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Comptes rendus des séances de

l'Académie des Inscriptions et


Belles-Lettres

L'origine copte du type de saint Michel debout sur le dragon


Guillaume de Jerphanion

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de Jerphanion Guillaume. L'origine copte du type de saint Michel debout sur le dragon. In: Comptes rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 82ᵉ année, N. 5, 1938. pp. 367-381;

doi : 10.3406/crai.1938.77076

http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1938_num_82_5_77076

Document généré le 04/06/2016


l'origine copte du type de saint michel 367
régnaient. A signaler entre autres le nom du roi de Byblos, la-
an-ti-in-Ha-mu, (le dieu 'Am donne). Ce résultat permettra
une intelligence plus exacte de la correspondance diplomatique
retrouvée dans ces mêmes archives. Il montre par de nouveaux
textes que des échanges très actifs et de toute nature mettaient
en relations la Mésopotamie, d'une part, d'autre part, Chypre
[Alashia), Ras Shamra (Ugaril), Byblos (Gublâ) et le pays des
Keftiu (Kaptàru), c'est-à-dire l'Egée et la côte syrienne, au
xxe siècle av. J.-C. C'est là un fait d'une grande importance
historique.
M. Dossin signale aussi que des textes historiques et religieux
rédigés en langue accadienne et en langue sumérienne, ainsi que
des textes en langue hurrite sont apparus dans les archives de
Mari. La présence de ces documents montre que la grande
cité du Moyen- Euph rate avait subi non seulement l'influence
suméro-accadienne venant de la Babylonie, mais encore
l'influence de la civilisation hurrite qui avait déjà pris une grande
importance à cette époque dans la Mésopotamie du Nord et sur
les bords du Tigre moyen.
M. Charles Picard parle sur l'équivalence de Kaphtor avec
la Crète.

COMMUNICATION

l'origine copte du type de saint michel debout slr le


dragon, par le p. g. de jerphan1on, correspondant de
l'académie.

Dans un des chapitres les plus captivants de sa belle


étude sur l'Art religieux du xne siècle1, M. Emile Mâle a
montré comment le culte de saint Michel, en Occident, a
son origine au'mont Gargan ; comment notre Mont-Saint-
Michel-au-péril-de-la-mer n'est, en quelque sorte, qu'une
réplique du Monte Sant'Angelo de la terre apulienne ;

1928.
1. Emile
Chap.Mâle,
VII, p.
L'art
257-262.
religieux du XII* siècle en France. 3* éd. Paris,
368 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCKIPTIONS
comment enfin l'image de l'archange debout sur le dragon,
qui ornait les sceaux des abbés du Mont-Saint-Michel, et
que l'on retrouve en des miniatures ou des peintures
murales, par exemple à la cathédrale du Puy1, est une
imitation de celle que, depuis des siècles, les fidèles
vénéraient au fond de la caverne du mont Gargan.

Fig. 1. — Bas- relief sur la chaire épiscopale au mont Gargan.

Cette très vieille image, peinte sur la paroi orientale de


l'antre sacré, a disparu ; mais on peut la restituer par deux
autres figures du xne siècle, conservées dans le même
sanctuaire. L'une est sculptée en bas-relief sur le flanc de la
chaire épiscopale. On y voit l'archange de face, dans une
pose tranquille, debout sur le corps d'un énorme serpent
qui se tord sous ses pieds, en redressant la tête ; des deux
mains, il enfonce dans la gueule du monstre la pointe de sa
lance qui, dirigée obliquement, lui barre le corps de droite

