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), Dictionnaire de la géographie et de
l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, 1033 p. [con Nouvelle édition revue
et augmentée. Belin, 2013. 1127 p.]
1
Professeur à l'université François-Rabelais de Tours. Membre du jury de l'agrégation de géographie, du comité
national d'évaluation de la politique de la Ville, il dirige l'Action Concertée Incitative « Terrains, techniques, théories
: travail interdisciplinaire en sciences humaines et sociales » du Ministère chargé de la recherche et des nouvelles
technologies. Il a notamment publié Tours : Images de la Ville et Politique urbaine, Collection Sciences de la Ville
Publications de l'Université François-Rabelais, Tours, 1993 ; avec Christian Calenge et Bernard Pagand, Figures de
l'urbain. Des villes, des banlieues et de leurs représentations, collection Sciences de la Ville, Publications de
l'Université François-Rabelais, Tours, 1997 ; avec Thierry Paquot et Sophie Body-Gendrot, La ville et l'urbain, L'état
des savoirs, La Découverte, 2000 ; avec Jacques Lévy, Logiques de l'espaces, esprit des lieux. Géographies à
Cerisy, Actes du colloque international de Cerisy, Collection Mappemonde, Belin ; Des légendes et des hommes,
(dir.) Éditions Autrement, 2001. Il dirige, avec Jacques Lévy, le Dictionnaire de géographie et de l'espace des
sociétés, aux Éditions Belin (2003). http://www.espacestemps.net/auteurs/michel-lussault/
Centralité
Centre/Périphérie
Centre urbain
Chorème
Chorotype
Circulation
Citadinité
Communication territoriale
Commutateur
Compromis territorial
Concentration
Configuration spatiale
Confins
Connexité
Contact
Contiguïté
Continent
Continuité
Coprésence
Corps
Cospatialité
Cyberespace
Décentralisation
Découpage
Découverte
Défrichement
Densité
Désert
Déterritorialisation
Développement local
Diaspora
Différenciation spatiale -Diffusion
Discontinuité
Dispositif spatial légitime
Distance
Distribution rang/taille
Distribution spatiale
District industriel
Diversité
Dynamique spatiale
Écart
Échelle
Économie-monde
Écoumène
Edge City
Emblème territorial
Emboîtement
Empire
Enclavement -Ensemble géographique
Espace
Espace public (I)
Espace vécu
État
État local
Étendue
Fédéralisme
Finage
Firme transnationale
Fleuve
Flux
Foncier
Forêt
Fractale
Friche
Front
Front pionnier
Frontière
Générique (Lieu)
Gentrification
Géoéconomie
Géogramme
Géographicité
Géographie
Géon
Géopolitique
Géosystème
Géotype
Ghetto
Glacis
Gouvernement urbain
Gradient
Graphe
Graphique
Gravitaire (Modèle)
Guerre
Habitat
Habitat non-réglementaire
Habiter
Haut lieu
Heimat
Hétérotopie
Hinterland
Horizont
Hors-sol
Hub
Identité spatiale
Île
Image
Imaginaire géographique
Immanence/Transcendance (spatiales)
Infra-urbain
Interaction spatiale
Interface
Interspatialité
Irrigation
Isolat
Isotropie
Jardin
Justice spatiale
Lieu
Lieux centraux (Théorie des)
Limite
Littoral
Local
Localisation
Logistique
Maillage
Maison
Marchandise
Médiance
Méditerranée(s)
Mer
Métaphore spatiale
Métrique
Métropole/Mégalopole
Métropolisation
Migration
Milieu
Milieu innovateur
Minorité territoriale
Mobilité
Monde
Mondialisation
Montagne
Nation
Network
Nœud
Norme
Oasis
Objet géographique
Parc à thème
Parc naturel
Parcours
Partie du monde
Pavillonnaire (Modèle)
Pays
Paysage
Périurbain
Peuplement
Polarisation
Population (Répartition de la)
Position
Pratique spatiale
Projet urbain
Prospective territoriale
Proxémie
Reconstruction(s)
Reconversion
Rénovation/Restauration/Réhabilitation
Représentation de l’espace
Réseau
Réseau technique
Réseau urbain
Rhizome
Rue
Rural
Schéma d’aménagement
Ségrégation
Seuil
Site
Situation géographique
Société-Monde
Sol
Spatialité
Stratégie spatiale
Substance
Système d’Information Géographique (SIG)
Système productif local (SPL)
Système spatial
Technopôle/Technopole
Télé-communication
Télétravail
Terre
Territoire
Territorial (Modèle)
Territorialité
Terroir
Topogenèse
Topographie
Topologie
Toponymie
Tourisme
Transition démographique
Transports
Ubiquité
Urbain
Urbain (Modèle)
Urbanisation
Urbanité
Valeur spatiale
Vaterland
Végétation
Village
Ville
Ville mondiale
Ville nouvelle
Violence
Visibilité (Régime de)
Voisinage
Zonage
Zone climatique
Résumé
Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés : les entrées par catégorie. 1.
Théorie de l’espace. Accessibilité Acteur spatial Action spatiale Agencement
Agglomération Ailleurs Aire Aire culturelle Alignement Ambiance architecturale et urbaine
Aménagement du territoire Anamorphose Anthropisation Archipel mégalopolitain
mondial (AMM) Armature urbaine Attraction Autocorrélation spatiale Banlieue Campagne
Capital spatial Carte Carte mentale [...]
Pour faire référence à cet article
Jacques Lévy et Michel Lussault, "‘Les entrées par catégories’.", EspacesTemps.net, Livres,
19.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquoles-entrees-par-categoriesrsquo/
Une lecture anglophone et marxiste.
Kevin Cox2 | 20.11.2006
2
Kevin R. Cox est professeur de géographie à l’université d’Ohio State, à Columbus, aux États-Unis. Né en
Angleterre en 1939, il réside aux États-Unis depuis 1961. Géographe politique, il s’intéresse plus particulièrement à
la théorie et aux méthodes. Il porte un intérêt majeur aux rapports entre la théorie sociale, en particulier le
matérialisme historique, et la géographie. Il a appliqué ces idées à la politique de l’urbanisation dans les sociétés
capitalistes avancées et à l’économie politique de l’Afrique du Sud. Récemment, il a concentré son attention sur la
politique du développement local. Il est l’auteur de quatre livres et a dirigé sept ouvrages. Son prochain livre,
intituléSouth Africa and the Long History of Globalization, paraîtra en 2007 chez Routledge. Quand il ne travaille
pas, il court, il joue du saxophone et fait de la randonnée en montagne.
http://www.espacestemps.net/auteurs/kevin-cox/
géographe quantitativiste mais avec un intérêt, qui ne s’est pas démenti, pour la
géographie politique. J’ai appliqué les méthodes quantitatives au développement de la
géographie électorale et je me suis employé à la rendre plus spatiale. J’ai également
donné des cours de géographie quantitative. C’était un moment très stimulant pour moi.
L’idée que, derrière le concept d’organisation de l’espace, il fallait aller chercher
les rapports spatiaux fut pour moi une véritable révélation.
À peu près jusqu’à 1973, j’ai eu un goût marqué pour une géographie s’intéressant à
l’espace à travers une approche quantitative. Par la suite, mon orientation a commencé à
changer pour diverses raisons. D’une part, je suis arrivé à la conclusion que mes efforts
pour créer une géographie politique sur cette base avaient atteint leurs limites. D’autre
part, la question urbaine a commencé à attirer mon attention et, à ce moment-là, David
Harvey commençait lui aussi à aborder l’urbain d’un point de vue très différent de celui de
la géographie quantitative. Par ailleurs, à l’école puis à l’université, je m’étais intéressé au
marxisme. J’ai donc tout de suite compris la valeur de la nouvelle démarche de Harvey. Je
suis devenu progressivement un géographe marxiste et depuis lors le marxisme constitue
l’élément structurant de ma vie intellectuelle. Aujourd’hui j’enseigne la géographie
politique, particulièrement la géographie politique urbaine, la mondialisation, les relations
entre échelle et politique, l’histoire de la pensée géographique et l’Afrique du Sud, mais
toujours d’un point de vue marxiste.
Or j’évolue actuellement parmi des géographes qui s’éloignent du marxisme. C’est la soi-
disant « géographie humaine critique » qui domine. C’est certes une géographie
d’extrême-gauche, mais qui, en mettant l’accent sur la dimension politique de la «
différence », fait l’impasse sur le processus d’accumulation et sur la lutte des classes.
Dommage !
Un dictionnaire, pour quoi faire ?
S’agissant des dictionnaires, je dois dire que j’ai beaucoup de familiarité avec The
Dictionary of Human Geography, dirigé par Ron Johnston, Derek Gregory, Geraldine Pratt
et Michael Watts. Je le trouve très utile pour mes étudiants et pour moi. C’est un ouvrage
indispensable, malgré ses faiblesses. Il a été en arrière-plan dans ma lecture
du Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés. L’objectif majeur des éditeurs
de ce dernier est de développer une démarche intégratrice. Ils veulent se démarquer du
manque de cohérence, de l’éclectisme et de la juxtaposition de points de vue positivistes
et post-positivistes qu’ils pensent avoir trouvés dans le dictionnaire anglophone. Je ne suis
pas d’accord avec ce jugement et je dirai pourquoi plus loin.
Les directeurs situent l’objectif de créer un dictionnaire intégrateur dans le contexte d’une
géographie française plurielle. Ils constatent l’existence de trois courants intellectuels qui
s’opposent les uns aux autres : l’analyse spatiale; la géographie culturelle, qui s’occupe du
qualitatif, du singulier ; et ce qu’ils appellent la nouvelle géographie de l’environnement,
qui a pour but l’intégration des apports de la géographie physique au sein d’une
géographie humaine définie comme une science sociale. Leur but est de rendre effective,
à travers les différentes entrées, la complémentarité entre ces courants intellectuels.
La géographie comme science sociale constitue un thème majeur du Dictionnaire. Les
directeurs parlent aussi de l’ouverture de la géographie aux sciences sociales. À travers
le Dictionnaire, ils souhaitent explorer les rapports entre la géographie humaine et les
sciences sociales. Nombre d’articles mettent l’accent sur la « socialisation » de la
géographie par suite de la contestation de l’orthodoxie vidalienne. Ils participent d’une
volonté de « libération » de la géographie, libération commencée dès les années 1960. Il
s’agit pour la discipline de s’affranchir d’un rapport parasitaire aux sciences sociales,
d’entrer avec elles dans un dialogue réciproquement utile et de se mettre ainsi en position
de contribuer à une théorie du social (social theory).
Dans ce contexte, les directeurs se préoccupent du langage de la géographie. Ils désirent
le rendre plus rigoureux. Ils semblent croire que c’est une précondition pour une
géographie scientifique et, en conséquence, pour une géographie comme science sociale.
On peut, jusqu’à un certain point, être d’accord avec cette démarche. Pendant longtemps
j’ai été contrarié par l’abus que fait la géographie économique des termes « territoire » et,
plus encore, « développement territorial », qui induisent des connotations trompeuses sur
la question du pouvoir. Néanmoins, j’ai peur que l’objectif « une chose, un mot », que les
directeurs annoncent, risque de nuire à la prise de conscience du caractère dynamique du
sens des mots. Leur visée semble suggérer qu’il y a dans les sciences sociales un langage
d’observation neutre et je ne crois pas que cela soit exact.
L’organisation du Dictionnaire: quelques remarques générales.
1. L’index pose problème. Il ne renvoie qu’aux entrées. Pourquoi pas un index
supplémentaire qui ne comprendrait que les noms des personnes mentionnées dans les
entrées ? Par exemple, il devrait être possible de retrouver les passages duDictionnaire où
l’on cite Doreen Massey ou Torsten Hagerstrand, ce qui est actuellement impossible.
2. Les penseurs de l’espace. C’est une innovation intéressante, dont le dictionnaire
anglophone aurait bien besoin. Mais je crois qu’il serait utile d’y inclure quelques
géographes vivants. Je pense, entre autres, à Karl Butzer, William Garrison, Peter Haggett,
David Harvey, Ron Johnston, Doreen Massey et Donald Meinig.
3. Le Dictionnaire aurait besoin de plus de références à la littérature. Par exemple, dans
l’entrée au sujet de la « simulation » on trouve des remarques très flatteuses sur les
travaux de Hagerstrand sur les migrations. Mais si je voulais lire les travaux en question, il
me serait impossible de trouver les références nécessaires dans leDictionnaire.
4. Pour illustrer les idées qui sont développées dans les entrées, il serait utile quelquefois
d’inclure des tableaux, des diagrammes et des graphiques pour souligner les contrastes,
pour structurer ou résumer les points de vue. Un diagramme sagittal peut ainsi aider le
lecteur à comprendre le texte, comme ce serait le cas pour la discussion du modèle de
migration d’Hagerstrand dans l’article sur la simulation.
Le Dictionnaire représente un point de vue français, un point de vue qui résulte d’une
immersion dans les travaux des géographes français. Les éditeurs sont clairs à ce sujet.
Dans un monde caractérisé par des différences de langage et des barrières
institutionnelles à l’échange entre les différentes écoles nationales, ce n’est pas
surprenant. J’ai trouvé très stimulant de découvrir ces approches, ces problématisations,
cette histoire, qui font de la géographie française une géographie spécifique, différente de
la géographie anglophone, mais il nous faut noter que cette dernière n’est pas
monolithique — il existe, par exemple, des différences entre la géographie américaine et
celle du Royaume-Uni.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, il n’y a jamais eu de rapport étroit, moins encore
étouffant, avec l’histoire. Il n’y a pas eu non plus de conflits entre la géographie et la
sociologie ; en fait, au Royaume-Uni, il n’y avait pas de sociologie du tout, ce qui fut un
atout important de la géographie universitaire pour attirer les bons étudiants ! Par
ailleurs, je remarquerai la faiblesse relative de la géographie économique en France.
Presque tous les auteurs qui sont cités dans l’entrée qui s’intitule « Économique
(Géographie) » sont anglophones. N’existe-t-ils pas de géographes économistes en France
— à l’exception de George Benko, bien sûr ? De même, le Dictionnaire met l’accent sur
l’ouverture sur la société de la géographie française, mais j’ai l’impression qu’il s’agit
d’une socialisation un peu différente que celle qui caractérise les États-Unis ou le
Royaume-Uni. Dans ces pays, la géographie féministe, la géographie marxiste et, plus
récemment, les approches post-modernes et post-structuralistes, ont été plus
importantes. Toutes ces démarches ont induit un plus grand intérêt pour les questions de
pouvoir et de l’espace. À cet égard, j’ai trouvé frappante l’absence de traitement des
conflits sur les localisations, comme dans le soi-disant NIMBYsme2 ou de la dimension
politique des échelles. J’ai aussi l’impression que l’écologie politique n’est pas familière
parmi les géographes français. Je ne m’étonne donc pas que, dans l’ensemble, la
géographie politique actuelle en France ne semble pas être si développée que dans la
géographie anglophone.
En revanche, j’ai été impressionné par le niveau du débat, la capacité à produire des
critiques constructives aux niveaux concret aussi bien qu’abstrait. À propos des entrées
plus concrètes, par exemple, j’ai rencontré avec grand plaisir des thèmes tels que «
Montagne », « Désert » et « Diaspora » parmi beaucoup d’autres. Cela montre clairement
que la géographie française est vivante et en bonne santé.
Au-delà des différences, il est frappant de constater que l’histoire de la géographie
française n’est pas si distincte qu’on pourrait le croire de la géographie anglaise ou
américaine. En tous les cas, on a la même évolution qui procède de la naturalisation à la
socialisation, et de la socialisation à la déconstruction. Les débats aussi convergent. Je
reviendrai à cette observation plus tard.
Mais si le point de vue du Dictionnaire vient de l’intérieur de la géographie française, en
quoi consiste-t-il ? À mon sens, le trait dominant est l’accent mis sur le constructivisme. Il
me semble que c’est l’axe organisateur du Dictionnaire. Il faut toutefois reconnaître que
ce mot a plusieurs sens : il y a plusieurs constructivismes. Indépendamment de nuances
sur lesquelles je reviendrai, je suis en accord avec ce point de départ.
Entre autres choses, il faut reconnaître la nature non immédiate de toute observation. Les
faits ne sont jamais accessibles directement à nos sens. La condition nécessaire de toute
observation est l’existence d’une grille interprétative. Ensuite, il faut rejeter le positivisme
de la révolution spatiale-quantitative, aussi bien que l’empirisme naïf de l’école
vidalienne. Par ailleurs, les constructions du monde sont toujours sociales. Les idées, les
acceptions à travers lesquelles nous comprenons le monde, relèvent de notre
socialisation, une socialisation qui est à la fois intentionnelle et inconsciente. Ainsi, limiter
les objets d’intérêt de la géographie au monde matériel — comme dans l’école vidalienne
— n’a pas de sens. Nous habitons un monde dont les objets sont toujours sociaux. Par
conséquent, le caractère social du monde doit saisir notre attention. Nos idées du monde,
à travers lesquelles nous le construisons, sont les idées que nous partageons avec
d’autres. Cela ne veut pas dire que toutes les idées marcheront. On doit reconnaître —
comme les contributeurs de ce livre — le réel au sens où toutes les idées qui concernent le
monde doivent subir l’épreuve de la pratique. Peut-être est-ce évident ; mais pas dans
certains cercles de la géographie anglophone.
La construction sociale du monde est ainsi mise en avant. Mais il faut savoir par qui, et en
faveur de qui se fait cette construction ? En conséquence, il y a une reconnaissance du
caractère non neutre de l’observation. C’est apparent partout dans le Dictionnaire, mais la
prise en considération, dans l’entrée sur le « Post-colonialisme », de la construction
discursive du monde par les Européens ou les Occidentaux est un bon exemple du
caractère orienté de l’observation au regard de la construction sociale du monde.
Enfin, et dans l’esprit du constructivisme qui parcourt le Dictionnaire, on y rencontre
scepticisme profond envers les dualismes qui ont tourmenté la géographie dans le passé,
tels que l’espace et la société ; la nature et la société ; l’individu et la société ; l’espace et
le temps ; la partie et le tout ; le singulier et l’universel. Mais, et significativement pour
moi, alors que les entrées essaient de déconstruire ces dualismes, elles butent sur la
question de leur origine. Sont-ils transhistoriques et, donc, susceptibles d’une
déconstruction purement philosophique ? Ou est-ce qu’il y a quelque chose d’autre qui
renvoie à des conditions sociales particulières ? Cette remarque m’amène à quelques
critiques plus profondes du Dictionnaire.
Résumé
Vous m’avez invité1 à faire une lecture critique du Dictionnaire de la géographie et de
l’espace des sociétés. Je pense qu’il s’agit d’un bon ouvrage, très utile, très stimulant et,
pour un géographe anglophone, très représentatif. C’est le genre de dictionnaire dont on
a besoin. Il s’immerge dans les débats actuels et il est nourri [...]
Pour faire référence à cet article
Kevin Cox, "Une lecture anglophone et marxiste.", EspacesTemps.net, Livres, 20.11.2006
http://www.espacestemps.net/articles/une-lecture-anglophone-et-marxiste/
La frontière, un objet spatial en mutation.
Groupe Frontière3 | 29.10.2004
3
•Christiane Arbaret-Schulz, Chargée de recherche, Cnrs, Strasbourg ; •Antoine Beyer, Maître de conférences de
géographie, Université Louis Pasteur, Strasbourg ; •Jean-Luc Piermay, Professeur de géographie, Université Louis
Pasteur, Strasbourg ; •Bernard Reitel, Maître de conférences de géographie, Université de Haute-Alsace, Mulhouse ;
•Catherine Selimanovski, Maître de conférences de géographie, Iufm, Montpellier ; •Christophe Sohn, Docteur de
géographie, Université Louis Pasteur, Strasbourg ; •Patricia Zander, Maître de conférences de géographie,
Université Louis Pasteur, Strasbourg. http://www.espacestemps.net/auteurs/groupe-frontiere/
perfectionnements de la cartographie et de l’évolution des stratégies militaires. Avec le
projet colonial, la frontière d’État s’exporta hors d’Europe, pour finalement s’imposer à
l’ensemble de la planète (Foucher, 1991). De nos jours, son acceptation par les différents
états et les organisations internationales lui confère un statut de modèle.
Deux notions ont tour à tour été brandies comme des principes de légitimation de tracés
où les frontières sont parties prenantes du discours de construction idéologique du
territoire : les « frontières naturelles » et les « frontières historiques ».
La recherche de la « frontière historique » s’inscrit fréquemment dans un mouvement
de revendication territoriale qui cherche à prouver à partir de documents la légitimité
d’un tracé antérieur. Elle a souvent appuyé au 19e et 20e siècles des revendications
nationalistes, forcément conflictuelles par le choix de la période historique de
référence qui correspondait à une extension territoriale maximale au détriment des
États voisins (cf. la Grande Allemagne ou plus récemment la grande Serbie).
La référence à une « frontière naturelle » remet en cause l’enchevêtrement des droits
historiques et des limites héritées pour mettre en avant une partition qui s’appuie sur
des accidents topographiques ou hydrographiques « évidents ». La frontière naturelle
est bien une convention dans laquelle n’intervient ni la puissance divine, ni même la
Nature, mais bien la volonté des princes ou plus exactement de leurs conseillers
militaires. La frontière doit être une ligne qui, en s’appuyant sur des éléments
physiques, a le mérite d’être à la fois plus facile à surveiller et plus lisible dans le
paysage. Le caractère conventionnel de la frontière dite naturelle a souvent prêté à
confusion dans le cadre d’une approche déterministe de la géographie, où l’on
cherchait dans la topographie ou l’hydrographie des fondements de divisions
politiques. En sens inverse, on assiste aujourd’hui à une extraordinaire opération de
resémantisation de la Nature pour justifier des projets territoriaux transfrontaliers
(Fourny-Kober, 2003). La question environnementale est ainsi mobilisée pour devenir
le principe unitaire sous-jacent que la coupure frontalière était venue interrompre
arbitrairement. Ce nouveau rôle prêté à la Nature est alors le plus souvent mis en
scène par la gestion commune de parcs, de bassins fluviaux, etc.
