre eux. Tous les troubles mentaux peuvent être
associés à la crise suicidaire, qui peut également survenir en dehors de toute
décompensation psychiatrique. La tentative de suicide demeure l’un des
facteurs prédictifs les plus significatifs d’un éventuel suicide ultérieur.
On estimait à environ 195 000 le nombre de tentatives de suicide prises
en charge en 2002 par le système de soins français. Le médecin généraliste
est sollicité dans près de trois cas sur dix, et décide l’envoi aux urgences dans
80 % des cas et le maintien au domicile dans 20 %. Selon l’enquête réalisée
par la DREES dans les services d’urgences, 162 000 (soit 83 % des tentatives
prises en charge annuellement) sont admises dans les services d’urgences, la
sortie sans admission en hospitalisation est prononcée une fois sur quatre,
l’orientation en psychiatrie est effective également une fois sur quatre, et la
personne est hospitalisée en soins somatiques, le plus souvent en hospita-
lisation de courte durée, une fois sur deux. À l’issue de l’hospitalisation en
soins somatiques, le patient peut être orienté vers les services de psychiatrie,
qui reçoivent donc près de 40 % des suicidants transitant par les services
d’urgences, et près de 33 % des suicidants pris en charge annuellement par
les services de soins (Mouquet et Bellamy, 2006).
La majorité des gestes suicidaires identifiés et nécessitant une prise en charge
convergent donc vers une structure d’urgence pour une évaluation médico-
­psycho-sociale. Le premier temps de prise en charge globale est toujours somati-
que, complété par un temps psychosocial. Donner du temps à la crise suicidaire
marquée par ce passage à l’acte est le maître mot qui permet d’instaurer une
relation de confiance, de réaliser un diagnostic psychiatrique, d’évaluer le po-
tentiel suicidaire, de dénouer la crise et de programmer la suite des soins pour
prévenir les réitérations suicidaires fréquentes dans l’année suivant le geste.
De nombreux gestes suicidaires, notamment chez les jeunes, ne donnent
pas lieu à une orientation hospitalière et ne sont parfois même pas déclarés
à l’entourage, ce qui peut en partie expliquer la fréquence des répétitions
des gestes qui représentent, quel que soit l’âge, environ un suicidant sur
deux aux urgences.

Le geste suicidaire
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194 Prise en charge des conduites suicidaires

Même si la présence psychiatrique aux urgences s’est considérablement


généralisée ces dernières années et si l’on considère que la majorité des sui-
cidants admis sont reçus par une équipe de psychiatrie, il n’en demeure
que 10 à 20 % d’entre eux ne sont pas hospitalisés, même brièvement, au
décours de leur geste, et quittent la structure hospitalière le plus souvent à
leur demande, fréquemment les soirs, les week-ends et jours fériés, alors que
le relais de soins ne peut être mis en place de façon adaptée.

Accueil
Plus de 90 % des suicidants accueillis aux urgences y arrivent après consom-
mation de benzodiazépines. Le préalable à l’intervention du psychiatre est
l’évaluation du niveau d’imprégnation cognitive du sujet. De même qu’aucun
urgentiste ne prétendrait à une évaluation fine du fonctionnement psychique
chez un sujet en état d’ivresse, un sujet présentant, à son arrivée, une intoxi­
cation massive aux benzodiazépines ne saurait être évalué et orienté au terme
d’un unique entretien. Les paramètres pharmacocinétiques des benzodiazépines
et hypnotiques font qu’il faut au moins 24  heures au mieux pour que le
réveil apparent soit compatible avec un travail d’investigation et de création
d’alliance thérapeutique. Cette période peut être mise à profit pour des appro-
ches de nursing ou de holding, pour un « accueil » qui ne passera pas par le
langage. À partir du moment où le pronostic somatique n’est plus engagé, ce
travail peut être confié aux structures de post-urgence si elles existent.

Écueils d’un entretien en phase d’intoxication


Les écueils d’un entretien trop précoce, en phase d’intoxication, sont essen-
tiellement de deux ordres.
• Les troubles du comportement, l’opposition et les manifestations
caractérielles du sujet peuvent être au premier plan avec tout ce que cela
comporte de mise en danger de l’alliance thérapeutique ultérieure et de
contre-­transfert négatif. Ces troubles s’amendent le plus souvent si le sujet
est orienté vers une structure apaisante. Ils peuvent être liés à des effets
paradoxaux des substances ou à des interactions avec l’alcool, si fréquent
dans les intoxications volontaires. Très souvent, le lendemain, le sujet est
tout autre, parfois a oublié les incidents de la veille et souvent s’en excuse.
• Certaines substances, notamment les benzodiazépines de demi-
vie brève, entraînent des troubles dysmnésiants durables, sans altérer
macroscopiquement le comportement ni les capacités de communication,
et ne permettent pas un entretien approfondi en urgence. Si l’on identifie
ces facteurs de risque d’intoxication dysmnésiante, ou tout simplement si
le sujet donne des signes d’incoordination motrice, d’ébriété alcoolique,
benzodiazépinique ou mixte, il est nécessaire de différer dans le calme en
Conduites suicidaires aux urgences 195

attendant de pouvoir créer les conditions d’un entretien authentique. Com-


bien de fois n’avons-nous pas eu la surprise, croyant « réévaluer » le sujet,
de constater que pour lui, il s’agit d’une première rencontre, n’ayant pas
mémorisé la première. Que faire d’un matériel psychique ou d’informations
que le sujet n’a pas eu conscience de livrer ? Il faut alors lui en restituer l’es-
sentiel et vérifier qu’il est bien en phase avec ces premières confidences.

Établir une relation de confiance


Pour pouvoir établir cette relation de confiance fondement de l’alliance théra-
peutique, permettant de poser les questions du mal-être et d’explorer les idées
suicidaires, la première règle consiste à nommer la souffrance suicidaire, sans
pour autant la juger, la banaliser ou la nier. En dehors des cas où le sujet verba-
lise spontanément ses idées suicidaires, l’attitude consiste à s’autoriser à expri-
mer son inquiétude à la fois humaine et médicale au sujet que l’on sent en dan-
ger. Contrairement à une idée répandue, parler des idées de suicide n’a jamais
donné à qui que ce soit envie de passer à l’acte. C’est au contraire un sentiment
de soulagement qui peut se produire, la personne en souffrance s’autorisant
alors à exprimer ses émotions, à pleurer. En levant cette ambiguïté, le médecin
soulage son patient, le reconnaît explicitement comme une personne en souf-
france et lui indique clairement qu’il ne craint pas d’aborder ce sujet souvent
considéré comme tabou, l’autorisant ainsi à lui livrer son vécu intime.
La seconde règle absolue est de ne pas confondre confidence, connivence
et confidentialité, surtout lorsque le patient oppose au médecin des phrases
du type « je ne le dis qu’à vous », « je vous demande de ne pas me trahir ».
Aider le patient ne suppose pas d’adhérer aux demandes impossibles, mais
à rappeler que le rôle du médecin est d’apaiser la souffrance et non de sup-
primer la vie, et que le secret professionnel n’implique pas la non-assistance
à personne en danger.
Enfin, et ceci est la troisième règle, une relation de confiance ne peut
s’établir avec un sujet suicidaire que si le médecin s’est débarrassé de ses
éventuels a priori sur le suicide et s’il peut considérer dans sa pratique qu’il
est possible pour un être humain de souffrir au point de se faire du mal.
C’est à ce prix que peut s’instaurer une relation de confiance empathique.

Centrer l’échange sur la souffrance du sujet


Lorsque la relation de confiance est établie, l’objectif du médecin n’est pas
de rassurer le patient par de bonnes paroles, ou de lui démontrer par le rai-
sonnement intellectuel toutes les bonnes raisons qu’il y aurait à rester en
vie. En faisant ainsi, le médecin se rassure lui-même et transmet un raison-
nement purement cognitif et intellectuel à une personne en souffrance qui
est en crise, donc submergée par des émotions négatives et que les questions
du type « pourquoi » ne peuvent que déstabiliser.
196 Prise en charge des conduites suicidaires

Ce n’est pas non plus le lieu de s’engager dans un débat philosophique


sur la liberté de chacun de disposer de sa propre personne. Resituer le pro-
pos pour conduire la personne à verbaliser sa souffrance, ses émotions, éva-
luer le potentiel suicidaire, puis aboutir à des objectifs de soins est alors
prioritaire. Le médecin a pour objectif principal d’amener le sujet suicidaire
à restaurer en lui l’envie de vivre, à identifier la nature de sa souffrance, y
faire face et lui donner un sens. Le patient a avant tout besoin d’être re-
connu, écouté et encouragé à faire face à sa souffrance avec moins de honte,
de solitude et de culpabilité.

Faciliter la mise en mots


C’est grâce à cette relation de confiance et à un échange centré sur la souf-
france du sujet que le médecin peut aider, faciliter, inciter le patient à met-
tre des mots sur ce qu’il éprouve, et proposer ainsi une écoute active et
participative. Il est important de ne pas laisser croire au patient qu’on peut
le comprendre à demi-mot ou qu’on peut se mettre à sa place. Le but est au
contraire de découvrir que verbaliser ses émotions et ses sentiments peut
l’apaiser plus durablement que le passage à l’acte. La mise en mots permet
à la personne de retracer les événements, de leur redonner un sens et de
mentaliser une situation qui n’avait jusqu’alors d’autre représentation et
d’autre solution que la mort.

Évaluation de la dimension suicidaire


L’évaluation de la dimension suicidaire se conduit une fois la relation de
confiance instaurée.
La conduite maîtrisée de l’entretien doit permettre d’obtenir des réponses
précises. De la qualité des questions dépend la qualité des réponses.
Deux outils peuvent être utilisés :
• l’évaluation du potentiel suicidaire, directement issue des conclusions
de la conférence de consensus et utilisée dans les formations nationales
diffusées dans le cadre du Programme national de prévention du suicide ;
• l’évaluation chronologique des événements suicidaires (méthode ECES)
prônée par Shea (2008).

Évaluation du potentiel suicidaire


Cette évaluation (tableau  14-1) comprend trois dimensions à coter selon
trois niveaux, faible, moyen ou élevé. Toute cotation de l’urgence et de la
dangerosité en niveau élevé impose la protection de la personne suicidaire,
préférentiellement en hospitalisation.
Conduites suicidaires aux urgences 197

Tableau 14-1
Évaluation du potentiel suicidaire (d’après la conférence de consensus)
Évaluation du potentiel suicidaire
Évaluer le degré de chaque item Faible Moyen Élevé
R Recherche des facteurs de RISQUE de suicide
Facteurs sociodémographiques (sexe masculin, âge,
statut matrimonial, absence de liens sociaux, etc.)
Troubles psychiatriques familiaux (gestes suicidaires,
alcool, dépression, etc.)
Troubles psychiatriques personnels (antécédents sui-
cidaires, troubles psychiatriques anciens ou actuels
notamment dépression, conduites addictives,
troubles de personnalité, schizophrénie, trouble
du comportement alimentaire, comorbidité psy-
chiatrique, etc.)
Trajectoire de vie (accumulation d’événements de
vie, contexte professionnel, séparations diverses,
deuils traumatiques, enfance difficile, mal-
traitances, etc.)
U Évaluation de l’URGENCE et du SCÉNARIO
Idées suicidaires
Absentes
Ponctuelles et fluctuantes
Fréquentes (plusieurs fois par semaine)
Quotidiennes et obsédantes
Scénario suicidaire
Absent
Présent mais différé
Présent et programmé prochainement
Présent et immédiat
D Évaluation de la DANGEROSITÉ du MOYEN
Absence de moyen
Létalité du moyen choisi (armes à feu, voies ferrées,
pendaison, noyade, médicaments, etc.)
Accessibilité
Acquisition envisagée
À disposition
Accès immédiat et sans délai
E EMPATHIE
198 Prise en charge des conduites suicidaires

Recherche des facteurs de risque


La recherche des facteurs de risque est souvent confondue par les cliniciens
avec le bilan final du potentiel suicidaire. On appelle « recherche des fac-
teurs de risque » les différents aspects de la trajectoire de vie d’une personne
qui constituent un risque face au suicide. Ces éléments peuvent être du
domaine de la vie privée (enfance, séparations, violences subies, etc.), fami-
liale (conflits, séparations, violences, maltraitances, etc.), socioprofession-
nelle et de la santé (comportements suicidaires, troubles psychiques, etc.).
Ces éléments ne peuvent donc s’apprécier que par une connaissance de la
personne.

Appréciation de l’urgence
Dans un climat empathique permettant des réponses claires et précises,
l’appréciation de l’urgence se fonde sur :
• le degré d’instabilité émotionnelle et la dimension impulsive ;
• l’existence d’idées suicidaires, leur fréquence et leur intensité ;
• le scénario suicidaire, présent ou absent, immédiat ou différé.
On considère comme une urgence faible une situation dans laquelle la per-
sonne, en souffrance mais non perturbée, parle et recherche des solutions
à la crise, a des projets réels pour les prochains jours et n’exprime pas de
scénario suicidaire. Le thérapeute ou l’intervenant de crise dispose alors de
temps pour organiser la prise en charge.
Dans une urgence moyenne, la personne exprime son désarroi et présente
un équilibre émotionnel fragile. Elle envisage clairement le suicide, sans
autre solution et le scénario est établi, mais différé. L’intervention de crise
doit être rapide et encadrée.
Il y a urgence élevée lorsque la personne est coupée de ses émotions par une
douleur et une souffrance omniprésentes. Elle est immobilisée par la dé-
pression ou agitée, elle a l’impression d’avoir tout essayé, et la planification
du geste est claire (où, quand, comment). Dans cette situation où le degré
élevé d’urgence est généralement couplé à une accessibilité immédiate ou
du moins rapide au moyen, l’urgence est de tout mettre en œuvre pour
protéger le patient.

Appréciation de la létalité et de l’accessibilité du moyen


Devant un scénario envisagé, il est nécessaire d’apprécier la létalité du
moyen envisagé (médicaments, pendaison, noyade, arme à feu, etc.) et l’ac-
cessibilité à ce moyen dont l’acquisition peut être envisagée, différée ou qui
peut être immédiatement disponible au domicile ou en tout autre endroit.
Dans une telle configuration, l’urgence est alors de protéger immédiate-
ment la personne.
Conduites suicidaires aux urgences 199

Évaluation chronologique des événements suicidaires


ou méthode ECES selon Shea
Les difficultés à évaluer le risque suicidaire aux urgences sont liées au
contexte de travail qui peut conduire le clinicien à omettre certains aspects
ou événements, et à prendre des décisions plus subjectives qu’objectives
en fonction de sa perception propre de l’importance et de la difficulté de la
situation à gérer.
C’est ainsi que Shea préconise d’utiliser la méthode chronologique dans
l’exploration de l’ensemble des comportements suicidaires de la vie d’une
personne (tableau 14-2). Sont considérés comme événements suicidaires au
sens large les idées de mort, les pensées suicidaires et les tentatives de sui-
cide interrompues ou réalisées.

Tableau 14-2
Évaluation chronologique des événements suicidaires
Événements suicidaires actuels Réponses et commentaires
Méthode utilisée
Sévérité du geste
– Si médicaments, nature du produit et nombre de compri-
més
– Si coupure, gravité et nombre de points
– Quelle soit la méthode utilisée, et sans a priori médical, le
geste était-il considéré comme potentiellement létal par le
patient ?
Intentionnalité suicidaire
– Le patient avait-il l’intention de mourir ?
– A-t-il averti quelqu’un de sa tentative ?
– En a-t-il parlé avant de faire l’acte ?
– Était-il isolé ou pouvait-on facilement le retrouver ?
– Avait-il rédigé auparavant un testament ou une lettre
d’adieu, ou dit au revoir aux êtres chers ?
Sentiments et émotions du patient en lien avec le fait d’être en vie
« Que pensez-vous du fait d’être toujours vivant ? »
Planification du geste
Le geste était-il préparé plus ou moins minutieusement ou
a-t-il été réalisé de façon impulsive ?
Association avec alcool ou drogues
Facteurs interpersonnels
– Sentiment d’échec
– Sentiment d’avoir été trahi, abandonné
– Sentiment d’avoir été humilié
– Colère vis-à-vis d’autrui
200 Prise en charge des conduites suicidaires

Événements suicidaires actuels Réponses et commentaires


Facteurs de stress spécifique
– Séparation affective (rupture, divorce, etc.)
– Décès d’un être cher
– Perte d’emploi, etc.
Profondeur du désespoir au moment de la tentative de suicide
Gestion de la tentative de suicide
– Pourquoi a-t-elle échoué ?
– Comment le patient a-t-il été retrouvé ?
– Comment les secours ont-ils été appelés ?
Événements suicidaires récents (2 mois) Réponses et commentaires
Idées suicidaires
Scénario suicidaire
Tentatives de suicide
Facteurs de protection
Événements suicidaires passés Réponses et commentaires
Nombre de tentatives de suicide
État suicidaire immédiat Réponses et commentaires
Absence d’état suicidaire
Persistance d’idées suicidaires
– Idéation suicidaire fluctuante
– Idéation suicidaire maintenue à distance
– Idéation suicidaire continue
Présence d’un scénario suicidaire
– Présent et différé
– Présent et programmé prochainement
– Présent et immédiat
Rencontre avec l’entourage
Mentionner la personne de confiance
Contrat de soins à détailler
Contrat de non-suicide

L’exploration des événements suicidaires actuels en constitue la première


étape. Elle recherche la méthode utilisée, la sévérité du geste, l’utilisation
concomitante d’alcool ou d’autres substances, l’intentionnalité du geste, les
émotions en rapport, la planification, les facteurs interpersonnels, le déses-
poir et les secours appelés.
Les événements suicidaires récents, c’est-à-dire dans les deux mois précé-
dents, sont souvent les plus mal explorés. Cette recherche permet d’avoir
une idée précise sur l’idéation suicidaire en termes de durée et d’intensité,
Conduites suicidaires aux urgences 201

sur l’intentionnalité et la planification du geste. Peut être mise en évidence


l’ambivalence du sujet face à la mort. La progression vers le geste suicidaire
peut être linéaire pour certains ou plus chaotique pour d’autres, fonction
des abus d’alcool, des événements extérieurs, des stress ou des symptômes
psychiques de dépression. C’est également le moment privilégié pour met-
tre en évidence les facteurs potentiellement protecteurs qui majorent l’am-
bivalence face au geste ou qui arrêtent le passage à l’acte.
L’exploration des événements suicidaires passés recherche essentiellement les
tentatives de suicide antérieures, interrompues ou réalisées, avec une ana-
lyse plus fine de la plus grave.
L’exploration des événements suicidaires immédiats, « maintenant et ensuite »,
correspond à l’analyse de la persistance de l’intention suicidaire au moment
de l’entretien et à l’analyse de l’anticipation des futures pensées. C’est à ce
moment que la présence d’une tierce personne de l’entourage du suicidant
est importante pour valider le récit personnel et en cas de doute la sécurité
du patient. C’est ainsi que peut se mettre en place un plan de crise fondé
sur les ententes réciproques entre le patient, son entourage et le clinicien,
éventuellement complété par un contrat de non-suicide dont l’intérêt et
l’utilité demeurent à ce jour contestés.
Cette méthode permet donc au clinicien de pénétrer dans le monde des
idées suicidaire du patient, de garder à l’esprit les différents temps chrono-
logiques des comportements suicidaires d’une personne et de réorganiser
l’entretien en cas de difficultés, notamment si des propos tangentiels don-
nent un sentiment d’entretiens aisés sans obtention d’informations précises
sur la dimension suicidaire de la personne.

Pièges classiques aux urgences


Le désespoir et l’ambivalence sont au cœur de la
problématique de crise
Le désespoir suicidaire peut naître chez n’importe quelle personne, qu’elle
souffre ou non de trouble mental, si cette personne traverse une souf-
france émotionnelle intense perçue comme interminable, sans issue et
intolérable.
L’ambivalence est au cœur de la problématique suicidaire  : ambivalence
dans la décision de vivre ou de mourir, ambivalence dans les relations. C’est
sur cette ambivalence que le soignant va travailler pour sortir le patient de
cette crise suicidaire. Il est alors nécessaire de prendre en compte les styles
cognitifs propres à chaque sujet, la rapidité avec laquelle le patient suici-
daire peut entrer ou sortir du cadre suicidaire proprement dit, et non de la
crise suicidaire. La grande sensibilité de ces personnes aux diverses nuances
202 Prise en charge des conduites suicidaires

du soutien et de l’abandon rend nécessaire l’évaluation interpersonnelle, à


savoir les relations instaurées avec l’entourage proche.

Styles cognitifs
Les processus de pensée utilisés dans la verbalisation des émotions des sui-
cidants peuvent déstabiliser. Mieux les connaître permet souvent de les an-
ticiper et de mieux contrôler le domaine émotionnel du patient et de la
relation.
La pensée de la personne suicidaire est le plus souvent une pensée dichoto-
mique basée sur les impressions immédiates et les émotions vécues sur l’ins-
tant. À partir de là, un phénomène de sur-généralisation englobant l’ensemble
de l’entourage gravitant autour du suicidaire peut conduire à une vision catas-
trophique du monde, à un autodénigrement qui trouve sa justification dans la
perception qu’a la personne de ne pas avoir le contrôle de la situation.
La capacité à résoudre les problèmes est également altérée. Le suicidaire trouve
peu de solutions alternatives à sa souffrance, rejette les solutions alternatives
potentiellement viables, le tout dans une grande dépendance aux autres.
La matrice émotionnelle est extrêmement volatile, pouvant passer d’un
extrême à l’autre selon le principe des montagnes russes. La personne
demeure émotionnellement instable, réactive et impulsive, avec une très
grande sensibilité et réactivité à la perception du rejet.

Contre-attitudes négatives
Certaines situations aux urgences sont propices aux attitudes contre-
­thérapeutiques. Ces situations concernent essentiellement les suicidants
itératifs et les suicidants demandant rapidement leur sortie.
Les multi-suicidants imposent à l’équipe de soins qui les reçoit un mode
relationnel particulier proche du challenge, avec un système institution-
nel souvent épuisé, parfois même hostile. Ce sont des patients impulsifs,
sensibles au rejet, chez lesquels le geste suicidaire est le mode de réponse
prévalent aux conflits externes ou internes ressentis, et à risque élevé de
décès par suicide. Leurs croyances («  rien ne peut marcher, la preuve  »)
s’opposent le plus souvent au désir des soignants (« aller mieux »), la vo-
lonté acharnée de réduire le comportement suicidaire pouvant par ailleurs
paradoxalement le renforcer. Une courte hospitalisation en lieu neutre
peut permettre, en se gardant d’hospitalisations réitérées en psychiatrie,
un réaménagement de la relation et de l’espace thérapeutique en évitant
toute escalade symétrique.
Les demandes de sorties prématurées représentent 10  à 20  % des suici-
dants admis dans les services d’urgences. À titre d’exemple, 23  % des
Conduites suicidaires aux urgences 203

personnes admises pour geste suicidaire aux urgences du CHU de Caen


ne sont pas hospitalisées, et cette fréquence est encore plus importante
chez les plus jeunes. Dans un tel contexte, le diagnostic d’un éventuel
trouble de l’humeur est plus complexe et l’indispensable travail de dé-
cryptage de la crise suicidaire devient un exercice difficile et redouté.
Outre le risque médico-légal lié à l’évaluation du potentiel suicidaire,
le cadre temporo-spatial est imposé par le suicidant, et cette opposition
initiale peut être renforcée par l’entourage qui a toujours un rôle actif
et déterminant dans le processus de prise en charge. Adaptabilité, créati-
vité, flexibilité et disponibilité psychiques sont les qualités requises chez
le psychiatre chargé d’une telle évaluation. La règle est alors de préco-
niser une indispensable rencontre avec l’entourage, famille ou personne
de confiance, afin de donner un sens au geste suicidaire, d’évaluer la dy-
namique relationnelle et les éventuels facteurs de protection, de préciser
les conditions de sortie (avec qui, gestion des heures et jours à venir, etc.)
et de déterminer les conditions de mise en place d’un suivi (selon quelles
ententes et avec qui).

Objectifs de soins aux urgences


Définir la nature des soins proposés
Expliquer clairement au patient quelles sont les hypothèses que l’on retient,
la stratégie thérapeutique à mettre en route et les principales échéances
est crucial. L’amélioration recherchée dépend non seulement du choix
thérapeutique, mais également de la capacité du patient à s’investir dans
le projet de soin proposé. Il est par exemple utile de préciser au sujet que la
crise suicidaire dure 6 à 8 semaines en cas de crise psychosociale purement
événementielle, plusieurs mois chez une personne souffrant de troubles
psychiques, et que cette période est un moment de grande vulnérabilité.
On ne saurait se contenter d’une explication, encore faut-il qu’il y ait ap-
propriation de l’hypothèse diagnostique et de son corollaire thérapeutique
par le sujet. Il vaut mieux différer une prescription que délivrer une ordon-
nance à un sujet méfiant et réticent.
Face à des situations de crise personnelle, comme les situations de rup-
ture sentimentale dans lesquelles les patients renvoient au médecin son
impuissance à résoudre le problème, la position médicale est d’indiquer que
l’aide proposée ne consiste pas à résoudre magiquement et instantanément
le problème, mais à permettre au sujet de l’aborder sous un autre angle. Il
s’agit d’aider le sujet à réfléchir aux raisons, souvent ancrées dans son his-
toire, pour lesquelles telle rupture de lien « mérite la peine de mort » ou au
moins une telle mise en jeu de lui-même.
204 Prise en charge des conduites suicidaires

Savoir hospitaliser en cas de besoin


Garder à l’esprit la nécessité d’hospitaliser si possible tous les suicidants, même
si le geste est somatiquement peu grave.
Il n’y a pas de tentative de suicide banale, et tout geste suicidaire est
fonction du sens qui lui est donné et est à replacer dans la trajectoire de vie
des personnes. Il y a lieu de considérer toute tentative de suicide comme
suffisamment grave pour que s’ensuive une proposition systématique
d’hospitalisation.
La prise en charge hospitalière a alors les objectifs suivants :
• contenir en un lieu si possible neutre le sujet en souffrance suicidaire ;
• évaluer son état psychique de manière approfondie ;
• optimiser le traitement si nécessaire ;
• définir les modalités d’une restauration identitaire ;
• permettre la restauration de liens, une médiation effective entre le sujet
et son entourage ;
• déterminer avec le sujet les modalités optimales de suivi ultérieur.
Garantir une restauration identitaire nécessite de pouvoir proposer ce temps
d’évaluation et de gestion de la crise en un lieu neutre en dehors des situations de
décompensations psychiatriques avérées en lien avec le geste.
Ce lieu est fonction des particularités locales, et il est choisi en coordi-
nation avec les médecins urgentistes garants de la prise en charge soma-
tique. Le personnel doit être spécifiquement formé à la gestion des crises
suicidaires et travailler en relais avec les structures de soins hospitalières et
ambulatoires, ainsi qu’avec les médecins généralistes. Les structures de type
unité de crise, centre d’accueil et de crise (CAC) ou unité d’hospitalisation
de courte durée (UHCD) ont ici toute leur place et leur intérêt.

Hospitalisation de protection
Certaines situations imposent dès les urgences une hospitalisation de pro-
tection, y compris sous contrainte. L’hospitalisation est particulièrement
recommandée quand :
• le sujet présente une décompensation psychiatrique avérée en relation
avec son geste suicidaire, par exemple des symptômes dépressifs particu-
lièrement intenses et/ou des symptômes évocateurs d’un trouble grave de
personnalité , ou un trouble psychotique ;
• le sujet est réfractaire à toute forme de suivi ; il exprime des idées de sui-
cide et présente des symptômes anxio-dépressifs ;
• le sujet semble incapable de lutter seul contre ses idées suicidaires et mul-
tiplie des demandes directes ou indirectes comme des appels téléphoniques
ou des demandes incessantes de rendez-vous ;
Conduites suicidaires aux urgences 205

• le sujet exprime clairement la persistance d’une intention suicidaire,


avec scénario élaboré, programmation immédiate du geste et accès immé-
diat au moyen ;
• le sujet effectue des passages à l’acte répétés (conduites à risque, gestes
auto-agressifs), sans parvenir à exprimer autrement son mal-être ;
• le suivi ambulatoire accepté ne permet pas une réelle amélioration du
sujet ; une majoration des idées suicidaires est même constatée ;
• une séparation du milieu familial et/ou professionnel est nécessaire ;
• l’environnement familial se montre déficient, toxique ou dépassé par sa
propre souffrance.

Garantir un relais de soins en cas de sortie


prématurée
Les patients suicidants et suicidaires constituent une population volatile carac-
térisée par des entrées et sorties des moments suicidaires extrêmement rapides,
alors que la crise suicidaire perdure plusieurs semaines. Cette variabilité, assor-
tie de l’effet cathartique du geste qui génère une amélioration toute transitoire,
rend compte du nombre non négligeable de demandes de sortie impératives
dès l’admission en urgence et du refus des hospitalisations jugées nécessaires.
De telles situations nécessitent de la part du clinicien de garder adaptabilité et créati-
vité, ainsi que le respect de certaines règles, à savoir :
• la rencontre avec l’entourage est absolument indispensable. Elle permet de va-
lider le contexte du geste, de garantir les conditions de retour au domicile et de
rappeler qu’une personne en crise suicidaire met un certain temps à se restau-
rer. La vigilance reste alors de mise, même si la personne semble aller mieux ;
• les ententes et les modalités de sortie sont déterminées avec le sujet et éven-
tuellement son entourage, et les sorties du type « contre avis médical » sont
à éviter. Trop souvent source de malentendus et de refus de soins par le
patient et son entourage, elles peuvent être contre-thérapeutiques ;
• le médecin généraliste, ainsi que l’éventuel psychiatre du patient, sont si
possible contactés et tenus au courant des ententes mises en place.
Le transfert du lien de confiance –  confiance entre patient et médecin,
confiance entre médecins, entre généraliste et psychiatre –, avec respect de
la place et du rôle de chacun, est crucial. De cette nécessaire collaboration
et complémentarité peut naître l’amélioration du patient.
Le médecin généraliste demeure le pivot de la prise en charge et le garant
de sa pérennité.
206 Prise en charge des conduites suicidaires

Conclusion
L’admission en un lieu hospitalier comme les urgences, dans les situations
de crise suicidaire, avec ou sans geste suicidaire, avec ou sans hospitalisation
secondaire, est donc un moment charnière dont il faut tirer profit. À l’hé-
térogénéité des conduites suicidaires correspond en miroir l’hétérogénéité
des réponses thérapeutiques. Chaque rencontre, chaque patient et chaque
situation sont uniques. C’est toute l’importance des enjeux initiaux, de l’al-
liance thérapeutique précoce et des conditions de son installation chez un
suicidant replacé dans son histoire de vie personnelle, sociale et familiale.
La réussite de cette première rencontre aux urgences d’un hôpital résulte des
capacités d’empathie du clinicien qui reçoit, de l’intérêt porté à la personne en
souffrance et à son entourage, avec une réelle disponibilité psychique, en un
lieu de soins et de collaboration devenu espace transitionnel.
15 Prise en charge hospitalière
de la crise suicidaire
et du suicidant

Au-delà de l’accueil aux urgences, la place de l’hospitalisation dans la tra-


jectoire thérapeutique du patient suicidaire ou suicidant est variable et in-
certaine.
En général, les tentatives de suicide survenant chez des patients suivis
pour des pathologies psychiatriques lourdes (psychoses, troubles de l’hu-
meur majeurs) ou en étant le mode inaugural doivent être orientées vers
l’hospitalisation psychiatrique traditionnelle.
Dans les autres cas – geste en relation avec une situation de crise, primo-
suicidants avec perte de contrôle émotionnel, états anxio-dépressifs appa-
remment réactionnels –, une hospitalisation « minimale » pour poursuivre
la prise en charge peut s’imposer lorsque l’évaluation aux urgences n’est
pas vraiment réalisable faute de temps.
Ces hospitalisations, qui devraient idéalement s’organiser au sein de ser-
vices dédiés (unités de post-urgence pour suicidants), se font souvent dans
des unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD) ou dans des services
de médecine somatique. L’évaluation est alors effectuée dans le cadre de
la psychiatrie de liaison. Les raisons qui peuvent justifier ces hospitalisa-
tions brèves peuvent être très concrètes, comme la nécessité d’attendre pour
l’évaluation psychique que soit suffisante l’élimination du toxique ingéré
dans un but suicidaire, ou de réunir suffisamment de membres signifiants
de l’entourage pour organiser la suite (sortie, aide psychologique à l’issue
du décodage du geste).

Hospitalisation psychiatrique
Le recours à l’hospitalisation psychiatrique dans les situations où le com-
portement suicidaire résulte d’une crise psychosociale, d’un trouble de
l’adaptation, voire d’un trouble de la personnalité, tout comme le recours à
l’hospitalisation d’une façon générale, est beaucoup plus discuté.
La plupart des cliniciens impliqués dans la prise en charge de la crise suici-
daire ou dans la prévention de la réitération suicidaire insistent pour consi-
dérer que la réponse par l’hospitalisation au geste suicidaire peut constituer
un renforcement positif à ce même geste, et constituer paradoxalement un
facteur iatrogène si certaines précautions ne sont pas prises. D’où la mise en

Le geste suicidaire
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208 Prise en charge des conduites suicidaires

place de programmes de prise en charge de la crise suicidaire fonctionnant


essentiellement en ambulatoire et fondés, pour la plupart, sur des techni-
ques cognitivo-comportementales, dont l’un des meilleurs exemples est le
programme de thérapie cognitive dialectique développé par Marsha Line-
han (1991) (voir plus bas), initialement pour les sujets borderline, mais ap-
plicable aux autres formes de réitérations autodestructrices.

