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POUR LA SCIENCE DE L'HISTOIRE

par CLAUDE CAHEN

On entend beaucoup dénigrer l'histoire, «pauvre petite science conjecturale»;


et de la rendre responsable4 qui des routines et des haines de peuples, qui des
désordres et des révolutions. Il arrive même à des penseurs, dont le rationalisme
s'envisage dans l'éternel, de faire apparemment chorus, au siècle même où cepen-
dant un nombre croissant de disciplines se conçoivent elles-mêmes historiquement.
Baby dernièrement, ici-même, remarquait combien la production courante paraît
justifier ces mépris. Entre les désirs dé la clientèle qui paye le mieux et les
commerçants de la plume dont la réputation provient de l'attitude sociale, une
conjuration tacite existe, qui oriente l'offre « historique » faite au lecteur non averti
dans deux sens : l'éloge du passé, couvrant une position présente réactionnaire;
l'utilisation des données historiques pour la confection d'oeuvres dont la raison
d'être est de répondre au besoin d'un romanesque qui, usé, est rajeuni par l'idée
qu'il est vécu. Mais qu'offre-t-on qui explique l'histoire au public sprieux et avide
de comprendre ?
Même dans le travail entre spécialistes, l'historien conscient de la discipline
qu'il sert ne peut pas ne pas être effrayé de la déperdition de forces à laquelle
il donne lieu. Chez l'étudiant, combien de choses apprises sans notion de la place
qu'elles occupent dans l'évolution de l'humanité, sans compréhension de leur
importance ! Chez l'érudit, combien de recherches futiles, soit par leur objet,
soit par le peu de nouveauté qu'elles apportent, combien d'acquisitions mal utilisées,
faute d'en avoir saisi les connexions, la signification, et surtout combien de champs
vierges, moins- par suite de la difficulté de leur exploration que de l'absence de
tout chercheur à s'y être intéressé ! On voudrait que chaque étudiant, lorsqu'il
aborde les études historiques, que chaque chercheur, aux grandes étapes de son
investigation, effectue un tour d'horizon. Qu'il réfléchisse à ce qui constitue
l'essentiel de l'existence des hommes, à ce qu'il en sait, et, s'il en sait quelque
chose, en un moment, un endroit, un milieu, en quels autres moments, endroits,
milieux il l'ignore, ou, s'il le sait, s'il peut en établir l'évolution, les connexions
avec les autres phénomènes qui l'entourent. En un mot, comme le physicien dans
le domaine de la nature matérielle, progresse-t-il dans la compréhension du comment
des choses ? Il ne se livre pas au travail historique s'il ne croit pas implicitement
,
à la possibilité d'y obtenir des résultats solides' : a-t-il suffisamment réfléchi, non pas
a priori à la possibilité de. faire oeuvre scientifique en histoire, car une science se
prouve en se faisant, mais aux conditions qu'il faut respecter si l'on veut essayer
de faire réellement une telle oeuvre, de construire la science de l'histoire ?
Nous voudrions qu'on apporte à l'étudiant de demain cette incitation, cette
aide qui ont manqué à ceux d'hier. Il nous semble qu'il faudrait lui soumettre des
réflexions de l'ordre de celles qui vont suivre. Elles sont loin d'être neuves, et elles
n'ont pas à entrer de but en blanc dans des approfondissements développés.
Ce sont des évidences très simples, et qui ont déjà été dites, mais ce sont les
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évidences très, simples qu'il faut toujours redire le plus, lorsqu'elles n'ont pas
été entendues.

