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d’articles académiques
1
Une lecture attentive des articles publiés durant les deux
dernières décennies par des universitaires marocains ne permet
pas d’y apporter une réponse claire et pertinente. Dans ces
conditions, donner un coup de pied dans la fourmilière s’impose
comme un impératif scientifique. Après tout, il n’y pas de
raisons pour que les lecteurs fassent les frais de manquements
volontaires ou involontaires.
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Boussetta, M. (1995), «Financement public, déséquilibres budgétaires et accumulation de la
dette publique au Maroc», Annales Marocaines d’Economie, revue de l’Association des
économistes marocains, n°11, troisième année, pp.71-82. (Voir notamment le tableau 3 :
«Evolution de l’encours de la dette publique au Maroc 1970-1974», p.74. Source: rapports de
Bank Al Maghrib ; et le tableau 5 : « Evolution des encours de la dette extérieure 1975-
1982», p.76. Source : Ministère des finances).
2
Boussetta, M. (2000), «La dette publique au Maroc: évolution, contraintes et perspectives»,
Critique économique, n°2, pp.71-80 (Voir notamment le tableau 8 : «Evolution de l’encours
de la dette extérieure 1983-1993», p.81. Source: Ministère des finances).
2
le cas? La réponse est non. Plusieurs dérapages méthodologiques
sont à relever.
2. Une lecture erronée du tableau n°3 (p. 74, 1995) qui retrace
l’ «évolution de la dette publique au Maroc» durant le
quinquennat 1970-1974 est aussi source de confusion. Les
indications chiffrées ou non qui s’y rapportent proviennent du
bulletin «Etudes et Statistiques » publiés par la Banque du Maroc
(n°75, mars 1979, tableau IV-2, p.64). Fondamentalement, il s’agit
de la dette intérieure et extérieure du Trésor, c’est-à-dire publique
directe. Les commentaires associés à ce tableau statistique nous
permettent toutefois de conclure que M. Boussetta s’est fait une
fausse idée du type de dette publique dont il est question (cf. 1).
Cet auteur ne s’est pas rendu compte que le montant exprimé en
dollars US de la dette extérieure publique en 1974 auquel il a fait
référence (1.218 millions$) diffère de celui mentionné dans le
tableau n° 3 et exprimé en dirhams (4.340 millions DH). Ce
montant regroupe non seulement la dette du Trésor (tableau n°3)
mais aussi la dette garantie par l’Etat au profit des établissements
et entreprises publics (EEP).
3
3. L’auteur de ces deux articles persiste à croire que tout
comme la dette intérieure du Trésor, la dette extérieure est la
conséquence directe d’une accumulation de déficits budgétaires
sans cesse renouvelés. Ceci revient à forcer l’interprétation
puisqu’en réalité l’encours de la dette extérieure publique qui se
dégage des tableaux statistiques 5 et 8 porte aussi bien sur la
dette du Trésor que sur celle garantie par l’Etat. On en déduit
donc que le déficit budgétaire n’est pas, en dépit de son
importance, le seul facteur explicatif de l’accumulation de la dette
publique; les besoins de financement du secteur des EEP,
totalement ignorés par M. Boussetta, sont eux aussi à l’origine
d’un endettement en constante progression. Il faudrait toutefois
souligner qu’il existe deux types de dette garantie: extérieure et
intérieure. Les tableaux statistiques mentionnés auparavant ne
comportent pas de données relatives à la dette intérieure
garantie, ce qui conduit à sous-évaluer la dette publique.
4
Tout comme pour le chapitre VII, la même remarque vaut pour la
première section intitulée «Profil de la dette directe du Trésor»
(pp. 135-144). Pour s’en convaincre, il suffit de lire à une
exception près (p. 136) les pages correspondantes. La «dette
intérieure du Trésor» (pp.137-140) et la «dette extérieure du
Trésor» (pp.140-144) qui ont fait l’objet de deux paragraphes
consécutifs portent plutôt sur la dette publique aussi bien directe
que garantie.
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(3) Karim, M. (2010 ) Viabilité des finances publiques marocaines, éditions l’Harmattan,
pp.135-150.
