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LEÇON 1

HISTORIQUE
DES OBLIGATIONS

I. Les origines romaines de la notion d’obligation


II. L’élaboration de la théorie générale des obligations dans l’Ancien
droit français

Si les origines de la notion d’obligation sont à à prononcer dans des formes solennelles des
rechercher dans le droit romain (I), l’élaboration paroles reprenant strictement les termes de la
de la théorie des obligations est l’œuvre de juris- loi. Les historiens font, par convention, remonter
consultes de l’Ancien droit français empruntant l’Ancien droit à la fondation de Rome, mais il ne
au droit romain (II) nous est réellement connu de façon précise qu’à
compter de la publication de la loi des douze
tables, soit à partir de 450 avant Jésus-Christ
I. Les origines romaines (dix tables publiées en 449 et deux autres en
de la notion d’obligation 450). Pour partie légal et pour partie coutumier,
ce droit a perduré, de l’avis majoritaire, jusqu’à
Au sein du droit romain, classiquement divisé la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère,
en trois périodes (A), la notion d’obligation n’est l’utilisation des actions de la loi ayant commencé
apparue que tardivement (B). à décliner avec la publication de la loi Aebutia,
probablement vers le milieu du siècle.
A. La subdivision classique Le droit romain classique s’étend du Ier siècle
du droit romain en trois périodes avant Jésus-Christ, soit le dernier siècle de
Les historiens subdivisent le droit romain la République (la République dure de 509 à
en trois périodes : l’Ancien droit romain, le 27 avant J.-C.), à la fin du Haut-Empire (le Haut-
droit romain classique et le droit du Bas-Empire Empire commence en 27 avant J.-C. et s’achève
romain. Les deux premières périodes du droit au moment où débute le Bas-Empire, au IIe ou
romain se distinguent par la procédure commu- au IIIe siècle après J.-C., la date exacte pouvant
nément utilisée par les justiciables qui voulaient varier suivant les auteurs). Cette période classique
recourir à l’autorité publique pour faire valoir se caractérise par l’adoption d’une nouvelle forme
leurs droits. de procédure, dans laquelle le prêteur occupe
Dans l’Ancien droit romain, ils devaient une place essentielle. Le justiciable doit en effet
utiliser pour cela la procédure des actions de lui demander l’action, c’est-à-dire le droit d’aller
la loi (« legis actiones ») : celle-ci les obligeait plaider devant le juge. Le prêteur octroie l’action

