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voyages / traduite de
l'anglais par M.M. Henry et
Breton
DES ;/VOYAGES.-
TOME XL.
CONDITIONS DE LA SOUSCRIPTION.
D-ES VOYAGES
TRADUITE DE l/ANGLAIS
TOME XL.
VOYAGE DE BARR.OW.
ÏOME T.
1817.
¥?0,Ym G E_
-•E'W ,,C H I N E. '
=.
SlLITJS ÏTALICTJE.
jg^g
20 VOYAGE
portèrent soit de la Perse , soit des
pays voisins.
L'empereur Caung-Chy, dans
ses remarques sur l'iiistoire natu-
relle, dit que les Chinois se trom-
pent beaucoup quand ils disent que
la soie est une prQduclion exclusive
du pays, puisque les plus hautes con-
trées de l'Inde, ont un ver indigène
plus gros, et qui file une soie plus
forte que celui de la Chine.
Quoique les anciens auteurs ne
parlent point de la soie il y a de
,
fortes raisons de croire qu'elle étoit
connue dans le Tangut et dans le
Katai. Plusieurs expressions de la
Bible attestent que l'on se servoit
de soie du temps de Salomon ; et
ces mots de Justin : Vestesper/uci-
dxs ac Jluidoe Médis} paroissent
ENeHiuE. ar
s'appliquer à des robes de soie.
Au surplus, ce n'est que par con-
jecture que je suppose que la soie
a été introduite en Chine de cette
manière j je n'ai d'autres autorités
pour le garantir , que celles que
j'ai citées, et cette circonstance
que les Juifs se sont sur-tout éta-
blis dans les provinces où. l'on cul-
tive la soie, et qu'il y a, de nos
jours, quantité d'individus de cette
nation, près de Ilang-Tchou-Fou.
Us en font un grand commerce, et
passent pour fabriquer les meilleures
étoffes de soie de la Chine. Je ne
vois pas comment il's 'auroient pu,
sans cela, se rendre assez agréables
aux.Chinois pour obtenir la pro-
,
tection de ce gouvernement jaloux,
au point qu'il leur est permis de
32 VOYAGE
contracter mariage avec les femmes
du pays II est vrai qu'ils n'ont
point cherchés en secret à détourner
les habìtans de la religion de leurs
pères, afin qu'ils embrassassent
la leur. Quoiqu'ils ne soient pas
très-renommés par leurs succès
dans les sciences ils se sont
,
ïiéanmoins rendus extrêmement
utiles par les divers persection-
nemens qu'ils ont introduits dans
les arts et les manufactures. On
en a même vu-abjurer.la reli-
gion de leurs ancêtres, et parvenir
à de grandes places dans le gouver-
nement. On m'a assuré que très-peu
d'entre eux excepté les rabbins,
,
ne connoissoient pas la langue hé-
braïque' lis se sont depuis si long-
temps mêlés avec les Cliinois, que
EN, C H I N E. 23 '
ieurs prêtres ont aujourd'hui beau-
coup de peine à conserver leurs,
synagogues. Tels sont les effets que
produit la tolérance opposée à, lat
persécution.
Un des missionnaires a rendu
compte d'une visite qu'il a faite
dans une synagogue dé juifs chi-
nois; il trouva les prêtres ferme-
ment attachés à leur ancienne loï^
ils n'avoient pas la moindre MéV
qu'il eut paru dans le monde un
autre Jésus que le fils de Sirach ?
dont leur histoire fait mention.
S'il en est ainsi, leurs ancêtres
ne peuvent avoir fait partie des
dix tribus qui furent menées ea
captivité; il y a pîntót ìieu de
croire qu'ils ont suivi Tannée
d'Alexandre ce qui s'accorde arec
,
24 VOYAGE
la date qu'ils fixçnt eux-mêmes â
leur arrivée en Chine. Us possé-
doíent une copie du Pentateuque
et d'autres fragmens de l'Ecriture
sainte, qu'ils avoient apportés de
l'occident ; mais ce qu'en dit ce
missionnaire ne peut être qu'im-
parfait , puisqu'il ne savoit pas
l'hébreu (i).
tienne.
