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Gildas Tanguy : “Préfet et réforme territoriale : une recomposition

permanente et exigeante des missions et des rôles”

À observer l’ensemble de la production législative et réglementaire qui définit la


fonction préfectorale depuis la naissance du corps en l’an VIII, on ne peut être que
surpris par la stabilité de la terminologie employée. Cette continuité apparente ne doit
pas cependant dissimuler les évolutions et les ruptures que l’institution a connues. On
distingue généralement deux processus opposés.

Le premier renverrait aux moments de renforcement ou de réaffirmation des


prérogatives préfectorales, élargissant ainsi son pouvoir de tutelle et de contrôle sur
les pouvoirs locaux. Ce sont, d’une part, les textes qui délimitent et restreignent la libre
administration des collectivités locales. On peut citer à cet égard les lois du 7 juillet
1852 et du 21 janvier 1874, qui octroient au préfet les nominations et les révocations
des maires et adjoints des communes inférieures à 3 000 habitants. Ce sont, d’autre
part, les textes qui consolident son autorité administrative. Le décret du 25 mars 1852,
considéré comme une “véritable charte de l’administration préfectorale”, s’inscrit
pleinement dans ce registre. Le Second Empire assoit ainsi le magistère juridique et
politique du préfet en lui permettant de statuer sur “toutes les affaires
départementales et communales [qui] n’affectent [pas] directement l’intérêt général
de l’État” (art. 1er). Connues pour leur œuvre décentralisatrice, la Troisième et la
Cinquième Républiques ont aussi entendu réaffirmer à plusieurs reprises la
prééminence du préfet. C’est le cas notamment du décret-loi du 5 novembre 1926 qui,
bien que présenté comme une législation décentralisatrice et libérale, met en œuvre
dans les faits une large déconcentration au profit de l’institution préfectorale. Le décret
du 14 mars 1964, qui crée par ailleurs les préfets de région, est aussi et surtout un
texte qui délivre au représentant de l’État l’autorité sur l’ensemble des services
territoriaux des ministères.

Le second renverrait au développement et à l’approfondissement des libertés locales.


On retiendra ici deux exemples paradigmatiques. La “grande loi” du 5 avril 1884 sur les
libertés municipales, qui affirme le principe de l’élection du maire par le conseil
municipal, encadre les pouvoirs d’intervention du préfet. Il ne peut annuler une
délibération municipale ou se substituer au maire que dans le cadre d’un processus
normatif explicite (motivation de la décision, délai prescrit, pourvoi possible contre
l’arrêté préfectoral…). Cette législation est complétée et enrichie par la loi du 8 juillet
1908, qui réforme la suspension et la révocation des maires en obligeant les préfets à
entendre préalablement les maires sur les faits qui leur sont reprochés et à motiver leur
décision. La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions (communément appelée “l’acte I de la décentralisation”)
supprime la tutelle préfectorale (contrôle a priori) au profit d’un contrôle de légalité qui
se fonde sur trois grands principes : il s’agit d’un contrôle s’exerçant sur des actes
ayant déjà force exécutoire (contrôle a posteriori), exclusif de toute considération
d’opportunité (à la différence de la tutelle) et que seul le juge administratif a le pouvoir
d’annuler.

Aussi suggestives soient-elles, ces deux lectures ne rendent qu’imparfaitement


compte des transformations et des évolutions du rôle préfectoral depuis une trentaine
d’années. En effet, l’approfondissement continu de la décentralisation que la France a
connu depuis 1982 ne signifie pas pour autant un effacement progressif du préfet du
paysage administratif. Bien au contraire, ce maelström décentralisateur a
profondément complexifié et renforcé la place et le rôle du préfet (notamment du
préfet de région et du secrétariat général aux affaires régionales [Sgar] mais pas
seulement contrairement à une conception trop souvent admise) dans la mise en
œuvre et le pilotage des politiques publiques. C’est ce que nous pourrions appeler ici
le paradoxe décentralisateur. Pour le dire autrement, le préfet (nous y incluons aussi le
sous-préfet d’arrondissement) est devenu un acteur majeur – pour ne pas dire
incontournable – de l’État territorial. Au moins selon deux modalités principales : d’une
part, en devenant un référent central dans le processus d’accompagnement des
réformes territoriales depuis la loi sur l’administration territoriale de la République
(ATR) du 6 février 1992. Le préfet de département a ainsi accompagné depuis plus de
vingt ans la “révolution intercommunale” en présidant les commissions
départementales de coopération intercommunale (CDCI). Dotés de pouvoirs
significatifs, les préfets ont très souvent privilégié un rôle d’animateur, de facilitateur et
de conciliateur au détriment d’une lecture stricte et rigide de leurs prérogatives. S’il ne
s’agit pas de prétendre que la mise en place des schémas départementaux de
coopération intercommunale (SDCI) s’est réalisée dans un consensus généralisé – de
vives tensions avec les élus locaux sont apparues ici ou là en fonction des
configurations locales –, on peut néanmoins affirmer que l’extrême majorité des
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est le fruit d’un dialogue
constant et nourri entre les représentants de l’État (préfet et sous-préfet) et l’ensemble
des élus locaux. C’est ce que nous observons aujourd’hui, sans préjugé cependant de
l’issue d’une réforme en cours, à propos la future loi portant Nouvelle organisation
territoriale de la République (NOTRe). Les représentants de l’État sont particulièrement
sollicités et mobilisés dans la redéfinition de la carte intercommunale et les projets de
regroupements de communes (loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime
de la commune nouvelle).