Continuant encore à nous servir de référence, la frontière westphalienne classique ne
constitue cependant pas un aboutissement indépassable, car si notre rapport au territoire
évolue, la notion et le fonctionnement de la frontière elle-même doivent être réévalués.
Une première définition générique de la frontière.
Partant de la perspective historique précédente, nous pouvons tenter une première
définition du terme. La frontière est une limite politique signifiante d’un territoire. C’est
un objet dont l’émergence s’inscrit dans un processus de territorialisation. Aussi, tout
territoire qui se construit porte en lui les germes de frontières. Mais la frontière est
également un objet mis en place par un pouvoir dont le projet politique est de s’affirmer
et de se distinguer des autres entités territoriales. Nous entendons par pouvoir toute
entité qui possède la « capacité à agir sur une situation de manière à en modifier le
contenu ou le devenir » (Lévy, Lussault, 2003) et par politique, tout ce qui « concourt à
structurer une société » (Piermay 2002). L’intérêt de son étude géographique est alors de
comprendre les mécanismes et les manières dont se gèrent politiquement les
discontinuités spatiales et sociales qu’institue toute délimitation. De ce fait, elle ne se
résume pas au seul partage de souveraineté entre deux États, propriété à laquelle on la
réduit trop souvent. Pour singulariser la frontière par rapport à des notions voisines, J.-P.
Renard (2002) suggère une gradation conceptuelle entre les notions de limite « qui
circonscrit deux ensembles spatiaux dont on souligne les différences » qui ne sont pas
forcément structurantes, ladiscontinuité qui suppose des structures d’organisation de
l’espace, et enfin lafrontière, séparation structurante qui exprime ou révèle l’exercice d’un
pouvoir. La frontière suppose bien la discontinuité qui elle même implique la limite.
Dans son expression concrète, la frontière peut recouvrir différentes formes spatiales :
ponctuelle, linéaire, aréolaire ou réticulaire.
Frontières sociales.
Une frontière sociale est une limite interne à la société qui tient selon Georg Simmel2à la
différence de degré de participation à la société des membres de collectivités ou de
groupes. Les membres de plein droit participant pleinement à la société sont séparés des
membres qui ne le sont qu’à moitié ou au quart par une frontière : elle isole ces derniers
de l’ensemble dont ils font pourtant partie. Ainsi, l’hétéronomie sociale implique la
frontière. Mais une frontière sociale, aussi dure soit-elle, n’est pas analogue à
une fracture, car les parties séparées par la frontière ne partent pas à la dérive. Ces parties
évoluent dans l’interdépendance malgré la distance que la frontière introduit entre elles.
La forme de la frontière sociale est tantôt rigide, tantôt floue. Dans le cas de la frontière
de la pauvreté, par exemple, l’entrée dans la sphère de l’assistance crée une frontière
digitale au regard du droit. Mais la difficulté du rapport au travail dessine une limite floue.
Elle est le résultat de l’enchevêtrement des statuts des intéressés : tantôt bénéficiaires de
minima sociaux, ou chômeurs, ou travailleurs précaires, tantôt bénéficiaires de minima
sociaux et chômeurs, travailleurs à temps partiel et bénéficiaires de minima sociaux et
chômeurs par intermittence. Par conséquent, la figure de la frontière sociale interpelle car
elle suppose, ici aussi, des jeux ambivalents entre liaisons et séparations, fractures et
transitions, dehors et dedans, disqualification et protection, enfermement et protection.
Corrélativement, cette complexité se traduit dans l’espace par une trace aux formes
changeantes (soit très marquée, soit à peine esquissée, soit complètement transparente)
et qui est présente à la fois dans la strate de l‘espace sociétal et dans la strate de l’espace
vécu.
Dans la strate de l’espace sociétal, l’impact de la frontière est lié aux effets de lieu, induits
par la concentration ou la dispersion résidentielle des populations en situation dominée et
à l’existence d’une correspondance fréquente entre les espaces de concentration de ces
populations dominées dans la ville et les territoires de la politique de la ville que la société
désigne comme des territoires ségrégués. Dans la strate de l’espace vécu, l’impact de la
frontière est induit par la territorialité du repli que produit l’hétéronomie sociale dans
laquelle vivent les personnes ayant passé une frontière sociale. En effet, leurs migrations
résidentielles bloquées figent les dimensions de l’espace de leurs pratiques sociales. Ces
mêmes difficultés contraignent leur mobilité habituelle et finissent par rétrécir les
dimensions de l’espace de leurs pratiques quotidiennes. L’expérience de la territorialité du
repli augmente d’autant le poids de la disqualification sociale qu’elles supportent.
De la sorte, la frontière sociale n’est pas seulement une métaphore spatiale car elle
produit des limites spatiales construites par la société et des limites perçues et vécues par
les personnes intéressées. Ces limites spatiales sont bien des frontières parce qu’elles
renvoient au champ du politique, c’est-à-dire à la structuration de la société. Elles
signifient un rejet de la Cité qui prend la forme d’une incommunicabilité fermant l’individu
aux réseaux ayant façonné la société et assuré la promotion dans la société. Ce rejet induit
des pratiques collectives réactives, parfois violentes, qui alimentent les peurs et
l’insécurité se diffusant dans la société par l’intermédiaire des médias.
Frontières gestionnaires.
Le processus de relativisation de l’État, issu de la multiplication récente des interactions à
l’échelle mondiale notamment du fait de la mise en place de réseaux techniques
performants, laisse une place importante à d’autres acteurs pour « faire territoire ». De ce
fait, le terme de « frontière » peut être appliqué à ce que l’on aurait qualifié auparavant
de simples « limites gestionnaires ». Les décentralisations, de même que les privatisations
et les constructions supra étatiques, qui prennent leur place dans des systèmes de
gouvernance, apparaissent ainsi comme des réponses à la nouvelle donne mondiale. Par
ailleurs, là où l’État ne joue pas pleinement son rôle d’arbitre, des acteurs ressortissants
d’une logique différente (seigneurs de la guerre, mafias, sociétés privées, chefs
charismatiques, coutumiers ou religieux, groupements de résidants, etc.) sont susceptibles
d’assurer des encadrements de substitution qui peuvent « faire territoire ». De nouvelles
frontières apparaissent alors dont la portée est souvent symbolique mais qui présentent
une plus grande signification pour les populations que les frontières d’État. L’État enfin,
devenant polymorphe pour s’adapter à de nouveaux enjeux, peut décider de moduler
selon les lieux la forme et la nature de son action. Les « frontières gestionnaires » naissent
de tels processus.
Engagés dans une concurrence stimulée par l’ouverture au monde, les territoires
développent aujourd’hui de véritables politiques. Les différentiels découlant de ces
politiques donnent aux limites de ces territoires certaines des caractéristiques de la
frontière. Celles-ci sont parfois très marquées, comme dans le cas des anciens
bantoustans d’Afrique australe ou du mur en construction entre Israël et Palestine. Elles
peuvent être modestes mais néanmoins sensibles, comme entre les communes françaises,
différenciées notamment par les taux de taxes professionnelles. Entre les deux, existent
de nombreuses transitions : territoires autonomes, zones franches, secteurs
d’intervention d’acteurs spécifiques ou secteurs d’éligibilité à des programmes
spécifiques, gated communities, etc.
Innombrables, les limites gestionnaires constituent autant de frontières potentielles, que
des enjeux politiques sont susceptibles d’activer. Les différentiels ont alors un effet
multiplicateur, permettant même de développer des sentiments d’appartenance. On peut
dire que la frontière gestionnaire est instrumentalisée dans le cadre de jeux d’acteurs
complexes dans lesquels les pratiques liées à la proximité (physique) sont étroitement
articulées aux pratiques relevant de la mise à distance (par la frontière). Ainsi en est-il de
revendications d’autonomie par rapport à des territoires dont on se sent trop dépendant,
comme dans les espaces périurbains étroitement liés à leurs métropoles, mais dont les
territoires qui les composent tiennent à se démarquer par leurs politiques.
Les lieux privilégiés de ces frontières émergentes : l’espace des villes.
Les trois approches précédentes soulignent à quel point c’est le plus souvent au sein des
villes que surgissent de nouvelles frontières. Les principales agglomérations sont les
premières à être connectées aux grands réseaux de transport internationaux et, de ce fait,
dans la nécessité de gérer la mise en contact avec les frontières internationales dont elles
pouvaient être autrefois éloignées. Le potentiel de ces réseaux physiques, véritables
portes d’accès, entre bien sûr en résonance avec les circulations des personnes et des
capitaux que de tels pôles articulent. De plus, le processus d’urbanisation qui gagne
progressivement l’ensemble de la planète se traduit dans le même temps par un
renforcement des différenciations internes. Certaines catégories sociales pratiquent des
choix résidentiels affirmés qui combinent la mise à distance, le regroupement, la
protection. Il s’agit souvent plus qu’une simple distanciation (gated communities), car
derrière une discontinuité physique elle peut revendiquer une autonomie politique
(sécessionnisme). On cherche alors à distance ce qu’on ne trouve pas sur place. Les modes
de transport aérien et maritime, les technologies de communication permettent de se
déplacer à l’intérieur de son « monde de référence ». Cependant, s’affranchir de son
environnement n’est pas chose aisée : les réseaux présentent des fragilités et demeurent
inscrits dans leur environnement immédiatement voisin. La proximité se révèle source
potentielle de conflits. La distribution de l’eau, de l’énergie, l’assainissement, les
transports sont autant d’éléments qui exigent des relations entre ces enclaves et les
collectivités environnantes. L’isolement total semble difficile.
Au-delà de ces phénomènes d’enclave, les grandes agglomérations sont aussi gagnées par
un processus de ségrégation subi. Il participe à l’émergence de frontières sociales urbaines
qui pour être moins visibles n’en sont pas moins actives et porteuses de sens. Plus fluides
et instables que les frontières décrites précédemment, elles portent une forte symbolique
qui compense leur faible matérialité : un boulevard, une rue, un parc, un bâtiment
remarquable peut servir de repère pour distinguer, pour contrôler (y compris à distance),
pour écarter. Ces frontières possèdent dès lors un effet structurant puisqu’elles agissent
comme des filtres, renforçant les liens à l’intérieur des territoires et le sentiment
d’identification. Cette démarcation a parfois été surdéterminée par son
institutionnalisation : ainsi la politique de la ville en France a créé des dispositifs d’aides
qui délimitent clairement les quartiers faisant l’objet d’aides et de mesures, en accentuant
les effets d’enfermement.
Enfin, le processus de territorialisation joue à l’échelle globale des grandes
agglomérations. La création de structures politiques qui encadrent les communes ou les
pouvoirs politiques préexistants cherche à instituer une démarcation active entre un
dedans et un dehors. La frontière apparaît alors dans les différences de capacité d’action,
dans les rapports de force, mais également à travers les différentiels qui s’observent de
part et d’autre des limites instituées. La dimension politique est largement présente à
travers le processus d’affirmation des pouvoirs d’une collectivité dans un contexte de
fragilisation des États. En revanche, le contrôle n’y apparaît pas de manière directe : les
territoires cherchent à capter les populations, les entreprises en fonction de critères
spécifiques opérant alors un filtrage. Par ailleurs, les relations entre les territoires
métropolitains et les territoires limitrophes peuvent s’inscrire dans le cadre de rapport de
domination (réels ou supposés). Les développements qui précèdent soulignent bien
combien les trois types de frontières (techniques, sociales et gestionnaires), dont les
frontières d’État constituent un cas limite, sont autant de dimension d’un phénomène
envisagé par diverses approches.
Quatre fonctions pour définir la frontière.
Au terme de notre parcours, se pose à nouveau la question de la définition de la frontière.
Dans le dessein de dégager le concept de l’emprise qu’exerce sur lui la frontière d’État et
d’identifier clairement l’objet au-delà de ses expressions matérielles, nous proposons de
mettre en évidence quatre fonctions essentielles. Elles définissent la frontière et
permettent dès lors de reconnaître comme tels les objets géographiques qui répondent à
de telles fonctions.
Une frontière est une construction territoriale qui « met de la distance dans la proximité
». (Arbaret-Schulz, 2002)
La proximité spatiale entre les lieux est contredite par la présence de dispositifs qui
introduisent une distanciation, un éloignement. La construction de la frontière met en
œuvre des dispositifs d’appropriation et de souveraineté à travers une distanciation
d’ordre matériel (barrière, fossé, mur, etc.) et idéel (normes, représentations, etc.). Cette
mise à distance est le plus souvent interprétée comme un moyen de protection (d’une
population, d’un territoire, d’un pouvoir).
Une frontière est conçue comme un système de contrôle des flux destiné à assurer une
maîtrise du territoire à travers un filtrage.
En fonction des circonstances, la fonction de filtrage qui assure un tri sélectif des flux peut
être modulée. Dans cette perspective, la frontière se décline entre effet de coupure
(frontière-barrière) et médiation (frontière zone de contact), stimulation (frontière
accélératrice) et filtrage (frontière-filtre) (Ratti, 1995). Son rôle dépasse ainsi de loin celui
du simple face-à-face ou de l’exclusion. Si le contrôle des flux peut prendre des formes
invisibles, quoique efficaces (exemple des dispositifs fiscaux pour maîtriser la gestion
d’une collectivité), il n’en demeure pas moins de nature politique.
Une frontière est un lieu privilégié d’affirmation et de reconnaissance de pouvoirs
politiques.
La frontière est l’attribut d’un pouvoir qui cherche à fixer des limites ou qui se les voit
imposées. La délimitation frontalière peut dès lors être comprise comme l’affirmation
d’une séparation politique. Elle est souvent le résultat de négociations et de compromis,
mais peut également émerger lors de conflits ou de revendications territoriales non
résolues.
Une frontière institue une distinction par l’appartenance matérielle et symbolique à une
entité territoriale dont elle est l’expression.
Toute frontière établit un dedans et un dehors territorial. D’un même mouvement de
partage, elle exclut et inclut selon le côté considéré. D’une part, la frontière sert à
délimiter : elle signifie la fin d’un territoire. D’autre part, la frontière permet de désigner
l’altérité, l’étranger : elle signifie le passage à un autre territoire. Par la distinction qu’elle
opère, la frontière est le vecteur d’une identité territoriale.
La présence d’une frontière induit généralement des conséquences durables sur
l’organisation des espaces. Ces effets-frontières peuvent être présentés sur la base de
d’effets structurants puissants, mais qui ne sont pas nécessairement tous actifs en même
temps.
La frontière engendre des formes et des systèmes spatiaux originaux.
Elle introduit une rupture plus ou moins marquée dans l’organisation de l’espace
géographique, rupture d’autant plus accusée que la fonction de séparation est vive. La
frontière se déploie pour structurer tout ou partie du territoire. Plus qu’un simple tracé,
elle engendre des effets qui perdurent au-delà des acteurs qui les ont institué, car des
traces subsistent dans les représentations et les pratiques.
La frontière met en place des différentiels.
Ces différentiels signalent l’existence de systèmes territoriaux différents ayant chacun
leurs normes, leurs principes, leurs cultures, etc. Ils peuvent être matériels et
quantifiables (écarts de revenus, de coûts) ou plus qualitatifs (valeurs, systèmes culturels).
L’exploitation des différentiels crée des flux spécifiques, objets d’échanges matériels et
intellectuels, licites ou illicites (contrebande). Elle se traduit par l’apparition de fonctions
originales (transbordement, transfert), souvent selon une logique d’opportunité.
La frontière définit un espace à risques.
Elle définit une zone vulnérable qui, soumise à un aléa, peut déboucher sur un conflit. Les
rapports de force qui s’y expriment révèlent des oppositions d’ordre culturel, politique,
économique, voire militaire. À ce titre, la frontière constitue indéniablement un enjeu.
La frontière favorise enfin l’émergence de lieux d’hybridation.
Les possibilités d’échanges qu’induit la frontière sont susceptibles de dépasser le cadre
strict des relations de proximité. La confrontation d’idées, de valeurs et de normes
différentes incite à l’adaptation, au dépassement, à l’invention de représentations et de
pratiques originales. Le transfert frontalier peut donner naissance à des espaces hybrides,
sortes d’entre-deux où l’on voit émerger des cultures et des pratiques locales spécifiques.
Conclusion.
Des processus concomitants d’émergence et de dévaluation des frontières sont
aujourd’hui observables à différentes échelles. Les mutations que connaît le monde et les
recompositions territoriales à l’œuvre nous invitent à reconsidérer un concept qui a
longtemps été confiné dans une définition étatique un peu étroite. Si l’objet frontière est
en mutation, cela ne concerne pas uniquement les seules limites d’États. Consubstantielle
du territoire, la frontière apparaît aussi éminemment politique. Elle renvoie à l’exercice de
pouvoirs qui se veulent structurants à défaut d’être souverain sur un territoire qu’ils
construisent à leur mesure. Des frontières diverses traversent l’espace géographique, mais
toutes ne jouent pas le même rôle et ne présentent pas des effets équivalents de
structuration. De nos jours, l’évolution des structures étatiques et l’affirmation de
nouvelles formes de pouvoir se traduisent par l’affirmation de nouvelles frontières. Plus
labiles et plus mouvantes, elles s’inscrivent notamment dans les espaces urbains. C’est
peut-être là, plus qu’ailleurs, que les frontières contemporaines prennent leurs sens. En
tant que constructions historiques, les frontières sont toujours susceptibles de muter et
de revêtir des formes inattendues. Mais au-delà des changements morphologiques, toute
frontière se définit par une combinaison de propriétés (la mise à distance, le filtrage,
l’affirmation politique, la distinction) dont les effets sur l’espace sont particulièrement
marquants (différentiels, discontinuités, risques, entre-deux) tant dans les représentations
sociales que dans les pratiques des acteurs qui leurs donnent forme et sens.
Photo : Anneau de Möbius, © Emmanuelle Tricoire.
Résumé
La « frontière » est habituellement comprise comme la « limite de souveraineté et de
compétence territoriale d’un État » De nos jours, la prégnance de cette définition semble
s’estomper à l’échelle mondiale, accompagnant ainsi le processus de relativisation
multiforme de l’État. Il faut y voir l’effet de l’évolution des techniques de transport et de
[...]
Pour faire référence à cet article
Groupe Frontière, "La frontière, un objet spatial en mutation.", EspacesTemps.net,
Travaux, 29.10.2004
http://www.espacestemps.net/articles/la-frontiere-un-objet-spatial-en-mutation/
‘Frontière’.
Jacques Lévy4 | 29.10.2004
Frontière.
Limite* à métrique* topologique*.
Notion allant apparemment de soi, la frontière connaît une existence concrète dans une
fenêtre historique déterminée. Avant que l’État n’existe, elle n’a pas d’objet. Avant qu’il
n’ait les moyens de la tracer et de la défendre, elle demeure un rêve. Dans un monde
démilitarisé ouvert aux échanges, elle perd son sens.
Les grands empires, romain (Limes) et chinois (Grandes Murailles) en tête, ont édifié des
barrières réputées infranchissables, mais au coût exorbitant et devenant perméables dès
que le rapport des forces se modifiait au détriment du défenseur. De fait, même dans les
États anciennement et solidement intégrés et ayant, en outre, le regard tourné vers la «
ligne bleue des Vosges » ou d’autres horizons mythiques fluviaux et montagneux, la
surveillance des frontières se révélait extrêmement onéreuse, pour les marchandises
comme pour les personnes, et souvent hors de portée budgétaire des États. C’est
seulement au 20e siècle et dans les pays développés que le contrôle devint
raisonnablement efficace. Mais, à peine quelques décennies plus tard, la frontière canado-
étatsunienne et, un peu après, les frontières de l’Europe occidentale continentale (accords
de Schengen pour l’Union européenne), s’effaçaient. Un monde sans frontières gardées
commençait à exister.
L’utopie de la frontière a produit des objets géographiques spécifiques. Les systèmes de
défense en ligne qui, à partir du 19e siècle, évoluent en no man’s land, zones
démilitarisées, zones tampons participent de la notion de glacis, organisée en surface,
mais dans une perspective lourdement topologique, puisque conçue pour rendre aussi
parfaite que possible la discontinuité de la frontière. On peut même considérer que le
glacis, à l’instar des zones d’appui du Mur de Berlin (1961-1989), équipées de protections
renforcées et de systèmes de tir automatique, ou de la zone vide séparant Soweto de
Johannesburg au temps de l’apartheid, ont constitué des accessoires pour s’approcher
concrètement de l’idée d’une ligne de séparation absolue. C’est encore dans cette classe
d’objets que l’on peut ranger le mur de défense multifonctionnel progressivement mis en
place par l’État marocain pour imposer sa conquête du Sahara occidental, ou encore les
fortifications antiterroristes édifiées à partir de 2002 par l’armée israélienne, qui
4
Professeur de géographie et d’aménagement de l’espace à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, où il est
directeur du Laboratoire Chôros et co-directeur du Collège des humanités, il travaille sur la ville et l’urbanité, la
géographie politique, l’Europe et la mondialisation, les théories de l’espace de l’individu et des sociétés,
l’épistémologie de la géographie et des sciences sociales, la cartographie, l’urbanisme et le développement spatial.
Il a notamment publié Géographies du politique (dir.), 1991 ; Le monde. Espaces et systèmes, 1992, avec M.-F.
Durand et D. Retaillé ; L’espace légitime, 1994 ; Egogéographies, 1995 ; Le monde pour Cité, 1996 ; Europe. Une
géographie, 1997 ; Le tournant géographique, 1999 ; Logiques de l’espace, esprit des lieux (dir.), 2000, avec M.