1. Peinture reproduite dans Louis Bréhier, L'art chrétien, Paris, 1913,


p. 252, %. 119 (d'après L. Giron, Les peintures murales de la. Haute-
Loire, Paris, 1911, pi. I).
l'origine copte du type de saint michel 369
à gauche et de haut en bas (fîg. 1). L'autre est une
statuette de même époque reproduisant le même type.
Ce type, M. Mâle observe qu'il n'est pas byzantin et
qu'il a dû naître au mont Gargan, dès les temps
carolingiens, pour se répandre de là en Europe.
Déjà Emile Bertaux, parlant du bas-relief de la chaire
épiscopale, avait dit : « cette figurine au visage épaté et au
corps trapu, est, par son attitude et par son action,
étrangère à l'iconographie byzantine »'. Et il l'opposait aux
nobles figures d'archanges, globe et sceptre en mains, dont
un des meilleurs exemples, connu de tout le monde, est
fourni par un ivoire du British Muséum2. Rien de plus
juste, en effet. Et l'on n'y saurait contredire. Mais il faut
s'en tenir aux termes qu'employaient Bertaux et M. Mâle,
et se bien garder d'y rien ajouter.
Or, c'est justement l'erreur qu'a faite, l'an dernier, un
archéologue belge, M. Max de Fraipont, dans un article où,
invoquant ces deux autorités, il altère et dépasse
singulièrement leur pensée. Le titre du mémoire suffit à en
indiquer le sens : Les origines occidentales du type de
saint Michel debout sur le dragon. A propos du bas-relief
de Florennes actuellement à V abbaye de Maredsous 3. Pour
ce savant, non seulement le type n'est pas byzantin, comme
disaient très bien Bertaux et M. Mâle ; mais il n'est pas
oriental. Au reste, il semble qu'il ne mette pas grande
différence entre ces deux termes, car nous lisons : « il est
incontestable que le saint Michel terrassant le dragon n'est
pas oriental : aucune fresque, aucun travail d'orfèvrerie
émaillée, aucune mosaïque, aucun ivoire byzantins
n'exhibèrent l'archange debout sur le monstre » 4. Et, tandis
1. Emile Bertaux, L'art dans l'Italie méridionale, Paris, 1904, p. 450.
2. O. M. Dalton, Catalogue of the ivory carvings of the Christian era...
ofthe British Muséum, London, 1909, p. 9, n° 6, pi. VI.
3. Revue Belge d'Archéologie et d'Histoire de l'Art, 1937, p. 289-301,
4 figures sur deux planches hors texte.
4. Ibid., p. 289. C'est nous qui soulignons les deux adjectifs. Le
second, étant au pluriel, se rapporte à toute rénumération qui précède.
1938 . 24
370 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
que M. Mâle se borne à écrire que le saint Michel debout
sur le dragon est né au mont Gargan — ce qui, nous le
verrons, est vrai dans la rigueur des termes, — M. de
Fraipont précise que c'est là une création proprement dite :
« cette antique icône, n'ayant été ni le pastiche, ni
l'interprétation d'un type antérieur, devait, pour l'avenir
constituer un prototype » *.
Ainsi formulée, l'affirmation est, je crois, nettement
contredite par trois petits fragments de tissus coptes du
vie ou du viie siècle dont j'ai l'honneur de présenter des
photographies à l'Académie. Le premier est à Londres, au
Victoria and Albert Muséum ; et il a été publié, en 1922,
par A. F. Kendrick dans son catalogue 2. Le morceau est
en très mauvais état. Sur l'original, les figures sont
difficilement reconnaissables. Aussi le catalogue donne-t-il à
la fois une photographie de l'objet et une restitution, que
la comparaison avec les deux autres fragments démontre
d'une exactitude étonnante. Les deux autres fragments
sont à Athènes : l'un au Musée des Arts décoratifs, et il a
été publié, en 1932, par M1Ie Anna Apostolaki dans le
catalogue de ce musée3; le second, au Musée Bénaki, et il est
encore inédit. Je dois les photographies que je présente à
Mlle Apostolaki (fig. 2) et à M. Théodore Macridy, l'ancien
directeur adjoint du musée de Stamboul, aujourd'hui
conservateur du musée Bénaki. Un coup d'œil sur ces images
montre que les trois objets sont pareils. Quelques
différences, dans les bordures, n'ont pas d'importance. Les
figures sont identiques. Si, dans la restitution du fragment
de Londres, elles paraissent un peu plus allongées, cela
tient à une légère traction exercée sur une étoffe près de

