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- DESCARTES-SPINOZA

ET LE MOUVEMENT
HISTORIQUE
DE LA RATIONALITE
par Jean-Marc GABAUDE
L ANGAGE, raison, hominisation se constituent dans le travail. Progrès de
la production, progrès de la société marquent l'avancement de la ratio-
nalité. Rationalisme idéaliste et rationalisme matérialiste non marxiste se
sont formés à la fois l'un contre l'autre et solidairement, non sans jouer un

science mécaniste et des mathématiques. Ainsi Descartes promeut-il une ratio-


nalisation entreprenante et optimiste, quoiqu'elle s'autolimite sous la domi-
Kance de son idéalisme plus subjectifqu'objectif. Plutôt matérialiste
idéaliste, la rationalité spinoziste récuse toute borne et elle généralise sys-
tématiquement la compréhensibilité ; en outre, elle se débarrasse déjà de l'i-
déologisation du sujet juridique. Pour rester fidèle à la prise de parti ratio-
naliste de Descartes et de Spinoza, notre prise de parti marxiste doit
critiquement surévaluer le rationalisme, le cryptomatérialisme et le progres-
sisme de ces deux philosophes
Nous partons de cette thèse — comme de Leibniz et de bien d'autres.
que toute philosophie non marxiste — et même
Parfois marxiste, à un degré moindre
— se constitue par un effort de cohé-
1

utile rôle historique. Le rationalisme idéaliste, qui pose une raison anhistori-
que supérieure à l'expérience à moins qu'il ne finisse par se trahir en positi-
VIsme, n'est point dépourvu d'une latence matérialiste, cependant qu'est enta-
mé d'idéalisme le rationalisme matérialiste
historique de la rationalité connaît non marxiste. Le mouvement
un tournant important au XVIIe siècle
avec l'essor tant de la bourgeoisie qui s'immisce dans la féodalité que de la

1. La rédaction de cet article a été suscitée par mon entretien avec Arnaud Spire,
humanisme à l'autre La
», Nouvelle Critique, mars 1977.
« D'un
rence pour surmonter des tensions qui se résument en une lutte idéologique
interne entre orientation idéaliste et orientation matérialiste, entre retarde-
ment et progressisme. D'où la richesse complexe et ambiguë et le sens con-
tradictoire de philosophies dont une lecture homogène et réductrice manque-
rait de justesse. Si les matérialismes métaphysiques n'échappent point à
quelque résurgence idéaliste 2,
la tendance matérialiste n'est point absente
des idéalismes même s'ils la travestissent ou la refoulent. C'est ainsi que le
réalisme, auquel revient Descartes, est une variante modérée d'idéalisme en-
ceinte de matérialisme latent.
Retenus par la contrainte socio-politique et idéologique, Descartes et Lei-
bniz, et même Spinoza, occultent leur novation pré-matérialiste et progressis-
te. Aujourd'hui, après trois siècles, insister sur le côté idéaliste ou ne retenir
que lui reviendrait à trahir la portée originale, innovatrice, historique de tels
philosophes et à maintenir la barrière, la censure anti-matérialistes : ce se-
aller à contre-courant de l'histoire, réactionnairement. Pour assumer fidélité
tant à l'histoire qu'aux métaphysiciens, par exemple du XVIIe siècle, co-
auteurs — de par leur fonction d'expression d'une société et d'une époque —
de notre culture et de notre hominisation, mieux vaut mettre l'accent sur la
présence et l'anticipation matérialistes et même parfois dialectiques, sur ce
que Marx appelait le « contenu positif, profane ».

SUR LE « CONTENU POSITIF, PROFANE » DE DESCARTES

«La métaphysique du XVIIe siècle (qu'on pense à Descartes, Leibniz,


etc.), était encore imprégnée d'un contenu positif, profane. Elle faisait des
découvertes en mathématiques, en physique et dans d'autres sciences exactes
qui paraîssaient en faire partie 3. »
1) Deux trahisons et une reconnaissance.
L'idéologie bourgeoise dominante offre, depuis le XIXe siècle, deux ma-
nières d'interpréter et de trahir Descartes. Le plus courant, c'est d'unilatéra-

:
liser le penseur du cogito et de ne conserver de lui que l'avers idéaliste en
célant le revers matérialiste lecture de l'idéalisme rationaliste et du spiri-

:
tualisme. Au XXe siècle, la crise du capitalisme monopoliste d'Etat a suscité
une trahison de relai, en seconde position le personnage purement idéaliste
est accompagné d'un Descartes soit plus ou moins irrationaliste, soit plus ou
moins traditionaliste, anti-scientifique ; jeu alterné entre un penseur magnifi-
quement drapé et emperruqué et un Descartes minoré, lequel, secondaire, est
produit par la complémentarité positivisme/irrationalisme.

;
Face à ces manquements, s'impose une reconnaissance (aux deux sens du
mot) : deux versants de Descartes d'où obligation de restituer le versant oc-
culté tant par le penseur lui-même que par l'idéologie dominante depuis lors.

2. C'est ce que Marx, dans sa thèse de doctorat, a montré pour Epicure. De même, Engels
»
conclut que Feuerbach « ne dépouillera jamais complètement l'idéaliste (Etudes philosophi-

:
ques, Editions Sociales, 1961, p. 69).
3. Marx et Engels La Sainte Famille, trad. d'E. Cogniot, Editions Sociales, 1969, p. 153.
Engels
nous y invite, écrivant que la dialectique a eu « de brillants représen-
tants (par exemple Descartes et Spinoza) 4. Ainsi est-ce
« un philosophe dia-
» a
»
lectique, Descartes 5 qui introduit la dialectique dans les mathématiques
en traitant des grandeurs variables 6. Comme Marx, Engels estime que la mé-

;
taphysique idéaliste cartésienne est imprégnée par le matérialisme de la

;
scientificité qu'elle fonde à quoi il ajoute l'idée que la science moderne dia-
ectise déjà le matérialisme métaphysique le mécanisme
est sur la voie qui
niène à la dialectique.

2) Physique et métaphysique.
En effet, la science moderne pressent une dialectique dans la nature, ce
qui apparaît dans la physique et, par contrecoup, dans la métaphysique de
Descartes, de Spinoza
et de Leibniz. Signalons comme exemple l'interdépen-
dance des mouvements chez Descartes, qui devient interdétermination des
etres chez Spinoza et chez Leibniz. Engels note
que le concept de causa sui,
appliqué par Spinoza à la Substance, signifie action réciproque 7. Or, déjà
chez Descartes, Dieu
est cause de soi-même tout en étant principe de la natu-
re, l'activité divine s'identifiant pré-spinozistement aux lois des processus na-
turels : « par la nature considérée en général, je n'entends maintenant autre
chose que Dieu même, bien l'ordre et la disposition que Dieu a établie
ou
»
dans les choses créées 8. Certes, l'interconnexion
marque davantage la méta-
physique de Spinoza et de Leibniz puisqu'elle est ontologisée.
y
L'interprétation idéaliste de la dialectique repose sur l'opposition/cou-.
plement partie/tout, qui joue
un rôle, non exclusif chez Spinoza et chez
Leibniz, mais guère chez Descartes précisément. Cette opposition
entre partie
et tout est d'ailleurs traversée par des données matérialistes. D'autre part,
1interprétation idéaliste de la dialectique n'insiste point sur la contradiction
en tant que manifestation d'un processus interne aux choses. Or, Descartes
s approche de cette position de la contradiction, notamment avec son duel Ac-
tion/Passion 9, dont l'unidualité phénoménalise l'essence contradictoire de
l'union âme/corps.
Explicitons ce caractère contradictoire.
a) Entre âme et corps, l'union réelle vécue s'avère seconde par rapport à