Lussault ; From Geopolitics to Global Politics (dir.), 2001 ;Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés
(dir.), 2003, avec M. Lussault ; Les sens du mouvement(dir.), 2005, avec S. Allemand et F. Ascher ; Milton Santos,
philosophe du mondial, citoyen du local, 2007 ;L’invention du Monde (dir.), 2008. Il est co-directeur
d’EspacesTemps.net(jacques.levy@epfl.ch). http://www.espacestemps.net/auteurs/jacques-levy/
présentent une certaine efficacité contre des ennemis à la puissance de feu limitée.
L’obsession de la ligne ne peut en tout cas s’exprimer efficacement que par la surface.
La difficulté à régler les contentieux frontaliers sur mer (comme en mer de Chine du Sud
entre la Chine, le Vietnam, Taiwan et les Philippines) exprime aussi le caractère très
particulier de la ligne frontalière, impossible à fixer dès qu’une ligne de front n’indique
plus, point par point, les lieux où s’annule le rapport de forces entre les deux armées face-
à-face.
Le paradoxe est pourtant à chercher ailleurs : une frontière n’est effective comme ligne
que lorsqu’elle n’est pas menacée, en temps de paix. Elle permet aux différences entre
modes de vie, systèmes juridiques, organisations politiques de s’exprimer de manière
topologique, donc particulièrement visible. Même dans ce cas, le caractère saillant de
l’objet-frontière le condamne à être constamment érodé, par exemple par la
contrebande, qui nie le protectionnisme et tend à égaliser les situations du point de vue
du marché. Des pays entiers sont profondément marqués (le Nigeria avec la contrebande
pétrolière) ou même largement caractérisés (trafic de produits taxés avec l’Andorre,
transferts financiers avec la Suisse ou le Luxembourg) par la subversion de la frontière.
Trois types d’effets spatiaux de la frontière ont été mis en valeur : celle de barrière, qui est
sa raison d’être, mais aussi celle d’interface et celle de territoire. Dans le deuxième cas, la
frontière ne fait que filtrer et canaliser des relations entre espaces qui existeraient de
manière plus diffuse sans elle. Dans le dernier, du fait des deux premières fonctions, elle
crée un territoire frontalier, dupliqué de chaque côté de la ligne, c’est-à-dire, au bout du
compte, des confins d’un genre particulier.
La seule frontière incontestablement fonctionnelle fut la frontier nord-américaine, c’est-à-
dire un front pionnier colonial, dynamique parce que résultat d’un rapport de forces très
déséquilibré entre défenseurs et assaillants. On retrouve ce cas de figure dans la
colonisation de l’Amérique du Sud et de l’Afrique par les Européens, de la Sibérie par les
Russes. Thermomètre de la conquête, la frontière cesse alors, pour un temps, d’être une
chimère destructrice et devient, vue du côté des gagnants, l’emblème de l’aventure.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Confins – Géopolitique – Guerre – Limite – Métrique.
Résumé
Frontière. Limite* à métrique* topologique*. Notion allant apparemment de soi, la
frontière connaît une existence concrète dans une fenêtre historique déterminée. Avant
que l’État n’existe, elle n’a pas d’objet. Avant qu’il n’ait les moyens de la tracer et de la
défendre, elle demeure un rêve. Dans un monde démilitarisé ouvert aux échanges, elle
perd son [...]
Pour faire référence à cet article
Jacques Lévy, "‘Frontière’.", EspacesTemps.net, Livres, 29.10.2004
http://www.espacestemps.net/articles/lsquofrontierersquo/
L’« espace » d’une controverse.
Cristina D’Alessandro-Scarpari5, Élisabeth Rémy et Valérie November | 18.01.2004
5
Après un doctorat en géographie humaine à l’Université François Rabelais de Tours et une recherche postdoctorale
à la West Virginia University (États-Unis), elle est enseignante à l’Institut des Sciences Politiques de Paris et
chercheuse contractuelle à la Msh de Tours. Sa spécialité est la géographie humaine de l’Afrique subsaharienne. Elle
s’intéresse tout particulièrement à l’étude géographique des situations problématiques (protection environnementale
transfrontalière, usages des outils visuels et impérialisme digital, géographie des massacres) et aux enjeux
théoriques dans les sciences sociales. Elle est l’auteure de Géographes en brousse (2005, L’Harmattan) et coéditrice
de l’ouvrage Espaces, savoirs et incertitudes (Ibis Press). http://www.espacestemps.net/auteurs/cristina-
drsquoalessandro-scarpari/
comprendre comment la controverse s’effectue et quelles sont les contraintes que les
personnes ont dû prendre en compte, dans la situation où elles se trouvaient insérées,
pour rendre leurs critiques ou leurs justifications acceptables par d’autres (Luc Boltanski,
1990, p. 63). Bref, notre tâche consistera à essayer de comprendre la dynamique de la
controverse, en observant comment les acteurs s’y prennent pour montrer aux autres que
leurs actions et leurs propos ont un sens et que la position qu’ils défendent dépasse leur
simple cas particulier.
Une fois que la mise en débat de la LHT aura été éclaircie, nous nous concentrerons sur
l’apparition des éléments spatiaux et sur la manière dont ils sont utilisés par les différents
acteurs de la controverse. Dans l’optique de la sociologie des sciences et techniques, une
controverse explore les zones d’incertitude et contribue parfois à les réduire par le jeu des
affrontements qu’elle met en place et des informations qu’elle fait circuler. Cependant, les
incertitudes peuvent augmenter avec l’émergence de nouveaux groupes de plus en plus
nombreux qui s’attachent à rendre visibles d’autres zones d’ignorance (Callon, Lascoumes
et Barthe, 2001). Suivre une controverse, c’est donc étudier les changements et les
modifications qui vont survenir concernant une situation qui pose problème, en se
concentrant sur l’évolution des plages d’ignorance qu’elle contient et qui fluctuent au
cours des débats. Une controverse met en scène une hétérogénéité d’éléments qui vont
amener à reconfigurer le problème (le transformer pour le résoudre, ou l’ouvrir encore
sur de nouvelles incertitudes). La reconfiguration de ces éléments inclut un redéploiement
de celle-ci dans « l’espace », c’est-à-dire une nouvelle géographie et cette variation, qui
peut être importante, comporte un questionnement sur l’adéquation des concepts
géographiques actuellement utilisés dans la discipline (selon leur acception dans le
domaine francophone) à la dynamique de la controverse.
Dans cette perspective, trois conditions nous paraissent nécessaires pour qu’une notion
de géographie puisse s’appliquer à l’analyse de la controverse : aller au-delà du couple
nature/culture et de la séparation entre les faits et les valeurs, partant du principe que les
connaissances scientifiques font partie du problème et qu’il n’est guère possible de faire
une sociologie de l’environnement sans intégrer celle des sciences (Bruno Latour, Cécile
Schwarz et Florian Charvolin, 1991)2 ; rendre compte de l’hétérogénéité des « mises en
connexions » qui se produisent en continu lors des discussions ; avoir la souplesse de
rendre compte des délimitations faites, en cours et à venir, telles qu’elles se font et défont
au cours de la controverse.
Une revue de la littérature géographique, bien que partielle, donne rapidement l’idée que
les notions d’espace, de territoire, de milieu et, dans une moindre mesure, celle de lieu
sont des notions polysémiques tant du point de vue de leur définition que de leur
utilisation. Il suffit pour s’en convaincre de lire le tout récent Dictionnaire de la géographie
et de l’espace des sociétés(Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), 2003). Notre projet n’est
pas de définir le « bon » terme pour analyser les controverses, il est au contraire de
soumettre l’une de ces notions, celle de lieu, à l’épreuve d’une controverse – et nous
expliciterons dans le corps du texte les raisons de ce choix. Nous voudrions donc aboutir,
par ce biais, à déceler les dimensions géographiques des controverses que l’on rencontre
fréquemment dans l’étude des problèmes environnementaux et des risques. Autrement
dit, nous chercherons à montrer la capacité d’une controverse à « faire » lieux et
symétriquement ce que ces lieux « font faire » en situation de controverse.
Une ligne sous haute-tension.
L’entrée en controverse.
Pour améliorer une qualité de service qu’elle juge insuffisante, ÉDF envisage de créer un
poste source 63/20kV (poste de transformation ou plus simplement « transfo » dans le
langage courant) près de Balbec, un petit bourg réputé au plan touristique3. Le nouveau
poste sera alimenté à partir du poste de Villetot, une autre commune distante d’une
dizaine de kilomètres, par l’intermédiaire d’une LHT de 63kV. Il s’agira donc à la fois
d’implanter un poste source et de construire une ligne. Or, ce double projet va
rapidement susciter un débat au plan local : d’un côté, des élus vont s’affronter pour
obtenir l’implantation du poste source sur leur commune (celui-ci étant synonyme pour
eux de taxe professionnelle importante) ; de l’autre côté, va se constituer un comité
regroupant des riverains et plusieurs associations locales de défense de l’environnement
et du patrimoine, hostiles à la défiguration du paysage par la LHT. En suivant Camille
Limoges et Alberto Cambrosio (1991, a et b), on peut qualifier le débat qui s’engage alors
entre représentants d’ÉDF, élus et riverains de « controverse technologique publique » ;
non seulement le problème des LHT met en scène un grand nombre d’acteurs, mais son
but vise une décision, et non pas une connaissance, comme dans le cas des controverses
scientifiques. Une fois que le comité de défense a réussi à mettre la LHT en débat, les
différents opposants sont amenés à acquérir des savoirs et à se documenter pour tenter
de négocier en face des experts d’ÉDF certaines options techniques et l’application de
certaines procédures. C’est ainsi que pour qui veut participer au débat public et faire
entendre sa voix, apprivoiser la technique devient à la fois une exigence et un recours.
De quelle controverse s’agit-il ? L’installation de la ligne à haute tension fait surgir un
débat public, dans lequel les non-spécialistes arrivent à jouer un rôle de première
importance, en apprivoisant la technique concernant l’objet qui fait débat. Pour espérer
obtenir la révision du projet d’ÉDF et la mise à l’étude de toutes les alternatives possibles,
le comité de défense doit se livrer à deux tâches complémentaires : il lui faut se doter d’un
public dont il sera le porte-parole parole ; il lui faut accumuler des connaissances
techniques pour équilibrer la discussion avec les experts. La première tâche se traduit par
un effort pour contacter et mobiliser le maximum d’habitants des environs, surtout les
agriculteurs. C’est ainsi qu’en septembre 1992, une pétition recueille plus de 600
signatures. Celle-ci permet la production du public en tant que tel et donne par la même
au comité les moyens de se faire le porte-parole d’une cause fondée.
Une fois les contours d’un public esquissés, l’un des enjeux de la controverse devient
l’organisation d’un forum de discussion commun, c’est-à-dire d’épreuves permettant aux
différents porte-parole de confronter directement leurs points de vue, au lieu de
s’exprimer sous forme de monologue depuis des univers différents. Deux mois plus tard,
le comité sollicite les candidats aux élections législatives de la troisième circonscription du
département en leur envoyant un petit questionnaire accompagné d’une lettre. Celle-ci
rappelle aux candidats les actions menées par le comité et les raisons de son inquiétude
face à la LHT : la gêne qu’elle occasionnerait pour les agriculteurs, le tourisme, la richesse
du patrimoine. Elle présente ensuite la solution envisagée par le comité, c’est-à-dire
l’enfouissement de la ligne4. Enfin, le comité demande aux candidats de répondre au
questionnaire joint. Comme l’indique le dossier constitué par le comité à la suite de cet
envoi, l’opération recueille les réponses des principaux candidats, toutes couleurs
politiques confondues.
Avec ce deuxième effort de mobilisation, on comprend que pour devenir des
interlocuteurs sérieux des pouvoirs publics et d’ÉDF et avoir le droit de discuter ensemble,
il faut tout à la fois représenter quelque chose (et donc se construire un public et solliciter
le soutien des élus) et accumuler des ressources et des savoirs aussi bien par rapport à la
procédure juridique que par rapport aux aspects techniques du projet. L’opinion et la
technique sont ici intimement mêlées, et c’est pourquoi les dispositifs où l’opinion se
manifeste, dépassent très largement le cadre des seules pétitions ou manifestations. Les
modalités de la prise de parole dépendent en effet non seulement de la capacité à
construire son public et à représenter l’intérêt général (comme dans les théories
classiques de la représentation) mais aussi des moyens disponibles pour s’informer et se
former au niveau technique et juridique.
Comme on peut le constater ici, des éléments spatiaux (emplacement de la ligne, paysage,
enfouissement de la ligne, patrimoine, etc.) font partie de la constellation d’arguments
invoqués par le comité pour solidifier son propos. Ceux-ci jouent un rôle important dans la
constitution des avis qui prennent forme et se stabilisent au cours de cette controverse.
Premier constat : la dimension géographique n’est pas complètement absente de cette
controverse socio-technique mais celle-ci apparaît de manière implicite comme une
dimension accessoire, jamais centrale dans l’analyse menée. Pour aller plus loin dans
l’explicitation de cette dimension présente dans la controverse et dépasser cette
géographie spontanée mêlant indistinctement les notions d’espace, de territoire ou de
paysage, il nous semble important de mettre certains concepts géographiques à l’épreuve
du cahier des charges que nous nous sommes fixés pour tenter de mieux appréhender la
dimension spatiale de la controverse.
La fabrique du lieu.
De quoi discute-t-on dans une controverse socio-technique ? Quels arguments liés à
l’espace sont convoqués ? Sur quel mode ? Et comment en rendre compte pour satisfaire
à la fois les exigences de la sociologie et de la géographie intéressées par l’analyse des
controverses ? En guise d’essai de conceptualisation, la notion de lieu a retenu notre
attention ; elle sera testée pour tenter de définir les processus de reconfiguration spatiale
que nous voyons se déployer dans une controverse5. Pour ce faire, il est nécessaire de
donner plusieurs exemples empiriques pour saisir la nature des discussions produites en
situation controversée.
Conclusion.
Notre dialogue entre une analyse de controverse et les concepts géographiques nous a
permis de mieux saisir ce que nous pressentions de manière intuitive au début de notre
discussion : les éléments spatiaux font partie intégrante de la controverse et sont
davantage qu’un support passif de l’action. Ils participent à la controverse
puisqu’ils agissent tout le long de l’évolution de la dynamique conflictuelle et ils (les lieux)
en sont le résultat, ultime mais toujours provisoire lorsque la controverse diminue,
s’arrête ou se clôture momentanément. La deuxième leçon à retenir, qui découle de la
première, est que les controverses ré-articulent les dimensions de nature et de culture, en
les imbriquant et les entremêlant, rompant, en cela, avec les dichotomies existantes. Pour
souligner les limites de ces postures dualistes, on peut reprendre à notre compte les
propos de Descola parlant de la fiction qui oppose faits de nature et faits de société. «
Pour désigner les rapports entre la nature et la culture, nombreux sont les termes
qui […] mettent l’accent tantôt sur la continuité – articulation, jointure, suture ou
couplage – tantôt sur la discontinuité – coupure, fracture, césure ou rupture – comme si
les limites de ces deux domaines étaient nettement démarquées et que l’on pouvait en
conséquence les séparer en suivant un pli préformé ou les rabouter l’un à l’autre comme
deux morceaux d’un assemblage » (Descola, 2001, p. 15).
Lorsqu’on cherche à définir ce qui caractérise les relations entre science, espace et société
en situation de controverse, on trouvera plutôt un brouillage de frontières que des limites
claires et stables. Est-on là dans le « faire lieu », le « faire eikos » pour reprendre les mots
de Bruno Latour, qui est si important pour toute pensée écologique, et corollairement
pour traiter les problèmes environnementaux ? Si une controverse contribue à créer, à
recréer ou à reconnaître des lieux, ce qui est finalement une attention très ancienne, alors
l’« espace » d’une controverse devient bien plus qu’un espace.
Résumé
En nous appuyant sur une étude de sociologie des sciences et des techniques portant sur
une controverse autour d’une ligne à haute tension, nous avons l’intention de montrer
que l’espace concerné contribue à remodeler et orienter la controverse, autant que celle-
ci forge et modifie les espaces qu’elle touche. Avec la progression de l’analyse, la notion
de lieu nous a semblé mieux adaptée à rendre compte de la complexité et de la variabilité
de la géographie de la controverse. La notion de lieu traduit selon nous cette capacité à
tenir ensemble des éléments hétérogènes au sein de connexions qui se produisent en
situation de controverse créant ainsi des délimitations qui ne sont jamais données
d’avance.
Pour faire référence à cet article
Cristina D’Alessandro-Scarpari,Élisabeth Rémy et Valérie November, "L’« espace » d’une
controverse.", EspacesTemps.net, Travaux, 18.01.2004
http://www.espacestemps.net/articles/lrsquo-espace-drsquoune-controverse/
‘Géographie’.
Jacques Lévy | 20.03.2003
Géographie.
A. Science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du social.
B. Objet de cette science, espace des sociétés (« espace géographique »).
A. La première définition décrit le cadre de travail des géographes d’aujourd’hui. Le mot «
géographie » désigne toutefois aussi trois autres réalités du passé qui ont encore une
résonance dans le présent :
1. La géographie comme regard à la fois empirique et théorique, rationnel, éthique,
esthétique, sur l’ici et l’ailleurs, sur la Terre et le Monde, qu’on peut
appelerpaléogéographie, qui naît et se développe dans les civilisations méditerranéennes
(Grèce et monde arabe surtout) de l’Antiquité à la Renaissance européenne.
2. La géographie comme exploration et description systématique de la Terre, qu’on peut
appeler aujourd’hui archéogéographie, avec des prémisses chez les Grecs, une présence
significative dans la Chine impériale, des Han aux Qing et une montée en puissance dans
l’Europe du 16e au 19e siècle.
3. La géographie comme ensemble de discours combinant une étude des différents «
genres de vie » selon les lieux, une idéologie nationale et une discipline scolaire. On peut
nommer cet ensemble « géographie traditionnelle », « géographie classique »
ouprotogéographie. Elle se manifeste surtout en Europe, et tout particulièrement en
France, dans la seconde moitié du 19e et dans la première moitié du 20e siècle.
Géographies.
Après l’acte inaugural d’Homère, on peut appeler géographes des auteurs qui, de Strabon
à Humboldt, ont cherché à repérer, à identifier, à nommer et à expliciter les localisations,
les localités et les lieux. Cette démarche, qui a une forte présence dans la Grèce antique,
dans le monde arabe entre le 19e et le 14e siècle et dans l’Europe des Lumières reste
présente dans la recherche systématique d’information sur les lieux (cartes, guides,
dictionnaires), notamment en vue du tourisme. C’est souvent le contenu des rayons «
Géographie » des librairies ou des épreuves de « Géographie » des jeux populaires. On
peut également appeler géographes des auteurs qui ressortissent à la « géographie
traditionnelle » ou « classique », qui s’est développée pour l’essentiel entre 1860 et 1960,
avec pour centre de gravité la France des années 1880-1920. Durant cette période,
l’espace n’était pas à proprement parler l’objet de l’étude. Il s’agissait plutôt d’une
éthnographie systématique des sociétés rurales (les « genres de vie » de Paul Vidal de La
Blache) dans le cadre d’un paradigme lamarckien privilégiant, comme grille de lecture, les
différentes modalités d’adaptation de la société au « milieu » naturel. Par ailleurs, cette
discipline s’est institutionnalisée dans un rapport particulier à l’État, acceptant dans de
nombreux pays, la mission de naturaliser le territoire étatique et de concourir ainsi,
notamment dans l’école, à la construction d’un communautarisme étatique. Enfin, cette
géographie était affaiblie dès sa naissance par son refus marqué de la théorie, en
contraste avec la sociologie et l’économie au même moment : la « description » littéraire
– dans un cadre rhétorique proche du récit en histoire – contribuait à affranchir le
raisonnement géographique de l’exigence de rigueur que les autres sciences sociales
assumaient de plus en plus.
Acquis et enjeux.
Depuis les années 1960, avec un point de départ en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en
Suède, la géographie s’est profondément transformée, produisant, par innovations
successives, son paysage actuel. On peut en résumer quelques traits significatifs. La
géographie est une science sociale parmi les autres sciences sociales. L’objet de la
géographie est l’espace, comme dimension de toute vie sociale. La géographie intègre à
son étude de l’espace les caractéristiques générales de la complexité spécifique du social :
l’historicité, la sociétalité (la société n’est pas la simple somme de ses éléments), la
pragmatique (existence d’actions et d’acteurs), le rôle des langages et des représentations
comme composantes majeure du réel social, à égalité avec le référent de ces langages et
de ces représentation.
Enfin, forts de leur expérience récente, les géographes ont intégré la démarche réflexive,
c’est-à-dire l’épistémologie interne, à partir des problèmes de la recherche, comme un
aspect irremplaçable de leur activité.
À côté de ces acquis, on peut considérer un certain nombre de points en émergence ou en
débat, qui constituent les enjeux du présent pour la géographie.
L’intégration systématique des apports des autres sciences sociales et de la
philosophie dans les domaines encore peu explorés par les géographes : rôle de
l’espace dans les sciences du psychisme et notamment les sciences cognitives,
philosophie de l’espace, géohistoire, philosophies politique et morale appliquées à
l’espace.
En relation avec cet enrichissement des substances, le renforcement d’une
géographie analytique qui, renonçant à l’affirmation cartésienne d’un espace absolu
géométrique, prenne davantage en considération l’importance de l’échelle et la
diversité des métriques.
Une nouvelle réflexion sur la nature, conçue comme rapport social au monde bio-
physique, qui, dans son principe, concerne et intéresse la géographie ni plus ni moins
que les autres sciences sociales mais qui, compte tenu de l’expérience de la
cohabitation entre les « branches » de l’archéo- et de la proto-géographie, peut
trouver une place innovante dans le nouveau dispositif.