Unités de crise
Pour autant, le recours à un temps d’hospitalisation, à un moment aussi
précoce que possible de la crise suicidaire, ne saurait être exclu et a donné
lieu à divers types d’organisation, en centres de crise ou unités d’hospitali-
sation dédiées à certaines populations, notamment les adolescents.
Pour que l’hospitalisation dans de tels lieux puisse conserver une poten-
tialité thérapeutique, des conditions rigoureuses doivent être respectées.
L’hospitalisation en centre spécialisé dans la crise suicidaire ne doit pas être
qu’une réponse à tout geste suicidaire, mais un temps privilégié dans la
prise en charge globale du patient, avec des objectifs précis, comme le bilan
personnel, familial, psychiatrique et social d’une première situation de crise,
ou l’analyse pluridisciplinaire d’un processus de réitération, ou encore le
temps d’hospitalisation pour un bilan diagnostique lorsqu’une entrée dans
une pathologie psychiatrique peut être soupçonnée.
L’intérêt de concevoir des lieux spécifiques d’accueil des suicidants réside
justement dans la mise en œuvre d’un authentique accueil. Le sujet en souf-
france, qui a mis sa vie en jeu d’une façon ou d’une autre, devrait être admis
dans un lieu neutre, calme, non stigmatisé par la psychiatrie et animé par
des professionnels formés. Ce type de travail implique empathie, capacité
à maîtriser les réflexes de jugement moral, contrôle des contre-attitudes,
« neutralité bienveillante » face aux sujets souffrants et à leurs familles sou-
vent déstabilisées, et une certaine dose d’engagement personnel pour créer
les conditions de l’alliance thérapeutique.
En effet, l’hospitalisation des suicidants – hormis les cas les plus patholo-
giques et hormis la phase aiguë où le risque est important – est inutile, voire
iatrogène sans le consentement du principal intéressé, qu’il faut parfois sa-
voir mériter. Les primo-suicidants devraient tous pouvoir bénéficier de ce
type d’accueil. Pour les multi-suicidants, la question se pose différemment,
et les hospitalisations itératives en service de crise pour suicidants sont à
déconseiller, car notoirement inutiles ou renforçant le comportement.
D’autres stratégies thérapeutiques sont alors à mettre en place, fondées sur
la création d’un lien thérapeutique et d’un suivi ambulatoire.
Dans notre pays, la conférence de consensus sur la prise en charge
de la crise suicidaire diligentée par l’ANAES en  2000 préconise que tout
Prise en charge hospitalière de la crise suicidaire et du suicidant 209

suicidant – a fortiori s’il est adolescent – doit être adressé aux urgences d’un
établissement de soins en vue d’une triple évaluation somatique, psycholo-
gique et sociale, l’évaluation psychologique étant réalisée par un psychiatre
et comprenant un entretien avec l’entourage signifiant. L’hospitalisation
est fortement recommandée, pour toutes sortes de raisons qui, au-delà de
l’existence d’une pathologie psychiatrique à évaluer ou du risque de réci-
dive, de l’absence de support social ou de la difficulté d’accès à des soins
ambulatoires, sont liées en fait à la commodité de travail sur la crise dans un
espace transitionnel permettant d’approfondir l’approche éclectique, bio-
psychosociale, des déterminants de la crise suicidaire.

Centres de crise : diversité des structures


Il existe plusieurs modèles de services de psychiatrie dédiés aux suicidants
ou aux sujets en crise. La tendance actuelle est toutefois l’implantation de
centres d’accueil distincts de l’hospitalisation psychiatrique traditionnelle,
partant de la réalité que la prise en charge psychiatrique classique, centrée
sur le symptôme et la mise en place de protocoles thérapeutiques souvent
lourds, adaptée aux troubles mentaux majeurs (psychoses, pathologies thy-
miques sévères et/ou récurrentes, évolutions déficitaires), n’est pas adaptée
aux crises psychosociales ou aux ruptures liées à des troubles de la person-
nalité ou à des troubles thymiques inauguraux.
Les modèles des centres de crise sont calqués sur les unités de crise et
d’urgences psychiatriques des cliniques universitaires belges (De Clerq),
­largement inspirés par Andreoli, qui se sont donné les moyens de fonc-
tionner avec un temps d’hospitalisation réduit, qualifié de «  provisoire  »
(maximum 48 heures). À l’extrême, notamment dans les pays anglo-saxons,
la prise en charge du suicidant, passé le temps somatique, sera exclusive-
ment ambulatoire.
Certaines unités sont organisées de façon souple avec des temps d’hospi-
talisation non fixés à l’avance et des recrutements basés sur l’âge : adoles-
cents ou jeunes majeurs [Pommereau à Bordeaux et Ladame à Genève, in
L’Hospitalisation des jeunes suicidants, pratiques et enjeux (colloque du 3 dé-
cembre 1999, Paris, Maison de l’Unesco), www.sante.gouv.fr].
Pour Pommereau, l’hospitalisation du jeune suicidant dans une unité
spécifique pour adolescents répond à une nécessité, un espace de temps
et de site qui permet au sujet et à sa famille de donner un sens au geste
réalisé. Le centre Abadie de Bordeaux possède quinze lits, pouvant admet-
tre des jeunes de 15 à 24 ans, pour une durée moyenne de séjour de 10 à
15 jours. L’accueil est fondé sur le volontariat du sujet, la prise en compte
de l’entourage et la création d’une dynamique de groupe. Il n’accueille pas
uniquement des crises suicidaires, et prend également en charge d’autres
situations susceptibles de s’inscrire dans une psychopathologie avérée de
210 Prise en charge des conduites suicidaires

l’adolescent, comme les troubles du comportement alimentaire ou les trou-


bles de la personnalité.
L’unité de crise pour adolescents et jeunes adultes, créée à Genève par La-
dame, a une capacité d’accueil de huit lits, pour des jeunes suicidants ou sui-
cidaires de 16 à 22 ans, pendant au maximum un mois. Le traitement est, ici
aussi, fondé sur des entretiens individuels quotidiens, associés à un travail sur
la famille et le réseau de soins, avec des groupes de parole pendant le séjour.
Ces deux organisations sont fortement liées au dispositif extrahospitalier
et aux réseaux de soins existants. Le séjour hospitalier est considéré comme
l’espace privilégié de travail sur la crise, en lien avec l’entourage, et de matu-
ration d’une demande individuelle qui peut se prolonger le cas échéant par
un travail psychothérapique ou psychiatrique au long cours.

Expérience caennaise
Nous avons développé à Caen, depuis 1997, une unité de crise et de post-
urgences (UCPU) de dix lits, reposant sur des principes de fonctionnement
à la fois similaires et différents, tant il est vrai, comme l’ont souligné divers
auteurs, qu’il n’y a pas de recette s’imposant à tout contexte, mais que cha-
que équipe doit s’approprier les principes qui correspondent le mieux à son
contexte et à son cheminement propre.
L’UCPU de Caen accueille des suicidants de plus de 15 ans, dont le geste
ou la menace suicidaire ne s’inscrit pas dans une pathologie avérée et déjà
prise en charge par des structures psychiatriques, ou dans une trajectoire ad-
dictive ou psychopathique. Le volontariat est la règle. Dans notre expérience,
la diversité des générations accueillies (inversement aux structures réser-
vées aux sujets jeunes), même si la pyramide des âges est majoritairement
jeune (50 % de moins de 25 ans, 20 % de mineurs), constitue un point ex-
trêmement positif, en favorisant notamment le travail intergénérationnel,
l’expression des représentations parentales et des processus identificatoires,
et en limitant les phénomènes de réverbération et de potentialisation des
troubles du comportement adolescent.
Les durées d’hospitalisation ne sont pas a priori déterminées, mais notre
expérience montre que la durée moyenne de sortie d’une crise psychoso-
ciale est de l’ordre de la semaine, un peu plus (deux semaines) en cas de
révélation d’une composante thymique ou chez les sujets les plus jeunes,
notamment dans des configurations familiales perturbées ou en cas d’an-
técédents de maltraitance majeure. Il est en tout cas inapproprié, comme
le font tant de centres d’accueil de crise (CAC), de limiter à 72 heures le
séjour des suicidants, car cette durée correspond à peine à l’élimination
des toxiques généralement ingérés. L’objectif prioritaire de sortie de crise
suicidaire et de mise en place d’un projet d’accompagnement doit primer
sur les considérations comptables de durée moyenne de séjour (DMS).
Prise en charge hospitalière de la crise suicidaire et du suicidant 211

Le moment de la sortie de crise est déterminé consensuellement de fa-


çon tripartite  : sujet, entourage et équipe soignante. Si le consensus n’est
pas atteint, une sortie « prématurée » peut être prononcée, toujours assortie
d’un maintien du lien avec l’unité ou d’une orientation thérapeutique ma-
térialisée par une rencontre physique ou téléphonique avec un intervenant
d’aval.
Le protocole stratégique de sortie de crise suicidaire (PSSCS) élaboré par
l’UCPU est fondé sur deux versants :
• un versant individuel, avec d’une part un travail sur le syndrome présuici-
daire de Ringel (1976) avec ses trois composantes de constriction, d’agres-
sion externe impossible et de fantaisies suicidaires, et d’autre part l’utilisa-
tion de principes de recadrage cognitif et de résolution de problèmes ou de
développement de compétences ;
• un versant contextuel fondé sur les principes de psychologie systémique,
avec notamment les règles de loyauté, associées à l’implication précoce de
l’entourage signifiant dans le processus de sortie de crise.
L’équipe pluridisciplinaire de l’UCPU (médecin, psychologues, assistante
sociale, infirmiers, aides-soignants) bénéficie d’un important travail de ré-
gulation – groupes de parole animés par un psychologue extérieur d’obé-
dience psychanalytique, synthèses hebdomadaires animées par un psy-
chothérapeute systémicien. Le patient a accès à des entretiens quotidiens
associant le médecin référent et/ou l’interne, ainsi que le soignant référent,
et à des entretiens individuels avec un psychologue. Un travailleur social est
également disponible si besoin. Le patient mineur est également informé
d’une rencontre avec ses parents ou détenteurs de l’autorité parentale, à un
moment qui lui semblera acceptable psychologiquement. Cette rencontre
avec les proches signifiants et impliqués dans le projet de sortie ne peut être
imposée si le sujet est majeur, mais dans l’immense majorité des cas, elle
est comprise et acceptée, ne serait-ce que sous couvert d’un recueil d’in-
formations sur la perception par les proches de la crise ou dans un but de
réassurance. Ces entretiens collectifs sont très souvent l’occasion de per-
mettre la circulation de la parole, l’expression des conflits et le partage des
émotions.
Le travail de sortie de crise suicidaire est basé sur la construction d’une
alliance thérapeutique. La seule contrainte imposée au patient est liée à la
mise en danger de soi qui a conduit à l’hospitalisation et reste, en tant que
rappel à la réalité, un outil puissant pour imposer les 24 à 48 heures néces-
saires à l’établissement d’une alliance thérapeutique dans les cas les plus
initialement hostiles.
Le service est présenté au patient et à sa famille comme un service de
suicidologie dont l’objectif minimal est la prévention à court terme de la
récidive, et le sujet comme sa famille sont invités à satisfaire quatre condi-
tions préludant à la sortie :
212 Prise en charge des conduites suicidaires

1. maîtrise du risque de mise en danger de soi (ne plus être en danger).


Cette première condition n’est pas négociable et, en cas de risque de réitéra-
tion détectable à court terme, des mesures conservatoires d’hospitalisation
en service plus contenant sont envisagées ;
2. restauration des émotions (« aller mieux ») ;
3. définition « partagée » de la problématique de crise (comprendre et faire
comprendre) ;
4. apaisement et assentiment de l’entourage à la sortie (rassurer les pro-
ches).
Ces quatre conditions sont exposées avec des mots simples, le passage à
l’acte n’étant jamais stigmatisé ou dévalorisé, considéré en fait comme une
« chance » à saisir, un appel au changement.
Le protocole de sortie de crise suicidaire est remis dans une plaquette
d’information détaillée, tant au sujet qu’à son entourage, et ce souvent
avant même l’admission, dès l’accueil aux urgences.
Une cinquième « condition » était initialement formulée, et ne l’est plus,
tant il est devenu implicite que l’engagement dans un travail personnel ou
collectif psychothérapique ultérieur ne se prescrit pas mais survient le plus
souvent, « de surcroît », dès lors que le travail de sortie de crise s’est effectué
en alliance thérapeutique.
Pendant le séjour, lorsque le risque de répétition du geste à court terme est
maîtrisé et que l’entourage est rassuré, les sorties d’essai sont encouragées, sur
objectifs à définir avec le sujet. Les jeunes scolarisés peuvent bénéficier d’une
reprise progressive de contact avec le milieu scolaire. Les sorties définitives
sont le plus souvent prononcées au terme d’un week-end où le sujet et son
entourage ont pu évaluer un retour à l’apaisement émotionnel et relationnel.
Le sujet est invité à un ou des entretiens de crise une à deux semaines
après sa sortie. Mais l’UCPU n’est pas en mesure d’assurer par elle-même le
suivi prolongé, au-delà de quelques semaines, des post-crises. Elle s’inscrit
donc dans un travail en réseau avec les intervenants, psychiatres publics
ou privés, pédopsychiatres, du tissu sanitaire péri-caennais, avec le souci de
créer la rencontre, le lien partagé, in situ et avant la sortie, avec les interve-
nants d’aval. Le sujet connaît donc le plus souvent à l’avance la personne
qu’il rencontrera après sa sortie, et le taux de rendez-vous honorés (60 %)
s’est avéré supérieur aux autres techniques de prise de rendez-vous. Un tra-
vail, en cours de publication (Chastang et al.), de comparaison de cohor-
tes a montré que le protocole stratégique de l’UCPU avait abouti à une
réduction significative (p = 0,03) des réitérations suicidaires à 18 mois après
l’épisode index.
Lorsque le relais durable avec une structure de suivi médico-psychologique
du réseau n’est ni indiqué, ni souhaité, ou que ce relais doit être différé pour
cause d’engorgement des dites structures (de plus en plus fréquent en ces
Prise en charge hospitalière de la crise suicidaire et du suicidant 213

temps de crise), le maintien d’un contact avec les intervenants référents


de l’unité de crise est organisé sur une durée définie a priori, pour quelques
semaines à quelques mois.

Conclusion
Les expériences nationales et internationales montrent clairement que
les interventions les plus éclectiques, notamment celles qui prennent en
compte le contexte et l’entourage signifiant, sont les plus efficaces. À l’op-
posé, les propositions de prise en charge uniquement centrées sur le sujet,
souvent d’inspiration comportementale (résolution de problème), s’avè-
rent décevantes.
Un temps d’hospitalisation au décours immédiat d’un geste suicidaire
inaugural est intéressant car il peut représenter un espace transitionnel,
neutre ou chaleureux. La distance avec l’entourage impliqué, combiné au
respect et au travail sur les liens, est favorable à la restauration du contrôle
émotionnel.
À condition de maintenir l’énergie mise en jeu dans la crise suicidaire, un
séjour bref est l’occasion de mettre en œuvre une évaluation pluridiscipli-
naire intensive, tant du sujet, de sa famille que de son réseau socioprofes-
sionnel. La mise en œuvre de techniques stratégiques vise à donner au sujet
et son entourage dans une forme de contrainte au changement, à favoriser
la récupération des mécanismes de défense antérieurs ou à ouvrir un travail
vers des mécanismes de défense de niveau supérieur.
En cas d’échec, la répétition des hospitalisations, au gré des réitérations
suicidaires doit être considérée comme un renforcement positif et faire
envisager d’autres modalités de prise en charge, strictement ambulatoires
et plus calquées sur les protocoles adaptés aux sujets borderline (Chiles et
Stroshal, 1995).
L’hospitalisation au décours d’une crise suicidaire n’a donc de sens que
si :
• elle n’est pas focalisée sur le geste suicidaire mais sur le travail sur la crise
dont le geste suicidaire a été un court-circuit ;
• elle est proposée (hormis les cas de pathologie psychiatrique connus ou
avérés) dans des lieux spécifiques, non stigmatisants, centrés sur l’accueil ;
• elle permet un travail pluridisciplinaire, prenant en compte les émotions
et les cognitions personnelles en même temps que la dimension relation-
nelle et les interactions psychosociales ;
• elle prévoit d’emblée une mise en lien du sujet et de son entourage avec
les intervenants susceptibles de prolonger le travail psychothérapique au-
delà de la sortie de crise (nécessité d’un travail en réseau).
16 Outils thérapeutiques

Place des psychothérapies


La prise en charge des suicidants ne peut, à l’évidence, se concevoir en
dehors d’une approche psychologique, donc psychothérapique. Dès l’ac-
cueil, une attitude sereine et non jugeante peut être considérée comme
psychothérapique. Il n’est pas si naturel qu’il le devrait, pour les prati-
ciens de l’urgence, de gérer les attitudes contre transférentielles que sus-
citent certains suicidants. L’évaluation de la problématique individuelle
ou familiale ne peut non plus faire l’économie de références psychopa-
thologiques. Une fois le diagnostic posé (diagnostics de situation, de
personnalité et syndromique), de multiples axes psychothérapiques sont
envisageables. Dans leur majorité, ces approches, qu’elles soient indivi-
duelles ou collectives, ne sont pas spécifiquement ciblées sur le suicide.
Ce n’est donc pas ici le lieu de commenter les approches individuelles,
qu’elles soient psychanalytiques ou cognitivo-comportementales, pas
plus que les approches familiales, qu’elles soient systémiques ou psycho-
éducatives. Leurs mérites ont parfois été validés par des travaux scien-
tifiquement solides, généralement en association avec les pathologies
psychiatriques index. Celles qui nous concernent dans cet ouvrage sur le
suicide sont avant tout thymiques, avec une incursion dans le domaine
semé d’écueils de la prise en charge psychothérapique des états limites.
Nous nous limiterons ici à une présentation des thérapies spécifiquement
développées pour diminuer le risque suicidaire.

Interventions psychosociales : un bilan décevant


En 1999, la librairie Cochrane a publié une synthèse des vingt-trois études
contrôlées recensées à l’époque, avec comme critère d’évaluation la
répétition des gestes auto-agressifs (Hawton et Sinclair, 2003). Les résul-
tats sont dans l’ensemble décevants, même si quelques pistes se dessi-
nent. Les auteurs de ces synthèses cliniques rappellent cependant à juste
titre que les faibles effectifs ne permettent pas de mettre en évidence
des réponses statistiquement significatives, et que seules des tendances
sont observées. On s’interrogera toutefois, et ce n’est pas très différent
de la problématique des essais thérapeutiques psychopharmacologiques,
sur la signification clinique d’une différence statistique, surtout dans un
domaine aussi sensible.

Le geste suicidaire
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216 Prise en charge des conduites suicidaires

Les résultats montrent que :


• les techniques de résolution de problèmes comparées au traitement stan-
dard réduisent de façon non significative les réitérations suicidaires (cinq
études) ;
• les soins intensifs assortis d’un contact ultérieur ne sont pas supérieurs
aux soins standard (six études) ;
• la délivrance d’une carte d’accès aux contacts d’urgence a un résultat de
signification statistique limite (p = 0,07) ;
• la thérapie comportementale dialectique comparée aux soins habituels
améliore significativement un sous-groupe de patientes (Linehan et al.,
1991) ;
• la thérapie comportementale s’avère supérieure à la thérapie orientée sur
l’insight chez un petit nombre de patients hospitalisés (Liberman et Eck-
man, 1981) ;
• un suivi instauré par le premier thérapeute (rencontré aux urgences)
améliore le suivi, mais ne permet pas de réduire les réitérations (Torhorst et
al., 1987) : curieusement, bien que la stabilité aboutisse à des taux de suivi
supérieurs, il y a plus de répétitions qu’en cas de changement de théra-
peute ;
• l’hospitalisation en hôpital général ou un suivi prolongé n’apportent
aucun réel bénéfice ;
• la thérapie familiale pratiquée à domicile ne montre aucune supériorité.
Toute cette synthèse de la librairie Cochrane est très décevante ; les seules
interventions apparaissant positives avec une certaine consistance pour pré-
venir les répétitions sont pharmacologiques (flupentixol, antidépresseurs).
Dix ans après, une nouvelle méta-analyse concernant dix-huit études
contrôlées et prenant en compte non pas les répétitions, mais l’issue sui-
cidaire elle-même, confirme ces résultats (Crawford et al., 2007). Sur une
population de 3 918 sujets ont été comptabilisés 18 suicides chez les sujets
traités par un protocole psychosocial bien défini, et 19 chez les sujets traités
« as usual ». Le taux de suicide chez ces sujets inclus dans des essais est le
même que celui observé dans les études observationnelles.
Rudd et al. (2009) critiquent ces conclusions négatives. Examinant
cinquante-trois études dont plus de la moitié d’inspiration cognitivo-
comportementale, ils mettent en évidence les éléments communs à l’œuvre
dans l’action thérapeutique. Tout d’abord, les principes théoriques doivent
pouvoir être traduits en termes simples, compréhensibles et appropriables
par le sujet, ce qui est effectivement le cas pour les principes cognitivo-
comportementaux, même si à eux seuls ils sont certainement insuffisants,
perçus parfois comme des additions de bonnes intentions ou de prescrip-
tions rappelant la méthode Coué. Ces techniques doivent être mises en
œuvre par des praticiens expérimentés, avec une fidélité reproductible à
une procédure codifiée. L’engagement actif du sujet dans un processus de
Outils thérapeutiques 217

changement s’inscrivant dans la durée est un troisième point crucial. La


qualité de la relation thérapeutique est donc essentielle. Le processus de
changement est fortement mordancé par la définition d’objectifs clairement
définis, comme par exemple la régulation des émotions, le contrôle des cri-
ses de colère, l’amélioration des compétences de résolution de problèmes
et des relations interpersonnelles, ou les distorsions cognitives. Il existe
aussi une composante d’expansion de la personne dans les dimensions de
responsabilisation, de réparation de l’estime de soi, de la conscience et du
contrôle personnels. Enfin, sur le long terme, prévoir un accès facile à des
dispositifs de gestion de la crise est nécessaire, et la technique du case manager
(référent joignable entre les séances programmées pour répondre en cas de
besoin), bien que demandant une grande disponibilité, est à cet égard très utile.
Même si ces approches psychothérapiques codifiées, le plus souvent
d’inspiration cognitivo-comportementale, peinent à démontrer des avanta-
ges particuliers par rapport à ce qui se fait généralement dans les centres de
recrutement de patients suicidants, elles ne sont pas pour autant dépour-
vues d’intérêt, mettant en œuvre des outils utilisables dans une perspective
clinique ouverte et synthétique.

Thérapies cognitivo-comportementales
Les thérapies cognitives proposent ainsi des thérapies brèves fondées sur la
résolution de problèmes. Il peut sembler évident qu’une meilleure capacité
en résolution de problèmes va diminuer le poids des problèmes non réso-
lus et diminuer l’idéation suicidaire (Schotte et Clum, 1982). Ces straté-
gies de résolution de problèmes sont enseignées au cours de séances où les
problèmes sont listés, hiérarchisés, avec examen de l’éventail des solutions
possibles, en choisissant les orientations les plus appropriées. Les problèmes
sont éventuellement divisés en étapes intermédiaires dont chacune est plus
facilement franchissable que le tout. Chaque difficulté rencontrée par le
patient est recadrée en un nouvel apprentissage. Le patient est donc finale-
ment entraîné à généraliser ses acquis à de nouvelles situations probléma-
tiques. La relation entre le patient et le thérapeute est active, interactive, et
vise à rendre le sujet conscient de ses distorsions cognitives et de ses pensées
automatiques négatives générées par les mécanismes de sur-généralisation,
d’attributions dysfonctionnelles ou d’adoption systématique de conclu-
sions négatives.

Thérapie cognitive dialectique


C’est une variante importante de thérapie cognitivo-comportementale.
Spécifiquement développée par Linehan pour traiter des sujets générale-
ment de sexe féminin, caucasiennes, souffrant d’une problématique border-
line, elle est dirigée vers le symptôme cible du comportement suicidaire ou
auto-agressif itératif qui est la composante comportementale la plus difficile
218 Prise en charge des conduites suicidaires

à maîtriser chez ce type de personnalité. C’est probablement la thérapie


centrée sur la prévention de la réitération suicidaire qui semble la plus pro-
metteuse et qui a donné les résultats les plus consistants. Elle n’a cependant
pas encore été validée sur d’autres populations cliniques que celles dont elle
est à l’origine, notamment les suicidants de sexe masculin et les suicidants
itératifs en dehors du trouble borderline.
Elle se distingue de la thérapie cognitive basique par la prise en compte
des émotions et des liens entre la dysrégulation des émotions et les com-
portements autodestructeurs. La perspective dialectique permet de dépas-
ser, chez des sujets hypersensibles à l’abandon, au rejet et au jugement, la
position quelque peu simpliste du thérapeute cognitivo-comportemental
qui propose de «  corriger ces erreurs  » dans une vision parfois caricatu-
ralement didactique. Il s’agit ici au contraire de tenter de valider et d’ac-
cepter les comportements existants, tout en accompagnant la nécessité
du changement. Pour ce faire, la technique de résolution de problèmes
n’est pas abandonnée, mais aboutit à des formulations d’hypothèses ou
à des définitions de solutions comportementales beaucoup plus ouvertes,
la stratégie dialectique permettant alors au patient, dont le fonctionne-
ment est généralement manichéen, d’envisager la réalité comme ambiguë
et en constante évolution. Le travail ne se réduit pas aux séances en face
à face. Le patient est encouragé à travailler sa progression dans la maîtrise
des compétences (à résister à l’auto-agression) en situation réelle, dans sa
confrontation aux circonstances stressantes de son existence. Le patient
peut contacter son thérapeute entre les séances, notamment lorsqu’il doit
mettre en jeu de nouvelles compétences. Le but est de valider et de ren-
forcer les comportements adaptés, et d’aider le patient à penser que l’in-
teraction avec le thérapeute peut ne pas dépendre d’un moment de crise
ou d’une menace suicidaire. À cet égard, les limites de cette grande dispo-
nibilité contractualisée avec le patient doivent être définies, et les théra-
peutes bénéficient d’un soutien ou d’une supervision hebdomadaire pour
mieux gérer ces limites. Des procédures de case management doivent aussi
être précisées pour répondre de façon adaptée à l’urgence et pour éviter le
piège des réhospitalisations. Ces dispositifs thérapeutiques sont lourds et
exigeants.

Thérapie interpersonnelle
La thérapie interpersonnelle (Klerman et Weissman, 1989) est une variante
de thérapie fondée sur la fidélité à une procédure écrite dans un manuel.
Elle est assez proche des thérapies comportementales classiques dont elle
partage l’interactivité entre le patient et le thérapeute. Les difficultés in-
terpersonnelles sont considérées comme une cause majeure de difficultés
psychologiques, notamment dépressives, et de comportements suicidaires.
La mise en œuvre rapide, dans la semaine qui suit la sortie, d’une thérapie
Outils thérapeutiques 219

interpersonnelle au domicile diminue significativement les répétitions à


6 mois, ainsi que l’idéation suicidaire (Guthrie et al., 2001).

Psychothérapies familiales
Psychothérapies systémiques
Elles représentent l’approche idéale pour évaluer et travailler, autour du sui-
cidant itératif, les problématiques qui entretiennent les répétitions. Mais
elles ne sont pas toujours applicables, en raison de la motivation insuffi-
sante des groupes familiaux, qui ont naturellement tendance à refermer le
couvercle une fois la crise passée (apparemment), ou de la faisabilité.
Dans un premier temps, trois ou quatre entretiens familiaux sont pro-
posés dans le mois qui suit le geste suicidaire, de façon à prévenir la mise
en place de mécanismes de défense collectifs annulant la signification du
geste (banalisation, déni, rationalisation, intellectualisation, etc.). Le tra-
vail se centre sur le thème du désir de mourir (« pourquoi avez-vous voulu
mourir ? », « pourquoi a-t-il [elle] voulu mourir ? »). Il s’agit d’éviter la réor-
ganisation des transactions aboutissant aux tentatives de suicide. Toutes
les techniques d’entretien systémique peuvent être mises en œuvre comme
pour n’importe quelle autre problématique, après avoir créé le contexte
(affiliation) permettant que tout le monde s’écoute : circulation de la pa-
role, des émotions et des représentations, construction d’hypothèses, su-
pervision de la neutralité systémique, etc. Il est nécessaire que la famille
revienne aux trois ou quatre séances nécessaires pour que les processus de
changement soient activés  : position basse, complémentarité, utilisation
du discours analogique, initiation des thèmes de travail, connotation posi-
tive réaliste et sincère. Au-delà de cette phase centrée sur le désir de mort,
d’autres étapes peuvent être abordées selon le contexte familial.

Psycho-éducation
L’implication de l’entourage familial dans la prise en charge du suicidant
reste incontournable et doit être recherchée, au minimum dans une opti-
que psycho-éducative. Quelques principes doivent cependant être garantis.
Certains sont inspirés des principes systémiques, d’autres sont tout simple-
ment des règles de comportement médical et imposent la coopération et
l’assentiment du principal intéressé, assortis d’un respect strict de la confi-
dentialité.
L’un des premiers réflexes des suicidants, au réveil, est d’effacer ce qui
s’est passé et bien sûr d’échapper à la psychiatrisation vécue comme une
stigmatisation supplémentaire. C’est aussi bien souvent le réflexe des fa-
milles culpabilisées par cet aveu public d’impuissance et d’incompétence.
Ces réactions de fuite sont d’ailleurs des motifs forts d’aménagement d’es-
paces transitionnels, accueillants, dédramatisants, permettant dans une
220 Prise en charge des conduites suicidaires

ambiance non jugeante l’expression des sentiments et l’apaisement des


émotions. Si un tel climat institutionnel peut être garanti, et c’est l’objectif
des unités de crise, il devient acceptable pour le sujet comme pour sa famille
d’analyser le drame qui a failli se produire et de décoder le message de dé-
sespoir émis par le suicidant. Si la tentative de suicide a été sérieuse, il n’est
pas illicite de forcer la décision d’entretien collectif, et il est du devoir du
médecin d’informer l’entourage du risque encore encouru. Même dans les
tentatives physiquement moins graves, la dramatisation de la mise en jeu
de soi peut créer les conditions d’une rencontre.
Dans le cadre de cette rencontre entre soignants, patients et familles, il est
important que le sujet comprenne que la démarche est fondée sur :
• le partage d’informations permettant de construire une compréhension
de la crise suicidaire, ces informations venant de l’entourage signifiant, du
sujet lui-même s’il le désire, jamais des soignants tenus au secret ;
• l’évaluation du contrecoup émotionnel chez les proches, d’un geste grave,
qu’il conviendra de dédramatiser sans le minimiser ni le disqualifier ;
• la construction d’une alliance thérapeutique, l’évaluation de ce que le
sujet peut attendre des siens ou de ce que l’entourage pense pouvoir modi-
fier dans les équilibres ou conflits interpersonnels ;
• la lutte contre les sentiments de culpabilité ou d’inadéquation de part et
d’autre.
Alors que certains conseillent que ce soit l’équipe soignante qui organise
de telles rencontres, nous avons choisi de confier au sujet, en l’accompa-
gnant dans cette élaboration, la définition de son entourage signifiant, ainsi
que la détermination du meilleur moment pour organiser l’entretien.
L’implication de l’entourage est obligatoire dans le cas des suicidants mi-
neurs. Le soignant reste néanmoins tenu au secret médical, à l’exclusion
des informations de base concernant le risque suicidaire. Cela constitue un
levier commode pour imposer une rencontre avec les deux parents, séparés
ou non, chacun comprenant qu’il n’est pas légitime de cacher de telles in-
formations aux détenteurs de l’autorité parentale, qui pourraient se retour-
ner contre l’institution en cas de réitération ou d’issue fatale.
Les suicidants majeurs peuvent refuser de façon non exceptionnelle de
contacter leur entourage. D’où l’intérêt après tout geste auto-agressif d’une
hospitalisation, idéalement dans une unité de crise, ou à défaut dans une
unité somatique desservie par une équipe de psychiatrie de liaison, afin de
prendre le temps d’une évaluation et d’organiser la sortie en s’appuyant sur
la personne de confiance désignée par le patient.
Le temps de la sortie d’hospitalisation est un moment important pour
une approche psycho-éducative de l’entourage et peut déboucher, dans les
cas de tentatives de suicide répétées, sur la mise en place d’un programme
de suivi en ambulatoire.
Outils thérapeutiques 221

Les principes de la psycho-éducation pour les suicidants sont inspirés des


travaux des équipes qui ont développé ces techniques auprès des familles de
patients bipolaires ou de schizophrènes, avec quelques directives particulières
résumées dans l’encadré suivant, inspiré de Dunne (2009).

Quelques principes de psycho-éducation


• Prendre son temps  : le retour au calme et la sortie de crise prennent du
temps, il faut donner au suicidant le temps nécessaire.
• Respecter les étapes : prêter attention à toute modification du processus de
retour au calme ou de sortie de crise, et en discuter avec les soignants avant
toute initiative.
• Contrôler les médicaments : en cas de prescription, les conserver à l’abri, ne
pas garder de stocks de médicaments inutilisés.
• Sécuriser l’habitation : éviter l’accès à tout moyen évident et majeur de sui-
cide tel qu’armes à feu, substances dangereuses, cordes, etc.
• Rester vigilant aux modifications cliniques : être attentif aux signes prodro-
miques de dépression, aux propos suicidaires ou à tout geste évocateur.
• Prendre garde à l’éventuelle survenue de situations stressantes, notamment
de celles qui répètent ce qui a conduit au geste antérieur.
• Éviter les conflits, les redéfinir avec le thérapeute, en séance, dans une pers-
pective de recherche de solution aux problèmes.
• Diminuer le niveau d’interactions émotionnelles du foyer.
• Être prêt à appeler de l’aide : numéros d’urgence, contacts avec le centre de crise.
• Rester ouvert, à l’écoute, disponible, attentif.

Nombre de ces préconisations, inspirées de la littérature anglo-saxonne,


peuvent sembler inutilement sécuritaires et s’adaptent mal à la recherche
du retour à un climat de confiance intrafamilial. C’est certainement à adap-
ter cas par cas, famille par famille, l’important restant de nouer un lien avec
le sujet et sa famille pour prolonger le dialogue au-delà de la crise index.