Nous ne pouvons pas réfléchir aux conditions d'exercice d'une science historique
sans nous mettre d'accord d'abord sur quelques caractères essentiels de la science
en général, dont l'insuffisante connaissance cause de fréquents malentendus. Le
lecteur averti nous excusera d'y revenir : chacun de nous s'aperçoit sans cesse
que, même théoriquement convaincu de certaines idées, il continue à penser selon
dés formes antérieures; il y a donc une discipline d'esprit qu'il faut continuelle-
ment se réexercer à acquérir.
Chaque science s'est constituée au moment où elle a refusé de prendre en
considération ce qui ne peut pas être objet d'une constatation objective, c'est-à-dire
matérielle. Science n'est pas scientisme, et l'on n'affirme pas, ce faisant, que l'on
puisse ainsi tout expliquer et tout savoir, non plus qu'a priori on ne le nie. On
prend simplement conscience qu'à s'appuyer sur autre chose que de matériellement
constatable, on construit sur des raisonnements qui, pour logiques qu'ils puissent
être, reposent, au point de départ, sur une décision préférentielle arbitraire, en
faveur ou en défaveur de laquelle il ne peut être trouvé aucune preuve objective
entraînant l!acquiescement universel. Le savant est donc matérialiste' par nécessité
de méthode, sans que cette méthode s'oppose à telle affirmation métaphysique qu'il
décide par ailleurs de poser ni qu'elle constitue une quelconque métaphysique à
rebours. Mais qu» l'homme envisage ou non un domaine métaphysique, le savant
n'a pas à en tenir compte, et entre un Pasteur, spiritualiste, et un Claude Bernard,
athée, aucune différence de méthode de travail, la constatation matérielle seule
décide. Libre à chacun, en dehors de la science, de choisir si, pour ce qu'elle
-n'explique pas, il se rattache à une croyance ou, avouant son ignorance, .considère
comme vain de s'en occuper. Dans la science, Pasteur n'est pas plus métaphysicien
que Claude Bernard : ce serait du temps perdu en dehors de la question. La
constatation matérielle se fait par l'observation et, quand il est possible, par
l'expérimentation.
A mesure de leur développement, les sciences de la nature ont dégagé d'abord
une conception déterministe, mécaniste du monde, qu'il a fallu ensuite totalement
dépasser. Au début, constatant que tel phénomène en entraînait régulièrement
tel autre, on a conçu que le premier était cause du second, notion vague reposant
sur l'assimilation implicite du processus naturel avec l'action créatrice humaine,
mais qu'on ne pouvait préciser qu'en la considérant soit comme une identité
n'expliquant pas la diversité, soit comme une création de quelque chose à partir
de rien, ce qui n'est pas plus compréhensible. Assez vite les savants ont pris
conscience du caractère verbal de cette explication et qu'en réalité elle n'ajoutait
rien à la simple constatation, objective- cette fois, de la concomitance de deux
phénomènes. C'est à établir la série de ces concomitances que la science s'est
appliquée : la recherche des lois a remplacé celle des causes.
Mais il a fallu, à son tour, reviser le concept de loi, corrélativement avec ceux
de phénomène, d'objet. Pendant longtemps, la science est restée « chosiste »,
c'est-à-dire qu'elle a considéré des objets, des phénomènes qui, pour avoir entre
eux des relations, n'en étaient pas moins des individualités nettement circonscrites.
Aujourd'hui, les savants ont pris conscience que la nature ne nous offre pas de
telles individualités, mais seulement des objets, des phénomènes, indissociables
d'un réseau de relations avec d'autres objets, d'autres phénomènes. Ce qui nous
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est donné par la nature est le tout, dont les objets, les phénomènes que nous
isolons ne sont que des aspects partiels qu'il est vain de vouloir définir indépen-
damment de l'ensemble, toute modification perçue dans un aspect de cet ensemble
ayant son correspondant dans les autres. Impossible de définir le mouvement autre-
ment que par référence.à un système dont la stabilité et l'instabilité à leur tour
n'ont de sens que par rapport à un autre système; impossible de déterminer une
grandeur spatiale sans faire intervenir des mouvements, donc un facteur temps,
comme de-déterminer une grandeur temporelle autrement-que par des mouvements
spatiaux, ce qui veuf dire que la nature ne nous offre que le complexe espace-temps
et non chacun des deux séparément. Les notions « chosistes » les mieux établies
se dissolvent dans un complexe de relations : telle celle de masse. Il est même
impossible de dissocier la nature de l'observateur, l'acte même de l'observation
modifiant ce qui est observé. La science moderne est donc relativiste ou, mieux'
encore, si l'on nous passe le mot, totalitaire.
Certes, des objets, des phénomènes nous paraissent doués d'une individualité
stable. Mais ils ne le sont qu'en gros, en moyenne, par rapport à notre échelle
de grandeurs. La pression d'un gaz sur les parois d'un vase est en gros constante,
mais elle résulte de la moyenne des chocs infiniment variables d'une infinité de
molécules. La pression globale est une probabilité statistique pratiquement infinie,
.
à notre échelle, mais non d'une absolue nécessité. Le concept déterministe de loi.
est à remplacer par ceiui de probabilité statistique. Cela ne signifie pas que le
déterminisme soit faux. Il reste vrai qu'il existe des lois pratiquement assurées et
que l'interconnexion des aspects fragmentaires du tout n'est pas «n fait de hasard.
Des spiritualistes pressés ont cru trouver dans la nouvelle conception de la science
une fissure au déterminisme, par où s'insérerait la liberté humaine ou divine.
Sans parler de la conception étrangement irréaliste d'une liberté qui ne tirerait
pas son efficience de la certitude des lois naturelles, rien ne reste plus éloigné de
la science qu'une théorie indéterministe selon laquelle il pourrait aussi bien se
produire autre chose que ce qui se produit. Ce n'est pas être indéterministe que
de dire qu'il nous est impossible de préciser la détermination d'un phénomène
au delà d'une certaine échelle de grandeur, impossible aussi de déterminer un
objet ou un phénomène quelconque autrement que comme un noeud d'interférences
dans l'universelle interconnexion. Seulement il faut entièrement dépasser l'ancienne
conception mécaniste d'un déterminisme de causes et d'effets. Causes et effets ne
sont que des aspects indissociables d'un même ensemble dont rien n'empêche qu'en
un moment d'équilibre différent l'ordre apparent de dépendance puisse se trouver
inversé. Ce qui existe est l'action réciproque au sein de l'universelle interaction.
Cependant les divers aspects de la nature ne nous sont pas donnés en magma
non hiérarchisé,, mais par couples antithétiques : onde-corpuscule, masse-énergie, etc.
Le progrès scientifique n'a jamais consisté à dire oui à l'un, non à l'autre, mais à
découvrir une notion nouvelle permettant de dépasser les deux en rendant compte
de l'un et de l'autre : théories d'Einstein, mécanique ondulatoire, etc. Il est même
arrivé, aux mathématiques en particulier, de progresser par la négation d'un acquis
antérieur, puis par l'invention d'une notion nouvelle permettant d'intégrer simulta-
nément l'un et l'autre : nombres négatifs, imaginaires, géométries non-euclidiennes.
Pour parler le langage de la philosophie, la pensée scientifique procède dialectique-
ment. ~
Naturellement, ce travail est abstrait. Mais, attention. D'aucuns prétendent que
là pensée, créant eh son sein ces concepts, fait oeuvre arbitraire, que la science
pourrait être autre. C'est qu'ils ne réfléchissent pas à la vraie nature de l'effort
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de la pensée scientifique. Il ne s'agit pas de poser des entités d'où l'on déduirait la
réalité matérielle par un processus causal, mais de trouver, derrière la vision
grossière de nos sens, une plus grande approximation de la réalité. Et du succès
ou de l'échec il existe.un critérium, une épreuve qui ne peuvent tromper ni être
taxés d'arbitraire : l'invention créatrice, l'action. Peu nous importe une stérile
discussion sur la réalité en soi des ondes hertziennes ; nous savons que Hertz a
mordu sur la réalité, parce qu'il existe des appareils de T.S.F., qui sont bien
une réalité objective. La science a maintes fois progressé, dans ses parties les plus
abstraites, pour répondre à des exigences de réalisations matérielles; inversement
il serait vain de vouloir agir au mépris des lois scientifiques, et c'est le succès de
l'action qui est le garant objectif de la valeur de la science.
Face à la diversité de la nature, le travail scientifique est divisé en une série
de sciences particulières. Mais entre ces diverses sciences il n'y a ni différence
d'esprit ni discontinuité. Certes, chaque science a son domaine propre, qu'elle
doit d'abord circonscrire, et des méthodes d'investigation en rapport avec les
particularités de ce domaine. Mais la méthode générale de pensée est la même, et,
loin de s'enfermer chacune dans sa tour d'ivoire, les diverses sciences, à mesure
de leur progression, se prêtent de' plus en plus mutuellement main-forte : pas de
physique sans appareil mathématique, et maint progrès mathématique a été
provoqué par des exigences-de la physique; de même entre chimie et biologie.
Dans l'ensemble, on peut dire qu'il existe une gradation de sciences dont chacune
diffère de la précédente par l'adj onction d'une donnée nouvelle, dont elle étudie
les relations avec les données antérieurement acquises de la science précédente :
algèbre, géométrie (espace), mécanique (mouvement, donc temps), sciences physico-
chimiques (devenir irréversible), biologie (vie), sciences de l'homme (conscience)!
Soit la biologie : on ne préjuge pas de la possibilité de réduire toute la vie à
des processus physico-chimiques; mais comme il n'est pas possible de l'observer
autrement que dans desv manifestations physico-chimiques, c'est par l'étude de
ces dernières que peut se "circonscrire et se préciser notre connaissance de la vie.
Des explications apparentes non fondées sur cette étude ne pourraient être qu'un
agencement d'entités verbales, comme d'expliquer que l'opium fait dormir parce
qu'il a une vertu dormitive.

Ce sont ces caractères de la science en général que nous devons avoir présents
à l'esprit si nous voulons maintenant prendre conscience des conditions d'essor
d'une science historique.

