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Rendez-vous à sept heures au second six-mètres 1 à gauche qu’elle m’avait dit.

Le soleil était tout


juste levé que déjà la chaleur semblait rendre incandescentes les fleurs des flamboyants, réduites à
de simples torches. J’étais évidemment en retard à en juger par le vendeur de mangues du coin de la
rue qui était passé de sa position nocturne - affalé à l’horizontal sur son chariot - à celle diurne,
faisant le pied de grue à côté d’une cargaison de fruits d’où émanait une écœurante odeur de sucre.

J’avais rendez-vous avec Mme Traoré. Une des Mme Traoré du pays en vérité. Déjà la dixième que je
rencontrais en trois mois et je commençais même à croire que toutes les burkinabés s’appelaient
comme çà, histoire de me compliquer la tâche. Ma mission ? Etudier les techniques traditionnelles de
transformation d’une petite céréale africaine, le fonio, très lointaine cousine des quinoa, amarante et
autres teffs trônant sur les étals des magasins bio de l’hexagone. Et quand je dis traditionnel, c’est
traditionnel. Une série de calebasses, des bassines en plastique et zou, voilà de quoi vous occuper
pour la journée. Il faut bien dire que la vilaine céréale est coriace à amadouer : d’abord débarrassée
de sa coque pour devenir comestible, ses grains ont l’exact diamètre du sable dans lequel la plante
évolue. Autant vous dire que jamais l’expression chercher une aiguille dans une botte de foin n’aura
été si bien trouvée. Et impossible pour des bobios de supermarché saisissant fièrement dans les
rayons leur paquet de céréale en rendant grâce aux terres brûlées de l’Afrique de se douter du
véritable travail d’orpaillage auquel des milliers de femmes ont dû se livrer autour de cette ridicule
petite graine. Jusqu’à s’en crever les yeux me diront-elles.

Voilà la tantie qui arrive. Enorme masse sur une monture indonésienne, pétaradante et relevant le
défi des nids de poule, des chiens couchés sur la route et d’une circulation digne de l’épopée le jour
et du suicide la nuit. Elle porte un pagne bien serré, jaune criard et qui porte le nom d’œil-de-ma-
rivale. Son choix vestimentaire se sera fait parmi des centaines de modèles, tous aussi colorés les uns
que les autres, baptisé d’un nom et délivrant un message des plus explicites. Le prêt-à-porter est
encore peu répandu dans le pays et la confection d’habits reste un moyen de communication
d’ailleurs bien identifié par les publicitaires où les partis politiques. D’où les robes à imprimés boites
de sardines, cubes Maggi ou de ce joufflu maire d’arrondissement. J’apprendrai un peu plus tard que
ma fameuse Mme Traoré comptait bien faire obstacle, un pléonasme dirais-je, à l’arrivée d’une
seconde épouse dans son foyer. Intéressées, vous voilà prévenues.

J’enjambe son héroïque bécane et nous nous élançons sur les routes de terre battue, longeant les
restes éparpillées d’une énième manifestation étudiante contre la réélection d’un président au
pouvoir depuis bientôt vingt-sept ans. Dans une envolée de taxis verts France-Au-Revoir et dont la
forme laisse supposer qu’il s’agissait bien de voiture fût un temps, nous filons à tout allure, les yeux
bien loin des feux rouges et de toutes formes de signalisation en vérité. A part pour avoir son numéro
de téléphone, bien loin l’idée des policiers d’arrêter la gente féminine. Il faut dire que la sécurité
routière et le Burkina Faso ont toujours fait deux. Rendre obligatoire le port du casque ? Trois
commissariats brûlés en une nuit. A croire que les autorités avaient fini par jeter l’éponge.

Au-delà des célibateriums - petits appartements étudiants - de l’excentrique Ouaga 2000 - amalgame
de palais des milles et une nuit au goût plus que douteux - et des interminables alignements de

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Comprendre rue non-goudronnée. Bien qu’anarchiques, les plans d’urbanisme fixent à six mètres la largeur
standard des rues, d’où l’expression.

