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Roques René. Jean Pépin. Mythe et allégorie : les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes. In: Revue de
l'histoire des religions, tome 159 n°1, 1961. pp. 81-92.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1961_num_159_1_7604
Analyses et Comptes rendus
1) Félix Buffière, Les mijlhes d'Homère el la pensée grecque, Paris, « Les Belles
Lettres », 1956. M. Pépin déclare avoir connu ce travail trop tard « pour l'utiliser
mieux que par quelques renvois » [Mylhe el allég., p. 92, n. 15}.
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1) Ce sens double de l'allégorie est fort bien dégagé par Pépin, par ex. pp. 91,
217 et dans la conclusion de l'ouvrage.
2) Toutefois, l'opuscule .Sur les fêles Dédales qui se célèbrent à Platée pratique
un allégorisme stoïcisant, comme le montrent les pp. 184-188 et 182-183.
3) On lira (pp; 192-209} quelques exemples de cette utilisation des mythes
active, personnelle, directe, peu préoccupée de proposer une interprétation all
égorique proprement dite. Sur ce même sujet, Buffière (op. cit., pp. 531-535)
souligne plutôt la continuité (non exclusive, il est vrai, d'une « évolution substant
ielle ») qui rattache Plotin à la tradition allégoriste : « Plotin n'est point hostile
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C'est surtout en fonction de l'allégorie grecque que M. Pépin a
voulu exposer I'allégorisme juif (pp.. 215-244) et, plus longuement,
l'allégorisme chrétien (pp.. 245-474). En milieu juif, l'attitude hostile
de Philon de Byblos (pp. 217-220) ne représente qu'un: aspect du
judaïsme. Ce dernier subit dans une très large mesure l'attrait de
l'allégorie grecque, qu'Aristobule, et plusieurs Pères de l'Église après
lui,, ont voulu rattacher à Moïse (pp. 221-231)2. Cette application
nouvelle des principes allégoriques d'origine surtout stoïcienne eut
son* représentant le plus eminent dans Philon d'Alexandrie. Hlen
reprend . le vocabulaire technique : ú-óvoia, aXX^yopia, oùvîtteoSoci.
Il connaît les principaux mythes grecs et leurs exégèses qu'il accepte
souvent,, repousse parfois, ou dont il propose des interprétations
personnelles qu'il compare, juxtapose ou entremêle à son exégèse des
récits - bibliques (pp. 231-238).. Reprenant la, distinction cynico-
stoïcienne entre 86Ça et ak-rfitux, Philon, à rencontre de Zenon. et
d'Antisthène, la précise dans ce sens particulier qui destine à la
foule l'enseignement хата Só^av et réserve aux seuls initiés l'enseign
ement хат' áXÝjoeiav (pp., 238-239). Néanmoins, et M. Pépin le marque
fort bien,. Philon reste très proche des cpucixoi ou des çihkoXoyouvtcç
que sont les stoïciens (pp. 239-242) ou tels exégètes juifs antérieurs
à: Philon et marqués eux-mêmes par l'exégèse stoïcienne (p. 241).
Avec Josèphe,.plus proche du judaïsme palestinien traditionnel
à l'exégèse allégorique. Il l'a encouragée chez Porphyre son disciple et l'a pratiquée
lui-même à l'occasion » (Les mythes ď Homère..., p. 531) ; « Le parallèle de son inter
prétation métaphysique et de celle, toute physique, de Cornutus, fait bien saillir
l'un des caractères essentiels de l'exégèse allégorique : une étonnante continuité qui
n'empêche point une évolution substantielle » (ibid., p. 535 ; c'est nous qui soulignons).
Ce même ouvrage (chap. IX, pp. 541-558) retrouve une position semblable chez des
néoplatoniciens postérieurs (Syrianus, Proclus) que l'enquête ; de M. Pépin ne
;
s'était pas proposé d'envisager. Sur Porphyre, voir Pépin, op. cit., pp. 462-466 ;
et sur l'empereur Julien, ibid., pp. 209-210 et 466-470.
1) Pépin, op. cit., pp. 190-209 ; cf. Buffière, op. cit., pp. 531-535;
H.-Ch. Pcech, Position spirituelle et signification de Plotin, dans Bulletin de l'As
sociation G. Budé, 1938, pp. 3-46 ; M. de Gandillac, La Sagesse de Plotin, coll.
« A la recherche de la vérité », Paris, Hachette, 1952 ; Jean Trouillard, La puri
fication plotinienne, Paris, P.U.F., 1955.
2) Sur ce sujet, voir l'étude plus détaillée de Pépin, Le « challenge » Homère-
Moïse aux premiers siècles chrétiens, dans Revue. îles Sciences religieuses, 29, 1955,
pp. 105-122.
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1) (le dilemme est. illustré 'pp. 410-412) par des citations d'Aristide et. de
Tatien ; p. 412, et n. '.llî, on trouvera de justes et intéressantes remarques concer
nant l'emploi, différent, chez les deux auteurs, de l'adjectif '.puaixoç.
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.
« ne croit guère pour son> compte à la valeur littérale de la Bible »
(p.. 462). Le seul texte apporté à l'appui de cette affirmation: (De
principiis, IV, 3, cité et traduit p. 462) ne semble pas décisif. Il s'y
agit seulement des anthropomorphismes par quoi l'auteur de Genèse
décrit la création, le « comportement » de Dieu devant cette création:
et. еш particulier, ses rapports avec Adam: autant de présentations
« imagées » dont Origène nie, en effet, le caractère « historique»
(rporaxtô; Sià Soxoucr/jç . icrropiaç, xal - où cco[i.aTtxtoç уеугщрещс, ibid.)1.