10 ■ ■ ■ Introduction générale
au justiciable en rédigeant pour celui-ci une for- la mort de cet empereur, cet ensemble de textes
mule, qui expose, dans l’intention (« intentio »), a été complété par la publication de nouvelles
les prétentions du demandeur (la formule, qui « Constitutions impériales », désignées par l’appel-
encadre les prérogatives du juge, peut contenir lation de « Novelles ».
d’autres développements : la prescription
(« praescriptio ») qui vise à limiter la demande B. L’apparition tardive de la notion
ou à faire échouer celle-ci ; la démonstration d’obligation en droit romain
(« demonstratio ») qui est un exposé succinct L’Ancien droit romain paraît avoir ignoré la
des faits ; la condamnation (« condemnatio ») notion d’obligation, qui ne figure notamment pas
qui donne au juge le pouvoir de condamner ou dans la loi des douze tables. Son émergence, mal
d’absoudre le défendeur ; l’adjudication (« adju- connue, est apparemment à porter au crédit des
dication ») qui donne au juge le pouvoir d’attri- jurisconsultes de la période classique du droit
buer à l’un ou l’autre des plaideurs la chose objet romain. Il faut toutefois attendre le Bas-Empire
du procès, etc.). et les « Institutes » de Justinien pour trouver la
Le droit du Bas-Empire romain commence, première définition de l’obligation qui nous soit
suivant les auteurs, à la fin du IIe siècle après parvenue : « Obligatio est juris vinculum, quo
Jésus-Christ ou au cours du siècle suivant (les necessitate adstringimur alicujus solvendae rei,
auteurs, minoritaires, qui le font remonter le plus secundum nostrae civitatis jura. » Elle peut se tra-
haut dans le temps, placent son début en 180 duire par : « L’obligation est un lien de droit qui
après J.-C. pour y intégrer l’empereur Commode, nous astreint à la nécessité de faire une chose pour
ou en 193 pour y placer la dynastie des Sévères. quelqu’un, selon les lois de notre cité. »
La plupart des auteurs le datent de la fin du règne Du point de vue de sa nature, l’obligation
des Sévères et du début de la période d’instabilité est donc déjà perçue par les Romains comme
politique qui lui succède, soit en 235. D’autres, un « lien de droit » (« juris vinculum »), expres-
enfin, ne le datent que de la fin de cette période sion qui se trouve, par exemple, dès le début du
d’instabilité, avec la montée sur le trône de l’em- IIIe siècle après Jésus-Christ, sous la plume du
pereur Dioclétien, en 284). Il s’achève par le célèbre jurisconsulte Ulpien. Le terme « obli-
décès de l’empereur Justinien, en 565 après Jésus- gatio » lui-même dérive apparemment du verbe
Christ. Ce droit se caractérise par le recours à des « ligare », qui signifie « lier ». L’obligation, dans
sources écrites, anciennes et nouvelles, ainsi que son sens premier, serait en conséquence le fait,
par le fait que celles-ci fassent l’objet de compila- pour un débiteur (« débitor »), de se lier avec
tions. La compilation majeure de ces sources a été un créancier (« creditor »), ou, plus précisément,
effectuée à l’instigation de l’empereur Justinien. de s’engager envers un créancier, ce dernier lui
Elle comporte trois parties : les « Institutes », qui accordant sa confiance (« creditor » dériverait de
est une sorte de cours basique à l’usage des débu- « credere », qui signifie « croire »).
tants ; le « Digeste », encore appelé « Pandectes », Quant aux différentes sortes d’obligations,
qui est une compilation d’extraits des œuvres des le jurisconsulte Paul (Julius Paulus), contempo-
grands jurisconsultes qui ont presque tous vécu rain d’Ulpien qui vécut au début du IIIe siècle
pendant la période du droit classique (sous réserve après Jésus-Christ et exerça la charge de préfet
de la date à laquelle est fixée l’achèvement de la du Prétoire de la Garde Prétorienne (de 228
période classique) ; et le Code de Justinien, réu- à 235 après J.-C.) sous le règne de l’empereur
nion des « Constitutions impériales », ou « leges », Alexandre Sévère (il régna de 222 à 235 après
qui sont les lois promulguées par les empereurs, J.-C.), écrit que l’engagement du débiteur peut
sources nouvelles de droit. De la publication du consister, soit dans un transfert de propriété
Code de Justinien, en 534 après Jésus-Christ, à (« dare »), soit dans l’accomplissement d’une