1. Revue Belge d'Archéologie et d'Histoire de l'Art, 1937, p. 291.


2. A. F. Kendrick, Victoria, and Albert Muséum. Department of
textiles. Catalogue of textiles from burying-grounds in Egypi. Vol. III.
Coptic period, London, 1922, p. 81, n°819, pi XXV.
3. Anna Apostolaki, Ta zoniixà 6<pa<jfi.aTa xou Èv 'Aôïjvaij Mouaetou twv
Tv/v&v, Athènes, 1932, p. 184-185, fig. 1527 (n« 1370).
L'ORIGINE COPTE DU TYPE DE SAINT MICHEL 371
tomber en poussière. Les dimensions sont aussi les
mêmes1.

*
Des trois fragments, le mieux conserve est celui du

Fig. 2. — Tissu copte au Musée des Arts décoratifs d'Athènes.

Musée des Arts décoratifs d'Athènes, et c'est lui que nous


considérerons. Nous y trouvons quatre sujets se répondant
1. Pour la largeur des motifs, seule partie comparable, M11" Apostolaki
donne 13 cm., et Kendrick 5 1/4 inches, ce qui est sensiblement la même
chose. M. Macridy a bieu voulu m'indiquer exactement la longueur et la
largeur de chacun des petits morceaux dont se compose la pièce figurée
sur la photographie (où, d'ailleurs, ils ne sont pas rigoureusement en place,
ayant tous têtes et pieds dans le même sens). La largeur du morceau
inférieur, mesurée un peu au-dessus du bas, est de 12 cm. 5. — Un quatrième
fragment, tout à fait semblable, a été publié depuis , longtemps par
Rob. Forrer, Die frûhchristlichen Alterthûmer aus dem Grâberfelde
von Achmin-Panopolis, Strassburg, 1893, pi. XVIII, 1.
372 COMPTES RENDES DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