4.
P-392.
Engels, Anti-Dühring, trad: E. Bottigelli, Editions Sociales, Paris, 1963, p. ; idée répétée
52

5.Ibidem,p.153.
6. Ibidem, pp. 153-154 et Dialectique de la nature, trad. E. Bottigelli, Editions Sociales, Pa-
ris. 1968, p.264.
7. Engels, Dialectique de la nature, op. cit., p. 234.
8. Descartes, Méditations métaphysiques, 6" Méd., Adam et Tannery, tome IX-1, p. 64. Cf. let-
tre de Descartes à Reneri pour Pollot, avril ou mai 1638, § 6 « : »
Dieu ou la nature. (Adam et
Tannery, tome II, 41, lettre taussement datée de mars 1638, sans indication de destinataire).
p.
9. «Que ce qui est Passion au regard d'un sujet, est toujours Action à quelque autre égard»
(Les Passions de l'âme, titre de l'art. 1).
« l'Action et la Passion ne laissent pas d'être toujours
une même chose qui a ces deux noms, à raison des deux divers sujets auxquels on la peut rap-
»
porter (Ibidem, fin de l'art. 1).
la distinction réelle métaphysique, seconde en ce qui concerne la méthode et
la gnoséologie métaphysiques.
b) L'âme elle-même est métaphysiquement et axiologiquement première
par rapport au corps, mais le vécu résiste.
c) Pour expliquer scientifiquement l'union, quelque contradictoire qu'elle
soit avec la distinction métaphysique, Descartes recourt à la science-fiction

:
de la glande pinéale, science-fiction dont la rationalité apparente et le méca-
nisme ne peuvent éluder un jeu de contradictions l'âme investit privilégiai-
rement un organe choisi, tout en se diffusant à travers tout le corps par
;
quasi-permixtion 10 l'âme meut l'immatérialité, la non-corporéité ; cette mo-
tion ne crée point de mouvement.
d) Il y a donc à la fois la distinction et une union qui est «composi-
tion », « assemblage » 11 et non point « unité et identité de nature 12, bien »
que le vrai homme apparaisse dans maints textes comme quasi-unité de deux
contraires. Alors, devant les contradictions, n'y aurait-il plus qu'à désavouer
l'âme, une âme considérée comme hypothèse passéiste et inutile Après ?
avoir fait rejeter par Descartes, au début de 1642, l'hypothèse de l'homme
considéré comme être par accident, Regius n'a plus, après ce raisonnement
par l'absurde, qu'à déclarer, en 1645, l'âme mode du corps13. C'est le passage
au matérialisme. Ou plutôt un défoulement du latent qui se manifeste —
malgré l'intransigeante réprobation de Descartes idéaliste.
Un tel passage est permis à la fois par la physique et par la métaphysi-
que de Descartes. Certes, en gros, la physique de Descartes est plutôt maté-
rialiste et sa métaphysique plutôt idéaliste 14. Néanmoins, d'une part Descar-
;
tes fonde sa physique sur Dieu, là aussi hypothèse que l'on pourra déposer
comme passéiste et inutile d'autre part et surtout, comme nous l'avons dit,
la métaphysique est quelque peu gagnée par le matérialisme et par la dialec-
tique, ce que confirme la relation Descartes/Regius. D'un côté, Regius s'ap-
puie sur la science de Descartes, c'est-à-dire sur le modélisme mécaniste éten-
du à la physiologie, sur l'indépendance de la physique et de la physiologie,
10. 6' Méd., op. cil., p.64. On
cumcorpore.
11.
y :
lit notamment quasi permixtum, quasi permixtione mentis
Réponses aux sixièmes objections, § 10, Adam et Tannery, tome IX-1, p. 242.
12.
13. Cf. Descartes:
ibidem, §2, p. 226.
Lettres à Regius et remarques sur l'explication de l'esprit humain, trad.,
introd. et notes par G. Rodis-Lewis, Paris, Vrin, 1959, pp. 133, 136, 147, 155-59.
14. En insistant sur cet aspect réel et en le suivant dans l'histoire, on peut dire avec Marx
« Dans sa
physique, Descartes avait prêté à la matière une force créatrice spontanée et conçu le
mouvement mécanique comme son acte vital. Il avait complètement séparé sa physique de sa
métaphysique. A l'intérieur de sa physique, la matière est Tunique substance, le tondement uni-
que de l'être et de la connaissance. Le matérialisme mécaniste français s'est
rattaché à la physi-
antimétaphysiciens de
que de Descartes, par opposition à sa métaphysique. Ses disciples ont été
»
profession c'est-à-dire physiciens (La Sainte Famille, op. cit., p. 152). Tout en remarquant juste-
ment que « la métaphysique du XVIIe siècle, représentée, pour la France, surtout par Descartes,
a eu le matérialisme pour antagoniste »
(ibidem, p. 153), Marx n'en reconnaît pas moins, secon-
dairement, la positivité de cette métaphysique, ce que montre le texte de La Sainte Famille que

se Temps et contretemps
gnement philosophique.
;
nous avons cité à l'appel de note 3. Sur la métaphysique de Descartes, cf. notre article sous pres-
neutralisation métaphysique et résistance du temps, Revue de l'Ensei-
sur le Monde et sur l'Homme machinisés et ainsi rendus clairs 15. D'un autre
cote, Regius suit les conséquences de la répercussion de la physique dans la
Métaphysique. Le monde de l'objectivité scientifique est purifié de son revê-
tement qualitatif. Descartes explique l'erreur scolastique comme projec-
une
tIon anthropomorphique remontant à l'enfance 16. La notion cartésienne d'â-
1116 marque,
par rapport à la pensée scolastique, un progrès sur la voie du
Matérialisme. L'âme cartésienne ne prête pas vitalistement de la chaleur au
des organes ;
corps. Présence et état de l'âme sont fonction de l'ensemble des mouvements
et corpuscules corporels c'est l'ensemble de ces mouvements
qui maintient les fonctions de survie. Descartes attribue en quelque sorte
Matière et extension à l'âme 17 pour être en mesure de l'unir au corps sans
vitaliser celui-ci. Cette métaphore matérialiste contredit le spiritualisme et
ouvre le chemin de Regius.
Ainsi, sur l'exemple de la contradiction intime âme/corps, se dessine le
»
*contenu positif, profane de la métaphysique cartésienne et se signale la
fécondité de
ce contenu pour stimuler le progrès de la science, ceci au prix
d'une lutte idéologique interne tant sein de la métaphysique qu'au sein de
la science. Sur
au
cet exemple se repère également le passage de Descartes au
est ouvert par Regius, du vivant même de Descartes ;
Matérialisme post-cartésien. Ce passage, déjà amorcé en Descartes lui-même,
et l'on observe par là
que ce matérialisme s'avère tant cartésien qu'anticartésien, disons tant impli-
Cltement cartésien qu'explicitement anticartésien; tout ceci en raison de la
contradiction qui travaille Descartes. Le cartésianisme se montre un élément
constitutif de l'anticartésianisme et du matérialisme ultérieurs — y compris
du matérialisme dialectique
-,
de même que l'anticartésianisme et le maté-
rialisme opèrent originellement à l'intérieur même du cartésianisme. Enfin,
sur cet exemple de la contradiction âme/corps, se décèle un progrès de l'abs-
, trait au concret par la médiation des contradictions impulsées par la science.
Un tel progrès pourrait être aussi étudié à
propos du contenu de l'idée de
Dieu et du fonctionnement de cette idée opératoire chez Descartes
et ensuite
rationalisation leibniziennes :
dans l'évacuation spinoziste et dans la mécanique métaphysique 18 et la
«
profanation cartésienne/anticartésienne de
»
Dieu !
Théorie et pratique.
3)
Si la dominance idéaliste dans la métaphysique cartésienne implique un
primat de la théorie, la latence matérialiste de cette même métaphysique si-
et
15.
union âme/corps. Sur :
Cependant, pour l'homme, machinerie modèle technologique sont limités en raison de
cette question, voir Jon Elster Leibniz et la formation de l'esprit capita-