Leçon 1. Historique des obligations ■ ■ ■ 11

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prestation (« facere »), soit dans le fait de livrer des droits savants, qui combine un premier
une chose pour en user ou en jouir, comme, par renouveau du droit romain et une extension du
exemple, dans le louage de choses (« praestare »). droit canonique à la vie civile (B) ; et le début de
S’agissant des sources des obligations, le juris- l’unification du droit français, que parachèvera,
consulte Gaïus (jurisconsulte du IIe siècle après conformément aux vœux des révolutionnaires,
Jésus-Christ, à la vie mal connue, auteur d’un la publication du Code civil et des autres grands
manuel de droit (« Institutes ») dont s’inspirèrent codes français (C).
les auteurs des « Institutes » de Justinien), après
avoir opposé dans un premier temps les contrats A. La période des origines
aux délits, y ajoute, dans son ouvrage connu sous La période des origines est marquée par l’ap-
le nom de livre d’or (« Auréi », nom que lui don- port du droit germanique au droit français (1) et
nèrent par la suite ses admirateurs), des « cas de par l’élaboration d’une multitude de coutumes
figure variés » (« variae causarum figurae »), caté- locales sur le territoire de ce qui deviendra ulté-
gorie suffisamment vaste pour englober les qua- rieurement la France (2).
si-contrats et les quasi-délits. Les « Institutes » de
Justinien distinguent quant à eux quatre sources 1. L’époque franque
d’obligations : les contrats, les quasi-contrats, les L’histoire du droit français, ne peut, en toute
délits et les quasi-délits. logique, précéder la constitution du noyau du
À l’issue d’une longue maturation, les juristes futur État français : les royaumes francs (qui per-
romains ont proposé une définition de l’obli- durent pendant presque trois siècles, de 484 à
gation. Ils ont également cherché à en préciser la 751 de notre ère, avec la dynastie mérovingienne,
nature, aussi bien du point de vue de ce qui en les incursions des germains ayant commencé, en
constitue l’élément essentiel (entendu comme un fait, dès le IIIe siècle), puis le royaume des Francs
lien de droit) qu’au moyen de l’élaboration d’une ou « Regnum francorum » (qui existe de 751 à
classification des différentes sortes d’obligations 887, avec la dynastie carolingienne). Les terri-
(obligations de donner, obligations de faire et toires conquis par les francs furent soumis à la
obligations de « praestare »). Enfin, ils se sont inté- loi de ces peuples germaniques. De ce constat
ressés aux sources de celle-ci (qu’ils ont assimi- est née l’idée que l’origine du droit français
lées aux contrats, quasi-contrats, délits et quasi- pourrait se trouver dans le droit germanique.
délits). Ils ne sont pas parvenus pour autant à Les terres et les peuplades que les francs avaient
élaborer une théorie générale des obligations, conquises n’étaient toutefois pas dépourvues de
leur réflexion étant, sur ce point, demeurée ina- droit. Outre des droits autochtones, dont nous
boutie. C’est aux juristes de l’Ancien droit fran- ne savons quasiment rien, il y existait en effet
çais et tout spécialement à Domat, qu’est revenu des règles issues du droit romain, dont l’adoption
ce mérite. avait été l’une des conséquences de la conquête
des Gaules par Jules César. Une controverse pas-
sionnée s’est développée sur ce point à la fin du
II. L’élaboration de la théorie XIXe siècle, entre les germanistes, partisans de
générale des obligations la thèse des origines germaines du droit français,
dans l’Ancien droit français et les romanistes, qui soutenaient que la source
de celui-ci était plutôt à rechercher dans le
L’Ancien droit français peut être subdivisé en droit romain, tout en reconnaissant que ce droit
trois parties : la période des origines, qui inclut romain s’était abâtardi au contact des droits
l’époque franque et l’espace de temps durant autochtones, sans préjudice de la survie, ici ou là,
lequel se sont formées les coutumes (A) ; le temps de quelques ilots de droit romain non corrompu.

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Les recherches plus récentes, outre le fait de Ce droit coutumier est, pour l’essentiel, un
s’interroger sur le rôle joué par les droits auto- droit tourné vers les personnes, le mariage, la
chtones dans cette formation du droit français, famille, etc. Centré sur le droit des personnes
mettent l’accent sur le fait que, durant les pre- et de la famille, il s’intéresse certes aux biens et
miers siècles de notre ère, le droit romain était à leur transmission, mais il ne va guère au-delà
progressivement tombé dans l’oubli. Il semble, de l’aspect patrimonial de ces questions, qu’il
en fait, que la combinaison de trois sortes de aborde au travers du prisme du droit des per-
droits différents (droits autochtones, droit sonnes. Le droit des obligations en est, pour
romain et droit germanique) ait provoqué, ce ainsi dire, absent, alors même que, parallèle-
qui pourrait paraître paradoxal, une sorte d’ab- ment, le mot « obligation » fait son entrée dans
sence de droit, ou plutôt une confusion source la langue française dans la première moitié du
de dégénérescence des droits en présence, la XIIIe siècle, pour désigner le fait de s’engager.
coexistence de solutions juridiques contradic- La réparation des dommages y est ordinairement
toires ayant fini par priver celles-ci de toute cré- considérée comme une question relevant du droit
dibilité. Sur l’essentiel du territoire, l’usage de la pénal. Quant aux contrats, dans la mesure où ils
force avait, en fait, remplacé le recours au droit. supposent la plupart du temps des relations qui
Les échanges économiques s’étaient considéra- excèdent le cadre familial, leur réglementation
blement réduits. L’utilisation du contrat se limi- est habituellement abandonnée au droit romain,
tait à la formalisation d’actes basiques tels que qui présente l’avantage non négligeable pour des
la vente, l’échange ou le don, l’emploi desdits négociants amenés à se déplacer fréquemment,
contrats étant le plus souvent compliqué par un d’offrir des règles sensiblement identiques sur
formalisme tatillon, dont la lourdeur témoignait une grande partie du territoire.
de l’incertitude régnant quant à l’exécution des-
dits actes. De l’analyse des obligations, et même, B. Le temps des droits savants
plus généralement, de la formulation de théories L’essor économique du XIIe siècle va entraîner
juridiques, il n’était plus question. un renouveau du droit romain (1), tempéré par
des apports du droit canonique (2).
2. La formation des coutumes
À partir de l’an mille, notamment sur la base 1. Le renouveau du droit romain
de l’accroissement des villes qui permet le déve- Le développement des échanges commer-
loppement d’une bourgeoisie d’affaires et d’un ciaux et la nécessité de disposer, pour les faciliter,
artisanat florissant, grâce aussi à la paix relative de règles juridiques fiables et faciles à mettre en
qui s’instaure, se développe une période de pros- œuvre, sont certainement la source principale
périté économique. Pendant tout le XIe siècle, du renouveau du droit romain (l’événement est
elle va entraîner une nouvelle augmentation des parfois désigné par l’expression de « première
échanges et susciter un besoin de régulation juri- renaissance du droit romain », pour le distinguer
dique. Celui-ci va se traduire par la mise en place de la « seconde renaissance du droit romain »
de multiples coutumes, souvent de portée très intervenue au XVIe siècle). Il ne faut toutefois
locale, mais qui peuvent être regroupées par ana- pas penser que cette remise à l’ordre du jour des
logie au sein d’aires géographiques plus vastes : règles du droit romain s’est effectuée instantané-
coutumes de l’ouest de la France ; coutumes du ment et de façon homogène. Elle est, en réalité,
sud-ouest de la France ; coutumes du midi de le fruit d’une évolution complexe.
la France ; coutumes de Paris et de l’Orléanais ; Suivant les régions et les obstacles rencontrés,
coutumes du nord de la France, picardes ou wal- l’emploi du droit romain ne s’est pas développé
lonnes, etc. à la même vitesse et n’a pas atteint la même