deux à deux : ceux de droite répèlent, en les inversant,


ceux de gauche. D'ailleurs, le haut de la pièce, qui manque
ici, reproduisait à son tour les quatre mêmes sujets, mais
en les renversant de haut en bas. Symétrie ordinaire en
ce genre de décors, dont l'existence, dans le cas présent,
est prouvée par les deux autres fragments, plus
endommagés, mais plus étendus.
Je laisse de côté, pour le moment, les sujets du haut :
un oiseau posé sur un quadrupède. En bas, une figure
humaine, vêtue d'une longue tunique et d'une chlamyde,
est debout sur un dragon étendu à terre et qui relève la
tête. D'une main, elle tient une croix, et de l'autre, elle
frappe, avec une lance, dans un geste oblique, la gueule
du monstre. Les deux figures étant inversées, le geste est
fait d'une part de la main droite, d'autre part de la main
gauche. Si l'on considère la figure de droite, qui exprime
le véritable type — car c'est elle qui donne le coup de la
main droite — on ne peut pas ne pas être frappé de la
ressemblance qu'elle offre avec le saint Michel du mont
Gargan. Il n'y a pas d'ailes,, et la main gauche tient une
croix : deux différences, j'en conviens. Mais tout le reste
est identique. Même position du dragon dont le corps, est
allongé sur le sol, tandis que le cou se plie à angle droit et
que la tête se redresse, gueule ouverte. Mêmes
proportions trapues, même attitude impassible du personnage
masculin, debout, exactement de la même façon, sur le
corps du monstre. Même coup de lance, barrant le corps
de l'épaule droite à la cuisse gauche, et s'enfonçant dans
la gueule du dragon. Tout cela est tellement semblable
que l'hypothèse d'une pure rencontre n'est guère
admissible et que l'idée d'une imitation s'impose.
En effet, la multiplicité des exemplaires connus, leur
ressemblance avec d'autres images du même temps, que
j'indiquerai bientôt, prouve, sembie-t-il, que les tissus coptes
reproduisent un type consacré, commun en Egypte au
L'ORIGINE COPTE DU TVPË DE SAINT MICHEL 373
VIe siècle. Et il est naturel de penser qu'un exemplaire de
ce type, sous quelque forme que ce soit : tissu, peinture,
bas-relief, terre cuite, a pu pénétrer en Apulie vers les
débuts de l'époque carolingienne et servir plus ou moins de
modèle au peintre qui traça la première image de saint
Michel au mont Gargan.
Les différences que j'ai signalées ne contredisent pas
cette hypothèse. Elles la confirment plutôt. Le manque
d'ailes prouve — cela me paraît certain pour le vie siècle —
que les tissus coptes ne prétendent pas représenter saint
Michel. Mais cela ne prouve nullement que le peintre apu-
lien n'ait pu s'en inspirer. Pour faire de cette figure un
archange, il lui aura donné des ailes ; et, dans ce sens, on
dira, avec M. Mâle, que ce type de saint Michel est né au
mont Gargan ; mais on ne dira pas, avec M. de Fraipont,
qu'il n'est « ni le pastiche, ni l'interprétation d'un type
antérieur », car il est plus que cela : il est presque la copie
du type copte que nous avons sous les yeux.
Dans celui-ci, la main gauche tient une croix — ce trait
ne surprend pas au vie ou au vue siècle — et le coup de
lance est donné d'une seule main. Au mont Gargan, il est
donné à deux mains. Or, si l'on y prend garde, on
s'aperçoit que ce dernier geste a quelque chose de gauche. Qui
veut frapper à terre, pour peu qu'il ait la main assurée,
frappera de la droite. La gauche, en intervenant, ne peut
que dévier le coup. C'est le geste des tissus coptes qui est
naturel et vrai. Il est primitif. L'autre est le résultat d'une
correction. J'imagine que le peintre, voyant son modèle
tenir une croix, aura voulu supprimer cet attribut qui ne
convenait pas à l'archange. Et, ne sachant que faire de la
main gauche, devenue libre, il l'aura simplement ramenée
sur le bas de la lance. Maladresse qui trahit la copie.
Erreur dont se gardera le plus souvent notre moyen âge
français. Au Puy, dans la fresque citée tout à l'heure, la
main gauche pend inerte. Mais ce n'est là qu'un pis aller.
374 comptes rendus de l'académie des inscriptions
Une combinaison plus heureuse, signalée par M. Mâle,
consiste à faire tenir un bouclier par cette main. On la
trouve, par exemple, dans un manuscrit du xue siècle de
la bibliothèque d'Avranches1, où le coup de lance, donné

Fig. 3. — Chapiteau du porche à Saint-Benolt-sur-Loire.

de la seule main droite est, non pas lourdement appuyé,


comme dans le bas-relief du mont Gargan, mais fièrement
lancé comme dans le prototype copte2. Cette conception
est fréquente.

1. Reproduit par M. Mâle, p. 260, iig. 173.


2. M. Mâle cite (p. 261-262), à Selles-su r-Cher, « un saint Michel debout
sur le dragon : immobile, il enfonce sa lance de la main gauche, dans la
gueule du monstre, au lieu de l'enfoncer de la droite ». Je ne sais s'il y a
l'origine copte du type de saint michel 375
On voit cependant quelquefois le coup donné des deux
mains, comme à Saint-Benoît-sur-Loire, dans un curieux
chapiteau du porche (fig. 3). Le sujet accompagne l'image
de la Fuite en Egypte. Il est. placé à gauche du motif
principal, — par suite de quoi le sculpteur s'est vu contraint
de mettre la tête du dragon à gauche et d'inverser le geste
de l'archange. A droite, pour faire pendant à ce groupe,
l'artiste a dressé une énorme figure d'Hérode. C'est l'en
nemi menaçant la vie de Jésus ; tandis que dans le dragon
terrassé, nous voyons l'ennemi vaincu, la menace réduite
à néant. Extensions et oppositions d'idées sur lesquelles
nous aurons à revenir dans un instant. 11 suffit de noter ici
qu'elles justifient pleinement la présence — assez
anormale, à première vue — de saint Michel à côté de la Fuite
en Egypte.

