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Le maître de demain, c’est dès aujourd’hui qu’il commande — Jacques Lacan

n° 754 – Mercredi 13 décembre 2017 – 20 h 42 [GMT + 1] – lacanquotidien.fr

À Judith, par Jean-Daniel Matet


Judith, par François Ansermet
Trois souvenirs de Judith Miller, que rien, ou peu de chose, arrêtait,
par Marie-Hélène Brousse,
Judith, par Laura Sokolowsky
Judith, par Yasmine Grasser

Communiqué Uforca
Homenaje a Judith Miller, Escuela de la Orientación Lacaniana
À Judith
par Jean-Daniel Matet

C'est à l'épreuve de l'édition des textes de l'Âne que j'ai commencé à travailler avec Judith.
Elle m'avait appris la césure, la coupure, la reformulation, la ponctuation d'un texte original
pour mettre en valeur l'énonciation d'un auteur, fût-il psychanalyste. Pourtant, respecter le
texte d'un auteur paraissait au jeune analysant que j'étais, incontournable, à la hauteur du
blabla sur le divan. Mais Judith m'a appris que le travail d'édition met en valeur la pensée qui
cherche à s'articuler. Certains auteurs ne le supportent pas en sanctuarisant leur style ou leur
écriture, ne percevant pas que c'est de leur relation à l'inconscient lui-même dont il s'agit.
Rencontrant les effets de mon analyse, cela s'est inscrit au cœur de ma pratique.
Le magazine l'Âne, avec Ornicar ? et la Section clinique, ont constitué pour moi, venant
du champ de la clinique médicale et psychiatrique, une véritable ouverture au monde de
l'esprit. Judith a toujours défendu la psychanalyse de sa place. Dénonçant la perversion du
discours universitaire ou la tentation d'infatuation des analystes, Judith a soutenu que le
meilleur remède en est la connexion à une réalité sociale où des formes de l'impossible
laissent entrevoir des touches du réel.
Les groupes du Champ freudien avaient cette fonction et Judith n'en négligeait
aucun, sachant déléguer, mais aussi critiquer quand l'heure était venue de constater telle ou
telle impasse. Elle n’hésitait pas à interpeler les médecins ou tous ceux qui pratiquent avec
les enfants, ou encore ceux qui n'ont pas laissé tomber le champ de la toxicomanie. Judith
proposait, comme elle le fit avec les laboratoires du CIEN, d'ouvrir les portes à ceux qui se
cognent contre les symptômes, des enfants comme des adultes, toujours du côté du sujet
contre toutes les formes de volonté de puissance.
Judith travaillait sans cesse, mais elle savait dire son attachement à ses enfants et à ses
petits-enfants, à ses proches dans les moments difficiles de la vie. Sa discrétion sur sa propre
histoire était à la mesure du rôle que celle-ci jouait pour la psychanalyse, convaincue que
l'apport de Jacques Lacan rendait lisible le message freudien pour notre époque. C'est aussi
cela qu'elle reconnut dans le travail de Jacques-Alain, le respectant et le protégeant dans son
originalité.
J'ai le souvenir de Judith voyageant avec ceux qui l'accompagnaient en Europe ou
bien plus loin, partant fumer aux portes de l'aéroport, et poursuivant la longue conversation
concernant les différents projets qu'elle animait.
Comment ne pas être sensible à l'attention qu'elle portait à chacune et chacun de
ceux à qui elle confiait une tâche, comme elle le fit avec moi pour PIPOL, toujours prête à
donner de sa personne ? Nous garderons tous le souvenir de Judith, transportant elle-même
livres et documents pour les manifestations auxquelles elle se rendait, presque tous les
congrès, Journées des Écoles et groupes du Champ freudien.
La reconquête du Champ freudien voulue par Lacan, dont Judith a su donner une
belle redéfinition, a trouvé un accent très spécial dans son attachement à l'essor des
bibliothèques du Champ freudien, puis à travers le soutien au développement de la
psychanalyse dans les pays de l'ex-Union soviétique. Elle y mettait son énergie pour que ce
pari trouve son succès, et elle innovait en proposant des stages à des analystes en formation
dans un certain nombre de services hospitaliers où travaillaient des analystes lacaniens
constituant un véritable partenariat et un réseau pour la formation de ces nouveaux
collègues, leur ouvrant la voie à la possibilité de commencer des psychanalyses dans les
Écoles de l'Ouest européen.
Un de ses derniers combats – faire en sorte que les autistes ne soient pas privés de
l'apport de la psychanalyse, souvent seul recours aux pratiques de la parole, quand le
comportementalisme cherche à s'imposer en maître – trouvait son expression dans la
recherche de formes originales pour faire entendre ceux qui sont sur le terrain avec les
autistes. Cela s'est manifesté par le soutien de Judith aux films qui en parlaient, soutien
concret et détaillé, par son apport précis à la création de l'association « La main à l'Oreille »
qu'elle a soutenu jusqu'au bout de ses forces.
Ce ne sont que quelques-unes des actions partagées avec Judith. L'exigence qu'elle
avait d'abord pour elle-même et qu'elle transmettait pour toujours servir la psychanalyse.
Quand elle fit part publiquement de sa rencontre avec un psychanalyste, elle portait encore
plus haut cette exigence, mais savait devoir y avoir recours quand les symptômes viennent
brouiller démesurément ce qui est établi.
Une vraie générosité dans l'échange s'adressait particulièrement aux débutants, à
ceux qui voulaient savoir, ceux pour qui Judith était toujours un recours attentif. C'est à
cette amie, notre collègue, à laquelle je souhaitais rendre hommage.