5
bilatéraux et non l’inverse. En pareil cas, le verbe régler signifie
précisément «payer les montants qui sont dus» ou «ce qu’on
doit». Paradoxalement, M. Mohamed Karim a, à une exception
près (France), pris les créanciers pour des débiteurs. Les
développements consacrés à la question de la répartition de la
charge d’amortissement de la dette publique extérieure par
groupe de créanciers prêtent de ce fait à confusion.
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l’auteur de ce texte, la dette du Trésor rapportée au PIB atteint
53,6% en 2008 (p.136). Cette proportion se situe plutôt à 47,3 %
compte tenu du PIB aux prix courants (base 1998) ou à 45,4%
seulement après changement de base de cet agrégat économique
fondamental (base 2007). Evidemment, il ne s’agit là que
d’exemples parmi d’autres, ce qui n’est pas fait pour rassurer le
lecteur averti.
2. Défaut de cohérence
7
des finances répond sans hésiter par l’affirmative. Cette réponse,
toutefois, n’est pas sans soulever un certain nombre de réserves.
8
recettes sont affectés au BGE) et/ou aux fonds procurés par les
dons empoisonnés des pays du CCG notamment. L’auteur
reconnaît lui-même que «des recettes importantes au titre des
privatisations depuis 1999 ont amélioré les soldes budgétaires
primaires…. » (p.148). Ceci revient plutôt à fausser la signification
et l’ampleur de cette catégorie de solde.
(4) A. Berrada (2008), préface de l’ouvrage d’El Mataoui B., Politique de réduction
du déficit budgétaire et croissance économique au Maroc, Etat des lieux, éditions
repères et perspectives, Rabat.
9
publique», p. 69 (2007,2008), de «dette publique totale» (2009),
p.71. La question se pose de savoir si ces dénominations
recouvrent la même signification? Apparemment oui. Le montant
de 386 milliards de dirhams (MMDH) mentionné à deux reprises
(pp. 68,-69) et qui se rapporte à l’année 2007 indique en effet que
«dette publique globale» (p.68) et «dette publique» (p.69) veulent
dire la même chose. Mais, qu’en est-il des autres années?
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10
milliards de dollars en 1986, soit une progression globale de
230%. Elle a atteint les 18 milliards de dollars en 1987, faisant du
Maroc l’un des pays les plus endettés du monde. Le service de la
dette qui absorbe 1,6 milliard de dollars en 1987, devait en
absorber 3 milliards en 1990. Durant cette période, le stock de la
dette a atteint le seuil de 25 milliards de dollars». Ces statistiques
appellent néanmoins plusieurs observations critiques basées sur
des documents de première main (6):
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d. Les chiffres avancés par l’auteur concernant le service de la
dette extérieure publique (intérêts* +amortissement**) sont
également incorrects (1,6 MM$ en 1987 et 3 MM$ environ en
1990). Comme on peut le constater ci-dessous, les chiffres
puisés à la source y sont nettement plus élevés (à noter que
l’opération de rééchelonnement ne porte pas sur la dette
extérieure publique dans son intégralité: 1983-1991) (7):
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(6) Royaume du Maroc, Ministère des finances, Division du Trésor et des assurances, Service
du Trésor, Mission FMI, octobre 1972, tableau XXXIV.
(7) Royaume du Maroc, Ministère des finances, Direction du Trésor et des finances
extérieures, Division de la gestion de la dette, Service de la centralisation statistique et de
l’informatisation de la dette, tableaux relatifs à l’évolution de la dette extérieure du Maroc de
1985 à 1990, C.S.I.D. (21/051991): Evolution de l’encours de la dette extérieure (1985-
1990)-25/05/1991- et de sa répartitin( 30/05/1991).
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s’assurer que les grandeurs y afférentes présentent une structure
homogène durant la période étudiée (1956-2010).
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de contraction oscille entre 0,8 et 2,6 points de pourcentage de
PIB à la faveur de l’application de la nouvelle année de base (2007
au lieu de 1998).
(8) S. Tber (2015), L’impact économique de la dette publique au Maroc entre aspirations
et réalité, mémoire de Master en économie, Cahier des jeunes chercheurs, série 2015,
faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Meknès.