.
.
Surtout, à propos de: Genèse mis- en < avant» par Celse t lui-même,
Origène s'attache sans ■; doute à ; dégager la richesse allégorique des
:
•
Écritures (pp. 456-459) ; il fonde même la légitimité de l'allégorie chré
tienne sur la pratique et l'exemple des auteurs inspirés, saint Paul
notamment (p. 459) ; et,. aussi bien dans son reuvre polémique que
:
* **
Mais la description et la confrontation des théories allégoriques
formulées par les Grecs et reprises par les Juifs et les Chrétiens,
auraient dû, selon nous, tirer un meilleur parti de cette constatation
et de constatations semblables. Mutatis mutandis, les allégories juives
et chrétiennes se donnent pour tâche la « justification » d'une foi ou
d'un système élaboré en fonction d'une foi, tout comme les allégories
grecques se proposent de « sauver » une physique, une morale, une
anthropologie ou une mythologie. Au niveau des procédés littéraires
et des matériaux qu'ils mettent en œuvre (etymologies, grammaire,
considérations physiques, astrologiques, biologiques ou autres), les
analogies, de part et d'autre, restent frappantes. Et une « démonstrat
ion » basée sur de pareils éléments ne subit pas, comme telle, une
espèce de « transsubstantiation» qui lui apporterait, en la faisant passer
à l'allégorie juive ou chrétienne, une valeur qu'elle n'avait pas dans
l'allégorie grecque. Dans ce sens, nous croyons que M. Pépin a raison
d'insister sur les contradictions et la vanité des polémiques qui ont
opposé, sur ce point, les allégoristes juifs et chrétiens à leurs devanciers
grecs qui furent souvent leurs inspirateurs. Des procédés identiques
appellent un traitement et des qualifications identiques, car ils relè
vent, les uns et les autres, d'une « mentalité », d'habitudes reçues, voire
de « modes » très artificielles, qui résistent ou ne résistent pas à la
double épreuve du temps et de la critique.
Aussi bien n'est-ce pas exclusivement au plan des procédés
littéraires qu'il convient de juger en dernier appel une pensée all
égorique. On devrait se demander, en outre, comment et dans quelle
mesure ces procédés traduisent ou illustrent une vérité, rationnelle
ou révélée, dont la valeur ne saurait dépendre, en droit, de leur valeur
intrinsèque et singulière ; se demander surtout quel sens noétique,
quel contenu, philosophique ou religieux, l'exégète allégoriste (qui
peut être une collectivité religieuse ou une autorité doctrinale)
attache à chacune et à l'ensemble des représentations allégoriques.
Il apparaîtrait alors que le sens le plus légitime et le plus complet de
1) II semble qu'une distinction plus nette entre le sens historique et, le sens
littéral aurait permis à M. Pépin d'apporter au problème de l'allégorie oriyénienne
et de son rapport à l'Écriture, une solution d'ensemble plus nuancée et, sans doute,
plus équitable. L'attachement des Chrétiens à lu lettre de l'Écriture et à la foi
des simples leur avait valu, de la part de Celse, le reproche de « déma^otrie » (p. 460).
C'est probablement en pensant à ce dernier terme que M. Pépin parle, de manière
un peu inattendue, du « caractère démocratique de la Bible » 'Table des matières,
p. П21) pour résumer les positions d'Orifrène sur ce point.
ANALYSES ET COMPTES RENDUS 91
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Ces réserves faites2, disons, en terminant, que le livre de M. Pépin
apporte l'essentiel de ce que promet son sous-titre : les origines grec
ques de l'allégorie et les contestations judéo-chrétiennes. Il indique avec
rigueur et intelligence les moments principaux de cette histoire, qu'il
sait illustrer de textes nombreux, bien choisis, et à la traduction des-
:
systématique et très riche (pp. 8-32) est un modèle du genre. Ses index
sont, extrêmement, précis- et détaillés. Aux rubriques classiques
(auteurs anciens; citations homériques, hésiodiques, scripturaires ;
auteurs modernes, pp. 487-497),. il: a très -heureusement: ajouté; un
Index des termes techniques (grecs et latins) de Vallégorie (pp. 497-501),
un* Index des équivalences symboliques dans le domaine grec, oriental,
latin et judéo-chrétien (pp. 502-508), un, Index des etymologies et jeux
de mots (pp. 508-509), enfin, un Index des interférences judéo-chrétiennes
(pp. 509-510). On ne saurait mettre plus de courtoisie ni de probité
à présenter, tant de science. Le phénomène n'est pas si fréquent. Il
valait d'être souligné2.
René Roques.
2) Nous n'avons remarqué qu'un très petit nombre d'erreurs matérielles dans
ce livre admirablement présenté : p. 26, 1. 1, lire Altaner au lieu de âltaner ;
p. 49, 1. 16, lire vue au lieu de que ; p. 232, dernière ligne du texte, (lire хатаХос[л.6а-
vojjívcov au lieu de xaraXauexvotxevcov ; p. 233, 1. 31, lire 8i', au lieu de S" ; p. 397,
la première ligne de cette page a été déplacée à la première ligne de la p. 398 ;
p. 418, 1. 23, lire eux-mêmes au lieu de eux-même.