Un effort de renouvellement théorique considérable sur la carte, qui doit redevenir
un point d’appui langagier pour la production et la diffusion de connaissances
scientifiques sur l’espace.
L’ensemble des débats théoriques des sciences sociales, notamment les relations
social/sociétal, communauté/société, individuel/collectif, mémoire/projet,
économique/sociologique, politique/géopolitique.
La mise en discussion des problèmes d’objet, de méthodes et de techniques tels que
la relation disciplinarité/transdiciplinarité du social, théorique/ empirique,
qualitatif/quantitatif, recherche fondamentale/expertise/action citoyenne.
B. La deuxième acception du mot « géographie » se manifeste plutôt à travers l’adjectif «
géographique », le nom apparaissant plus souvent, dans ce sens, en anglais (par exemple
dans le titre de l’ouvrage de The End of Geography). Ce qui est géographique, c’est ce qui
relève de l’espace du social (l’« espace géographique ») par opposition à d’autres espaces
(physiques, biologiques, mathématiques, métaphoriques). En ce sens, contrairement à «
spatial », « géographique » fournit une image globale de l’objet de la géographie et donne
une connotation plus épistémologique – ce que ne peuvent pas faire d’autres disciplines
qui ne disposent pas de deux mots différents pour désigner le champ et son étude :
économie/économique, science politique/politique, et même histoire/historique, dans la
mesure où « temporel » désigne, dans les sciences sociales, un champ plus large que celui
de l’histoire ; l’usage du mot « historiographique » tend alors à combler cette lacune.
Bien évidemment, les acceptions « encyclopédique » (géographie = nomenclature des
noms de lieux), naturaliste (géographie = ensemble des « conditions naturelles ») et
écologique (géographie = relations « homme/milieu ») doivent être fermement bannies,
sauf par ceux qui viseraient à enfermer la géographie d’aujourd’hui dans la paléo-,
l’archéo- ou la proto-géographie.
Épistémologie, Épistémologie de la géographie, Espace, Histoire de la géographie.
Résumé
Géographie. A. Science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du
social. B. Objet de cette science, espace des sociétés (« espace géographique »). A. La
première définition décrit le cadre de travail des géographes d’aujourd’hui. Le mot «
géographie » désigne toutefois aussi trois autres réalités du passé qui ont encore [...]
Pour faire référence à cet article
Jacques Lévy, "‘Géographie’.", EspacesTemps.net, Livres, 20.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquogeographiersquo/
‘Lieu’ 4.
Michel Lussault | 19.03.2003
Lieu.
Plus petite unité spatiale complexe de la société.
Le lieu constitue l’espace de base de la vie sociale. Il est complexe parce qu’il résulte (et
exprime) déjà d’une combinatoire de principes spatiaux élémentaires – ce qui ne signifie
pas nécessairement simples. Si l’on considère un espace public comme une place, avec
fontaine, bordée de bâtiments, on discrimine aisément ces composants élémentaires
distincts, qui ne sont pas tous permanents – le lieu possède, en effet, à la fois une
architectonique fixe et des registres changeants selon l’intensité de la présence de
certains de ses ingrédients à différents moments (ainsi un lieu la nuit n’est pas le même
que le jour) : mobilier urbain et objets divers, étendue même de la place et son traitement
au sol, fontaine, végétaux, jardin architecturé, différents bâtiments aux caractéristiques
variées, stocks et flux des automobiles et des piétons, dont la variation entraîne la
modification de la valence du lieu, lumière, odeurs… ; mais aussi pratiques des individus,
représentations officielles et individuelles du lieu en question – ce qui fait que celui-ci est
sans cesse débordé par certains de ses composants, ne peut pas parfaitement contenir
tout ce qui le constitue tout en le dépassant. Ainsi, une image du lieu dans un livre, une
parole sur lui dans un autre lieu et c’est une part de ce qui le compose qui existe hors de
lui. Les principes d’ordonnancement général de cette configuration locale font, bien
entendu, en tant que tels, partie de ce qui définit un lieu.
Dehors/dedans.
Le lieu constitue la plus petite unité spatiale complexe car c’est un espace « au sein duquel
le concept de distance n’est pas pertinente » (Lévy, 1994) donc, c’est l’espace de l’échelle
la plus restreinte. Selon Jacques Lévy, lorsque réintervient l’influence de la distance on
passe du lieu à l’aire. On sera, sur ce point, un peu plus nuancé que l’auteur. En effet, les
lieux se caractérisent aussi par le caractère sensible de leurs limites. On introduit là un
aspect qui renvoie en partie au champ de la pratique et de la représentation spatiales. Ce
problème de la limite configurante paraît important et le lieu existe avant tout en tant que
surface explicitement limitée, de micro-échelle – même si, comme on l’a souligné, certains
de ses composants le dépassent. Le bornage constitue d’ailleurs une action essentielle de
tout pouvoir politique souhaitant instituer un lieu et, au-delà, de tout acteur social engagé
dans la même démarche, Regardons faire, par exemple, les gestionnaires-producteurs des
espaces touristiques ou encore les sociétés d’autoroutes. Dès lors, se met en place le jeu
du couple dehors/dedans, qui ne s’applique pas qu’au lieu, mais dont la prégnance est
réelle en ce qui concerne cette espèce d’espace. Le lieu forme donc un ensemble discret –
au sens des mathématiques – et aisément discrétisable, qui s’affirme en tant qu’entité
dans cette discrétisation.
Le lieu, participe d’une des deux grandes métriques, la métrique topographique, marquée
par les principes de congruence, d’exhaustivité et de continuité. Cela écrit, on peut
estimer que la distance, dans tous ses états, peut quand même intervenir pour
décomposer le lieu en micro-lieux, ceux-ci toujours sensiblement intégrés dans l’espace
limité qui les contient et qui demeure un cadre explicite de la coprésence possible des
individus et des choses ; la possibilité doit toujours exister de pouvoircontrôler «
physiquement » le lieu par la marche brève ou le déplacement rapide et/ou la vue – les
lieux les plus forts ne sont-ils pas ceux, d’ailleurs, que le regard peut intégralement
embrasser et où les repérages visuels des limites sont les plus aisés ? C’est-à-dire que ne
doit pas s’affirmer un effet d’échelle et d’espacement suffisamment marqué qui brise le
lieu et le mue en aire. Une aire, de ce fait, peut être définie comme une combinaison
dynamique de lieux discrets. Une telle conception du lieu offre la possibilité d’indexer à ce
terme des espaces extrêmement variés, qu’il faut appréhender à l’aune des acteurs qui les
agencent et les pratiquent.
Le site, ou le lieu soustrait au regard du groupe social.
Cela posé, il faut introduire une précision supplémentaire, importante. Un véritable lieu
n’existe pleinement qu’en tant qu’il possède une portée sociale, en termes de pratiques
comme de représentations, qu’il s’inscrit comme un objet identifiable, et éventuellement
identificatoire, dans un fonctionnement collectif, qu’il est chargé devaleurs
communes dans lesquelles peuvent potentiellement – donc pas systématiquement – se
reconnaître les individus. Voilà qui différencie le haut-lieu, la place publique, le
monument-lieu de mémoire, la galerie commerciale, tous marqués par la coprésence
possible des composants sociétaux dans leur diversité et les signes manifestes des valeurs
collectives, des lieux domestiques : appartements, maisons, pièces, jardins, qui répondent
en général aux premiers critères de définition des lieux mais où le caractère privé
s’impose comme l’étalon du fonctionnement de l’espace, où les valeurs sont
explicitement configurées à l’aune de l’individualité, comme le montrent les analyses des
pratiques habitantes. Cette tension – qu’on n’appelle pas antagonisme, car les rapports de
complémentarité l’emportent sur les rapports d’opposition – intime/privé/individuel vs
extime/public/social paraît très importante dans le fonctionnement des espaces. Elle
justifie ici une discrimination entre, du côté de l’extime, du public et du social, les lieux et,
du coté de l’intime, du privé et de l’individuel ce qu’on nommera, à titre expérimental –
sans être satisfait par cette désignation –, les sites, distinction qu’on offre ici à la critique.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Action, Agencement, Espace, Habitat, Spatialité.
Résumé
Lieu. Plus petite unité spatiale complexe de la société. Le lieu constitue l’espace de base
de la vie sociale. Il est complexe parce qu’il résulte (et exprime) déjà d’une combinatoire
de principes spatiaux élémentaires – ce qui ne signifie pas nécessairement simples. Si l’on
considère un espace public comme une place, avec fontaine, bordée de [...]
Pour faire référence à cet article
Michel Lussault, "‘Lieu’ 4.", EspacesTemps.net, Livres, 19.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquolieursquo-4/
‘Lieu’ 2.
Nicholas J. Entrikin6 | 19.03.2003
Lieu.
Une condition de l’expérience humaine.
Les humains vivent leurs existences dans un lieu et ainsi développent simultanément un
sens d’être dans un lieu et hors d’un lieu. L’expérience du lieu implique donc pour une
personne à la fois la capacité subjective de participer d’un environnement et la capacité
objective de pouvoir observer un environnement comme étant externe et séparé de soi.
Cette tension crée une certaine ambiguïté dans les usages multiples du lieu dans le
discours géographique contemporain.
Le lieu est homologue et constitutif du soi. La relation de soi au monde et de soi aux
autres est construite par un discours joignant les éléments subjectifs et objectifs du lieu et
de la communauté.
Un « lieu commun », longtemps peu exploré.
Le lieu s’avère un concept central de la géographie humaine contemporaine, notamment
dans le monde anglophone. Ce rôle s’est affirmé à mesure que le lieu s’est vu
graduellement doté d’une définition plus complexe et que la géographie humaine a
évolué de ses origines naturalistes et matérialistes vers une orientation plus «
(humanistic) ». Dans les savoirs de la géographie classique, le lieu apparaît comme un
concept peu explicité. Par exemple, Paul Vidal de La Blache, on le sait, décrit la géographie
comme étant la science des lieux plutôt que celle des hommes, mais il n’a pas
véritablement exploré le concept de lieu. Pour Carl Sauer, la géographie était une science
fondée sur le sens naïf attribué aux différences des lieux, mais le lieu était un concept trop
banal, à ses yeux, pour occuper une place importante dans ses recherches. Alfred Hettner,
quant à lui, a développé une conception chorologique de la géographie qui accentue
l’intégration spatiale de phénomènes divers dans le lieu ; mais, paradoxalement, presque
tout au long du vingtième siècle et dans toutes les géographies, cette approche
chorologique a plutôt mis l’accent sur la région que sur le lieu.
Ainsi, le lieu a toujours fait partie du lexique des géographes, mais a longtemps été peu
défini en compréhension. Le lieu resta dans l’ombre des concepts de région, de territoire
et d’espace durant une grande partie du siècle dernier. Son utilisation dans les récits
géographiques produits par les géographes « classiques » en faisait principalement un
synonyme commode et vague de région, de territoire, de site, d’endroit… bref des espaces
d’échelles et de substances fort variées. Son association systématique dans les pratiques
traditionnelles de la géographie avec l’usage de la nomenclature et des index renforça
cette signification et cette portée faibles du terme.
L’évolution du concept de lieu.
6
Professeur de géographie à Ucla (University of California, Los Angeles). Ses intérêts de recherche sont
l’épistémologie de la géographie et la géographie culturelle. Parmi ses publications :The betweenness of
place (1991). http://www.espacestemps.net/auteurs/nicholas-j-entrikin/
Au début du 20e siècle, les géographes ont cherché à comprendre scientifiquement la
diversité des lieux, mais le « scientifique » était alors conçu comme le domaine exclusif du
« causal ». Les premières tentatives déployant une explication causale positiviste liaient
l’occupation humaine au sol et au climat, et à une variété des milieux naturels. Ce
déterminisme environnemental a graduellement évolué vers le discours causal un peu
plus subtil du possibilisme. L’émergence progressive d’une géographie humaine
réellement sociale, opposée à une géographie académique pensée comme une science
naturelle, étend les horizons explicatifs pour inclure les éléments économiques, sociaux,
et culturels comme facteurs potentiels de causalités complexes.
Pendant la première moitié du 20e siècle, l’histoire du concept de lieu a étroitement été
liée à la géographie régionale et à l’intégration spatiale des phénomènes divers qui
donnent un caractère ou une « personnalité » à un milieu. Le lieu et la région ont tous
deux été étudiés pour leurs spécificités ou leurs singularités (par exemple, la vallée de la
Loire), ou comme catégories génériques (par exemple, une région industrielle). Le
développement d’une approche analytique quantitative et spatiale durant les années
1960 transforme la signification primaire du lieu en une expression uni-dimensionnelle
dans l’espace. Les tenants de l’analyse spatiale ont dénoncé le caractère idiographique et
non-scientifique de la géographie régionale et leurs critiques visaient tant l’étude de la
région que la conception traditionnelle du lieu. S’ils ont montré en parallèle un intérêt
pour la catégorisation générique des lieux et des régions, c’est via des approches
modélisatrices comme celle des « lieux centraux ».
L’affirmation de l’importance du lieu comme un concept est associée, dans la dernière
partie du 20e siècle, aux changements introduits dans le champ de la géographie par
l’apparition du courant de la humanistic geography. Ce mouvement intellectuel, en vérité
très divers, qui se développe dans les années 1970 a élargi les démarches de la géographie
au-delà des formes naturaliste, matérialiste et positiviste des périodes précédentes, afin
d’inclure des thèmes et des approches plus idéelles et herméneutiques, centrées sur
l’expérience du sujet. Vue par ses contempteurs comme une descente dans le
subjectivisme, voire comme une dérive solipsiste, lahumanistic geography s’avère plutôt
une ouverture d’un chantier de recherche sous-tendue par une conception plus complexe
de l’agencement humain de l’espace et du sujet géographique et de ses rôles.
La prise en compte du sujet et de son expérience du lieu.
Dans la géographie classique du début du vingtième siècle, les êtres humains sont
principalement caractérisés comme des agents biologiques et géologiques pour qui
besoins et coutumes deviennent les vecteurs de transformation des paysages naturels.
Dans les approches marxistes ou dans celles de l’analyse spatiale, très matérialistes et
néopositivistes, l’agent, quand il n’est pas purement et simplement escamoté, apparaît
guidé par les contraintes matérielles des relations sociales de production ou/et par des
calculs utilitaires de choix rationnel.
Les tenants de la humanistic geography anglophone ont forgé le concept d’human
agency (i.e. le sujet agissant) pour inclure le domaine subjectif, c’est-à-dire celui des
valeurs, croyances, émotions et appartenances. L’acteur géographique combine les
éléments du social, du moral et de l’esthétique. La humanistic geography n’a pas puisé
majoritairement ces thèmes dans la géographie, même si des auteurs anciens avaient
identifié la fonction expérientielle du lieu : on trouve en effet une géographie esthétique
dans la géographie allemande du dix-neuvième siècle. En revanche, les tenants de
la humanistic geography pour formaliser la signification géographique d’un rapport
d’ensemble entre le sujet et le milieu, ont été largement influencés par les philosophies
existentielles et phénoménologiques et par ce que Gaston Bachelard appelait les
poétiques de l’espace.
L’importance de la connexion entre le lieu et le sujet ou l’agent est évidente dans la
recherche contemporaine sur l’identité et la représentation. La question de base de
l’identité est : qui suis-je ? Ou, dans le sens collectif : qui sommes-nous ? Alors que ces
questions relevaient plutôt, traditionnellement, de la psychologie et la sociologie, la
relation de l’individu ou du groupe au lieu ou au territoire est désormais posée comme
une problématique centrale de la géographie humaine. L’expérience individuelle ou
collective d’un milieu commun permet et limite les actions, offre les références de la
mémoire, et est essentielle pour comprendre les diversités des modalités d’appartenances
humaines à l’espace. Les êtres humains transforment l’espace terrestre, et ces
transformations affectent ce qu’ils sont et ce qu’ils font. L’identité du lieu implique des
stratégies discursives des sujets, des récits créant un sens d’ensemble, en termes de
biographie humaine, de solidarité communautaire, et d’appartenance au monde entier.
Ces identités (individuelles et collectives) liées au lieu et à son expérience, ont été
étudiées par des géographes comme les manifestations de la puissance sociale, dans
laquelle des groupes dominants, par exemple la classe sociale dominante et/ou le groupe
ethnique et/ou l’élite politique, établissent et fixent les identités d’autrui. Ce processus est
souvent accompli en partie par la naturalisation qui résulte de la mise en convergence
discursive des qualités d’un groupe et d’un lieu. Ainsi, les termes ghettos et banlieues
fonctionnent doublement comme descriptions de lieux et catégories sociales – les uns et
les autres indissociables. De ce point de vue, le lieu et la personne sont tous deux des
produits des forces sociales.
Le brouillage des concepts.
L’intérêt relativement récent pour le lieu n’a permis ni une clarification sémantique totale,
ni à une diminution des tensions entre la définition du lieu et celles des autres concepts-
clefs de la géographie. Par exemple, on différencie souvent le lieu et la région par
l’échelle, de façon trop banale et routinière, préférant le terme région à celui de lieu pour
représenter des plus grandes unités de terrain. Cependant, le lieu est parfois distingué
comme le milieu sensoriel directement vécu et la région comme un concept abstrait et
construit, une superficie obtenant sa cohérence par les institutions sociales et politiques.
Le lieu et l’espace ont été à l’occasion décrits comme des concepts jumeaux qui assurent
un continuum analytique entre l’expérience intérieure et le monde externe d’un sujet.
D’autres chercheurs ont mis en exergue une tension entre les lieux renvoyant à l’identité,
à l’appartenance humaine et la vie quotidienne, et les espaces renvoyant aux jeux des
forces globales. Des géographes critiques de ces approches suggèrent quant à eux que le
lieu et l’espace sont des catégories séparées. Ils soutiennent que le concept géographique
de lieu dérive de la physique téléologique aristotélicienne, dans laquelle toutes les choses
possèdent leur place naturelle, alors que l’espace de l’analyse spatiale positiviste dérive
d’une source cognitive différente, fondée sur la conception cartésienne de l’espace
comme extension infinie de l’étendue.
Les termes « spatialité » et « médiance », récemment développés, ont un sens proche de
celui de lieu car ils mettent l’accent sur le lien d’un sujet à un milieu de vie. Pourtant,
l’approche de la spatialité a souvent été limitée par un réductionnisme social dans lequel
l’acteur et l’espace sont produits socialement de façon mécanique. Le lieu, dans
l’acception de la humanistic geography, englobe le concept de la spatialité, tout en
étendant sa sémantique pour inclure les relations d’un sujet autonome à un milieu.
Comme le lieu, la médiance lie le subjectif à l’objectif, cherchant donc à surmonter la
conception dualiste du milieu ; celui-ci existe à la fois au-delà de la conscience et est
interprété à travers l’agent conscient. Mais le concept de lieu, du point de vue de
lahumanistic geography, exprime un plus grand souci pour le territoire et l’espace social
que pour le seul paysage et une plus grande attention pour un sujet actif qui se
transforme lui-même tout en transformant son monde.
Les défis des études du lieu.
Le défi de l’étude du lieu en géographie procède de l’ampleur du champ qu’il délimite. Son
utilisation courante rejoint pour les dépasser les antinomies traditionnelles : sujet/objet,
matérialisme/idéalisme, particularisme/universalisme. Cette ampleur pose des problèmes
pour dresser le lieu en concept théorique solide. Les géographes font sans doute de plus
en plus allusion à l’importance du lieu dans la vie moderne, mais trop peu encore ont
tenté de spécifier avec précision les mécanismes qui le rendent effectivement important.
Comment, par exemple, le lieu influence-t-il l’action collective ? Le langage du lieu fait
souvent partie du langage de la solidarité sociale et de l’identité culturelle, mais comment
distinguer le rôle du lieu en tant que symbole, idée, discours, représentation, de ses
fonctions de milieu de vie matériel ? Par ailleurs, bien des géographes reconnaissent que
le lieu est plus un processus (une relation d’expérience entre le sujet et un locus) qu’un
objet donné. Mais comment ce processus interagit-il avec la formation d’un sujet
individuel ou/et de l’acteur collectif ? La question du fonctionnement du lieu et de ses
effets multiples doit donc rester centrale aux futures recherches géographiques.
Un autre défi cognitif est d’aller au-delà de l’association spontanée de l’importance du lieu
avec les modes de vie traditionnels et particuliers. Le lieu a généralement occupé une
modeste place dans les études de la vie contemporaine urbaine générique. Il a en effet
plutôt été associé avec les genres de vie traditionnels, particulièrement avec ceux des
sociétés agricoles pré-industrielles, dans lesquelles les rythmes de la vie sociale sont
censés être liés à l’environnement naturel et bien contenus dans les limites de la localité.
En l’opposant à la tradition, des auteurs ont décrit la modernité et la postmodernité
comme une ère « sans-lieux », ou du moins caractérisée par la multiplication des « non-
lieux ». Cependant de nombreuses études récentes montrent la montée en puissance
croissante des mouvements sociaux et des phénomènes d’affirmation identitaire associés
au lieu. La surrection des mouvements communautaires, régionalistes, nationalistes et
environnementalistes, certains progressistes (et mondialistes en même temps que
localistes) et d’autres ataviques, conservateurs, voire réactionnaires, démentent les
théories du déclin actuel du lieu et poussent les géographes à aborder résolument le
problème de l’articulation du lieu et de la vie collective et individuelle.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Agencement, Haut-lieu, Humanistic Geography, Identité, Mythe, Représentation (I),
Valeur spatiale, Topophilia.