Ces prêtres réussirent si bien à
introduire le culte deBoudha, qu'il
est encore une des religions domi-
nantes de la Chine. II n'est point
surprenant que le nom primitif du
dieu se soit perdu, car les Chinois
ne peuvent prononcer le E , ni le
D, et ils y ont substitué le mot Fo ;
c'est d'ailleurs leur usage de ne
point adopter de noms étrangers.
Dans'le cours du septième siè-
cle quelques chrétiens de la secte
,
des Nestoriens, passèrent de l'Inde
en Chine, et y furent quelque temps
tolérés par le gouvernement. Mais
ils abusèrent sans doute de son
ì
2.8 VOYAGE
indulgence et s'efforcèrent d'arra-
,
cher le peuple aux religions établies
"dans ís pays : c'est pourquoi ils
furent Fobjet de terribles persécu-
tions et l'on finit par les chasser
,
après çn'on eut fait subir le martyre
à un grand nombre.
Lorsque Gengis-Khan fit envahir
la-Chine, au commencement du i3e
siècle beaucoup de chrétiens de
.
l'église grecque suivirent son armée
triomphante. Ils furent si bien reçus
des Taxlares, que Koublai-Khan
étant monté sur le trône, et ayant
ì>âti la -rille de Pékin, leur fit la con-
cession d'un espace de terre pour
bâtir i£Ee''église, afin de retenir dans
sa capïîale des hommes si savans et
infiniment supérieurs aux Chinois.
Cependant ces'mêmes Chinois* orit
£S CHI8E. 29
affecté dans leur histoire de présen-
ter les Mongouls comme les plus
grands des barbares, et logeant leurs
chevaux dans les appartemens^ du
palais, tandis qu'eux - mêmes vi-
voient'dans les cours sous des tentes.
Le Père Lecomte dit, mais je ne
sais d'après quelle autorité, quelors-
' qu'on eut pris laville de Nankin, les
Tartares mirent toutes les femmes
chinoises dans des sacs, sans avoir
'égard à leur âge , ni à leur rang, et
'îes venâirent kl'encan; en sorte que
dans ce marché de chat en poche,
celui qui avoit" acheté une femme
'laideet vieille n'hésitoit pas à la je-
ter à la rivière.
Si le Père Lecomte n'a pas inventé
cette histoire de même que plusieurs
autres aussi plaisantes ; elle ne fait
G*
3û VOYAGE
pas plus d'honneur aux Chinois qui
achetoient, qu'aux Tartares qui ven-
doient. Mais il est plus charitable
de croire que l'anecdote est con-
trouvée.
II paroìt néanmoins que la nation
eut peu à regretter le renversement
de l'empire chinois par les Tartares
Mongouls. Grâces aux savans de
Balk et de Samarcande, qui avoient
fait partie de l'expédition l'astro-
,
nomie fut perfectionnée et leur ca-
,
lendrier réformé. Ils eurent,des ins-
trumens pour faire des observations
célestes, et l'on ouvrit une commu-
nication directe entre les deux extré-
mités de l'empire, en creusant aux
rivières un lit artificiel, et en cons-
truisant ce canal qui n'a pas de pa-
reil dans le monde.
E N G H I K E. ût
Ce fut vers cette époque et pen-
dant le règne de Koublai - Khan,
que Marc-Paul visita la cour de ce
prince, et qu'à son retour il pu-
blia la première relation de ce sin-
gulier empire. Ce qu'il en dit parut
si merveilleux, qu'on le croyoit le
fruit de son imagination. L'on re-
gardoilcomme autant d'impostures
ses descrijitions des magnifiques pa-
lais de l'empereur, de ses richesses
immenses, de l'étendue de ses états
et du nombre de ses sujets. Comme
il parloit sans cesse de millions ,
ses compatriotes lui donnèrent l'é—
pithèle de sìgnor Marco millione.
On dit que le jeune Marc-Paul
accompagna trois moines domini-
cains que Venise envoyoit comme
missionnaires dans la capitale de la
32 VOYAGE
Chine, sur la demande expresse de
'K_oublai - Khan. Mais, soit qu'ils
aient reçu peu d'encouragemens ,
ayant été précédés par des chrétiens
de l'église grecque; soit que le zèle
des Chinois n'ait pas été alors anssi
ardent au'il le fut depuis, il ne pa-
roît pas qu'ils soient demeurés long-
temps en Orient. Ils revinrent bien-
tôt dans leur patrie chargés de ri-
,
chesses.