:
liste, Paris, Aubier-Montaigne, 1975, chap. II, Descartes
16. Descartes
17. «
« ».
Principes de la philosophie, I, art. 171.
Mais puisque votre Altesse remarque qu'il est plus facile d'attribuer de la matière et
de l'extension à l'âme,
que de lui attribuer la capacité de mouvoir un corps et d'en être mue,
;
sans avoir de matière, je la supplie de vouloir librement attiibuer cette matière et cette exten-
»
sion à l'âme car cela n'est autre chose que la concevoir unie au corps (lettre de Descartes à la
Princesse Elisabeth, 28juin 1643).
18. « dans l'origine même des choses, s'exerce une certaine mathématique divine ou méca-
nique métaphysique. » (Leibniz, opuscule De rerum originatione radicali, 23 novembre 1697).
gnifie là contre un primat de la pratique sur la théorie. Certes, il est aisé
d'exposer l'aspect théoriciste de Descartes, et aussi de Spinoza et de Leibniz.
Ainsi pour Descartes mentionnera-t-on notamment le fondement métaphysi-
que de la physique, la critériologie métaphysique, le fonctionnement de l'idée
de Dieu, l'ordre des raisons des Méditations Métaphysiques, là primaùtè de la
distinction sur l'union âme/corps, etc. On notera, en outre, que, anti-
empiriste, l'épistémologie cartésienne dévalue l'induction des empiristes an-
glais et souligne la valeur de la théorie.

Pourtant, tout ceci reconnu, il n'yen a pas moins chez Descartes un sou-
ci de conjoindre parfois théorie et pratique, non sans quelque primat de la
pratique. Il convient d'affirmer, en premier lieu, qu'il n'y a point, en réalité,
de théoricisme chez Descartes — pas plus que chez Spinoza et Leibniz
moins point de théoricisme définitif, car Descartes contrepose un renverse-
du -,
ment practiciste. Si la métaphysique de Descartes faisait des découvertes,
comme le jugeait Marx, dans la mathématique et la science, cette avancée
même de la scientificité faisait rétrograder la prépotence métaphysique. Il y
a chez Descartes un primat de la pratique 19, notamment de la pratique phy-
sique, technologique et médicale, en vue de nous rendre « comme maîtres et
»;
possesseurs de la nature 20 primat qui entraîne ce renversement « il
est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et,
:
au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en
peut trouver une pratique. » 21. Alors que la spéculation ne relève point d'un
critère de réussite, au contraire dans la philosophie se rapportant « à l'usage
et à la pratique, tous ceux qui y manquent en la moindre chose ont coutume
d'être punis de la perte de tous leurs frais» 22 et les principes eux-mêmes du
mécanisme sur lesquels reposent les techniques sont, comme le constate F.
Alquié, « vérifiés ou démentis par le succès ou l'échec des actions entreprises
selon leurs normes. On arrive ainsi au critère de la vérification expérimenta-
»
le comme critère de vérité 23. Voici donc qu'au niveau de la science, de l'é-
pistémologie et de la philosophie au sens large, la pratique devient critère de
vérité, ce qui implique une unité de la science, de la technique, de la nature
et de la société. Il y a identité structurelle entre productions naturelles et
productions économico-sociales24. L'arbre de la philosophie25 ressemble à
une production naturelle et donc aussi économique et sociale. Nous chemi-

19. Cf. notre œuvre Liberté et raison. La liberté cartésienne et sa réfraction chez Svinoza et
chez Leibniz, Association des Publications de l'Université de Toulouse-Le Mirail, tome I. 1970,
pp.41-50. Dans ces pages, on lira notamment de nombreuses citations anti-théoricistes de Descar-
tes.
20. Discours de la méthode, VI, Adam et Tannery, tome VI, p. 62.
21.Ibidem, pp.61-62.
22. Lettre de Descartes à Plempius pour Fromondus, 3 octobre 1637, in Œuvres philosophi-
ques, Textes établis, présentés et annotés par F. Alquié, Paris, Garnier. tome I, 1963, pp. 792-193.
23. Note de F. Alquié, in Œuvres philosophiques, tome I, op. cil., p. 793, note 1.

24. Principes de la philosophie, IV, art. 203.


25. Cf. Principes de la philosophie, préface.
nons vers le matérialisme
rialité»26.
: «L'unité réelle du monde consiste en sa maté-

La pratique devient ainsi non seulement critère de vérité, mais aussi


Priorité. Efficacité, utilité deviennent primordiales. Descartes recourt sou-
vent aux termes utile, utilité. Par exemple, la Dioptrique a pour but d'établir
l'utilité pratique de la philosophie au sens large. C'est un dessein prioritaire
de Descartes, continuateur en cela de Bacon, de rendre la vie en société plus
heureuse et plus facile, et ceci surtout, d'une part, en accroissant la producti-
vité pour un travail raccourci et allégé, d'autre part, en préservant la santé.
Il importe de faire ressortir la contradiction entre deux urgences. D'un côté,
Pour l'âme seule, abstraitement considérée — mais en fait elle est mélangée
au corps -, la connaissance métaphysique est première. D'un autre côté,
Pour les hommes réels, c'est la connaissance scientifique, technologique et
médicale qui se prouve primordiale et capitale. D'un côté, le souverain bien
est la bonne volonté 27. D'un autre côté, c'est la santé 28. Quant au souverain
bien de l'humanité, Descartes le pense matérialistement comme hominisa-

nique des hommes :


tion, ensemble du patrimoine culturel, économique, social, scientifique, tech-
« le souverain bien de tous
les hommes ensemble est un
amas ou un assemblage de tous les biens, tant de l'âme que du corps et de la
fortune, qui peuvent être en quelques hommes 29. »
Pratiquement, chez Descartes, il y a donc priorité de la recherche scienti-
fique et technologique sur la métaphysique, priorité de la vérité
comme
union théorie/pratique réalisée grâce au mécanisme sur la vérité purement
métaphysique, de même qu'il y a priorité vécue de l'union sur la distinction
âme/corps malgré la primauté métaphysique inverse. Cette priorité signifie
que, pour Descartes, la philosophie au sens large n'est point seulement inter-
prétation scientifique du monde, mais aussi entreprise de transformation
Pratique. Il est vrai que, ensuite, la métaphysique s'efforce de tout récupérer
et régenter et de tout rassembler sous le primat d'une pratique éthique, idéa-
liste et individuelle. Cependant, la science et la pratique qu'elle autorise
res-
tent souveraines en fait, tandis que la métaphysique ne commande qu'en
droit
— fût-ce un droit divin. Descartes tient à préserver la priorité de la
Pratique, ce qui l'amène à prendre deux positions pratiques. Sur le plan politi-
que, Descartes estime que les crédits de la recherche scientifique et technolo-
gique, collective, « seraient bien plus utiles au public que toutes les victoires
»
qu'on peut gagner en faisant la guerre 30. Sur le plan de la relation théo-