Une question se pose. Quel est le personnage figuré sur


les tissus coptes, ce vainqueur du dragon, dont nous
supposons qu'un peintre apulien a fait un saint Michel ?
En publiant le fragment du Victoria and Albert Muséum,
Kendrick — sans apporter aucun argument — y voit un
saint Michel. Pour les raisons que j'ai données, cette
opinion ne peut être admise. L'archange aurait des ailes, et il
ne tiendrait pas en main la croix, mais probablement le
globe.
Dans son catalogue, Mlle Apostolaki incline à
reconnaître dans la même figure Jésus-Christ. En effet, il existe
une série d'images du Christ foulant l'aspic et le basilic ou
le dragon qui peuvent être rapprochées de celle-ci, à
commencer par la fameuse peinture d'Alexandrie décrite

un motif à cette inversion insolite du geste (on va en voir un à Saint


Benoit-sur-Loire), mais on ne peut manquer d'observer que ce geste est
celui des panneaux gauches des tissus coptes. Peut-être verra- t-on là une
confirmation de nos hypothèses.
37() COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

autrefois par Néroutsos Bey1. On les trouve sur des tissus,


sur des lampes et d'autres menus d'objets"^. Mais le Christ
y est reeonnaissable à son costume et à des attributs
certains. Ici, rien de tel. Si la croix dans la main gauche
peut, à la rigueur, lui convenir3, l'absence du nimbe cruci-
gère, la chlamyde et surtout le diadème qui ceint la
chevelure interdisent de penser à Jésus-Christ 4.
Gayet aurait joint sans doute, s'il l'avait connue, cette
figure à celles qu'il a réunies autrefois pour en faire des
« saint Georges » : images de cavaliers ou de héros à pied,
terrassant ou tuant des animaux divers5. Une objection se
dresse à l'encontre : l'histoire du combat de saint Georges
et du dragon ne paraît que plus tard — du moins dans la
littérature.
Voici une idée que je soumets à l'Académie. Peut-être
pourrait-on voir, dans ce personnage mystérieux,
l'empereur Constantin. La chlamyde et le diadème lui
conviennent. La croix aussi dans la main. Et l'on pense au
témoignage d'Eusèbe racontant que, sur une statue élevée
à Rome, où il était représenté tenant à la main « le signe