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baraques en parpaing, bien loin de tout goudron, éclairage public et alimentés en eau et en électricité
selon le sens du vent, nous finissons par arriver dans une petite cour proprette et plantée de
manguiers. Une chienne aux mamelles touchant terre s’écarte mollement. Un bébé se met à
gazouiller. A droite, c’est un épais brouillard de farine de pain de singe, le fruit du baobab, qui flotte
dans les airs et qui donne des allures de forçat du ciment à une petite femme d’une vingtaine
d’années. La poudre sera mêlée à de l’eau pour obtenir une épaisse et excellente sucrerie -
comprendre boisson - et qui fait office de dessert dans les restaurants. Au sol, des fleurs d’hibiscus
sèchent dans une odeur de paille chaude au milieu de claies métalliques et de poules flanquées d’une
ribambelle de poussins aussi hauts sur pattes que maigrelets.

Les petites mains objets de mon étude sont déjà au travail. Autant de jeunes femmes, la courbe
généreuse et la langue bien pendue, déjà affairées le nez dans leurs calebasses, assises sur de
minuscules tabourets, une large bassine en plastique coincée entre les jambes. Les dialogues
édulcorés d’une de ces séries brésiliennes qui cartonnent dans tout le pays émanent d’une fenêtre
sans carreau et couvre le clapotis des mains qui jouent dans l’eau.

Bien alignées en rang d’oignons, les femmes font décanter les grains de fonio dans leurs calebasses
au-dessus d’une grande cuve à eau, comme le ferait un bataillon de chercheurs d’or, dans une chaine
d’opération et de gestes millimétrés et répétés des centaines, des milliers de fois. Laisser
soigneusement le sable lourd couler au fond de la calebasse en faisant glisser les bons grains entre les
doigts. Sentir, toucher le diamètre des grains pour percevoir leur degré de gonflement. Repérer le
grain noir qui échappe à la logique newtonienne. Faire tourner l’eau lentement par la rotation
incessante du poignet et entrainer progressivement le fonio surnageant à déborder dans la bassine en
plastique. Récupérer le fonio trié et le passer à sa voisine qui recommencera la même opération.
Douze passages au total et des heures de travail, courbé et les mains dans l’eau.

Et avant cela, il aura fallu que la plus corvéable des employées trime en plein soleil, l’échine courbée
sur des cuves remplies d’une pâte élastique, mélange de fonio couvert de terre tout juste sorti de
sacs de jute et d’eau. Comme un vulgaire pâton de boulanger, il aura fallu y enfoncer ses mains
jusqu’aux coudes pour pétrir encore et encore cette masse et arriver à la débarrasser de ses éléments
les plus grossiers et d’espérer pouvoir entamer son minutieux lavage.

Le travail est dur, les femmes le disent. Beaucoup sont d’anciennes vendeuses de mangues, attirées
par une attractive et dérisoire rémunération culminant à 1,5 € /jour mais surtout par l’apprentissage
d’un savoir-faire dans un pays où l’alphabétisation n’est que de 30 %. Beaucoup d’entre elles
espèrent bien vite quitter leur rôle d’employée pour monter leur propre unité de transformation
céréalière. Rien à voir évidemment avec ce que cette désignation évoque sous nos latitudes mais c’est
pour toutes ces femmes le moyen de voler de leur propres ailes, une voie d’émancipation par mise en
valeur de tous ces gestes transmis par une mère ou une tante au fond d’une cuisine. Surtout depuis
les émeutes de la faim de 2008, ces unités de transformation se répandent comme une trainée de
poudre dans toute l’Afrique de l’Ouest. Il faut redonner aux africains le goût du mil, du sorgho, du
fonio pour solutionner des importations de plus en plus coûteuses en riz de Thaïlande ou en pâtes
d’Italie. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ces femmes l’ont bien compris. Véritable
matriarche de sa petite armée d’artisanes, Mme Traoré sait faire filer droit ses affaires et innove à
tour de bras pour rendre les produits locaux « aussi enjailleur (séducteur) qu’un paquet de Panzani »
comme elle dit. Elle aligne d’ailleurs toute une série de trophées de foires alimentaires et, comble des

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honneurs, un portrait géant de Blaise Compaoré posant à ces côtés, elle, la digne représentante de la
réussite nationale féminine. Elle en a la larme à l’œil.