Vers une approche intégrée et individualisée


Si les approches fondées sur la fidélité à des procédures décrites dans des
manuels ne parviennent pas à démontrer leur efficacité – peut-être est-ce
aussi pour des raisons statistiques, tenant aux trop petits groupes traités –,
cela invite aussi à se pencher sur les TAU (treatment as usual) utilisés com-
me référence. Pour Burns (2009), le terme TAU devrait être abandonné,
les prises en charge généralement multidisciplinaires qui ont cours dans
la plupart des centres de santé mentale ou des services universitaires de
222 Prise en charge des conduites suicidaires

qualité se montrant difficiles à surpasser. Ces dernières sont cependant très


rarement décrites dans leurs procédures et leurs références théoriques. Une
des raisons pour lesquelles les prises en charge multidisciplinaires non stric-
tement codifiées s’avèrent efficaces est peut-être justement leur flexibilité.
Il serait d’ailleurs étonnant que telle ou telle technique psychothérapique
s’avère à elle seule efficace auprès du plus grand nombre des suicidants,
eu égard à la diversité des facteurs (existentiels, psychologiques, sociaux,
biologiques) qui concourent à la construction du geste suicidaire. Là où il
faudrait faire du « sur mesure », les protocoles de recherche l’interdisent.
C’est pourquoi nous prônons une approche intégrée et individualisée
telle qu’elle est à l’œuvre dans les principes de fonctionnement des unités
de crise dédiées à la suicidologie primaire, dont celle que nous animons à
Caen n’est qu’un exemple.
Le travail proposé au sujet suicidant (qui n’est pas encore un «  patient »,
faute d’avoir abouti sur la construction d’hypothèses diagnostiques et de
s’être inscrit dans un parcours de soin) est initialement la construction d’un
projet de sortie de crise suicidaire. Parallèlement, le sujet est invité à partici-
per à la construction d’hypothèses diagnostiques assorties de propositions
thérapeutiques.
En matière de suicidologie, il y a au moins deux façons de conceptualiser
le diagnostic : le diagnostic de situation et le diagnostic de trouble, ce der-
nier pouvant se décliner sur plusieurs axes – l’axe de la pathologie, l’axe de
la personnalité et l’axe de la perturbation de la problématique de liens avec
l’entourage signifiant.
Si les propositions thérapeutiques sont du ressort de l’équipe soignante, la
construction des hypothèses diagnostiques est réalisée dans un partenariat
entre le sujet, les soignants, et l’entourage signifiant, selon plusieurs grilles
de lecture possible. Cette construction conjointe de l’hypothèse diagnosti-
que est le meilleur garant de l’authenticité de l’alliance thérapeutique, de
l’acceptation de la prescription, psychothérapique ou médicamenteuse, et
de son suivi.
Il paraît important à cet égard de procéder en partant du plus complexe
vers le plus simple : mettre à plat les problématiques les plus complexes,
qu’elles soient individuelles ou contextuelles, avant d’envisager les hypo-
thèses les plus linéaires et les thérapeutiques les plus simples.
C’est ainsi que dans les pathologies majeures concernées par le suicide
(troubles de l’humeur et psychoses, pathologie borderline), s’il est impor-
tant de vérifier l’adéquation du traitement biologique de fond, on ne peut
faire l’économie, en cas de réitération suicidaire, d’un nouvel examen de
l’évolution de la psychopathologie personnelle ou d’une modification des
paramètres psychosociaux.
Outils thérapeutiques 223

Dans les troubles inauguraux (premiers gestes, troubles de l’adaptation


avec symptômes anxieux et/ou dépressifs), une analyse approfondie, pluri-
dimensionnelle, s’impose simultanément à l’apaisement de la crise, et c’est
à cet égard que la pluridisciplinarité est un outil essentiel visant à obtenir
du sujet et de sa crise suicidaire une vision globale autorisant une hiérarchi-
sation des approches thérapeutiques. Ce n’est qu’après échec des hypothèses
et des techniques les plus complexes (psychodynamiques en général) qu’un
trouble récent et apparemment réactionnel pourra révéler sa nature patho-
logique et imposer un traitement biologique adapté.
Dans de nombreux cas, la prise en compte de la complexité situation-
nelle, des blessures anciennes encore actives et d’événements de vie permet
d’obtenir une disparition des symptômes adaptatifs en même temps qu’une
mise à distance de la problématique suicidaire. C’est lorsque tout a pu être
entrepris pour rendre possible ce travail et que l’on n’observe plus aucun
changement positif que le patient peut sembler englué dans une difficulté
à penser sa crise, que des hypothèses mettant en jeu l’énergie psychique ou
les dimensions de ralentissement ou de rumination peuvent s’imposer, et
que la rupture par rapport à l’état antérieur peut être resituée dans une dy-
namique dépressive (par exemple). Hors le cas des pathologies déjà identi-
fiées ou majeures, le recours aux thérapeutiques psychotropes n’est légitime
qu’au terme de ce processus d’élaboration diagnostique partagée.

Psychothérapie au-delà de la crise suicidaire


Le travail de crise, ou le travail sur la crise suicidaire, a pour objectif de
mener le patient vers l’exploration de soi, et la recherche de nouvelles so-
lutions à son mal-être. Cette démarche peut conduire à l’engagement d’un
travail psychothérapique qui idéalement ne devrait plus être grevé par cette
épée de Damoclès qu’est le passage à l’acte. À cet égard, les principes géné-
raux des psychothérapies prévalent. Le travail psychothérapique consiste à
favoriser l’élaboration verbale et la relance d’un processus de pensée visant
à donner du sens. La co-construction (par le sujet et avec le thérapeute) d’un
déroulé biographique cohérent vise à (ré)concilier mémoire épisodique et
mémoire sémantique.
Chez les patients qui se sont signalés par un geste de rupture aussi radical que
le geste suicidaire, le travail sur le lien et sur l’affiliation est essentiel. D’autant
plus lorsque la problématique de l’attachement est prépondérante. Si l’on se
réfère à ce qui a été résumé au chapitre 5, « Données psychopathologiques »,
travailler sur l’attachement chez des suicidants revient à travailler sur les re-
présentations du soi, ainsi que sur les représentations des autres. Soulignons
qu’il s’agit bien de « représentations », et que ces représentations ne sont pas
figées. Lorsque ces représentations aboutissent à des schémas d’attachement
insécures, l’objectif est de faire évoluer les modèles internes opérants.
224 Prise en charge des conduites suicidaires

Dans le cas des suicidants chez qui les expériences précoces négatives
sont si fréquentes, la réactivation des MIO anciens par les difficultés inter-
personnelles récentes peut être reprise et analysée dans la thérapie, dans la
perspective d’une « expérience correctrice » (Guedeney et al., 2006).
Il n’est pas illusoire d’espérer, en réunissant le sujet et ses imagos paren-
tales, modifier ces représentations, nombre de familles s’avérant étonnam-
ment capables de verbaliser des émotions positives qui n’avaient pu l’être à
l’origine, ou d’expliciter les difficultés qu’elles rencontraient dans l’enfance
du sujet, permettant dans une certaine mesure à celui-ci de mettre en pers-
pective sa propre souffrance avec celle des siens.
Le travail sur l’estime de soi est un autre axe psychothérapique désormais
bien codifié.
Au-delà de la crise, l’abord psychothérapique du patient suicidaire est
semé d’écueils. Hendin et al. (2006) ont recensé 36 suicides de patients sui-
vis au long cours par 36 thérapeutes, prescrivant ou non des psychotropes
en association avec la psychothérapie. L’évaluation approfondie de ces cas
tragiques, en séminaire, a permis de mettre en lumière les principaux mé-
canismes – parfois associés – qui ont été à l’œuvre dans ces échecs. Les re-
commandations issues de cette forme particulière d’autopsie psychologique
peuvent être classées en deux registres distincts et complémentaires.

Difficultés et particularités de l’abord psychothérapique


Nécessité d’aménagements
Le travail avec des patients suicidants implique des aménagements aux
principes psychothérapiques classiques. C’est ainsi qu’une communication
active entre les divers thérapeutes impliqués apparaît importante, le partage
d’informations pouvant permettre de mieux repérer les périodes à risque.
Même en position psychothérapique, on ne peut négliger la question de
l’observance thérapeutique quand une thérapeutique médicamenteuse est
indiquée. L’identification de composantes pathologiques qui entravent le
travail psychothérapique est d’autant plus essentielle que ces mêmes com-
posantes, que peuvent être l’anxiété ou les irruptions psychotiques, sont
suicidogènes. Un autre problème épineux est celui de la comorbidité d’abus
ou de dépendance toxique des patients suicidants. Là aussi, la permissivité
ou la minimisation de ce facteur de mauvais pronostic ne sont pas de mise,
même s’il n’est pas facile de conduire un patient qui ne le souhaiterait pas
à renoncer à certaines pratiques.

Position du thérapeute face aux idées de suicide


L’un des aspects les plus difficiles de la prise en charge au long cours de
patients suicidants est la position du thérapeute face à la résurgence de la
problématique suicidaire, lorsqu’un risque vital est identifié. Il s’agit d’une
Outils thérapeutiques 225

question qui devrait être abordée lors de la définition du cadre de l’accom-


pagnement thérapeutique. Il est alors légitime de présenter une éventuelle
réhospitalisation, si elle s’impose, comme un recours en cas de perte de
contrôle. Le patient ne devrait pas être disqualifié dans sa revendication
à rester maître de sa vie ou de sa mort, ce qui reste une décision intime.
Mais tant qu’il persiste à s’inscrire dans une relation thérapeutique, il doit
pouvoir accepter que le thérapeute puisse « prendre la main », soit plus ac-
tif et directif lors d’une éventuelle future crise dangereuse, justement pour
préserver la permanence de ce lien thérapeutique. Ces questions-là doivent
se travailler sereinement, à des temps de la prise en charge distants des mo-
ments de perte de contrôle émotionnel.
L’anxiété ou parfois la pusillanimité du thérapeute ont été évoquées dans
cette casuistique de suicidés, face à l’exploration de certaines pistes qui
auraient pu fournir un éclairage ou un levier pour la gestion de la problé-
matique suicidaire. Il en est ainsi de la négligence paradoxale de la sphère
de la sexualité, réelle ou fantasmée, ou de la prise en compte des rêves,
qui sont pour certains patients l’occasion d’exprimer sans trop les travestir
des sentiments ou des préoccupations suicidaires qui ne se seraient pas dits
autrement.

Définition des objectifs et contrôle de la thérapie


Le suicide comme moyen de contrôle de la thérapie
Des questions plus psychopathologiques surgissent, dans la position res-
pective du patient et du thérapeute quant au contrôle et aux objectifs de
la thérapie. Une des façons de prendre le contrôle est justement, pour le
patient suicidant, de mettre explicitement sa vie dans la balance pour
obtenir certaines réponses. L’exemple courant est l’aboutissement aux
hospitalisations itératives de suicidants qui savent présenter la menace
suicidaire comme une carte d’entrée, dans des contextes de services
d’urgences où, soit par inexpérience donc anxiété, soit par principe de
précaution, la réponse à la demande n’est pas différée et la nature de la
demande non analysée. Dans le cadre d’un processus thérapeutique en
cours, certains patients sont tellement attachés à l’éventualité suicidaire
qu’elle finit par trianguler la relation. Il est parfois possible de s’extraire
de cette problématique qui parasite le soin. La communication du plan
suicidaire peut être analysée comme une maîtrise du patient sur le théra-
peute ou comme la façon de se l’« attacher », dans un contexte relationnel
déshabité.

Ambivalence face au suicide et maîtrise contre-transférentielle


Dans certains cas, la perspective –  lointaine et théorique  – du suicide
peut être respectée comme l’ultime liberté, dans un contexte d’ambiva-
lence face à la mort, qui reste compatible avec le maintien de la relation
226 Prise en charge des conduites suicidaires

t­ hérapeutique. Lorsque le rendez-vous avec la mort dépend de circonstan-


ces extérieures, le thérapeute est désarmé. L’hospitalisation, même sous
contrainte, se justifie en cas de crise imminente, mais devient une mesure
dérisoire à laquelle le sujet peut toujours faire échec s’il l’a vraiment dé-
cidé, lorsque l’acte final est présenté comme mûrement calculé. S’il n’est
alors pas possible de travailler les déterminants psychiques de ce qui est
présenté comme une décision, c’est que le patient n’est plus dans le pro-
cessus thérapeutique.
Face à un patient qui communique un tel message, il est difficile de ne pas
sur- ou sous-réagir. Pourquoi a-t-il choisi de communiquer cette échéance
de mort, justement à un intervenant dédié à la protection de la vie ? Ana-
lyser les messages latents (agressifs, désespérés), en analysant ses propres
réactions contre-transférentielles (il n’est jamais agréable d’avoir, à tort ou
à raison, l’impression d’être pris dans un chantage au suicide), examiner la
compétence du sujet à prendre de telles décisions définitives sont des pistes
qui peuvent permettre de sortir de cette apparente impasse. Gutheil et
Schetky (1998) concluent, au terme de la présentation d’une demi-douzaine
de ces cas, que tenter de comprendre la douleur ou les sentiments de perte
d’espoir de certains patients ne revient pas à accepter les projets suicidaires.
Tous les suicides ne peuvent être évités, mais dans les cas les plus inextrica-
bles, le dernier espoir reste le maintien du cadre thérapeutique, dont l’une
des conditions est que le thérapeute puisse résister à l’envahissement par
l’angoisse engendrée par la perspective de l’échec.

Place des médications psychotropes


On pourrait penser que le traitement des pathologies suicidogènes consti-
tue une réponse adéquate à cette problématique. Les taux de mortalité sui-
cidaire devraient alors diminuer constamment, parallèlement aux progrès
de l’implantation de thérapeutiques étiologiques, qu’elles soient à visée
thymique ou à visée antipsychotique. C’est d’autant plus vrai que les don-
nées des autopsies psychologiques mettent bien en avant la prépondérance
des pathologies avérées dans la réalisation de gestes suicidaires aboutis.
Malheureusement, il n’en est rien, et tout se passe comme si, en dépit des
efforts et des bonnes résolutions (directives de bonnes pratiques thérapeu-
tiques, algorithmes thérapeutiques et autres campagnes d’information à
la qualité du diagnostic et du soin), la mortalité suicidaire restait incom-
pressible. En France, malgré les efforts consentis depuis 1995 avec les pro-
grammes régionaux de santé, les conférences de consensus, l’implantation
de services de crise, de post-urgence ou de suicidologie un peu partout, le
nombre de décès annuels par suicide ne parvient pas à passer sous la barre
des 10 000.
Outils thérapeutiques 227

À partir du marqueur « tentative de suicide », le devenir des sujets dans


l’année qui suit comporte très souvent des suicides aboutis, dont la fréquence
est influencée par la présence de pathologies psychiatriques associées.
Une cohorte de 39 685 suédois ayant été hospitalisés entre 1973 et 1982
pour une tentative de suicide a ainsi été examinée sur le critère du suicide
accompli jusqu’en 2003 (Tidemalm et al., 2008). La majorité des décès ont
eu lieu dans les deux premières années de suivi, associés à un diagnostic de
trouble bipolaire (64 % des suicides masculins et 43 % des suicides fémi-
nins) ou à un diagnostic de schizophrénie (56 % chez les hommes et 54 %
chez les femmes). Sur la période globale, un diagnostic de schizophrénie
multiplie par plus de 4 le risque d’issue fatale suicidaire, un diagnostic de
trouble bipolaire introduit un coefficient de 3,5 et un diagnostic de trou-
ble dépressif récurrent multiplie ce risque par  2,5. En termes de gain de
vies sauvées, les efforts les plus intenses devraient porter sur les pathologies
les plus fréquentes, à savoir les pathologies dépressives, dont l’incidence
est quatre fois plus grande même si les gestes sont moins fréquemment
létaux, plutôt que sur les catégories plus lourdes que sont respectivement
la schizophrénie et le trouble bipolaire. Ces dépressions de tous types qui
ne rentrent pas dans les groupes de trouble bi- ou unipolaire sont aussi les
plus difficiles à identifier, comme le montre leur sous-diagnostic par rapport
aux troubles les plus bruyants. Ces trois grandes catégories de troubles psy-
chiatriques patents sont à considérer comme les cibles d’une optimisation
thérapeutique sur la période probablement la plus féconde pour mettre en
place une telle stratégie thérapeutique, à savoir les deux ans qui suivent un
geste suicidaire.
Sans proposer un abrégé psychopharmacologique, il est cependant utile
de rappeler les principales règles de bonnes pratiques de prescription.
Ces règles, tout en étant généralement validées par les données de l’evi-
dence based medicine (EBM), tout en étant dans les directives publiées par la
plupart des associations académiques au travers du monde médical, tout en
ayant donné lieu à de multiples propositions d’arbres décisionnels (algo-
rithmes), sont dramatiquement sous-exploitées, négligées, que ce soit par
les médecins de première ligne ou par les spécialistes. Nous nous attarde-
rons particulièrement sur le traitement pharmacologique des troubles de
l’humeur, dont l’éventuelle inadéquation constitue en soi un facteur de
risque de suicide ou de réitération suicidaire.

Épisodes dépressifs et antidépresseurs


La prise en charge thérapeutique globale de la maladie dépressive confronte
le psychiatre à une triple tâche :
• traiter l’épisode dépressif jusqu’à la rémission des symptômes et le retour
stable à l’état antérieur ;
228 Prise en charge des conduites suicidaires

• traiter la maladie dépressive dans sa potentialité évolutive, en prévenant


la survenue de nouveaux épisodes (environ une dépression sur deux s’avère
récurrente) ;
• traiter le terrain, c’est-à-dire s’adresser aux facteurs de fragilité manifestes
dans la période intercritique ou développer les mécanismes de défense per-
mettant de mieux faire face à la survenue de nouveaux épisodes.
Le volet médicamenteux de cette stratégie thérapeutique repose principa-
lement sur l’utilisation des antidépresseurs, mais peut aussi faire appel aux
régulateurs de l’humeur.
Les phases du traitement de la dépression récurrente se succèdent en
parallèle aux stades de la maladie, avec les définitions actuelles d’épisode,
de rémission (partielle et totale), de rechute, de guérison et de récidive
(figure 16-1).

Figure 16-1
Phases de la dépression : évolution spontanée et sous traitement.

Phase initiale : le traitement de l’épisode dépressif


Les principes thérapeutiques de l’utilisation des antidépresseurs dans le trai-
tement de l’épisode dépressif majeur sont bien codifiés :
• obtention d’une posologie thérapeutique aussi rapide que possible
compte tenu du terrain, de la forme clinique et de la molécule, en prenant
en compte la tolérance individuelle ;
• maintien de la posologie maximale tolérée, pendant une durée suffisante
à la survenue d’une rémission. Une rémission d’au moins 50 % de la symp-
tomatologie initiale est obtenue en principe en 3 à 4 semaines ;
Outils thérapeutiques 229

• obtention d’une rémission complète, par poursuite ou intensification du


traitement. Un état asymptomatique ou au moins un retour à l’état anté-
rieur survient en 2 à 3 mois si le terrain sur lequel s’inscrivait le mouvement
dépressif comportait déjà des symptômes d’autres registres, qu’une simple
médicamentation ne saurait suffire à réduire (trouble de la personnalité,
comorbidité anxieuse ancienne par exemple) ;
• maintien de l’état de rémission pendant 4 à 6 mois, de façon à parvenir à
une forte probabilité de guérison de l’épisode. Cette phase de traitement d’en-
tretien correspond à la prévention de la rechute, considérée comme la reprise
du processus en cause dans la production de l’épisode. Du point de vue de la
suicidologie, la rechute sous traitement est une éventualité importante de fac-
teur de risque de découragement, de perte de confiance et de passage à l’acte.
Les molécules antidépressives disponibles peuvent être classées en catégo-
ries relativement homogènes :
• antidépresseurs de dernière génération :
– inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine,
– inhibiteurs bisélectifs (sérotoninergiques et noradrénergiques) ;
• antidépresseurs de première génération :
– imipraminiques (souvent appelés tricycliques encore que tous ne
soient pas réellement tricycliques),
– inhibiteurs de la monoamine oxydase.
Antidépresseurs de seconde génération : inhibiteurs sélectifs
et bisélectifs
Ils sont utilisés prioritairement chez les déprimés dont la problématique
suicidaire est prévalente, du fait de leur moindre toxicité en cas d’ingestion
massive.

Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine ou IRS (tableau 16-1)


Ces IRS ont en commun le mécanisme d’action par inhibition de la recap-
ture de la sérotonine, avec quelques nuances d’intensité et de spécificité, la
fluoxétine se distinguant des autres par un métabolisme particulièrement
long. Ils ont aussi en commun un profil d’effets secondaires centrés sur la

Tableau 16-1
Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine
Fluvoxamine Floxyfral® 100-300 mg
Fluoxétine Prozac®
20 mg
Sertraline Zoloft® 50-100 mg
Citalopram (escitalopram) Séropram (Seroplex )
® ®
20 mg (10 mg)
Paroxétine Deroxat® 20-40 mg
Venlafaxine Effexor ®
> 150 mg/j
230 Prise en charge des conduites suicidaires

Tableau 16-2
Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la noradrénaline et de la
sérotonine
Venlafaxine Effexor® 150-375 mg
Minalcipran Ixel® 100 mg
Duloxétine Cymbalta ®
60 mg

sphère digestive, avec nausées et ramollissement des selles, disparaissant le


plus souvent après quelques jours.

Inhibiteurs bisélectifs (tableau 16-2)


Ces agents inhibent la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline par-
fois d’une façon dose-dépendante, comme la venlafaxine qui agit comme
des IRS à posologie faible ou moyenne, et comme IRSNA (inhibiteur de la
recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) à plus forte posologie. Un
certain nombre d’études suggère que venlafaxine et mirtazapine pourraient
avoir une puissance d’action antidépressive supérieure à certains IRS, ce qui
les situerait, en puissance antidépressive, mais sans leurs inconvénients, à
proximité des imipraminiques.

Autres classes (tableau 16-3)


Miansérine et tianeptine sont des antidépresseurs de mécanismes d’action
et de structure assez hétéroclites, souvent qualifiés de «  non-IMAO, non-
imipraminiques ».

Antidépresseurs de dernière génération : que choisir ?


Une importante méta-analyse de Cipriani et al. (2009) fournit quelques in-
dications grâce l’exploitation de bases de données d’essais thérapeutiques
contrôlés concernant les douze antidépresseurs les plus récents. Mirtazapine,
escitalopram, venlafaxine et sertraline sont apparus significativement plus
efficaces que la duloxétine, la fluoxétine, la fluvoxamine, la paroxétine et la
réboxétine, cette dernière étant significativement moins efficace que chacun
des autres. Escitalopram et sertraline avaient un meilleur profil d’acceptabilité
que la duloxétine, la fluvoxamine, la paroxétine, la réboxétine et la venlafaxine,
avec moins d’arrêts de traitement. Pour ces auteurs, les meilleurs choix
seraient l’escitalopram et la sertraline, les moins recommandables seraient la
duloxétine et la réboxétine, cette dernière n’ayant d’ailleurs pas bénéficié de

Tableau 16-3
Antidépresseurs atypiques
Miansérine Athymil® 60-120 mg
6-Aza-miansérine Norset ®
15-45 mg
Tianeptine Stablon® 37,5 mg
Outils thérapeutiques 231

l’approbation de la FDA. Ces considérations, fondées sur des données statisti-


ques, doivent être prises avec prudence, la clinique individuelle pouvant gui-
der le thérapeute vers des choix différents. En ce qui concerne les indicateurs
de risque suicidaire sous traitement antidépresseur, une analyse exhaustive
de l’ensemble des essais contrôlés effectués avec la sertraline (10 917 patients
sous produit actif, 9 006 sous placebo), en se conformant aux exigences ré-
centes de la FDA, y compris dans la définition des tranches d’âge, ne montre
aucune différence significative en termes de suicidalité entre produit actif et
placebo, y compris chez les 18-25 ans (Vanderburg et al., 2009). Des analyses
du même type sont attendues de la part des autres fabricants d’antidépres-
seurs. La molécule qui suscite le plus de prudence, dans cette classe des IRS/
IRSNA, reste jusqu’à plus ample information la venlafaxine.

Antidépresseurs de première génération


Moins maniables (mais pas moins efficaces), ils sont moins utilisés que les
antidépresseurs plus récents et plus sélectifs. De surcroît, chez les suicidants,
les imipraminiques, dont le chef de file est l’imipramine, la clomipramine
(Anafranil®) restant le produit le plus utilisé en France, sont évités en pre-
mière intention du fait de leur danger en cas d’ingestion massive, sans par-
ler de leurs effets secondaires qui sont :
• un effet anticholinergique (sécheresse de bouche, risque en cas de glau-
come à angle fermé, trouble de la vue, constipation) ;
• un effet adrénolytique entraînant une hypotension orthostatique ;
• un effet direct sur la conduction cardiaque leur conférant un risque par-
ticulier en cas d’ingestion à visée autolytique.
Ces médicaments sont donc moins utilisés et sont souvent gardés en ré-
serve pour les formes les plus graves de dépression ou pour le contexte de
prescription hospitalière.

Inhibiteurs de la monoamine oxydase ou IMAO


Les IMAO agissent en inhibant la monoamine oxydase ce qui, par diminu-
tion du catabolisme, augmente la concentration des amines biogènes. En
France, seule l’iproniaside (Marsilid®) reste disponible. Les principes de mise
en œuvre d’un traitement par IMAO sont assez contraignants. Un régime
pauvre en tyramine doit être expliqué au patient, de même que des pré-
cautions particulières liées au grand nombre d’interactions thérapeutiques.
Le traitement par IMAO est réservé aux dépressions atypiques n’ayant pas
répondu aux antidépresseurs habituels, et n’a guère d’application spécifique
ou doit être évité chez les suicidants du fait du risque toxique.

Instauration du traitement
Pour nombre d’antidépresseurs récents, notamment les sérotoninergiques,
il n’y a pas de précautions particulières à prendre, la posologie habituelle-
ment efficace étant atteinte d’emblée dans la dépression.
232 Prise en charge des conduites suicidaires

Pour les imipraminiques, la dose efficace est atteinte par paliers afin de
minimiser les effets indésirables, notamment les effets hypotenseurs, sur-
tout chez le sujet âgé.
L’objectif du traitement de l’épisode est l’obtention d’une rémission totale.
En effet, si le patient demeure symptomatique au-delà des 4 à 6 semaines
de traitement aigu ou s’il conserve des troubles sous-syndromiques ou
des symptômes résiduels, le risque de rechute est grand et, par ailleurs, les
conséquences en termes de qualité de vie, de retour au niveau d’activité
antérieur et de difficulté à restaurer le réseau relationnel social ou affectif
restent importantes. Tous ces éléments sont susceptibles de faire le lit d’une
réapparition d’idées suicidaires.
Dans cette perspective, en cas de persistance de symptômes thymiques
non réduits par un traitement conduit selon les règles, tant en posologie
qu’en durée, il s’avère nécessaire soit de changer de traitement antidépres-
seur, soit d’envisager des stratégies de potentialisation.

Changer de traitement antidépresseur


Changer de traitement antidépresseur signifie par exemple remplacer un sé-
rotoninergique par un noradrénergique, un médicament monoaminergique
par un bi-aminergique, ou remplacer un antidépresseur sélectif par un
antidépresseur de première génération. Mais il existe également des obser-
vations où le remplacement d’un sérotoninergique par un autre s’est avéré
efficace. L’empirisme domine cette question.

Stratégies de potentialisation : le lithium


La stratégie de potentialisation la plus connue demeure l’adjonction de li-
thium au traitement antidépresseur. Proposée par de Montigny et al. (1981,
1983), la justification théorique d’une telle approche serait la potentiali-
sation sérotoninergique. L’efficacité de cette technique peut être considé-
rée comme démontrée et, en pratique, il est conseillé de rechercher une
lithiémie moyenne de 0,80  mmol/l. L’effet de potentialisation thymique
est généralement rapide et peut se manifester dans les trois premiers jours
du traitement. Si l’humeur ne s’est pas améliorée en 2 à 3 semaines, l’asso-
ciation peut être écartée.
En cas de succès, cette stratégie thérapeutique est à poursuivre pendant
la durée supposée de l’épisode, voire au-delà dans les formes récurrentes,
surtout s’il y a une dimension suicidaire.

Autres potentialisations et associations d’antidépresseurs


La potentialisation par les hormones thyroïdiennes est ancienne et concerne
surtout les imipraminiques. La rationalisation biologique de cet effet
de potentialisation fait appel à la notion d’une action synergique sur
les récepteurs b-adrénergiques. Mais pour certains auteurs, la fonction
Outils thérapeutiques 233

thyroïdienne n’aurait pas été adéquatement explorée dans les essais théra-
peutiques concernés, et nombre de patients étudiés étaient tout simplement
réfractaires au traitement antidépresseur du fait d’une hypothyroïdie fruste.
Les rationalisations biochimiques des associations d’antidépresseurs sont
nombreuses et pas toujours convaincantes  : associer un sérotoninergique
et un noradrénergique, ajouter un dopaminergique, voire un psychostimu-
lant, associer un sédatif et un désinhibiteur, etc. Ces tâtonnements empiri-
ques ne sont fondés sur aucune étude sérieuse et ne sont pas conseillés.
Le thème du traitement des dépressions résistantes justifierait à lui seul
un volume. Doit être considérée comme dépression résistante une dépres-
sion laissant persister des symptômes spécifiquement dépressifs après 4  à
8 semaines de traitement antidépresseur bien conduit et sous étroite super-
vision clinique. À partir de là, tout doit être fait, dans une attitude thérapeu-
tique active, pour obtenir le retour à l’état antérieur, y compris l’association
à la démarche médicamenteuse d’un renforcement du volet psychothé-
rapique, notamment en cas de problématique suicidaire prévalente, avec
passage à l’acte violent ou réitérations suicidaires. Lorsqu’aucune approche
chimiothérapique ne semble efficace, l’humilité autorise à reconsidérer le
diagnostic et à réexaminer les interactions contextuelles cachées qui parfois
expliquent bien des situations d’impuissance thérapeutique.

Après la rémission
La nécessité de poursuivre le traitement au moins 4 mois après disparition
de la symptomatologie dépressive pour empêcher la rechute est dorénavant
bien admise.
Au terme de cette phase de 4 à 6 mois de traitement d’entretien (ou de
consolidation), la persistance de l’état de rémission permet d’espérer une
authentique guérison de l’épisode, avec la perspective d’arrêter du traite-
ment ou d’instaurer un traitement préventif d’éventuelles récidives.
Au décours d’un épisode unique, le traitement peut être interrompu plus
ou moins rapidement dans l’année qui suit la rémission. Ce peut être aussi
le cas dans les formes pauci-récurrentes définies par l’existence de moins de
trois épisodes en 5 ans.
La décision d’interruption du traitement doit prendre en compte divers
éléments qui sont :
• la qualité de la « guérison » ;
• la qualité du support social et affectif ;
• les particularités de la personnalité ;
• les facteurs de comorbidité ;
• les échéances existentielles prévisibles, la possibilité d’aborder les conflits
psychopathologiques ou les distorsions cognitives ;
• la demande du patient.
234 Prise en charge des conduites suicidaires

Chez un sujet récemment déprimé, l’expérience clinique suggère d’éviter


d’interrompre ce traitement pendant les mois d’hiver du fait d’un risque de flé-
chissement d’humeur saisonnier lié à la réduction de la durée d’éclairement.

Prévention des récidives


La prévention des récidives se discute à partir du second épisode et s’impose
à partir du troisième. L’indication augmente avec l’âge, la bipolarité, la fré-
quence des épisodes antérieurs s’ils sont d’intensité moyenne, leur intensité
ou leur létalité potentielle s’ils sont plus espacés, les antécédents familiaux
et les réponses thérapeutiques antérieures.
Excepté le lithium, le seul agent ayant réellement été étudié dans une
perspective prophylactique est la sertraline (Zoloft®) à l’aide d’une méthodo-
logie s’adressant à des patients fortement récurrents (trois épisodes dans les
4 dernières années), récemment guéris d’un épisode dépressif, restés asymp-
tomatiques après une période de sevrage sous placebo de 2 mois et n’ayant
pas reçu de sertraline pour leurs épisodes antérieurs. Dans ce contexte, la
sertraline administrée au long cours double les chances de maintien de la
rémission (Lépine et al., 2004)
Les autres études font dans l’ensemble appel à une méthodologie de pour-
suite du traitement ayant permis d’obtenir la rémission, la randomisation
s’effectuant généralement après une période d’intervalle libre de symptômes
durant entre 2 et 6 mois. Ces études sont résumées par Caillard (2003).

Critères de poursuite du traitement prophylactique


Chez un patient ayant fait plusieurs épisodes dépressifs, le facteur de risque
principal de récidives demeure l’interruption prématurée du traitement an-
tidépresseur.
La poursuite d’un traitement antidépresseur au long cours chez des pa-
tients ayant présenté des dépressions récidivantes permet, au-delà de la pre-
mière année après le dernier épisode, de diminuer le risque de récidives
dépressives ultérieures. C’est dans les 6 premiers mois suivant la rémission
d’un épisode que le risque de rechute est le plus important et que la pour-
suite du traitement est la plus nécessaire. Toutefois, passé ce délai, l’intérêt
de la poursuite du traitement, chez les patients ayant déjà présenté plu-
sieurs épisodes, ne fait guère de doute. La supériorité du produit actif sur le
placebo est cependant moins marquée dans les études au-delà d’un an que
dans celles d’une durée de 4 à 12 mois (Hirschfeld, 2001). Moins notée chez
les patients ayant eu peu d’épisodes antérieurs, cette supériorité du traite-
ment prophylactique devient indiscutable à partir du cinquième épisode
(Dawson et al., 1998).
Une bonne synthèse des indices en faveur d’un maintien quasi indéfini
d’un traitement à visée préventive, proposée par Greden (2001), est résu-
mée dans le tableau 16-4.
Outils thérapeutiques 235

Tableau 16-4
Critères d’identification des patients candidats à un traitement anti­
dépresseur à durée indéfinie dans le cadre du trouble dépressif récurrent
Au moins trois épisodes dépressifs caractérisés antérieurs lors des 5 années précédentes
Ou
Deux états dépressifs majeurs (EDM, ou états dépressifs caractérisés) antérieurs ou plus et un des
éléments suivants :
– histoire familiale de trouble de l’humeur avec au moins l’un des membres de la famille
atteint
– plus de 120 jours de la vie en EDM

Ou
Un ou deux EDM sévères antérieurs avec deux ou plus éléments suivants :
– âge précoce du premier épisode
– histoire familiale de trouble de l’humeur
– plus de 120 jours de la vie en EDM
– résistance au traitement
– psychose
– rechute précoce ou récidive immédiatement après l’arrêt du traitement
– antécédents de tentative de suicide ou persistance d’idéation suicidaire pendant les épisodes
– sévérité des épisodes (avec score à l’échelle de dépression d’Hamilton > 24)
– pathologies médicales ou environnement personnel ou professionnel qui rendent impré-
visibles l’évolution ou non vers la récidive
– présence d’une ou plus anomalies biologiques suivantes :
persistance d’une régulation anormale des hormones du stress
atrophie hippocampique ou amygdalienne à l’IRM, sans autre cause possible
EEG du sommeil anormal

Trouble bipolaire
Important pourvoyeur de tentatives de suicide, le trouble bipolaire, quelle
que soit sa forme clinique, dépression bipolaire ou excitation bipolaire, se
traite avant tout par les thymorégulateurs.
Toutefois, les cas sévères tout comme les états mixtes de forte sévérité, dé-
finis par un mélange de symptômes maniaques et mélancoliques, peuvent
faire recourir à l’électroconvulsivothérapie.
Il existe divers types de thymorégulateurs. Le chef de file est le lithium
et les autres appartiennent à la classe des anticonvulsivants. Des agents
d’autres familles, comme les neuroleptiques, ont pu être utilisés au long
cours comme thymorégulateurs, notamment en cas d’échec des thymoré-
gulateurs de première intention. Plus récemment, des neuroleptiques aty-
piques ont été approuvés par diverses autorités de régulation sanitaire dans
cette indication. Mais cela n’en fait pas, à notre sens, d’authentiques thy-
morégulateurs, et les risques métaboliques de la plupart de ces nouveaux
agents méritent considération.
236 Prise en charge des conduites suicidaires

Selon les recommandations de la British Association of Psychopharmaco-


logy (2003), de l’American Psychiatric Association (2002) et les consensus
d’experts aux États-Unis et en Europe, on choisit de préférence un anti­
psychotique par voie orale ou du valproate pour les épisodes maniaques ou
mixtes. S’il y a nécessité d’un traitement injectable, un neuroleptique ou
une benzodiazépine sont utilisés.
Le lithium et la carbamazépine sont à considérer également. En cas d’épi-
sode très sévère et/ou insuffisamment contrôlé par le traitement de première
intention, du lithium ou du valproate sont ajoutés à l’antipsychotique. La
clozapine est recommandée dans les cas très résistants. En cas d’échec ou de
contre-indication, la sismothérapie peut être envisagée. L’antipsychotique
atypique est le premier choix en cas de caractéristiques psychotiques non
congruentes à l’humeur.
Les antipsychotiques atypiques ont un effet rapide. Ils améliorent les
signes de la manie et sont antimaniaques avec une efficacité comparable à
celle des neuroleptiques de première génération. Dans les états maniaques,
ils sont, tout comme les neuroleptiques classiques, d’une efficacité plus ra-
pide que le lithium, ce qui les rend intéressants à utiliser dans les premières
semaines de l’administration du lithium, alors que cette molécule n’a pas
encore manifesté son efficacité.
Les antipsychotiques étudiés dans les troubles bipolaires sont l’aripipra-
zole, la rispéridone, la clozapine et l’olanzapine, la quétiapine et la ziprasi-
done n’étant pas disponibles en France.
Les antipsychotiques sont-ils des thymorégulateurs ?
Un thymorégulateur est défini par son efficacité dans le traitement des
épisodes aigus, le fait qu’il n’est pas inducteur d’un épisode inverse, qu’il
stabilise les cycles rapides et qu’il prévient les rechutes de manie et de dé-
pression. À l’heure actuelle, il n’y a pas de réponse consensuelle pour savoir
si les antipsychotiques sont des thymorégulateurs.
La monothérapie dans la manie est souvent insuffisante à court terme.
Les antipsychotiques sont probablement plus efficaces à cet égard que le
lithium et aussi efficaces que les thymorégulateurs anticonvulsivants. Ils
n’induisent pas de virage vers la dépression. La poursuite d’un traitement
de maintenance par les antipsychotiques réduit les risques de rechute et de
récidive.
Le seul thymorégulateur qui ait fait la preuve d’une action spécifique sur la
dimension suicidaire reste le lithium, et cet aspect est développé plus loin.
Les anticonvulsivants font l’objet actuellement d’une campagne d’infor-
mation par les autorités américaines qui alertent, à l’instar de ce qui s’est
passé pour les antidépresseurs, sur l’augmentation de la dimension suici-
daire.
Outils thérapeutiques 237

La FDA a passé en revue les données issues de 199  études contrôlées


concernant onze médicaments : carbamazépine (Tégrétol®), felbamate (Ta-
loxa®), gabapentine (Neurontin®), lamotrigine (Lamictal®), lévétiracétam
(Keppra®), oxcarbazépine (Trileptal®), prégabaline (Lyrica®), tiagabine (Ga-
bitril®), topiramate (Epitomax®), valproate (Depakote®), zonisamide (Zone-
gran®).
Ces données, incluant 27 863 patients traités et 16 029 patients recevant
le placebo, retrouvent quatre suicides dans les groupes traités, aucun sous
placebo, 105 mentions d’idées ou de conduites suicidaires chez les patients
traités, contre  35 sous placebo. Le risque est maximal dans les premières
semaines du traitement.
En fait, tous les anticonvulsivants cités ne sont pas utilisés comme thymo-
régulateurs et, surtout, ce type d’alertes, susceptible de perturber la démar-
che thérapeutique en vertu d’un principe de précaution disproportionné,
est fondé sur des analyses statistiques non exemptes de critique (Klein,
2006). En l’occurrence, pour les anti-épileptiques, il est aussi apparu que le
« risque » suicidaire concernait les épileptiques, et nullement les patients
traités pour des troubles thymiques.