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ampleur. Dans le midi de la France, notamment dans le cadre d’un grand mouvement d’unifi-
en Provence qui en serait le point de départ, le cation du droit français.
mouvement débute dès le XIIe siècle et s’accentue
très nettement au XIIIe siècle. Dans le sud-ouest C. Le début de l’unification
de la France et dans les pays de droit coutumier, du droit français
comme par exemple, le nord de la France, le C’est à Domat que l’on doit l’essentiel de l’éla-
renouveau de l’intérêt pour le droit romain est boration de la théorie générale des obligations
beaucoup moins rapide et moins prononcé, mais (1), ultérieurement complétée par Pothier (2).
c’est toujours dans le domaine du droit des obli-
gations qu’il est le plus marqué. 1. Domat et l’élaboration de la théorie
Au XVIe siècle, sous l’influence de certains générale des obligations
humanistes, une « seconde renaissance du droit Lorsqu’ils cherchent à comprendre en pro-
romain » se développera. Centrée sur l’expli- fondeur une notion, les juristes s’attachent en
cation des textes du droit romain par une mise général d’abord à la décrire avec le plus de préci-
en perspective dans leur contexte, elle s’épuisera sion possible, ce qui aboutit le plus souvent à une
d’elle-même, mais laissera une empreinte durable catégorisation des éléments de la notion, voire à
dans le droit français, au travers notamment leur hiérarchisation. L’élaboration d’une théorie
de l’influence sur ces concitoyens de son plus générale, c’est-à-dire d’une théorie capable d’ex-
célèbre représentant, Jacques Cujas (1527-1590). pliquer l’intégralité, ou tout au moins l’essentiel,
d’une notion, passe donc ordinairement en pre-
2. Les apports du droit canonique mier lieu par la réalisation d’une classification.
Le droit canonique était déjà, au début du Ce sont les juristes de l’École du droit naturel qui
deuxième millénaire de notre ère, un droit com- prendront cette initiative pour les obligations.
plexe, ayant fait l’objet d’un effort d’organisation Les premières tentatives en ce sens remon-
et de théorisation. Même s’il était centré sur le tent au XVIe siècle, avec notamment les travaux
règlement des questions religieuses, il n’ignorait de Charles Dumoulin (1500/1566), François de
pas pour autant les affaires civiles, notamment Connan (1508/1551), Jean de Coras (1515/1572),
les questions matrimoniales et, plus générale- Hugues Doneau (1527/1591) et Pierre Grégoire
ment, tout ce qui relevait du droit de la famille. (1540/1617). Mais c’est Jean Domat (1625/1696)
Le droit des affaires et le droit des obli- qui, pour la première fois, dans son ouvrage
gations ne lui étaient pas non plus étrangers car il « Les lois civiles dans leur ordre naturel », publié
avait à cœur de les moraliser, notamment en met- de 1689 à 1694 (il fut complété par la publication,
tant l’accent sur le respect de la parole donnée en 1697, d’un ouvrage posthume, « Le droit
et sur l’indemnisation des dommages, voire en public »), parvint, en poussant cet effort de clas-
prohibant des comportements tels que l’usure. sification, à dresser un plan d’ensemble du droit
Soulevant des questions morales, il incitait à la civil incluant une théorie générale des obliga-
réflexion, y compris sur des aspects théoriques tions, plan qui est celui de l’ouvrage et dont se
du droit des obligations. Son apport à l’étude de sont inspirés les rédacteurs du Code civil.
la cause, tout particulièrement, est conséquent. Précédé par un Traité des lois en quatorze
Au XIVe siècle, il contribuera à l’évolution de chapitres qui l’insère dans le cadre du droit
la définition de l’obligation vers une acception naturel, l’ouvrage comporte un livre prélimi-
englobant le « lien moral » et non plus seule- naire, suivi de deux parties dont la première est
ment l’engagement. Il faudra toutefois attendre subdivisée en quatre livres et la deuxième, consa-
le XVIe siècle pour voir les juristes commencer crée aux successions, en cinq livres. Le livre pré-
à élaborer une théorie générale des obligations, liminaire traite des règles de droit en général, des