Par ici la bouillie infantile de mil, les céréales précuites, le couscous magique qui cuit presque tout
seul et les mariages plus ou moins réussi de fonio et de plantes médicinales de tout poil. En farine, en
grain, en biscuit, en boisson, les céréales locales en voient de toutes les couleurs et l’inventivité des
unités de production locales n’a pour limite que le goût de consommateurs un peu perdus dans ce feu
d’artifice de recettes miracles. Et pourtant, on peut dire qu’elle s’en donne du mal ma chef
d’entreprise prodigue.

Rien que pour faire venir les céréales à la capitale c’est un vrai parcours du combattant. Récolté et
décortiqué dans les campagnes, c’est bien en ville que le fonio sera lavé et empaqueté. Avec pas
moins de dix litres d’eau pour laver un kilo de fonio, dur de faire autrement. Ici les femmes pourront
aller chercher l’eau à la pompe et au moins elle sera plus propre que dans les marigots. Reste bien sûr
les routes non bitumées, les inondations et les fréquents renversements de camions surchargés qui
compliquent la donne. Dur de faire un planning quand on ignore quand et dans quel état la
marchandise arrivera.

En attendant, les femmes dessablent à l’ombre des bâtiments, ne s’arrêtant que pour allaiter un bébé
solidement emmailloté contre leurs flancs ou pour pousser des Hein ?! approbateurs de discussions
portant sur des voisines infidèles ou des cousines aux mœurs trop légères. Si la politique et Blaiso,
petit surnom bien répandu du pourtant contesté président, délie parfois un peu trop les langues, c’est
bien évidemment sur leurs hommes et ceux des autres que les femmes s’animent le plus. Les mains
dans l’eau, l’œil dans la calebasse et une séries de gestes enclenchée pour toute la journée, les
exclamations surjouées des lolitas brésiliennes disparaissent bientôt sous les claquements de langues,
les rires et bien souvent les chants.

Posée dans un coin, j’observe, je dessine, je note, ethnologue improvisée de scènes domestiques
ayant survécu à la mécanisation, oubliée de mes sujets d’étude et témoin de procédés de toute façon
condamnés à disparaitre. De l’anthropologie des techniques que ça s’appelle. Tout parait tellement
lent, tellement archaïque et pourtant à force de répétitions et de patience, chaque kilo de fonio se
verra débarrassé du moindre grain de sable. Et pas question de transiger là-dessus. Céréale qualifiée
de germe du monde par les Dogons, le fonio est tellement ancré dans les rites d’initiation, les
naissances et les mariages que sa qualité doit être irréprochable. Un malheureux grain de sable dans
le fonio et c’est l’honneur de la cuisinière et de la femme qui s’écroule.

S’il reste un plat de luxe encore inaccessible pour les ménages modestes hors de ses bassins de
production - à l’ouest du pays - le fonio a le vent en poupe et on lui consacre même une foire
annuelle, perdue à la frontière malienne. C’est bien pour ça que Mme Traoré veille au grain et à ce
que seules celles qui ont le « coup de main » s’allouent le droit de plaisanter en faisant leur travail.
Pour les autres, c’est sérieux et concentration de rigueur.

Des geckos et des margouillats profitent de l’occupation ambiante pour rejoindre la fraicheur relative
des habitations. Des enfants du quartier viennent acheter des pains de glace à manger, histoire de se
rafraichir. De grandes roussettes font des leurs dans les manguiers pour s’abriter d’un soleil de plus
en plus ardent. J’entends le battement régulier émis par une cuisinière d’à peine quinze ans dans un
renfoncement ombragé de la cour. Accroupie devant une petite marmite en fonte, elle brasse avec un

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bâton une bouillie à l’allure de polenta, plat quotidien des ménages les plus modestes. Ma hantise
aussi. Agrémenté d’une sauce à base de soumbala - un condiment malheureusement incontournable
à la délicate odeur de pieds - le Tô, puisqu’il faut bien le nommer, incarne à lui seul toute la cuisine
burkinabé. Fabriqué à base de farine de mil et de plus en plus fréquemment de maïs, la consistance
de cette triste pâte est proportionnelle aux moyens financiers de la cuisinière et aussi affriolant en
bouche qu’une purée ratée. Une excellente alternative aux régimes Dukan ou autres Weight
Watchers de nos contrées.