Résumé
Lieu. Une condition de l’expérience humaine. Les humains vivent leurs existences dans un
lieu et ainsi développent simultanément un sens d’être dans un lieu et hors d’un lieu.
L’expérience du lieu implique donc pour une personne à la fois la capacité subjective de
participer d’un environnement et la capacité objective de pouvoir observer un
environnement [...]
Pour faire référence à cet article
Nicholas J. Entrikin, "‘Lieu’ 2.", EspacesTemps.net, Livres, 19.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquolieursquo-2/
‘Lieu’ 1.
Augustin Berque7 | 19.03.2003
Lieu.
Là où quelque chose se trouve ou/et se passe. Termes proches : endroit, place, position,
site, emplacement, parages, lieudit, localité, coin, scène, théâtre…
Lieu (du latin locus) est un concept fondamental de la géographie, au point que celle-ci a
pu être qualifiée de « science des lieux » (Vidal de la Blache). Les usages du terme, de ce
fait, reflètent les vicissitudes de cette discipline ; en particulier son écartèlement entre
une volonté d’abstraction scientifique, d’une part, et d’autre part la nécessité de prendre
en compte la réalité sensible de l’écoumène. La divergence entre géométrie (abstraite)
et topographie (concrète) est plus ancienne même que la géographie comme discipline.
Elle s’exprime déjà par exemple dans les villes de l’époque sumérienne, dont le tracé
révèle un conflit entre les exigences d’une géométrie sacrée et les contingences de la
topographie profane.
De ce conflit résulte l’ambivalence des lieux en géographie. La question suppose une
ontologie, et ne peut se comprendre si l’on ne remonte pas aux origines de la pensée
européenne à cet égard. En effet, la géographie – et avec elle tout ce qui a trait aux lieux
dans la pensée et les pratiques contemporaines, par exemple en architecture – table
inconsciemment sur des fondations qui ont été posées par Platon et Aristote. Celles-ci
sont à la fois contradictoires et complémentaires. On peut les représenter par les deux
concepts de chôra et de topos. Chacun de ces deux termes peut se traduire par « lieu » ;
mais ce qu’ils impliquent est très différent.
Dans le Timée de Platon, la chôra intervient dans le rapport entre l’être absolu (on,
eidos ou idea), qui relève de l’intelligible, et l’être relatif (genesis), qui relève du monde
sensible (kosmos). L’être relatif n’est qu’une une image imparfaite de l’être absolu. Celui-
ci est éternel et n’a pas de lieu. Au contraire, l’être relatif est soumis au devenir, et il ne
peut exister sans un lieu, qui est la chôra. Sans définir celle-ci, Platon la cerne cependant
par une série de comparaisons, dont certaines apparaissent contradictoires ; ainsi celle de
mère (mêtêr) ou nourrice (tithênê) d’une part, de porte-empreinte (ekmageion) d’autre
part. Or que la chôra soit ainsi à la fois matrice et empreinte de la genesis, cela signifie
qu’il y a dans le monde sensible un lien ontologique indissoluble entre les lieux et les
choses.
C’est le contraire qui ressort de la définition aristotélicienne du topos au livre 4 de
laPhysique. En effet, celui-ci y est assimilé à un « récipient immobile » (aggeion
ametakinêton) qui limite immédiatement la chose. Cela signifie d’une part que la chose et
le lieu sont dissociables : si la chose bouge, son lieu devient un autre lieu ; d’autre part,
que l’être ou l’identité de la chose ne dépasse pas son lieu : si elle dépassait cette limite
7
Géographe, orientaliste, philosophe,Augustin Berque est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences
sociales. http://www.espacestemps.net/auteurs/augustin-berque/
(peras), elle serait une autre chose ; car elle aurait une autre forme, et pour
l’aristotélisme, la forme donne l’être à la chose.
Cette définition du topos apparaît clairement liée au principe d’identité (A est A) qui fonde
la logique aristotélicienne. Au contraire, dans son ambivalence et son indéfinition (Platon
va jusqu’à la comparer à un rêve), la chôra y est manifestement étrangère. La genesis,
dans son devenir, échappe également au principe d’identité. En revanche, l’être absolu,
qui est immuable, est la parfaite illustration de ce principe. Le Timée pose par ailleurs que
la vérité (alêtheia) concerne l’être absolu, tandis que l’être relatif relève de la croyance
(pistis). C’est en ce sens que la métaphysique platonicienne est une des origines de la
pensée scientifique, laquelle s’appuie aussi sur le principe d’identité qui fonde l’inférence
rationnelle. Enfin, le Timée assimile l’être absolu à une forme géométrique.
À partir de ces fondements épistémiques se sont déployées deux conceptions possibles du
lieu, entre lesquelles oscille encore et toujours la géographie :
dans l’une, le lieu est parfaitement définissable en lui-même, indépendamment des
choses. C’est le lieu des coordonnées cartésiennes du cartographe, dont l’ordonnée (la
longitude), l’abscisse (la latitude) et la cote (l’altitude) s’établissent dans l’espace absolu
des Principia mathematica de Newton. Le lieu y est un point abstrait, totalement objectif.
Il relève d’une géométrie qui permet de définir non moins strictement les objets qui
peuvent ou non s’y trouver. Un tel lieu n’est autre qu’une synthèse du topos aristotélicien
avec l’idea platonicienne ;
l’autre conception possible relève de la chôra. C’est la plus problématique, car elle est
essentiellement relationnelle. Le lieu y dépend des choses, les choses en dépendent, et ce
rapport est en devenir : il échappe au principe d’identité. C’est le lieu du « croître-
ensemble » (cum crescere, d’où concretus) des choses dans la concrétude du monde
sensible. Il n’est donc pas question pour la géographie de l’ignorer, puisque c’est cela
même en quoi elle se distingue d’une pure géométrie. Mais comment en concevoir la
logique, si ce n’est pas celle de l’identité ?
La logique du lieu (basho no ronri) propre au monde sensible, comme l’a montré Nishida
dans Basho (Lieu, 1927), est une logique du prédicat et non point de l’identité
aristotélicienne. Elle ne relève pas du A est A, mais du A est B, dans lequel A se ramène au
prédicat (B) selon lequel on l’appréhende. Et le monde, qui est l’ensemble de tels
prédicats, relève lui-même d’une logique prédicative.
Il n’est pas possible d’absolutiser ce principe (comme Nishida commit l’erreur de le faire,
dans un pur constructivisme), puisqu’il entre en contradiction avec l’inférence rationnelle,
donc avec la science ; mais il éclaire décisivement la question du lieu. Les lieux réels de
l’écoumène combinent en effet logique de l’identité et logique du prédicat : les choses y
possèdent d’une part une identité physique (A est A, cette pluie est H 2O), strictement
localisable dans les limites de leur topos ; mais d’autre part elles existent en fonction des
prédicats – c’est-à-dire la valeur et le sens – dont l’existence humaine les charge au fil de
l’histoire (A est B, cette pluie est un désastre pour le Sauternes). Ce rapport existentiel ne
peut pas se réduire à une précipitation de H2O sur un topos identifié comme « Sauternes »
par la carte (ce qui est d’ailleurs déjà une prédication !) ; il engage beaucoup d’autres
choses, dans une chôra qui échappe à la géométrie.
Quel est donc le véritable lieu de la pluie en question ? À la fois le topos d’une
précipitation, et la chôra d’un désastre. En outre, si la précipitation peut se réduire à une
hauteur d’eau dans le « récipient immobile » qu’est ledit topos, le désastre est un
processus dont la chôra n’a pas fini de s’étendre ; par exemple, l’année suivante, tel
importateur néo-zélandais ne renouvellera pas sa commande de Sauternes. C’est donc en
fait une chorésie (du grec chôrein, se déplacer), qui se compose prédicativement à
la topicité de l’identité physique des choses. Et cette chorésie est d’autant plus active que
Sauternes est un haut-lieu, c’est-à-dire un lieu plus chargé de prédicats que ne le sont
d’autres lieux ; mais même les lieux les plus insignifiants ne peuvent se réduire à une pure
topicité, laquelle serait absence totale de prédication. Pour autant qu’il y a monde – c’est-
à-dire prédicats, prédications et prédicateurs –, il y a chorésie des topoi de la planète ; et
c’est ce qui en fait notre écoumène. Telle est la double nature des lieux de l’écoumène. La
géographie, science des lieux, doit ainsi nécessairement combiner les deux logiques qui les
sous-tendent. C’est une tâche plus ardue, mais plus riche, que de les réduire illusoirement
à l’une ou l’autre. Les lieux de la réalité, ceux qu’étudie la géographie, transgressent leur
topicité : ils s’agencent en chorésies mouvantes, contingentes comme le sont les prédicats
de l’histoire ; mais pourtant, jamais ils ne s’affranchissent totalement des lois de l’identité
physique.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Aristote, Écoumène, Environnement, Géogramme, Haut-lieu, Médiance, Platon.
Résumé
Lieu. Là où quelque chose se trouve ou/et se passe. Termes proches : endroit, place,
position, site, emplacement, parages, lieudit, localité, coin, scène, théâtre… Lieu (du latin
locus) est un concept fondamental de la géographie, au point que celle-ci a pu être
qualifiée de « science des lieux » (Vidal de la Blache). Les usages [...]
Pour faire référence à cet article
Augustin Berque, "‘Lieu’ 1.", EspacesTemps.net, Livres, 19.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquolieursquo-1/
‘Lieu’ 3.
Jacques Lévy | 19.03.2003
Lieu.
Espace dans lequel la distance n’est pas pertinente.
La caractérisation d’un espace comme lieu est le résultat d’une construction. La même
réalité peut être traitée comme aire (ensemble de lieux) si l’on active ses distances
internes. Dans un lieu (ou, plus précisément : pour autant qu’un espace peut être
considéré comme un lieu), la position relative des phénomènes les uns par rapport aux
autres perd toute signification. En l’identifiant comme lieu, on privilégie d’une part les
interactions au contact en son sein et les relations distantes avec d’autres espaces.
Le noyau central du concept de lieu au sein de la connaissance de l’espace des sociétés
porterait plutôt sur la coprésence, c’est-à-dire aussi sur la cospatialité poussée jusqu’au
bout. Il y a là une divergence avec la conception très proche de celle de la physique selon
laquelle en un point il ne peut y avoir qu’un objet. Le concept de lieu se fonde sur l’idée
inverse : il y a lieu quand au moins deux réalités sont présentes sur le même point d’une
étendue.
Ces différents caractères du lieu conduisent à le considérer comme un espace spécifique
(et non comme un contraire de l’espace) : même si, dans un lieu, la distance
est suspendue, d’une part, elle se maintient alentour et, d’autre part, la possibilité
conservée de faire basculer le lieu en aire, c’est-à-dire la pertinence dans une autre «
couche » de l’espace d’une aire sur la même étendue, justifie cette option théorique. Cela
apparaît tout particulièrement lorsqu’on s’intéresse aux limites d’un lieu. Les abords d’une
gare peuvent être limités à un parvis, garnis de stations de taxis et d’autobus et de
parkings. Mais pourquoi ne pas l’étendre aux cafés, aux restaurants et aux hôtels qui
doivent leur existence à la gare et au-delà, au « quartier de la gare » dont tous les
habitants de la ville savent qu’il possède une tonalité particulière ? Les voies qui
conduisent de l’ancien centre à la gare reste plus ou moins marquées par cette fonction,
même si, comme à Zürich, la Banhofstrasse (rue de la Gare) est devenue elle-même l’ «
hypercentre », le cœur du centre-ville. Enfin, lorsqu’une aire urbaine est desservie, pour
les grandes lignes, par une seule gare, c’est toute la ville qui, en un sens, en constitue les
abords – la limite. Ainsi conçue, la détermination des limites d’un lieu devient une
méthode pour identifier les sous-espaces d’une aire donnée et en saisir les articulations,
en travaillant sur le basculement lieu/aire, toujours en question, toujours en jeu.
Place, localisation, localité, local.
Dans le lexique de la géographie anglophone, le mot « lieu » (« place ») a pris une
signification large (article « Lieu 2 », Nicholas Entrikin), proche de l’idée d’identité spatiale,
espace générateur d’identification. On est assez proche alors d’une des acceptions du mot
« territoire » (article « Territoire » par Bernard Debarbieux) dans la géographie française.
Malgré leur grand intérêt, ces développements peuvent être considérés comme ne
rendant pas compte de la généralité et l’ampleur d’un mot comme « lieu ».
La notion de lieu mérite en effet d’être clairement distinguée de celle de localisation, qui
peut ne correspondre qu’à une association entre un phénomène donné et un point de
repère sur une étendue vide (par exemple une latitude et une longitude). C’est le principe
de la notion de spot, adoptée par les adeptes de surf ou de planche à voile pour désigner
les endroits propices à leur pratique : même s’il possède une consistance par ailleurs, le
lieu (en l’occurrence une plage) est réduit à une seule de ces caractéristiques, toutes les
autres entrant dans la composition du site de cette localisation, c’est-à-dire d’un référent
reconnu mais non directement pertinent pour la question posée. La localité constitue un
degré supplémentaire de complexité dans la mesure où une dénomination intervient : une
localité est une localisation qui possède un nom. Au-delà, le couple constitué d’une
localité et d’un phénomène quelconque, aussi limité et fugace soit-il, représente déjà une
première entrée dans l’univers du lieu. Le lieu ne s’identifie pas non plus au local, défini
comme plus petite échelle d’existence d’une société complète. Le lieu peut, lui, se
manifester à n’importe quelle échelle ou, plus exactement : on peut toujours trouver un
principe d’échelle qui fasse d’un espace un lieu. Ainsi le Monde peut-il être considéré
comme un lieu du point de vue de certains phénomènes de communication ou d’opinion
publique. L’adjectif « local » se trouve, en conséquence, frappé d’ambiguïté, renvoyant à
la fois à « lieu » et à « local ». Mieux vaut garder l’adjectif « local » pour le substantif «
local » et préciser l’acception retenue si nécessaire.
Lieux forts, lieux faibles.
Plus le nombre de phénomènes est grand, plus le fait de « faire lieu » prend de
l’importance. Lorsque le lieu est une société, la suppression des distances internes est,
plus ou moins efficacement, obtenue à l’aide d’instruments spécifiques : cadres éthiques
et juridique commun, contrôle policier en réseau dense, territorialité politique. De par sa
concentration et la condensation qu’il réalise d’une multitude de réalités sociales, le lieu
est par excellence un objet d’étude pour les interactions au contact entre les différentes
composantes d’une société. Les espaces publics se prêtent tout particulièrement à cette
investigation puisque, par définition, toutes les composantes de la société locale s’y
rencontrent. On peut alors analyser l’habitabilité d’un lieu, c’est-à-dire sa capacité plus ou
moins grande à constituer l’un des habitats des différents individus et collectifs qui le
fréquentent. Un lieu devient alors autre chose qu’un réceptacle, c’est un objet mais un
opérateur actif que l’on peut utilement étudié comme une réalité singulière structurée
par des habitudes et des rythmes, ayant une histoire, des pratiques et un devenir.
À l’autre pôle de la complexité, les lieux faibles méritent attention en ce qu’ils se situent à
la limite de la « lieuité » : un petit nombre de réalités (objets, acteurs) réunis pour des
séquences brèves et à faible signification. Mais c’est justement dans ce genre de situation
critique que l’effet de lieu se manifeste, en un sens, à son maximum : sur un fond peu
contraignant, l’événement et le lieu s’identifient mutuellement mais toute la vérité,
cognitive et esthétique, se trouve dans le catalyseur que cette configuration faible a pu
constituer, en sorte que des actes importants y aient lieu.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Aire, Coprésence, Cospatialité, Espace, Identité spatiale, Local, Localisation, Réseau,
Territoire.
Résumé
Lieu. Espace dans lequel la distance n’est pas pertinente. La caractérisation d’un espace
comme lieu est le résultat d’une construction. La même réalité peut être traitée comme
aire (ensemble de lieux) si l’on active ses distances internes. Dans un lieu (ou, plus
précisément : pour autant qu’un espace peut être considéré comme un lieu), la [...]
Pour faire référence à cet article
Jacques Lévy, "‘Lieu’ 3.", EspacesTemps.net, Livres, 19.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquolieursquo-3/
‘Nature’.
Michel Lussault | 18.03.2003
Nature.
Le monde bio-physique, pour autant qu’il concerne la société.
La nature est l’ensemble des phénomènes, des connaissances, des discours et des
pratiques résultant d’un processus sélectif d’incorporation des processus physiques et
biologiques par la société. Bien loin d’être une instance extérieure à la société, un système
autonome, la nature est une construction sociale, et elle se trouve intégrée, sous
différents aspects, dans le moindre objet de société et donc dans le moindre espace. Cette
idée rompt avec la pensée moderne occidentale sur la nature, qui a radicalisé une coupure
héritée de la philosophie antique: celle séparant ce qui ressortit à la phusis (justiciable
d’une physique c’est-à-dire d’une véritable science mathématisable) et ce qui ressortit à
la thèsis (ensemble de phénomènes dont l’étude était dévolue aux humanités, d’où
s’extrairont peu à peu les sciences sociales). À partir de ce clivage initial, le modernisme
en sciences, toutes disciplines confondues, qu’elles s’occupent de l’ordre naturel ou du
genre humain, a postulé que la nature et la culture – la société – sont des ensembles clos
et bien distincts, radicalement séparés, des entités discrètes, deux « zones ontologiques
entièrement distinctes » (Latour, 1991, 21).
Le point de vue moderne autorisa et légitima toutes les postures hypostasiant l’une ou
l’autre de ces « instances » – la nature, le social. Ainsi, le « naturalisme » affirme qu’il est
possible et même souhaitable d’étudier la nature indépendamment de la prise en compte
réelle de la société – tendance dominante de la « géographie physique », qui n’utilise, à
l’occasion, que de façon métaphorique le vocabulaire des sciences sociales – et ne
considère que marginalement l’homme – incorrigible gêneur, coupable d’influences
néfastes.
À l’inverse, une large fraction des sciences sociales se fonda sur l’expulsion de la nature,
considérée comme une sorte de résidu, appelé à voir sa part diminuer irrépressiblement.
Par ailleurs, de nombreux savoirs scientifiques et d’ingénierie se consacrèrent à la
connaissance des mécanismes naturels dans la perspective de donner à l’homme les
moyens véritables de devenir « maître et possesseur » de la nature, ainsi arraisonnée et
mise à distance de l’humain. Le discours scientifique, durant longtemps, participa ainsi de
l’idéologie dominante moderniste, qui structura la société occidentale, et dressait en
principe primordial l’idée de domination, d’asservissement de la nature.
La plupart des sciences de l’homme, dans leur moment positiviste, affirmant la
désaffiliation de l’humain et du naturel, et se polarisant sur la société autonome, et les
sciences de la nature, qui fournirent les instruments de compréhension des lois physiques
permettant, justement, cette désaffiliation, convergèrent donc historiquement : ce nœud
épistémologique assura la solidité scientifique de la « constitution Moderne » (Latour,
1991), fonda en raison objective la coupure société (culture)/nature. Ainsi était posée la
disjonction fondamentale, qui travailla toute l’épistémè occidentale, entre non-humains
et humains qui permettait de purifier chaque domaine, et, en particulier, d’exclure
l’humain des sciences de la nature et d’expurger les sciences sociales du non-humain.
Peu à peu, à côté de la conception de la fracture radicale et la critiquant dans ses excès
sans remettre en question sa pertinence et sa prégnance, on a pu déceler l’affirmation
d’autres approches qui conservaient la séparation des deux instances, mais en cherchant à
mettre en évidence leurs relations ; certains auteurs trouvent l’origine d’une telle
démarche dans Marx et en signalent le développement au sein d’un large courant
matérialiste, teinté de marxisme ou/et de structuralisme, des sciences sociales. Marx, en
effet, énonça – dans Grundrisse et Le capital – l’idée du fondement naturel de l’ordre
social. Toutefois, Marx et, ensuite, ses continuateurs maintinrent une séparation forte
entre nature et société, entités contradictoires et liées par des rapports de domination, le
substrat naturel cédant face aux nécessités dictées par le procès de production.
On trouve maintes occurrences de ce type d’analyse analyse dans les sciences sociales,
jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, dès 1968, Serge Moscovici (1968) proposait une voie plus
subtile que la conception assez stéréotypée de l’instance naturelle, considérée comme
une extériorité, qui entoure, environne l’humain et avec laquelle l’homme entretient des
relations dialectiques. Pour Moscovici, en effet, les sociétés édifient les états de nature qui
correspondent à leurs schèmes culturels et à leurs logiques sociales à un moment
historique donné. Le travail de Pierre Moscovici fut fondamental pour lancer des
réflexions neuves sur la nature.
On peut aujourd’hui, en tenant compte des acquis de nombreuses réflexions, proposer
une grille de lecture susceptible de déplacer la position qu’occupe la nature dans les
sciences de la société, tout en conservant un champ bien défini pour des sciences
positives de la phusis.
Première hypothèse : il existe des systèmes physiques et biologiques indépendants de
l’homme, au sens où leur existence sans l’homme est envisageable (et d’ailleurs ils
existèrent avant que les hominidés n’apparaissent), même si leur pensée et donc leur
conception en tant que systèmes est intégralement œuvre humaine. On peut séparer le
physique et le biologique en raison d’une différence de principes d’organisation et de
fonctionnement. Ainsi, Gilbert Chauvet (1995), un auteur spécialiste de biologie
théorique, estime que l’interaction fonctionnelle caractéristique des systèmes physiques
est symétrique et locale alors que celle des systèmes vivants est non symétrique et non
locale. Cette séparation ne doit pas être conçue comme une opposition irréductible, les
deux systèmes étant ouverts l’un à l’autre.