On m'arrêtera peut-être tout de suite. Chaque science, me dira-t-on, comporte
d'une part investigation des faits, d'autre part hypothèses explicatives orientant
les recherches et justifiées dans la mesure des succès qu'elles autorisent : comment
l'histoire peut-elle procéder à l'investigation scientifique, puisqu'à la différence
des sciences physiques elle ne dispose ni de l'expérimentation ni même de
l'observation ?
Assurément, seule des sciences de l'homme la psychologie, peut provoquer
quelques expériences, et si l'observation directe est possible pour la sociologie des
faits contemporains, elle ne l'est pas pour l'étude du passé. Mais l'essentiel n'est
pas d'user d'expérience ou d'observation, mais de savoir s'il est possible d'établir
objectivement des faits. Nous remarquerons qu'il n'y a pas à ce sujet de différence
radicale entre l'histoire et les autres sciences : la plupart des lois astronomiques
ont-été établies sans recours à l'expérimentation, et il y a bien des résultats de la
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physique moderne auxquels on est parvenu sans pouvoir examiner le phénomène


exemple.
ou l'objet directement, mais seulement par ses effets : l'électron, par
Inversement, sans parler des possibilités que peut donner l'action humaine présente,
l'étude comparée des sociétés fournit à la science de Phomme-uh équivalent fréquent
de l'expérimentation. Surtout, le passé laisse des traces, qui ont une existence
objective : écrits, et aussi objets. Il n'est aucun de ceux qui savent par la pratique
de quelles précautions s'entoure le véritable historien, au travers de ces disciplines
annexes qui se nomment épigraphie, paléographie,. archéologie, ' numismatique,
diplomatique, critique des témoignages, pour douter qu'on ne puisse par elles
aboutir à de croissantes approximations de la vérité : et quelle science fait plus ?
La science physique tient constamment compte des marges d'erreurs possibles, et
la considération plus précise qu'elle en prend est un de ses éléments de progrès.
En réalité, la critique adressée à l'histoire ^provient toujours d'une erreur fonda-
mentale d'interprétation. On se représente des faits hors de toute relation, c'est-à-
dire qu'on affiche du scepticisme à l'égard de deux témoignages contradictoires,
alors que chacun d'eux présente l'aspect de vérité visible en de certaines conditions.
Surtout, on s'hypnotise sur les détails, parce qu'ils sont à notre échelle d'individus.
Mais ils n'importent pas plus à l'histoire que ^a détermination, également impos-
sible, du mouvement de chaque molécule d'un gaz. Et lorsqu'il se produit un fait
important, il a tant de répercussions qu'il ne peut ni passer inaperçu ni être
longtemps interprété faussement sans se heurter à des contradictions, comme il
advient des théories physiques qui se succèdent par approximation croissante
de la réalité. Pas plus qu'il n'est indispensable à la physique, pour étayer ses
hypothèses, d'avoir inventorié la totalité des faits qui se passent dans le inonde,
pas plus il n'est besoin à l'historien, pour interpréter l'essentiel d'une évolution
sociale, de savoir la totalité de ce qui est advenu à tous les individus qui la
composent. L'investigation des faits bruts, si indispensable soit-elle, n'est pas
plus toute l'histoire que le travail de laboratoire toute la physique ou toute la
biologie; ils sont indissociables des hypothèses directrices, ils engagent déjà toute
la conception de la science.
Comment concevons-nous l'histoire ?
Le domaine de l'histoire est l'homme, dans l'évolution de son existence sociale.
D'autres disciplines s'occupent de l'homme, biologique, individuel, social :.
biologie, anthropologie, ethnologie, ethnographie, psychologie, linguistique, socio-
logie, etc. La spécialisation des disciplines est une exigence indispensable de la
recherche approfondie. Mais il y a une unité organique du domaine humain qui
exige non moins impérieusement un permanent contact entre elles, l'organisation
de la convergence des recherches, la ' constitution d'une science de l'homme synthé-
tique. La recherche historique présente au sein de cette science de l'homme des
caractères particuliers, mais c'est de la science de l'homme dans son ensemble
qu'il faut d'abord établir les conditions d'existence.
Pas plus qu'entre les sciences précédentes, il ne peut y avoir discontinuité
entre la science de l'homme et les sciences physico-biologiques; et de même que
celles-ci ont posé comme indispensable condition de travail l'hypothèse de lois
dont la pratique a ensuite garanti la valeur, de même il ne peut être question
d'une science de l'homme sans l'hypothèse préalable de lois existant dans le
domaine humain. On ne le. conteste guère dans certains secteurs circonscrits,
telle l'économie politique. Il y a beaucoup plus de flottement sur leur extension
à tous les secteurs, et à l'interconnexion de ces-. secteurs. Nous n'avons pas à
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énoncer d'affirmation a priori: la pratique jugera. Mais il ne peut être question


de bâtir une science de l'homme en dehors de cette hypothèse.
Notre domaine est donc l'homme, l'homme total. Là aussi pas de discontinuité.
Non qu'il puisse être question de nier la complexité et l'irréductibilité des éléments
qui entrent dans cette réalité complexe qu'est l'homme. Au contraire. Mais il faut
prendre conscience que chacun d'eux n'est qu'un aspect d'une réalité totale,
et qu'il est vain de vouloir comprendre entièrement l'un en dehors de ses relations
plus ou moins directes et visibles avec chacun des autres et avec l'ensemble.
Il n'y a pas de secteur autonome, non communicant. Et l'important est justement
de trouver les modalités des correspondances.