La puissance des Mongouls ne
dura pas tout-à-fait un siècle, et
'durant cet intervalle un grand nom-
bre de Mahométans vinrent d'Ara-
bie en Chine. Ces peuples faisoient
depuis long - temps un commerce
avec les Chinois, mais seulement
comme aujourd'hui, par les ports
de la côte méridionale. Ils oblin-
E K C H I N E. 33
rent aisément accès dans la capitale,
ou ils se rendirent fort utiles pour
la correction de la chronologie et la
confection du calendrier.
Ils avoient appris la langue et
adopté les moeurs du peuple; ils
cherchèrent insensiblement à pro-
pager leurs principes, religieux , et
voulurent faire embrasser à tout le
peuple la doctrine de leur grand
prophète. Dans celte intention, ils
achetoient et élevoient à leurs dé-
pens les en fans que les pauvres
ctoient enclins à exjmser dans les
temps de famine , et faisoienl cher-
cher louíes les nuits dans les ruesde
,
la capitale, les nouveaux nés qu'on y
avoit jetés et qui n'étoient pas trop
,
affoiblis ou que quelques blessures
,
a'empêchoient pas de sauver. • '
34 VOYAGE
Au milieu du seizième siècle
,
quelques jésuites pénétrèrent dans
l'Orient. Un d'eux François Xa-
,
vier conduit par un zèle infatiga-
,
ble arriva à San- Chian^ petite
,
île sur la côte de la Chine, où il
mourut en i552 , par suite de ses
travaux. On prétend qu'il a fait à
pied environ cent mille milles an-"
glais ( i ) la plus grande partie à
,
travers des montagnes, des déserts f
des forêts et des sables brûlans.
Depuis que l'on a trouvé par le
,
cap de Bonne-Espérance, une com-
munication plus facile avec les In-
des et la Chine, une foule de mis-
sionnaires catholiques se sont volon-
te
furtivement introduits dans ce pays ,
« et ont cherché secrètement à pro-
K pager leur croyance; aussi, j'ai cru
<r
douze étrangers soient immédiatc-
c ment élargis, s
4-6 VOYAGE
ront être plus utiles que ceux du.
vénérable évêque qui dirige à pré-
sent la partie astronomique du ca-
lendrier chinois.
D'après ce que je viens de dire
sur les individus de différentes na-
tions qui, à diverses époques ont
,
obtenu accès dans la Chine, et dont
quelques-uns n'avoient pas d'autre
but que d'y propager leurs prin-
cipes religieux on peut conclure
,
que le culte primitif du pays a souf-
fert bien des changemens et des in-
novations, sur-tout depuis que la
du peuple la nature de
masse , par
îa langue, les maximes du gouver-
nement, et d'autres circonstances,
a toujours été tenue dans une igno-
rance profonde.
Les Juifs et les Indiens y ont été'
E W C H IS E. 47
encouragés tour-à-tour. Les jésuites
n'avoient qu'un seul obstacle à vain-
cre , cette loi qui enjoint aux Chinois
de faire des offrandes aux mânes de
leurs ancêtres. En tolérant cette cou-
tume , comme ils l'auroient fait s'ils '
n'eussent été entravés par les- ri-
gides dominicains, ils seroient, se-
lon toute apparence venus à bout
,
de faire du christianisme la religion
dominante et de la substituer k
,
celle apportée de l'Inde.
La pompe extérieure et presque
toutes les cérémonies de Péglise ro-
maine les cloches, les rosaires, les
,
images, les cierges. les ornemens
sacerdotaux et le pieux recueille-
ment des prêtres pendant l'oífice
divin les chants et l'encens, sont
,
des choses familières au peuple chi-
48 VOYAGE
nois, qui les voit dans tons leê
temples de Fó.
« Mais, dit lord Macartney, il
« est difficile de mettre un frein aux
« plaisirs des sens, dans un étal des-
« potique, oùl'ongoûte si peu d'au-
« tres jouissances. La confessionxé-
« pugue au caractère sombre et
« soupçonneux de la nation, et la
« pénitence 11e feroit qu'aggraver
« les misères de celui dont tout l'hé-
« ritage est son travail, et la pau-
« vreté son châtiment.