A l’approche de midi, les gestes se font plus lents, les discussions moins agitées. Une femme s’occupe
de vider les eaux sales de lavage, mousseuses et presque opaques, dans la rue. Tant pis pour les
voisins qui se plaignent que ça attire les termites. On secoue d’une main hasardeuse les fleurs
d’hibiscus qui finissent de sécher au sol.

Une petite femme, à la silhouette aussi large que haute entre dans la cour et fonce droit sur ma
brochette d’artisanes qui se sont tues. Elle, c’est Félicité, une vieille veuve qui tient la cantine du
ministère situé en centre-ville. On compte des dizaines de ces petites salles, nichées à l’ombre des
bâtiments institutionnels et qui assurent la restauration rapide des fonctionnaires et de qui veut bien
s’y rendre sur le coup de midi. Elle y cuisine depuis huit heures du matin avec les veuves du quartier
et doit à un programme public mené sur toute l’Afrique de l’Ouest cette opportunité qui lui permet
de vivoter. Des marmites sur un feu de bois, trois tables et de bonnes relations avec les
commerçantes du marché, voilà ses seules richesses. Voilà ce qui lui permet de nourrir des
travailleurs affamés à grand coup de louche de riz-gras ou de macaronis, voire souvent des deux
empilés. Pour 300 FCFA l’assiette de près de 500g (soit 45 c), sûr qu’ils en ont pour leur argent. Et pas
question d’en laisser une miette, l’absence de viande est compensée par une quantité gargantuesque
de riz et d’une avalanche de sauce aussi grasse que salée. La Maggi du cube dira-t-on.

Une vraie trouvaille culinaire pour « t’éviter une coépouse à la maison ». Enfin, c’est ce que disent les
panneaux. Sûr que ma Mme Traoré en a acheté toute une cargaison.

La vieille comme on l’appelle est venue s’enquérir du fonio en train d’être préparé et vu que ces trois
cartes de téléphone n’ont pu avoir raison des caprices du réseau, elle a préféré venir directement en
un coup de scooter. Il faut dire qu’elle cuisine aussi pour les mariages et que la promise étant de
l’ethnie Dioula, il est impensable d’y manger autre chose que du fonio. C’est dit, elle le préparera avec
une sauce claire et du mouton.

Mme Traoré et ses concurrentes privilégient toujours la vente directe de leurs produits. Cela leur
permet d’éviter d’avoir affaire aux libanais qui ont le monopole commercial de la ville. Taillés dans un
monolithe, aussi poilus que patibulaires, ils tiennent à la baguette les supermarchés et jouent les big
brothers zélés des commerces de la capitale. Pas sûr que ma chef d’entreprise fasse le poids.

Les trente kilos de fonio seront prêts pour le lendemain. Les femmes finissent justement de le
dessabler. Toute la marchandise passe d’ailleurs dans les mains de la plus vieille et de la plus
expérimentée des employées. C’est son seul avis qui scellera la suite des opérations. Et gare aux
laveuses s’il reste un seul grain de sable, tout le fonio devra être à nouveau trié ! Elle brasse les grains
d’un air blasé. Le tâte. Le goûte. C’est bon pour cette fois. Reste à allumer un feu de bois et à tout
faire précuire dans un empilement de gamelles en fonte. Mis à égoutter sur un pneu surélevé, le
fonio dore rapidement au soleil sur des claies de séchage avant d’être emmailloté dans un foulard

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fleuri. Il est enfermé dans une marmite rendue étanche avec de la graisse avant d’être mis trente
minutes sur un feu de bois dans un renfoncement sombre, derrière la maison. Une femme entretient
le feu avec un bâton aux côtés de la petite cuisinière qui entreprend maintenant de couper de larges
morceaux d’aubergine et de gombos.

Toutes deux sont en nage, collées devant des fourneaux crépitant par quarante degrés à l’ombre.
Dans l’alcôve de cette cuisine de fortune, la lueur des flammes donne des allures vermeeriennes à
cette scène domestique, faisant ressortir le blanc des yeux et le scintillement des peaux humides.