En quoi consiste le donné humain par rapport au donné des autres sciences ?
Ce donné se présente à nous sous une double forme : un corps humain, soumis
aux lois physiques et biologiques; une conscience, fait nouveau, en tant non plus
qu'agent mais objet de connaissance. Donné double : non pas un corps sans au
moins des rudiments de conscience, ni une conscience en soi indépendante de la
prise de conscience d'un corps et d'une nature préexistants, non plus que de
l'action sur ce donné matériel, de la volonté; mais un corps et une conscience-
volonté donnés comme aspects indissociables d'une commune réalité.
L'action donnée est-elle libre ? Problème de partout et de toujours, et pourtant,
pour une méthode scientifique, faux problème. Ce qui est donné, c'est une décision
qui n'a de sens que par la conscience des besoins de la nature humaine donnée
et de lois naturelles telles qu'en produisant un phénomène on en produira réguliè-
• rement
aussi les conséquences. Il ne peut y avoir liberté effective sans ce double
conditionnement. Poser dans l'absolu le problème de la liberté ne serait pas plus
fécond que de se demander s'il peut exister une rivière en soi, abstraction faite
de l'eau qui la compose. La seule preuve de la liberté est l'action, l'invention
créatrice "de réalité, l'appareil de T.S.F.
On voit combien est fausse aussi dans une pareille perspective l'attitude qui.
consiste à penser que les faits matériels, sont causés par les faits spirituels ou
réciproquement. Il y a perpétuelle interaction ou, pour mieux dire, ni les uns ni
les autres, dans le domaine humain, ne nous sont donnés purs.
"
Mais, cela dit, il y a entre les faits matériels et les faits spirituels des diffé-
rences dont il importe de prendre conscience si l'on veut les traiter scientifique-
ment. D'abord, une différence dans la chronologie de la vie. L'animal, le nouveau-
né ont peut-être des rudiments de conscience, en tout cas leur activité est toute
tournée vers l'adaptation matérielle à la nature matérielle, les formes les plus
détachées de la pensée ne se ' développent que plus tard (et souvent dans la mesure
où l'homme a pu se libérer de l'urgente pression des exigences matérielles). Il y
a donc un primat chronologique du matériel (ou du moins des formes les plus
simplement matérielles d'action) par rapport au spirituel.- D'autre part, toute
notre expérience, notre action, à défaut d'une démonstration métaphysique
dépourvue de sens, nous donnent la certitude d'une nature matérielle donnée indé-
pendamment de la conscience humaine et antérieurement à elle; par contre, il
n'existe pas de conscience sans support matériel, ni sans contenu plus ou moins
directement conditionné par la nature matérielle. Il y a donc une autonomie
du matériel dont le spirituel n'offre pas l'équivalent. Ajoutons que, méthodolo-
giquement, introduire des facteurs spirituels est certes légitime en cours de route,
mais y aboutir au terme de l'analyse n'est pas satisfaisant; en effet, jamais l'on
ne pourra établir qu'un certam état d'esprit provienne par voie de conséquence
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nécessaire d'autres causes spirituelles seules autrement que par pétition verbale;
au contraire, lorsqu'on arrive à la matière, on bute sur d'inéluctables nécessités,
on a ainsi là une base fixe d'où partir. Quels que soient donc les divers éléments
qui interfèrent en cours de route, il faut, en dernière analyse, si l'on veut faire
un travail scientifique, rattachant le conditionné au conditionnant, arriver au
donné matériel. Sur ce donné matériel un accord objectif est possible, parce que
lui-même, ou des manifestations de même nature, sont directement observables;
il n'en est pas de même des facteurs spirituels, qui ne sont connus que de façon
vague, au travers de manifestations indirectes. Lorsque donc, ayant pesé l'intime
et mutuelle connexion des facteurs de tous ordres au sein- de la totalité humaine,
nous passons à l'étude analytique des relations qu'ont entre eux les divers éléments
qui la constituent, si nous rencontrons aux étapes intermédiaires l'interaction du
spirituel et du matériel, c'est au matériel qu'en dernière analyse nous arrivons,
sans que ce résultat ait rien de commun avec une affirmation métaphysique à
rebours et paradoxale de l'inexistence d'un spirituel en soi ou d'une causation
du spirituel par le matériel. Nous agissons ainsi parallèlement à la démarche de
toutes les sciences, où l'on cherche à rattacher le complexe au -«impie, ou, plus
exactement, le donné nouveau du domaine de la science nouvelle au donné acquis
du domaine de la science précédente.
Ni le spirituel ni le matériel ne sont donnés stables dans l'éternité. Dans toute
science à partir de la mécanique est posé l'élément temps. A partir des sciences
physiques concrètes s'introduit la notion du devenir irréversible (par exemple,
la dégradation de l'énergie); il n'est encore cependant pleinement saisissable
qu'à l'échelle soit de l'univers soit de l'atome (radioactivité). A l'échelle humaine,
nous constatons des usures physiques, des réactions chimiques, mais isolées, et ne
différant pas d'autres usures, d'autres réactions passées ou futures. L'évolution
pénètre au contraire intimement à toutes les échelles tous les aspects du donné
biologique et, a fortiori, humain. L'être vivant, l'être humain sont en perpétuel
et total devenir. Mais avec l'être humain (du moins est-il difficile de prouver
jusqu'à quel point il peut en être de même chez les autres êtres vivants) s'introduit
un élément nouveau : c'est qu'au lieu d'évoluer par le seul effet de lois extérieures,
l'homme, sans cesser d'être inéluctablement conditionné par ces lois, devient, par
son action créatrice consciente, le moteur même de cette évolution.
Cette évolution, selon quelles normes se produit-elle ? Lorsque, par l'évolution
de la température ou de leur place relative dans l'espace, par exemple, se trouvent
en présence deux corps se soumettant l'un l'autre à des actions non équilibrées,
il y a réaction chimique, et production d'un nouveau corps, qui n'est pas la somme
des deux autres, mais quelque chose de qualitativement nouveau. L'être vivant,
l'être humain se trouvent devant les nécessités données de la nature: l'accord
peut, dans certains cas, être réalisé. Mais, le plus souvent, il y a obstacle,
difficulté, contradiction. Des difficultés, des oppositions existent aussi au sein de la
société humaine. L'évolution se produit par la transformation lente de ces
facteurs, mais surtout, plus brusquement, par l'invention d'une technique nouvelle,
la constitution d'un ordre social nouveau, qui font disparaître l'ancienne contra-
diction en la surmontant, quitte à en faire apparaître de nouvelles. Naturellement,
le réseau de ces contradictions est quasi infini, et par conséquent rien ne serait
moins fidèle traduction de la complexe réalité humaine, rien ne serait plus artifi-
ciellement verbal que de la représenter par un schéma de quelques contradictions
(thèses et. antithèses) et de quelques synthèses élémentaires et simplistes. Il n'y a
pas cependant non plus à tomber dans l'excès inverse de renoncer à trouver des
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facteurs plus importants, plus constants, au sein de l'universelle interconnexion.
Il y a tout lieu au contraire de rechercher les lignes directrices, hypothèses de
travail d'abord, représentation approchée de la réalité ensuite si leur application
a été féconde. Naturellement, les contradictions à envisager ne sont pas non plus à
enfermer dans le concept étroit du contraire logique, de l'être ou du non-être,
du oui et du non; et la synthèse n'est pas je ne sais quelle « poire coupée en
deux ». pour concilier des inconciliables, mais le dépassement d'une opposition
dans le temps. C'est ce qu'en termes philosophiques nous exprimerons en disant
que l'évolution est dialectique. Et c'est donc diaîectiquement que, revenant à
l'examen des différents éléments de la réalité humaine, nous devons en chercher
les relations.

Voilà donc l'homme face à la nature : la nature matérielle extérieure comme


sa nature corporelle propre. De sa première réaction devant elle aux formes les
plus sublimées de la_pensée, il y a toute une gradation. Quels en sont les échelons ?
L'homme, devant la nature, y adapte son activité matérielle, en même temps que
sa conscience en forme une certaine représentation. Autrement dit, une technique
et une pensée. Mais la distinction ne signifie pas qu'il y ait non-correspondance.
D'un côté, la technique est une action d'invention, qui engage déjà tout l'homme,
conscience et volonté créatrices comprises. De l'autre, la pensée est étroitement
attachée à la vie matérielle, dont elle ne constitue en somme primitivement qu'un
autre aspect technique, les conditions matérielles et surnaturelles de l'action, à
l'a'ube de la civilisation, n'étant pas distinguées. Prétendre rendre compte de cette
forme de pensée par des caractères internes de l'esprit serait une tautologie vaine,
puisque ces caractères ne seraient connus que par les formes de pensée qui en
résultent. Au contraire, la technique matérielle est sinon totalement expliquée,
car il reste le donné irréductible de la création, du moins conditionnée par de
solides réalités matérielles. C'est donc d'elle qu'il faut partir, et le travail consistera
ensuite à trouver les modalités de correspondance entre- cette technique et les
formes 'de pensée, qui l'accompagnent. Et, dans cette première interconnexion,
toute évolution de la technique entraîne évolution de la relation technique-pensée
et, par conséquent, de la pensée elle-même. Mais, ce qu'il importe de voir, c'est que,
sans exclure a priori, la possibilité d'inventions dues à la seule initiative de la
volonté, il est impossible d'en rien prouver, tandis qu'on voit parfaitement que
des conditions purement matérielles aient obligé la pensée-à trouver du neuf,
sous peine pour l'homme de mourir : par exemple, l'épuisement d'un territoire,
la migration, puis, lorsqu'elle n'est plus possible, la culture et l'élevage.
Mais, naturellement, aucun problème ne se pose en termes de pure technique
sans que nous soyons obligés de passer aux échelons suivants. L'homme n'est
pas qu'un individu, il vit aussi dans une société. Là encore, il serait vain de
prétendre dissocier les deux aspects. On ne connaît pas plus d'individu seul
que de société non formée d'individus. Mais il faut aller plus loin : il serait
également abstrait de prétendre comprendre des faits humains, quels qu'ils
soient, sauf ce qui est biologie pure, en faisant abstraction tant du donné indi-
viduel que du donné social. La conscience est individuelle, telles ou telles particu-
larités sont individuelles, conditionnées (sans qu'on puisse a priori affirmer si
c'est totalement ou partiellement) par les caractères biologiques individuels; mais
il n'est pas un des modes d'exercice de cette conscience et de l'action qu'elle
commande, pas un des éléments de son contenu qui ne soient aussi conditionnés
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par la société où vit l'individu : à commencer par le langage, et quelle pensée