14 ■■■ Introduction générale

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personnes et des choses, ce dont se souvien- aux fins d’en déduire des principes applicables à
dront les rédacteurs du Code civil. La première d’autres affaires, l’ouvrage de Pothier est pensé
partie, qui est celle qui nous intéresse plus par- comme l’élaboration de règles dont il convient
ticulièrement ici comme traitant des obligations, de tirer des conséquences pratiques en les met-
comporte quatre livres. tant en œuvre.
Le livre premier (« Des engagements volon- Cette intention est particulièrement nette,
taires et mutuels par les conventions ») étudie les par exemple, dans le traitement des sources des
contrats. Le livre deuxième (« Des engagements obligations. Si Pothier reprend les quatre sources
qui se forment sans conventions ») traite des quasi- des obligations déjà identifiées par les juris-
contrats, des délits et des quasi-délits. Les livres consultes romains (contrats, quasi-contrats, délits
troisième (« Des suites qui ajoutent aux enga- et quasi-délits), il y ajoute la loi, une réflexion
gements ou qui les affermissent ») et quatrième théorique lui ayant permis de saisir que celle-ci
(« Des suites qui anéantissent, ou diminuent les peut créer des obligations par la seule volonté du
engagements ») regroupent l’examen des sûretés, législateur.
de la preuve des obligations, de leurs effets, de La Révolution française, s’inscrivant ainsi dans
leur transmission et de leur disparition. Ils consti- la ligne du mouvement amorcé au XVIIe siècle
tuent la grande nouveauté du plan de l’ouvrage par la publication des ordonnances de Colbert
de Domat par rapport à celui des « Institutes » (ordonnance civile de 1667, ordonnance des eaux
de Justinien, qui exposait ces éléments de façon et forêts de 1669, ordonnance d’instruction cri-
éparse, à l’occasion de l’étude des différents minelle de 1670 et ordonnance du commerce de
contrats, des délits, etc. c’est ce qui explique que 1681), confortées et amplifiées par les travaux
Domat soit considéré comme le premier auteur de Domat et de Pothier, va émettre le vœu de
à avoir formalisé une théorie générale des obli- simplifier et de synthétiser les lois (un décret du
gations, même si celle-ci était encore imparfaite. 16 août 1790, resté sans lendemain, disposera
Il revenait à Pothier de la compléter, presque trois même qu’il « sera formé un corps général de lois
quarts de siècle plus tard. simples et claires », ce qui, aujourd’hui, soit dit
en passant, prend une singulière saveur), mais il
2. L’apport de Pothier faudra attendre, pour parvenir à une synthèse,
à la théorie générale des obligations les codifications napoléoniennes.
Dans son Traité des obligations publié en 1761, Observation : ce n’est qu’au cours de la
Robert-Joseph Pothier (1699-1772) va reprendre seconde moitié du XIXe siècle que le mot obli-
et préciser la théorie générale des obligations gation acquerra une signification supplémen-
élaborée par Domat. Alors que le livre de Domat taire, en prenant également le sens technique
était conçu comme une analyse de la pratique particulier de titre négociable.