:
rie/pratique, Descartes ose reléguer la métaphysique à un rang de monarque
constitutionnel qui règne et ne gouverne point il est nécessaire, certes, mais
26.
que de Descartes:
Engels, Anli-Dühring, op. cit., p. 75. La suite du texte d'Engels caractérise déjà la prati-
philosophie et de la science de la nature ».
«
la matérialité se prouve par un long et laborieux développement de la

27. Cf. notamment lettres à Elisabeth, juin 1645 et à Christine, 20 novembre 1647. Textes ci-
tés dans notre tome 1 précité, Philosophie réflexive de la volonté, p.45.
28. Cf. notamment Discours de la méthode, VI, op. cit., p.62 et lettre à Elisabeth, mai ou
juin 1645. Textes cités dans notre tome I, p. 45.
29. Lettre de Descartes à Christine, 20 novembre 1647.
30. Lettre de Descartes à Mersenne, 4 janvier 1643.
également suffisant, « d'avoir bien compris, une fois en sa vie, les principes
»»
de la métaphysique 31, et « il serait très nuisible d'occuper souvent son en-
tendement à les méditer 32. La métaphysique reçoit pratiquement une portion
congrue. Descartes ne veut point qu'elle détourne l'esprit de ce qui est utile,
c'est-à-dire de la physique et des choses sensibles, ou encore de « l'occupation
qu'on devrait le plus souhaiter à l'homme, parce que ce serait la source de
toutes les commodités de la vie» 33.
4) Dénis declivages.
Les contradictions cartésiennes s'interimpliquent. Ainsi le sujet qui vient
de naître, au moment du commencement d'un droit bourgeois, est-il à la fois,
d'une part subjectif et rationnel, d'autre part individuel et universel. En ef-
fet, la distinction âme/corps dénote l'existence abstraite d'une « âme toute
»
pure 34, alors que l'union indique l'existence concrète d' « une seule person-
»
ne, qui a ensemble un corps et une pensée 3S. Descartes met l'accent,
pratiquement, sur la nature humaine composée, d'où un déni de clivage entre
rationalité et subjectivité. C'est la doctrine constante de Descartes que c'est
le même sujet qui conçoit et qui sent, qui veut et qui aime, le même esprit
qui « s'emploie tout entier à vouloir, et aussi tout entier à sentir, à conce-
voir, etc. » 36. De même, Descartes dénie tout clivage entre, d'une part, je
doute/ je pense et, d'autre part, je suis, et ceci grâce à la substitution du mo-
ment spirituel à l'instant physique, mécaniste et ponctuel 37. La pensée est ir-
réductible à l'instantanéité à cause de l'épaisseur du langage.
Descartes s'efforce également de dénier fout clivage entre individu et so-
ciété. Et c'est ici le point crucial où se dévoilent des incertitudes, sinon des
contradictions redoublant les précédentes, et où se manifestent les limites de
Descartes qui ne pouvait qu'être encore éloigné du matérialisme historique.

:
Cependant, Descartes n'en témoigne pas moins d'un problème historique
dont il prépare la solution l'avancée est considérable. L'individu bourgeois
a besoin d'indépendance, d'initiative et de liberté, mais il a tout autant be-
soin de la société. L'insularité du cogito et l'autonomie de son moi symboli-
sée par la théorisation de la distinction âme/corps ont dû, comme nous l'a-

semble insoluble « :
vons remarqué, être contredites. Cette dualité indépendance/dépendance
bien que chacun de nous soit une personne séparée
des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon dis-
tincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu'on ne saurait
subsister seul. » 38 ; on est, en effet, partie de divers ensembles, comme la

31. Lettre de Descartes à Elisabeth, 28 juin 1643.


32. Idem.
33. Descartes
Boivin,1937,p.75.
: Entretien avec Burman, Adam et Tannery, tome V, p. 165, trad. Adam, Paris,

34. Lettre de Descartes au Père Gibieuf, 19 janvier 1642.


35. Lettre de Descartes à Elisabeth, 28 juin 1643.
36. 6' Méditation, op. cit., p. 68.
37. Sur la différentiation moment/instant, cf. notre tome I, Philosophie réflexive de la vo-
lonté, op. cit., pp.365-368.
38. Lettre de Descartes à Elisabeth, 15 septembre 1645.
société, l'Etat. Mais dans quelle mesure faut-il préférer les intérêts du tout
?
aux siens propres Descartes semble poser une règle morale universelle « il
faut toujours préférer les intérêts du
tout, dont on est partie, à ceux de sa
:
»
Personne en particulier 39 ; mais l'individualisme de la propriété en expan-
bourgeois est :
sion ne peut accepter pareille borne et il la recouvre de nuances. Chaque
un cas particulier, tel celui-ci «si un homme vaut plus, lui
seul, que tout le reste de sa ville, il n'aurait pas raison de se vouloir perdre
»
Pour la sauver 40. Là contre, comme chaque fois, le déni de clivage est ef-
fort de rationalisation, indice de rationalisme progressiste
pour conférer
sens cohérent à quelquè contradiction. Ici, Descartes fournit une solution de
classe au conflit subjectivité/rationalité et
au conflit individualité/universali-
té; cet aboutissement est le principe du libéralisme économique de droit di-
vin : « Dieu a tellement établi l'ordre des choses, et conjoint les hommes en-
semble d'une si étroite société, qu'encore que chacun rapportât tout à
soi-même, et n'eût aucune charité pour les autres, il ne laisserait pas de
s employer ordinairement
pour eux en tout ce qui serait de son pouvoir,
Pourvu qu'il usât de prudence. » 41.
Ce principe de Descartes appuie le libéralisme économique de la bour-
geoisie montante sur le solidarisme naturel, puisque, comme nous l'avons
mentionné, il y a continuité matérielle et structurelle entre nature, arts tech-
niques et société. Un tel principe, à la fois théo-métaphysique, naturel,
scientifico-économique, social, moral, offre l'avantage de cautionner tous les
subjectivismes d'appréciation et tous les intérêts sous réserve d'une justifica-
tion éthique elle-même subjective 42.
L'utilitarisme harmoniste de ce principe sera ontologisé et systématisé
Par Spinoza 43 et par Leibniz 44, en progrès de rationalisme. Ce principe sera
développé providentialistement par les Characteristics of men, manners, opi-
nions and times de Shaftesbury et cyniquement par La fable des abeilles, ou
vices privés, bienfaits publics de Mandeville et il aura deux aboutissements.
Ceux-ci seraient, au fond, deux matérialismes mécanistes, mais ils sont for-

sés et lestés d'idéalisme !


cés, pour les besoins de la cause, d'être, surtout le second, tellement idéologi-
En premier lieu, on passe de l'animal-machine à
L'Homme-machine, c'est-à-dire du semi-matérialisme cartésien au matérialis-
me de La Mettrie, et on parvient à la société-machine de Qu'est-ce que le
39. Idem.
40.Idem.
41. Lettre de Descartes à Elisabteh, 6 octobre 1645.