n'est pas langage ? Seulement, méthodologiquement, nous ne pouvons mettre sur
le même plan l'aspect individuel et l'aspect social. En effet, si nous ne pouvons
jamais faire abstraction de l'existence d'individus, du moins pouvons-nous
fréquemment, dans l'étude du social, faire abstraction des particularités de ces
individus, tandis qu'il n'est à aucun moment possible, biologie mise à part,
d'étudier un individu en faisant abstraction de son appartenance sociale. Ce qu'il
importe de considérer dans les individus pour comprendre une société est
d'abord ce par quoi ils se ressemblent; les divergences i individuelles n'ont en
général pas plus d'influence sur le mouvement statistique de l'ensemble, car elles
s'annulent les unes les autres ou sont proportionnellement trop faibles, que n'en
ont les diversités individuelles des mouvements des molécules dans l'équilibre
cinétique d'un gaz. Certes, il y a le cas du « grand homme », dont il n'y a pas à
nier l'action sur la société dont il est membre. Mais, précisément, nous ne l'étudions
pas comme un météore autonome. Ce qui nous montre sa grandeur, c'est sa
résonance sociale (directe ou non, proche ou lointaine, il n'importe), c'est-à-dire
qu'il exprime, qu'il accouche quelque chose dont cette société aurait peut-être
eu de la peine à bien accoucher sans lui, mais qui tout de même ne lui est pas
étranger. Nous n'avons pas d'autre baromètre de la grandeur, et parler du
« grand homme » en soi est une abstraction stérile. Si bien que même en ce cas,
c'est par le social que nous sommes amenés à l'individu, et non par la démarche
inverse. Quant à l'individu « aberrant », il n'existe lui aussi qu'en fonction d'une
certaine évolution sociale où la différenciation est poussée, non dans la société
moins évoluée : autrement dit, l'individu le plus individualisé est un produit social.

L'individu n'est pas directement membre de la société dans sa totalité, mais


par l'intermédiaire de groupes. Ces groupes ne sont pas formés au hasard. Il en
est qui dépendent de conditions matérielles externes (les groupes géographiques);
d'autres, de conditions biologiques (la race, l'âge, le sexe) ; d'autres enfin, des
conditions de la vie sociale proprement dite. Tout homme se rattache à plusieurs
sortes de groupes, mais qui n'ont pas toutes la même portée. Les conditions
géographiques étant stables ou d'évolution très lente n'expliquent aucune évolu-
tion, ou seulement des évolutions très générales et de longue durée. Les conditions
d'âge et de sexe étant universelles n'expliquent non plus ni aucune évolution
ni les différences de groupes sociaux unissant les sexes et les âges. La race est
une réalité, mais, si l'on excepte certaines séparations de couleurs, si complexe
que, dans l'état actuel des choses, ce n'est jamais qu'au travers de différenciations
sociales que l'on peut, par une affirmation alors purement gratuite, établir les
prétendues différences d'influences raciales; de toute manière, hormis les circons-
tances sociales spéciales que constituent la conquête et la colonisation, il n'y a
guère d'exemple de société où l'on puisse établir une quelconque correspondance
entre les groupes sociaux et des groupes raciaux; si des différences raciales peuvent
différencier des sociétés prises en bloc, elles ne rendent pas compte de leurs
différenciations internes; enfin les sociétés évoluent sans qu'il y ait modification
des composantes raciales, et peut-être parfois avec modification des caractères
biologiques, mais dont nous ne pouvons' autrement que par une pétition verbale
affirmer l'influence sur les transformations sociales que nous constatons, à moins
qu'ils n'en résultent même (ex. le vieillissement").
Passons enfin aux groupes dérivés des conditions mêmes de la vie sociale.
La famille est une cellule réelle, mais qui ne crée entre les hommes aueune
POUR LA SCIENCE DE L'HISTOIRE 45
différenciation, sinon lorsqu'elle est elle-même différenciée par l'effet de conditions
qui, ne dépendent pas d'elle. Tout homme se rattache plus ou moins à des groupes
idéologiques, religions, partis politiques, etc.; si réels que soient ces groupements,
nous ne pouvons les considérer comme premiers, toujours pour la même raison
que nous ne pourrions jamais expliquer leur formation, dans cette hypothèse,
que par l'affirmation purement gratuite d'une existence sans lien nécessaire avec
rien. Nous devons donc considérer les modes de groupement correspondant à des
différences dans la vie matérielle. Tout homme se rattache à des tas de petits
groupes, régiment, école, etc., transitoires et de peu de répercussions sur l'ensemble
de sa vie. Plus durablement, à des groupes professionnels, mais il y a beaucoup
de professions, et il peut y avoir peu de différences entre certaines d'entre elles,
d'importantes différences à l'intérieur de certaines d'entre elles. Nous ne touchons
pas là encore à une articulation vraiment simple et fondamentale de la société.
Reprenons le problème. Nous avons dît que le fait premier à considérer est le
fait technique. Sur le plan social, ce technique conditionne l'organisation écono-
mique du travail (nomadisme ou sédentarisme, travail rural ou urbain, individuel
ou collectif, possibilité ou non d'appropriation par tous des moyens de production
et d'échange). L'inverse, action réciproque, étant aussi vrai, la technique, par
exemple, étant stimulée là où l'organisation du commerce permet l'écoulement
d'une production excédentaire. Certes, dans l'organisation économique comme
partout, l'invention humaine joue, mais elle joue sur un donné de conditions cette
fois objectivement constatables et nécessaires. Précisons cependant un point :
dans l'organisation économique, il y a deux aspects : celui du travail producteur,
et celui de la consommation, qui dépend de la répartition entre les hommes des
produits du travail. Ce qui est en rapport direct avec la technique est l'organisation
de la production (et du transport). Il n'en est pas de même pour la répartition,
entendons : pour le fait que, dans cette répartition, les parts de tous ne sont
pas égales. Cette répartition est en rapport direct, par contre, avec la place des
hommes dans l'organisme économique de la production, car plus ils y ont de
puissance, plus ils ont de moyens de recevoir une forte part dans la répartition,
avec la vérité réciproque également que l'importance de leur lot dans la répar-
tition leur donne en général le moyen d'acquérir la puissance dans la production.
Arrivant au plan social, on voit que c'est dans la position par rapport au
processus de la production que nous devons chercher l'articulation fondamentale
des différenciations sociales. L'ensemble des hommes occupant une position
analogue par rapport à ce processus, propriétaires ne travaillant pas, travailleurs
sans part à la propriété, propriétaires-travailleurs, hommes professionnellement
extérieurs au circuit de la production, constitue, plus ou moins nettement, une
classe, par opposition ou différence avec les autres. La conscience commune a
.toujours eu un sentiment vague de cette distinction, mais plutôt, en raison des
incidences plus immédiates sur la vie journalière, en se plaçant au point de vue
de la répartition, en opposant pauvres et riches. Notions vagues et insuffisantes.
D'une part, parce qu'on ne peut rendre directement compte de cette différence,
d'autre part, parce qu'elles sont beaucoup trop simplistes* La société n'est pas
formée de deux classes antagonistes de pauvres et de riches, même en y ajoutant
une catégorie intermédiaire de revenus moyens. Il y a aujourd'hui équivalence
quantitative entre les revenus de beaucoup d'ouvriers, paysans, fonctionnaires,
petits commerçants, et. il ne viendra cependant à l'esprit de personne, et certaine-
ment pas d'eux-mêmes, qu'ils appartiennent à la.même classe. On rend par contre
parfaitement compte de leur distinction si l'on analyse la structure économique
46 CLAUDE CAHEN