Psychoses
En dehors du cas particulier de la clozapine, il n’est pas vraiment démon-
tré que l’optimisation de la prise en charge thérapeutique des psychoses
diminue la morbidité suicidaire. En fait, les essais thérapeutiques de médi-
caments antipsychotiques ne montrent pas de différence à court et à long
termes entre les paramètres suicidaires chez les patients traités par médi-
caments et ceux qui reçoivent du placebo (Storosum et al., 2003, rassem-
blant 31 études totalisant 1 888 sujets sous placebo et 5 264 recevant divers
neuroleptiques). Sur le plus long terme (comparaison de cohortes pendant
10 ans), une étude chinoise (Ran et al., 2009) ne trouve aucune différence
entre les sujets traités et ceux qui ne l’ont jamais été, que ce soit en termes
de mortalité globale ou de mortalité suicidaire.
Quoi qu’il en soit, au niveau individuel, les thérapeutiques antipsychoti-
ques doivent obéir à un certain nombre de principes :
• elles ne sauraient, hors le cas de l’urgence floride, être imposées seules,
sans avoir pris le temps de créer un lien d’alliance thérapeutique et de ga-
gner l’assentiment du patient ;
• il existe suffisamment de molécules aux profils psychopharmacologiques
différents et de profils d’effets indésirables différents pour qu’il soit possible
de trouver le traitement qui serait le plus adapté à tel patient donné ;
• les effets indésirables doivent être détectés précocement, corrigés si
possible ; sinon, il faut modifier le traitement. L’akinésie ou l’akathisie ne
sont plus acceptables et encore moins les prises de poids incontrôlables
238 Prise en charge des conduites suicidaires

accompagnées de perturbations potentiellement dangereuses des paramètres


lipidiques, l’induction de diabètes ou les syndromes galactorrhéiques, pour
ne prendre que quelques exemples. Tout ce qui porte atteinte au corps ou à
l’image du corps est à proscrire. Ce n’est que dans les cas (heureusement les
moins fréquents) de psychoses florides résistantes que certains effets secon-
daires seront difficiles à éviter avec les molécules de dernière intention.
Neuroleptiques
On oppose actuellement les neuroleptiques typiques aux neuroleptiques
dits atypiques, parfois dénommés « antipsychotiques » comme pour se
démarquer du concept de neuroleptique des débuts de la psychophar-
macologie.
Neuroleptiques de première génération :
• phénothiazines (ex-lévomépromazine) ;
• thioxanthènes (ex-flupentixol) ;
• butyrophénones (ex-halopéridol) ;
• benzamides (ex-sulpiride).
Neuroleptiques de seconde génération (dits atypiques) :
• dibenzodiazépines (clozapine, olanzapine et quétiapine) ;
• benzisoxazoles (rispéridone et sertindole) ;
• quinolinones (aripiprazole).
Dans le traitement d’un épisode psychotique aigu, des posologies mo-
dérées de neuroleptiques de première génération (c’est-à-dire équivalant
à moins de 10 mg/j d’halopéridol, soit des taux plasmatiques inférieurs à
18 ng/ml) sont au moins aussi efficaces que des posologies plus élevées (Coryell
et al., 1998).
Ces doses modérées sont également efficaces sur la dépression associée,
alors que des doses plus élevées peuvent entraîner des effets extrapyrami-
daux, une akathisie, une aggravation d’un dysfonctionnement préfrontal,
et avoir un effet dépressogène.
Les neuroleptiques atypiques sont positionnés, notamment par les forces
de vente des industriels du médicament, comme moins enclins à provoquer
de tels effets, voire à posséder une composante antidépressive. Les méta-
analyses indépendantes sont moins flatteuses. Ils ne sont pas non plus in-
demnes de risque somatique, avec des effets métaboliques (prise de poids,
troubles lipidiques, résistance à l’insuline, diabète, risque cardiaque chez les
sujets âgés) qui doivent en faire peser soigneusement les indications dans
les troubles de l’humeur. Par ailleurs, à l’exception notable de la clozapine,
les neuroleptiques atypiques ne sont pas plus que leurs ancêtres compara-
bles au lithium sur la dimension suicidaire.
En fonction du patient (terrain et sensibilité personnelle à tel effet se-
condaire), on pourra privilégier le Charybde du neuroleptique classique,
Outils thérapeutiques 239

à posologie aussi faible que possible, au Scylla du neuroleptique atypique,


avec la surveillance biologique et métabolique qui s’impose.
Le choix du neuroleptique dépend également de l’efficacité des traite-
ments pris antérieurement lorsqu’il ne s’agit pas du premier épisode. Les
formes d’action prolongée doivent être réservées aux patients non obser-
vants ou à ceux qui préfèrent cette voie d’administration qui délivre, somme
toute, une dose totale mensuelle inférieure à l’équivalent thérapeutique en
administration orale quotidienne.
Sur le long terme, citons les recommandations de l’American Psychiatric
Association, énoncées en 2004 :

Le choix d’un neuroleptique atypique par rapport à un autre


n’est pas guidé par la recherche d’une plus grande efficacité (sauf
pour la clozapine qui doit être réservée aux patients n’ayant pas
ou peu ­répondu à deux neuroleptiques ou ayant des idées ou un
comportement suicidaire n’ayant pas répondu aux autres traite-
ments), mais par le profil d’effets indésirable de chacun de ces
médicaments.
Ainsi, un patient ayant une mauvaise tolérance neurologique ne
devra pas être traité par de la rispéridone à forte dose. La rispéri-
done n’est pas recommandée non plus en cas d’antécédent d’hy-
perprolactinémie.
En cas d’antécédent de prise de poids, d’hyperglycémie ou d’hy-
perlipidémie, éviter les dibenzodiazépines et utiliser plutôt l’ari-
piprazole.

Mais en ce qui concerne la prise en charge du risque suicidaire, excepté


le cas de l’effet spécifique attribué à la clozapine, la stratégie repose, au-delà
de l’optimisation du traitement de la psychose en évitant les effets secon-
daires (correcteurs, choix de la molécule) à la posologie efficace la plus fai-
ble, sur les mesures d’accompagnement psychosociales, psycho-­éducatives,
psychothérapiques, voire antidépressives si un syndrome ­dépressif se
constitue.

Problème de l’akathisie
L’akathisie est l’incapacité de rester immobile. On parle aussi d’impatiences
dans les membres inférieurs, obligeant le patient à un piétinement forcé et
à des déambulations impérieuses (tasikinésie). Elle s’accompagne d’agace-
ment, d’angoisses, voire d’idées suicidaires, d’où l’importance de la repérer,
ce qui est facile, et surtout de la traiter.
Elle est très peu présente chez les patients traités par clozapine, olanza-
pine ou amisulpride (une étude comparant sa prévalence chez 103 patients
la retrouve chez environ 7 % des patients traités par clozapine, 17 % des
240 Prise en charge des conduites suicidaires

patients traités par rispéridone contre 24 % des patients traités par neuro-
leptiques classiques). Elle est deux fois moins fréquente chez les patients
traités par olanzapine (2,5 à 17,5 mg/j) que chez ceux traités par halopéridol
(10 à 20 mg/j, ce qui, rappelons-le, est dans la majorité des cas une poso-
logie plus forte que nécessaire), mais aussi fréquente sous aripiprazole que
sous neuroleptiques classiques.

Maladies anxieuses
Dans les maladies anxieuses constituées (troubles phobiques, obsessionnels,
post-traumatiques, panique), l’approche médicamenteuse n’est pas systé-
matiquement privilégiée. Elle ne doit être envisagée qu’en complément
d’une approche psychothérapique ou malheureusement, à défaut, lorsque
le contexte psychosocial ou le réseau sanitaire psychiatrique est défaillant à
assurer l’accès aux soins psychologiques.
Le traitement psychotrope se conçoit de toute façon selon deux axes : le
traitement de fond et les traitements ponctuels associés. Le traitement de
fond, sous forme d’une cure durable prolongée, fait appel généralement à
des antidépresseurs le plus souvent de dernière génération du fait de leur
meilleure tolérance. Tous ont d’ailleurs peu ou prou l’indication pour la
plupart des maladies anxieuses (trouble panique, phobie sociale, anxiété
généralisée, trouble obsessionnel compulsif). Les principes de ces cures
­diffèrent peu de ceux d’une cure antidépressive, à quelques nuances près : si
l’effet antidépresseur nécessitait quelques semaines à se manifester pleine-
ment, l’effet anxiolytique peut prendre un peu plus de temps, de 1 à 3 mois.
Les posologies recommandées peuvent être quelque peu différentes : un peu
plus faibles pour la venlafaxine ou la clomipramine dans les états anxieux
paroxystiques ou l’anxiété généralisée, et nettement plus élevées dans le
trouble obsessionnel.
En dehors du traitement de fond associé si possible à une approche psy-
chothérapique, des prescriptions symptomatiques ou en appoint disconti-
nu pour contrôler d’éventuels paroxysmes anxieux peuvent être nécessaires
dans les premières semaines du traitement de fond. Ces traitements peuvent
faire appel à des benzodiazépines, sur des périodes aussi brèves que possibles
ou selon des modalités discontinues, afin d’éviter le risque d’accoutumance
et de dépendance. D’autres agents psychotropes – Atarax®, neuroleptiques
sédatifs à petites doses (Nozinan®, Tercian®, Largactil®), miansérine à faible
posologie – peuvent être proposés.

Comorbidité anxieuse
Nous l’avons vu, la composante anxieuse de tout trouble psychiatrique
suicidogène, même quand ce n’est pas une véritable comorbidité, constitue
un facteur globalement aggravant et un facteur de risque de décourage-
ment, voire de raptus suicidaire. C’est pourquoi il convient d’être attentif,
Outils thérapeutiques 241

notamment dans les phases précoces du traitement d’un trouble de l’humeur


ou d’un trouble psychotique, à maîtriser cette composante, quitte à préférer
l’instauration d’un traitement en milieu protégé ou à proposer une poly-
thérapie sédative. Les traitements associés, en garantissant le retour à un
rythme nycthéméral et la maîtrise des paroxysmes anxieux, doivent être
proposés, avec le même souci d’éviter administration trop prolongée, régu-
lière, et en évitant si possible les substances les plus addictives.

Existe-t-il des médicaments antisuicide ?


Cette question un peu provocante se pose dans la mesure où les traitements
des pathologies suicidogènes non seulement ne peuvent pas être considé-
rés comme directement antisuicidaires mais, dans la plupart des cas, com-
portent des risques (heureusement généralement transitoires) d’augmen-
tation de la dimension suicidaire, soit par effet dépressogène comme cela
a été évoqué pour les antipsychotiques, soit par effet d’«  activation  » de
cette dimension ou par contrecoup de la désinhibition anxieuse ou éner-
gétique pour les antidépresseurs, soit également par un effet suicidogène
soupçonné pour les thymorégulateurs comportant un mécanisme d’action
anticomitial.
L’existence d’une action spécifiquement antisuicidaire a cependant pu
être évoquée pour certains agents, comme la clozapine dans la catégorie des
antipsychotiques ou le lithium dans la catégorie des thymorégulateurs. Ces
données sont à connaître, car ces médicaments, qui ne sont pas les plus ma-
niables même si leur efficacité fait référence, mériteraient d’être privilégiés
dans les sous-populations caractérisées par une réactivité suicidaire hors du
commun.

Clozapine
Numériquement moindres dans la mesure où la schizophrénie est moins
fréquente que les pathologies thymiques, les gestes suicidaires de ces pa-
tients n’en sont pas moins lourds de conséquence en termes de pertes en
vies humaines, car ils sont le plus souvent déterminés, violents et létaux.
Or, il est permis de penser que le traitement approprié des diverses phases
de la psychose est de nature à diminuer le risque de suicide, tout comme
d’ailleurs le traitement approprié des dépressions doit faire chuter le risque
d’issue suicidaire. Il n’en reste pas moins que les neuroleptiques ont intrinsè-
quement des propriétés qui ont pu être impliquées dans le risque suicidaire,
que ce soit par « deuil » du délire, effets pharmacologiques dépressogènes
intrinsèques ou effet pharmacologique indésirable comme l’akathisie. Seule
la clozapine (Leponex®) semble échapper à ces critiques. Ce neuroleptique
de première génération, transitoirement abandonné à cause de ses effets
242 Prise en charge des conduites suicidaires

secondaires (hypersialorrhée, prise de poids et surtout agranulocytose


imposant une surveillance étroite), s’est avéré être le chef de file de la classe
des neuroleptiques atypiques et s’est à nouveau imposé dans la pharmacolo-
gie des psychoses dans l’indication des schizophrénies résistantes. Hennen
et Baldessarini (2005) ont recensé six études de prescription de clozapine
comparée à d’autres antipsychotiques, et ont procédé à une méta-analyse de
ces résultats comportant une évaluation du risque suicidaire. Ils concluent
globalement que le risque de geste suicidaire est 2,38 fois plus important
avec les neuroleptiques prescrits, de première comme de deuxième génération,
qu’avec la clozapine. Ils observent aussi que le rapport de risque n’a cessé de
diminuer au fil des ans, passant de 7,35 en 1995 à 1,41 en 2003.
La dernière de ces études, l’International Suicide Prevention Trial (Intersept),
dirigée comme la première par Melzer  (2003), est certainement la plus
solide, car elle est prospective, sur 2  ans, et compare chez 980  patients
souffrant de schizophrénie ou de troubles schizo-affectif (dont plus d’un
quart était des patients considérés comme résistants), l’ensemble étant
repéré par des tentatives de suicide antérieures, la clozapine et l’olanza-
pine. Il est utile de préciser que l’olanzapine est présentée par la firme qui
la commercialise comme l’« antipsychotique » moderne de référence, l’un
des moins dépressogènes. Malgré tout, la clozapine est significativement
supérieure à l’olanzapine dans la prévention des tentatives de suicide. On
ne peut mettre en évidence de différence dans le nombre de suicides abou-
tis, ces événements étant heureusement trop rares pour autoriser une ana-
lyse statistique. Mais c’est le cas pour la plupart des études de suicidalité,
y compris celles concernant les thymorégulateurs. L’existence d’un effet
spécifiquement antisuicide de la clozapine, au sein des agents antipsycho-
tiques, reste convaincante.

Thymorégulateurs : le cas du lithium


L’autre groupe de troubles psychotiques majeurs très coûteux en vies est
celui des troubles de l’humeur, et sont particulièrement concernés les trou-
bles bipolaires.
Le lithium est rapidement apparu, comme le montre une méta-analyse
de 34 études informatives réalisées en 2003 par Baldessarini et al. (16 221
patients, 42  groupes sous lithium depuis plus de 3  ans, 25  groupes sans
lithium suivis près de 6 ans), comme la substance de référence dans la pré-
vention des réitérations suicidaires (données adaptées dans la figure 16-2).
Une seconde méta-analyse réalisée selon les critères de la collaboration
Cochrane (Cipriani et al., 2005) confirme l’efficacité du lithium dans la
prévention du suicide, des gestes suicidaires mais aussi des décès de causes
diverses chez des patients souffrant de troubles de l’humeur. La différence,
particulièrement frappante dans la catégorie des troubles bipolaires, s’étend
Outils thérapeutiques 243

Figure 16-2
Méta-analyse comparant les taux de suicide et de tentatives de suicide (pour
100 patients/an) chez des sujets souffrant de troubles de l’humeur selon qu’ils
sont ou non traités par lithium, en référence à la population générale.
Source : adapté d’après Baldessarini et al. (2003)

à d’autres catégories de troubles de l’humeur non bipolaires, pour lesquelles


le lithium n’est pas habituellement prescrit en première intention (Guz-
zetta et al., 2007). L’hypothèse d’une action antisuicide du lithium étendue
à d’autres catégories diagnostiques en dehors des troubles de l’humeur, et
plus précisément les multi-suicidants boderline, n’a pas encore été scientifi-
quement envisagée à notre connaissance.
Cette propriété est-elle partagée par d’autres thymorégulateurs  ? Peu
d’études permettent de répondre à cette question. La méta-analyse de Ci-
priani et al. (2005) donne toutefois des résultats concordants favorisant le
lithium par rapport au placebo, à l’amitriptyline, mais aussi à la carbamazé-
pine et à la lamotrigine.
Quelques auteurs ont suggéré que le lithium pouvait être préférable au di-
valproex sous cet angle. Collins et McFarland (2008) ont recensé, au sein
d’une population de 12 662 patients diagnostiqués comme bipolaires et trai-
tés entre  1998 et  2003 dans le cadre du programme de santé Medicaid de
l’Oregon, les décès par suicide et les tentatives de suicide ayant donné conduit
les sujets à l’hôpital. Dans tous les cas de figure, divalproex et gabapentine
sont plus suicidogènes que le lithium, même si la significativité statistique
n’est pas atteinte pour les suicides aboutis, du fait du petit nombre de cas.
En ce qui concerne la carbamazépine, Thies-Flechtner et al. (1996)
avaient retrouvé dans le cadre d’une étude prospective sur deux ans et demi,
244 Prise en charge des conduites suicidaires

chez 378 patients traités soit par lithium, soit par carbamazépine, soit par
amitryptiline, neuf suicides et cinq tentatives, mais aucun événement chez
les patients sous lithium.
En fait, les données s’accumulent non seulement en faveur du lithium,
mais aussi pour faire penser que les thymorégulateurs anticonvulsivants
pourraient avoir une action (faiblement) suicidogène à l’instar des anti­
dépresseurs, au point que dès 2008, et cela est confirmé par une alerte émise
le 23 avril 2009, un avertissement concernant l’ensemble de la classe des
anti-épileptiques devra figurer dans les conditionnements pharmaceutiques
sans aller jusqu’à la procédure de «  black box  » (voir plus haut). Le risque
suicidaire est faible et porte plus sur l’idéation ou les tentatives que sur des
données concernant les suicides aboutis, non démontrés à ce jour.

Lithium et eaux de boisson


Un pas de plus a été franchi dans la promotion du lithium comme substance
antisuicidaire, avec deux mises en relation des taux de lithium dans l’eau
avec les taux de suicide des populations desservies par cet approvisionne-
ment en eau. Rappelons que le lithium est un élément naturel que l’on
trouve à des taux infrathérapeutiques dans le corps humain et dans les eaux
de source, tout comme dans l’eau du robinet. Dès le ve siècle, un médecin
africain, Caelius Aurelianus, préconisait pour les états d’agitation de boire les
eaux de source fortement alcalines qui se sont avérées être riches en lithium.
Une première étude américaine de Schrautzer et Shrestha avait peu attiré
l’attention en 1990. Les auteurs avaient divisé les échantillons d’eau pota-
ble de vingt-sept comtés texans en faible (< 12 mg/l), moyenne (13-60 mg/l)
et forte (70-160 mg/l) concentration en lithium. Les taux de suicide (pour
100 000) ont été de 8,7 dans les comtés à taux relativement élevés, et respec-
tivement de 14,8 et 14,2 là où les taux étaient faibles ou très faibles.
Cette étude est confirmée par une publication japonaise (Ohgami et al.,
2009) dans laquelle les auteurs ont croisé le taux moyen de suicide avec les
taux de lithium retrouvés dans l’eau du robinet des dix-huit municipalités
d’une province du Japon, sans fixer de seuils arbitraires. Leurs taux vont de
0,7 à 59 mg/l, et sont corrélés négativement et de façon significative avec les
taux moyens de suicide.
Ces observations relancent l’idée que le lithium à concentrations infra-
thérapeutiques pourrait jouer, au-delà de la pathologie, un rôle dans la
régulation de l’instinct de mort.
Outils thérapeutiques 245

Conclusion
La prévention pharmacologique du suicide repose incontestablement
sur l’optimisation de la prise en charge des troubles de l’humeur et de la
dimension thymique (comorbidité ou complication) des psychoses. Les anti-
dépresseurs n’ont que peu d’application dans les troubles de l’adaptation et
les pathologies réactionnelles, mais la prise en compte de l’angoisse ou de
la perte de contrôle émotionnel est essentielle pour permettre au sujet de
prendre la distance affective suffisante lui permettant d’avoir accès au volet
psychothérapique du soin.
17 L’entourage dans la prise
en charge du suicidant
et la postvention

Alliance thérapeutique avec l’entourage


dans la prise en charge des suicidants
L’alliance thérapeutique fait intégralement partie du processus thérapeutique
et de la relation médecin-patient, ce qui en fait un élément essentiel dans
le succès d’un traitement, même si ses déterminants demeurent complexes
dans le domaine de la santé mentale.

Engagement, alliance et empathie


Pour Shea (2005), « l’engagement fait référence au développement progressif
d’un sentiment de sécurité et de respect grâce auquel les patients se sentent
de plus en plus libres de confier leurs problèmes au clinicien en même temps
qu’ils prennent confiance en son aptitude à les comprendre. […] L’alliance
désigne tous les indices comportementaux émotionnels suggérant au cours
de l’entretien la réussite du processus d’engagement. […] L’engagement sert
donc à définir un ensemble d’objectifs, et l’alliance fournit une méthode pour
surveiller l’efficacité des stratégies employées pour atteindre ces objectifs ».
Le concept d’alliance thérapeutique renvoie historiquement aux théories
freudiennes, avec les descriptions du transfert et du contre-transfert comme
étant des éléments clés dans le processus de changement en psychanalyse.
Ces éléments ont été repris par Rogers avec une vision plus humaniste de
la psychothérapie et l’apparition de la notion d’empathie. L’empathie, ou
comprendre la souffrance de l’autre, se différencie de la compassion, « souf-
frir » avec l’autre, et de l’identification au patient, situation dans laquelle le
clinicien s’identifie au patient et en reconnaît l’état émotionnel jusqu’à le
ressentir lui-même.
Rogers (cité par Shea, 2005) définit l’empathie comme l’aptitude du clinicien à
« percevoir avec précision le système de référence d’autrui, avec les composantes
émotionnelles et les significations qui s’y rapportent comme s’il était cette
autre personne, mais sans jamais perdre de vue ce “comme si” ». En d’autres
termes, c’est « la capacité à reconnaître la perspective émotionnelle immédiate
d’autrui, se situer aussi exactement que possible dans le référentiel de l’autre
par un comportement en miroir ou en écho sans jamais s’y perdre » (Shea,

Le geste suicidaire
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248 Prise en charge des conduites suicidaires

2005). L’approche humaniste met l’accent sur l’empathie, d’autant plus que
pour certains auteurs, seuls les thérapeutes empathiques sont les plus efficaces,
indépendamment des thérapies utilisées. L’empathie s’avère donc être la pierre
angulaire, le pré-requis sur lequel se fonde l’intersubjectivité, base d’un accord
commun, d’une compréhension et d’une définition d’une problématique.

Concepts théoriques de l’alliance thérapeutique


Plusieurs termes sont indifféremment utilisés pour évoquer l’alliance théra-
peutique, alliance de travail ou alliance aidante.
Bordin (1979) considère la nécessité d’intégrer dans la définition de l’al-
liance thérapeutique à la fois des aspects relationnels non spécifiques, qu’il
qualifie de «  liens  », et des aspects relationnels plus techniques, comme
les « tâches » et les « objectifs », ce qui lui permet ainsi de distinguer trois
aspects essentiels de l’alliance thérapeutique :
• l’accord sur les buts du traitement avec des objectifs communs définis
par le patient et le thérapeute ;
• l’accord sur les modalités et les tâches de travail entre le patient et le
thérapeute ;
• le développement d’un lien de confiance entre le patient et le thérapeute
approprié aux objectifs et au travail psychothérapique.

Bordin a donc clairement une conception transthéorique de l’alliance


thérapeutique qui pour lui est un phénomène indépendant des modalités
thérapeutiques.
Luborsky et al. (1983) privilégient quant à eux les aspects psychodynamiques
de l’alliance thérapeutique, ce qui leur permet de définir deux types d’alliance,
l’alliance thérapeutique de type I, où le patient perçoit le thérapeute comme
aidant et soutenant, et l’alliance thérapeutique de type II, où le patient a le sen-
timent qu’un travail avec le thérapeute est non seulement utile mais réalisable.
De nombreux outils ont été développés pour tenter de quantifier l’alliance
thérapeutique (Elvins et Green, 2008). Les deux principales échelles utilisées
sont celles dérivées des travaux de Bordin (1979) : Working Alliance Inventory
[WAI, version longue ou courte, pour le thérapeute et le patient, version
courte traduite et validée en français par Corbière et al. (2006)] et Penn Al-
liance scales de Luborsky (1996). Elles sont toutes deux traduites en français.
L’alliance thérapeutique est positivement corrélée avec les changements
thérapeutiques, et cette corrélation est à la fois robuste et stable (Diamond
et al., 2000  ; Shirk et Karver, 2003  ; Lazignac et al., 2005  ; Castonguay
et al., 2006 ; Kazdin et Whitley, 2006 ; Bethea et al., 2008). L’alliance ini-
tiale est très importante et ne varie que très peu par la suite (Martin et al.,
2000), malgré quelques bémols cliniques comme par exemple la période de
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 249

lune de miel avec le borderline que seules la durée et surtout l’expérience


du clinicien permettent de contrôler. L’alliance précoce est d’autant plus
importante et prédictive d’amélioration que le comportement du sujet est
externalisé (Hogues et al., 2006). L’alliance peut être thérapeutique en elle-
même et par elle-même. En d’autres termes, s’il existe une bonne alliance
entre le patient et le thérapeute, le patient considérera la relation comme
thérapeutique quel que soit le type d’intervention (Martin et al., 2000).

Importance de la collaboration dans l’instauration


de l’alliance thérapeutique
Pour Bordin (1979), le point essentiel du concept d’alliance thérapeutique est
l’importance de la collaboration entre le patient et le thérapeute avant même
l’initiation des changements thérapeutiques. C’est donc un processus né-
cessairement interactif dans lequel tant les comportements des patients que
les qualités humaines personnelles du thérapeute (chaleur, habileté, respect,
capacité à mettre en confiance et à collaborer) jouent un grand rôle (Caston-
guay et al., 2006 ; Ackerman et Hilsenroth, 2003). Cela renvoie au concept
d’attachement de Bowlby (1977) qui se décline dans l’alliance thérapeutique
sur la capacité du thérapeute à rendre la relation sécurisante, ainsi qu’à la
représentation initiale que chacun peut avoir de la relation thérapeutique.
Dans la constitution de l’alliance thérapeutique, certains facteurs dépen-
dent du thérapeute, de l’équipe liée au thérapeute et du patient lui-même :
• les facteurs liés au patient et à son entourage sont à prendre en considéra-
tion : la détresse psychique ressentie, la qualité des états mentaux, les méca-
nismes de défense mis en jeu, les demandes de soins parfois ambivalentes,
ainsi que les capacités d’autocritique ;
• les facteurs liés au thérapeute lui-même qui doit se montrer souple, hon-
nête, confiant, respectueux, chaleureux, intéressé et ouvert (Ackerman et
Hilsenroth, 2003) ;
• les facteurs liés à l’équipe de soins qui, en portant attention à l’expérience
du patient et de son entourage, explore les émotions et favorise l’expression
des affects par l’utilisation de techniques facilitatrices.

L’alliance thérapeutique repose donc sur :


• la confiance réciproque, garante de vérité, qui permet au suicidant ou au
suicidaire de dévoiler des réalités difficiles à révéler, pudiquement cachées.
La confiance est le fait de croire, d’espérer en quelque chose ou quelqu’un.
Ce sentiment permet le développement d’un sentiment d’assurance. Le
contraire est la crainte, générant abandon, anxiété, doute et méfiance ;
• un profond respect de la personne et de son entourage, et non pas une
position d’autorité dominante ou de savoir incontesté.
250 Prise en charge des conduites suicidaires

L’alliance avec les familles ou, de façon plus large, avec l’entourage est
un système complexe dans lequel intervient l’alliance distincte entre le
thérapeute et le patient, le thérapeute et l’entourage, les soignants et l’ins-
titution. Le fonctionnement familial antérieur détermine en grande partie
ce que sera l’alliance, ou du moins les difficultés rencontrées dans l’éta-
blissement de l’alliance avec la famille ou l’entourage désigné. L’alliance
avec l’entourage est le fait que plusieurs personnes se joignent afin de
poursuivre le même traitement, les mêmes buts ou les mêmes intérêts afin
d’adopter les mêmes attitudes ou les mêmes comportements. Elle est du
côté de la constitution d’un lien et de la définition de la lecture commune
d’une situation.
La mobilisation de l’entourage permet de passer d’une logique indivi-
duelle à une logique collective, avec non seulement écoute du suicidant,
mais également écoute de l’entourage qui peut demander, directement ou
indirectement, à être soutenu dans les difficultés.
L’alliance est donc du côté du lien. Face à une crise, il est important de
prendre en considération la famille et d’une façon plus large l’entourage,
de respecter la famille et l’entourage, et d’envisager avec elles les différentes
solutions. En effet, les projets futurs auront d’autant plus de chance de se
concrétiser si l’entourage a préalablement participé au projet de soins du
suicidant.

L’alliance thérapeutique dans les comportements


suicidaires
Signification du geste suicidaire pour l’entourage
Un geste suicidaire peut parfois être sous-tendu par une réelle volonté
de mourir, mais ces gestes sont le plus souvent présentés par leurs
auteurs comme des « appels à l’aide », des « appels au secours », véritable
interpellation de l’autre, de l’entourage, comme peuvent en témoigner
les émotions initialement exprimées (sentiments de rupture, de solitude,
de trahison, d’incompréhension, de rejet) ou les messages laissés dans la
relation à l’autre, par lettres ou moyens électroniques.
Tout ce qui peut être théoriquement conceptualisé autour de l’alliance
thérapeutique, autour de la nécessaire relation de confiance avec le thé-
rapeute, ne concerne pas uniquement les suicidants mais également leur
entourage proche.

L’entourage peut-il reconnaître l’imminence d’un passage à l’acte ?


(Mishara, 2001)
Dans un certain nombre de cas, les proches ne semblent pas très étonnés,
comme en témoignent leurs paroles « je savais bien qu’il n’allait pas très
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 251

bien, mais pas à ce point quand même ». Cela va de pair chez les très jeunes
avec la méconnaissance de certains gestes suicidaires, dites tentatives de
suicide mineures, passés inaperçues jusqu’au geste repéré qui motive enfin
l’hospitalisation ou du moins les soins.
Il peut y avoir également de l’ambivalence dans l’aide apportée au sui-
cidant, plus particulièrement dans les situations de répétition suicidaire,
ou quand il y a des comportements addictifs associés. L’hostilité cachée de
l’entourage entre dans le cadre d’un processus suicidaire long et épuisant,
les problèmes du suicidant étant considérés, non sans culpabilité, comme
envahissants et insolubles.

Les proches aident-ils après un geste suicidaire ?


Certains proches peuvent être sidérés, figés, incapables de réagir face à la
menace, au risque ou à la verbalisation d’idées suicidaires. Ces attitudes
sont le plus souvent en rapport avec des sentiments non exprimés d’agres-
sivité et de reproche, mais l’indifférence n’est qu’apparente. Si les angoisses
majeures des proches ne sont pas prises en considération, elles peuvent
constituer des barrières empêchant les familles ou l’entourage d’adhérer
aux soins proposés.
Ces principales barrières sont l’angoisse liée aux circonstances du geste, le
fait de ne pas savoir se comporter face aux soignants dès la salle d’urgence, le
sentiment malheureusement trop fréquent d’être jugé, incompris, voire consi-
déré comme responsable, eu égard au mythe de la folie ou de la transmission
familiale des comportements suicidaires – pour peu qu’il y en ait eu dans la
famille – et surtout les interprétations croisées du geste. Ces perceptions peu-
vent être fort différentes pour le sujet, le thérapeute, l’équipe de soins et la
famille. Là où les suicidants recherchent désespérément de l’aide, les proches
peuvent voir dans le geste une simple rupture amoureuse ne justifiant pas une
tentative de suicide, ou un comportement de vengeance ou de désespoir.