Pendant ce temps-là, la petite vieille s’est assise et se perd dans une longue discussion avec la
propriétaire des lieux. Elle se plaint de son palu aussi. A croire qu’il s’agit presque d’un accessoire, au
même titre que son pagne. Comme trop de gens dans le pays, elle a appris à vivre avec, son palu est
une maladie chronique qui la rappelle capricieusement à son bon souvenir. Rien à y faire selon elle,
juste apprendre à vivre avec. Et puis de toute façon qui ne l’a pas ici ? Quand la saison des pluies
arrive, les gens tombent comme des mouches. Employés, vendeurs de rue, domestiques, étudiants, il
existe une période au Burkina où tout le pays semble vivre au rythme des absences et des coups
d’extrême fatigue de ses habitants. Un phénomène simplement hallucinant pour l’œil non initié.
Comme une sympathique mascotte, mon palu revient dans les conversations de tout à chacun. Un
fléau-compagnon de route en quelque sorte.

Mais elle sera en forme pour régaler les cinq cents invités du mariage qui a lieu dimanche prochain,
c’est promis.

Cuisiner des céréales locales par tradition dans les mariages est une chose mais en faire manger au
quotidien aux citadins en est une autre. La travailleuse urbaine est pressée et ne veut, on se demande
pourquoi, plus s’encombrer de recettes traditionnelles qui l’enchainent à son fourneau dès l’aurore
comme c’est encore le cas dans les campagnes. A force d’avoir inondé le marché de riz asiatique ou
de produits à base de blé, faire machine arrière pour contrer les fluctuations des cours agricoles
mondiaux n’est pas chose aisée. Les spaghettis, cet intestin des Blancs en dialecte local, ont mis aux
oubliettes les mets locaux et les recettes qui allaient avec. A tel point que la nouvelle génération
perçoit comme exotiques des denrées consommées par leurs grands-parents et que même le national
riz-gras ne saurait se faire avec autre chose que des brisures de riz asiatique de n-ième catégorie.

Rendre l’indépendance alimentaire des pays ouest-africains passe donc par de grandes campagnes de
sensibilisation, d’éducation culinaire, pour partir à la reconquête d’un patrimoine en perdition. Par ici
les haricots dans le gonré, les beignets de pois de terre et autres savoureux sauvetages pour faire
obstacle à la mondialisation alimentaire. Valoriser le fonio sur les marchés locaux n’est qu’un tout
petit rouage d’une grande épopée en faveur de produits traditionnels revisités et rendus plus
pratiques à préparer. Consommer local ? Tiens, il résonne dans ce bout d’Afrique comme un lointain
écho d’une prise de conscience déjà à l’œuvre par chez nous. Mais pour l’instant toutes ces céréales
locales et cultivées presque sans rien ont un défaut bien encombrant : leur chereté comme on dit par
ici. Pour une plâtrée de bon riz généreusement arrosée de pesticides et ayant effectué par moins de
11 000 km entre la Thaïlande et son assiette de sauce il faudra compter 300 FCFA là où notre
malheureuse assiette de fonio bio, presque arrivée à pied de sa campagne, culmine à 1000 FCFA. Une
ruine pour un modeste employé !

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Autant vous dire que le chemin est encore long pour que le fonio s’affiche à toute les cartes des
maquis - sommaires petits restaurants de rue - et encore plus dans nos cantines scolaires. Pourtant, le
fonio a bien décidé de pointer le bout de son nez dans les rayons de nos supermarchés. Une véritable
aubaine pour porter bien haut le travail assidu de ces ambitieuses entreprises.

Mais comment rendre le fonio accessible dans son pays d’origine ? Quand on voit tout le travail de
préparation qu’il nécessite, les programmes de développement répondent tous la même chose. Mé-
ca-ni-sa-tion. Et on est déjà bien loin des dix litres de gasoil nécessaire au décorticage d’un pauvre kilo
de fonio. La modernité est en route semble-t-il. Elle accompagne aussi bien d’ambitieux
entrepreneurs locaux que de peu scrupuleuses sociétés pourtant estampillées marché équitable.

Reste à savoir ce que deviendront toutes ses femmes, tout ce savoir-faire, tous ces gestes qui ont
abreuvé des siècles de déjeuners, de dîners, de mariages et de communions.

Balayés d’un revers de mécanique ?

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