: ;
42. « J'avoue qu'il est difficile de mesurer exactement jusques où la raison ordonne que
nous nous intéressions pour le public mais aussi n'est-ce pas une chose en quoi il soit nécessai-
re d'être fort exact il suffit de satisfaire à sa conscience, et on peut en cela donner beaucoup à
son inclination. Car Dieu a tellement. » (Suit la phrase citée à l'appel de note précédent).
43. C'est ainsi que, pour Spinoza, ia raison, qui ne saurait aller contre la nature, demande
que chacun, s'aimant soi-même, recherche son utilité propre, ce qui lui est réellement utile-
(Ethique, IV, scolie de la prop. 18). Tous les auteurs du XVIIe siècle étaient préoccupés par le
Problème de l'égoïsme et de l'amour de soi, problème souvent transposé au niveau religieux.
44. Leibniz recourt notamment à la notion de partie totale (cf. l'opuscule précité note 18) et
au monadologisme,
6) Antidialecticité de la caricature de Descartes.
A l'origine de la science, de la philosophie et du rationalisme modernes,
Descartes joue un rôle capital de charnière historique, d'où le redoublement
de son ambiguïté. Simplifier sa fonction ou bien la réduire, c'est pareille-
ment mépriser tant l'histoire que la dialectique. Tenons compte du fait que
Descartes, ses successeurs et leurs commentateurs, retenus par la contrainte

;
sociale et idéologique, ont celé la novation matérialiste du rationalisme mo-
derne si bien qu'aujourd'hui, privilégier et extrapoler le côté idéaliste
déniable, certes — d'un Descartes équivaudrait à maintenir la censure anti- — in-
matérialiste séculaire et à trahir l'histoire. De celle-ci, par contre, on
;
respectera le sens en restituant le matérialisme et le progessisme virtuels
d'un tel philosophe ce que firent Georges Politzer et Maurice Thorez.
Comme le rappela Politzer à l'occasion du tricentenaire du Discours de
la méthode, Descartes fut un novateur génial, non seulement en mathémati-
ques, en sciences et en métaphysique, mais aussi dans la technique, en pro-
clamant « que la condition de la technique efficace était la science vraie 49. »
;
La modernité de Descartes consiste avant tout dans la mission qu'il attribue,
en connaissance de cause, aux sciences celles-ci ont le privilège de conduire
à la connaissance vraie et, par là, « à la maîtrise consciente des forces natu-
»
relles et sociales 50. Contre la liaison irrationalisme/fascisme, Politzer insis-
te sur la coupure épistémologique que constitua l'avènement du rationalisme
cartésien, puis classique, sur le progrès subséquent et sur l'influence de Des-
cartes, par exemple auprès des encyclopédistes. Ce rationalisme qui s'origine
chez Descartes conduit jusqu'à la transformation de la raison bourgeoise
contradictoire — idéologisée/scientifique, idéaliste/matérialiste — en la rai-
son du matérialisme dialectique et historique. Le rationalisme moderneclas-
sique se nie et se mue en rationalisme moderne marxiste, d'autant mieux que le
rationalisme classique, dépassant, dès sa source cartésienne, ses propres li-
mites, incluait déjà des germes de sa propre négation.
Il ne faut donc pas oublier, écrivions-nous dans le tome 1 de Liberté et
raison, que chez Descartes, « l'aspect conservateur est estompé par le rôle ré-
volutionnaire du Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et
chercher la vérité dans les sciences et des Essais de cette méthode 51. Et »
:
nous citions cette parole de Maurice Thorez, extraite de son discours à la
Sorbonne pour le 350e anniversaire de Descartes « Quelle force révolution-
naire dans cet appel [de Descartes] à la toute-puissance de la raison » 52. !
Incarnant «les ambitions et les audaces intellectuelles de la bourgeoisie
montante et progressiste. » 53, Descartes lui apporte sa méthode universelle,
49. Georges Politzer: Le tricentenaire du Discours de la méthode », in Ecrits, tome I, La
«
philosophie et les mythes, Editions Sociales, Paris, 1969, p.68.
50.Ibidem,p.70.
51.
52. Maurice Thorez :
Philosophie réflexive de la volonté, op. cit., p. 257, note 240.
« Le 350e anniversaire
de Descartes », Discours prononcé dans le grand
amphithéâtre de la Sorbonne, le 2 mai 1946, in Œuvres, Editions Sociales, Paris, tome 22 (mars-
novembre 1946), 1964, p.64.
53.Ibidem,p.61.
émancipatrice, et construit pour elle la première philosophie moderne qui,
«
sans s'appuyer sur une révélation, promet à l'homme, par la science et le tra-
«»
vail, le bonheur sur la terre M. Unité des sciences, unité de la méthode,
unité de l'intelligence humaine [.]. La science est liée à la technique, la mé-
decine à la morale, la pensée à l'action, la philosophie à la vie. Cette philoso-
phie matérialiste, basée sur la raison et sur l'expérience, aboutit à un opti-
misme invincible»55. Descartes permet, garantit et fonde le progrès, la
Perfectibilité des hommes et de la nature, la conquête du bonheur. Son ratio-
nalisme est l'une des sources du socialisme français. N'y a-t-il pas chez Marx,
comme le fait remarquer Thorez, quelque écho de Descartes, notamment
?
dans les 8e et 11eThèses sur Feuerbach Descartes nous enseigne l'espoir
«
et la confiance, la foi dans l'intelligence humaine, l'amour et la toute-
Puissance du travail 56. »
Le socialisme, qui s'appuie sur l'hominisation, la promeut et l'enrichit,
loin de nier les pensées progressistes ou même ambivalentes du passé, est
seul en mesure de leur conférer un sens et de les retravailler. Il assu-
me/transmue le patrimoine historique de l'humanité en prenant conscience
de la mutation révolutionnaire entre société de classes antagonistes et cons-
truction de la société sans classe, entre rationalisme idéaliste et rationalisme
du matérialisme dialectique et historique. C'est pourquoi il s'avère au-
jourd'hui plus juste de voir en Descartes un cryptomatérialiste masqué par
la dominance idéaliste plutôt qu'un strict idéaliste unilatéralisé Politzer et
Thorez avaient raison et, après eux, l'on doit souligner l'importance et l'ac-
;
tualité de la pensée cartésienne falsifiée et tronquée par des générations d'i-
déologues bourgeois. C'est ainsi qu'il faut dénoncer le grand renfermement
de la cogitation en elle-même. D'ailleurs, la caricature du Descartes rétrogra-
de et/ou irrationaliste est aussi antidialectique et idéologisée que la, consé-
cration du Descartes simplifié et réduit, purement bourgeois. Politzer et Tho-
rez nous invitent encore à détruire les contrefaçons à la manière d'un
Jean-François Revel 57. L'auteur des Essais de la méthode, du Monde, du
Traité de l'Homme, etc., serait passé à côté de la révolution scientifique Ce- !
lui qui mit au point, entre autres, principe d'inertie, loi des sinus, géométrie

!
analytique, psychophysiologie — quelle diversité de contributions —' serait
un champion de l'obscurantisme Ce n'est là que pamphlétarisme de faussai-
!
re qui défend l'idéologie dominante contre le marxisme et contre les ancêtres
du matérialisme dialectique. Maints idéologues, en effet, apeurés par la pro-
gression du socialisme, de la lutte de classes et de la pensée marxiste, inca-
pables de construire un nouveau rationalisme en dehors du marxisme qui
supplante tous les rationalismes antérieurs, se replient sur quelque néo-
positivisme, à moins d'être rebutés par la vieille superficialité positiviste et
54. Ibidem, p.61.
55. Ibidem, p. 62.