D’où la nécessité d’approches spécifiques


• L’évaluation du potentiel suicidaire inclut non seulement celui du sujet
mais également celui de l’entourage
• Le lien de confiance se joue entre le suicidant, son entourage proche, le
thérapeute et l’équipe soignante, et des règles de loyauté doivent être ins-
taurées.
• Démystifier le comportement suicidaire est important : ce n’est ni une
tare, ni une maladie en soi, ni une fatalité, mais un comportement humain
face à une situation intolérable et insupportable.
• Le geste suicidaire n’est pas provoqué par une autre personne, il n’est
pas du registre de la responsabilité d’autrui. Il s’agit de la souffrance d’un
sujet dans une situation donnée, sujet qui s’est senti seul, trahi et aban-
donné. Aborder la façon dont l’isolement du suicidant peut être brisé par
252 Prise en charge des conduites suicidaires

des soignants témoins de cette souffrance peut permettre à une famille,


à un entourage, de retrouver une place auprès du suicidant, puis dans le
processus de soins.
• Proposer des ressources disponibles 24 heures/24 en cas de crise aiguë,
puis un relais grâce aux centres médico-psychologiques
• Aider l’entourage à dépasser des conceptions parfois erronées de leur
rôle, comme par exemple « je suis la seule personne à la comprendre et à
pouvoir l’aider », ou a contrario « elle a fait le mauvais choix en me pre-
nant comme confident ». L’entourage peut parler du geste, du suicide, sans
le processus suicidaire, et peut ainsi contribuer à briser l’isolement d’une
personne suicidaire ou suicidante qui se sent seule au monde et incomprise,
et l’aide chaleureuse et amicale ne peut être que bénéfique. Il est alors dif-
ficile, d’un point de vue thérapeutique, de respecter à tout prix et de façon
permanente la demande d’isolement chez un suicidaire ou un suicidant. Si
cette période peut être thérapeutiquement légitime dans un premier temps,
elle ne peut a contrario que renforcer le sentiment d’isolement et le risque
de passage à l’acte. Une demande d’isolement peut donc également être
entendue comme un appel à l’aide vers les autres.
• Une des craintes de l’entourage est d’apprendre des choses qu’il préfére-
rait ne pas savoir ou, s’il en a la connaissance, qu’il ne préférerait pas évo-
quer clairement. Le sentiment de culpabilité omniprésent, comme dans les
situations d’inceste, peut générer des comportements d’évitement par peur
d’être confronté aux échecs, aux insuffisances et aux jugements. Il peut y
avoir mise en cause du système familial, des difficultés à accepter les chan-
gements, avec l’omniprésence des problématiques d’attachement/sépara-
tion, trahison/indignité, non-reconnaissance. Sont également constatées
des symptomatologies anxio-dépressives, voire de l’hostilité et de l’agressi-
vité dans les dangers de communiquer les secrets intrafamiliaux, ces secrets
étant l’ultime protection de la famille ou de l’un de ses membres.

Particularités de l’alliance thérapeutique avec le suicidant et


son entourage proche
Les suicidants constituent une population vue en urgence ou dans le cadre
de la post-urgence. L’alliance thérapeutique est alors un enjeu immédiat dès
la première rencontre, chez une population volontiers volatile qui se consi-
dère très souvent comme indemne de tout trouble psychique et qui, sous
l’influence de l’effet cathartique du geste suicidaire, ne va plus rapidement
ressentir sa souffrance de la même manière. Le projet thérapeutique peut
être accepté dans l’ici et maintenant sans adhésion à distance, le besoin
d’aide pouvant être vécu comme un passeport pour sortir d’une structure
hospitalière devenant de moins en moins présente dans l’esprit du suicidant.
Choquet et Granboulan (2004) ont bien montré que le souvenir du geste se
modifiait de façon importante chez les jeunes dans le temps, et qu’au bout
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 253

de 6  mois à un an, les jeunes ne souhaitaient plus aborder le sujet, alors


que cette période demeure encore un moment à haut risque de répétition.
Par ailleurs, les familles des jeunes suicidants mineurs sont reçues plus fré-
quemment que les familles des plus âgés, malgré les recommandations de
la Haute Autorité de Santé qui préconise de recevoir systématiquement au
moins une fois les personnes de l’entourage des suicidants.

Conclusion
L’évaluation de l’alliance thérapeutique chez les suicidants et leurs pro-
ches doit tenir compte du contexte d’urgence ou de semi-urgence, em-
preint d’une lourde charge émotionnelle, dans lequel elle est réalisée. Dans
l’évaluation des interactions réciproques, on ne peut en aucun cas exclure
l’entourage, car le geste, court-circuit de la parole, lui est principalement
destiné. Il est alors important de redéfinir les enjeux et les liens entre le
suicidant et l’équipe de soins, le suicidant et son entourage, et l’entourage
et les soignants. Les émotions peuvent être verbalisées dans un climat em-
pathique propice aux ententes, aux projets thérapeutiques et aux engage-
ments réciproques dans les soins.
Cette conception de la clinique suicidologique et de la place incontour-
nable de l’entourage est largement supportée par les théories actuelles sur la
crise suicidaire et la conférence de consensus, base de formations diffusées
à grande échelle depuis quelques années dans le cadre de la Stratégie natio-
nale de prévention du suicide organisée en France par le professeur Terra.

Postvention1
Une enquête SOFRES réalisée en France au début de l’année 2000 pour éva-
luer la place prise par le suicide dans la vie des Français rapporte que 35 %
des sondés, soit au moins 20 millions de personnes dans notre pays, ont un
proche décédé par suicide, que 2 % ont perdu père ou mère par suicide et
que 1 % ont perdu un enfant par suicide (Hanus, 2004).
Les programmes actuels de prévention préconisent la reconnaissance et
le traitement de la dépression, ainsi que la prise en charge coordonnée des
endeuillés après suicide. Prévenir les complications du deuil et accompa-
gner les endeuillés, c’est participer à la prévention du suicide. Ce nouveau
domaine à explorer est appelé la postvention (Alarich, 2009).
Initialement utilisé pour la prévention de la récidive suicidaire chez un
même individu, le terme de postvention a ensuite été redéfini par Shneid-
man (1968) comme une assistance à ceux qui restent après un suicide, visant

1 Écrit en collaboration avec le Docteur Thomas Lemarie, médecin généraliste, cabinet


médical, Honfleur.
254 Prise en charge des conduites suicidaires

à « éviter le développement des réactions de panique, diminuer l’impact de


la crise, éviter le développement des troubles émotifs persistants et favoriser
un retour aux activités quotidiennes ». Dans une autre définition de Tierny,
Ramsay, Tanney et Lang, « la postvention se réfère aux activités qui visent le
traitement et le rétablissement des personnes ayant été exposées au suicide
d’une personne de leur entourage plus ou moins immédiat » (Séguin et al.,
2006) L’objectif recherché est donc de réduire les effets négatifs, à court et à
long terme, qui découlent du suicide.

Réactions de deuil après un suicide


Les réactions de deuil de l’entourage au décours d’un suicide sont probable-
ment l’un aspect qui différencie le plus le suicide des autres causes de décès,
y compris les plus brutales (Friard, 2009).

Culpabilité
La culpabilité (Hanus, 2004 ; Bourgeois, 2003) est le sentiment le plus intense
exprimé par les endeuillés. La question du « pourquoi » et le sentiment de
culpabilité qui s’y rattache, la recherche des motivations au geste, parfois
explicitées dans un courrier laissé, le plus souvent inconnues, favorisent
l’émergence d’un sentiment de culpabilité s’exprimant le plus souvent sous
la forme de « je n’ai pas vu sa souffrance », « je ne l’ai pas pris au sérieux »,
« je n’ai pas su l’aider ». Sur cette dimension consciente, se greffe une di-
mension plus inconsciente, notamment lorsque les relations au suicidant
sont ambivalentes, marquées par un certain degré d’hostilité qui renforce la
culpabilité. Cette ambivalence peut aussi se manifester par un certain soula-
gement lorsque la relation affective s’est dégradée ou lorsque la maladie est
trop évoluée. Ces sentiments de culpabilité sont plus intenses lorsqu’il
s’agit de personnes très proches, comme un conjoint ou un enfant. La
culpabilité, mécanisme de défense habituellement retrouvé en situation
post-­traumatique, a pour fonction essentielle de maintenir un lien avec le
disparu, de garder un fil rouge dans l’espoir de donner un jour un sens au
geste et de reprendre la maîtrise de la situation.

Honte et stigmatisation sociale


Honte et stigmatisation sociale sont fréquemment éprouvées, même si
elles ne sont pas dites ou si elles sont indirectement exprimées, comme par
exemple « je ne veux plus en parler ». Il existe un ostracisme ancien autour
du suicide, avec des conduites sociales jetant l’opprobre sur les proches. Les
funérailles religieuses furent longtemps interdites et ne sont possibles en
France que depuis 1983. Cette « part sociale » du suicide conduit chacun
d’entre nous à avoir sur ce comportement une opinion, voire un jugement
moral, qui détermine l’attitude vis-à-vis des proches du suicidé.
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 255

Les proches des suicidés se sentent moins soutenus, moins aidés, et jugés
plus sévèrement que les proches des personnes décédées brutalement d’une
autre cause, par exemple d’un accident de la route. Ce ressenti est de plus
aggravé par une « autostigmatisation » qui se traduit par une tendance à
s’isoler, à avoir une mauvaise image de soi entretenue par le sentiment de
culpabilité (Séguin et al., 2004 ; Séguin et Castelli-Dransart, 2006).

Anxiété
Elle est en rapport avec la peur du possible risque de contagion, surtout s’il
y a déjà eu des comportements suicidaires dans l’entourage.

Colère
La colère éprouvée est liée à l’absence de réponse au « pourquoi » du geste, à
l’ambivalence vis-à-vis du disparu. Cette émotion permet d’externaliser les
émotions et la culpabilité vers ceux jugés responsables de l’acte, comme les
médecins ou l’hôpital.

Processus de deuil après suicide


L’intuition et la littérature clinique suggéraient jusqu’à ces dernières an-
nées qu’un deuil après suicide était plus difficile à surmonter qu’une mort
naturelle. S’il existe actuellement un consensus quant à la spécificité des
réactions de deuil énumérées ci-dessous, les résultats sont actuellement in-
consistants quant à la gravité de l’impact du deuil après suicide sur les sur-
vivants. En effet, l’intensité des réactions de deuil suite à un suicide diffère
par les thèmes et le contenu du deuil, l’impact sur la famille et le processus
social associé, et les endeuillés ayant un lien de dépendance affective avec
la personne décédée ont plus de risque de développer un deuil compliqué
(Jordan, 2001). Brent et al. (2009) ont examiné, sur une durée de 21 mois
après l’événement, l’effet du décès chez des enfants (7  à 25  ans) dont un
parent disparaît brutalement de mort subite mais naturelle, d’accident ou
de suicide. Cette étude montre clairement que le décès par suicide est celui
qui laisse chez les enfants les plus forts risques de dépression ou de conduites
addictives, que le risque tardif était décelable plus tôt dans l’évolution, ce
qui laisse penser qu’une intervention précoce est la plus propice à prévenir
de futures complications.
Dans les variables influant sur le processus de deuil (tableau  17-1), une
place particulière est faite aux circonstances du décès, c’est-à-dire à la di-
mension traumatique. Séguin et al. (2006) rappelle que les liens conceptuels
entre deuil et trauma demeurent en discussion, le deuil étant pour certains
un phénomène distinct du trauma, alors que pour d’autres auteurs, ces deux
entités n’en font qu’une. Or, ces différences conceptuelles sont importan-
tes à prendre en considération, le trauma non résolu conduisant au syn-
drome de stress post-traumatique, alors que le deuil non résolu mène à la
256 Prise en charge des conduites suicidaires

dépression caractérisée. Les études récentes mettent en évidence l’apparition


de réactions complexes et prolongées lorsque trauma et deuil se produisent
en même temps. C’est pourquoi certains auteurs prônent le développement
d’une nouvelle entité clinique dans la prochaine révision du DSM, le deuil
compliqué, dont les critères diagnostiques diffèrent de ceux du syndrome
post-traumatique et de la dépression majeure.

Tableau 17-1
Variables susceptibles d’influencer le processus de deuil
Facteurs existants avant le décès
Réactions aux pertes antérieures
Histoire personnelle et/ou familiale de santé mentale
Difficultés précoces de l’enfance
Nature et intensité de la relation avec le suicidé
Type d’attachement
Capacité à exprimer ses sentiments
Capacité à rechercher et à accepter un soutien familial et social
Conditions ou circonstances du décès
Âge de la personne décédé
Âge de la personne endeuillée
Exposition aux scènes traumatiques
Anticipation ou non du décès
Existence ou non d’un processus judiciaire associé
Lien entre les personnes (parents, fratrie, conjoint, etc.)
Après le décès
Relations conflictuelles avec la famille
Cumul d’autres éléments négatifs
Présence ou absence du réseau social et amical

D’un point de vue clinique, il existe un lien significatif entre deuil com-
pliqué et comportement suicidaire. Les sujets souffrant de deuil compliqué
ont neuf fois plus de risque de présenter des idées suicidaires et des troubles
psychiques (Prigerson et al., 1999 ; Mitchell et al., 2005). Le deuil compli-
qué diffère du deuil pathologique. Le deuil pathologique correspond au dé-
veloppement d’affections, par exemple des états dépressifs, ou de troubles
psychiques autres qui se manifestent comme des conséquences spécifiques
au deuil chez des personnes ne présentant pas cette symptomatologie avant
la perte.
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 257

Critères diagnostiques du deuil compliqué


Critère A
La personne a fait l’expérience de la mort d’une « personne significative pour
elle » et présence de trois des quatre symptômes ci-dessous éprouvés au moins
une fois ou parfois :
• pensées intrusives au sujet du décédé ;
• nostalgie pour le défunt ;
• comportement de recherche du défunt ;
• sentiment de solitude résultant du décès.
Critère B
En réponse à la mort, la personne a éprouvé quatre des huit symptômes suivants :
• pertes de projets ou sentiments de futilité au sujet du futur ;
• sentiments d’hébétude, de détachement ou absence de réponse émotion-
nelle ;
• difficulté à reconnaître le décès (incrédulité) ;
• sentiment que la vie est vide ou sans signification ;
• sentiment qu’une partie de soi est morte ;
• vision que le monde est disloqué avec perte des sentiments de sécurité, de
confiance et de contrôle ;
• reprend des symptômes ou des comportements dangereux de la personne
décédée ;
• instabilité, amertume ou colère excessive au sujet du décès.
Critère C
Durée du trouble d’au moins deux mois.
Critère D
Le trouble provoque un handicap cliniquement significatif dans le fonctionne-
ment social, professionnel ou dans un autre domaine important.

Cependant, dans des cas plus rares, le deuil vécu dans des circonstances
dramatiques n’engendre pas nécessairement un deuil compliqué. Ce sont
des constats certes surprenants, mais qui mettent bien en évidence les ap-
titudes remarquables de certaines personnes à traverser des situations diffi-
ciles, à réorganiser leur vie, faisant preuve de réelles capacités de résilience
(Cyrulnik, 2002 ; Castelli-Dransart, 2004).

Modalités de prise en charge


Parallèlement aux groupes de soutien indiqués dans tous les deuils trauma-
tiques, des thérapies individuelles spécifiques peuvent être proposées dans
les situations de deuil pathologiqus (Kato et Mann, 1999).
258 Prise en charge des conduites suicidaires

Thérapies individuelles
Différents types de thérapie peuvent être proposés :
• les thérapies interpersonnelles, explorant les relations et les interpréta-
tions des conflits ;
• les thérapies cognitivo-comportementales, axées sur les résolutions de
problèmes ;
• les psychothérapies de deuil traumatique, associant les deux thérapies
précédentes.

Les résultats des études d’évaluation montrent un haut niveau constant


de satisfaction chez tous les participants, contrastant avec le peu de résultats
chez ceux ayant des réactions de deuil infrapathologiques. Les résultats s’avè-
rent significativement meilleurs chez les sujets ayant des réactions de deuil
franchement pathologiques, surtout lorsque les deux approches sont asso-
ciées. Par ailleurs, l’efficacité de la psychothérapie de deuil traumatique est po-
tentialisée par les antidépresseurs qui permettent de maintenir la motivation
thérapeutique des victimes (Hawton, 2003 ; Jordan et McMenamy, 2004).

Groupes de soutien
Les groupes de soutien sont apparus pour la première fois après la Seconde
Guerre mondiale en Amérique du Nord et au Royaume-Uni pour venir
en aide aux veuves de guerre. Les groupes spécifiques pour les personnes
concernées par le suicide d’un proche ont été créés dans les années 1980
dans les pays anglo-saxons afin de lutter contre la stigmatisation sociale et
favoriser le partage des émotions. Ces structures se sont généralisées puis
officialisées avec la création en 1960, sous l’impulsion du professeur Ringel,
de l’International Association of Suicide Prevention (IASP) et la mise en
place d’un groupe de travail spécifiquement chargé de développer la post­
vention et les programmes dédiés aux endeuillés. Il existe dorénavant des
répertoires d’associations, actualisés chaque année, dans différents pays. En
France, ces groupes sont soutenus par l’association « Vivre son deuil » créée
en 1995 par le professeur Hanus, dont les objectifs sont de venir en aide aux
endeuillés et de former des professionnels à cette aide (Hanus, 2004).
Le Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie
(CRISE) de l’université du Québec conseille de ne pas intervenir trop tôt
et de « proposer de l’aide aux endeuillés lorsque le processus de deuil ne se
résorbe pas après un certain temps ».
Ces groupes fermés sont animés par deux co-animateurs formés et super-
visés, un psychologue ou un psychiatre et une personne endeuillée (Hanus,
2004). Les objectifs sont de rassurer les participants quant à la normalité
du deuil et de leur donner le sentiment d’être compris. Les professionnels
présents sont à même de dépister les dépressions ou les idéations suicidaires
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 259

prémices de deuils complexes. Outre l’effet psychothérapique du groupe


en lui-même, les retombées attendues sont la rupture de l’isolement social
et la possibilité de s’ouvrir aux autres. Il est bien sûr très difficile d’évaluer
objectivement l’efficacité de ces groupes de soutien. Il n’en demeure que les
réactions de deuil sont globalement améliorées à 6 mois et que les personnes
ressentent subjectivement moins d’émotions, moins de culpabilité, de
colère et d’idées suicidaires sur le court terme (Séguin et al., 2004 ; Constan-
tino et al., 2001).

Principes de la postvention

Les trois types de réactions après un suicide


Selon Séguin, le travail de postvention doit se décliner selon les trois types
de réactions susceptibles de survenir après un suicide, à savoir les réactions
de stress, les réactions de crise et les réactions de deuil.
1. Les réactions de stress concernent les témoins et toutes les personnes pro-
ches affectées par le suicide. Les réactions temporaires peuvent être amélio-
rées par la technique dite de « ventilation », qui consiste à laisser libre cours
à l’expression des émotions. Cette technique, utilisée par les intervenants à
la suite de l’annonce d’un suicide, est très appréciée, même si aucune étude
spécifique n’a prouvé son efficacité.
2. Les décès par suicide peuvent entraîner des réactions de crise chez des per-
sonnes vulnérables et antérieurement fragiles. Il convient alors de prendre
en charge ces crises suicidaires selon les recommandations de la conférence
de consensus (2001).
3. Les réactions de deuil concernent surtout les personnes ayant des liens
d’attachement avec la personne décédée, principalement la famille proche.
Différents temps d’interventions sont décrits.
Les interventions précoces de deuil, en général dans les 2 semaines suivant
le décès, permettent de prendre en considération la douleur des endeuillés,
de briser leur isolement et de les aider à prendre conscience de la réalité.
Cet « amorçage adéquat du travail de deuil » qui vise les étapes de choc et
de déni auprès des proches est effectué au domicile par des animateurs qui
reprennent l’histoire récente, les événements du jour du drame et qui refor-
mulent les réactions de deuil » (Séguin, 2006). Cette étape permet également
d’évaluer le potentiel de vulnérabilité et de résilience des victimes. L’inter-
venant doit se montrer empathique, chaleureux et s’engager dans la durée.
Le « counseling » de deuil est la suite possible de l’intervention précoce de
deuil. Il a pour but « d’aider les endeuillés à verbaliser leurs réactions affec-
tives et émotives actuelles et d’aider la mise en mot associée à la peine et à
la souffrance » (Séguin, 2006). Les entretiens sont individuels ou familiaux
et sont réalisés au domicile, contrairement à ce qui est fait dans les groupes
260 Prise en charge des conduites suicidaires

de soutien. Ils favorisent l’expression des émotions, le développement de


stratégies pour faire face à la perte, brisent l’isolement social et permettent
d’internaliser le lien d’attachement. Ce soutien à domicile est actif, indivi-
dualisé, et permet de dépister les endeuillés à risque.

Expériences internationales
Ce sont essentiellement les pays anglo-saxons qui sont les plus actifs dans
le soutien aux endeuillés après suicide. Le Royaume-Uni, les États-Unis et
le Québec ont mis en place des programmes spécifiques. Le programme
de recherche-action de Séguin au Québec, en collaboration directe avec les
coroners, sollicite l’équipe de recherche dès qu’un suicide est porté à leur
connaissance. Ce programme reprend les étapes décrites précédemment
pour organiser au mieux le suivi des endeuillés après suicide en faisant
intervenir un binôme de professionnels formés qui se déplacent d’emblée
bien que « les proches n’aient pas nécessairement donné de consentement
clair à notre venue » (Séguin, 2006). Il est tout à fait possible de discuter cette
démarche volontariste et quelque peu intrusive aux yeux des Français, mais
l’évaluation de ces programmes montre que ces déplacements au domicile
sont plutôt bien perçus, et qu’ils apportent un soutien psychologique plus
adapté aux endeuillés.
De tels programmes n’existent pas encore en France.

Place du médecin généraliste en France


L’absence de tels programmes de postvention en France rend le médecin
généraliste incontournable dans la prise en charge des endeuillés, plus par-
ticulièrement en zone rurale.
Le médecin généraliste, « médecin de famille » ou mieux « médecin de
la famille », est souvent le premier appelé et devient le référent de fait de
l’entourage, celui dont on attend les conseils pour la prise en charge ac-
tuelle et future. « Le médecin de famille est identifié comme la personne clé
pour initier et assurer la prise en charge de cette population d’endeuillés par
suicide » et son rôle est crucial dans le choix d’une intervention de deuil
(Lemarie, 2009).
Cette attitude que l’on peut percevoir comme légitime n’est pas sans am-
bivalence pour le médecin, qui a perdu brutalement et dramatiquement un
patient, qui peut avoir le sentiment d’avoir échoué dans les soins apportés
et dans sa mission, et qui peut se considérer lui-même parmi les coupables.
Ses propres émotions face à cette situation aiguë peuvent le mettre en
difficulté dans son rôle d’écoute empathique et de conseil dans l’orienta-
tion vers des thérapies plus spécifiques. La participation à des groupes de
parole type Balint peut alors lui permettre de livrer ses émotions, de parler
L’entourage dans la prise en charge du suicidant et la postvention 261

et d’échanger avec ses collègues, voire se faire aider. D’aucuns ne considè-


rent-ils pas que la relative surmortalité par suicide des médecins généralistes
tiendrait non seulement à leur mode d’exercice encore très isolé mais
surtout à leurs fréquentes confrontations aux décès brutaux et traumati-
ques comme les suicides, et aux émotions et à la culpabilité en regard qu’ils
auraient du mal à canaliser et à exprimer.

Conclusion
Si le médecin généraliste demeure en France le « tuteur majeur de résilience »
autour duquel se greffent les différentes possibilités de prise en charge pour
les endeuillés par suicide dans le déroulement de leur deuil, les groupes
de soutien permettent de briser l’isolement et de retrouver une identité.
En effet, comme le souligne Charazac-Brunel (2009), en l’absence de prise
en charge, les effets du suicide sont susceptibles de se transmettre de façon
traumatique à travers les générations suivantes lorsque le clivage a été le
processus défensif dominant. Les expériences étrangères montrent qu’une
intervention active, empathique et chaleureuse prend tout son sens auprès
des personnes tétanisées par le choc, le traumatisme et la douleur, et ces
expériences, actuellement largement diffusées sur un plan théorique par
Séguin en France, ne demandent qu’à être concrétisées.
18 Place de la société dans la
prévention du suicide

Campagnes de sensibilisation et d’éducation


Les campagnes d’information et de sensibilisation à la problématique sui-
cidaire ou à la dépression peuvent être organisées à l’échelle de toute une
population ou d’une contrée  ; elles peuvent également viser des publics
spécifiques comme les jeunes, les intervenants sanitaires ou les militaires.
En France, c’est dans les années 1980 qu’un débat public s’est installé sur
la question du suicide, à l’occasion de la publication du livre Suicide : mode
d’emploi (Guillon et Le Boniec, 1982). L’Association de défense contre l’in-
citation au suicide (ADIS) – constituée à cette occasion – s’est battue pour
faire interdire l’ouvrage et condamner l’un de ses auteurs. En 1985, l’Acadé-
mie de médecine prend une position officielle invitant à un débat législatif,
ce qui aboutira finalement en 1987 à la promulgation d’une loi réprimant
l’incitation au suicide.
En 1992, Michel Debout (1995), dans un rapport du Conseil économique
et social, met en lumière la dimension de santé publique du suicide. Ce
sera le point de départ de diverses mesures visant à relayer cette probléma-
tique dans les divers milieux concernés, au travers, entre 1995 et 2000, de
recommandations de prise en charge et de programmes régionaux de santé
centrés sur le suicide, allant jusqu’à la conférence de consensus sur la crise
suicidaire en octobre 2000.
Parallèlement s’est mise en place la tenue annuelle, médiatisée, tous les
5 février, de Journées nationales sur la prévention du suicide visant à infor-
mer le public au travers de thèmes de sensibilisation (tableau 18-1).
En ce qui concerne les professionnels, un accent tout particulier a été
mis depuis 1998 sur le dépistage et la prévention du risque suicidaire chez
l’enfant et l’adolescent, aboutissant à des initiatives de sensibilisation de ré-
seaux sentinelles (enseignants, infirmières et médecins scolaires). Sur la pé-
riode 2000-2005, à partir de la conférence de consensus organisée en 2000
par la Fédération française de psychiatrie en liaison avec l’ANAES (Agence
nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé), a été mise en place
une Stratégie nationale de prévention du suicide, dont l’objectif était la ré-
duction de 20 % du taux des suicides en 5 ans. C’est ainsi qu’a été diffusée
dans les régions une formation de base à l’intervention dans la crise suici-
daire destinée à diverses catégories de professionnels médico-sociaux.

Le geste suicidaire
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264 Prise en charge des conduites suicidaires

Tableau 18-1
Thèmes des Journées nationales de prévention du suicide
1999 Prévenir le suicide, c’est possible
2000 Défi médical, défi social : je m’engage
2001 Choisir la vie
2002 Politiques locales, politique globale
2003 Suicide : la relation humaine en question
2004 Violence et suicide au travail
2005 Droit, éthique, suicide : interdire, assister ou prévenir
2006 Certitudes et incertitudes de la prévention
2007 Envie de vivre : le suicide n’est pas une fatalité
2008 Envie de vivre
2009 Précarité et suicide

Quel a pu être l’impact de ces campagnes d’information du public et


de sensibilisation ou de formation des professionnels ou des intervenants
« sentinelles » ? Même si le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, le
taux de suicide décroît lentement tout en restant au-dessus des 10 000 par
an, et semble-t-il de façon plus nette dans les régions ayant bénéficié de pro-
grammes régionaux (Batt-Moillo et Jourdain, 2005). Ces résultats mitigés
sont également retrouvés dans bien d’autres pays (Allemagne, Royaume-
Uni, Australie, Nouvelle-Zélande) qui ont réalisé ces démarches d’informa-
tion calquées sur les recommandations mondiales (Mann et al., 2005).
Les expériences comme celle de l’île de Gotland montrent que les pro-
grammes d’éducation et de formation des médecins généralistes au dépis-
tage et au traitement de la dépression ne sont efficaces qu’à condition d’y
mettre les moyens. Ces programmes peuvent infléchir sensiblement la sui-
cidalité, en tout cas celle liée à la pathologie dépressive. Mais ces efforts de
formation doivent probablement être indéfiniment renouvelés pour que les
populations concernées puissent continuer à bénéficier des effets positifs en
termes de santé publique.

Contrôle des accès aux méthodes de suicide


Les méthodes de suicide les plus létales sont les plus violentes, et il est
logique d’envisager de limiter l’accès à certains des moyens utilisés,
comme les armes à feu ou certaines substances toxiques, et de protéger
les lieux, ouvrages ou monuments présentant une hauteur suffisante
pour être dangereuse.
Place de la société dans la prévention du suicide 265

Le débat sur l’efficacité du contrôle des méthodes de suicide repose sur


l’idée que toute prohibition aboutit à un déplacement et au choix d’autres
méthodes. C’est certainement pour partie exact, comme en témoigne une
corrélation inverse entre les suicides par armes à feu et les pendaisons, ou un
déplacement des suicides par arme à feu sur les précipitations là où le contrôle
des armes s’est mis en place de façon effective. Il n’en demeure que cette pré-
vention est opérante, comme le montrent la diminution du taux de suicides
en Suisse à la suite de la détoxication du gaz domestique ou l’effet de la géné-
ralisation des pots catalytiques sur les suicides dans les garages. L’évolution
naturelle des thérapeutiques est un autre exemple, les suicides par benzodia-
zépines étant moins graves et moins létaux que les suicides par barbituriques,
et les suicides par IRS moins graves que les suicides par imipraminiques. Le
contrôle de l’accès aux barbituriques, aux analgésiques et à l’oxyde de car-
bone (pots catalytiques et gaz domestique) a coïncidé au Danemark avec une
baisse des chiffres du suicide de 55 % (Nordentoft et al., 2007).

Sécurisation des monuments, ponts


ou des immeubles en hauteur
Si les suicides par précipitation ne sont pas les plus fréquents, ils font cepen-
dant partie des plus efficaces. Certaines études suggèrent chez les suicidants
par précipitation une proportion d’états psychotiques très variable, pouvant
aller de 10 à 38 % (Beautrais et Gibb, 2009). Au moins 50 % des suicidants ou
suicidés par précipitation sont caractérisés par leur impulsivité, quel qu’en
soit le mécanisme. Mais autant une ingestion médicamenteuse volontaire
impulsive est curable, autant un geste aussi violent qu’une défenestration a
plus de chances d’être irréversible. Même si la prohibition d’une méthode
de suicide a pour effet le choix d’une autre chez la proportion de sujets pour
qui l’issue fatale est mûrement et froidement calculée, imposer des barrières
à un geste trop facilement définitif se justifie même s’il n’est guère possible
de le démontrer « statistiquement ». Reish et al. (2007) ont toutefois tenté
de l’estimer en rassemblant les données du suicide en Suisse de 1990 à 2003
et en comparant les régions avec de forts taux de suicide par précipitation
d’un pont à celles avec un taux bas. Un tiers du nombre des suicidés à par-
tir de ponts se précipite d’autres types de lieu surélevé, sans méthode de
substitution pour les femmes et avec un certain degré de substitution par
absorption médicamenteuse chez les hommes. Il n’en reste pas moins que
la sécurisation des ponts et la prise en compte du risque suicidaire dans la
construction de nouveaux bâtiments situés en hauteur comme à Hong Kong
et à Taipei sont probablement capables d’épargner des vies humaines.
Un point important aussi touche à une responsabilisation des médias
pour éviter de populariser certains sites emblématiques et éviter les effets
d’imitation.
266 Prise en charge des conduites suicidaires

Prévention des suicides ferroviaires


Les suicides ferroviaires (train ou métro) représentent moins de 10 % des dé-
cès volontaires. C’est sans doute la méthode la plus violente et la plus radicale
aboutissant à la mort dans neuf cas sur dix, et à des délabrements plus ou
moins importants dans les autres cas. Sont surtout concernés des sujets jeunes
(25-34 ans), plus souvent de sexe masculin que féminin, sauf dans le métro.
Au-delà du principal intéressé, ces suicides sont dévastateurs dans leur impact
sur l’entourage du sujet, les témoins, les professionnels du rail ou les équipes
d’intervention d’urgence. L’intervention de cellules médico-psychologiques
est souvent nécessaire pour surmonter le traumatisme. Les conséquences de
ces passages à l’acte en termes de désorganisation du fonctionnement des
transports ne sont pas non plus à négliger. Il s’agit ainsi globalement d’un
problème important de santé publique, et la réflexion pour l’élaboration de
mesures préventives est très inégalement avancée (Ladwig et al., 2009). Cette
prévention peut s’envisager à deux niveaux, structurel et communicationnel.
Le niveau structurel consiste à limiter l’accès aux voies, ce qui n’est à l’évi-
dence que partiellement possible, l’ensemble d’un réseau ferroviaire n’étant
pas sécurisable pour des raisons économiques évidentes. Il est toutefois pos-
sible de définir et de surveiller les points stratégiques qui sont le théâtre de ce
type de suicide. C’est ainsi que l’on a pu observer en Allemagne que 75 % des
suicides ferroviaires étaient réalisés à proximité d’hôpitaux psychiatriques,
avec pour conséquence une meilleure sécurisation de l’accès aux voies ferrées
dans ces zones et la préoccupation, en cas de nouvelle implantation de struc-
tures psychiatriques, d’éviter la proximité ou la vue de structures ferroviai-
res. L’autre niveau de prévention concerne la communication. L’expérience
d’une épidémie de suicides ferroviaires après la programmation à la télévision
d’une fiction centrée autour d’un tel événement suggère qu’il est souhaitable
d’obtenir des médias qu’ils filtrent ou adaptent les informations sur le sujet.
Il y a consensus pour éviter, tant dans les annonces publiques dans les gares
que dans les campagnes d’affichage, toute mention à cette technique de sui-
cide, et pour inciter plutôt à porter assistance aux personnes en difficulté.
Une sensibilisation des agents ferroviaires à la détection de sujets à risque et
aux techniques pour entrer en contact avec des individus au comportement
évocateur serait aussi de nature à prévenir certains gestes.

