Autour de Monaco nice-matin

Lundi 2 novembre 2015

Sur les pas de la dernière

sorcière de Castellar
La dernière exécution d’une sorcière dans les Alpes-Maritimes aurait eu lieu dans le petit village de
Castellar en 1623. Retour sur ce sujet qui ne fait pas beaucoup parler, un peu moins de quatre siècles après

D
ans l’arrière-pays, la forêt
a enfilé son manteau d’au-
tomne. Celui aux tons
ocres. En arrivant à Castellar,
impossible d’échapper à la vi-
sion de la mer d’arbres. Mais en
s’approchant du village, un bâ-
timent attire l’œil. Une petite
église aux murs clairs, posée
dans un virage, face à quelques
Castellar sont... peu diserts. vous répondre », sourit Gilbert, le
Un matin de semaine, ils sont retraité bonhomme assis sur un
d’ailleurs rares, dans les rues muret. Et depuis près de neuf
du village perché. Pas de visi- ans que Jeanne, la factrice, fait
teurs, non plus, dans l’espace sa tournée à Castellar, le sujet
culturel, qui fait aussi office de n’est jamais apparu dans la con-
point d’accueil pour touristes. versation. L’histoire de la sor-
Derrière le comptoir, Monika cière, « c’est vous qui me l’ap-
Wolpert les accueille. Et, dit-elle, prenez », glisse-t-elle à côté de sa
le sujet n’est pas vraiment de fourgonnette jaune. Son témoi-
peu plus rigolo. L’an dernier, rage d’Antoine Bicchieri fait
c’était Astérix et Obélix ». écho à cet élément. Secrétaire
Pourtant, à Castellar ou ailleurs, de mairie depuis 1987, fin con-
beaucoup se sont intéressés à la naisseur de l’histoire du village,
« sorcière ». Dont Edmond Rossi. il évoque une querelle de voisi-
L’historien a consacré plusieurs nage à l’origine du procès en
ouvrages à la région, et l’un sorcellerie. Peirinetta Raibauda
d’entre eux traite des « Aventu- aurait souhaité du mal à l’enfant
res du diable en pays d’Azur ». Il d’une voisine, qui serait ensuite
a aussi effectué un décédé des

‘‘
maisons récentes. Les couleurs ceux qu’évoquent beaucoup les gnage dit beaucoup de choses : travail d’enquête suites d’une
de cette chapelle sont un peu visiteurs. Sauf « de temps en avec ses distributions de cour- sur l’histoire de la forte fièvre.
passées, des « Billy » ou « An- temps, s’ils ont vu la plaque», re- rier, elle échange souvent avec sorcière de Castel- Accusée Des histoires
thony » ont gravé leur prénom
dans la peinture écaillée. Peu
place-t-elle. À part ça, pas vrai- les habitants.
ment de demandes. Mais en « Ce n’est pas un sujet dont on
lar, notamment en
fouillant dans les
de participer comme cel-
les-ci, Ed-
importe, c’est la petite plaque cherchant, la brune souriante parle beaucoup », confirme Hu- archives épisco- à des sabbats ” mond Rossi
transparente agrippée sur la fa- se souvient bien d’une demande guette Layet, la maire de Castel- pales. Edmond Rossi, historien en a beau-
çade qui accroche le regard. Sur- un peu particulière. Un Italien, lar. Reste tout de même un – Edmond Rossi y a coup sous le
tout l’épitaphe inscrite dessus : « assez jeune », venu l’an der- petit – impact sur la vie du vil- consacré un article . Ces re- coude. Il les abordera dans un
(2)

« En 1 623 et le 16 de novembre nier de Triora, le lage : brûler cherches, explique-t-il depuis La ouvrage à paraître, consacré à la

mourut Peirinetta Raibauda de
la main de la justice ayant été
étranglée comme sorcière. Son
corps fut brulé devant la porte
de l’église Saint-Antoine dans le
pré du sieur Gio Antonio de
Muris. Mention portée par Don
Bernardino Balanco, curé de Cas-
tellar, sur le registre des décès
de la paroisse. « C’était une pau-
vre femme ». La « sorcière » tuée
ici serait la dernière des Alpes-
Maritimes à avoir été exécutée.
Et sur ce sujet, les habitants de
‘‘
« village des sor- une sorcière Gaude, révèlent que la sorcière sorcellerie dans les Alpes-Mari-
cières » de l’autre lors de la a été reconnue « coupable » times. Où il sera question de la
côté de la fron- J’ai vaguement Saint-Jean. d’être la meneuse d’un groupe sorcière de Castellar. « Bien évi-
tière. « Il était parti
sur les traces des
entendu « C’est moi
qui ai ins-
de femmes accusé de « participer demment, c’est elle qui achèvera
à des sabbats dans les ruines du le livre », lance-t-il dans un rire.
sorcières », resti- des bruits ” tauré ça, vieux Castellar, où elles hono- Et tant pis si, au village, le sujet
tue encore Monika Une habitante du village rembobine raient Satan ». Elles étaient soup- ne fait pas beaucoup parler.
Wolpert. le premier çonnées de prendre la forme de NICOLAS HASSON-FAURÉ
Les habitants croisés ce jour-là magistrat, derrière son bureau. chattes noires, ajoute-t-il avec nhasson@nicematin.fr
sous le ciel lourd ne sont pas C’était en 2001, à l’époque où un rire jaune, histoire de souli-
plus bavards. Caroline (1) , la elle était adjointe au maire. J’ai gner l’absurde de la situation. 1. Le prénom a été changé.
soixantaine, a « vaguement en- repris l’idée de la sorcière brûlée. Les « sorcières » étaient notam- 2.http://pays-d-
tendu des bruits » en vingt-neuf L’association qui s’en occupe ment « accusées » de causer sé- azur.hautetfort.com/archive/2009/01/28/cas
ans à Castellar. « Je ne peux pas maintenant choisit un thème un cheresses ou canicules. L’éclai- tellar-la-fin-de-la-derniere-sorciere.html