:
56. Ibidem, p.68.
57. J.-F. Revel Histoire de la philosophie occidentale, Stock, Paris, tome 2, La philosophie
pendant la science (XVe, XVIe et XVIIe siècles), 1970, Du même auteur, Descartes inutile et in-
certain, Stock, 1976, qui n'est que la réédition des pages cartésiennes (ou plutôt anticartésiennes)
du volume précédent. Cf. notre recension, La Nouvelle Critique, avril 1977, p. 77.
de se retrouver acculés dans des refuges nihilistes et irrationalistes qu'on

:
exalte alors par compensation imaginaire et impuissante. En fait, il y a com-
plémentarité et convergence des rôles le néo-positivisme d'un Revel se ren-
contre avec les nihilistes et les irrationalistes pour abattre ensemble rationa-
lité antémarxiste et rationalité marxiste. Revel se pose en critique radical:
défenseur du libéralisme, il en est réduit à liquider en Descartes un père du

assis Le libéralisme réformateur en est bien avancé !


libéralisme, c'est-à-dire à scier la branche sur laquelle il est confortablement
! D'autant plus qu'il hé-
site entre cette récusation du passé et son annexion simpliste, jouant sur
l'une et l'autre, ce qui revient à avouer l'insuffisance et la vacuité des deux
stratégies idéologiques objectivement solidaires.
Le marxisme doit relever le défi et occuper le terrain, que celui-ci soit
abandonné en déshérence anti-historique, miné, par l'adversaire caricaturiste
ou bien qu'il soit illégitimement envahi et fortifié par une idéalisation/idéo-
logisation. Au lieu de mimer une position réductrice, le marxisme doit faire
siens, en renversant leur renversement et en les transformant radicalement
par sa pratique dans la lutte de classes, les champs, concepts et valeurs, tels
que philosophie, rationalisme, matérialisme, dialectique, humanisme, essence,
raison, liberté, culture, morale, droit, art, etc. C'est dire qu'il y a triplicité
d'objets/enjeux de l'histoire de la philosophie et de la philosophie. Celles-ci
ne sauraient se limiter à une lutte de classes dans la théorie et dans les
champs idéologiques. Conjointement, elles ont, en outre, pour objets/enjeux,
dans une union de la théorie et de la pratique, d'une part la dialectique dans
la nature, la société et la pensée, d'autre part l'hominisation. La construction
de la société socialiste, puis communiste, au niveau mondial, requerra et dé-
veloppera une nouvelle rationalité pratiquée, ouverte, pratiquement théori-
sable.

SUR LE « CONTENU POSITIF, PROFANE »


DE SPINOZA
A L'OCCASION DU TRICENTENAIRE DE SA MORT

Une commémoration s'avère une manière de reconnaître l'historicité et


de souligner qu'un fait s'est montré historique. N'est-il point illusoire d'in-
temporaliser les philosophes et de s'imaginer qu'un penseur pourrait, dans et
» ?
;
par son texte, livrer la « vérité et sur lui-même et en soi Ce serait là la dé-
marche idéaliste qui dénie l'histoire selon une telle démarche, l'analyse in-
terne éclaire l'itinéraire du philosophe et montre comment une attitude de
!
conscience s'inscrit dans une écriture et comment le système semble se
structurer tout seul, en vertu d'une sorte de loi génétique interne Or, nulle
réflexion ne saurait être solitaire ni indépendante ni neutre comme le mani-
feste l'exemple de Spinoza. Tout discours, notamment philosophique, ne s'é-
crit qu'en fonction d'un avant et en fonction d'un autour (l'infrastructure et
l'instance juridico-politique) et il ne se comprend qu'en fonction, en outre,
d'un ensuite, dans la mesure où il est prospectif, idéologiquement investi,
critiqué, continué et repensé. Ainsi, pour lire Spinoza, faut-il tenir compte du
contexte économique, social et politique de la Hollande de son temps. Nous
décelons aujourd'hui les contradictions masquées inhérentes
aux philoso-
Phies, telles
que le spinozisme. Dans l'autonomisation relative de ces philoso-
phies, de telles contradictions reflètent indirectement, à travers
un jeu de
médiations, notamment juridico-politiques, les contradictions des rapports
sociaux de production. Nous nous bornerons à signaler quelques-uns des as-
pects pré-matérialistes et pré-dialectiques de la métaphysique spinoziste.
;
Dans cet athéisme rationaliste, il n'y a que Nature le terme Dieu, s'il a

:
été maintenu
sous la pression sociale et idéologique, a été vidé de tout son si-
gnifié Dieu n'est plus
que Nature incréée, indéfectible comme Totalité princi-
Pielle et unité de tout ce qui existe solidairement, dépourvue de conscience,
de volonté, de providence et de finalité. Selon Engels, c'est
un grand honneur
Pour un Spinoza de ne point s'être « laissé induire en erreur par l'état limité
des connaissances qu'on avait alors »
sur la nature 58 et d'avoir expliqué le
monde. Alors que l'idéalisme subjectif, notamment avec Descartes, reconnaît
des intervalles 59 inexplicables et estime qu'expliquer les valeurs, c'est les

;
nier 60,le matérialisme, plus rationaliste, tient l'explication pour toujours
Possible, positive et à rechercher expliquer les valeurs, c'est, pour lors, dé-
voiler ce qui les détermine et dans quel but, les connaître et les reconnaître ;
Ce qui implique une pratique en conséquence. Et, certes, l'Ethique s'avère
explication des valeurs. Nous ne traiterons pas ici cet aspect, mais nous te-
nons à souligner que, de l'idéalisme cartésien, Spinoza rejette tout ce qui est
subjectif et tout intervalle. Mentionnons, à titre d'exemple, que Spinoza dis-
Sout l'intervalle étendue/pensée (ou matière/esprit ou instantanéité/momen-
tanéité) en considérant ces catégories duelles comme isonomes, homologi-
ques, homothétiques, tout en étant hétérogènes. Il postule l'équivalence
entre, d'une part, généralisation spatialisante du principe d'inertie et anhisto-
ricisme du mécanisme pluraliste et, d'autre part, intégration de l'expérience
historique et de la réduplication de l'unité spirituelle dans la Pensée. Tout

ordres ou sériations modales ;


ceci au prix d'une incommunicabilité antidialectique des attributs et de leurs
quelque dialecticité ne s'en retrouve pas
moins dans le statut contradictoire des attributs qui répètent une mêmeté
dans la différence, ce qui généralise à l'infini le duel susmentionné. Ainsi le
souci compréhenseur et la liquidation des intervalles marquent, par rapport
a Descartes, un progrès non dénué de contradiction.
Bien qu'il soit parfois exagéré — d'où la nécessité d'une prise en compte
de Descartes
-,
l'objectivisme spinoziste est progressiste. Alors que l'idéalis-
me cartésien (et post-spinoziste) ontologise, au niveau de la projection de
Dieu et de son image humaine, l'instance du sujet finalement issue du champ
juridique et charge cette instance de garantir la scientificité, Spinoza accom-
plit, et en la poussant jusqu'au bout, une propension inverse — et dissimulée