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Il est tout aussi important de savoir qu’au moment de
l’indépendance du Maroc (1956), l’encours de la dette publique
directe s’élevait déjà à 1,321 MMDH. La dette extérieure,
principalement héritée du Protectorat, en constitue la plus
grosse part, soit 1,084 MMDH (82,1%). On est en droit de se
demander pourquoi les «négociateurs indigènes» à la
conférence d’Aix-les-Bains n’avaient-ils pas exigé l’effacement
de cette dette illégitime dont l’effet sur la croissance s’est fait
durement sentir pendant plusieurs décennies? (A. Berrada (2011),
« La dépendance économique à l’épreuve de l’indépendance politique (1956-
1972», revue marocaine d’audit et de développement, n°31-32, pp.86-87).
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- En citant la source, cette doctorante a trouvé le moyen
d‘écorcher le prénom de Belal (Abdelaziz et non pas Aziz), de
passer sous silence les noms de la publication et de l’éditeur
(Annuaire de l’Afrique du Nord, CRESM-CNRS) et de se tromper de
numéro de page (165 à la place de 166). D’autres sources
bibliographiques ont subi le même sort (notes 3&4, pp.6-7, etc.).
2.3. L’auteur de cet article affirme par ailleurs que «le Maroc a
bénéficié du rééchelonnement de sa dette extérieure portant sur
3
(9) Source: Banque Mondiale (1981), Maroc, Rapport sur le développement économique et
social, encours du service de la dette extérieure (millions de dirhams, prix courants), 1972-
1978, p.42.
4
(10) Zoubaine, A. (1998), «L’expérience du Royaume du Maroc en matière d’administration
et de gestion de la dette» (en arabe classique), FMA, Institut des politiques économiques,
politique et gestion de la dette dans les pays arabes, Emirats Arabes Unies, pp.226-227,
tableaux 5&6. Que «Monsieur Dette publique du Ministère des finances» pendant de longues
années soit ici remercié pour sa serviabilité, son honnêteté et son professionnalisme.
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2,4 milliards de dollars et s’est engagé, à partir de 1983, à… »
(p.10). Deux précisions s’imposent à ce propos :
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se documenter est une condition sine qua non de la démarche
scientifique. Au Maroc, l’importance prise par la dette des autres
entités du secteur public (établissements et entreprises publics,
collectivités locales) est telle qu’on ne peut pas ne pas s’y
intéresser. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler à l’auteur de
cet article que des statistiques suffisamment fiables sur la dette
publique garantie existent depuis 1972 au moins. A titre
d’exemple, la dette extérieure publique directe rapportée au PIB
base 1969 atteignait 18,7% en 1972 et 24,4% en 1977. En y
incluant la dette garantie, ces proportions s’élèvent
respectivement à 22,90% et 36,5%. Il s’ensuit donc une forte
hausse de la part de la dette garantie dans la dette publique
extérieure. De 18,3% en 1972, celle-ci est passée à 33,1% en
1977, soit presque le double. A noter toutefois que la prise en
compte de la dette intérieure et extérieure garantie ne suffit pas à
définir avec suffisamment de précision la structure de la dette
publique. Les autres entités du secteur public recourent par
ailleurs à des emprunts non garantis qui devront eux aussi en
faire partie. L’encours de la dette extérieure publique enregistre
de ce fait un bond pour atteindre 20,9% du PIB base 1980 en 1972
et 44,9% en 1977.
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ressent également, de même que la croissance de
l’économie. Le coût exorbitant de sauvetage du CIH et de la
CNCA ou de liquidation de la BNDE est encore présent dans
les mémoires. De nos jours, l’endettement excessif de
l’ONEE, l’ONCF et l’ADM, pour ne citer que ceux-là, est une
bombe à retardement qui risque d’aggraver les déséquilibres
structurels des finances publiques. Le processus de
restructuration de la dette de l’ADM est déjà lancé et il n’est
pas exclu qu’il fasse tâche d’huile.
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de 62,3 et 55,8% du PIB. En 2015, ces grandeurs atteignent 88,8
et 82,5%. En laissant de côté la question épineuse des dettes
implicites, il n’en demeure pas moins que ces proportions sont à
réviser à la hausse à concurrence de 5 à 7% du PIB. Il ne faut
surtout pas omettre que l’Etat accumule en permanence des
arriérés de dépenses d’un niveau élevé (3 à 4%) et que l’encours
de la dette des collectivités locales n’a pas été encore
correctement appréhendé (2 à 3%).
Evolution de la Dette Publique 2007-2015
(en pourcentage du PIB, base 2007)
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