« La religion catholique a encore
<t contre elle les moeurs la Chine,
de
«
qui ôtent aux femmes leur in—
« fluence et leur.importance dans
xt
la société. Un culte qui ordonne
« aux femmes de communiquer aux
« prêtres en secret", et à de cer~
E N C H I K E.
.
45
« taines époques, leurs pensées et
« leurs actions, doit être forl in-
« commode pour un mari chinois ?
« qui lui-même n'a pas eu la per-
te
mission de voir sa femme avant
« le jour de son mariage, et qui
« souffre rarement ensuite qu'elle
« voie- même ses plus proches pâ-
te rens mâles.
« La terreur et la violence j>eu-
« vent seules propager une religion
et
semblable à celle de Mahomet; car
« Fopiniâtreté naturelle à l'homme
« ne permet joas qu'il cède prornp-
« tement à des impressions nou-
« velles; mais l'esprit doux et pai-
« sible de l'évangile ne peut s'insi-
« nuer que par la douceur, la pér-
it
suasion et une longue persévé-
« rance.
Tom. Y. %
00 V O Y A G S
<t
Ce sont là les véritables instru-
it mens de la conversion ; ils appar»
« tiennent sur-tout au beau sexe ,
« dont l'éloquence en de telles
,
« occasions, donne à la piété des
« charmes, et à la vérité des orne-
~« mens. L'hiíluenceetl'exernpiedes
Tom, V. G
74 V 0 Y A G'E
à celte cérémonie 5 un tableau avec
cette inscription en caractères
dorés :
te
O Cong - Fou - Tsé, notre
« maître "révéré que ton ame des-
,
« cende et se réjouisse des homma-
et ges que nous venons humble-
te ment t'offrir !
»
Devant le tableau sont placés des
fruits des vins des fleurs des
, , ,
parfums; on y brûle des gommes
aromatiques,' de l'encens, des ílam-
bleaux de bois de sandal et de pa-
pier doré. Ils sont persuadés que
cette cérémonie, qui sous tous les
rapports est la même que celles en
î'honneur de leurs ancêtres, est
agréable aux esprits invisibles de
ceux à qui l'on fait les offrandes ,
qu'ils errent avec délices au- milieu.
I
N C H NI Ê. 75
de Fodeur qu'exhalent les fleurs,
les fruits et la fumée de Fencens.
C'est de cette manière que les Ro-
mains, au jour anniversaire de leur
naissance offroient des fleurs des
, ,
fruits, du vin et de Fencens à ces
esprits invisibles qu'ils nommoient
génies :
Funde Ttierum genio.
it
blés à celles de quelques uns
et
des Pères de Féglise ; ils vivent
et
dans leurs temples comme dans
« des monastères et ils chantent
,
E y e H lN E. 83-
-
astringentes.
II y a quelque chose de si frap-
pant et de si remarquable dans
cette plante , qu'il n'est pas sur-
prenant que les Egyptiens el les
Indiens, dans leur manie de tirer
des allusions de tous les objets de
la nature, F aient considérée comme
un emblème de la puissance créa»-
tríce. On trouve roulées au milieu
de la graine , les feuilles de la nou-
velle plante qui doit se développer à
son tour if) ; elles sont parfaites et
te
innombrable armée jusque dans
EN e H I N E. Il5
st
les déserts de l'Inde, et qui ai
et parcouru la plus grande partie
ft du monde. »
II ne seroit pas impossible mais
,
je ne présente ceci que comme une
conjecture, que Fhistoire d'Osiris
et d'Isis ait été connue en Chine
dès le premier temps où commence
son histoire. Osiris , roi d'Egypte,
el ami d'Isis, étoit adoré sous la
forme d'un boeuf parce qu'il avoit
,
donné une attention particulière
•
ai) VoyMl'Encyclojêdie.
I2Q V O Y A GÏE
l'on pratique encore aujourd'hui en.
Chine la fêle de l'agriculture. Ces
solennités avoient sans doute pour
objet de révérer ceux à qui l'état
devoit les plus solides avantages
s
pour les encouragemens qu'ils
avoient accordés,à la culture des
terres.