58. Engels
59.
: Dialectique de la nature, op. cit., p. 34.
Sur la notion cartésienne d'intervalle, cf. notre tome 1 déjà cité, Philosophie réflexive de
la volonté, pp. 12, 38-40, 116, 404-406.
60. Sur
:
cette pensée idéaliste du philosophe catalan J. Xirau, cf. notre tome I, pp.
notre préface à Reine Guy Axiologie et métaphysique selon Joaquim Xirau, Association des Pu-
blications de l'Université de Toulouse-Le Mirail, 1976, p. IX.
402-403 et
— de ce rationalisme idéaliste classique à l'auto-suffisance de la Nature. La
compréhensivité spinoziste n'a retrouvé un ordre déductif en droit et ontolo-
gique qu'après une synthèse inductive matérialiste et dans un souci de pri-
mat de la pratique sur la théorie — car Spinoza a prioritairement essayé d'é-
duquer des militants en vue de promouvoir une démocratie.
Faute de place, nous ne parlerons pas du politisme de Spinoza, mais du
naturalisme crypto-matérialiste qui le fonde. Que la Substance soit causa sui,
voilà qui, selon Engels, exprime l'action réciproque61, l'interdépendance et
l'enchaînement des choses. Toute chose est en rapport avec la totalité qui la
définit, en rapport de réciprocité. La totalité est constituée par les liaisons
réciproques de ses parties et il y a divers ordres et divers niveaux de totalité.
« Toute détermination est négation »
62 et toute limitation peut, à son tour,
être niée par une autre. Anticipation de la négation de la négation Parfois, ?
mais d'une manière réductrice (au niveau du problème du mal, par exemple)
ou limitée, car la métaphysique spinoziste, plus encore que la métaphysique
cartésienne, du moins avec plus de cohérence et plus de généralisation, s'avè-
re métaphysique du principe d'inertie. Le principe de conservation de la
quantité de mouvement s'impose au cœur d'une ontologie matérialiste de la
réversibilité où la domination de la totalité dénie les contradictions entre
parties et totalité. Que le champ théorique du mécanisme tende à évacuer
temps et historicité63, cela n'est certes point sans se refléter dans la méta-
physique spinoziste. Cependant, l'invariance de la quantité de mouvement
n'offre de sens que comme résultante de transformations et, d'autre part,
Spinoza s'intéresse aux luttes politiques. Aussi, quoique l'Etendue spinozien-
ne synthétise la pluralité et la ramène à l'unité sublimant la temporalité et
éliminant les antagonismes, contre-lisons-nous la Pensée attributale comme
historicisée, ceci afin de désocculter le travail historique de Spinoza et de
permettre à l'impensé de se défouler. L'ordre attributivo-modal Pensée/langa-
ge/hominisation/histoire est quasi-reflet, mais autonomisé, de l'ordre attribu-
tivo-modal Matière. Toute idéation reflète, mais plus ou moins fidèlement,
quelque mode ou modalité de YEtendue Matière. Le mouvement de la con-
naissance reproduit le devenir des étants à partir de leurs manifestations et
atteint ainsi le mouvement objectif des étants et de l'être des étants. Le mou-
;
vement de la pensée, pensée du mouvement, s'avère ainsi re-production du
mouvement objectif certes, point dialectique n'est cette parallélisation. Tou-
tefois, la pensée humaine, ce n'en est pas moins la Nature prenant conscien-
ce d'elle-même dans les contradictions de la société et au moyen du langage.
En vertu de la parallélisation, c'est-à-dire de la production du même par l'hé-
térogénéité des attributs, la matière ne saurait être plus passive que la pen-

61. Dialectique de la nature, op. cit., p. 234.


62. Spinoza, lettre 50, à J. Jelles, 2 juin 1674. Engels se réfère à cette formule, notamment
dans Anli-Dühring, op. cit., pp. 172 et 387.
63. Cf. notre ouvrage Le jeune Marx et le matérialisme antique, Privât, Toulouse, 1970,
pp. 104-108.
see. Dans la matière et en toutes choses, il y a effort 64 constitutif et tout est
formé par l'interaction mouvement/repos. Cet effort définit l'essence.
L' «essence particulière affirmative »
spinozienne65 est également pré-
matérialiste et pré-dialectique. Car, loin de demeurer idéale et inerte, elle se
montre concrète, active, règle de construction de la chose M, loi de rapports
déterminés de mouvements réels et nécessaires, totalisation de ses relations
constituantes et de ses manifestations, logiqueconcrète de l'exister, procès
- bien qu'elle soit métaphysiquement éternisée. En vertu de l'interaction gé-
néralisée dans chaque ordre attributivo-modal, chaque essence intériorise
matérialistement tous les rapports, comme chez Leibniz. Spinoza et Leibniz
découvrent, dans l'intériorité de l'essence et de la monade, la vie des rap-
Ports naturels comme moteurs et l'existentialisation singulière d'une généra-
lité partielle. Ils pressentent aussi, l'un dans l'essence, l'autre dans la
mona-
de, une succession de moments,
une maturation de l'essence 67, mais d'une
essence ou d'une monade individuelles portées au compte de l'éternel.
L'essence de l'esprit humain naît matérialistement de l'essence d'un
corps existant dans la nature 68, malgré la rectification qu'il faudrait contre-
Poser. Dans cet esprit humain, se joue une dialectique du désir, chacun dési-
rant ce qu'il juge bon tout en estimant que ce qui s'avère ainsi bon n'est que
ce qu'il désire 69, C'est que la tendance implique contradiction, ainsi déjà le
désir chez Descartes. Ce qui est encore plus important, c'est que la critique
du volontarisme cartésien permet à Spinoza de poser une dialectique nécessi-
té/liberté et nécessitation/libération. D'où une anticipation d'un aspect de la
liberté marxiste et une dénonciation de l'idéologisation des notions de libre
arbitre, volonté, conscience, sujet. Selon Spinoza, dans l'idéologie, on imagi-
ne secondairement les rapports de l'homme au monde physique et social d'a-
Près leur expression primaire par l'état corporel. L'antivolontarisme conduit
aussi Spinoza à considérer la liberté comme une puissance déterminée, natu-
relle/naturée et, par là, co-naturante aussi. Spinoza devance, mais dans un
sens plus individualiste qu'historique, Marx et Engels dans leur critique des
Philosophes qui prennent la volonté comme base du droit70 au lieu d'analy-
ser en rapports de puissance. l'antivolontarisme n'est point sans répercus-
sion politique. Selon Spinoza, il est vain de moraliser et d'appeler tout d'a-
bord à la conversion des cœurs, comme les chrétiens et les idéalistes ce qui ;
64. Le concept spinozien d'effort (conatus), préparé dans le Court Traité (I, ch. V, § 1) et
dans les Principes de la philosophie de Descartes démontrés selon la méthode géométrique (II,
Prop. XIV) est défini dans la 3e partie de l'Ethique à partir de la proposition VI.
65. Traité de la réforme de l'entendement, §93.
66. Cf. notamment Ethique, II, définition II et Traité de la réforme de l'entendement,
§§95-96.
67. Sur les degrés de maturation de l'essence, cf. Arnaud Spire, « Pour un approfondisse-
ment de la conception marxiste de l'essence », La Nouvelle Critique, septembre 1976, pp. 13-14.
;
68. Court Traité, appendice, « De l'âme humaine », §9 Ethique, II, prop. XI et suivantes.
69. Nous avons rassemblé les textes contradictoires dans notre tome II de Liberté et raison,
Philosophie compréhensive de la Nécessitation libératrice, 1972, pp. 248 sq.
70. L'idéologie allemande, trad. par H. Auger, G. Badia, J. Baudrillard, R. Cartelle, Editions
Sociales, 1968, pp. 106-107.
importe en priorité, c'est agir sur les structures économiques et socio-
politiques pour les transformer. C'est la première fois dans l'histoire que s'o-
père un tel renversement et il est juste de le souligner en ce tricentenaire.
Après Descartes qui avait étendu la scientificité, notamment à la psycho-
physiblogie, Spinoza l'applique à la politique.