Contrôle de l’accès aux médicaments dangereux


ou aux pesticides
Le contrôle de l’accès aux substances potentiellement dangereuses a montré
son intérêt, notamment dans le domaine des médicaments. Au Japon, alors
que les barbituriques ont été en vente libre jusqu’en  1961, l’obligation à
partir de cette date de fournir des prescriptions médicales s’est accompagnée
Place de la société dans la prévention du suicide 267

d’une diminution des suicides, sans d’ailleurs d’augmentation des suicides


par d’autres techniques.
Le cas du paracétamol illustre bien l’utilité de mesures de prévention.
Gunnell et al. (1997) montrent que, au Royaume-Uni, il y a corrélation
entre les chiffres des ventes de ce médicament et les tentatives de suicide
auxquelles il a donné lieu. Une tendance identique est retrouvée en France.
Toutefois, les conditionnements du paracétamol sont différents en France
et au Royaume-Uni, de huit comprimés par boîte chez nous et douze outre-
Manche. On observe que les taux de tentative de suicide sont inférieurs en
France. La diminution des conditionnements de paracétamol en Grande-
­Bretagne en  1998 a réduit de près d’un tiers l’incidence de ces gestes à
Birmingham, et globalement, au Royaume-Uni, les chiffres des admissions
dans les unités de transplantation hépatique ont diminué depuis cette date.
Une piste est donc tracée vers une méthode simple de prévention de la
gravité des gestes par la modification des conditionnements, et l’on ne peut
que regretter que de telles mesures de bon sens soient si peu enseignées et
répandues (Leenars et al., 2009).
Il existe ainsi des pays, comme le Mexique, où de nombreuses substances
dangereuses sont quasiment en vente libre ou délivrées en grandes quanti-
tés par les médecins. Et sans surprise, ces pays ont de forts taux de mortalité
par ces moyens.
Un programme de sensibilisation impliquant l’industrie pharmaceutique,
les prescripteurs et le public devrait donc être généralisé pour diminuer les
risques.
Les pesticides (notamment les organophosphorés) sont un cas particu-
lier de méthode d’empoisonnement qui touche peu les pays développés.
Apanage des pays en voie de développement agricole, ils représentent
néanmoins 300  000 décès par an dans le monde et peuvent également
concerner le milieu rural des pays industrialisés. Le contrôle et la préven-
tion sont ici particulièrement difficiles (Phillips et Gunnell, 2009). Il s’agit
souvent de suicides impulsifs, et quelques expériences encourageantes
– centralisation des stocks, mise sous clé, double clé (père et mère) pour
l’accès au stock familial – semblent encourageantes, mais bien difficiles à
généraliser.

Contrôle des armes à feu


Les armes à feu sont la deuxième cause de mortalité par suicide dans notre
pays, loin derrière la pendaison. La problématique du contrôle de l’accès
aux armes est donc bien différente de celle qui prévaut dans d’autres pays,
notamment anglo-saxons. Les contextes ne sont pas non plus comparables,
avec aux États-Unis une majorité d’armes de poing, dont la possession et
268 Prise en charge des conduites suicidaires

le libre accès font l’objet d’enjeux politiques forts dans une optique d’auto-
protection, sous l’égide de la très puissante National Rifle Association. En
France, la majorité des armes sont des armes de chasse, détenues dans le
cadre de cette tradition. Une réflexion sur le contrôle de l’accès individuel
ou législatif aux armes à feu demeure importante, les études confirmant
dans leur ensemble une corrélation entre le décès par suicide et la présence
d’une arme au foyer (Humeau et al., 2007). La probabilité augmente lors-
que l’arme est une arme de poing et qu’elle est entreposée chargée dans un
endroit libre d’accès. Cette constatation a aussi été réaffirmée sur diverses
populations, notamment chez les adolescents (nombreuses études citées
par Leenars, 2009). De ces constatations robustes découlent d’évidentes
instructions et mesures de précaution, notamment dans l’entreposage des
armes au domicile, qu’il est indispensable de diffuser au public en général
et aux personnes en particulier (collectionneurs, chasseurs, tireurs sportifs,
professionnels armés).
Les mesures législatives de limitation d’accès aux armes édictées dans
certains pays, notamment au Canada et en Nouvelle-Zélande, permettent
de diminuer le suicide par arme à feu chez le sujet jeune, sans que soit
observé d’effet rebond important sur d’autres techniques de suicide dans
ce groupe d’âge. Les résultats sont plus controversés dans les populations
plus âgées.
Concrètement, dans notre pays, au-delà des précautions d’accès aux
armes déjà citées, il est important, face à toute problématique suicidaire,
que dans l’exploration des éventuelles intentions suicidaires ou des moyens
à disposition au foyer la présence d’armes ne soit pas négligée, et qu’en
cas d’identification d’un niveau de risque important, la soustraction de ces
armes au moins pendant le temps de la crise soit envisagée.

Suicide, médias et Internet


Influence des médias
L’influence des médias, de la communication dans son ensemble, voire des
productions artistiques ou intellectuelles, sur la problématique suicidaire
existe depuis toujours. C’est ainsi que Philipps en 1974 a décrit les suicides
par imitation ou « effet Werther » en référence à l’ouvrage de Goethe Les
Souffrances du jeune Werther publié en  1774. Un certain nombre d’études
ont mis en relation des augmentations des comportements suicidaires
avec des suicides très médiatisés de personnalités, mais aussi de personnes
moins connues dont les modalités suicidaires ou les circonstances specta-
culaires ont défrayé la chronique. On connaît bien aussi les épidémies de
comportement suicidaire dans les entourages proches (scolaires pour les
adolescents suicidants).
Place de la société dans la prévention du suicide 269

Plus récemment, le suicide d’une rock star, Kurt Kobain, a donné lieu à


une évaluation, dans la région d’origine (Seattle et environs), d’un éventuel
effet Werther. Cet événement s’est ensuivi d’une augmentation des appels
aux centres de crise de la région concernée, avec augmentation des préoc-
cupations suicidaires, mais sans traduction au niveau des passages à l’acte
ou de la mortalité suicidaire (Jobes et al., 1996).
Dans une étude réalisée chez 1 133 étudiants, Rustad et al. (2003) mon-
trent que ceux qui sont confrontés à des productions vidéo et musicales de
rock ayant un contenu suicidaire produisent des scénarios plus suicidaires
que ceux confrontés à des productions artistiques neutres, mais ne varient
pas dans les domaines affectifs et cognitifs explorés, sans retentissement
sur les variables habituellement impliquées dans le risque suicidaire. L’effet
Werther doit donc, en ce qui concerne les influences médiatiques en géné-
ral, être relativisé, et ne concerne que des sujets prédisposés.
Les suicides de célébrités asiatiques sont suivis d’une augmentation des sui-
cides d’environ 25 % dans les 3 premières semaines après l’événement, avec
un effet persistant à moyen terme dans les 6 mois (Fu et Yip, 2007). Cette in-
fluence est plus marquée chez les sujets de même sexe, qui utilisent la même
technique de suicide, montrant ainsi l’importance des facteurs d’identifica-
tion. En termes de santé publique, les auteurs émettent des vœux « pieux »
sur la souhaitable mesure avec laquelle les médias devraient rendre compte
de ces événements afin d’en limiter les conséquences sur les esprits fragiles.

Internet
Internet constitue depuis des années un vecteur médiatique planétaire
mais, à la différence des médias traditionnels, l’accès aux ressources et thé-
matiques hébergées implique un acte volontaire et exploratoire, même si le
travail de recherche est grandement facilité par les moteurs modernes, dont
Google est l’aboutissement la plus achevé à ce jour.
En matière de suicidologie, Internet est une arme à double tranchant
(Tam et al., 2007). Dès 1999, des voix se sont élevées pour en dénoncer le
danger potentiel. En Grande-Bretagne, tout en alertant sur les premiers cas
de suicide facilités par des informations trouvées sur le net, Susan Thomp-
son (1999) rapporte l’anecdote du hacker qui, découvrant une note d’adieu
sur un site, parvient à localiser la suicidante par son adresse IP et à prévenir
les secours qui arriveront à temps La même anecdote s’est reproduite au
moins une fois dans notre pays, en août 2009. En entreprenant en 2001
des recherches sur Internet, en utilisant diverses clés d’entrée (« deliberate
self harm  », «  attempted suicide  », «  how to commit suicide  », «  suicide self
help  »), Prasad et Owens (2001) ne parviennent pas vraiment à trouver
des informations concrètes sur des méthodes de suicide dangereuses. Au
270 Prise en charge des conduites suicidaires

contraire, la grande majorité des adresses explorées sont explicitement dis-


suasives. Sept ans plus tard, en 2008, Recupero et al. explorent à nouveau
le net avec les formulations « suicide », « how to commit suicide », « suicide
methods », « how to kill yourself », à l’aide de cinq moteurs de recherche dont
Google. Ils trouvent un tiers de sites explicitement opposés au suicide, un
tiers de sites pouvant être considérés comme neutres, 20  % de sites non
pertinents quant au suicide (sites musicaux ou artistiques), un peu moins
de 10 % de sites « cul-de-sac » (ne chargeant pas ou redirigés) et seulement
un peu plus de 11 % de sites biaisés pro-suicide. En fait, même en explo-
rant les sites faisant ouvertement l’apologie du suicide comme le site de la
Church of Euthanasia, les pages décrivant des méthodes de mise en acte
du suicide sont de plus en plus difficiles à dénicher. L’interrelation entre
Internet et le suicide passe plus souvent par l’inscription à des forums de
discussion (newsgroups) non modérés. L’absence de modération peut donc
laisser passer çà et là des informations clés pour organiser un passage à
l’acte, des encouragements directs ou plus souvent des propos susceptibles
d’être interprétés comme tels par un sujet vulnérable et désespéré (Aloa et
al., 1999). Souvent, les suicidants refusent de divulguer leurs sources. Quel-
ques affaires célèbres ont en revanche abouti à des poursuites exercées par
les familles à l’encontre de sites hébergeant certaines « recettes ». D’où, ces
dernières années, une plus grande difficulté à accéder à ces informations,
les pages en forme de «  suicide – mode d’emploi  » étant souvent expur-
gées, îlots d’inaccessibilité au sein des sites les plus subversifs. Même les
sites évoquant l’euthanasie ou le suicide assisté dans les cas de pathologies
terminales – considérés alors comme une solution à la souffrance – pren-
nent la précaution d’exclure les pathologies psychiatriques, notamment
dépressives.

Internet comme vecteur de pactes suicidaires


Les pactes suicidaires sont vieux comme le mythe de Philémon et Baucis (en-
core que dans cette légende, c’est Zeus qui a exaucé le vœu de ce couple de ne
pas être séparé par la mort). La littérature psychiatrique est riche de ces pactes
suicidaires, souvent décrits comme l’aboutissement de « folies à deux » ou de
suicides collectifs mus par la mélancolie du principal perprétrateur.
Les pactes suicidaires par Internet concernent des individus qui n’ont pas
de connexions relationnelles dans la vie réelle, qui se trouvent sur la toile et
qui ont souvent comme motivation l’impasse existentielle et économique
conjoncturelle (« no future ») et le désir de ne pas partir seul.
En mai 2003 au Japon, un jeune homme de 24 ans et deux jeunes femmes
de 20 et 23 ans qui l’accompagnaient se sont suicidés dans une voiture de
location, dans les bois, asphyxiés par les gaz d’échappement dirigés vers
l’intérieur du véhicule. D’après l’enquête de police et les journaux, ces trois
Place de la société dans la prévention du suicide 271

personnes ne se connaissaient pas autrement que par le biais d’un site In-
ternet par l’intermédiaire duquel ils étaient entrés contact. Le jeune homme
avait laissé une seule lettre dans la voiture où il avait écrit que lui et ses deux
compagnes ne s’étaient rencontrés que pour une seule et unique raison  :
« Mourir ensemble, et rien d’autre. »
Selon la police nationale japonaise, en 6 mois de la même année, trente-
­ eux personnes, hommes et femmes âgés entre 15 et 20 ans, se sont sui-
d
cidées après s’être rencontrées sur Internet. La police estimait à  8  000
le nombre de sites Internet qui, sans pour autant encourager directe-
ment le suicide, proposent différentes méthodes pour réussir, comme
l’utilisation de monoxyde de carbone ou l’absorption de certains som-
nifères. La plupart de ces pactes suicidaires conclus par l’intermédiaire
d’un site Internet sont le fait de personnes qui fuient la société, n’ont
ni travail, ni amis, ni responsabilités familiales (Osawa-de-Silva, 2008).
L’Asie a connu de véritables épidémies de « charcoal burnings » collectifs
échafaudés sur Internet, en dehors de toute organisation délibérée par
les sites concernés.
Des illustrations sporadiques ont été aussi vite censurées que lancées sur
les sites de vidéo les plus populaires tels que You Tube. Les hébergeurs sont
désormais très conscients des poursuites qu’ils encourent et tentent d’agir
sans délai dès que les dérives sont repérées. Hagihara et al. (2007) ont mis
en corrélation, entre 1987 et 2005, les comptes rendus de tels faits divers
japonais tant dans la presse écrite que par Internet. Ils trouvent une in-
fluence des échos de presse écrite sur la suicidalité dans les deux sexes et,
pour Internet, chez les hommes seulement, ce qu’ils expliquent par une
plus grande consommation de consultations Internet chez l’homme que
chez la femme.
Ces phénomènes, particulièrement spectaculaires en Asie, gagnent
dans une moindre mesure les pays occidentaux, les principales victimes
étant des jeunes et des très jeunes, comme l’histoire de ces deux ado-
lescentes s’étant suicidées ensemble en janvier 2005, en se jetant d’une
falaise du Pas-de-Calais après avoir affiché plus ou moins clairement
leurs intentions sur un blog. Des faits analogues ont été rapportés en
Grande-Bretagne, en France (deux jeunes filles de régions différentes se
sont rencontrées sur un blog et se sont sacrifiées dans une voiture sur
un passage à niveau à Toul en septembre  2008) et en Belgique. Cette
issue tragique faisait suite à une double trajectoire suicidaire, y compris
collective, chez chacune d’elles. Internet n’a été qu’un outil de réalisa-
tion d’une détermination inscrite dans la problématique profonde de
ces victimes.
Il est donc possible d’affecter à Internet, dans ces drames, la valeur d’un
facteur de facilitation, que ce soit dans la mise en contact d’individus
272 Prise en charge des conduites suicidaires

animés par la même détermination autodestructrice, que par l’accès aux


moyens toxiques sur cette pléthore de sites qui permettent d’acquérir
des médicaments divers dont certains dangereux, hors de tout contrôle
médical.
Mais surfer sur Internet ouvre aussi des perspectives de lutte contre le
risque suicidaire. Au-delà des anecdotes d’observation et de prévention
de passages à l’acte par déclenchement des secours (Janson et al., 2001),
l’exploration actuelle d’Internet aboutit schématiquement aux réponses
suivantes :
• les sites psychiatriques scientifiques ou didactiques ;
• les sites de vulgarisation d’informations médicales de type Doctissimo
ou Wikipédia ;
• les sites associatifs d’écoute, de prévention et d’orientation (SOS Suicide,
Suicide  écoute, Stopsuicide, SOS  Amitié, entre autres). Tous ces sites, ont
commencé à fonctionner téléphoniquement, et poursuivent cette démar-
che. En complément de l’écoute par téléphone se mettent en place des
services d’écoute sur Internet, par courrier électronique et par messagerie
instantanée dans une interface web, selon les mêmes règles et avec la même
éthique que par téléphone ;
• les forums de discussion où l’on peut trouver des messages apparem-
ment sincères de jeunes exprimant leur désir de suicide, auxquels répon-
dent d’autres jeunes, soit par l’humour (noir), soit par l’empathie, soit par
des discours agressifs ou moralisateurs.
Eichenberg (2008) et Baker et Fortune (2008) ont tenté d’explorer les
profils et motivations de clients de ces sites de discussion centrés sur le
suicide, que ce soit par le recueil d’un questionnaire on-line ou par des
entretiens plus approfondis. Les motivations des «  surfeurs  » ont trois
composantes principales : les manifestations d’empathie, de compréhen-
sion et d’échange, l’adhésion à une forme de groupe d’appartenance thé-
matique, et le moyen de gérer et d’exprimer le stress ou leurs problèmes
particuliers.

Perspectives
L’expansion constante d’Internet et son évolution rapide au fil du temps
rendront probablement ces lignes obsolètes lors de la publication. La fré-
quence des sites suicidogènes ou des pages dangereuses par la mise à dis-
position d’informations facilitant les mises en acte suicidaire ne cesse de
décroître, avec le contrôle des contenus illégaux. Le net constitue un formi-
dable outil de diffusion d’informations et d’échanges qui sont actuellement
plus tournés vers la prévention que vers l’incitation.
Est-il pensable d’aller plus loin, vers le dépistage et l’accès aux soins  ?
Au-delà des renvois à des numéros verts d’assistance téléphonique, la com-
Place de la société dans la prévention du suicide 273

munication par mail est appelée à se développer, à l’instar de cette expé-


rience menée sur deux universités (Haas et al., 2008), invitant les étudiants
à remplir un questionnaire dédié au repérage de la dépressivité et des préoc-
cupations suicidaires. Si seulement 8 % des étudiants se sont inscrits dans
cette démarche, c’étaient vraisemblablement les sujets « sensibles » puisque
84 % d’entre eux se sont avérés à risque moyen à élevé. Près de 20 % d’entre
eux se sont prêtés à une évaluation personnalisée, toujours on-line, avec un
conseiller, et 13 % sont entrés dans un programme thérapeutique.
19 Prévention du suicide
en milieu professionnel1

Centralité du travail et nouvelles organisations


du travail
En milieu professionnel, l’activité de travail n’est possible que grâce aux
aménagements continuels, aux adaptations et aux prises de décision as-
surées par les salariés pour atteindre les objectifs de la tâche prescrite. En
effet, l’ergonomie révèle un décalage irréductible entre la tâche prescrite et
l’activité réelle de travail. Cette activité est ce qui est réellement fait par le
sujet pour tenter d’atteindre au plus près les objectifs fixés par cette tâche
prescrite.
Cet ajustement dans le réel exige la mise en jeu de l’initiative, de l’in-
ventivité, de la créativité et de modes d’intelligence personnels proches de
l’ingéniosité. La souffrance face aux difficultés du réel, inscrite dans l’expé-
rience de travail, peut se transformer en plaisir, d’une part lorsque le sujet
vainc cette résistance du réel et trouve un sens à son travail, et d’autre part
lorsque sa contribution est reconnue par autrui. Cette rétribution s’inscrit
en termes de gain dans le registre de l’identité et de l’accomplissement de
soi. C’est la notion de centralité du travail, armature majeure dans l’iden-
tité et la santé mentale de chaque salarié. Lorsque cette contribution est
sans retour en termes de reconnaissance, les sujets mettent en place des
défenses individuelles et/ou collectives dans le but de poursuivre l’activité
professionnelle. Cette situation instable peut entraîner des décompensa-
tions psychopathologiques en lien avec le travail pouvant aller jusqu’au
suicide. Cette notion de centralité du travail est particulière en France, les
Français semblant entretenir un rapport singulier au travail. Ils y accordent
en effet très majoritairement une grande importance, le travail n’étant pas
seulement un revenu ni un moyen de s’insérer socialement, mais aussi, et
peut-être avant tout, un moyen de se réaliser et de développer ses capacités
(Dejours, 2000 ; Meda, 2004).
Depuis les années 1990 sont apparus de nouveaux modèles d’organisa-
tion du travail dans le but de rendre les entreprises compétitives face aux
nouvelles exigences du marché.

1 Écrit en collaboration avec le docteur Michel  Gehin, médecin du travail, CMAIC,


Hérouville-Saint-Clair.

Le geste suicidaire
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276 Prise en charge des conduites suicidaires

Ces organisations font appel principalement à la flexibilité qui permet d’aug-


menter la souplesse d’utilisation des salariés et de limiter au plus juste les effec-
tifs permanents de l’entreprise – développant ainsi la précarité –, à l’intensifi-
cation du travail qui accélère les rythmes en donnant l’impression de travailler
dans l’urgence permanente, au développement de l’autonomie individuelle
qui encourage l’initiative mais souvent augmente le sentiment d’isolement et,
enfin, à l’évaluation individuelle qui risque de mettre en concurrence les sala-
riés entre eux, voire des services entre eux dans la même entreprise.

Risques psychosociaux et conduites suicidaires


Les risques psychosociaux en entreprise concernent tous les risques liés à
l’organisation du travail et aux conditions de travail qui peuvent avoir des
conséquences sur la santé physique et mentale des salariés d’une entreprise.
Ils sont multifactoriels et souvent associés, pouvant découler :
• de la nature des tâches réalisées par le salarié : tâches monotones, répéti­
tives, dénuées de sens, pénibles physiquement, trop changeantes, dangereuses,
sources de souffrance en elles-mêmes (travail avec la maladie, la mort) ;
• de l’organisation du travail : responsabilités liées à l’exécution des tâches,
contraintes de temps, charge de travail en trop ou insuffisante, demande
quantitative et non qualitative, injonctions contradictoires (vite et bien), ré-
partition de la tâche de chacun peu claire, horaires difficiles, contraints, etc. ;
• de la politique des ressources humaines : pas d’écoute des salariés, pas de
participation, pas de reconnaissance du travail accompli, pas de perspective
d’évolution de poste et de salaire, précarité du contrat de travail, rémunéra-
tion insuffisante ;
• des relations de travail : pas ou peu de soutien hiérarchique, peu ou pas
de collectif, management inadapté, arbitraire, etc. ;
• de la politique de l’entreprise : éloignement des décisions, incertitude sur
l’avenir, absence de communication sur la stratégie ;
• de l’environnement clients et/ou usagers : pressions, incivilités, agressivité.
Le risque psychosocial est le plus souvent rendu visible par son action
sur la santé des salariés. En entreprise, ces effets sont communément ap-
pelés le « stress », défini comme un état accompagné de plaintes ou dys-
fonctionnements physiques, psychologiques ou sociaux. Un état de stress
survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des
contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de
ses propres ressources pour y faire face. Le stress n’est pas une maladie, mais
une exposition prolongée au stress peut réduire l’efficacité au travail et peut
mener à la pathologie (Chanlat, 2007).

Épidémiologie
La part des risques psychosociaux en Europe touche environ 20  % des
salariés. En France, 23  % des salariés estiment être dans une situation de
Prévention du suicide en milieu professionnel 277

contraintes professionnelles importantes pouvant induire des problèmes


de santé (Guignon et al., 2008). Selon le sexe, 24 % des hommes et 37 %
des femmes pensent présenter des signes de détresse psychique (Cohidon et
Murcia, 2007).
Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le coût du
stress en entreprise est évalué à environ 3 à 3,5 millions de journées de tra-
vail perdues pour 400 000 arrêts maladie en France.
Aux États-Unis, une étude prospective du Bureau des statistiques du tra-
vail, menée de 1992 à 2001, évalue que le taux de suicide sur les lieux de
travail atteint 3,5 %. Les catégories de travailleurs les plus concernés sont les
travailleurs âgés, les travailleurs indépendants et les travailleurs agricoles.
En France, la part des suicides liés au travail pourrait atteindre le chiffre
de 300 à 400 cas par an. Une enquête menée en Basse-Normandie montre
que plus de 100 suicides ou tentatives de suicide en 5 ans ont été portés à la
connaissance des médecins du travail, et qu’un sur cinq a été réalisé sur
le lieu du travail ou à proximité. Les difficultés sociales et/ou familiales,
comme les difficultés professionnelles antérieures, étaient évoquées une
fois sur deux (Gournay et al., 2003).
Le risque de suicide peut être multiplié par quatre lorsqu’il n’existe aucune
marge de manœuvre ou de liberté dans les tâches de travail (Feskanich et
al., 2002).
L’accumulation de facteurs (forte charge de travail, absence de soutien
social et des horaires importants) augmente le risque de passage à l’acte
suicidaire (Ammagasa et al., 2005 ; Gournay et al., 2003).
Traditionnellement, le suicide au travail touchait principalement les agri-
culteurs, les salariés agricoles et les ouvriers, ceux-ci, en effet, ne pouvant
différencier la vie au travail et hors travail, les deux étant intimement in-
triquées. Les actes suicidaires des autres catégories professionnelles se com-
mettaient généralement dans l’espace privé.
Depuis la fin des années 1990, le suicide au travail concerne désormais
toutes les catégories socioprofessionnelles. Actuellement sont décrits des
suicides sur le lieu de travail, et ce sont souvent les outils du travail qui sont
utilisés pour se donner la mort : arme de service, chute d’échafaudage ou
d’immeubles en construction. Souvent l’acte a lieu sur le poste de travail
lui-même ou sur un lieu ayant une représentation symbolique, par exemple
la cabine de conduite de poids lourd ou l’armurerie.

Indicateurs des risques psychosociaux


Les différents indicateurs psychosociaux sont tous intimement intriqués et
peuvent être classés en deux catégories, les indicateurs humains liés à la
santé des salariés, et les indicateurs portant sur l’organisation et les condi-
tions de travail.
278 Prise en charge des conduites suicidaires

Indicateurs humains
Ils englobent les différents comportements individuels et collectifs des sa-
lariés tant au travail que hors travail, en d’autres termes tous les liens qu’ils
peuvent tisser entre eux.
Dans les phases de décompensation d’une situation au travail, ces in-
dicateurs de santé se dégradent souvent progressivement en touchant les
salariés les plus vulnérables ou les plus exposés dans la situation de travail.
Les premiers signes cliniques sont souvent insidieux mais doivent alerter
d’une situation prodromique de décompensation. L’absentéisme avec le
nombre d’arrêts de travail augmente. Les causes des arrêts peuvent être
multiples, mais ce sont principalement des vécus du travail qui devien-
nent difficiles avec de la démotivation, du découragement, des sensations
de dégradation du travail, des sensations diffuses de ne plus voir l’objectif
ou un sentiment de blocage dans l’avenir au travail. La répercussion sur
la santé psychique se révèle par des sensations de mal-être, d’anxiété ou
d’angoisse à la pensée du travail, des attaques de panique ou des crises
de larmes sur le lieu de travail. La consommation de psychotropes ou les
conduites addictives augmentent parallèlement à la souffrance. Certains
signes psychosomatiques peuvent aussi être mis en évidence, notamment
les signes digestifs, cutanés et surtout l’apparition de troubles musculo-
squelettiques. Le début de la perte d’identité au travail se manifeste par des
difficultés psychiques à prendre des initiatives ou des décisions au travail.
Des conflits internes peuvent apparaître dans l’entreprise avec de la vio-
lence, des agressions verbales ou physiques, et parfois même des situations
de harcèlement moral.
Dans cette phase, les salariés font face à la situation pathogène en mettant
en place des mécanismes de défense individuels ou collectifs qui permettent
de rester dans la «  normalité souffrante  » au travail. Ces mécanismes,
souvent multiples et fonction des traits de personnalité de chacun, peuvent
prendre, par exemple, la forme du déni, de l’anticipation anxieuse ou de la
rationalisation.
Cette phase peut être suivie d’une décompensation. Les salariés présen-
tent alors des signes physiques et/ou psychiques retrouvés en lien avec la
situation de travail et pouvant être datés dans leur apparition en fonction
des événements. Ce sont les pathologies aiguës et chroniques spécifiques du
travail car créées par une situation de travail particulière. Dans ces phases
de décompensation, la violence est toujours retrouvée, soit contre les autres
(collègues ou clients), soit retournée contre soi avec suicide ou tentative de
suicide.
Ces signes sont des indicateurs psychosociaux pour l’entreprise quand
ils deviennent collectifs, touchant en même temps un certain nombre de
salariés.
Prévention du suicide en milieu professionnel 279

Indicateurs organisationnels du travail


Ils sont plus faciles à évaluer en entreprise car plus objectifs Ce sont, par
exemple, le taux d’absentéisme, le taux d’accidents du travail et de ma-
ladies professionnelles, les démissions avec leurs causes, les turnovers, les
demandes de changements de service, les restrictions médicales, l’existence
de procédures judiciaires en cours, les grèves éventuelles, les actes de vio-
lence soit externes, soit internes, les malfaçons et les erreurs, etc. Ils peuvent
être repris dans les comptes rendus des réunions de comité d’entreprise ou
de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi
que dans les documents officiels de prévention de l’entreprise que sont les
fiches d’entreprise et le document unique qui recensent les risques et les
moyens mis en œuvre pour les réduire.

Législation du travail
Les risques professionnels sont définis par les éventualités d’un dommage
sur un salarié ou un bien exposé à un danger dans le cadre du travail.
La notion de risque professionnel date de la loi du 9 avril 1898 qui rend l’em-
ployeur civilement responsable de tout accident survenu dans son entreprise.
La loi du 31 décembre 1991 contraint l’employeur à promouvoir l’amé-
lioration de la sécurité et de la santé des salariés. Il doit prendre des mesures
de prévention des risques professionnels, d’information et de formation de
ses salariés et mettre en place une organisation et des moyens adaptés à la
prévention. Les risques et les moyens mis en œuvre sont recensés dans des
documents officiels : la fiche d’entreprise et le plan d’activité sont sous la
responsabilité du médecin du travail, et le document unique, traduction
écrite de l’évaluation des risques a priori dans l’entreprise, est sous la respon-
sabilité de l’employeur. Jusqu’à cette période ne sont pris en compte que les
risques en relation avec les conditions de travail, c’est-à-dire à l’environne-
ment physique et visible des salariés.
La loi de modernisation sociale de janvier 2002 précise que l’employeur
prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé
physique et mentale des travailleurs de l’établissement, y compris les tra-
vailleurs temporaires. C’est la première fois qu’une loi tient compte du ris-
que psychique des salariés dans un environnement de travail. Le risque
psychosocial devient donc un risque à part entière dans l’entreprise et doit
de ce fait être considéré comme tel et selon les termes de la loi être « com-
battu à sa source ». Depuis 2002, la jurisprudence impose aux employeurs
une obligation de résultat dans cette prévention.
L’accord cadre européen sur le stress au travail du 8 octobre 2004, puis son
extension en France le 2 juillet 2008, définit la notion de stress au travail et
donne des pistes de solution pour réduire ce risque. Le but de l’accord est
280 Prise en charge des conduites suicidaires

de fournir aux employeurs et aux salariés un cadre qui permette de détecter


et de prévenir ou de gérer les problèmes de stress au travail en rendant visible
les risques psychosociaux. Il met au même niveau les risques physiques
objectifs liés aux conditions de travail et les risques psychiques entièrement
subjectifs liés aux vécus au sein de l’organisation du travail.
Un second accord cadre européen, en date du 26 avril 2007, porte spéci-
fiquement sur le harcèlement et la violence interne et externe au travail et
donnera ultérieurement lieu à un texte spécifique des partenaires sociaux
en France.
La place du suicide au travail en France reste encore très mal connue.
C’est pour cette raison que le ministère du Travail a annoncé la mise en
place d’une « veille épidémiologique des suicides » au travail dès 2009.

Accident du travail et suicide


L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les suicides liés au travail
comme « ceux qui se produisent sur le lieu de travail et ceux accompagnés
d’une lettre explicite ». En France, l’article L 411-1 du Code de la sécurité so-
ciale précise qu’« est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la
cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne
salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un
ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». Pour tout décès survenu sur
le lieu de travail, même pour un suicide, la présomption d’origine profession-
nelle doit donc jouer systématiquement. L’employeur n’a pas à se faire juge
du caractère professionnel de l’accident de travail et est tenu de le déclarer à
la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM). S’il conteste l’accident, il doit
alors démontrer que la lésion a une origine totalement étrangère au travail. Si
la direction refuse d’établir cette déclaration, le salarié ou les ayants droit peu-
vent faire la demande directement au service accident du travail de la CPAM.
Lors d’un suicide sur le lieu de travail, la police intervient en premier.
Après avoir exclu la thèse d’un homicide déguisé, l’enquête s’oriente dans
la sphère privée et le milieu professionnel. La police auditionne l’entourage
à la recherche de causes familiales ou de causes liées au travail, par exemple
des sanctions, des violences ou du harcèlement moral. Le rapport d’enquête
est ensuite transmis au procureur de la république et aux services de la Sécu-
rité sociale. Après cette enquête, les inspecteurs de la CPAM et de l’inspec-
tion du travail recherchent des éléments liant le geste au travail. Parallèle-
ment, les membres du comité d’entreprise et du CHSCT peuvent mandater
une expertise par un cabinet indépendant pour réaliser l’arbre des causes du
geste suicidaire et mettre en place des moyens efficaces de prévention.
Un suicide reconnu en accident du travail a un coût financier pour l’en-
treprise qui supporte une large partie du coût de l’indemnisation des ayants
Prévention du suicide en milieu professionnel 281

droit. Dans certains cas, la reconnaissance peut également être possible


dans le cadre d’un suicide survenu hors du travail, par exemple au domi-
cile. Dans un arrêt du 22 février 2007, la Cour de cassation a admis qu’une
tentative de suicide au domicile d’un salarié, pendant une période de sus-
pension de contrat de travail, soit qualifiée d’accident du travail, à partir du
moment où le salarié ou ses ayants droit apportent la preuve du lien entre
le suicide et le travail. Pour la Cour, un accident de travail est « un événe-
ment survenu à des dates certaines par le fait ou à l’occasion d’une activité
professionnelle dont il en résulte une lésion corporelle ».
La reconnaissance en maladie professionnelle est possible pour un état dé-
pressif antérieur à un passage à l’acte suicidaire. Si cet état ne peut s’inscrire
dans le cadre d’un accident du travail, la reconnaissance passe obligatoire-
ment par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnel-
les (CRRMP) (loi du 27 janvier 1993). Celui-ci doit alors établir l’existence
d’un lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail (Cour de cas-
sation, 2003, 2004). Dans certains jugements, le risque suicidaire pourrait
être évoqué si les résultats des différentes enquêtes menées révèlent, par
exemple, des cas de harcèlement moral ou de violence. La faute inexcusable
de l’employeur pourrait être retenue, celui-ci n’ayant pas pris les mesures
pour protéger la santé du salarié.

Troubles psychologiques ou psychiatriques


en lien avec le travail
Ils apparaissent lorsque les défenses psychiques individuelles ou collectives
mises en place dans le cadre d’organisations du travail délétères sont
dépassées. Il n’y a pas de proportionnalité entre la souffrance psychique,
difficilement mesurable, le trouble mental identifiable en tant que tel et la
souffrance éprouvée au travail. Les psychopathologies liées au travail peu-
vent toutes évoluer vers un état de crise suicidaire.

Tentatives de suicide et suicides en lien avec le travail


Le nombre de gestes suicidaires réalisés sur le lieu du travail ou à proxi-
mité est particulièrement préoccupant et semble en augmentation. Cette
violence retournée contre soi au travail traduit le fait qu’il n’existe plus
de séparation entre la vie au travail et la vie privée. L’appréciation du rôle
du travail dans la genèse des conduites suicidaires est difficile à établir. Le
travail peut n’être qu’un cofacteur d’une situation extraprofessionnelle très
difficile, tout en étant parfois, mais cela reste à démontrer, l’élément déclen-
chant du geste. Le geste suicidaire en lien avec le travail ne présente aucune
spécificité en dehors de son éventuelle localisation sur le lieu de travail.
282 Prise en charge des conduites suicidaires

Au Japon, les cas de suicide imputés au sur-travail, ou karôjisatsu, ouvrent


droit à la reconnaissance en accident du travail quel que soit le lieu du
passage à l’acte. Cette reconnaissance dérive des morts par sur-travail, ou
karôshi, reconnus depuis les années 1960 (Ammagasa et al., 2005 ; Inoue et
Matsumoto, 2000).