-de notre société sous l'angle de la production : secteur capitalisé où s'opposent


les capitalistes propriétaires des moyens de production et' le prolétariat ouvrier
qui travaille à cette production sans avoir part à cette propriété; entre les deux,
les cadres, qui ne sont pas propriétaires, mais qui participent aux fonctions de
direction déléguées par les propriétaires et auxquels leurs revenus permettent
d'acquérir une petite participation au profit capitaliste; ensuite, secteur peu
capitalisé (artisanat, petite et moyenne agriculture, prolongement de la forme
précapitaliste de l'économie) où propriétaire et travailleur coïncident dans la
. de personnes, développées dans une société
même personne; enfin les catégories
évoluée et complexe, qui n'ont pas un rôle direct dans la production, mais
seulement dans l'organisation que se donne cette société ou dans la culture spiri-
tuelle qu'elle développe (fonctionnaires, fonctions libérales, clergé, artistes, etc.)-.
Cette complexité a comme conséquence qu'il ne peut pas y avoir partout ni toujours
égale netteté dans la constitution des classes ni dans la conscience que prennent
leurs membres de leur appartenir. Mais, n'y eût-il pas un homme qui appartînt en
totale exclusivité à une classe, les classes n'en subsistent pas moins, relativement
l'une à l'autre ou aux autres, comme pôles d'attraction. Dans la France actuelle,
de structure à dominante capitaliste, le jeu des classes tend à s'orienter par
rapport aux deux classes antagonistes du secteur, capitalisé, les autres catégories
sociales étant groupées sous le vocable vague de classés moyennes (au pluriel),
et rapprochant leur attitude, selon les cas, de l'une ou de l'autre des deux classes
du secteur capitalisé.
Naturellement, si les différences de positions par rapport à la production
sont une réalité objective, si donc on peut, au sens le plus large, admettre aussi
comme une réalité objective l'existence dès classes, celle-ci doit ensuite servir
d'hypothèse directrice de travail, le contenu et les répercussions de la structure
de classe ne pouvant pas être déterminés a priori ni à l'exclusion d'interférences
secondaires avec les autres formes de différenciation sociale. Il y a cependant
entre elles des différences profondes. Les différences géographiques, raciales,
portent sur des groupes juxtaposés, dont l'un pourrait disparaître sans qu'il en .
résultât de cause de disparition ou de transformation pour les autres. Les sexes,
eux, ne pourraient se maintenir l'un sans l'autre, non plus que vieillesse sans'
jeunesse (non l'inverse), mais, il s'agit là d'une dépendance biologique, indivi-
duelle, qui ne devient sociale que par addition. Les professions nous rapprochent
d'une véritable interdépendance, mais limitée au plan économico-technique, et
plus ou moins vraie : l'industrie dans son ensemble ne pourrait disparaître sans
profonde répercussion sur l'agriculture, mais il n'en est pas» de même pour beaucoup
des branches de cette industrie en particulier. Les classes sociales au contraire
n'ont d'existence et de sens que l'une par rapport à l'autre ou aux autres : il
ne peut pas plus y avoir de prolétariat sans capitalistes, de serfs sans seigneurs,
que de capitalistes sans prolétariat, de seigneurs sans serfs. Il s'agit donc bien
d'une différenciation structurale interne, indissociable du fait économico-social
lui-même.,
Cette. structure de classe ne nous est pas plus donnée statiquement que la
technique, puisque, par l'intermédiaire de l'économie, elle en dépend. La compo-
sition, la force respective des classes sont en perpétuelle transformation. Des contra-
dictions internes existent sur le plan économique et sur le plan social : par
exemple, économiquement, en régime capitaliste, la nécessité capitaliste de limiter
les salaires, donc le pouvoir d'achat, en même temps que d'accroître les ventes;
socialement, les oppositions, partielles au moins, d'intérêts entre les classes: Mais
POUR LA SCIENCE DE L'HISTOIRE 47

ces contradictions évoluent. Elles peuvent être à certains moments presque unique-
ment latentes, ou bien réserver des issues qui permettent, par exemple, aux
classes de ne pas se heurter directement (émigration d'un prolétariat malheureux),
ou n'en pas laisser d'autre que la lutte directe. Lorsque l'évolution est arrivée
à un point tel que la classe dominante n'a plus la force économique de maintenir
sa domination à moins de s'accrocher à des procédés qu'il est vital pourries autres
(et qu'ils ont acquis la force) de supprimer, ce jour-là on a une révolution,
c'est-à-dire essentiellement le transfert de la propriété des moyens de production
d'une classe à une autre.
La structure sociale réagit à son tour sur l'économie : par exemple l'agriculture
russe d'avant la révolution était orientée vers la vente à l'étranger pour le profit
de la classe des propriétaires agricoles, elle est aujourd'hui tournée vers la produc-
tion des denrées nécessaires à la consommation intérieure, ce qui entraîne aussi
transformation dans la nature et la proportion des cultures.