Judith
par François Ansermet

Comment trouver les mots pour dire ce que représente la disparition de Judith Miller – pour
nous, pour le mouvement impulsé par Jacques Lacan, son père, qui nous unit à la
psychanalyse, à la cause analytique ? Même si, face à la mort, les mots sont insuffisants, il
n’est pas possible de ne pas chercher à dire, à manifester une présence, à réagir à la perte.
Judith Miller n’est plus. C’est pour moi une perte multiple. Parce que Judith était
multiple : une fille, celle de Lacan ; une femme, celle de Jacques-Alain Miller ; une mère,
celle de Luc et d’Eve ; un être engagé dans la cause analytique, dans le Champ freudien, de
« la reconquête du Champ freudien », comme elle l’annonçait souvent. La fille de Lacan
n’est plus. C’est comme si une génération de plus se constituait, creusait un écart de plus
avec Lacan : faudra-t-il partir à la reconquête du Champ lacanien ? Non ! Parce que
Jacques-Alain Miller a su le tenir, permettant une relation à Lacan aussi pour ceux qui ne
l’ont pas connu, à travers son enseignement, à travers l’édition du Séminaire, permettant un
transfert à une œuvre, au-delà de ceux qui ont eu un transfert direct à celui-ci. Un transfert
qui passe maintenant aussi par le texte : raison pour laquelle j’étais venu faire un entretien
avec Jacques-Alain Miller à propos de l’établissement du Séminaire, il y a bien longtemps.
Mais la disparition de Judith Miller, c’est aussi plein de souvenirs qui me reviennent,
plein d’échanges dans le Champ freudien, de demandes urgentes, de préparations de
colloques, du CEREDA, du CIEN, et de multiples dispositifs, marqués par les attentes
qu’elle portait, ponctués de ses interventions, de ses retours critiques dans les débats,
toujours habités par une vision très politique, exigeante.
Je me souviens aussi de sa venue en Suisse pour rencontrer les Bulgares que je recevais
dans mon hôpital dans le cadre d’un projet de la Croix-Rouge sur les lieux de placement à
Sofia et ailleurs : j’y ai découvert sa passion pour les pays de l’Est, qui n’est peut-être pas
étrangère à l’origine roumaine de sa mère. Judith avait en effet aussi une mère et pas
seulement un père – une mère qu’on ne devrait pas oublier quand on parle d’elle comme la
fille de Lacan.
Voilà en tout cas des événements marqués par la perte qui entrent en résonnance avec
cette triste nouvelle qui m’afflige. Je pense au Champ freudien dans ces circonstances
douloureuses. Je veux surtout dire à ses proches toute mon amitié et mes condoléances…