Le mouvement historique de la rationalité est marqué, avec Descartes et


Spinoza, de deux avancées complémentaires et, ce qui est positif, partielle-
ment contradictoires. Ces deux moments de la rationalité s'exercent tant au
niveau de la science que dans la domanialité métaphysique, celle-ci se mode-
lant, au demeurant, sur l'ordre déductif de la mathématique qu'elle fonde
rigueur, cohérence et objectivité — cette dernière pourtant parfois prédialec-
:
tique — s'universalisent ainsi sous la caution d'un Deus dont la nature n'est,
au fond, que l'extrapolation infinitisée, soit de la cogitabilité cartésienne, soit
de la matérialité spinozienne. Pour définir la pensée, le philosophe du cogito
réfléchit, développe et généralise le sujet de droit, personne humaine dotée
d'une volonté libre et de raison, et il l'élève au niveau métaphysique en l'abs-
trayant du milieu qui le suscite, l'échange des marchandises. Ainsi, pour Des-
cartes, l'égalité formelle n'est-elle point logiquement préalable à la volonté
formelle, contrairement à ce que montre l'analyse juridique. Du moins l'au-
teur des Méditations métaphysiques a-t-il le mérite de distinguer la volonté
idéaliste — dont le libre arbitre est l'aspect le plus métaphysique et le plus
abstrait — de son réel exercice qui donne une liberté plus ou moins man-
:
quée ou réussie. Spinoza achève ce mouvement réaliste et le continue jusque
dans le matérialisme, et cela en supprimant le vouloir il n'y a plus dès lors
de libre arbitre, prétendue donnée naturelle, et toute liberté réelle apparaît
médiée par des rapports Sociaux. Si l'auteur des Traités Théologico-politique
et Politique dénonce si tôt l'idéologisme du sujet de droit, y compris sa pro-

ciété en mutation:
jection en Dieu, c'est à partir de son rationalisme étendu au champ de la so-
il constate que, dans les échanges, il y a, à la fois, inégali-
té et stricte détermination des individus et que, d'autre part, il ne saurait
exister de personne avant le contrat social et les contrats juridiques, d'abord
commerciaux, qui le requièrent. Aussi bien l'humanisme métaphysique carté-
sien est-il transmué en un humanisme qui ne peut encore être scientifique et
qui s'avère plutôt socio-métaphysique et moins abstrait.
L'évolution de la rationalité constitue un élément du progrès imposé par
la lutte des classes, laquelle se répercute dans la prise de parti scientifique,
épistémologique et métaphysique de Descartes et dans la prise de parti so-
cio-métaphysique et politique de Spinoza. L'extension spinoziste du rationa-
lisme comme scientificité pourrait initier les actuelles politologies et polémo-
logies à leur désidéologisation. Spinoza enseigne qu'il existe des niveaux de
l'idéologie — pas seulement religieuse — depuis l'assujettissement le plus as-
servissant jusqu'à l'idéologie rationalistement fondée sur le savoir de l'abso-
;
luité/matérialité. Pour le militant de l'Ethique, toute idéologie est plus ou
moins aliénante et/ou plus ou moins libératrice toute connaissance et toute
culture sont champ, objet, enjeu et moyen de lutte et point n'est de savoir
neutre.
LA PENSEE
REVUE DU RATIONALISME MODERNE
ARTS. SCIENCES. PHILOSOPHIE

• K. MARX, LA THÉORIE DE LA VALEUR DE RICARDO


ET LA NOTION DE TRAVAIL CHEZ HEGEL

< CRISE DE LA GÉOGRAPHIE



?
RÉFLEXIONS SUR LA GÉOGRAPHIE EN FRANCE
par AUGUSTE CORNU

par JEAN DRESCH

par GEORGES VIERS


< DÉBATS, COMBATS SUR LA "CRISE" DE LA
GÉOGRAPHIE EN FRANCE
par JACOUES SCHEIBLING

• DESCARTES, SPINOZA ET LE MOUVEMENT


HISTORIQUE DE LA RATIONALITÉ par JEAN-MARC GABAUDE

HISTOIRE RURALE DE LA FRANCE


D'AUJOURD'HUI. DES ORIGINES A NOS JOURS
par
ANTOINE CASANOVA
— JEAN FLAVIEN — CHARLES
PARAIN — FRANCIS POMPONI — FRANÇOIS SIGAUT

No 194
-
AOUT 1977
LA PENSEE
SOMMAIRE
DU NUMERO 194 (JUILLET-AOUT 1977)

Auguste Cornu :
Marx, le rejet de la théorie de la valeur de Ricardo et la criti-
que de la notion de travail chez Hegel 3

Jean Dresch :
Crise de la géographie ? 19

Georges Viers :
Réflexions sur la géographie en France 28

Jacques Scheibling :
Débats et combats sur la « » de la géographie
crise 41

Antoine Casanova et Charles Parain :


Problèmes d'Histoire rurale de la France d'aujourd'hui 57

1789. Débat :

Charles Parain : TOME 1. — La formation des campagnes françai-


ses. Des origines à 1340 60

jours.
Francis POMPONI : TOME II. — L'âge classique des paysans. De
64
:
1340 à

François Sigaut TOME III. — Apogée et crise de la civilisation


paysanne. De 1789à1914
:
71

Jean Flavien TOME IV. — La fin de la France paysanne. De 1914 à


nos 77
Jean-Marc Gabaude :
Descartes-Spinoza et le mouvement historique de la rationalité 81

Paul Labérenne :
Marx toujours
Marc Rivière :
présent. CHRONIQUES

Une nouvelle théorie de la surproduction permanente


99

110
Jean Suret-Canale :
Economie et sociétés d'Afrique tropicale. 121

Jean-Pierre Digard :
Situation actuelle et avenir de l'anthropologie en France 133
Raymonde Temkine :
A Nanterre, dix ans après, on a inauguré. 136

LES LIVRES

Mathématiques :
sai sur l'unité des mathématiques et divers écrits.
J.-F. Pabion : Logique mathématique. — Albert Lautman : Es-
141

Philosophie:
za. — Cahiers de Fontenay, 5 Condorcet. — Jean Monge
Métaphysique du hasard
:
A. Matheron : Le Christ et le salut des ignorants chez Spino-
:
142
:
Histoire
Albert Soboul
1848
: Problèmes paysans de la Révolution, 1789 à
146

Histoire ancienne :
Jerzy Kolendo : Le colonat en Afrique sous le Haut-Empire 148

Economie : : :
Rolande Borrely Les disparités sectorielles des taux de pro-
:
fits. — Philippe Zarifian Inflation et Crise monétaire. — Jac-
?
ques-Henri Jacot Croissance économique et fluctuations
conjoncturelles 151

Ethnologie : :
masculine.
Maurice Godelier et Pierre Bonté
les fondements de l'autorité
Le problème des formes et
154

Littérature: » (Revue). — Marc Elenine seul pour


« Œuvres et Critiques : Un
toute une vie 157

par
Maurice Bouvier-Ajam - Geneviève Brykman - François Favory - Jean
Gadrey - Elisabeth Guibert-Sledziewski - Paul Labérenne - Jean
Pandolfi - Marc Rivière - Suzanne Rossat-Mignod - Elisabeth
Smadja - Jean-Suret-Canale.

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