Les phénomènes qui ressortissent aux systèmes physiques et biologiques doivent sans
doute être étudiés par des « physiques » et des sciences du vivant. Celles-ci, dans leurs
objets, leurs fondements et leurs méthodes peuvent à première vue ne pas sembler être
concernées la présence des sociétés, sauf dans la mesure où elles insèrent l’être humain,
en tant qu’il participe du système physique et du système du vivant, en dehors de son
statut d’« être social ». Et pourtant la société apparaît bel et bien sous la forme des
logiques qui sous-tendent les conditions de possibilités – idéelles et matérielles, cognitives
et pratiques – de cette pensée des systèmes bio-physiques. C’est en soi considérable et
explique que discourir sur une bactérie, c’est déjà parler de la société et de ses rapports
aux instances biologiques et à leurs principes objectivables.
Cet ensemble de réalités n’est donc pas intrinsèquement sociétal – même si sa saisie l’est ;
pourtant les sociétés s’en emparent, car il forme un matériau pour leur auto-construction.
D’où la deuxième hypothèse : cette « prise » et ce traitement (matériel et idéel) de
phénomènes physiques et biologiques par les sociétés produisent la « nature ». La nature
n’environne donc pas la société, n’est pas un monde extérieur, mais s’y trouve placée au
centre, comme un artifice, comme le résultat d’une fabrication. Car il n’y a rien de plus
artificiel que la nature et celle-ci se trouve toujours de plain-pied avec la société.
Chaque société construit ses états de nature qui assurent une partition, une distribution,
et un régime de relation légitimes (acceptées par le plus grand nombre) entre l’humain et
le non-humain. Cette partition, cette distribution, ce régime relationnel, et les systèmes
idéologiques et pratiques qui vont de pair, manifestent l’existence d’un « compromis ». En
effet, comme le souligne Bruno Latour (2001, 329) : « La nature, comme la société n’est
pas considérée comme le fondement, externe et évident, de l’action humaine et sociale
mais comme un compromis extrêmement problématique… ». Latour socialise la nature et
du même coup dénaturalise la société (c’est-à-dire dénie son évidence), au sens où il la
considère, elle aussi, comme un artifice fondé sur un compromis, sur un discours qui
stabilise, momentanément, un monde commun qui fait office de seul Monde vrai et
acceptable. Le « compromis moderne » fut celui de la séparation radicale et de la
domination de la nature et l’on ne peine pas à trouver aujourd’hui des indices qui
montrent qu’il est aujourd’hui en cours de redéfinition, même là où on ne s’attend pas à
le découvrir. La promotion des discours de l’écologie, et pas seulement ceux de la Deep
Ecology, le signale à l’envi, qui inversent le rapport de subordination : l’homme ne doit
plus être maître et possesseur de la nature, il se doit de respecter ses « droits » et ses «
principes ».
Ce ne sont pas les systèmes physiques et biologiques proprement dits qui constituent un
enjeu social majeur mais la nature. Celle-ci ne forme pas un système autonome mais un
composant construit de la société ; elle est donc le résultat de la traduction (au sens fort
du mot traduction) et de l’incorporation sociétale de phénomènes physiques et
biologiques. Les seules véritables sciences de la nature sont, de ce point de vue, les
sciences de la société. L’objectivation des réalités bio-physiques par des sciences
spécifiques constitue un mode possible (mais pas unique, si l’on veut bien admettre que la
nature a existé au sein des cultures humaines, avant même que ces sciences positives
existent) dans la transformation des faits physico-biologiques en données de la nature,
accompagné par bien d’autres modes assurés par d’autres acteurs que les scientifiques.
On peut d’ailleurs montrer que tous les éléments des systèmes biologiques et physiques
ne sont pas présents dans la nature que se construit chaque société, à un moment précis
de son histoire. D’abord dans la mesure où la connaissance objectivante qu’on peut en
avoir n’est pas stable : la nature médiévale n’était pas la même que la nôtre, ne serait-ce
que parce que on ne connaissait pas précisément la dynamique de l’atmosphère, où les
mécanismes de la reproduction. Ensuite, et plus profondément, parce que chaque société
sélectionne en permanence ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas. Et ce partage délimite
les frontières entre le naturel et l’humain, bien sûr, mais aussi, et la chose est moins
remarquée, celles entre le naturel et le bio-physique. Ainsi, des faits biologiques ou/et
physiques avérés par la science (donc de ce fait même humanisés et présents dans la
société) ne sont pas socialisés en faits de nature, parce que le compromis du moment ne
s’y prête pas. Qu’on songe par exemple au statut de bien des phénomènes décrits et
expliqués par la physique quantique, par la chimie des polymères, par l’opto-électronique,
par la biologie des procaryotes etc.
Le mode d’existence sociale et l’impact dans l’organisation et le fonctionnement de la
société des phénomènes bio-physiques n’empruntent donc pas nécessairement le registre
du « naturel ». Ce constat permet de donner un sens particulier à la notion de
biodiversité. Par ce terme, on désignera le rapport qu’une société entretient avec la
question de la diversité du vivant en tant qu’elle constitue un problème pour ladite
société. La diversité biologique, quant à elle, dénote la variété des formes prises par le
vivant telle qu’elle est saisie par la science positive du système biologique. Biodiversité et
diversité biologique se recoupent, mais ne se confondent en général pas : ce ne sont pas
des ensembles qui fixent le même type de discours, de pratiques, d’enjeux.
On comprend alors que les sciences sociales attachées à penser le système biologique et
le système physique avec la société, ne doivent pas limiter leur saisie aux seuls objets de
nature, même si ceux-ci constituent des matériaux de choix. En tout cas, la traduction de
fractions des dits systèmes en nature peuple la société de collectifs hybrides, c’est-à-dire
d’association d’humains et de non-humains, dont la définition respective et les relations
dépendent des conditions même de construction de l’objet « nature » par une société et
des différentes aspects que le naturel prend dans celle-ci.
Un tel processus de construction est intrinsèquement politique, car il définit le monde
possible d’action et de réflexion pour les individus. Le moment moderne fut une des
formes d’établissement de ce monde, composées d’espèces bien séparées et
hiérarchisées. À partir de la disjonction fondamentale nature/culture, humain/non
humain, on en trouvait d’autres comme subjectivité/objectivité, idéalisme/matérialisme,
intériorité (la conscience)/extériorité. On peut envisager d’autres agencements, d’autres «
cosmos », d’autres natures donc (Descola, 1986 ; Berque, 2000).
Cette position est à la fois :
réaliste – les faits, qu’ils soient matériels ou idéels, micro ou macroscopiques, sont là et
bien là ;
constructiviste – les faits sont « faits », ils ne s’imposent pas d’eux-mêmes, ils sont
construits dans leurs différents aspects ;
relativiste – il n’y a pas une bonne fois pour toute une seule vérité quant à la nature et à la
société, quant au partage des humains et des non-humains. Celui-ci est une fiction, un
ensemble de connaissances vraisemblables et légitimes, résultant d’un compromis qui
peut être contesté par d’autres.
La thèse ici proposée permet d’appréhender la structure du nœud gordien qui lie société
et nature. Les artefacts – langagiers et techniques – que développent les opérateurs
sociaux, assurent la permanente traduction des systèmes physique et biologique en états
de nature, propres à chaque société. Les sciences des univers physique et biologique,
comme les sciences sociales participent de ce compromis réaliste et relativiste, dont elles
omettent le plus souvent d’admettre la relativité. Il existe bien d’autres opérateurs de
stabilisation possible, dans un même moment, d’un état de nature ; car n’oublions pas
que la nature n’est pas la même pour tous les acteurs et que le problème de sa définition
est crucial et souvent polémique.
La société « invente » donc ses natures acceptables et en retour cette invention contribue
à la configurer et à l’organiser. Ainsi nature et société sont totalement interpénétrées
l’une et l’autre, par l’une et l’autre, même si le compromis moderne occidental reposait
sur une idée de leur disjonction.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Constructivisme, Hybridation, Social, Société, Traduction.
Résumé
Nature. Le monde bio-physique, pour autant qu’il concerne la société. La nature est
l’ensemble des phénomènes, des connaissances, des discours et des pratiques résultant
d’un processus sélectif d’incorporation des processus physiques et biologiques par la
société. Bien loin d’être une instance extérieure à la société, un système autonome, la
nature est une construction sociale, et [...]
Pour faire référence à cet article
Michel Lussault, "‘Nature’.", EspacesTemps.net, Livres, 18.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquonaturersquo/
‘Braudel, Fernand (1902-1985)’.
Christian Grataloup8 | 18.03.2003
L’historien Fernand Braudel joue un très grand rôle, à la fois intellectuel et institutionnel,
dans l’ensemble des sciences sociales françaises de la seconde moitié du 20 e siècle.
Intellectuellement il accorde à ce qu’il nomme l’espace une place décisive dans son
dispositif ; institutionnellement il rencontre constamment la géographie.
Né en 1902, agrégé d’histoire en 1923, il enseigne dix ans en Algérie, puis en 1935-36, à
São Paulo ; en 1937, il intègre l’École Pratique des Hautes Études. Cette période de
formation est située dans le sillage de Lucien Febvre, son directeur de thèse. Il lui succède
en 1946 à la direction des Annales et en 1949 au Collège de France. L’influence de Febvre
et des géographes qui l’ont formé dans les années 1920 font de Braudel un héritier direct
de l’influence de Paul Vidal de La Blache. Cette genèse explique le choix, alors
profondément novateur, de prendre pour sujet de thèse un espace. La Méditerranée et le
monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, soutenue en 1947 et publiée en 1949,
restera sans conteste le grand œuvre de Braudel et un monument de l’historiographie du
20e siècle. Réédité à plusieurs reprises, c’est dans la deuxième édition, profondément
remaniée, qu’apparaît la cartographie de Jacques Bertin. Bâtie en trois parties, qui seront
à l’origine de ce qu’on appelle souvent la « triple temporalité braudélienne », La
Méditerranée analyse d’abord « la part du milieu », puis « les mouvements d’ensemble »,
enfin « les événements ». Cette démarche s’inscrit donc dans la continuité du combat de
Marc Bloch et Lucien Febvre contre l’histoire uniquement événementielle. Pour cela, elle
place en premier la géographie, avant l’économie, le politique ne venant qu’à la fin.
Braudel fut également le bâtisseur d’un empire institutionnel, en marge de l’université
française, l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), fondée en 1962, à partir
de la 6e section créée en 1946. Il fait bâtir pour l’abriter, grâce aux capitaux de la
fondation Rockefeller, la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) à Paris. Là, il organise,
autour de l’histoire, un travail pluridisciplinaire de recherches et de publications qui pesa
très lourd dans l’ensemble de la réflexion sur les sociétés dans la seconde moitié du
20e siècle en France.
Ce n’est qu’une trentaine d’années après son premier ouvrage lourd qu’il publia sa
seconde œuvre importante : Civilisation matérielle, économie et capitalisme 15e siècle –
18e siècle, en trois volumes (une première version du tome 1 était parue en 1967). Le
premier tome, Les structures du quotidien, est centré sur la vie matérielle et la
démographie ; le second, Les jeux de l’échange, sur l’activité économique ; le troisième, Le
temps du monde, allie réflexion sur l’espace et le temps. Dans cet horizon qui passe de
l’Europe au Monde, au moment où l’Europe unifie la planète à son profit, Braudel utilise le
concept d’économie-monde, emprunté à son propre disciple Immanuel Wallerstein. Sur la
fin de sa vie, consacré « pape de la nouvelle histoire » (élu à l’Académie française en 1984,
8
Né en 1951, il est géographe, professeur à l'université Paris-Diderot (laboratoire Géographie-Cités), spécialiste de
géohistoire. Auteur notamment de Lieux d'Histoire. Essai de géohistoire systématique, Reclus, 1996, Géohistoire de
la mondialisation. Le temps long du Monde, Armand Colin, 2007 ; L'invention des continents. Comment l'Europe a
découpé le Monde (à paraître), Larousse, 2009. http://www.espacestemps.net/auteurs/christian-grataloup/
honoré par un colloque consacré à son œuvre à Châteauvallon en 1985), il se lance dans la
rédaction d’une volumineuse histoire nationale, L’identité de la France, dont paraîtrons
seulement, posthumes, les trois premiers tomes. Le premier de ces volumes, Espace et
histoire, reprend l’interrogation de Michelet : « La géographie a-t-elle inventé la France ?
». La démarche géographique mobilisée, très vidalienne, parut alors bien désuète ; mais
cette référence obsolète ne doit pas masquer l’importance de son apport, en particulier La
Méditerranée, pour la réflexion sur l’espace.
Le travail de Braudel, en effet, ne peut être réduit à une vision déterministe de l’histoire et
à quelques notions-clefs, dont celles de la triple temporalité et de l’économie-monde.
Comme toute pensée riche, son œuvre a contribué à structurer le champ des sciences de
la société, puis à bloquer de nouvelles perspectives. L’utilisation qu’il fait de la géographie,
mieux que celle des fondateurs des Annales, illustre la richesse paradoxale des apports de
l’école vidalienne. Alors qu’elle ne s’intéressait peu à l’histoire, sinon pour en recueillir des
« héritages » fossilisés, la géographie française du milieu du 20e siècle découvrait que ses
outils de réflexion n’étaient plus opératoires dans un monde urbanisé et en rapide
mutation. À l’inverse, la mise en œuvre de la méthode braudélienne pour des sociétés
révolues montrait une grande efficacité. Plus encore, l’utilisation que fait Braudel de la
géographie comme temps long des sociétés lui a permis de circonscrire, en les intégrant,
les démarches structuralistes. Son fameux article de 1958 « Histoire et sciences sociales :
la longue durée » est une réponse à Lévi-Strauss ; aux permanences des structures, il
oppose les mobilités constantes de toutes les sociétés, mais selon des dynamiques dont
certaines sont très fluides et d’autres imperceptibles. La longue durée permettait
d’intégrer toutes les avancées dans la compréhension des structures sociales profondes
sans perdre l’historicité. Or la base même de ce temps presque immobile, c’est l’espace :
la géographie que connaît et utilise Braudel est d’abord l’étude du milieu naturel et des
rythmes sociaux et économiques qui en dépendent étroitement. Rien d’étonnant à ce que
l’échange avec le géographe Étienne Juillard à Châteauvallon ait été largement un
dialogue de sourds : pour Braudel, la géographie n’a de sens que si elle est « déterministe
». Cependant, la réflexion sur l’espace qu’il a menée n’est pas réductible à ses formules à
l’emporte-pièce. Si Braudel est un aussi grand géographe qu’il est un historien majeur,
c’est non seulement parce qu’il a appris à l’histoire à toujours localiser l’événement par
rapport au milieu, mais aussi parce qu’il a toujours réfléchi à la position relative des
phénomènes historiques les uns par rapport aux autres.
Dans Civilisation matérielle notamment, il met constamment en situation les lieux et les
moments des pouvoirs politiques, économiques, culturels. Cette géographie historique,
dont la notion d’économie-monde n’est que l’aspect le plus formalisé, a largement
contribué à sortir de l’histoire expliquée localement, même si le lieu pouvait être vaste.
Pour Braudel, au contraire, il n’est d’événement, même ténu, que localisé et situé dans les
jeux de relations de niveaux emboîtés et toujours finalement mondiaux. La géographie
braudélienne peut présenter des durées parfois très longues, mais elle est toujours en
mouvement. Rien n’est jamais acquis, mais rien non plus ne se produit par hasard. Le
couple de concepts économie-monde (l’espace d’une civilisation géographiquement
polycentrique) et empire-monde (l’espace de civilisation plus unifié par le haut) s’avère
d’une extrême fécondité, en particulier pour penser temporellement l’échelle
géographique. Braudel invite ainsi, plus par son exemple que par son discours, à
construire une géographie de l’histoire. Ce n’est donc pas fortuit s’il a favorisé la réflexion
cartographique – même s’il a contribué à faire de la carte, dans la rhétorique graphique
des sciences sociales et de l’histoire en particulier, le mode privilégié de la figuration du
temps long. Sous sa houlette fut fondé par Jacques Bertin le laboratoire de graphique de
l’EHESS, où la carte est devenue un mode d’écriture et de pensée à part entière.
Comme pour les économistes de la régulation qui avouent une grande dette à son égard,
c’est donc plus la lecture précise des grands livres de Braudel que le résumé de ses
recherches en quelques formules qui permettent de comprendre en quoi son travail a
marqué et marque encore la géographie.
Centre/Périphérie, Empire, Géographie historique, Géohistoire, Histoire (Géographie et),
Historicité, Monde, Sciences sociales (Géographie et, Temps (Espace et).
Résumé
Braudel, Fernand (1902-1985). L’historien Fernand Braudel joue un très grand rôle, à la
fois intellectuel et institutionnel, dans l’ensemble des sciences sociales françaises de la
seconde moitié du 20e siècle. Intellectuellement il accorde à ce qu’il nomme l’espace une
place décisive dans son dispositif ; institutionnellement il rencontre constamment la
géographie. Né en 1902, agrégé [...]
Pour faire référence à cet article
Christian Grataloup, "‘Braudel, Fernand (1902-1985)’.", EspacesTemps.net, Livres,
18.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/lsquobraudel-fernand-1902-1985rsquo/
Les cent-dix auteurs.
| 17.03.2003
Les directeurs.
Jacques LEVY (JL). Né en 1952, ancien élève de l’École normale supérieure de Cachan,
agrégé de géographie, docteur d’État, Jacques Lévy est professeur à l’Université de Reims,
à l’Institut des Hautes Études de Développement et d’Aménagement du Territoire (IHEDAT)
et à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Directeur de l’équipe de recherche VillEurope, il
est cofondateur et coordinateur de la rédaction de la revueEspacesTemps, conseiller au
Ministère de la Recherche, membre du Comité stratégique de la DATAR et conseiller
scientifique de la revue Pouvoirs Locaux. Depuis 1975, il s’est consacré à la rénovation
épistémologique et théorique de la géographie et à son affirmation comme science
sociale. Ses principaux domaines d’études sont la géographie politique, la ville, l’Europe, le
Monde. Parmi ses trois cents publications, on retiendra plus particulièrement
: Révolutions, fin et suite (avec Patrick Garcia et Marie-Flore Mattei),
EspacesTemps/Centre Georges Pompidou, 1991 ; Géographies du politique (dir.), Presses
de Sciences Po/EspacesTemps, 1991 ; Le monde : espaces et systèmes (avec Marie-
Françoise Durand et Denis Retaillé), Presses de Sciences Po/Dalloz, 1992, 2 e édition 1993
; L’espace légitime, Presses de Sciences Po, 1994 ;Egogéographies, L’Harmattan, 1995 ; Le
monde pour Cité, Hachette, 1996 ; Europe : une géographie, Hachette, 1997, 2e édition
1998 ; Mondialisation : les mots et les choses (avec le groupe Mondialisation du GEMDEV),
Karthala, 1999 ; Le tournant géographique, Belin, 1999 ; Repenser le territoire : un
dictionnaire critique (avec Serge Wachter et al.), L’Aube, 2000 ; From Geopolitics to Global
Politics (ed.), Londres, Frank Cass, 2001.
Michel LUSSAULT (ML). Né en 1960, agrégé de géographie (1983), docteur en géographie
urbaine (1992), habilité à diriger des recherches (1996), Michel Lussault est professeur à
l’Université François-Rabelais de Tours. Membre du jury de l’agrégation de géographie, du
Comité National d’Évaluation de la Politique de la Ville, du comité de rédaction de la
revue EspacesTemps, il dirige l’Action Concertée Incitative « Terrains, techniques, théories
: travail interdisciplinaire en sciences humaines et sociales » du Ministère chargé de la
recherche et des nouvelles technologies. Après avoir élaboré une approche sémio-
linguistique des politiques territoriales et des relations pratiques des acteurs sociaux à
l’espace, il se consacre depuis 1998 à la mise en place d’une théorie générale pragmatique
et constructiviste de la spatialité individuelle et à des recherches d’épistémologie des
savoirs géographiques et urbanistiques. Parallèlement, il mène une activité d’expertise et
de conseil en matière d’urbanisme et d’aménagement. Auteur depuis 1991 de plus de 50
articles dans des ouvrages collectifs et des revues scientifiques, il a notamment
publié Tours : Images de la Ville et Politique urbaine, Collection Sciences de la Ville
Publications de l’Université François-Rabelais, Tours, 1993 ; Figures de l’urbain. Des villes,
des banlieues et de leurs représentations, (avec Christian Calenge et Bernard Pagand)
collection Sciences de la Ville, Publications de l’Université François-Rabelais, Tours, 1997
; La ville et l’urbain. L’état des savoirs, (avec Thierry Paquot et Sophie Body-Gendrot) Paris,
La Découverte, 2000 ; Des légendes et des hommes (dir.), Série France, Paris, Éditions
Autrement, 2001.
Jacques Lévy et Michel Lussault ont codirigé Logiques de l’espace, esprit des
lieux.Géographies à Cerisy, Belin, 2000.
Le comité de pilotage.
Christian GRATALOUP (CG), 1951, professeur de géographie à l’Université Paris 7-Denis-
Diderot, spécialiste de géohistoire, de modélisation graphique, de didactique. Il a
notamment publié Lieux d’histoire. Essai de géohistoire systémique, 1996.
Michel GRESILLON (MG), 1940, professeur de géographie à l’Université du Maine. Sa
spécialité est l’Europe.
Rémy KNAFOU (RK), 1948, professeur à l’Université Paris 7 – Denis Diderot, directeur de
l’équipe de recherche MIT, président du jury de l’agrégation externe de géographie,
travaille actuellement sur les mobilités géographiques, le tourisme et la ville. Ses
principales publications récentes : L’état de la géographie (1997), l’Institut de Saint-
Gervais, recherche-action dans la montagne touristique (1997), Tourisme et loisirs in Atlas
de France, La Documentation française-Reclus (1997), La planète « nomade
» (1998), Tourismes 1. Lieux communs (2002).