Les disputes, les querelles, ìes
persécutions et les massacres qui
ont eu lieu à diverses époques entre
les différentes sectes du christia-
nisme en Europe, n'ont pas été
moins violentes, et n'ont pas ame-
né de suites plus terribles que les
dissensions qui ont éclaté en Chine
-
leur horoscope. II étoit difficile de
-leur persuader que je savois me
/
EN CHINE. 125
servir des instrurnens d'astronomie
apportés à. l'empereur , lorsque
j'avois avoué mon ignorance en-
astrologie.
Les prêtres des deux sectes sont
censés aussi attentifs à, conserver le
feu qui brûle éternellement sur
leurs autels, que l'étoient les ves-
tales de Rome ; mais leur négligence
à cet égard n'est suivie d'aucune
punition : aussi arrive—t-il souvent
que le feu sacré s'éteint par oubli
ou par accident. Ce ne sont point
des vierges qui l'entretiennent ; ce.
soin est confié à de jeunes garçons
qui se destinent à la prêtrise. De
même que les Grecs et les Piomains9
les Chinois ont leurs pénates ou.
dieux domestiques : ce ne sont point,
des idoles, mais de simples tablettes
12Ô VOYAGE
avec une courte inscription , devant
lesquelles brûle un cierge. Les
navires et les plus petils bateaux
ont leur tableau et leur cierge , et
dans l'habitacle de la boussole on
brûle continuellement un petit
cierge.
Dans toutes les villes dans
,
chaque bourg et chaque village
,
quelquefois au miìieu des bois, des
montagnes et des lieux incultes, il
y a de petits temples dont les portes
sont continuellement ouvertes à
ceux qui veulent connoìtre leur
destinée. La pratique de la religion
des Chinois se réduit à-peu-près à
interroger le destin ; il n'est pas
besoin de prêtre pour en feuilleter
le livre.
Si quelqu'un est sur le point
EN CHINE. 12^
d'entreprendre un voyage, d'ache-
ter une femme ou de bâtir une
maison, et sur-tout de rendre les
derniers devoirs à un de ses parens,
et qu'il ait quelques doutes sur le
succès de cette résolution il va au
,
temple le plus proche : s'il ne sait
pas lire , il emmène avec lui un de
ses amis plus habile. Sur l'autel de
chaque temple est une urne de bois
remplie de petits Mtons qui ont à
leurs extrémités de certains carac-
tères. Prenant l'urne dans ses mains,
il l'agite jusqu'à ce qu'un des bâ-
tons en sorte et tombe à terre. II
examine son inscription et cherche
,
la marque correspondante dans le
livre des oracles, qui est toujours
suspendu à la muraille da temple.
On renouvelle trois fois ce procé-
128 VOYAGE
dé , et si la réponse est favorable
une fois sur trois , on regarde le
présage comme heureux. Si l'événe-
ment répond à l'atlente du Chinois 5
ïl regarde comme lin devoir de
retourner au temple , d'y brûler
uneoudeuxfeuilles de papier peint
ou recouvert d'une feuille d'étain,
et de déposer sur l'autel quelques
pièces de cuivre, en reconnoissance
de la faveur qu'il a reçue. C'est
ainsi que seconsomme la plus grande
partie de l'élain que l'Europe en-
voie en Chine. J'ai déja observé
que les Chinois ne se réunissent
jamais pour faire leurs prières ou
leurs actions de grâces en commun.
C'étoit autrefois l'usage d'enter-
rer avec les empereurs et les princes
de leur famille, quand ils étoient
E K CHINE. I25
aiorls, leurs esclaves , et quelque-
fois aussi leurs concubines. Mais
on a depuis substitué à cette cou-
tume barbare , celle infiniment plus
innocente den'jmmoler les domesti-
ques que par effigie ; c'est-à-dire
d'enterrer dé's feuilles d'étain décou-
pées en formes humaines, et de pla-
cer sur les tombeaux des grands des
statues de bois ou de pierre, qui re-
présentent leurs esclaves.
Cette coutume paroît dériver des
Scythes et des Tartares, qui, selon
Hérodote la pratiquoient aux ob-
,
sèques de leurs souverains : ils em-
pâtaient vivans leurs chevaux, leurs
esclaves leurs femmes, et les ran-
,
geoient en cercle autour de la tombe
du tyran.
Les Chinois rendent à leurs pa-
100 VOYAGE
rens morts, tous les honneurs que
îeurs moyens permettent. Jamais je
n'ai passé entre la capitale et Yuen-
Min-Yuen, sans voir quantité de
marches funèbres. Celles des grands-
officiers d'état forment un cortège
de la longueur de près d'un derni-
jQiille(i).