1. A ce propos, il faut rappeler encore une fois que l'image publiée


par Néroutsos Bey ne représente pas cette peinture (comme on le dit
souvent, et comme fait encore M. de Fraipont, p. 297, n. 50) : c'est un
dessin d'un ivoire du Vatican donné exempli gra.Ua, et copié dans YHis-
toirede Dieu, deDidron. (Voir Orientalia christiana., XXVIII, 2, p. 307,
n. 1, XXXIV, 2, p. 213).
2. Exemples dans le Dictionnaire d'archéologie chrétienne, s. v.
Basilic, t. II, col. 511-514, et mieux dans le catalogue de M11* Apostolaki, loc.
cit., dans Byz. Zeitschr., t. XXXII, 1932, pi. IV et la note d'Or, christ.,
XXVIII, citée ci-dessus.
3. L'art chrétien du vi" siècle a mis quelquefois la croix dans la main de
Jésus opérant des miracles.
4. C'est aussi Jésus-Christ qui était généralement reconnu dans le
fragment Forrer, que nous avons signalé ci-dessus. Voici comment il est décrit
d'après cet anteur, par Dom Leclercq, Dict. d'Arch. chrét. et de Lit.,
t. 1, 1, col. 1052 : « l'aigle dans une attitude triomphante.. . est debout sur
le dos d'un loup, et dans le registre suivant de la même étoffe le Christ
piétine le crocodile qu'il perce de sa lance ». C. M. Kaufmann, Handbnch
der chrisllichen Archâologie, 3e éd., Paderborn, 1922, p 555, fig. 278,5,
reproduisant la seule figure humaine, la désigne ainsi : (S. Menas?).
5. Al. Gayet, L'art copte, Paris, 1902, p. 113-116.
l'origine copte du type de saint michel 377
salutaire de la croix » — to ator^piov toS orxaupou or^eiovy
— l'empereur fit graver cette inscription : « Par ce signe,
j'ai délivré votre ville du joug de la tyrannie » *. Peu
importent les objections faites à l'historicité de ce passage :
il était lu au vie siècle et tenu pour véridique : cela suffit.
On observera, en outre, que la lance dont est percé le
dragon porte aussi une croix à son sommet. Insistance
remarquable sur le rôle de la croix dans la défaite du
monstre.
Mais il est quelque chose de plus probant. Dans la Vità
Constantini, — et ici encore peu importe le caractère du
livre, — nous lisons la description d'une peinture où
l'empereur était fîgtfré en vainqueur du dragon. Le morceau
est curieux et mérite d'être cité. « Dans un tableau peint
très haut, sur l'entrée de la demeure impériale, Constantin
s'est fait représenter ayant le signe salutaire de la croix au-
dessus de la tête ; et au-dessous de lui, la bête ennemie et
détestée, qui combattit l'Eglise de Dieu par la main
des tyrans impies, était précipitée dans l'abîme, sous la
forme d'un dragon. C'est « dragon », en effet, et « ser-

>
pent tortueux » qu'elle est appelée par nos saintes lettres,
dans les livres des prophètes de Dieu. C'est pourquoi, dans
cette peinture à la cire, l'empereur voulut que tous pussent
voir, sous ses pieds et sous les pieds des siens, le dragon,
transpercé d'un trait par le milieu du corps, tombant dans
les profondeurs de la mer : image de l'ennemi invisible
du genre humain vaincu par la puissance du signe
sauveur. . . » 2.
Bien que la description fasse penser à un vaste tableau
où Constantin était entouré de sa famille, où la bête
roulait dans l'abîme au lieu d'être étendue sur le sol, on peut
dire que nous en avons un abrégé dans l'image des tissus
coptes. L'idée est la même, exprimée là de façon plus com-

1. Histoire ecclésiastique, 1. IX, ch. 9.


2. Eusèbe, Vie de Constantin, 1. III, ch. 3.
378 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
plexe, et là plus schématique. De part et d'autre, nous
voyons le vainqueur du dragon. C'en est assez pour
donner à l'interprétation que je propose une réelle
probabilité.
Toutefois, je n'oserais pas la présenter comme certaine.
Et je me demande s'il ne conviendrait pas de s'arrêter à
une explication de caractère plus général, qui embrasse et
dépasse toutes ces interprétations particulières. J'y suis
du reste convié par Eusèbe lui-même qui, au fond, voit
plusieurs choses sous les apparences du dragon.
En outre, il faut tenir compte du fait que, dans nos tissus,
le motif « du vainqueur du dragon » s'accompagne, sur les
quartiers du haut, d'un autre motif dont le choix,
apparemment, n'est pas arbitraire. A première vue, nul rapport
entre les deux sujets. Des animaux : un oiseau, un
quadrupède. Que peuvent-ils avoir de commun avec le
mystérieux héros du bas ? Mais à regarder de près, on
s'aperçoit que l'action des deux bêtes répond exactement à celle
qui se déroule en dessous. L'oiseau est un aigle d'assez
■ fière allure ; et il est posé sur le quadrupède auquel, à vrai
dire, on est embarrassé pour donner un nom. Mlle Aposto-
laki en fait un lièvre ', mais il n'en a ni la tête ni surtout la
bouche. Le coup de dent est caractéristique. J'y reconnais
un chien ou, peut-être, un chacal. Les jambes fléchies, il
paraît écrasé sous le poids du rapace, comme le dragon l'est
sous les pieds du héros. Gomme lui, il redresse la tête, la
retourne et, la bouche ouverte, cherche à mordre son
vainqueur ; mais celui-ci, d'un mouvement décisif, lui
plante sa griffe dans la mâchoire. C'est le pendant du coup
de lance. L'action est la même.
Or, au groupe de deux animaux, on est tout
naturellement porté à donner une valeur symbolique. L'aigle orne
quantité de stèles coptes où il est symbole de vie ou de