La structure sociale est le relais capital dans la série des conditionnements


nécessaires. Il nous faut continuer vers la complexité croissante. D'abord, les
institutions politiques d'un Etat résultent nécessairement des possibilités techniques
et du rapport de forces des classes en présence, la classe dominante organisant
sa domination de façon plus ou moins exclusive. Mais surtout, l'homme pense.
Or sa pensée n'est pas séparée des conditions matérielles de sa vie : lien direct
sur certains points avec la technique, mais, bien plus, puisque nous devons fonda-
mentalement considérer l'homme social, lien avec la structure sociale. Une nouvelle
tâche, et non des moins difficiles, nous est donc proposée : prenant comme
hypothèse directrice de travail l'existence de relations entre la pensée et la
structure sociale, en préciser les modalités et le contenu. Car on n'a rien fait
lorsque l'on affirme que telle pensée « reflète » telle structure ou telle position
sociale. Il ne s'agit pas d'un reflet comme dans une glace, ni d'une description.
La correspondance est autrement complexe. Car il s'agit de la trouver non seule-
ment dans le contenu matériel que fournit à la pensée le donné de la nature ou
de la société, cela est le côté secondaire, mais dans la façon de sentir, d'inter-
préter, de tirer ou ne pas tirer parti de ce donné, dans l'attitude religieuse
par exemple comme dans l'attitude positiviste. Il peut se faire que la correspon-
dance entre une certaine attitude mentale et une certaine structure sociale consiste
dans une non-correspondance ou dans une transposition systématique entre le
donné et *-le pensé : autrement dit, dans une « aliénation » parallèle à celle qui,
sur le plan économico-social, « aliène » à tant d'hommes une partie du fruit de
leur travail. -On peut se demander si l'attitude sentimentale et intellectuelle est
la même pour l'homme qui est dans une situation sociale progressive ou sans issue.
Une difficulté de ces enquêtes consiste en ce qu'elles ne doivent s'appuyer que
par. nécessité documentaire, mais non primitivement et pour elles-mêmes, sur les
oeuvres d'art qui, étant marquées au sceau d'une personnalité, ne traduisent pas
exactement la mentalité sociale moyenne d'où se dégagent ensuite ces oeuvres.
C'est seulement à partir de la connaissance de cette mentalité moyenne que l'on
peut distinguer ce qui, dans une oeuvre d'art, est courant, ou expression plus neuve
d'un substrat social obscurément ressenti par beaucoup, ou tout à fait individuel.
D'autre part, nous ne devons- jamais considérer des faits spirituels comme statiques,
mais comme évoluant, et évoluant non pas d'une manière autonome, mais, sans
nier leur dépendance propre à l'égard de manifestations spirituelles antérieures, en
relation avec le substrat social évoluant en vertu des nécessités précédemment
48 CLAUDE CAHEN

évoquées. Laquelle relation suppose aussi naturellement d'étudier quelle action peut
exercer sur la vie sociale, voire directement sur l'organisation économique et tech-
nique, l'activité et l'évolution spirituelles.

Telles sont, schématisées d'une manière extrêmement simplifiée, les hypothèses


directrices qui doivent, noua semble-t-il, guider l'effort de compréhension historique
et humaine. Elles ne sont pas posées a priori, elles résultent des données très
simples fournies par la science historique, telle qu'en fait elle se constitue progressi-
vement, à travers les tâtonnements et sans distinction d'école métaphysique ou
religieuse : de la même façon que Dëscartes dégageait des mathématiques effectives
les règles d'une pensée rationnelle, ou Claude Bernard des sciences de la nature en
plein essor les conditions de la méthode expérimentale.
La méthode historique que nous venons d'exposer, sous un angle particulier, a
reçu historiquement le nom de «matérialisme dialectique», pour l'ensemble de la
connaissance, ou, appliquée à l'histoire, de «matérialisme historique». C'est à
dessein que nous n'avons pas employé le mot plus tôt. Car la relation qui existe
historiquement entre le matérialisme dialectique et historique et le socialisme,
aujourd'hui le communisme amène beaucoup de gens à penser que le matérialisme
dialectique et historique est une doctrine que l'on prône a priori parce que
l'on a adopté une certaine attitude politique. Rien n'est moins exact. Le matéria-
lisme historique est la théorie de la science historique et rien d'autre. Que la
compréhension des données de l'histoire puisse entraîner dans la pratique certaines
prises de position, cela va de soi, de la même manière que l'on ne construit pas
des appareils de T.S.F. indépendamment de ce qui a été constaté scientifiquement
des caractéristiques des ondes hertziennes. De même que les sciences physiques
prouvent la valeur de leur méthode non seulement par la cohérence de leurs
explications, mais surtout par des réalisations pratiques indiscutables, de même les
sciences de l'homme entraînent la nécessité d'agir en fonction des résultats de ces
sciences, et le succès ou l'insuccès de cette action démontrera seul pleinement la
valeur ou l'insuffisance des méthodes adoptées. Si le matérialisme historique est
lié au communisme, c'est, d'une part, en raison des conséquences pratiques qu'en
tirent ceux qui le connaissent; mais c'est surtout parce que, en raison même de ces
conséquences, l'enseignement officiel a fait le silence sur lui et que, par conséquent,
entendent seuls parler de lui, hormis quelques curieux, ceux qui, par ^solidarité
de classe ou pour toute autre raison, ont pris position dans les rangs du commu-
nisme. Nous sommes désolés pour ceux qui y répugnent, mais il ne dépend pas
des savants que les conditions d'une connaissance et d'une action effectives soient
autres que ce qu'elles sont. Au surplus, le silence de l'enseignement officiel est le
meilleur hommage rendu à l'efficacité de la méthode, dégagée il y a un siècle
par Marx et Engels, et conservée, clarifiée, mise à jour, contre les déformations
d'interprétations tendancieuses, par Lénine et ses héritiers. Il serait temps que
nous puissions mettre un nom français à côté de ces grands noms étrangers.
Il faut travailler. Il ne suffit pas de connaître des principes généraux de
méthode et d'en tirer des affirmations dont la simplicité en présence de la com-
plexité du réel, ou la gratuité si l'on n'en fournit pas un effort de démonstration
approfondie, discréditerait la méthode même. Aussi stérile est l'érudition sans
effort de compréhension historique générale, aussi vaine est la proposition ou la
discussion d'idées générales non étayées sur des faits établis avec toute la rigueur
POUR LA SCIENCE DE L'HISTOIRE 49

d'une science naturelle. Et l'héritage doit être à ce titre intégralement maintenu des
« sciences auxiliaires » et dés procédés de critique mis au point par les générations
d'historiens du xrxe et du XXe siècle.
Tout à fait simpliste et faux serait, d'autre part, comme on l'entend parfois
dire à des gens mal avertis, par réaction contre l'ancienne histoire « des guerres
et des rois », de supprimer l'histoire politique, de ne faire que de l'histoire écono-
mique. - La * priorité méthodologique attribuée à l'économie ne signifie pas un
« économisme » exclusif, qui serait presque aussi ridicule qu'un « politisme »
exclusif, puisque ce qui doit au contraire caractériser la méthode historique scienti-
fique est le « totalitarisme » Il n'est même pas nécessaire forcément toujours que
.
la recherche procède exclusivement dans l'ordre de la reconstitution synthétique
ultérieure. C'est un fait que nous avons souvent à notre disposition une documen-
tation d'ordre politique plus développée, plus facilement rassemblée, que la docu-
mentation directement économique, à rechercher par fragments épars, et souvent
très rare aux époques anciennes. C'est un fait, d'autre part, que, pour suivre les
évolutions, nous avons besoin de ne pas brouiller la chronologie, et que, cette
chronologique, c'est le « politique » qui nous en fournit souvent au début le cadre
le plus pratique. Que l'on s'applique donc, lorsqu'on aborde un domaine encore
insuffisamment défriché, à faire un bilan précis du donné politique, n'a rien que de
normal dans l'ordre de l'investigation : mais à condition que l'on ne le prenne
pas pour une fin en soi, mais pour une manifestation au travers de laquelle nous
devons essayer progressivement de retrouver autre chose, de remonter à ce qui,
dans notre synthèse ultérieure, occupera la première place dans l'explication.
Ce serait une exagération du même ordre de vouloir supprimer toute histoire
d'individus, car c'est bien souvent au travers seulement de la connaissance précise
que nous pouvons reconstituer les caractères de l'histoire plus générale;
. d'individus

mais là encore il faut vouloir aller plus loin.