Trois souvenirs de Judith Miller


que rien, ou peu de choses, arrêtait
par Marie-Hélène Brousse
Dans la nuit de jeudi 7 décembre, me sont revenus pleins de souvenirs de Judith : Judith en
France, à Paris bien sûr, mais dans de nombreuses villes, Judith en Espagne, Judith en
Argentine, Judith en Russie… Elle a été une voyageuse infatigable au service de la
psychanalyse et des livres.
Trois se sont détachés.
C’était le jour de ma soutenance de thèse. Jacques-Alain Miller et Judith m’avaient
donné rendez-vous pour y aller ensemble. Il était à mon jury et mon directeur. Dans le taxi,
curieusement je n’avais pas peur. Je pense que la présence de Judith y était pour beaucoup.
Attentive et gaie, elle me fut un soutien précieux. Je l’ai souvent vue ainsi pour beaucoup
d’autres, jeunes et moins jeunes dans le Champ freudien. C’est le souvenir d’une présence
chaleureuse et légère à la fois. Voilà le premier.
Le second maintenant. Nous étions en Espagne et revenions ensemble en avion d’un
événement du Champ freudien, voyage pour lequel nous avions une correspondance. Je me
suis aperçue, une fois dans l’aéroport par lequel nous transitions, que j’avais perdu mon stylo
encre, un beau stylo que j’aimais bien. Judith, toutes voiles dehors, entreprit de le retrouver.
Rien ne l’arrêta. Je suivais sa fine silhouette sur ses hauts talons. Elle frappait et ouvrait les
portes des bureaux qu’on nous indiquait. Moi, un peu gênée des efforts qu’elle me
consacrait, elle, alerte, inébranlable. Aucun pouvoir, même bureaucratique, ne pouvait
l’arrêter quand elle avait décidé. Judith, si forte…
Le dernier souvenir que je souhaite partager avec vous est russe. Elle m’avait proposé
d’aller en sa compagnie à Saint-Petersbourg pour animer un séminaire à l’occasion de la
traduction d’un texte de Lacan en russe. Je crois que c’était « La direction de la cure ». Je
n’avais jamais été en Russie. Elle avait tout organisé, l’hôtel, les rencontres, le travail, avec
grande précision. Ce fut inoubliable. Je pouvais voir l’importance de son travail d’extension
du domaine de la traduction des textes de Lacan, le soin pris à accueillir, soutenir le désir
pour la psychanalyse d’orientation lacanienne et à le rendre possible à ceux pour qui cela
était parfois matériellement difficile. Le dernier soir, en évitant la neige qui tombait des toits,
nous sommes allées au restaurant toutes les deux, toutes joyeuses de bien dîner dans un
endroit plaisant. On a passé un « moment parfait ».
Il y en a eu plusieurs, avec Judith, de ces moments rares.
Elle était une force en mouvement.

Judith
par Laura Sokolowsky
Certains me confiaient qu’elle les impressionnait et que son caractère n’était pas si facile.
Heureusement. Comme femme, il faut mieux être forte.

Pour ma part, c’est sans doute le respect et l’admiration que je lui témoignais, celle
que je portais naturellement à la fille de Lacan, qui donnèrent à nos rencontres, qui ne
furent pas si nombreuses, j’en conviens, une tonalité sereine. J’y pris appui pour affirmer
mon engagement ostensible pour la psychanalyse.

Judith appréciait l’audace intellectuelle et le courage moral. Elle ne reculait pas


devant l’adversité et savait agir au moment opportun avec tact et générosité. Quand elle prit
connaissance de soucis personnels, elle m’invita spontanément à prendre le thé. Je ressortis
de ce tea time étonnée et ravie par ce geste d’amitié et de soutien. C’était un acte, il y en eut
d’autres.