1. Le motif du lièvre enlevé par un aigle est, en effet, assez commun


dans l'art copte.
l'origine copte du type de saint michel 379
résurrection. N'a-t-il pas sur nos tissus une valeur
analogue? Et n'avons-nous pas, dans le groupe des deux
animaux, une image de la victoire de la vie sur la mort, ou
— ce qui est équivalent — de la lumière sur les ténèbres ?
Idée abstraite qui peut d'ailleurs prendre corps, cette
victoire se concrétisant dans celle de Jésus-Christ ressuscité,
vainqueur de la mort, ou de Constantin vainqueur de
Maxence ou de Licinius, ou de l'Eglise victorieuse du
pagnanisme., ou de l'orthodoxie victorieuse de l'hérésie.
Ce sont des interprétations analogues que l'on a
données d'un sujet assez voisin ; le combat du coq et de la
tortue. Interprétations de caractère abstrait ou concret
au gré de qui explique, et qui, peut-être, ne sont tout à fait
justes qu'à la condition de ne pas être présentées comme
exclusives l'une de l'autre '.
Je pense qu'il en est de même ici. Dans le double motif
des tissus coptes, on verra, sous des formes différentes,
la victoire de la lumière sur les ténèbres, de la vérité sur
l'erreur, de l'esprit du bien sur l'esprit du mal. Lumière,
vérité, esprit du bien, figurés par l'oiseau qui monte aux
sphères éthérées, par l'homme dont le front, chargé de
pensée, se dresse vers le ciel. Ténèbres, erreur, esprit du
mal, ce sont le dragon qui rampe à terre, le vil quadrupède
attaché au sol.
Il sera loisible, d'ailleurs, de personnifier le vainqueur
et de lui donner des noms divers. Celui de Jésus lui
convient assurément. Mais, peut-être, le nom de Constantin
répondait-il mieux à la pensée de l'artiste qui créa le
modèle reproduit par nos tissus. Pensée dont ne s'écarte
pas beaucoup le peintre apulien, en lui donnant à son tour
le nom de Michel, le vainqueur « du grand dragon, de