Voici comment il se compose
d'ordinaire.
D'abord un prêtre découvert
s
puis une troupe de musiciens avec
des flûtes des trompettes et des
,
tymbales. Après eux viennent les
parens mâles du défunt, en longues
robes, bianches, et par derrière le
principal personnage du deuil, sou-
tenu par deux amis. Les efforts
CHAPITRE X 11.
.Voyage de Tong-Tchou-Fou à la pro-
vince de Canton. — Aspect du pays
et ses productions. — Edifices pu-
blics. — Condition du peuple. —
Agriculture, etc.
{J\Totedu Trad.~)
" P*
1*74 VOYAGE
premier étage ; car la petite porte
du rez-de-chaussée éloit murée.
Nous n'y trouvâmes que les quatre
murailles point d'escaliers ni
,
aucun moyen de monter plus haut ;
le rez-de-chaussée éloit obstrué de
décombres.
Ces pagodes que les Chinois
,
nomment Ta, et qui sont si com-
munes dans le pays (voy. la pi. 16
de Vatlas ) , paraissent n'avoir été
Isâties que pour embellir les lieux
,
ou terminer agréablement les pers-
pectives. Quelquefois elles parais-
sent dépendre d'un temple , mais on
n'y pratique aucun rite religieux.
-Quoi qu'il en soit, il paroît que la
•mode en est passée 5 il n'y en a pas,
dans tout l'empire une seule de
,
construction moderne ; et plusieurs
S N CHINE. I75
de celles que j'ai vues étoient en
ruines.
A la jonction dugrand canal avec
ï'Eu-ho, il n'y a ni bonde ni écluse.
Le courant assez rapide du canal
est seulement interrompu, de dis-
tance en distance , par des planches
mobiles qui glissent dans des rai-
nures entre les culées de pierre. Ces
vannes occasionnent rarement une
différence d'un pied dans le niveau,
de l'eau. II y a à chacune un corps- "
de-garde avec le double du nom-
,
bre ordinaire des soldats; ils aident
à lever ou à abaisser les vannes. Le
canal, qui au commencement avoit
de soixante à cent pieds de largeur
,
étoil resserré entre les pieds-droits
des écluses, et n'avoit qu'une tren-
taine de pieds.
I76 VOYAGE
Dans la soirée du a3 en noas
,
approchant de Tong Tchang-Fou,
nous nous amusâmes beaucoup
d'une manoeuvre militaire qu'on
faisoit évidemment pour nous sur-
prendre. On avoit rangé sous les
anurs de la ville trois cents soldats
sur une seule file, et les ténèbres
de la nuit nous les rendoient invi-
sibles. Dès que nous -fûmes à l'an-
cre , chaque soldat, au signal que
donn'a le gong, tira de dessous ses
habits une lanterne brillante, et ils
firent des évolutions fort agréables.
Le lendemain matin s nous ob-
j
servâmes pour la première fois
, s
quelques monticules qui bornoîent
l'horízon vers le nord. La campa-
gne etoit assez bien cultivée , mais
sans beaucoup d'adresse ni d'ef-
EN CHINE. I77
sorts. De gros villages bordoient
les rives du canal à "une lieue l'un
de l'autre. On y cultivoit en abon-
dance, dans les jardins, du tabac à
feuilles velues visqueuses, et à
,
fleurs d'un jaune-verdâtre, qui sur
le bord des pétales-prenoient une
foible teinte rose. Nous découvrî-
mes aussi de petites chènevières.
Les Chinois se servent plutôt des
graines el des jeunes feuilles du
chanvre pour les mêler à leur tabac,
ou même le lui substituer, que des
fibres de son écorce pour faire de la
toile. II est très-rare que les Chinois
et les Indous l'emploient à ce dernier
usage, pour lequel les Européens
en tirent tant de parti. Le grand
nombre de ramifications latérales
que pousse la tige du chanvre dans
l^ì V O Y A G I
les climats chauds diminue la Ion-*-
,
.gueur des fibres , et lui ôte ces pro-
priétés qui rendent si utile dans
ìe nord de l'Europe sa tige menue
,
et d'un seul jet.