Enfin, il est bien évident que la présentation des résultats d'une enquête histo-
rique, que le travail même de l'investigation exigent des découpages; même en
équipe dirigée (forme de travail à développer comme au laboratoire), nul ne
peut tout embrasser, et, dans son exposé,, nul ne peut parler de tout à la fois. Il
n'importe, à condition qu'assez souvent quand même, pour les grands faits, aux
grandes articulations, soit marquée, brièvement s'il le faut, mais clairement,
la relation avec d'autres secteurs, ouverte la fenêtre sur l'horizon. Et de même dans
l'enseignement, où la nécessité du découpage! est plus impérieuse encore, sans parler
de celle de s'attacher à ceux des aspects de l'histoire qui peuvent le plus facilement
se graver dans l'esprit de jeunes enfants : mais là encore il faudra saisir toutes
les occasions de rapprochements qui se présenteront, ouvrir la fenêtre, et, puisque
l'on ne peut pas tout montrer à l'horizon, former au moins l'esprit au besoin d'ouvrir
la fenêtre et de faire des tours d'horizon.
Rapprochements ne; signifie pas qu'il faille, à propos d'un fait historique passé,
simplistement suggérer que c'est aujourd'hui la même chose. Ça l'est et ça ne l'est
pas. Il faut former l'esprit à la fois au sens des lignes directrices permanentes et
du relativisme des périodes : qu'il comprenne qu'à chaque situation économique
correspond une certaine situation politique, et que, si nous découvrons, par exemple,
une division en classes aussi bien dans la féodalité que dans le capitalisme moderne,
cela n'a aucun sens de déplorer pour le moyen âge l'ignorance des institutions
démocratiques modernes ou de souhaiter pour le monde moderne le régime de
t
saint Louis, d'Innocent III ou de Frédéric Barberousse. Ce qu'il faut enseigner,
c'est la contfnuité du développement, avec l'analyse de chacune de ses phases.
4
50 CLAUDE CAHEN

La compréhension des modes d'action correspondant aux phases précédentes doit


nous faciliter la découverte des modes d'action adaptés à notre société d'aujour-
d'hui : action qui à son tour établira si notre analyse a été juste. Ainsi se relie
aussi l'histoire à la vie.

La conception de l'histoire que nous avons exposée n'est d'ailleurs pas du '
domaine du pur programme théorique. C'est, en fait, et c'est pourquoi nous
pouvons" la dégager, la direction dans laquelle a progressé l'histoire aux mains
des savants consciencieux de toutes appartenances philosophiques, depuis un siècle,
au point que certaines.idées qui pouvaient paraître neuves au temps de Marx font
aujourd'hui presque l'effet de lieux communs. Mais il y a encore fort à faire pour
constituer pleinement la science historique sur les bases établies par nos devanciers.
Nous ne gagnerions rien à vouloir le faire selon des principes a priori; nous pouvons
gagner énormément au contraire à prendre conscience des conditions auxquelles
ont plus ou moins consciemment obéi en toute science et en histoire ceux qui les ont
fait progresser. D'autre part, nous savons bien que l'histoire présentée au public
et aux enfants est, en partie au moins, celle que demande la classe dominante;
il n'en est que plus de notre devoir de tout faire pour que soit offerte au public
et aux enfants une histoire qui, pour être accessible dans sa présentation, n'en
doit pas moins suivre d'aussi près que possible le progrès même de la science
historique. Et elle les intéressera d'autant plus, au contraire, qu'elle suivra ce
progrès de près. Car elle n'apparaîtra plus comme une discipline d'érudition
extérieure à la vie ou comme un roman-feuilleton, piquant la première fois, mais
lassant et sans résidu humain. Elle portera de tout le souffle des générations précé-
dentes l'action de la génération présente, dont la générosité n'a de sens que si
elle repose sur la volonté de construire d'après les lois que la science révèle et
par conséquent d'approfondir la connaissance de ces lois.
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POUR LE DÉVELOPPEMENT DE « LA PENSÉE » :


Une enquête auprès de nos lecteurs 3
A la mémoire d'Henri MOUGIN 15
Henri MOUGIN :
Courte histoire de l'existentialisme. I. ; 23
PHAM-VAN-DONG :
Les rapports culturels entre la France et le Vietnam 31
Claude CAHEN :
Pour la science de l'histoire .-
36
Albert SOBOUL :
Un exemple de concentration agraire en pays de grande culture 51
Maurice THIÉDOT :
La Pologne nouvelle. 1 67
A. CORNU :
Communisme et patriotisme 79
Jean LANGEVIN:
Progrès, loisir et culture 83
CHRONIQUE SCIENTIFIQUE :
Physiologie — Réflexions sur les problèmes de l'évolution, par André PACAUD 87
CHRONIQUE ARTISTIQUE :
Réflexions d'un vieil artiste, par Francis JOURDAIN 93
CHRONIQUE PÉDAGOGIQUE :
Notes d'un correcteur au bachot, par René MAUBLANC 99
CHRONIQUE POLITIQUE :
Le scrutin du 2 juin, par Georges COGNIOT 103
LA VIE DE L'ESPRIT EN U. R. S. S. :
I. Le cinquantenaire du mathématicien Paul Alexandrov 111
II. Paul Alexandrov, par Arnaud DENJOY 112
III. A. N. Bach, par E. AUBEL et J. NICOLLE :
113
POLÉMIQUES :
I. Marxisme apocalyptique, par Georges COGNIOT 115
II. Sur deux livres d'Arthur Koestler :
Spartacus, par Albert SOBOUL 123
Le zéro et l'infini, par André LENTIN 126
III. Leone Bourdel, le P. R. L. et la superstition du sang, par Luce LANGEVIN. 130
LES REVUES, par Pol GAILLARD 131

LES LIVRES, par le docteur Victor LAFITTE, Léon AGOSTINI, Charles PARAIN, Claude
CAHEN, Sylvain MOLINIER, René CLOZIER, J. KANAPA, Marcel COHEN, Jean LARNAC 140
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES, par P. REY, Cl. CAHEN, J. AUGER-DUVIGNAUD, S. MOLINIER,
P. GAILLARD, A. LENTIN, J. LARNAC, R. MAUBLANC 170

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