1. Sur les deux représentations de ce combat en deux basiliques d'Aqui-


lée, voirC. Gecchelli, Gliedifici ed i mosaici paleocristiani nella zona délia
basilica di Aquileia, (extrait de La Basilica di Aquileia), Bologna, 1933,
p. 144, 176, 267-270, pi. XVIII, XXV.
380 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
l'antique serpent, qui s'appelle Diable et Satan », comme
s'exprime l'Apocalypse1.
En somme, dans toutes ces interprétations, nous
retrouvons une pensée chère aux vieilles mythologies. Elles ont
toutes connu « le héros vainqueur du monstre ». Et l'on
devine que, sous le même symbole, elles ont mis à peu
près le même fond d'idées communes. En ce sens, il est
permis de rapprocher certaines images chrétiennes de celles
de l'ancienne Egypte où Horus était montré foulant les
crocodiles et vainqueur des animaux nuisibles. Celle qui
nous occupe est du nombre, et, par delà les modèles
coptes, on soupçonne qu'elle se rattache à de très antiques
traditions égyptiennes.
Mais ce qui est plus singulier — et je vous demande la
permission d'ajouter encore cette ultime considération —
c'est que « le héros vainqueur du monstre » a passé même
chez les Musulmans et qu'il s'y montre dans un certain
parallélisme avec notre saint Michel.
Ce héros est le Khidr que l'on identifie communément
avec saint Georges, mais qu'une légende fort embrouillée
confond avec bien d'autres personnages, en particulier avec
Élie 2.
En fait, les paysans d'Asie Mineure lui consacrent encore
aujourd'hui les sommets de montagnes — souvenir sans
doute du mont Garmel — où ils dressent en son honneur
des tas de pierres. Il n'est guère de voyageur d'Orient qui
n'ait rencontré sur sa route de ces lieux de pèlerinage
dénommés Khedreles, corruption de Khidr-Elias. Pour
ma part, j'en connais plusieurs, et je me rappelle avoir

1 . Kal èylvexo 7to'XejjLOî Iv tw oùpavai, 6 Mt)(aï)X xai oî àYysXot aù-cou tou


noXtp.rpa.i jxfexàe. tou o"pà/.ovToç xat I(3XtJGï] ô Spàxwv ô fjiyaç, ô oçiç ô
àpyoLioi, 6 xaXou[i.£vo; Ata^oXoç xai ô Satavà; (Apoc, XII, 7, 9).
2. Sur le Khidr, voir ï Encyclopédie de l'Islam au mot al- Khadir . Pour
son identification avec saint Georges (et d'autres héros comme Persée,
Bellérophon, Reseph, Horus, etc.), voir Clermont-Ganneau, Revue
archéologique, Nouv. série, t. XXXII, 1876, p. 386-399 ; XXXIII, 1877, p. 21-31 .
l'origine copte du type de saint michel 381
vu les villageois des environs y monter le jour de saint
Georges, 23 avril. La masse des pèlerins était musulmane,
mais il s'y trouvait aussi des chrétiens, tant était grande
la popularité de ce Khidr, vainqueur du monstre à l'égal de
saint Georges, maître des sommets à l'égal d'Elie.
Or, M. Mâle a noté très justement que c'est aussi
comme un esprit des sommets que le moyen âge
occidental a conçu saint Michel. Il se manifeste sur les
montagnes : au mont Gargan, au mont Saint-Michel du
diocèse d'Avranches. C'est là qu'on lui construit les
sanctuaires les plus célèbres. Leurs imitations se dressent sur
des sommets : à la pointe du mont Aiguilhe près du Puy,
sur le mont Gaurus, près de Sorrente. A Rome, un pape
du vne siècle élève une chapelle de saint Michel au plus
haut du môle d'Hadrien — le château Saint-Ange — et
c'est pour le peuple « Saint-Michel-entre-les-nuages ».
Dès l'époque carolingienne, il était d'usage d'honorer
l'archange dans les parties hautes et spécialement dans les
tours des églises1.
N'y a-t-il pas là un singulier parallélisme ? Et n'est-il
pas suggestif de voir chez les Musulmans comme chez les
Chrétiens, parmi les fidèles des deux religions qui se sont
substituées, dans l'ancien monde méditerranéen, aux
vieilles mythologies païennes, de voir transformer en maître
des hauteurs, en esprit des sommets celui qui a pris les
traits de l'antique « héros vainqueur du monstre », et qui
personnifie le triomphe du bien sur le mal ? C'est la
manifestation de cette tendance universelle de l'esprit humain
qui le porte à faire régner le bien dans les régions
supérieures, à reléguer le mal dans les bas-fonds des zones
inférieures.

- 1. Emile Mâle, L'art religieux dn XII* siècle, p. 259-261.

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