Leçon 1. Historique des obligations ■ ■ ■ 15

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■ ■ ■ REPÈRE
■ Institutes de Justinien, III, 13.

■ ■ ■ POUR GAGNER DES POINTS

L’absence de théorie générale du contrat en droit romain

Les juristes romains voyaient dans le contrat la source jurisconsulte Pedius (ce jurisconsulte à la vie mal connue
principale des obligations. Ils ne sont pas, pour autant, aurait eu une grande notoriété, ce que l’on infère du fait
parvenus à élaborer une théorie générale du contrat. que plusieurs des auteurs du « Digeste » de Justinien
Les Romains paraissent avoir fait usage du contrat dès citent ses ouvrages sur l’Édit du Prêteur), que le contrat
l’Ancien droit romain, mais sans l’avoir défini avec préci- a été associé au consentement et, plus précisément, à la
sion et sans le nommer. Le terme contrat (« contractus ») notion d’accord de volontés. Les jurisconsultes romains
ne paraît pas avoir été utilisé avant la période classique. distinguent toutefois deux sortes d’accords de volontés, le
Les jurisconsultes qui l’emploient alors le font, de sur- contrat qui est assorti de formes et le pacte (« pactum »)
croît, avec des sens parfois différents, le restreignant qui est dépourvu d’exigences formelles. Ce n’est qu’au
dans certains cas aux contrats synallagmatiques, l’éten- cours de l’Ancien droit français que ces deux types d’ac-
dant dans d’autres cas à toutes les sortes d’actes juridi- cords de volontés seront fondus au sein de la notion de
ques. C’est, semble-t-il, uniquement à partir du début du contrat, ce qui permettra l’élaboration de la théorie géné-
IIe siècle après Jésus-Christ, sur la base des travaux du rale du contrat.

16 ■■■ Introduction générale

12/09/11 14:21:30
LEÇON 2
LA NOTION
D’OBLIGATION

I. Définition de l’obligation
II. La nature des obligations
III. L’étendue des obligations

Il existe de multiples sortes d’obligations : La réponse était clairement oui, en droit fran-
obligations morales, obligations religieuses, obli- çais, avant l’abolition de l’esclavage. C’est en ce
gations juridiques, etc. Les obligations juridiques sens qu’il était possible de parler de réification
elles-mêmes sont diverses : obligations pénales, de la personne par l’esclavage, c’est-à-dire de son
obligations civiles, etc. Cette diversité impose de abaissement au rang de chose. Cela n’est plus
s’interroger sur la définition de l’obligation (I), le cas dans le droit positif français, qui prohibe
ainsi que sur la nature (II) et l’étendue des obli- toute assimilation entre chose et personne.
gations (III). Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’existe
pas de rapports juridiques entre les personnes. La
personne qui vend un bien à une autre personne,
I. Définition de l’obligation par exemple, est liée juridiquement à celle-ci.
En concluant le contrat, elle s’engage à transférer
Au sens plein du terme, l’obligation est un lien la propriété du bien à l’autre partie. Cette der-
de droit entre deux ou plusieurs personnes, dont nière, pour sa part, s’engage à lui payer le prix
l’exécution est assortie de la contrainte étatique convenu. Une personne qui en bouscule involon-
(A). Il existe également des obligations incom- tairement une autre et la blesse est contrainte de
plètes, ou partielles, ce dont témoigne notam- réparer le préjudice que celle-ci a subi du fait du
ment la distinction entre les obligations civiles dommage qu’elle lui a causé. Une personne qui
et les obligations naturelles (B). Les obligations s’engage à entretenir un jardin arboré doit notam-
peuvent, enfin, être assorties de modalités, c’est- ment en tondre la pelouse et en tailler les arbres.
à-dire d’un terme ou de conditions (C). Une personne qui travaille dans une entreprise
et qui a accès, de ce fait, à des informations
A. Un lien de droit entre personnes confidentielles, est tenue de ne pas divulguer
assorti de contrainte celles-ci.
Le propriétaire d’une chose est titulaire d’un Une personne peut ainsi se trouver juridi-
droit de propriété qui porte sur celle-ci. Peut-il quement obligée de transférer la propriété d’un
exister un droit qui porte sur une personne ? bien qui lui appartient à une autre personne,

Leçon 2 . La notion d’obligation ■ ■ ■ 17

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