François MORICONI-ÉBRARD (FME), 1960, chargé de recherche au CNRS (UMR ESPACE, Avignon).
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’urbanisation du Monde, et d’une réflexion
théorique sur la géographie structurale et l’anthropologie du dogme.
Denis RETAILLE (DR), 1953, doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de
l’Université de Rouen. Il travaille sur l’espace nomade et les transferts conceptuels qu’il
autorise pour saisir le monde contemporain de l’hyper-mobilité. Il a publié notamment Le
monde, espaces et systèmes (1992, avec Marie-Françoise Durand et Jacques Lévy) et Le
monde du géographe (1997).
Olivier SOUBEYRAN (OS), 1952, professeur à l’Institut de Géographie Alpine de l’Université de
Grenoble 1 et membre du laboratoire TEO (Territoires, Environnements Montagnards et
Métropolitains, Organisations) associé au CNRS. Ses travaux portent principalement sur
l’histoire de la pensée aménagiste et géographique, sur les théories de la planification
environnementale et les enjeux du développement durable, l’écologie urbaine et
l’urbanisme. Il a publié : Imaginaire, Science et discipline (1997), et en co-auteur avec
Vincent Berdoulay : Débat public et développement durable. Expériences nord-
américaines (1996), et L’Écologie urbaine et l’urbanisme (2002). Il a également co-
dirigé Milieu, colonisation et développement durable (2000).
Jean-François STASZAK (JFS), 1965, maître de conférences à l’Université de Paris 1. Ses
travaux en épistémologie et histoire de la géographie (Géographies anglo-saxonnes, Belin,
2001 ; Les Discours du géographe, L’Harmattan, 1997 ; La Géographie d’avant la
géographie, L’Harmattan, 1995) et en géographie économique (Principes de géographie
économique, Bréal, 2000, avec I. Géneau de Lamarlière) l’ont conduit à s’intéresser plus
largement à la question des représentations en géographie. Ses recherches portent
aujourd’hui sur l’exotisme, les espaces domestiques, les jardins zoologiques et sur les
images liées à chacun de ces thèmes.
Les contributeurs.
Valérie ADAMY (VA), philosophe et enseigne à l’Université.
John AGNEW (JA), né en 1949 en Angleterre, Professeur de géographie à Los Angeles (UCLA).
Ses publications les plus importantes sont Place and Politics (1987), The Power of
Place (1989), Geopolitics (1998), American Space/American Place (2002) et Place and
Politics in Modern Italy (2002).
Pascal AMPHOUX (PAm), architecte et géographe, enseignant-chercheur à L’École
d’architecture de Nantes, participe aux travaux du Laboratoire Dynamiques Territoriales
(LADYT, École Polytechnique Fédérale de Lausanne) et du Centre de Recherches sur
l’Espace Sonore et l’Environnement Urbain (CRESSON, École d’Architecture de Grenoble).
Auteur de nombreux ouvrages et publications scientifiques portant notamment sur les
rapports entre la pratique du projet urbain et les méthodes des sciences sociales, parmi
lesquels, récemment, La notion d’ambiance, une mutation de la pensée urbaine et
architecturale, (Ministère de l’équipement, 1998).
Christiane ARBARET-SCHULZ (CAS), 1947, membre du groupe Dupont chercheur au CNRS, au
Laboratoire « Image et Ville » de Strasbourg. Travaux sur les rapports entre objets
techniques, espaces et sociétés, Elle est actuellement co-responsable d’un programme de
la Maison interdisciplinaire des Sciences de l’Homme d’Alsace portant sur « Les frontières
dans la ville ».
Paul ARNOULD (PAr), 1946, professeur des Universités à l’École normale supérieure de
Lettres et Sciences Humaines de Lyon. Ses recherches portent sur les milieux forestiers
envisagés dans une perspective systémique allant de l’écologie aux faits de perception et
de représentation. Il a notamment publié Les forêts d’Europe (1997, avec M. Hotyat, L.
Simon), La forêt, perceptions et représentations (1997, avec A. Corvol, M. Hotyat.).
François ASCHER (FA), 1946, professeur à l’Institut Français d’Urbanisme (Université Paris 8).
Il travaille sur la planification urbaine, la prospective des villes et des modes de vie et
s’intéresse notamment à l’évolution des mobilités des hommes, des informations et des
marchandises et à leurs implications spatiales. Il a publié, en particulier : Métapolis ou
l’avenir des villes (1995), Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les
organisateurs. Essai sur la société contemporaine (2000), Les nouveaux principes de
l’urbanisme. La fin des villes n’est pas à l’ordre du jour (2001).
Franck AURIAC (FAU), professeur émérite de géographie à l’Université d’Avignon. Ses
travaux portent sur l’analyse systémique de l’espace. Il a notamment publié Système
économique et espace (1983).
Jean-Marie BALDNER (JMB), 1951, enseignant de l’histoire et de la photographie à l’IUFMde
Créteil et au Centre Photographique d’Île-de-France. Membre du comité de rédaction de
la revue EspacesTemps, il participe à l’Équipe de recherche « Dons, monnaies,
prélèvements » à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Il a collaboré ou dirigé
plusieurs ouvrages collectifs sur l’œuvre de Georg Simmel et de John R. Commons.
Directeur d’une collection de manuels scolaires d’histoire, de géographie et d’éducation
civique, il travaille actuellement sur les débats entre l’histoire et la sociologie.
Boris BEAUDE (BB), 1973, doctorant en géographie à l’Université Denis Diderot (Paris 7). Ses
recherches portent sur la géographie des réseaux de télé-communication informatique et
tout particulièrement sur les processus d’intermédiation par Internet.
Cyrille BEGORRE-BRET (CBB), philosophe, enseignant à l’Université.
Florence BELLIVIER (FB), 1965, enseignant en droit privé à l’Université de Paris 13 et est
rattachée au Centre de recherche en droit des sciences et techniques de l’Université Paris
1 (UPRESA 8056). Elle a notamment travaillé au sujet des lois de bioéthique. Depuis
janvier 2000, elle co-rédige, avec J. Rochfeld, la chronique « Législation française en
matière de droit privé » de la Revue trimestrielle de droit civil.
Georges BENKO (GB), 1953, maître de conférences à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris
1), chercheur au CEMI-EHESS, directeur-fondateur de la revue Géographie, économie,
société. Auteur ou co-auteur de nombreux livres et articles scientifiques, ses recherches
portent sur la géographie économique, le développement régional, la théorie sociale.
Vincent BERDOULAY (VB), docteur de l’Université de Californie à Berkeley, professeur à
l’Université de Pau où il dirige le Laboratoire CNRS « Société, Environnement, Territoire »
(SET). Il est actuellement Président de la Commission de l’Union Géographique
Internationale sur l’Histoire de la Pensée géographique. Ses publications portent
principalement sur l’évolution des pensées géographique, environnementale et
aménagiste, ainsi que sur les dimensions culturelles du rapport humain au milieu. Parmi
ses ouvrages : La formation de l’École française de géographie, 1870-1914 (1981), Des
mots et des lieux. La dynamique du discours géographique (1988) ou encore L’écologie
urbaine et l’urbanisme (avec Olivier Soubeyran, 2002).
Alain J.M. BERNARD (AJMB), 1952, enseignant-chercheur à l’Université de Technologie de
Compiègne. Il est membre de l’UMR 8504 Géographies-Cités/Équipe EHGO. Ses travaux
s’ordonnent autour de deux problématiques : les relations entre innovation et territoire,
l’économie politique des savoirs géographiques.
Augustin BERQUE (AB), 1942, géographe et orientaliste, directeur d’Études à l’École des
Hautes Études en Sciences Sociales. Parmi ses livres : Écoumène. Introduction à l’étude des
milieux humains (2000) ; Les Raisons du paysage, de la Chine antique aux environnements
de synthèse (1995) ; (dir.) Dictionnaire de la civilisation japonaise(1994) ; Du Geste à la
cité. Formes urbaines et lien social au Japon (1993) ; Le Sauvage et l’artifice. Les Japonais
devant la nature (1986).
Hélène BLAIS (HBI), 1971, maître de conférences en histoire à l’Université de Reims. Auteur
d’une thèse sur les voyages dans le Pacifique au 19e siècle, ses recherches portent sur
l’histoire de la géographie, la colonisation et les liens entre science et empire.
Jean-Paul BORD (JPB), 1950, maître de conférences en géographie à l’Université de Tours et
chercheur au Centre d’études et de Recherches sur l’Urbanisation du Monde arabe
(URBAMA). Ses centres de recherche sont la cartographie, la graphique, les représentations,
les discours et l’invention des territoires. Il a notamment publiéInitiation géo-graphique
ou comment visualiser son information (en collaboration avec Éric Blin) (1995) ; Le Monde
arabe : des espaces géographiques aux représentations cartographiques (2000) ; Les
cartes de la connaissance (dir.) (2002).
Heather BRYANT (HBr), né en 1962 en Californie (États-Unis), géographe, travaille à l’Institut
de Géographie de l’Université de Lausanne sur la géographie urbaine, la pauvreté ainsi
que sur le Népal et Katmandou.
Philippe CADENE (PhC), 1955, professeur de géographie à l’Université Paris 7-Denis Diderot,
président du GEMDEV, un réseau spécialisé dans les recherches sur la mondialisation et le
développement. Ses travaux personnels portent principalement sur l’Inde où il poursuit
des recherches sur les dynamiques entrepreneuriales et les réseaux urbains.
Laurent CAILLY (LC), 1976, doctorant en géographie sociale à l’Université François Rabelais
de Tours. Il travaille sur les liens entre territorialité et identité sociale.
Christian CALENGE (CCa), 1948, professeur agrégé de géographie à l’Université François
Rabelais de Tours, et membre du centre de recherches « Ville, Société, Territoire » ( E.A.
2111) au sein de la MSH « Villes et territoires » de Tours. Ses recherches portent plus
particulièrement sur les projets urbains, notamment les espaces périurbains et les
représentations de la nature. Il a notamment publié Figures de l’urbain. Des banlieues et
de leurs représentations (1997, avec Michel LUSSAULT et Bernard PAGAND),
Emanuela CASTI (EC), 1950, professeur à l’Université de Bergame (Italie). Elle étudie le
rapport entre le langage cartographique et les processus de territorialisation dans le
domaine italien et africain. Parmi ses ouvrages : Reality as representation. The semiotics of
cartography and the generation of meaning (2000) et Arcangelo Ghisleri e il suo
clandestino amore (2001).
Jacques CHARMES (JC), 1947, professeur de Sciences Économiques à l’Université de
Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, et directeur de recherche à l’Institut de Recherche
pour le Développement (IRD), au Centre d’Économie et d’Éthique pour l’Environnement et
le Développement (C3ED). Spécialiste d’économie du travail, de comptabilité nationale et
des questions de genre, il est directeur du programme statistique du réseau international
« Women in Informal Employment : Globalising and Organising » (WIEGO).
Christine CHIVALLON (CCH), 1961, chercheuse au CNRS, travaille sur les liens entre espace et
identité, particulièrement dans l’univers culturel antillais. Elle a notamment publié
: Espace et identité à la Martinique. Paysannerie des mornes et reconquête collective
(1840-1960) (1998),
Paul CLAVAL (PC), 1932, professeur émérite à l’Université de Paris-Sorbonne. Il s’est
intéressé tout au long de sa carrière à l’histoire de la géographie, aux problèmes
épistémologiques que pose cette discipline, et aux rapports qu’elle a entretenus avec les
autres sciences sociales : cela l’a donc conduit à travailler successivement dans les
domaines de la géographie économique, de la géographie sociale, de la géographie
politique et de la géographie culturelle, mais aussi dans celui de la géographie urbaine.
Publications principales : La logique des villes (1982), Histoire de la géographie
française (1998), Épistémologie de la géographie (2001).
Béatrice COLLIGNON (BC), 1965, maître de conférences en géographie à l’Université de Paris,
Panthéon-Sorbonne et membre junior de l’Institut Universitaire de France. Elle a
notamment publié Les Inuit, ce qu’ils savent du territoire (1996) a collaboré àGéographies
anglo-saxonnes, tendances contemporaines (2001, avec J.-F. Staszak) et Espaces
domestiques (2003, avec J.-F. Staszak).
Dominique CRETON (DC), maître de conférences en géographie à l’Université de Poitiers, il
est membre des laboratoires de recherche ICOTEM et GEOPHILE. Son travail de recherche
porte sur les questions de genre en géographie.
Cristina D’ALESSANDRO (CDA), 1972, doctorante en géographie à l’Université François-
Rabelais de Tours, et travaille sur la géographie de l’Afrique francophone.
Réné DAGORN (RD), 1964, agrégé d’histoire-géographie, prépare une thèse de géographie
sur les conceptions et les représentations des sciences sociales concernant la
mondialisation et la société-monde. Il enseigne au Lycée Jean de la Fontaine à Château-
Thierry et à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Il est le rédacteur en chef
d’EspacesTemps.net, une revue de sciences sociales en ligne
(http://www.espacestemps.net).
Laurent DAVEZIES (LDa), 1952, professeur à l’Université Paris 12-Val de Marne et à l’Institut
d’Urbanisme de Paris. Ses travaux sont consacrés à l’analyse économique du
développement territorial.
Rodolphe DE KONINCK (RDK), 1943, professeur de géographie à l’Université de Montréal.
L’essentiel de ses recherches concerne l’Asie du Sud-Est, les paysanneries, les politiques
agricoles et environnementales et la géopolitique. Parmi ses publications, on compte
: Malay Peasants Coping with the World (1992), L’Asie du Sud-Est (1994),Le recul de la
forêt au Vietnam (1999), Le Monde à la Carte (2000).
Bernard DEBARBIEUX (BD), 1959, professeur à l’Université de Genève et directeur du
laboratoire TEO (Université de Grenoble-CNRS). Il a travaillé sur le rôle des représentations
et des identités collectives dans les processus de territorialisation et d’aménagement des
territoires. Il a récemment publié, en co-direction avec F. Gillet,Mountains regions : a
research subject ? (2001) et, en co-direction avec Martin Vanier, Ces territorialités qui se
dessinent (2002).
Christian DELACROIX (CD), en 1947, professeur d’histoire à l’iufm de Créteil et animateur de
la revue EspacesTemps. Ses travaux de recherche portent sur l’historiographie,
l’épistémologie de l’histoire et l’histoire du travail industriel au 20e siècle. Il a publiéLes
courants historiques en France, 19e-20e siècle (1999), en collaboration avec
François DOSSE et Patrick GARCIA.
Giuseppe DEMATTEIS (GD), né en 1935 en Italie, professeur de géographie urbaine et
régionale à la première faculté d’Architecture du Politechnique de Turin. Il travaille sur les
réseaux urbains, le développement local, les politiques urbaines et territoriales. Parmi ses
publications : Le metafore della Terra (1985), Progetto implicito (1995), The Italian Urban
System Towards European Integration (1999).
David DESBONS (DD), photographe. Dernier ouvrage paru, en collaboration avec
Christian RUBY, La Dignité (2002).
Laurent DEVISME (LDe), 1972, maître-assistant à l’École d’architecture de Nantes. Ses
travaux portent sur l’agir urbanistique et ses référents ainsi que sur les nouvelles
territorialités métropolitaines. Après la publication d’un essai sur L’actualité de la pensée
d’Henri Lefebvre à propos de l’urbain (éd. MSH de Tours, 1998), il prépare un ouvrage issu
de sa thèse consacrée à l’urbanisme de nouvelles centralités.
Guy DI MEO (GDM), 1945, professeur à l’Université Michel de Montaigne (Bordeaux 3).
Spécialiste de la géographie sociale et culturelle, il a publié de nombreux ouvrages dont
: L’homme, la société, l’espace (1991), Les territoires du quotidien (1996),Géographie
sociale et territoires (1998), La géographie en fêtes (2001).
François DOSSE (FD), professeur des Universités à l’IUFM de Créteil, maître de conférences à
l’IEP, chercheur associé à l’IHTP et chercheur au Laboratoire d’histoire culturelle des
sociétés contemporaines. Il est membre du comité de rédaction de la
revue EspacesTemps. Ses intérêts de recherche concernent l’historiographie, histoire
intellectuelle et l’épistémologie de l’histoire. Parmi ses publications : L’histoire en
miettes (1987) ; Histoire du structuralisme, Le champ du signe, tome 1 (1991) et Le chant
du cygne, tome 2 (1992) ; L’Instant éclaté (1994) ; L’Empire du sens (1995) ;Paul Ricoeur,
les sens d’une vie (1997) ; L’Histoire (1999) ; Les courants historiques en France 19e-
20e siècles (1999, avec Christian DELACROIX et Patrick GARCIA) ;L’Histoire (2000) ; Michel de
Certeau, le marcheur blessé (2002).
François DURAND-DASTES (FDD), 1931, professeur émérite à l’Université de Paris 7-Denis
Diderot où il a fait l’essentiel de sa carrière. Il s’est intéressé aux climats et aux rapports de
ceux-ci avec les sociétés humaines, ainsi qu’à divers problèmes de méthodologie de la
géographie. Il a appuyé ses réflexions sur des travaux sur l’espace indien et sur la France
rurale.
Cyria EMELIANOFF (CE), 1965, maître de conférences à l’Université du Maine et membre du
groupe de recherche en géographie sociale de l’Université du Maine, ESO, UMR 6590
du CNRS. Ses travaux de recherche portent sur les politiques urbaines de développement
durable.
J. Nicholas ENTRIKIN (JNE), 1947, professeur de géographie à UCLA (University of California,
Los Angeles). Ses intérêts de recherche sont l’épistémologie de la géographie et la
géographie culturelle. Parmi ses publications : The betweenness of place (1991).
Emmanuel EVENO (EE), 1962, maître de Conférences (HDR) en Géographie, à l’Université de
Toulouse-Le Mirail. Chercheur au GRESOC (Groupe de Recherches Socio-Economiques) et
au CIEU-CNRS (Centre Interdisciplinaire d’Études Urbaines). Il est spécialisé dans l’étude des
relations entre les villes et les Techniques d’Information et de Communication, il est
notamment auteur de : Les Pouvoirs urbains face aux Technologies d’Information et de
Communication (1997), Utopies urbaines (dir., 1998).
Jean-Paul FERRIER (JPF), 1937, professeur à l’Université d’Aix-Marseille 1, et membre de
l’UMR CNRS 6012 Espace. Ses enseignements, ses nombreux travaux, livres et articles
veulent illustrer une géographie plus technique et humaniste, attentive aux territoires et à
leurs nouveautés, comme aux enjeux d’une science de l’homme et de la société plus
responsable et rigoureuse.
Henri GALINIE (HG), directeur de recherche au cnrs, directeur du laboratoire Archéologie et
territoires (UMR 6575, Université de Tours-CNRS), spécialiste d’archéologie urbaine,
travaille sur la transition urbaine entre Antiquité et Moyen-ge en Europe. Publications
récentes : Le Sol urbain (en collaboration, 1999) et Ville, espace urbain et
archéologie(2000)
Patrick GARCIA (PG), 1958, maître de conférences en histoire à l’iufm de Versailles,
chercheur associé à l’Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP) et co-animateur de la
revue EspacesTemps. Il se consacre à l’étude de l’historiographie et de l’épistémologie de
l’histoire ainsi qu’à celle des usages de l’histoire et des mises en scène politiques à
l’époque contemporaine. Il a notamment publié : Le Bicentenaire de la Révolution
française (1989) ; Pratiques sociales d’une commémoration (2000) ;Les courants
historiques en France 19e-20e siècles (1999) (en collaboration avec Christian DELACROIX et
François DOSSE) ; L’enseignement de l’histoire en France de l’Ancien régime à nos
jours (2003) (en collaboration avec Jean Leduc).
Jean-Christophe GAY (JCG), 1962, est professeur des Universités, actuellement en poste à
l’Université de Montpellier 3, et chercheur à l’Équipe MIT (Université de Paris 7, Denis-
Diderot). Il travaille sur les discontinuités spatiales et le tourisme. Il a publiéLes
Discontinuités spatiales (1995) et, avec l’équipe MIT, Tourismes 1. Lieux communs(2002).
Anne-Marie GERIN-GRATALOUP (AMGG), 1953, professeur à l’IUFM de l’académie de Créteil
(centre scientifique et technique de Saint-Denis). Sa spécialité : la didactique.
Annie GUEDEZ (AG), 1946, professeur de sociologie à l’Université de Poitiers, membre du
laboratoire ICoTEM de la MSHS de l’Université de Poitiers. Ses thèmes de recherche
concernent la transmission des savoirs professionnels, la sociologie urbaine ainsi que les
transformations et recompositions socio-spatiales. Dernier ouvrage paru : Mues
traversières, ethnographie en Montmorillonnais (2001, en collaboration avec Francis
Dupuy et Michel Valière)
Yves GUERMOND (YG), 1936, professeur émérite de l’Université de Rouen. Parmi ses
nombreuses publications sur la géomatique, on retiendra Analyse de système en
géographie (1984).
Philippe GUILLAUME (PhG), 1969, docteur en géographie de l’Université de Reims et
directeur scientifique de l’Institut Français d’Afrique du Sud (IFAS) à Johannesburg. Auteur
de Johannesburg. Géographies de l’exclusion (2001).
Florence HAEGEL (FH), directrice de recherche à la Fondation nationale des sciences
politiques (CEVIPOF). Elle travaille principalement sur les phénomènes de politisation et
dans le domaine de la sociologie des partis politiques. Elle a contribué récemment aux
ouvrages suivants : Aux frontières des attitudes : entre le politique et le religieux. Textes en
hommage à Guy Michelat, (2002, sous la direction de Jean-Marie Donegani, Sophie
Duchesne & Florence Haegel), La démocratie à l’épreuve (2002, in Gérard Grunber, Nonna
Mayer, Paul-M. Sniderman) et La démocratie en mouvement (2003, Pascal Perrineau, dir.).