Le laiteron est une plante qui se
trouve dans toutes les parties du
monde ; celui de la Chine ne dif-
fère point de celui d'Europe. Nous
vîmes une espèce d'anserine et ]
|
endroit, de de mille ; le courant,
dans l'endroit où il est le plus fort
„
faisoitsept à huit milles par heure ;
l'eau étoit aussi trouble aussi li-
,
moneuse , que s'il fût récemment
tombé des lorrens de pluie ; cepen-
dant il y avoit plusieurs mois qu'il
n'en étoit pas tornbé une goutte.
Entre VEu-ho et le fleuve Jaune
•
r'N CBH'Ï» 19a
îe grand canal a environ 200 milles
de longueur. La pente naturelleétant
du nord au sud ceux qui ont dirigé
,
cette entreprise paroissent avoir
choisi à-peu-j>rès le milieu entre les
deux rivières pour commencer les
,
travaux; ensorte que depuis ce mi-
lieu jusqu'au nord, où le sol est le
plus élevé on a été obligé pour
, ,
conserver le niveau, de creuser à
une profondeur de trente, quarante,
et même soixante pieds ; tandis que
du même point jusqu'au sud ou
,
en descendant, on a été obliaé de
faire refluer l'eau entre d'énormes
jetées de terre et de pierres infini-
ment au-dessus du sol marécageux
de la plaine.
II n'est point d'espace raisonnable
de temps qui eût rendu possible aux,
Tom.Y, R
'Í94 VOYAGE
forces humaines de faire d'aussi
prodigieux travaux, si l'on n'eût élé
dans un pays où le moindre signe"
d'un despote fait agir des millions
d'hommes. Les plus grands ouvra-
ges ont été exécutés en Chine et
,
•continuent de l'être par l'accumu-
'lalion des bras sans l'assistance des
,
machines hormis le petit nombre
,
de cas où il falloit absolument ap-*
peler la mécanique au secours des-
forces de rhonime.
Ainsi, dans les endroits où les
-canaux parcourent un terrain trop1
•
(1) Une pareille inclinaison dianV
nue environ un tiers de la charge. II
faudrait que l'angle ne fût que de
trente degrés et demi pour en retran-
cher la moitié (voyez la pi. 20.)
ÇJYoie du Trad. )
Tg6 VOYAGE
emploie ailleurs que de l'aversion
,
du gouvernement pour des innova-
tions qui priveraient des milliers
d'hommes de gagner leur vie par
le service des cabestans. Quelque
légèrement qu'on en juge en Eu-
rope , il n'y a pas de doute que l'in-
troduclion générale des machines
dans cet empire, afin de rendre le
travail plus prompt et plus expédi-
tif, produirait dans l'état actuel
des choses les plus funestes el les
plus désastreuses. N'y eût - il que
celle raison , les Chinois méprisant,
comme ils affectent de le faire, tout
commerce étranger, quelque bas que
pût être le produit des machines
,
les demandes n'en seroíent point
augmentées, et il y auroil moins
de bras employés.
EN c H i N n. 197
Plus les Chinois semblent con-
vaincus des avantages d'une com-
munication facile entre les di-
verses régions de í'empire, parle
moyen des canaux , plus il est éton-
nant que jusqu'à ce jour ils aient
négligé de faciliter les relations
commerciales par de bonnes roules,
dans les districts où il n'y a point
de canaux. Sous ce japport, ils
sont de Leaucoup inférieurs à la-
pïupart des peuples civilisés. A
î'exception des environs de la capi-
tale , et de quelques endroits où la
communication des rivières ayec le
grand canal est interrompue par
desmont3gnes, il y a à peine, dans
toutl'em 1 e ,une route qu'on
puisse appeler autrement que sen-
tier. Delà résulte que dans les pro-
R*
I98 V O Y A G il
vinces du nord il est impossible,
,
pendant l'hiver, de voyager com-
modément et avec sûreté : tous les
canaux au nord du fleuve Jaune,
par 34 et 35 degrés, sont pris par
lès glaces. II n'est pas moins éton-
nant qu'ils n'aient point inventé
de traîneaux ou d'autres voitures
propres à voyager sur la glace ,
tandis que d'autres nations ont fait
de ce genre de voyage le plus expé-
ditif de tous (1).
Tom. V. X
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