Simplicité, délicatesse, humanité. La présence et le sourire de Judith m’ont marquée.


Judith,
par Yasmine Grasser

Judith
qui savait écouter
qui savait être là
qui savait que vous étiez là
qui savait dire le mot qui relève
qui savait montrer la voie du Parthénon freudien

Judith
vous avez su parler avec chacun de ceux que la psychanalyse appelait
vous avez su empierrer le chemin que nous tracions
vous avez su vous étonner du quotidien de nos avancées
vous avez su veiller sur la langue que nous parlions

Judith
Vous étiez si gaie lors de la dernière Rencontre internationale du Champ freudien qui ne
pouvait qu’aboutir à la création de l’AMP
Vous le saviez, comme vous avez su avant tout le monde que l’autisme serait un enjeu pour
la psychanalyse
Vous avez pu beaucoup, si simplement, si rigoureusement, avec des petits bouts de chacun et
une grande ténacité

Judith, merci pour ce cadeau immense

Judith Miller, un nom, une éthique


Communiqué du Conseil d’administration Uforca

Les membres du Conseil d’administration d’UFORCA, les coordinateurs des Sections et


Antennes clinique francophones s’associent pour présenter leurs condoléances à la famille de
Judith Miller après sa récente disparition : À Jacques-Alain Miller, à sa fille Eve, son fils Luc
et ses petits-enfants.

Nous sommes tous très touchés par sa disparition. Uforca et la Fondation Uforca ont
travaillé régulièrement avec la présidente du Champ freudien, année après année, pendant
20 ans et toujours dans l’enthousiasme qu’elle savait si bien soutenir et manifester.

Pour le Conseil d’administration d’Uforca,


Carole Dewambrechies-La Sagna et Jean-Pierre Deffieux

Homenaje a Judith Miller


Escuela de la Orientación Lacaniana

"¿Cómo puede el psicoanálisis encontrar su lugar en el siglo XXI sin traicionarse y sin auto
segregarse?"

La pregunta late en el corazón del artículo que el diario Rosario 12 publicara el 18 de


diciembre de 2008, fragmento de uno más extenso publicado en la revista Mediodicho número
34. La pregunta late en el corazón del Campo Freudiano, la pregunta es el corazón del
trabajo de Judith Miller y late viva en nuestro trabajo cotidiano. Vaya como homenaje este
artículo de su autoría, nunca más actual que hoy en sus interrogantes, en sus respuestas, en
sus propuestas.

"El porvenir del psicoanálisis se sostiene seguramente en la formación de los analistas. Nada
sorprendente ni nuevo al decirlo, lo que es sorprendente y nuevo es la coyuntura en la cual
este decir encuentra su efectividad"

El porvenir del psicoanálisis Judith Miller : aquì

Nota: El artículo salió publicado en la revista Mediodicho N°34 siendo el título original
"Delicadeza".
Lacan Quotidien, « La parrhesia en acte », est une production de Navarin éditeur
1, avenue de l’Observatoire, Paris 6 e – Siège : 1, rue Huysmans, Paris 6 e – navarinediteur@gmail.com

Directrice, éditrice responsable : Eve Miller-Rose (eve.navarin@gmail.com).


Rédacteur en chef : Yves Vanderveken (yves.vanderveken@skynet.be).
Éditorialistes : Christiane Alberti, Pierre-Gilles Guéguen, Anaëlle Lebovits-Quenehen.
Maquettiste : Luc Garcia.
Relectures : Anne-Charlotte Gauthier, Sylvie Goumet, Pascale Simonet.
Électronicien : Nicolas Rose.
Secrétariat : Nathalie Marchaison.
Secrétaire générale : Carole Dewambrechies-La Sagna.
Comité exécutif : Jacques-Alain Miller, président ; Eve Miller-Rose ; Yves Vanderveken.

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