Rogério HAESBERT (RH), 1958, professeur de géographie à l’Université Fédéral
Fluminense/Niteroi à Rio de Janeiro/Brésil. Ses recherches concernent la théorie de la
géographie, la mondialisation et la régionalisation. Parmi ses publications : Latifundio e
Identidade Regional, Blocos Internacionais de Poder, Desterritorializao e Identidade,
Globalizao e Fragmentao no Mundo Contemporaneo, Territorios Alternativos.
Philippe HAMOU (PH), 1965, maître de conférences en épistémologie à l’Université de Paris
10-Nanterre. Champs de recherche : histoire de la science et de la philosophie classiques
(17e siècle), optique, perspective, théories de la perception.
Claire HANCOCK (CH), 1969, maître de conférences en géographie à l’Université Paris 12-Val-
de-Marne et membre de l’équipe de recherche ATIR (Acteurs, Territoires, Inégalités
Représentations). Romain GARCIER (RG) est un de ses amis.
Daniel HIERNAUX-NICOLAS (DH), 1950, professeur titulaire et directeur du programme en
Géographie Humaine de l’Université Autonome Métropolitaine campus Iztapalapa de
Mexico. Ses champs de recherches principaux sont la ville de Mexico, la restructuration du
territoire mexicain dans le cadre de l’Alena, mais aussi des questions d’épistémologie de la
géographie et de géographie culturelle. Son dernier livre : Métropole et ethnicité, publié
au Mexique, porte sur l’intégration des indiens dans la capitale mexicaine.
Jochen HOOCK (JH), professeur d’histoire moderne et contemporaine à l’Université de Paris
7-Denis Diderot après avoir enseigné aux Universités de Heidelberg, Bielefeld et
Paderborn. Ses travaux portent sur la théorie de l’histoire et le discours économique et
commercial à l’époque moderne, thème de son Ars mercatoria en collaboration avec
Pierre Jeannin (3 volumes parus).
Isaac JOSEPH (IJ), 1943, professeur de sociologie à l’Université de Paris 10-Nanterre et
travaille sur la sociologie urbaine et la microsociologie. Parmi ses publications : Le passant
considérable (1984), Erving Goffman et la microsociologie (1998), La ville sans
qualités (1998), Villes en gares (dir., 1999).
Isabelle LABOULAIS-LESAGE (ILL), 1969, maître de conférences en histoire moderne à
l’Université Marc Bloch (Strasbourg 2). Ses travaux s’inscrivent plus particulièrement dans
le champ de l’histoire culturelle. Parmi ses publications, Lectures et pratiques et l’espace.
L’itinéraire de Charles-Etienne Coquebert de Montbret, (1755-1831), savant et grand
commis d’État (1999).
Danielle LAPLACE-TREYTURE (DLT), 1967, chercheur au Laboratoire Société Environnement
Territoire (CNRS– UMR 5603) à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour. Elle a publié de
nombreux articles de nature théorique et épistémologique consacrés aux transformations
de la territorialité en rapport avec la crise de la modernité, à l’inscription du Sujet
contemporain dans ses relations aux lieux (notamment, ville, paysage, montagne) et à
l’altérité, à l’analyse de la pensée géographique à travers la diversité de ses écritures,
notamment à travers les genres du discours géographique.
Olivier LAZZAROTTI (OLa), maître de conférences (HDR) à l’Université de Picardie-Jules-Verne
et membre de l’équipe MIT de l’Université de Paris 7 – Denis-Diderot. Après avoir mené
des travaux sur la question des loisirs, il élargit son champ au tourisme et au patrimoine et
à leurs relations et inscrit ses recherches dans le cadre général d’une géographie conçue
en tant que science de l’habiter.
Hervé LE BRAS (HLB), 1943, démographe, mathématicien et historien, est directeur d’études
à l’EHESS, directeur de recherches à l’INED et président du conseil scientifique de la DATAR. Il
est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont Essai de géométrie sociale(2000), Naissance
de la mortalité : l’origine politique de la statistique et de la démographie (2000), Les limites
de la planète (1996), Marianne et les lapins : l’obsession démographique (1992), Le sol et
le sang (1993), Kafka y la familia (2001).Une autre France : votes, réseaux de relations et
classes sociales (2002) et L’adieu aux masses (2002).
Patrick LE GALES (PLG) Né en 1964, Patrick Le Galès est chargé de recherche CNRS au
CEVIPOF et directeur d’étude à l’Institut d’Études Politiques de Paris où il enseigne. Il est le
directeur de l’International Journal of Urban and Regional Research et co-directeur
scientifique de l’Institut des Hautes Études sur le Développement et l’Aménagement des
Territoires en Europe. Parmi ses publications récentes : Local industrial systems in Europe,
rise or demise ? (2001, avec C. Crouch, C. Trigilia, H. Voelzkow) ; Le retour des villes
européennes (2002).
Mai LEQUAN (MLQ) Né en 1972, Mai Lequan est maître de conférences de Philosophie à
l’Université Lyon 3. Ancienne élève de L’ENS Fontenay-Saint-Cloud, Agrégée de
philosophie, Docteur, elle travaille sur la philosophie idéaliste allemande (Kant, Schelling,
Hegel) et a publié La paix (1998), La chimie selon Kant (2000), La philosophie morale de
Kant (2001) Kant, Projet de paix perpétuelle (2002).
Yveline LEVY-PIARROUX (YLP), 1951, directrice de la publication de la revueEspacesTemps,
professeur de lettres à Paris. Ses publications portent sur les liens entre les sciences
sociales et la littérature et la poétique des textes.
Claude LIAUZU (CL), 1940, spécialiste de la colonisation et des sociétés colonisées, en
particulier méditerranéennes. Parmi ses publications : Race et civilisation. L’Autre dans la
culture occidentale (1992), Passeurs de rives. Changements d’identité dans le Maghreb
colonial (2000), Histoire de la Méditerranée (2001, en collaboration), Quand on chantait
les colonies (2002).
Odette LOUISET (OLo), 1956, géographe à l’Université de Rouen. Ses publications portent sur
la ville et l’urbanité ainsi que la ville et la conception de l’espace en Inde.
Michel MARIE (MM), 1931, directeur de recherche émérite au CNRS. A notamment publié
: La fonction-miroir, La campagne inventée (avec Jean Viard) et Un territoire sans nom, Les
terres et les mots, Les réseaux qui nous gouvernent, Grands appareillages et sociétés
locales en Méditerranée, Cultures, usages et stratégies de l’eau en Méditerranée
occidentale : tensions, conflits et régulations.
Jean-Louis MATHIEU (JLM), géographe.
André MICOUD (AM), 1945, sociologue, directeur de recherche au CNRS et responsable d’une
équipe mixte de recherche, le CRESAL (Centre de Recherches et d’Études Sociologiques
Appliquées de la Loire, UMR 5043) associée aux deux Universités de Lyon 2 et de Saint-
Étienne. Dans les deux domaines connexes du patrimoine et de l’environnement, il
s’attache à décrire et à comprendre par quel type de travail symbolique, les sociétés
modernes sont en train de reconfigurer leurs rapports au temps et aux milieux. Il a
participé à la direction de plusieurs ouvrages collectifs sur ce thème : Ce qui nous
relie (2002), Campagne de tous nos désirs (2000), Des hauts-lieux (1991).
Jean-Baptiste MINNAERT (JBM), 1964, maître de conférences en histoire de l’architecture
contemporaine à l’Université François Rabelais de Tours. Publications : The Architectural
Drawings of Henri Sauvage (1994) ainsi qu’une monographie, Henri Sauvage, l’exercice du
renouvellement (2002), Faubourg Saint-Antoine, architecture et métiers d’art (1998).
Lorenza MONDALA (LM), 1963, professeur des Universités au département de Sciences du
Langage de l’Université de Lyon 2. Elle travaille sur les interactions sociales dans différents
contextes, en milieu urbain et dans des situations professionnelles. Elle est l’auteure de
nombreux articles et du livre Décrire la ville. La construction des savoirs urbains dans
l’interaction et dans le texte (2000).
Veronica NOSEDA (VN), 1973, chercheuse à l’Université de Lausanne et travaille sur la
genèse du problème de la « violence urbaine » en France, et en particulier sur le rôle des
intellectuels dans la construction d’un discours sécuritaire.
Jean-Marc OFFNER (JMOf), 1953, directeur du Laboratoire Techniques-Territoires-Sociétés
(LATTS), professeur à l’École Nationale des Ponts et Chaussées. Il a une double formation
d’ingénieur-urbaniste et de politologue. Ses travaux de recherche portent sur la socio-
économie des réseaux techniques, l’action publique locale, les interactions entre transport
et aménagement. Il est rédacteur en chef de la revueFlux – Cahiers scientifiques
internationaux Réseaux et territoires.
Jean-Marc OHNET (JMOh), 1958, directeur des Études de l’Institut de la Décentralisation et
directeur de la revue Pouvoirs Locaux. Il est l’auteur d’une Histoire de la décentralisation
française.
Olivier ORAIN (OO), 1968, professeur agrégé à l’Université de Toulouse-Mirail, est chercheur
à l’Équipe « Épistémologie et histoire de la géographie » (EHGO) dans l’UMRGéographie-
Cités (UMR 8504). Il prépare une thèse sur Le plain-pied du monde. Postures
épistémologiques et pratiques d’écriture dans la géographie française au 20 esiècle.
Thierry PAQUOT (TP), professeur des Universités, Thierry Paquot enseigne la philosophie de
l’urbain à l’Institut d’Urbanisme de Paris (Paris 12-Val-de-Marne), éditeur de la
revue Urbanisme. Parmi ses nombreuses publications : Homo urbanus(1990), Villes et
civilisation urbaine, 18-20e siècles, anthologie avec Marcel Roncayolo, Le monde des villes.
Un panorama urbain de la planète (dir., 1996), La ville et l’urbain, l’état des savoirs (dir.
avec Michel Lussault et Sophie Body-Gendrot),Le quotidien urbain. Essais sur les temps des
villes (dir. 2001), Philosophie, ville et architecture. La renaissance des quatre éléments (dir.
avec Chris Younès, 2002),
Françoise PLET (FP), professeur de géographie à l’Université de Paris 8, membre de
l’UMR 7533 LADYSS, coordinatrice du thème pluridisciplinaire « Espace, environnement,
santé, société » à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord. Elle est spécialiste de
questions de géographie rurale, géographie agricole, stratégies territoriales des agro-
industries, géographie de l’offre alimentaire et des risques alimentaires. Elle vient de
publier Une géographie de l’Amérique du Nord à la fin du 18e siècle : Saint-John de
Crèvecoeur, Voyage dans la Haute Pennsylvanie et dans l’État de New-York depuis l’année
1785 jusqu’en 1798 (2002).
Patrick PONCET (PP), 1974, docteur en géographie, auteur d’une thèse intituléeL’Australie
du tourisme ou la société de conservation, une analyse des dispositifs spatiaux de
conservation patrimoniale, et du rôle clé qu’y joue le tourisme. Il approfondit
actuellement cette problématique au travers d’une recherche sur la durabilité des lieux,
explorant les articulations entre leur singularité, leur valeur, et leur légitimité.
Jean-François PRADEAU (JFP) enseigne l’histoire de la philosophie ancienne à l’Université de
Paris 10-Nanterre. La plupart de ses travaux sont consacrés à l’œuvre platonicienne. Il a
traduit en français l’Alcibiade (2000), le Critias (1997), l’Ion (2001), le Philébe (2002), et il a
notamment publié Platon et la cité (1997) et Le monde de la politique. Sur le récit atlante
de Platon (1997).
Georges PREVELAKIS (GP), né en 1949 à Athènes, professeur de Géographie culturelle et
politique à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1). Il enseigne également à l’Institut
d’Études Politiques de Paris et à l’Université d’Athènes. Ses recherches portent sur les
territoires et les réseaux, l’aménagement urbain, les diasporas, la géopolitique de l’Europe
et des Balkans, la géographie de la Grèce, l’aménagement d’Athènes. En français, il a
publié Les Balkans, cultures et géopolitique (1994), Les réseaux des
diasporas (1996), Géopolitique de la Grèce (1997) et Athènes : urbanisme, culture et
politique (2000).
Philippe QUODVERTE (PQ), 1948, cartographe-géographe, maître de conférences à
l’Université d’Orléans, ou il dirige la Maîtrise de Sciences et Techniques de Cartographie. Il
est spécialiste de cartographie thématique, de sémiologie graphique, et des Systèmes
d’Information Géographique.
Jean-Bernard RACINE (JBR), 1940, professeur à l’Université de Lausanne. Spécialiste de
géographie urbaine, culturelle et sociale, il travaille en étroite collaboration avec la
municipalité de Lausanne et son Agenda 21, sur les questions du lien social, de
l’interculturalité, de l’économie solidaire et de la violence dans le cadre urbain. Auteur ou
co-auteur de : L’analyse quantitative en géographie (1973), Problématiques de la
géographie (1981), du Canada (avec P. Villeneuve) dans la Géographie universelledirigée
par Roger Brunet, de La ville entre Dieu et les hommes, et Lausanne, une ville qui
s’invente (2003).
Hervé REGNAULD (HR), 1958, professeur de Géographie Physique à l’Université de Rennes 2,
et chercheur à l’UMR 6554 du CNRS. Ses travaux portent sur la notion d’espace en
géomorphologie, sur les paléo-dynamiques littorales et sur la modélisation
comportementale des formes d’accumulation. Il a obtenu le 1er Prix du Festival du Film du
Chercheur (Nancy) en 2001 (catégorie Enseignement de la Recherche par la Recherche). Il
a écrit L’espace, une vue de l’esprit ? (1998).
Muriel ROSEMBERG (MR), 1955, géographe, maître de conférences à l’Université d’Amiens et
chercheur à l’Équipe EHGO-UMR Géographie-cités. Elle a publié Le marketing urbain en
question. Production d’espace et de discours dans quatre projets de villes (2000). Ses
recherches en cours portent sur la question des représentations géographiques.
Christian RUBY (CR), docteur en philosophie, enseignant, chargé de cours sur le serveur
audiosup.net de l’Université de Nanterre (Paris 10), chargé de cours à l’antenne parisienne
de l’Université de Chicago, membre de l’Association pour le Développement de l’Histoire
culturelle, membre du comité de rédaction des revuesRaison
Présente, EspacesTemps, Bulletin critique du livre en langue française et Les Cahiers de
l’Éducation permanente (ACSS, Belgique). Derniers ouvrages : L’État esthétique, Essai sur
l’instrumentalisation de la culture et des arts (2000) ; L’Art public, Un art de vivre en
ville (2001) ; Les Résistances à l’art contemporain (2002).
Thérèse SAINT-JULIEN (TSJ), 1946, professeur de géographie à l’Université de Paris 1-
Panthéon-Sorbonne et chercheur à l’UMR Géographie-Cités.
Gérard SALEM (GS), 1952, professeur des Universités, en poste à l’Université Paris 10-
Nanterre), où il dirige le laboratoire Espace, Santé et Territoire. Il a notamment publiéLa
santé dans la ville. Géographie d’un petit espace dense (1998) et Atlas de la santé en
France. Vol 1 : la mortalité (2000, avec S. Rican et E. Jougla).
Lena SANDERS (LS), 1955, géographe, directrice de recherche au CNRS. Elle s’intéresse à la
dynamique des systèmes spatiaux et elle a développé et testé des modèles sur
l’émergence et la pérennité de l’habitat et des systèmes de villes à différentes échelles de
temps et d’espace. Elle a notamment publié, Villes et Auto-organisation(1989, en
collaboration avec D. Pumain et Th. SAINT-JULIEN), L’analyse des données appliquée à la
géographie, (1990), Système de Villes et synergétique (1992), Des oppida aux
métropoles (1998, collectif d’auteurs ARCHAEOMEDES) et elle a coordonnéModèles en
Analyse Spatiale (2001).
Mathis STOCK (MS), né en 1970 en Allemagne, maître de conférences à l’Université de
Reims et membre de l’équipe MIT, ses travaux portent sur la manière dont les sociétés à
individus mobiles habitent les lieux géographiques. Il a notamment collaboré à
l’ouvrage Tourismes 1. Lieux communs (2002, Équipe MIT) et a coordonnéTourisme. Une
approche géographique (2003).
Anne STROHL (AS), 1971, professeur agrégée au Lycée André Maurois d’Elbeuf, Docteur en
philosophie. Elle a réalisé une thèse sur L’espace à l’âge classique (Descartes, Leibniz,
Locke et Berkeley). Ses centres d’intérêt portent sur l’espace, le territoire, le monde, le
corps.
Serge THIBAULT (ST), 1950, ingénieur en génie civil et docteur d’État ès sciences physiques
en génie urbain. Il est professeur en aménagement et urbanisme à l’Université François-
Rabelais de Tours, où il dirige la Maison des Sciences de l’Homme « Villes et territoires ».
L’ensemble de ses recherches est dominé par la modélisation des organisations spatiales.
Parmi ses publications : Modélisation morpho-fonctionnelle des réseaux d’assainissement
urbain à l’aide du concept de dimension fractale, Doctorat d’État (1987), 1987 ; La fabrique
de l’urbain (avec Laurent Devisme, Ministère de l’Équipement, 2001).
Jean-Louis TISSIER (JLT), 1945, professeur de géographie humaine à l’Université de Paris 12-
Val-de-Marne et membre de l’UMR 8504 Géographie-Cités/Équipe EHGO. Il travaille sur
l’École française de géographie vidalienne et post-vidalienne, sur les rapports de la
géographie et de la littérature, sur l’image et le paysage. Il a notamment publié (avec
Philippe Pinchemel et Marie-Claire Robic) Deux siècles de géographie française (1984), une
série de films sur le paysage (avec Philippe Pinchemel et Pascal Samson), et de nombreux
articles sur l’histoire de la géographie, le paysage et sa fonction en géographie, la
littérature et la géographie.
Emmanuelle TRICOIRE (ET), 1971, historienne, a travaillé sur les tragédies grecques.
Ancienne Durancière, elle est actuellement enseignante à Paris.
Angelo TURCO (AT), 1946, professeur de Géographie à l’Université de L’Aquila (Italie). Ses
recherches portent sur l’épistémologie de la Géographie et l’analyse du processus de
territorialisation, notamment en Afrique tropicale. Directeur de la revue Terra
d’Africa depuis sa fondation (1992), il vient de publier : Africa subsahariana. Cultura,
società, territorio (2002) et Paesaggio : pratiche, linguaggi, mondi (2002).
Paul VILLENEUVE (PaV), 1943, Ph.D. en géographie de l’Université de Washington à Seattle
en 1971, professeur de géographie sociale et la modélisation urbaine à l’Université Laval
au Québec où il a dirigé le CRAD (Centre de recherche en aménagement et en
dÉveloppement) de 1991 à 1999. Co-auteur du volume sur l’Amérique du Nord dans
la Géographie universelle, dirigée par Roger Brunet, il mène à présent des recherches sur
les dynamiques urbaines et régionales.
Philippe VIOLIER (PhV), professeur de Géographie à l’Université d’Angers (ESTHUA, UMR ESO)
et membre de l’équipe MIT. Ses recherches portent sur les relations entre les acteurs et les
objets géographiques selon des entrées parmi lesquelles le tourisme est privilégié.
Anne VOLVEY (AV), 1964, maître de conférence en géographie à l’Université d’Artois. Elle
travaille, à partir de l’étude des pratiques géographiques du terrain et de la figuration, par
analogie avec l’expérience des spectateurs-usagers des installations in situ des artistes
Christo et Jeanne-Claude, grâce à l’importation d’éléments théoriques empruntés à la
psychanalyse phénoménologique et existentielle, à l’élaboration d’un modèle
d’interprétation des déterminants psycho-somatiques de l’activité géographique, de son
discours et de ses productions.
Serge WACHTER (SW), professeur des Écoles d’architecture, il est conseiller scientifique au
Centre de prospective de DRAST (Direction de la recherche et des affaires scientifiques et
techniques) au ministère de l’Équipement. Derniers ouvrages parus :L’aménagement en
50 tendances (2002), L’aménagement durable, défis et politiques(2002).
Benno WERLEN (BW), né en 1952 en Suisse, professeur de géographie humaine à la
Friedrich-Schiller-Universität d’Iéna. Ses intérêts de recherche concernent la théorie
sociale et la méthodologie de la géographie humaine ainsi que les géographies du
quotidien. Il a notamment publié Society, Action and Space (1993) ; Sozialgeographie
alltäglicher Regionalisierungen, 2 vols (1995 et 1997) ; Sozialgeographie (2000).
Denis WOLFF (DW), 1956, géographe, professeur agrégé et participe aux travaux de l’Équipe
« Épistémologie et histoire de la géographie » (EHGO) dans l’UMR Géographie-Cités
(UMR 8504). Il s’intéresse à l’histoire de la géographie française dans la première moitié du
20e siècle et prépare actuellement une thèse sur Albert Demangeon.
Jacques Lévy & Michel Lussault (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des
sociétés, Paris, Belin, 2003. 1032 pages. 30 euros.
Résumé
Les directeurs. Jacques Lévy (jl). Né en 1952, ancien élève de l’École normale supérieure
de Cachan, agrégé de géographie, docteur d’État, Jacques Lévy est professeur à
l’Université de Reims, à l’Institut des Hautes Études de Développement et
d’Aménagement du Territoire (Ihedat) et à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Directeur
de l’équipe de recherche VillEurope, il [...]
Pour faire référence à cet article
"Les cent-dix auteurs.", EspacesTemps.net, Livres, 17.03.2003
http://www.espacestemps.net/articles/les-cent-dix-auteurs/