Pathologie mentale post-traumatique


en lien avec le travail
La pathologie mentale post-traumatique est constituée par les conséquences
psychopathologiques des agressions dont sont victimes des personnes dans
l’exercice de leur activité professionnelle. Dans les nouvelles organisations
du travail, de plus en plus de salariés sont exposés au public, aux clients en
direct et donc aux risques d’agression physique ou verbale. Le salarié peut
également être victime ou témoin d’un accident de travail grave ou mortel ou
d’un suicide sur le lieu de travail. Cette pathologie peut de même se dévelop-
per après tout événement grave en milieu de travail où le salarié est confronté
à la mort ou à sa représentation. Les mêmes symptômes se retrouvent chez
les salariés victimes de mobbing et de harcèlement, le point commun étant le
sentiment aigu d’une atteinte à son intégrité physique ou mentale.
Le tableau clinique résultant de ces agressions constitue un syndrome
post-traumatique au sens du DSM-IV-R tel qu’il est décrit pour les événe-
ments violents hors du commun.
L’évolution vers une névrose post-traumatique est de survenue rapide ou
à distance, et peut ne pas être proportionnelle au traumatisme initial. Les
images traumatiques générant le trauma sont alors en lien direct avec un
événement survenu au travail.

Dépression réactionnelle d’origine professionnelle


Il n’y a pas de caractéristiques cliniques spécifiques de la dépression réac-
tionnelle d’origine professionnelle. Sont retrouvés une douleur morale, une
tristesse, une réduction de l’énergie, une diminution de l’activité, une perte
d’élan vital, des troubles du sommeil et de l’appétit, et des difficultés cogni-
tives. Sont également notées une asthénie, une perte d’intérêt aux activi-
tés quotidiennes, une tristesse parfois importante, avec parfois émergence
d’idées suicidaires et risque de passage à l’acte. La perte de l’estime de soi,
tant au travail que hors travail, est constante.
Si cette dépression réactionnelle au travail peut avoir des causes organi-
sationnelles, on retrouve parfois la dépression comme le résultat de l’évolu-
tion d’un conflit interpersonnel durable qui s’est peu à peu radicalisé. Dans
ce cadre, la dépression réactionnelle aboutit habituellement à une forme
de harcèlement moral ressenti. Le conflit initial ou le malentendu sur une
Prévention du suicide en milieu professionnel 283

position de travail qui n’a pas été expliqué dérive, dans un second temps,
sur le vécu d’un conflit entre deux êtres humains. Le conflit initial et l’évo-
lution de la situation de travail sont souvent perdus de vue. Malgré tous les
mécanismes de défense mis en place pour justifier de la situation, l’absence
de sens pour le salarié crée une souffrance sans issue. L’épuisement progres-
sif des ressources pour faire face au conflit évolue vers des phases d’anxiété
réactionnelles avec mise en place de nouvelles défenses psychiques plus
ou moins efficaces. De par la chronicité de la situation de travail et les évé-
nements de la vie personnelle, les défenses s’effondrent pour atteindre la
phase de dépression.
Chaque évolution de la souffrance psychique ou physique peut être mise
en relation avec les différents événements survenus au travail. Le traitement
repose sur les thérapeutiques habituelles de la dépression et dans la recher-
che du sens en lien avec le travail.

Karôshi
Au Japon, les pathologies de surmenage ou karôshi (mort par surtravail)
sont reconnues en maladies professionnelles dans certains cas depuis les
années 1970. L’expression découle de celle de karôbyô ou « maladies du sur-
travail », qui sont apparues dans les années 1960 pour désigner les douleurs
physiques dues aux hypersollicitations des tendons ou des articulations
provoquant des troubles musculosquelettiques.
Le salarié, qui initialement devait être âgé de 25 à 45 ans, sans antécédent
clinique, décédait sur son lieu de travail soit par infarctus du myocarde, soit
par accident vasculaire cérébral de type hémorragique. Pour être reconnu
en maladie professionnelle, il fallait que le salarié ait travaillé 72  heures
d’affilée et n’ait pas dormi plus de 2 heures par nuit pendant cette période.
Depuis  2001, sous la pression des familles, les éléments permettant la
reconnaissance du karôshi se sont élargis, notamment sur les critères d’âge,
de lieu de l’accident et de symptomatologie en dehors du décès. Cependant,
le salarié ou ses ayants droit doivent, prouver un total de plus de 100 heures
supplémentaires de travail dans le mois qui précède la survenue de la
maladie ou de la mort, ou bien une moyenne de 80 heures et plus par mois
durant les 6 derniers mois. Le karôshi est un processus psychosomatique qui
semble lié à la dégradation du fonctionnement psychique par l’hyperacti-
vité professionnelle qui bloque tout fonctionnement cognitif.

Harcèlement moral et mobbing


Le harcèlement moral est un phénomène ancien dans le monde du travail,
bien qu’il n’apparaisse dans le Code du travail qu’en  2002. Sa définition
associe la notion d’agissements répétés et l’existence de « conséquences »
284 Prise en charge des conduites suicidaires

sur l’individu qui en est supposé victime. Il s’agit d’une notion avant tout
juridique, le « harcèlement » ne saurait être invoqué a priori, mais doit être
affirmé au terme d’un débat contradictoire.
Le concept a d’abord été introduit dans les années  1980 par Leymann
sous le terme de mobbing, défini comme « toute conduite abusive se ma-
nifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des
gestes, des écrits unilatéraux, de nature à porter atteinte à la personnalité, à
la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne et mettre
en péril son emploi ou à dégrader le climat de travail » (Leymann, 1990).
Le mobbing est différent du harcèlement moral pervers décrit par Hiri-
goyen (2001), car son mécanisme est lié à une persécution collective. Les
agissements relevant du harcèlement moral au travail ont pour objectifs
d’empêcher la victime de s’exprimer, l’isoler, la déconsidérer et la discrédi-
ter. Ces attaques, en s’en prenant à l’identité et à l’intimité de la personne,
sont particulièrement délétères. Pour Davezies (2003), il n’existe pas de per-
sonnalité spécifique à la victime, et chacun peut être un jour harcelé. Pour
d’autres, des profils particuliers peuvent être retrouvés : personne « en trop »
ou « en moins », avec des typus melancolicus, personnes trop exigeantes,
sensitives, avec un sens du devoir et un perfectionnisme rigide.
Les niveaux hiérarchiques du harcèlement moral peuvent être variables :
descendant par un hiérarchique, horizontal par un collègue, ascendant par
un subordonné.
Les formes de harcèlement peuvent être différentes selon les objectifs  :
harcèlement stratégique, dont l’objectif est de se débarrasser de quelqu’un
à moindre coût en lui rendant la vie impossible, ou harcèlement institu-
tionnel qui utilise la peur. Les techniques de harcèlement sont diverses et
concernent différents registres du travail et du sujet. Ce sont, selon Hiri-
goyen, l’atteinte aux conditions de travail, l’isolement et le refus de com-
munication, l’atteinte à la dignité, les violences verbales, physiques ou
sexuelles. Les nouvelles organisations du travail, notamment par l’efface-
ment des collectifs de travail, facilitent et entretiennent ces méthodes par
des mécanismes de consentement passifs et de non-réactions de la part de
l’entourage de travail, souvent motivés par la peur.
Ignorer l’organisation du travail dans le cadre des situations de harcèle-
ment, c’est privilégier des explications en termes de psychologie individuelle
alors que dans beaucoup de situations, c’est l’organisation de travail qui est
à l’origine des comportements et non pas des structures de personnalité.
Dans la genèse d’un harcèlement, il y a quasiment toujours un conflit de
travail à l’origine de la dégradation de la relation, ce conflit étant lié à des
confrontations de points de vue différents quant à la façon de « faire » le
travail. Il n’y a pas de proportionnalité objective entre la gravité de la situa-
tion et la gravité symptomatique.
Prévention du suicide en milieu professionnel 285

La clinique du harcèlement révèle une souffrance liée à une déstabili-


sation profonde du sujet par destruction de son identité (Davezies, 2003 ;
Hirigoyen, 2001).

« Burn-out syndrome »
Le « burn-out syndrome » ou « syndrome d’épuisement professionnel » est
un épuisement physique et émotionnel décrit au Canada à la fin des an-
nées 1970. Pour Freudenberger, ces personnes présentent un sentiment de
vide de leur existence et s’épuisent de par les contraintes de travail et le
stress quotidien. Le terme « burn-out » (to burn out) signifie être consumé,
brûlé par frottement (Freudenberger, 1987).
Le sujet s’épuise professionnellement le plus souvent dans des tâches
d’aide ou de responsabilités envers autrui, de services aux clients ou d’as-
sistance. Ce sont les relations prônant le dévouement et la disponibilité
poussée dans ses extrémités qui épuisent psychiquement le sujet.
Les déficiences de l’organisation du travail, tant sur le plan matériel
que sur le plan humain, contraignent le salarié à accepter d’endosser de
plus en plus de tâches pour maintenir son image identitaire intacte. De-
vant l’ampleur de la tâche qui semble «  sans fond  » selon les termes
recueillis, le salarié augmente ses amplitudes de travail tout en étant tou-
jours insatisfait de ses résultats. Les symptômes de « burn-out » apparais-
sent quand les réserves psychiques et physiques du sujet sont épuisées.
Cliniquement, outre les signes anxio-dépressifs, on retrouve des symp-
tômes spécifiques comme le découragement, la démotivation au travail,
la perte d’empathie et surtout une baisse extrême de l’estime de soi et
de ses compétences. Dans la forme ultime, malgré un «  présentéisme  »
important, le sujet devient totalement inefficace au travail. L’arrêt de tra-
vail qui en résulte toujours exclut le salarié de cette situation aiguë et
une réorientation professionnelle est généralement envisagée, à un poste
sous-qualifié.

Prévention du geste suicidaire en entreprise


Prévention individuelle du geste suicidaire en
entreprise
La prévention individuelle du geste suicidaire en tant qu’événement
est très rare en entreprise. Elle doit se faire en amont sur le repérage
du salarié suicidaire. Ce repérage peut se faire quand l’environnement
proximal de travail (collègues, hiérarchie proche) ressent une souffrance
inhabituelle de la part de leur collègue en crise (isolement, refus de
communication, évocation d’idées suicidaires). La direction ou le
286 Prise en charge des conduites suicidaires

service du personnel doivent être alertés et orientent alors le salarié vers


le médecin du travail, le médecin traitant ou les urgences. Ce repérage
doit aussi se faire lors des entretiens médico-professionnels réalisés par
le médecin du travail de l’entreprise. L’entretien doit mettre en lien la
santé et l’organisation du travail. Sont explorés l’attente du salarié par
rapport au travail, la valeur qu’il représente, l’estime de soi dans le tra-
vail, les relations sociales (hiérarchie, collègues), l’intensité du travail,
l’ambiance de travail, le vécu des responsabilités par rapport au poste,
les difficultés dans le travail et les moyens pour y faire face, le rapport
place du travail/place du hors travail, le soutien familial, les activités
extraprofessionnelles, et les éventuelles répercussions du travail sur la
santé. Cet entretien doit analyser non seulement la situation actuelle
mais aussi reprendre événement après événement l’historique du tra-
vail. Grâce à la verbalisation, le salarié retrouve un sens à son histoire,
ce qui lui permet, par un mécanisme d’intersubjectivité, de regagner
l’énergie nécessaire pour agir à nouveau sur sa situation. Le repérage
peut également être réalisé par le médecin traitant ou le psychiatre qui
doivent conseiller au salarié, même si celui-ci est en arrêt, de prendre
contact avec le médecin du travail.
Au-delà de la problématique individuelle de troubles psychiques et de
leur prise en charge, le vécu douloureux a le plus souvent une origine dans
l’organisation du travail et s’avère commun à plusieurs salariés. Le rôle du
médecin du travail est alors de faire la synthèse du vécu de ces salariés, ce
qui lui permet d’identifier les dysfonctionnements décrits et d’alerter (mise
en visibilité de la situation) l’employeur et les membres du CHSCT ou les
délégués du personnel, pour impulser une démarche de prévention passant
par des actions collectives.
La prévention individuelle du risque « suicide » lié au travail repose donc
sur la réduction des risques psychosociaux en entreprise. En effet, on peut
considérer que l’acte suicidaire est l’ultime voie de la souffrance retournée
contre soi dans une situation de travail bloquée. C’est donc la prévention
collective des facteurs psychosociaux et le suivi individuel clinique, au tra-
vers des entretiens médico-professionnels de la médecine du travail, qui
vont permettre d’apprécier les tendances psychosociales de l’entreprise. Des
moyens de prévention efficaces pourront alors être mis en place avant le
blocage complet de la situation pathogène. La prévention collective corri-
gera les dysfonctionnements dans leurs débuts sans les laisser évoluer pour
leur propre compte. Sur le plan individuel, la prévention du geste suicidaire
pourra passer, sur proposition du médecin du travail, par des modifications
d’organisation de poste, si c’est l’organisation qui est le problème, ou des
changements de poste ou de service si ce sont les relations humaines qui
sont en jeu.
Prévention du suicide en milieu professionnel 287

Prévention et postvention collective du geste


suicidaire en entreprise
La prévention des risques psychosociaux en entreprise, y compris le risque
de suicide, est une obligation légale pour l’employeur avec une obligation
de résultat, mais tous les salariés de l’entreprise sont aussi concernés. La
prévention de ces « nouveaux » risques, rendus visibles réglementairement,
rencontre encore des difficultés pratiques de mise en œuvre dans les entre-
prises. En effet, l’évaluation de ces risques peut remettre en question, par
exemple, les compétences à manager ou à organiser le travail, ou pointer
certains comportements individuels ou collectifs qui jusqu’alors ne pou-
vaient être contestés. Certains peuvent voir dans l’étude des risques psycho-
sociaux une intrusion dans leur liberté d’action individuelle.
L’évaluation de ces risques, peu réalisée a priori, devient une priorité lors-
que les répercussions sur l’entreprise deviennent économiques, lorsqu’un
risque grave et imminent est révélé publiquement ou lorsqu’un événement
grave, de type tentative de suicide ou suicide, se produit dans l’entreprise.
La prévention des risques psychosociaux, dont le suicide est l’ultime et
dramatique conséquence, doit toujours passer par une démarche globale
comprenant les stades d’évaluation des risques, d’élaboration de pistes de
prévention, de mise en œuvre des actions collectives de prévention et d’éva-
luation de l’efficacité des mesures prises. La première phase est l’analyse des
différents indicateurs sur le plan humain et sur le plan de l’organisation
du travail, une fois que l’ensemble des acteurs de l’entreprise aura défini
une base commune de compréhension et d’analyse de ces risques. Cette
évaluation permet d’estimer le niveau général du risque psychosocial de
l’entreprise par les données des ressources humaines, l’ambiance de travail
ressentie collectivement et le bilan global de l’état de santé des salariés. Les
salariés doivent être informés des projets, interrogés sur leur perception des
choses et participer au choix des modifications des techniques ou de l’orga-
nisation du travail.
En cas de risque psychosocial important, notamment devant l’altération
de l’état de santé global des salariés, des évaluations plus poussées sont
menées au sein de l’entreprise ou du service en dysfonctionnement. Les
techniques utilisées reposent sur des questionnaires individuels de santé
explorant le stress en fonction des contraintes du travail ou des réunions
collectives de salariés volontaires permettant la mise en discussion du tra-
vail. Ces groupes de parole, inspirés des techniques utilisant les concepts
de la psychodynamique du travail, permettent de retracer l’histoire du col-
lectif et d’éclaircir, à travers les différents témoignages, le sens de la situa-
tion de travail. L’objectif est de réinitier des règles de métier et de recréer
un collectif.
288 Prise en charge des conduites suicidaires

Ces différentes approches sont à compléter par une analyse ergono-


mique des postes de travail et de l’organisation du travail à la source
des risques psychosociaux. Chaque entreprise aborde cette évaluation des
risques psychosociaux en fonction de son propre contexte et de son his-
toire. Le rapport des études propose des pistes de solutions à mettre en
œuvre pour réduire le risque psychosocial. Le suivi des actions mises en
place s’effectue de façon régulière par des réunions mensuelles où sont
réévalués les modifications techniques, le ressenti et l’état psychique des
salariés.
Les principaux facteurs de souffrance sont le manque de reconnaissance
au travail, la définition floue des tâches et des responsabilités dans l’organi-
sation du travail, le système de prescription du travail avec l’augmentation
des quantités au détriment de la qualité, le manque de compétences techni-
ques par défaut de formation…
Les mesures à mettre en place peuvent être la clarification des objectifs
de l’entreprise ou des services et le rôle de chaque salarié. Ce peut être, par
exemple, le fait de ressentir un soutien de la direction, d’assurer une bonne
adéquation entre la responsabilité de chacun et le contrôle sur le travail et,
point majeur dans la prévention des risques psychosociaux, la formation
des managers et des salariés pour développer la prise de conscience et la
compréhension du stress (INRS, 2007).
Un geste suicidaire sur le lieu du travail est une urgence à gérer au sein
de l’entreprise. Cet événement est un élément majeur dans la vie de l’entre-
prise, touchant chaque salarié de façon plus ou moins importante.
En fonction des régions, soit le SAMU fait appel à la cellule d’urgence
médico-psychologique (CUMP), soit l’entreprise contacte directement son
médecin du travail. Le defusing immédiat a lieu 2 à 3 heures après l’appel
pour soutenir les salariés témoins, voire l’encadrement, par une présence
accueillante et empathique. L’écoute doit être attentive, sans être intrusive,
en permettant une verbalisation immédiate de l’événement sans dédrama-
tisation ni déculpabilisation afin de préserver les défenses individuelles.
Cette présence rapide sur les lieux permet d’assurer un bilan médical avec
orientation des témoins, si besoin vers leur médecin traitant, un médecin
spécialiste ou une cellule psychiatrique d’urgence. Le médecin rédige le
certificat médical initial d’accident de travail, en notant la possibilité de
rechute dans les 6 mois après l’événement.
Un débriefing psychologique est organisé, si nécessaire, dans les 48 à
72  heures suivant l’événement. Son objectif est la verbalisation des faits,
des émotions et des pensées. Cet échange en commun resserre le collectif
tout en préservant la singularité de chacun. Le suivi médical par le médecin
du travail est assuré régulièrement pendant un an afin de poursuivre l’aide
psychologique individuelle et de dépister un syndrome post-traumatique
Prévention du suicide en milieu professionnel 289

(syndrome de répétition traumatique, modifications caractérielles, troubles


de l’humeur, troubles anxieux, troubles des conduites à type d’évitement,
retrait, fuite) nécessitant une prise en charge spécialisée. En dehors de la
prise en charge médicale, le médecin du travail participe au CHSCT extra-
ordinaire qui se déroule dans les 48 heures suivant l’événement. Ce CHSCT
initie une enquête pour rechercher les relations éventuelles entre travail et
geste suicidaire. Si un lien est retrouvé, la démarche globale d’évaluation
des risques psychosociaux doit être aussitôt mise en œuvre afin de prévenir,
dans l’immédiat, d’autres décompensations de salariés et rétablir des situa-
tions de travail favorables.
20 Aspects médico-légaux
et éthiques

Le champ éthique et médico-légal est particulièrement complexe dans


le domaine du suicide, avec des législations différentes selon les pays et
des positions extrêmement variables sur des sujets sensibles et d’actualité
comme l’euthanasie et le suicide médicalement assisté.

Responsabilités médicales
La suicidologie est une clinique du risque, dont certains aspects sont fondés
sur des «  standards de soins  », c’est-à-dire le degré de soins qu’une per-
sonne raisonnable et prudente professionnellement exercerait dans des
circonstances similaires, sur lesquels les médecins peuvent et doivent s’ap-
puyer, mais qui diffèrent selon les pays concernés. Les impératifs économi-
ques sont de plus en plus exigeants dans le domaine de la santé, comme
en témoignent par exemple les durées moyennes de séjour, alors qu’il faut
délivrer des soins conformes aux dernières données de la science médicale.
Ne pas respecter les « guidelines » américains, les « recommandations », les
« conférences de consensus » ou les « bonnes pratiques cliniques » en France
pourrait, en cas de conduite suicidaire et de plainte déposée, être considéré
comme une négligence plus ou moins lourde, voire une faute profession-
nelle. C’est ainsi que se développent des évaluations des pratiques profes-
sionnelles dans les établissements de santé, comparant, à partir de dossiers
cliniques, ce qui est réellement fait aux recommandations en vigueur.
Chaque rencontre avec le suicidant engage directement le médecin, son
équipe et leur responsabilité dans une clinique du risque et de l’ambiva-
lence, où la répétition du geste suicidaire, au pire son aboutissement fatal,
est redoutée. Il est néanmoins rare, sauf dans des cas très particuliers et très
caricaturaux, qu’il soit démontré une faute personnelle lourde du médecin
en cas de suicide d’un patient. C’est plus la notion de « négligence » d’un
service, à un moment donné dans le déroulement des soins, qui est rete-
nue.
C’est pourquoi :
• l’évaluation du potentiel suicidaire initial puis tout au long de la prise
en charge, ambulatoire ou hospitalière, doit être régulière et notée dans le
dossier clinique ;
• les hypothèses diagnostiques permettant de traiter ce qui doit être traité
sont clairement énoncées et les traitements mis en route ;

Le geste suicidaire
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292 Prise en charge des conduites suicidaires

• si le potentiel suicidaire est élevé et le risque de passage à l’acte immi-


nent, il ne faut pas hésiter à hospitaliser, sous contrainte si besoin, la loi du
27 juin 1990 reprise par la loi du 4 mars 2002 stipulant que c’est l’absence
de soins qui crée un préjudice au patient et non l’inverse ;
• en hospitalisation, les règles de surveillance (rythme, recherche d’objets po-
tentiellement dangereux, etc.) sont précisées par écrit. Les prescriptions sont
écrites, horodatées et signées. Une personne à fort potentiel suicidaire et en
hospitalisation sous contrainte sera préférentiellement dirigée vers une unité
de soins intensifs, et le passage de cette unité vers une unité traditionnelle sera
décidé de façon consensuelle entre les médecins et les équipes de soins ;
• chaque étape doit être expliquée de façon claire et compréhensible au
patient et à son entourage. Les plaintes déposées ont souvent comme ori-
gine des conflits entre les personnes, avec de chaque côté un sentiment
de non-respect, soit du cadre de soins, soit des personnes en souffrance,
patient comme entourage.
L’ouvrage de l’américain Shea (2008), Évaluation du potentiel suicidaire : com-
ment intervenir pour réussir, outre la dimension humaine et technique, donne
de judicieux conseils sur la façon de rédiger une observation médicale d’un pa-
tient suicidaire dans un pays où le risque médico-légal est encore plus redouté
que dans notre pays. Il rappelle que quatre règles fondamentales permettent
d’éviter un procès pour faute professionnelle : fournir les soins adaptés, savoir
adresser le patient vers un autre thérapeute si nécessaire, construire une bonne
relation avec le patient et son entourage, et avoir un dossier clinique solide.
Ce dernier point est sans doute le plus négligé car chronophage, surtout aux
urgences, alors qu’il peut être le plus rassurant et le plus préventif. La rédaction
d’une observation doit donc être rigoureuse, respecter les différentes phases
bien connues et tenir compte de «  petites recettes  ». Par exemple, le terme
« suicidaire » utilisé comme nom et non comme adjectif peut être dangereux
d’imprécision, car connoté subjectivement et non pas le reflet d’informations
objectives recueillies. Le recueil des données cliniques actuelles et antérieures
doit être le plus objectif possible, avec description des facteurs de risque et de
protection, la formulation du potentiel suicidaire contenant nécessairement
une part de subjectivité. Toutes les informations sont notées, comme par
exemple l’absence de geste suicidaire antérieur, les contacts infructueux avec
l’entourage, le médecin généraliste ou le psychiatre référent non joignables, ce
qui montre que ces informations ou ces contacts ont été recherchés. Et plus
que tout, argumenter les décisions prises est indispensable.
En cas de décès par suicide, en dehors du cadre purement médical, se pose
la question des règles de succession des assurances vie, qui sont fonction des
contrats. Certains en font une condition d’exclusion pour le versement des
primes aux héritiers, d’autres ont une clause stipulant que les versements ne
seront pas possibles si un suicide survient dans l’année ou dans les 2 ans sui-
vant la signature du contrat. Il arrive de rencontrer des personnes en crise
suicidaire qui, dans leur préparation du geste, avaient relu très précisément
Aspects médico-légaux et éthiques 293

leurs contrats d’assurance vie et qui envisageaient comme moyen de suicide


un accident de la route pour assurer après leur décès la tranquillité finan-
cière de leurs héritiers. Pour quelques-uns détectés à temps, combien passés
inaperçus lors des accidents de la voie publique…

Recours à la loi du 27 juin 1990


Cadre de la loi
En France, la loi sanitaire du 27 juin 1990 définit les modalités d’hospitali-
sation en psychiatrie selon trois modes différents :
• en hospitalisation libre à la demande du patient, comme dans n’importe
quel service hospitalier ;
• en hospitalisation sous contrainte sous forme d’hospitalisation à la de-
mande d’un tiers en cas de dangerosité pour le patient lui-même et en ac-
cord avec sa famille ou son entourage ;
• en hospitalisation sous contrainte sous forme d’hospitalisation d’office,
en cas de dangerosité pour autrui, par le biais d’un arrêt préfectoral établi au
vu d’un certificat médical.

Dans les situations de crise suicidaire, les hospitalisations les plus fré-
quemment utilisées sont l’hospitalisation libre acceptée, voire demandée,
par le patient, et l’hospitalisation sous contrainte à la demande d’un tiers,
régie par les articles L  3212-1 et L  3212-3 du Code de santé publique et
nécessitant un ou deux certificats médicaux (selon le degré d’urgence) d’un
médecin thésé non lié au patient et à sa famille, et la demande écrite de la
famille selon une formulation bien spécifique.
Le but de ces hospitalisations est l’évaluation et le soin des troubles men-
taux, en raison de troubles psychiatriques qui rendent le sujet potentielle-
ment dangereux pour lui-même et pour autrui, dans un contexte où le sujet
s’oppose à cette hospitalisation ou n’est pas considéré apte à consentir de
façon fiable à cette hospitalisation.
La loi du 27 juin 1990 modifiée par la loi du 4 mars 2002 précise que le
consentement aux soins est la règle, que la contrainte doit demeurer l’ex-
ception et que c’est l’absence de soins qui crée un préjudice au patient rem-
plissant les conditions de la loi et non l’inverse.
Il est donc nécessaire :
• d’évaluer le patient et son entourage, en tenant compte des capacités de com-
préhension, de soutien et d’épuisement physique et psychique de l’entourage ;
• d’évaluer la capacité du sujet à consentir, à savoir :
– capacité à recevoir une information adaptée,
– capacité à comprendre et à écouter,
– capacité à raisonner,
– capacité à exprimer librement sa décision,
– capacité à maintenir sa décision dans le temps ;
294 Prise en charge des conduites suicidaires

• de préciser les indications. La Haute Autorité de Santé (2005) qui défi-


nit les modalités de prise de décision concernant l’indication en urgence
d’une hospitalisation sans consentement pour une personne présentant des
troubles mentaux identifie clairement le risque suicidaire comme l’un des
motifs pour déclencher une hospitalisation sous contrainte.

Hospitalisation sous contrainte


En cas de crise suicidaire, plusieurs situations peuvent conduire à une hos-
pitalisation sous contrainte, déclenchée pour réduire le risque de passage à
l’acte grâce à une surveillance immédiate et constante.
Décrits précédemment dans le chapitre 14, « Les conduites suicidaires aux
urgences », ces critères d’hospitalisation demeurent fort réducteurs car l’im-
minence du passage à l’acte s’évalue à travers un faisceau de présomptions,
telles qu’elles sont énoncées dans la conférence de consensus sur la crise sui-
cidaire d’octobre 2001 (Benoit, 2001). Par ailleurs, le tableau clinique peut
être dominé par des symptômes qui ne sont pas forcément liés au passage
à l’acte lui-même ou à la dangerosité, mais qui constituent une réelle perte
de chance pour le patient s’il n’est pas hospitalisé, comme par exemple le
mélancolique qui n’exprime pas forcément dans un premier temps ses idées
suicidaires mais dont le potentiel suicidaire est néanmoins très élevé.
Même si les patients sont immédiatement informés de la procédure, l’hos-
pitalisation sous contrainte ne favorise pas au départ l’alliance thérapeutique.
La contrainte peut être vécue comme une trahison, une injustice de plus, une
punition, une entrave intolérable à la liberté. Le membre de la famille ayant
rédigé la demande de tiers est vécu comme un agresseur tout puissant, le tout
alimenté souvent par une histoire familiale douloureuse et complexe, d’où la
nécessité d’un travail spécifique avec l’entourage et le patient. Il est alors es-
sentiel de dépersonnaliser les enjeux et de se fixer des objectifs en fonction des
contraintes imposées par la loi. Il n’y alors plus de « coupable » ou de « respon-
sable », mais une situation qui imposait cette solution au patient, à son entou-
rage et au médecin. À partir de ce moment, l’objectif consiste à rechercher et
à partager avec le patient et son entourage un objectif de soins non suicidaire.

Débat éthique
Suicide assisté et euthanasie
(Maris et al., 2000a, 2000c ; Leenars et al., 2001 ; Hendin, 2009)
Même si la législation française ne reconnaît pas le suicide assisté et l’eutha-
nasie, ces sujets reviennent de façon récurrente dans l’actualité. Le décès de
Freud fut plus que probablement un suicide médicalement assisté. Dans l’ac-
tualité récente, Marie Humbert, qui prit la décision d’abréger volontairement
Aspects médico-légaux et éthiques 295

les terribles souffrances de son fils Vincent, vécut un procès médiatique et fut
acquittée. Une enseignante au visage déformé et douloureux écrivit une lettre
pour demander l’autorisation de mourir et, suite au refus qui lui fut opposé,
fut retrouvée morte à son domicile avec mise en évidence à l’autopsie de
produits mortels sans que l’on sache si elle les avait elle-même pris ou si ces
produits lui avaient été prescrits plus spécifiquement. D’une façon plus litté-
raire et particulièrement émouvante, Noëlle Châtelet (veuve du philosophe
François Châtelet et sœur de Lionel Jospin, ancien Premier ministre) a laissé
le témoignage bouleversant du parcours de sa mère qui a décidé de mettre
elle-même fin à ses jours avec l’accord de ses enfants.

Euthanasie
Elle est définie comme l’acte intentionnel d’une personne causant la mort
d’une personne souffrante. Elle est active (l’acte en lui-même provoque la
mort), volontaire (la mort est décidée par le patient lui-même), directe (l’acte
génère directement la mort) ou indirecte (la mort est produite indirecte-
ment, par exemple un antalgique prescrit contre la douleur qui provoque un
arrêt respiratoire à l’origine du décès).
Elle se distingue des arrêts et refus de traitement ou « absence d’acharne-
ment thérapeutique ». Dans ces cas, décrits par certains comme une « eutha-
nasie passive ou involontaire », l’omission d’un acte entraîne la mort. C’est
par exemple prendre la décision de ne pas réanimer une personne, arrêter
les soins d’un patient en coma prolongé ou interrompre les soins d’un can-
cer en phase terminale.

Suicide assisté
Il implique les actes d’une tierce personne, médecin ou non, qui fournit les
moyens de se suicider ou les renseignements sur la façon de procéder à une
personne désirant mettre fin à ses jours.
Les Pays-Bas et l’État de l’Oregon, aux États-Unis, ont une pratique du
suicide assisté.
Aux Pays-Bas, toute demande doit émaner de la volonté propre de l’in-
dividu, qui doit avoir toutes ses facultés psychiques, un problème de santé
sans espoir d’amélioration, être animé par un désir persistant de mourir,
avoir consulté un second médecin et présenter un rapport circonstancié
ultérieur. Malheureusement, de nombreuses dérives en relation avec des
interprétations différentes des termes et de la loi ont été constatées. Mais
depuis le développement des soins palliatifs ces dernières années, les de-
mandes de suicide assisté ont considérablement diminué.
L’Oregon est le seul État américain à permettre le suicide assisté selon cer-
taines règles. La clause de conscience est respectée, il peut y avoir prescrip-
tion de médicaments létaux, mais en aucun cas d’injection, et la condition
suprême est de n’avoir pas plus de 6 mois à vivre.
296 Prise en charge des conduites suicidaires

Il est remarquable de constater que, dans les deux cas, l’avis psychiatrique
n’est en aucun cas requis, y compris si le médecin consulté considère son
patient comme dépressif, alors que la plupart des personnes demandant
euthanasie ou suicide assisté sont dépressives, et que la dépression est le
meilleur facteur prédictif de cette requête.
Depuis peu, la Belgique autorise l’euthanasie et la Suisse le suicide assisté.
Néanmoins, l’OMS reste très prudente (et sage) en recommandant aux
pays de n’envisager légalement le suicide assisté qu’après avoir démontré la
disponibilité et la pratique des soins palliatifs.

Le suicide rationnel existe-t-il ?