Pivots dans la mise en œuvre des réformes territoriales, les préfets ont vu également,
depuis le milieu des années 2000 – loi constitutionnelle du 28 mars 2003 consacrant
l’Acte II de la décentralisation mais surtout décret du 16 février 2010 relatif aux
pouvoirs des préfets et loi Réate du 16 décembre 2010 initiés dans le cadre de la
Révision générale des politiques publiques (RGPP) –, un élargissement considérable de
leur rôle de coordonnateurs et de responsables de l’action publique. Même si l’égalité
fonctionnelle est juridiquement maintenue dans son principe entre les préfets, les
innovations législatives et réglementaires consacrent le préfet de région comme le
principal dépositaire – le primus inter pares – de l’action publique (le décret du 16
février 2010 venant ainsi parachever un long processus initié finalement dès 1964).

Ce lien d’autorité – qui n’est pas pour autant un lien hiérarchique – s’inscrit dans une
volonté de renforcer l’efficacité des politiques publiques à l’échelon territorial ; la
gestion et la coordination des moyens (notamment à travers le “programme 307”)
relevant des attributions du préfet de région ; le préfet de département conservant un
rôle clé (au-delà bien sûr de ses pouvoirs régaliens) dans la territorialisation des
politiques publiques. La régionalisation du pouvoir préfectoral devrait s’affirmer encore
un peu plus à travers la réforme de la carte régionale au 1er janvier 2016. Le rôle des 7
préfets préfigurateurs récemment nommés étant, à cet égard, stratégique et essentiel.

Si les réformes territoriales ont indéniablement consolidé et renforcé la place des


préfets, les représentants de l’État doivent cependant aujourd’hui concilier les
exigences de leur fonction et de leur mission avec une situation de contrainte
budgétaire de plus en plus tendue (voir notamment le plan “Préfectures nouvelle
génération” présenté par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, le 9 juin
dernier). Il va de soi que l’exercice plein et entier et, par-delà, les exigences du métier
préfectoral ne pourront continuellement se poursuivre dans un contexte de raréfaction
permanente des dotations de l’État. Il y aura nécessairement un équilibre à trouver.

[1] La multiplication, à côté des préfets de droit commun, des préfets spécialisés
(préfets de massif, préfets de bassin, préfets à l’égalité des chances, préfets délégués
à la police ou encore les 7 préfets de zone de défense et de sécurité) – créés par la loi
du 29 juillet 2009 complétée par deux décrets du 4 mars 2010 – a aussi contribué à
renforcer le poids des représentants de l’État dans la définition de l’action publique.

[2] En lieu et place du décret du 29 avril 2004.

[3] Si le décret du 14 mars 1964 relatif à l’organisation des services de l’État


circonscrivait le rôle du préfet de région au développement économique et à
l’aménagement du territoire, un arsenal de textes avait déjà largement renforcé son
rôle au cours de la Ve République. Cf. notamment la loi du 6 février 1992 et le décret du
1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration qui élargissent les compétences
du préfet de région en matière de développement économique et social (domaine dans
lequel l’action des préfets de département n’est plus simplement coordonnée mais
dirigée), le décret du 4 juillet 2002 qui renforce les pouvoirs du préfet de région en
matière d’aménagement et de développement durable ou le décret du 29 avril 2004
qui étend très sensiblement les domaines d’intervention du préfet de région en matière
d’emploi, de développement durable, de logement, de rénovation urbaine ou de santé.

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