Cette question génère de multiples réponses en fonction des convictions
morales, religieuses philosophiques et humaines de chacun d’entre nous.
En France, pays de la liberté et des droits de l’homme, le suicide a long-
temps fait l’objet d’une condamnation religieuse et demeure encore l’objet
de tabous certains. Le droit à la mort, comme le droit à la vie, est de plus
en plus revendiqué, et la question du suicide rationnel ne peut guère être
évitée.
Dans le cadre de la question du suicide rationnel, les manuels de suicido-
logie relatent la fin de vie d’un grand suicidologue hollandais, Nico Speijer,
qui peu de temps avant de mourir avait écrit, avec son élève Diekstra, un
ouvrage sur l’assistance au suicide et les règles qu’il fallait à leur sens respec-
ter. Touché par une grave maladie douloureuse et incurable, il se donna la
mort quelque temps plus tard selon ces règles qu’il avait lui-même édictées
dans le cadre d’un pacte suicidaire avec sa femme. Pour Diekstra, la ques-
tion qui se posa était la suivante : comment un homme qui avait consacré
toute sa vie professionnelle à la prévention du suicide pouvait-il se donner
lui-même la mort (Leenars et al., 2001 ; Marris et al., 2000a, 2000c) ?
Pour le philosophe Jacques  Choron, le suicide rationnel est un suicide
où aucun problème important de santé n’entre en jeu, où les capacités de
raisonnement sont tout à fait correctes et où les motivations pour le suicide
semblent justifiables ou du moins compréhensibles pour la majorité des
personnes appartenant au même groupe social. Avec cette définition, seul
un petit nombre de suicides peuvent être considérés comme rationnels.
On peut penser que le fait de souffrir de façon intolérable peut rendre la
vie insupportable au point de lui préférer la mort. Cependant, comme le
font remarquer Mishara et Tousignant (2004), les personnes qui décèdent
de suicide souffrent rarement d’une douleur physique intense, ou les souf-
frances psychiques présentées sont tolérées et supportées par des personnes
qui ne s’engagent pas dans un processus suicidaire. Il est très difficile de
prévoir qui va se suicider.
Aspects médico-légaux et éthiques 297

Devant une situation à risque suicidaire, les pratiques de soins sont sous-
tendues par des convictions, des «  idées reçues  » par rapport au suicide.
D’un côté, il y a les « extrémistes », à tendance « moraliste », qui soutien-
nent qu’il faut toujours intervenir pour sauver une vie, et leur opposé, les
tenants de la liberté de soi, qui prônent l’autodétermination et la possibi-
lité d’abréger la vie intentionnellement. Il semble raisonnable de penser,
à l’instar de Mishara et Tousignant, que la majorité de la population est
entre les deux, « relativiste », c’est-à-dire acceptant d’abréger la vie en fonc-
tion du contexte ou des conséquences réelles ou anticipées. Un contexte
est fait de circonstances qui n’ont pas la même signification pour chacun
d’entre nous, et la décision qui est prise, que l’on décrit alors comme étant
«  rationnelle  », relève en fait plus de l’émotion, de la subjectivité et de
l’intersubjectivité. Et Mishara d’ajouter  : «  Même les personnes adoptant
une approche plutôt libertaire doivent admettre que la liberté de choisir
la mort n’est pas plus importante que la liberté de trouver des solutions à
nos problèmes et de choisir de continuer à vivre. » (Mishara et Tousignant,
2004). Ce que Michel Debout, auteur en 1992 d’un rapport remarqué sur le
suicide au Conseil économique et social, très impliqué dans la prévention
du suicide, formule ainsi : « C’est toujours dans l’ambivalence entre vie et
mort, dans la confusion des désirs et des représentations de la vie après la
mort que se situe la très grande majorité des gestes suicidaires… Face à cette
ambivalence, le rôle du médecin qui fait professionnellement le pari de la
vie est de permettre au suicidant de développer l’autre face du choix, celle
qui n’est pas mortifère… Être du côté de la prévention du suicide, ce n’est
pas porter atteinte à la liberté d’autrui, c’est simplement lui témoigner que
sa vie a de l’importance. » (Debout, 2005).
Conclusion

Nous avons tenté d’illustrer, dans cet ouvrage synthétique, l’importance, la


diversité, voire la centralité des conduites suicidaires, non seulement dans
la constellation psychopathologique, mais aussi au travers de la complexité
humaine.
Les conduites suicidaires ne se résument pas à des conduites pathologi-
ques, comme d’ailleurs le démontre négativement la réduction asymptoti-
que de la mortalité suicidaire malgré les efforts des psychiatres. La question
posée par Rhodes et Bethell (2008), « au sein des suicidaires, qui reste hors
de portée ? », reste d’une brûlante actualité.
Durkheim soulignait en son temps que chaque société avait une part in-
compressible de suicides. La mortalité suicidaire aurait elle atteint ce point
en dépit des efforts consentis ?
Nous ne le pensons pas, mais force est de constater que les efforts consen-
tis sont encore insuffisants, tant en termes de recherche que d’investisse-
ment public.
Vers une autonomie de la problématique suicidaire ?
La question du rattachement du comportement suicidaire à un registre
pathologique ou non est importante dans l’élaboration des stratégies théra-
peutiques permettant la prise en compte du trouble en soi, visant à enrayer
la machine infernale mortifère.
Comme nous l’avons évoqué au chapitre 5, « Données psychopathologi-
ques », le syndrome présuicidaire a une identité propre, transnosographi-
que. La prise en compte de cette constellation présuicidaire avec ses diverses
composantes est certainement une priorité en termes de santé publique.
Notre visite des divers domaines constitutifs de la problématique suici-
daire, au-delà de la richesse des réflexions sociologiques, culturelles et éthi-
ques qui ne doivent jamais être sous-estimées, nous a confrontés à la prise
de conscience que nous n’avions pas seulement, selon la formule consacrée,
affaire à un « important problème de santé publique » avec son million an-
nuel de décès, ni à un simple comportement déviant, complication d’une
pathologie de niveau hiérarchique pré-éminant.
Il apparaît que le comportement suicidaire est un véritable trouble en
soi, que l’on est en droit d’autonomiser grâce une syndromique particu-
lière (le syndrome présuicidaire), ses modalités d’installation et d’évolution
(la crise suicidaire), sa psychopathologie déclinable selon diverses grilles
de lecture, sa composante familiale, voire génétique, sa physiopathologie
biologique, ses particularités en imagerie cérébrale et ses formes cliniques

Le geste suicidaire
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300 Conclusion

(aiguë, chronique, secondarité ou comorbidité avec d’autres troubles psy-


chiatriques). Bien qu’il s’agisse encore de voies de recherche balbutiantes, le
comportement suicidaire est même pourvu de thérapeutiques spécifiques,
qu’elles soient psychothérapiques ou médicamenteuses.
Une proposition récente d’une des équipes les plus renommées en sui-
cidologie (Oquendo et al., 2008) suggère de créer un sixième axe dans le
DSM-V, rassemblant, autour du comportement suicidaire des troubles trans-
nosographiques non classés ailleurs. Cette prise de position forte, dont nous
avons eu connaissance au milieu de notre travail de réflexion et d’écriture,
nous a semblé particulièrement bienvenue, à un moment où nous étions
à la fois passionnés par la richesse du matériel que nous accumulions et
découragés par la faiblesse des résultats engrangés dans le dépistage et la
prévention.
Autonomiser la problématique suicidaire aboutirait, entre autres conséquences :
• au niveau de la formation, à renforcer la sensibilisation du milieu mé-
dical et social à la problématique suicidaire, et rendre cliniquement incon-
tournable un temps d’« auscultation suicidologique » par tout intervenant
non-psychiatre, du généraliste à l’urgentiste, face à une personne en souf-
france ;
• au niveau de la recherche, à impulser une recherche dédiée, qu’elle soit
psychopathologique ou biologique (où sont les essais thérapeutiques pros-
pectifs centrés sur les suicidants ?). Beaucoup de questions restent à ce jour
non résolues, comme par exemple le protocole thérapeutique hospitalier
le mieux adapté (ou le moins iatrogène – Linehan et al., 2008) à proposer
aux suicidants, la nature et la place exacte des facteurs dits de protection…
Quelles recherches pourraient s’y atteler ?
• au niveau de la prise en charge, à préciser les bonnes pratiques cliniques,
notamment au niveau de l’accueil, de l’écoute et de la nécessaire pluridisci-
plinarité à mettre en œuvre face au suicidant ;
• à ouvrir véritablement le champ de la réflexion et de la compréhension
du geste aux autres disciplines médicales et sociologiques. En effet, l’éva-
luation du geste suicidaire nécessite la prise en compte du contexte socio-
politico-économique, plus particulièrement chez les personnes âgées, dans
le milieu carcéral ou le monde du travail. De la richesse de ces interactions,
peuvent émerger des approches novatrices et l’émergence d’un courant de
pensée transdisciplinaire construit autour de la suicidologie.
Annexe
Échelles de risque suicidaire

Auto-évaluations
Dénomination Auteur/ Caractéristiques Sensibilité Spécificité Commentaires
année
Échelle de Beck et al. 20 items en vrai/ 0,91 0,50 Traduite et
désespoir de (1974) faux validée en
Beck Mesure l’inten- français
[Beck Hope- sité du désespoir Place centrale
lessness Scale du sujet du désespoir
(BHS)] Gravité si score meilleur
≥ 9 moyen de
prédire un ris-
que suicidaire
ultérieur
Échelle d’idéa- Beck et al. Évalue fréquence, Largement
tion suicidaire (1979, intensité et utilisée dans
de Beck 1988) durée des idées les études
[Beck Suicidal suicidaires cliniques sur la
Scale] 19 items cotés dépression et
de 0 à 2 le suicide des
Pas de valeur adolescents
seuil Plus le score
est élevé,
plus le risque
suicidaire est
important
Tout item posi-
tif mérite d’être
investigué
Index de sui- Zung et 19 items sociaux Pas de traduc-
cide potentiel Moore et 50 items tion française
[Index of Poten- (1976) cliniques cotés Valeur prédic-
tial Suicide] de 0 à 4 tive faible
Autoquestion- Pour adultes
naire et version Peu usitée
pour clinicien

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302 Le geste suicidaire

Auto-évaluations
Dénomination Auteur/ Caractéristiques Sensibilité Spécificité Commentaires
année
Inventaire des Linehan 48 items en vrai/ Initialement
raisons pour et al. faux pour adultes,
vivre (1983) Répartis en six mais égale-
[Reasons of catégories de ment déve-
Living inventory] type croyance loppée pour
(raisons de adolescents
faire face et de Usitée
vivre, sens de Pas de traduc-
la responsabi- tion française
lité familiale,
relations avec
les enfants, peur
du suicide, peur
de la désappro-
bation sociale,
objections
morales)
Approche cogni-
tivo-comporte-
mentale
Échelle de Cull et al. 36 items cotés 1 0,5 Pas de traduc-
probabilité (1984) de 0 à 4 tion française
suicidaire Sous-échelles Pour adultes
[Suicide Probabi- (désespoir, idées Ne détermine
lity Scale (SPS)] suicidaires, idées pas la létalité
négatives sur soi, de l’intention
hostilité) suicidaire
Échelle de Plutchik 14 items vrai/ 0,6 0,6 Pas de traduc-
mesure du ris- et al. faux tion française
que suicidaire (1989) Pour adultes
[Suicide Risk
Measure]
Annexe 303

Hétéro-évaluations
Dénomination Auteur/ Caractéristiques Sensibilité Spécificité Commentaires
année
Échelle d’inten- Beck et al. Évalue la Traduite et
tionnalité suici- (1974) sévérité des validée en
daire de Beck intentions de français
[Suicide Intent suicide chez Utilisée chez
Scale (SIS)] des sujets ayant les adolescents
déjà réalisé une N’est pas pré-
tentative de dictive dans sa
suicide globalité d’un
20 items cotés risque ultérieur
de 0 à 2 de suicide mais
Trois parties : un score élevé
(1) les circons- pourrait corres-
tances objectives pondre à une
de la tentative sévérité plus
de suicide ; importante
(2) volonté de et à un plus
mort ; grand risque de
(3) trois sous- récidive
échelles : la
gravité, la
précaution,
la planification
Pas de valeur seuil
Instrument cli- Motto 15 items 0,80 0,84 Pas de traduc-
nique d’estima- et al. comprenant tion française
tion du risque (1985) des données Pour adultes
suicidaire démographiques Valeur prédic-
[Clinical et cliniques tive variable en
Instrument to Identifier le ris- fonction des
Estimate Suicide que à 2 ans chez études
Risk (CIESR)] patients ayant
été hospitalisés
Instrument Cohen 14 items en vrai/ 0,68 0,96 Pas de traduc-
d’évaluation du et al. faux tion française
potentiel suici- (1966) Trois catégories Pour suicidants
daire (IEPS) de résultats : ris- adultes hospi-
[Instrument for que faible (0-3), talisés
the Evaluation moyen (4-6),
of Suicide élevé (+7)
Potential]
304 Le geste suicidaire

Auto-évaluations
Dénomination Auteur/ Caractéristiques Sensibilité Spécificité Commentaires
année
Échelle d’inten- Pierce 12 items Pas de traduc-
tionnalité de (1977, cliniques et tion française
Pierce 1981) circonstanciés Pour adultes
[Intent Scale] cotés de 0 à 2 Bonne corréla-
tion avec la sis
Bonne valeur
prédictive posi-
tive à 5 ans
Échelle d’éva- Tuckman Liste de 14 varia- Pas de traduc-
luation du ris- and bles démogra- tion française
que suicidaire Yougman phiques dérivés Pour adultes
[Scale for Asses- (1968) des éléments Différencie
sing Suicide Nimeus mis en évidence groupes à
Risk] et al. à partir des suici- haut et faible
(2006) des de personnes risque à partir
aux antécédents du jugement
de tentative subjectif
Échelle courte Pallis 6 items de varia- 0,81 0,84 Pas de traduc-
de Pallis et al. bles cliniques et tion française
[Short Scale] (1982) personnelles Pour adultes
SAD Person Patterson Check-list 0,94 0,74 Pour adultes
SAD Person et al. des items démo- Fait appel
modifiée (1983) graphiques issus au jugement
(MSPS) de la littérature subjectif du
Évaluation de la clinicien
nécessité d’une Utile pour
hospitalisation : étudiants ou
retour possible jeunes clini-
avec suivi ciens
(0-2), envisager
l’hospitali-
sation (3-4),
hospitalisation
indiquée (5-6),
hospitalisation
incontournable
(7-10)
Annexe 305

Auto-évaluations
Dénomination Auteur/ Caractéristiques Sensibilité Spécificité Commentaires
année
Échelle de sui- Dean Check-list de Pas de traduc-
cide potentiel et al. 26 items démo- tion française
[Suicide Poten- (1967, graphiques, Pour adultes
tial Scale] 2005) version courte à Fait appel
16 items au jugement
subjectif du
clinicien
Échelle de Buglas et 6 items cotés en 0,63-0,73 0,44-0,68 Pas de traduc-
prédiction d’un Horton présent/absent tion française
comportement (1974) Pour adultes
suicidaire Fait appel
[Scale for Predic- au jugement
ting Subsequent subjectif du
Suicidal Beha- clinicien
vior (SPSSB)]
Los Angeles Sui- Beck et al. 65 items repartis Pour entretiens
cide Prevention (1974) en six catégories téléphoniques
Center Scale cotés de 0 à 9 Pas de traduc-
(LASPC) Scores : risque tion française
faible (0-3), Pour adultes
moyen (4-6),
élevé (7-9)
Échelle de Lettieri Version courte et Pour entretiens
prédiction (1974) longue d’items téléphoniques
du décès par élaborés à partir Pas de traduc-
suicide de suicidants tion française
[Suicidal Death décédés de Pour adultes
Prediction Scale] suicide Versions
Trois groupes : pour quatre
risque faible, catégories
moyen, élevé (femmes/hom-
mes ± 40 ans)
Échelle Stanley 20 items Pas de traduc-
d’évaluation et al. cotés de 0 à 4, tion française
suicidaire (1986) différents axes Pour adultes
[Suicide Asses- évalués (affects,
sment Scale capacités à faire
(SUAS)] face, émotions,
pensées et
comportement
suicidaire)
306 Le geste suicidaire

Auto-évaluations
Dénomination Auteur/ Caractéristiques Sensibilité Spécificité Commentaires
année
Échelle de léta- Smith 10 items cotés Traduction
lité suicidaire et al. Évalue la létalité française
(LSARS) (1984) du geste Simplicité
[Lethality of Berman Score de 0 à 10, d’utilisation
Suicide Attempts et al. grave si > 3,5 Indique la léta-
Rating Scale] (2003) lité physique
du geste et non
une prédiction
d’un futur
geste suicidaire
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Index

A amygdale 72, 73
abandon 75, 85, 133, 218 ANAES 263
absentéisme 52 anciens combattants 126
abus 100 anesthésie affective 99, 115
––de substance 62, 108, 137, 140, 224, angoisse 86, 133, 245
––nocif 140 angoisse psychotique 129
––sexuel 62, 63, 90, 91, 126, 138, 175 anomie 37
––toxiques 91 antécédents familiaux 108
accessibilité 198 antécédents suicidaires 91, 125, 128
accoutumance 240 anti-psychotique 236
accueil 194 anticonvulsivants 235, 237
accueil aux urgences 212 antidépresseurs 101–106, 128, 139, 190,
acide éicosapentaénoïque 70 227–229, 240
acides gras poly-insaturés 69, 70 antidépresseurs sérotoninergiques 102
activation anxieuse 106 antidépression 118, 239
activité métabolique cérébrale 72 antipsychotiques 114, 117, 237, 238, 241
activités « paravent » 53 antisociale (personnalité) 86, 132
addiction 133, 136, 138, 140–142, 174, 179 anxiété 63, 116, 128, 130
adieu (mot d’) 269 ––de séparation 67
adolescent 62, 90, 106, 130, 208, 209, ––généralisée 125, 126, 129
210, 263, 268 ––paroxystique 99
adulte jeune 102, 105 ––relationnelle 86
Afrique 59 apologie du suicide 270
âge 44, 100 appartenance 87–89, 92
agé (sujet) 189 appel 77, 88
agitation 128, 129, 79 approche sociologique 36
agranulocytose 242 aripiprazole 236, 239, 240
agressivité 54, 62, 65, 66, 75–77, 79, 82, armes à feu 264, 265, 267, 268
84, 91, 92, 100, 137, 141 Asie 56
akathisie 115, 116, 237, 239, 241 assistance téléphonique 272
akinésie 116, 237 attachement 67, 85, 171, 183, 223, 249,
alcool 45, 53, 71, 140, 141, 143, 181, 182 252, 259, 260
alcoolisme 63, 65, 88, 104, 108, attentats suicides 185
140–142 attitudes contre transférentielles 215
allèle court 66 auto-agression 75, 76, 78, 84, 108, 215,
alliance thérapeutique 86, 138, 194, 195, 218
208, 211, 220, 222, 237, 247, 252, 253 auto-agressivité IX, 62, 88, 90, 98, 107,
ambivalence 201, 225, 251, 291 116, 119, 123, 133
Amérique du Nord 184 autodépréciation 115
Amish 62 autodestruction 83, 93, 138
amisulpride 239 auto-entretien 138

Le geste suicidaire
© 2010, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
346 Le geste suicidaire

automatisme mental 116 communication 137


automutilations X, 133, 136, 137 comorbidité 53, 108, 124, 125, 131, 134,
autopsies psychologiques 99, 100, 135, 137, 138, 141–143, 174, 224, 233,
101, 226 245
axe corticotrope 68 ––anxieuse 127, 129, 240
axe thyroïdien 68 comportements autodestructeurs
indirects 93
B conduites à risque 88
conduites addictives 135, 173
barbituriques 265, 266
conférence de consensus 191, 209,
benzamides 238
226, 263
benzisoxazoles 238
conflits 52
benzodiazépines 128, 236, 240, 265
conflits de loyauté 87
bipolaires (troubles) 221, 242
conjugopathies 93
bipolarité de type I 107
consentement aux soins 208, 293
bisexualité 55
consommation de glucose 72
black box 106, 244
constriction 75, 78, 118, 120, 143, 211
blessures narcissiques 54, 92
contre-attitudes 202
borderline (trouble) 81, 86, 89, 108, 135,
contre-transfert 225, 226
136, 138, 143, 176, 208, 213, 217, 222
corps (image du) 238
butyrophénones 238
cortex frontal 69, 72
C cortex orbitofrontal 72, 73
caméra à positons 72 cortex préfrontal ventral 66, 72
campagnes d’information 191, 226, CRH 68
263, 264 crise
cannabis 142 ––de milieu de vie 54, 143
carbamazépine 236, 237, 243, 244 ––économique 50
case management 217, 218 ––mondiale 52
catégories socioprofessionnelles 47 ––psychosociale 173, 207, 210
catharsis 138, 252 ––suicidaire 193, 207, 208, 210, 211, 213,
centres de crise 209, 269 220, 223, 226, 294
centres médico-psychologiques 191, critères d’hospitalisation 294
266 critères diagnostiques 111
chimiothérapie antidépressive 101 culpabilité 84, 115, 252, 254
Chine 53 culturelle (diversité) 56, 189
cholestérol 69
chômage 45, 47, 49–51, 104, D
141, 174 dangerosité 121
chronobiologie 70 défenestration 265
CIM-10 3, 97, 107, 119 deliberate self harm 269
citalopram (escitalopram) 229 délinquance 45
classes sociales 51 délire(s)
classifications internationales 3 ––chroniques 118
clomipramine 231 ––sensitif de relation 119, 121
clozapine 236, 237, 239, 241, 242 demande de soins 71
cluster B 62, 132 démographie 104
cognition 79 démoralisation 118
cognitivisme 78, 79 déni 87
collaboration 249 dépendance 84, 100, 127, 143, 224, 240
Index 347

dépendantes (personnalité) 86, 132 éducation 263


dépistage 189, 264, 272 électroconvulsivothérapie 235
dépression(s) 53, 63, 66, 68, 72, 76, 78, émigration 59
79, 80, 91, 98, 99, 106, 107, 109, émoussement affectif 116
128–130, 134, 142, 143, 174, 182, 258, empathie 178, 195, 198, 206, 247
264
endophénotype 63
––anxieuse 129
enfant 106, 130, 263
––atypique 231
ententes réciproques 201
––de l’adolescent 98
entourage 201, 209, 211–213,
––méconnue 100 247, 250
––non traitée 101 entretiens familiaux 219
––post-schizophrénique 113, 114 environnement 52
––récurrente 97, 102, 228, 234 épidémiologie 67
––résistantes 233 épilepsie 237
––saisonnière 70 épisode dépressif 113, 227, 228
désespoir 40, 55, 79, 81, 115, 116, 137, épuisement 54
143, 173, 176, 178, 180, 201
estime de soi 52, 76, 84, 118, 127, 142,
désinhibition 103, 105, 129 217, 224
deuil 75, 82, 88, 92, 93, 253 état
––après suicide 255 ––anxio-dépressifs 207
––compliqué 93, 256 ––crépusculaires 133
dibenzodiazépines 238, 239 ––dépressif majeur 134
difficultés conjugales 127 ––limites 90, 173, 215
discrimination 55 ––mixte 107, 235
disqualification sociale 39, 44, ––psychotiques 265
174
éthique 291, 294
dissociation 119
étude
distorsions cognitives 137
––d’adoption 64
dizygotes 63
––de jumeaux 63
docosahexanoïque 70
––ECA 124
dopamine 67
––épidémiologiques 100
douleur morale 76, 104
––épidémiologique ECA 127
drogues 45, 140
––familiales 61
DSM 98, 119
––STEP-BD 108
DSM-IV 107, 111, 119
Europe 53, 184
DSM-IV-R 3, 131
euthanasie 270, 294
duloxétine 230
évaluation 140
Durkheim 36, 53
évaluation médico-psycho-sociale 193
dysfonctionnements
événements de vie 41, 54, 61, 66, 81, 89,
cognitifs 138
90, 92, 93, 143, 223
dysphorie 116, 139
évitante (personnalité) 86, 132
dysrégulations émotionnelles 139
évitement social 86
dysthymie 99
évitement phobique 128

E F
échec thérapeutique 102 facteur(s)
échelles ––de prédisposition 68
––de Beck 176 ––de protection 100
––de risque suicidaire 175 ––de risque 93, 108, 114, 117
348 Le geste suicidaire

––endocriniens 68 hospitalisation 100, 107,137, 138, 178,


––environnemental 63 204, 207, 213, 292
––génétique 63 ––de courte durée 193
––métaboliques 69 ––psychiatrique 207
––nutritionnels 69 ––sous contrainte 226, 293
––prédictifs X hostilité 99, 137
famille 45, 46, 138 huiles de poisson 70
fantaisies suicidaires 211 humiliation 182
fantasmes suicidaires 76 hyperesthésie relationnelle 121
FDA 105, 106 hypersensibilité au rejet 72
femme 56 hypersialorrhée 242
fluidité membranaire 70 hypertrophie du moi 120
fluoxétine 102, 229 hypocholestérolémiants 69
flupentixol, 216 hypomanie 106
fluvoxamine 229
forums de discussion 272 I
fragilité 61 idéal du moi 84
fugues 173 idéation suicidaire 63, 86, 128, 129
idées délirantes 112
G idées suicidaires 104, 126, 130, 232
gabapentine 237, 243 identification 269
gènes candidats 64 imagerie cérébrale 72
génétique 61 imipraminiques 102, 229, 231, 232, 265
genre 53, 54 immolation 58
gestes auto-agressifs 62, 98, 133 impatiences 239
Google 269, 270 impuissance apprise 81
Gotland 104, 190 impulsivité 62, 64, 65, 66, 67, 90, 91,
groupes d’appartenance 76, 272 100, 137, 139, 141–143, 265, 267
groupes de soutien 257, 258 inceste 87
guérison 233 Inde 53, 58, 184
gyrus cingulaire antérieur 72 inhibiteurs bisélectifs (sérotoninergiques
et noradrénergiques) 229
inhibiteurs de la monoamine oxydase
H
229, 231
habiletés sociales 117 inhibiteurs spécifiques de la recapture de
Halbwachs 39 la sérotonine 229
hallucinations 112 inhibition psychomotrice 104
halopéridol 115, 238, 240 insight 117
hara-kiri 57 insomnie 129
harcèlement 90 instabilité
hérédité 83 ––affective 137
5-HIAA 66 ––professionnelle 51
hippocampe 66 ––thymique 91
histrionique (personnalité) 86, 132 instinct de mort 82, 83
hiver 71 instinct de vie 82
homicide suicide 181 intégration familiale 38
homosexualité 54, 55 intentionnalité 130, 138, 143
hôpital 189, 266 interactions familiales 87
hormones thyroïdiennes 232 Internet 268–271
Index 349

intersubjectivité 248, 297 mémoire autobiographique 81


intoxications médicamenteuses mésusage de substance 134
volontaires 116, 193, 265 métabolisme lipidique 69
Iowa Gambling Task 73 méta-souci 80
iproniaside 231 méthode ECES 199
irritabilité 54, 129 méthodes de suicide 264
IRS 103, 265 miansérine 230, 240
IRSNA 103 migrants 59
isolement 76, 78, 100, 114, 117, 174, Minalcipran 230
252, 260 mineurs 102, 220
J mixte (épisode) 236
mobilité professionnelle 49
Japon 50, 57, 183, 184
modèle (s)
jeunes 127, 130, 209, 210, 266, 268
––âge-génération-période 45
jeunes adultes 90
––internes opérants 86, 223
journées nationales 263
––stress/diathèse 61, 67
K monothérapie 236
karôjisatsu 57 monoxyde de carbone 271
monozygotes 63
L mortalité suicidaire IX, 104, 105, 226,
lamotrigine 237, 243 269
latence d’endormissement 72 motivation au travail 52
létalité 86, 198 moyens toxiques 272
levée d’inhibition 100 multi-suicidants 173, 202, 208
libido 82 mutilations 116
lien 46, 250 mythe familial 89
lien de confiance 205
lien thérapeutique 225 N
lieu de contrôle interne 92 narcissique (personnalité) 82, 84,
lithium 232, 234–236, 241–244 86, 132
locus coeruleus 67 narcissisme 84, 85
loi 81, 292, 293 National Rifle Association 268
lunaire (influence) 71 NCS (National Comorbidity
Survey) 125
M négligence émotionnelle 137, 175
maltraitance 90, 210 neuroleptiques 115, 128, 139, 235,
maltraitance sexuelle 90, 93 238, 241
manie 106, 107, 236 ––atypiques 235, 238, 239, 242
masochisme 82 ––classiques 240
mécanismes de défense 76, 228 ––d’action prolongée 239
médecin généraliste 101, 189, 193, 205, ––d’effets secondaires 241
260, 264 ––de première génération 238
médias 265, 266, 268, 269 neurophysiologie 72
médiateurs cérébraux 65 neuroticisme 63, 67
5HIAA 65 névrose obsessionnelle 127, 129
médicaments antisuicide 241 nihilisme 76
médicaments dangereux 266 niveau social 117
méfiance 120 noradrénaline 67
mélancolie 75, 81, 99 nycthémère 71
350 Le geste suicidaire

O prédisposition 62, 89
observance thérapeutique 115, 224 présentéisme 52
obsessionnelle (personnalité) 132 pressions psychologiques 52
olanzapine 236, 239, 240, 242 prévalence 99
oméga-3 69, 70 prévention IX, 53, 138, 175, 189, 211,
opiacés 141 253, 272
orientation sexuelle 54 ––des récidives 234
––du suicide 263
P primo-suicidants X, 173, 208
pactes suicidaires 182, 270, 271 prise de poids 237
paracétamol 267 programme(s)
paradoxe 53 ––de sensibilisation 104, 267
paranoïa 75, 116, 117, 119 ––d’éducation 264
paraphrénies 118, 119 ––de formation 104
parasuicide 98 ––régionaux de santé 191, 226, 263
paroxétine 102, 229 projets suicidaires 226
passage à l’acte 66, 99, 103, 104, 118, psychanalyse 81, 83
128, 270 psychiatrie de liaison 220
pathologie psychiatrique 71, 81, 208, psycho-éducation 117, 118, 219,
209, 270 221, 239
––réactionnelles 245 psychologie du soi 85
––somatique 100 psychorigidité 120, 121
––thymiques 241 psychoses 89, 111, 222, 237, 245
pendaison 116, 265, 267 ––hallucinatoires chroniques 119
pensée dichotomique 80, 179, 202 ––non schizophréniques 118
pensées dysfonctionnelles 179 ––paranoïaques 118
personnalité 63, 65, 83, 90, 92, 119, psychostimulant 233
126, 218
psychothérapies 78, 83, 117, 138, 139,
perte d’espoir 100, 115, 118 239
perte(s) 117, 143 ––psychanalytique 81, 83
––d’emploi 100, 127 ––systémiques 87, 211, 219
––d’objet 92 psychotropes 138, 139, 223
pesticides 266 pulsions suicidaires 104
pharmacologie 216
phénothiazines 238
Q
phlébotomies 116
qualité de vie 131
phobie sociale 125, 127, 128, 142,
174, 240 quinolinones 238
planification de l’acte 116
plasticité synaptique 69 R
polymorphisme 64 ralentissement 98, 223
POPH 139, 140 raptus anxieux 99, 129
post-mortem 68 raptus suicidaires 79
postvention 253, 259 rationalisation 88
potentialisation 102, 232 réaction suicidaire 117
potentiel suicidaire 196, 291 réaction dépressive brève 98
potentiels évoqués 72 réaction dissociative 133
précarité professionnelle 51 réactivité sérotoninergique 72
prédiction 171, 175 récepteur dopaminergique 67
Index 351

récepteurs 65 schizophrénie(s) 64, 71, 72, 78,


––5HT2A 72 111, 112, 114, 128, 129, 221, 227,
––β-adrénergiques 232 241, 242
––post-synaptiques 66 ––incipiens 117
recherche d’aide 188 ––tardive 118, 119
rechute 115, 229, 232, 233, 236 ––résistantes 242
récidive X, 72, 88, 108, 135, 138, 171, scolaire (milieu) 212
212, 233, 234, 236, 291 secret médical 220
recrutement 93 secte (suicides sectaires) 184
régulation des émotions 139, 228 sensitivité 128
régulation sérotoninergique 63 séparations 90, 92
régulation sociale et familiale 45 seppuku 57
réitérations suicidaires X, 68, 136, 143, sérotonine 65
171, 172, 193, 208, 213, 216, 220, 233, sérotoninergiques 66, 231
242 sertraline 229, 234
rejet 218 sexualité 225
relais de soins 194, 205 shinju 57
relation de confiance 193, 195 sismothérapie 236
relation thérapeutique 137, 217, 247 société 45, 263
relations interpersonnelles 80, 137, 217 sommeil paradoxal 72
religion 35, 56–58 SOS Amitié 272
rémission 102, 115, 232–234 SOS Suicide, Suicide écoute 272
réparation de liens 78 stigmatisation 118, 219, 254
réseau parental 46 stopsuicide 272
réseaux sentinelles 263 stress 47, 52, 65, 67–69, 108, 272
résilience 76, 257, 259, 261 stress post-traumatique 79, 81, 91, 93,
résolution de problèmes 80, 81, 139, 216, 125, 126, 128, 134
217, 218 stress-diathèse 92
responsabilités médicales 291 style(s)
rêve 225 ––cognitifs 201, 202
rigidité cognitive 80 ––craintif 86
rispéridone 236, 239, 240
––d’attribution 81
risque suicidaire 90, 103, 106, 107, 130,
––détaché 86
220, 291
––préoccupé 86
risques métaboliques 235
––sécure 86
risques psychosociaux 47
substances toxiques 264
rôle traditionnel 54
suicidants X, 90, 207
rumination 77, 79, 129, 223
suicide – mode d’emploi 270
rupture 174, 181, 182, 250
rupture de lien 40, 92, 93, 127 suicide(s) 41
––altruiste 37
S ––anomique 37
sacrifice 57, 89 ––assisté 270, 294
sadisme 82, 84 ––collectif 121
santé publique 263, 266 ––égoïste 37
sati 58 ––fataliste 37
scarification IX, 136 ––impulsif 116
scénarios suicidaires 77 ––rationnel 296
schizoïde (personnalité) 86, 132 ––rural 41
352 Le geste suicidaire

––urbain 41 traitement
––violent 65, 116 ––anti-psychotique 118
––ferroviaires 266 ––biologique 223
––par précipitation 265 ––de maintenance 236
suicidologie 222, 226, 269 ––d’entretien 229, 233
suivi ambulatoire 208 traits de personnalité 53
support social 209 trajectoire de vie 93, 198, 204
surmoi 84 transactions mortifères 88
surveillance 292 transfert 247
symptômes transmission intergénérationnelle 63
––de dépression 98, 104, 204 transmission transgénérationnelle 91
––« négatifs » 113 transnosographie 75, 77
––présuicidaire 75, 77, 78, 211 transporteur de la sérotonine 65, 66, 71
––résiduels 102, 232 traumatiques récents 66
––schizophréniques 113 traumatisme 63, 89, 93, 175, 255, 266
système sérotoninergique 64, 69 traumatismes de l’enfance 67, 90–92, 137
systémique (thérapie) 87, 211, 219 travail 47, 174
travail (organisation) 52, 54
T travail (souffrance) 92
tasikinésie 239 troubles
TAU (treatment as usual) 221 ––anxieux 98, 123, 130, 142, 240
taux de mortalité 267 ––bipolaire 62, 70, 97, 106, 109, 127, 128,
taux nationaux de suicide 105 227, 235
télévision 266 ––de l’adaptation 83, 131, 204, 207
tentatives de suicide 71, 135, 137 ––de l’humeur 62, 64, 68, 70, 71, 97, 103,
test 112, 127, 222, 227, 245
––à la fenfluramine 68, 72 ––de la personnalité 62, 92, 100, 107, 108,
––de stimulation à la CRH 68 125, 131, 204, 207, 210, 229
––de suppression à la dexaméthasone 68 ––des conduites 90
théories contemporaines 36 ––délirant 119
thérapie(s) 179, 180 voir également ––dépressif 97, 135, 142
Psychothérapie(s) ––dépressif récurrent 227, 235
––cognitive et comportementale 208, 213, ––du comportement alimentaire 134,
215, 217, 218 137, 210
––comportementale dialectique 139, 140, ––dysthymique 134
208, 216, 217 ––limite de personnalité 132
––interpersonnelle 218 ––obsessionnel compulsif 127, 134
––orientée sur l’insight 216 ––panique 124, 125, 134
––psychanalytique 211, 139, 215 ––psychotique 173, 204
––psycho-éducatives 215 ––réactionnels 97
––systémiques 215, 216 ––schizo-affectif 112, 242
––brèves 217 ––sous-syndromiques 232
thioxanthènes 238 tryptophane hydroxylase 64
thymorégulateurs 128, 235, 236, 241, tyrosine hydroxylase 67
242, 244
tianeptine 230 U
topiramate 237 unité de crise et de post-urgences
toxicomanie 62, 88, 142 (UCPU) 210
traditions 56, 59 unité de crise 208, 220
Index 353

up-regulation 66 vide 133


urgences 138, 141, 193, 207, 215 violence 52, 69, 88, 174, 181, 233
––sexuelle 87, 91
V
volume cérébral 117
valproate 236, 237 vulnérabilité 137, 174, 175, 259
valproex 243
venlafaxine 229, 230
veuvage 189 W
victimisation 85, 93 Werther (effet) 268, 269

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